where the lines overlap

@rhett hartfield

L’idée de venir prendre un peu de temps pour lui, de profiter d’autres paysages et du soleil de l’Indonésie n’était pas quelque chose qui avait botté Ruben dès le premier regard au programme. Bien sûr, il avait des congés à poser à foison et le service de chirurgie saurait fonctionner sans lui pendant quelques jours sans soucis particulier. Mais prendre du repos n’était pas un concept très familier pour le Hartfield, si bien qu’il avait attendu jusqu’au dernier moment pour venir déposer son dossier - et il ne savait encore par quel miracle il avait été parmi les personnes sélectionnées pour le voyage. Qu’importe: désormais, c’était sous la lumière indonésienne qu’il avait fait son jogging du matin, et finalement ce n’était pas si pire qu’il aurait pu l’imaginer. Il s’était mis à imaginer ces vacances comme une torture, loin du boulot et de ses proches, et finalement il se trouvait à venir respirer tout aussi correctement, si ce n’était pas avec une pointe de soulagement. Il se détestait de penser ça, si bien qu’il vint refouler cette pensée dans un coin de son esprit afin de redoubler les foulées et rentrer à son hébergement le plus rapidement possible; le jeune homme était attendu dans un peu plus de deux heures pour une excursion sortant de l’ordinaire, et à laquelle il avait grandement hâte de se rendre.

La tête enfoncée dans une casquette et lunettes de soleil sur le nez, Ruben rejoint peu de temps après être passé sous la douche un petit groupe devant la boutique proposant les sorties jusqu’au Lawang Sewu. Il n’était en rien en retard, mais le guide associé à leur groupe pour le restant de la journée les faisait déjà monter à bord du bus, si bien qu’il n’eut pas le temps de patienter bien longtemps sans pouvoir s’installer presque confortablement sur l’un des sièges encore disponibles. Ce n’était pas la première fois qu’il quittait l’Australie, mais en revanche c’était la première fois qu’il venait ici et Ruben avait déjà hâte de commencer la visite; le fascicule qui leur avait transmis été déjà de nouveau ouvert entre ses mains, venant lire et relire les quelques lignes explicatives sur la suite de l’aventure. Ils seraient de retour avant le coucher du soleil, et c’était tant mieux: il avait réservé dans un restaurant local et avait hâte de se remplir la panse le soir venu.

Et s’il n’était pas venu relever une seule fois le visage lorsque les autres passagers étaient montés à bord du bus, Ben ne saurait expliqué pourquoi il l’avait fait à cet instant là - par réflexe à entendre un bruit en particulier, ou par instinct surement et c’était surement la meilleure explication. Quelle ne fut pas sa surprise cependant lorsque son regard tomba sur la silhouette de son frère, qui montait à son tour dans le bus de tourisme. D’instinct - une fois de plus -, ce fut un soupire qