Ils ont tous approuvé la campagne. Un par un. Ils festoient, autour d'une table dressée en l'honneur de ce lancement réussi. Une semaine déjà que la campagne est visible partout. En ville, sur de grands panneaux publicitaires. Par-tout. Saül lève parfois les yeux sur le joli minois de sa belle-fille. Sourcils froncés, il sait pourtant que derrière ce visage angélique se cachent les manigances d'une effrontée. Elle s'est probablement assagie depuis qu'elle est avec Damon. Cela, Saül veut s'en convaincre.

Ils rient tous autour d'un verre de vin, mais Saül a les yeux rivés sur l'écran de son téléphone. Il guette, impatient, les derniers messages d'Ariane. C'est elle qui, pour la première fois, garde Abel. Seule. Toute la journée. Soucieux, l'italien n'a cessé de songer à ces retrouvailles et à ce qu'elles signifiaient. La rouquine est de nouveau dans le paysage et il est bien naturel qu'elle soit aussi présente pour son fils. Bien que les deux adultes ne s'entendent plus assez pour se tenir dans une pièce sans s'étriper mutuellement, le bonheur de leur fils passe au premier plan. Il rentre les griffes, Saül, lorsque le petit garçon montre à sa mère tous les jouets offerts par son père. Il ne pense qu'aux jours heureux. A la Grèce. A l'Italie. Et quand elle lève les yeux vers lui, Ariane, il ne se souvient que des rayons de soleil sur sa peau claire et des premiers instants passés auprès d'Abel.

La joyeuse bande d'hommes en costumes s'interrompt soudain. Le sujet a l'air brûlant, Saül n'y porte qu'une attention fugace, dissipée. Ils passent, de main en main, un téléphone sur lequel chacun pose des yeux ronds et avides. Des rires percent le silence de l'assemblée qui tourne lentement ses yeux vers le grand patron. Il relève les yeux, Saül, et fronce les sourcils. « Ai-je tâché ma veste ? » Un rire agite à nouveau la tablée et c'est le plus âgé de tous qui reprend son téléphone. « Je savais que je l'avais déjà vue quelque part, ta belle-fille. Dommage que Damon ne soit pas là. » Il montre, dévoilant un sourire intensément blanc, les photos dénudées d'une jeune femme. Alanguie, les cheveux détachés, elle séduit l’œil de l'appareil qui la capture. La photo suivante la montre avec encore moins de tissus et Saül détourne les yeux pour aller les planter dans ceux de son interlocuteur. La tablée rit et siffle. « Tu veux voir le reste ? Il se fait plaisir, ton fils. » Des photos, il y en a des dizaines. La ronde des sifflements reprend de plus belle alors que tous reçoivent sur leurs écrans les images de Megan qui, dénudée, semble vouloir les séduire un par un.

☼

« MEGAN ! »

Il tambourine à la porte, l'italien. Le poing serré autour de son téléphone, il songe à défoncer la porte du pied ou de l'épaule, quitte à se rompre les os. La rage au ventre, l'homme d'affaires à pris la liberté de se rendre devant le logement de son fils. Avec un peu de chance, il ne sera pas là pour assister au massacre. « OUVRE CETTE PUTAIN DE PORTE ! » Petite conne. Saül ne s'est pas éclipsé. Saül a enduré les rires gras de ses associés, impuissant face aux moqueries graveleuses et aux échanges de photos. Ils en riront pendant des jours. Et Damon en entendra parler. Le jeune homme essuiera les restes immondes de ces commentaires dégoûtants. Bien fait pour lui, qu'il pense fugacement, le paternel. A trop jouer avec le feu, on se brûle les doigts.

Les poings de Saül frappent encore contre le battant de la porte. Il y mettra les pieds d'ici quelques instants. « JE SAIS QUE TU ES LÀ, PETITE CONNE ! » Le voilà, son surnom préféré. Que faire, de toute façon ? Le mal est fait. Les preuves sont là, partout, dans le monde. Et le monde a désormais une arme pour railler Saül chaque jours au sujet de sa belle-fille. Quel beau scandale, ce mariage. Quelle belle raison de vouloir étriper Megan.

@Megan Williams

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Megan Monroe & @Saül Williams

Les photos sont magnifiques et difficiles à manquer. Elles s’étendent sur les arrêts de bus et autres billboards de la ville. Dans une tenue noire sublime de simplicité, mes cheveux blonds plus brillants que jamais et attachés de façon sophistiquée, je jette des regards séduisant aux badauds parée des plus belles pièces de la nouvelle collection de bijoux Michael Hills. La première fois que je suis tombée sur ma photo tirée sur une affiche de deux mètres de haut, je suis restée idiote. J’ai sorti mon téléphone pour poster un selfie avec, en arrière plan, la publicité, sur mes réseaux sociaux. J’ai envoyé un message à Joséphine - évidemment et j’ai découvert ceux de Shiloh qui m’avait évidemment devancée.

L’idée a été lancée par Saül et j’aurais été folle de refuser. Quitte à ce que son fils me pense vénale et intéressée, autant profiter des avantages que notre arrangement me procure, non ? Je voudrais qu’il sache Damon, que je n’ai pas fait tout ça pour ça. Mais jour après jour, il ne semble trouver ni la force ni l’envie de me pardonner. Alors j’embrasse ce personnage qu’il dépeint. Je deviens la trophy wife obsédée par l’image qu’elle renvoie au reste du monde, je deviens la jolie vitrine dont Saül voulait. D’un point de vue marketing, je dois admettre que c’est un coup de maître : les photos sont à couper le souffle, et la campagne rappelle au monde entier que Michael Hills est avant tout une histoire de famille et d’une seule : les Williams. Moi, il ne me reste plus qu’à encaisser le chèque et les followers. Je mentirais si je prétendais ne pas me sentir grisée à chaque fois que je croise mon visage en tournant les page d’un magazine de mode.

« MEGAN ! » Je suis rentrée du studio photo où je travaille quelques jours par semaine et déjà changée en vue d’une soirée avec Joséphine. Les bijoux que je porterai ce soir sont bien sûr signés MHI et les lourdes boucles d’oreilles sont celles que je porte sur les vidéos et photos. Je sursaute en entendant mon nom hurlé qui me provient depuis la porte d’entrée. Je ne reconnais pas tout de suite la voix du visiteur impromptu, choqué par la violence qui se dégage de ce cri. Déjà, je m’inquiète et pour cause : je suis seule à l’appartement. Damon n’a rien d’un gangster, mais sa présence m’aurait rassurée dans ce genre de situation. « OUVRE CETTE PUTAIN DE PORTE ! » Cette fois-ci, je reconnais la voix de celui qui tambourine violemment contre la porte : il s’agit de mon beau-père. Saül Williams en personne a fait le déplacement jusqu’à l’appartement que j’occupe avec son fils et mon sang se glace. Tétanisée au milieu du salon, j’observe la porte qui tremble sous les coups de l’homme d’affaires. Dans mon esprit défilent les derniers jours, les dernières semaines sans que je ne parvienne à mettre le droit sur quoi que ce soit qui pourrait m’être reproché. « JE SAIS QUE TU ES LÀ, PETITE CONNE ! » La violence de ses mots me frappe en même temps que tout le reste. J’approche de la porte, hésitante, mais parce que je n’ai pas d’autre choix : quelqu’un finira par appeler la police si je le laisse se donner en spectacle sur le palier.


Lorsque j’ouvre la porte, peur et surprise se disputent la première place sur mon innocent minois. J’entrouvre à peine la porte et s’il décide de la pousser d’un coup sec pour pénétrer à l’intérieur de l’appartement, je reste tétanisée et interdite. Je referme la porte derrière lui, avant de lui jeter un regard surpris et effrayé : l’italien me fait peur depuis le jour où il a refermé ses serres autour de mon bras. « Saül ? Qu’est ce que vous faites ici ? Qu’est ce qui vous prend ? » La campagne est un succès : ne devrait-il pas être ravi ? « Damon n’est pas encore rentré je… » Je replie mes bras autour de mon corps, comme pour me protéger d’une attaque que je pressens. Lorsque son téléphone est placé sous mes yeux, je perds la parole. J’ouvre la bouche pour me défendre, le ventre noué, avant de me raviser puis de finalement bredouiller quelques mots qui manquent d'assurance. « D’où ça vient ? Je peux vous expliquer… »

tw : violence physique.

Les plus méchants sont les chiens affamés. Saül l'a toujours enseigné à Damon. Il le lui avait dit, que les types qui bossent avec lui seraient prêts à tout pour le descendre. S'attaquer à la femme qu'il a épousée, ce n'est qu'un début. Détruire sa réputation brique par brique, alors que Saül a sué sang et eau pour la construire, voilà ce qu'ils veulent. Parce que les apparences sont importantes. Parce que personne ne parlera plus à Damon sans avoir l’œil lubrique, sans le pousser du coude en lui crachant au visage le sale prénom de sa femme. C'est à cela qu'il pense, Saül, alors qu'il tambourine à la porte de l'appartement de son fils. Elle a tout détruit, Megan. Sa seule présence est un poison. Il aurait dû, Saül, trouver une femme honorable à Damon. Il n'aurait pas dû se laisser emporter par ses propres peurs. Le patriarche a de bons avocats. Ils auraient réduit Megan au silence en un rien de temps. Des collègues qui ont des filles bien à marier, Saül en a des tas. Il s'en veut, l'homme d'affaires, de s'être précipité comme un imbécile. Dents serrées, il menace bientôt Megan d'enfoncer la porte si elle ne lui ouvre pas. Il sait qu'elle est là, entre ces murs. Bientôt, tout ça ne sera pas suffisant pour la protéger du courroux de son beau-père.

Elle finit par ouvrir, la gamine. Le regard fou de l'italien se fixe sur les bijoux qu'elle ose afficher. Maintenant que la compagne est lancée - et qu'elle est un franc succès - Megan a tous les droits de faire ainsi. Ce n'aurait été que de la bonne pub si le passé de la photographe ne s'en était pas mêlé. Désormais, tout le monde au bureau connaît ses photos de charme. Rien ne les arrêtera plus dans leurs moqueries. Saül n'a eu qu'un aperçu de ce que vivra bientôt Damon qui n'a absolument aucune idée de ce qui l'attend sur son lieu de travail. Au pire, les requins imprimeront ces photos pour les coller partout. Elles tourneront sous les yeux les plus vils, s'inscriront au fer dans les mémoires les plus perfides et on rappellera toujours à Damon Williams qu'il a épousé une prostituée. Parce que c'est ce qu'elle est, sur ces photos. Aux yeux de Saül, elle ne fait que vendre son image, son corps. Impossible de s'enlever de la tête le regard séducteur qu'elle lance à la caméra, sur ces clichés. La respiration saccadée, Saül passe la porte d'un mouvement brusque. Damon n'est pas ici. Il serait venu lui ouvrir, sinon. Tant mieux. Il n'assistera pas au massacre. « Saül ? Qu’est ce que vous faites ici ? Qu’est ce qui vous prend ? » « Ce qui me prend ? Ce qui me prend ?! » « Damon n’est pas encore rentré je… »

Alors il brandit sous les yeux candides de la blonde une première photo. Une autre suit immédiatement. Les yeux de Saül sondent, furibonds, ceux de Megan. S'il le pouvait, il y a longtemps qu'il aurait liquidé cette emmerdeuse. Elle ne fait qu'apporter des ennuis à la famille si respectable qu'il tente de maintenir dans les plus hautes sphères de la société. « D’où ça vient ? Je peux vous expliquer… » Les doigts de Saül se referment brusquement sur la gorge de Megan. Un bruit sourd accompagne le violent coup avec lequel il la repousse contre le mur jouxtant l'entrée. Oh, assez d'air ira jusqu'aux poumons de la blondinette. Saül s'en assure, resserrant pourtant sa prise sur la gorge frêle de Megan. Son ton baisse alors qu'il s'approche assez pour être entendu, même si sa voix est réduite à l'état de murmure. « Je n'ai pas besoin de tes explications, sale traînée. C'est mon fils que tu balances dans la boue. Mon fils. » Les doigts bagués de Saül se referment sur la peau de sa belle-fille alors qu'il écume à présent de rage. « Tout le bureau a vu ces photos. Tu sais ce qu'ils feront avec ces photos, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ?! » Il hurle les derniers mots à quelques centimètres du visage de Megan sans relâcher sa prise. « J'ai sauvé ta misérable vie en te mariant à mon fils. J'aurais dû savoir que les petites connes dans ton genre n'expriment jamais de gratitude. »

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Megan Monroe & @Saül Williams

tw violences

« Ce qui me prend ? Ce qui me prend ?! » Pendant quelques secondes, je ne comprends rien. Pendant quelques secondes, je me méprends et je me dis que malgré toutes nos précautions, Saül a découvert que j’avais repris contact avec Scott et que nous avions repris les choses où nous en étions avant sa première intervention, son premier accès de violence. Et je blêmis. Je blêmis puisque la dernière fois déjà, le patriarche m’avait terrifiée. La première fois déjà il m’avait menacée sans même chercher à s’en cacher. Et aujourd’hui, son regard me terrifie encore plus que cet hiver.

Oh, mais c’est pire. C’est pire parce que liaison ne couvre de honte que mon époux. Ce nouvel affront – c’est ainsi qu’il considère la chose – porte atteinte à sa réputation et à celle de son entreprise puisqu’il a fait de moi son effigie il y a quelques semaines à peine. C’est lui qui sera interrogé publiquement si les photos sortent – où les a-t-il récupérées ? – c’est lui qui devra justifier ce choix de visage de marque douteux. Je doute même qu’il se préoccupe réellement de Damon. Je tente de me justifier. Je veux qu’il me laisse la chance de me défendre, d’expliquer qu’aucune de ces photos n’est récente, qu’elles appartiennent au passé, un passé si bien enterré que je n’ai pas jugé nécessaire de le déterrer pour le mettre à la vue de l’homme d’affaires. Sauf qu’il ne m’en laisse pas le temps. Ma phrase s’étouffe dans un gargouillis surpris alors que ses doigts se referment brusquement autour de ma gorge et qu’il me pousse contre le mur le plus proche. L’arrière de mon crâne heurte violemment la paroi et quelque chose s’en décroche, une photo peut-être, ou bien un cadre. Il s’approche un peu plus de moi mais je n’ai pas besoin de ça pour avoir peur : je suis terrorisée pour que j’ai l’impression que tout dans son regard indique qu’il veut ou en tout cas qu’il serait capable de me tuer. « Je n'ai pas besoin de tes explications, sale traînée. C'est mon fils que tu balances dans la boue. Mon fils. » Joséphine, dramaturge confirmée, avait prédit que cette histoire se solderait pas un cadavre – le mien – dans un caniveau. Mais si tôt ? Les doigts de Saül se resserrent autour de ma nuque et cette fois-ci, ils le font assez pour réduire le débit du filet d’air qui entre dans mes poumons. « Tout le bureau a vu ces photos. Tu sais ce qu'ils feront avec ces photos, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ?! » Les mots de Saül cherchent leur chemin vers mon esprit mais se heurtent à la brutalité de ses gestes : je n’arrive à réfléchir qu’à bas régime. Il parle du bureau et je me dis au moins que pour l’instant, les photos n’ont pas quitté l’enceinte de Michaël Hills. Elles ne sont pas (encore) visibles de tous et le grand public ne sait rien de leur existence. Est-il encore possible d’enrayer leur diffusion à plus grande échelle ? Terrifiée, incapable d’articuler le moindre mot, je me contente de hocher brièvement la tête. C’est inédit. Je n’avais jamais eu peur de mourir. « J'ai sauvé ta misérable vie en te mariant à mon fils. J'aurais dû savoir que les petites connes dans ton genre n'expriment jamais de gratitude. » Sauvé la vie ? Que croit-il que je suis ? Un misérable chat de gouttière ? Sa vision du monde est-elle étriquée à ce point. Oui, bien sûr que oui. « Vous… Vous me faites mal. » Et peur. « C’était y’a des années. C’était dans une autre vie. » Ça ne devrait plus compter aujourd’hui, si ? « Lâchez moi. S’il vous plaît. » Il n’y a plus la moindre trace de virulence ou d’insolence dans ma voix. L’envie de me rebeller m’a quittée bien rapidement. Elle n’a pas survécu à l’agression du patriarche. « S’il vous plaît. Je peux plus rien changer. » Dans ce cas, m’agresser pour me faire ployer ne sert plus à rien. Ce qu’il fait là, c’est se venger. Et faire entendre raison à quelqu’un qui cherche à se venger, c’est bien plus compliqué. « Vous m’avez pas sauvée. J’ai besoin de personne pour ça. » Si supplier ne sert à rien, autant garder la face.

tw: violences.

Certaines situations ne pouvaient pas être anticipées - et ce en dépit de tous les efforts qui pouvaient être mis en oeuvre pour que ce soit le cas. Certains cas de figure semblaient tellement improbables, également, qu’ils n’étaient pas attendus. Pour ce qui s’apprêtait à se passer sous les yeux de Damon, il s’agissait des deux cas de figure: même s’il tentait d’anticiper beaucoup des actions de son père à son encontre, à l’encontre de Megan, il ne s’était pas imaginé un seul instant que la situation pouvait se ternir de cette façon là.

La journée avait été longue, fastidieuse. C’était dans ces moments là que le jeune italien se rendait bien compte que, bien qu’il dispose de qualités taillées pour ce type de travail, ce n’était là pas une arrière faite pour lui. Il se fatiguait très souvent malheureusement pour rien, et ses émotions étaient bien trop souvent mises à mal alors qu’il n’avait aucune envie de se sentir de la sorte. Peut-être qu’aujourd’hui, il avait remarqué certains regards quelque peu différents se posant sur lui, le suivant sur son passage dans un couloir ou une salle de réunion. Peut-être avait-il remarqué que l’ambiance était propice à l’arrivée d’une tempête - mais une fois encore, étant donné qu’il n’avait pu anticipé les circonstances dans lesquelles il était silencieusement en train de s’enfoncer, cela relevait plus d’un ressenti que d’une certitude. Se retournant sur lui-même une dernière fois alors qu’il sortait de l’ascenseur pour quitter le bâtiment de la MHI, il était à peu près sur d’avoir entendu un rire gras, un rire amer et autant moqueur, dirigée contre sa personne. Il fronça un instant ses sourcils, puis secoua son visage - il se faisait des idées, voilà tout. La fatigue était de mise et sa sensibilité de trop sollicité. Si seulement il avait su, à ce moment là, que rien de tout ça n’était le fruit de son imagination et que les choses qui l’attendaient une fois qu’il aurait poussé la porte de l’appartement que Megan et lui partageait depuis plusieurs mois désormais seraient reliées à ce ressenti qu’il trainait depuis plusieurs heures, il aurait peut-être fait les choses autrement.

Ce ne fut que lorsqu’il fut dans le couloir, à quelques pas de la porte de chez lui, que les poils de ses bras se mirent à s’hérisser. Dans son estomac, une boule s’était déjà formée - et il aurait juré que son coeur avait déjà commencé à prendre une allure plus soutenue que jusqu’alors. Damon n’aurait pu mettre le mot sur la raison qui poussait son corps à se mettre en alerte, mais il savait que quelque-chose n’allait pas. Quelques pas lui permirent de s’approcher de la porte de l’appartement et d’entendre des bruits, des paroles, comme étouffées depuis l’autre côté du battant. Il glissa alors rapidement la clef dans la serrure - et la scène sur laquelle tomba son regard le laissait une seconde, une seule, immobilisé dans l’entrée, la main sur la poignée de la porte, les yeux écarquillés. Là, à quelques mètres de lui, Saül tenait Megan par la gorge. Il n’y avait même pas un seul moyen de décrire cette scène avec un peu moins d’impact, un peu moins de violence, puisque cette dernière émanait de chaque centimètre carré qui pouvait être offert autour d’eux. Une seule seconde, Damon eut l’impression que son monde prenait un tournant à trois-cent soixante degrés. Ce n’était pas le fait que Saül soit violent qui le choquait, malheureusement il ne connaissait que trop bien ce côté là de son père; non, ce qui le laissa de glace et bouche-bée l’espace d’une seconde et d’une seule, ce fut qu’il agisse de la sorte avec et contre Megan. Presque par réflexe, il claqua la porte d’entrée de l’appartement d’un geste - parce-que ce n’était pas le moment d’attirer la curiosité des voisins et autres personnes pouvant se trouver dans le couloir de l’immeuble par hasard. Sa mallette s’était échouée au sol depuis l’instant où il était entré dans l’appartement. « Mais lâche la ! » Sa voix s’était élevée avant même qu’il ne s’en rende compte. Et la seconde d’après, il agrippait Saül par le costume, tâchait de trouver la moindre prise qu’il pouvait trouver pour faire en sorte qu’il s’éloigne de Megan. « Lâche la, t’es malade ou quoi ! » Le jeune italien ne se rappellerait pas avoir montré autant de force et d’agressivité envers qui que ce soit durant sa courte vie. Mais la situation nécessitait une réaction de ce type de sa part, alors qu’il pouvait lire la détresse dans le regard de Megan et la colère dans celui de son père. Il ne sut jamais si ce fut grâce à ses efforts à lui ou la surprise qu’il se soit jeté sur Saül de la sorte - et rien que le fait qu’il soit arrivé à ce moment là dans l’appartement, en réalité -, mais la prise qu’avait le vieil italien sur la peau blanchâtre de la jeune femme se fit moins ferme; assez pour qu’il puisse le tirer et séparer les deux autres personnes présentes. Déjà, les veines de ses tempes étaient ressenties et son coeur battait à mille à l’heure. Il se laissait guider par ses émotions, par l’instinct de survie aussi surement, et ne ressemblait en rien au petit Cosimo que l’homme face à lui avait pu connaître pendant des années. « T’es complètement taré ! » Il criait, désormais. Tant pis pour les curieux de l’extérieur. « Sors de là ! Dégage de l’appartement ! » La déception était un motif assez puissant, aussi, pour motiver les troupes à agir à l’encontre de tout ce qu’elles avaient eu l’habitude de faire. Parce-que en cet instant, Damon poussa d’un coup sec et violent, en apposant ses paumes sur le torse de son père, l’autre italien afin de lui montrer la sortie plus rapidement. Et aujourd’hui, aucune larme n’était à enregistrer; une première.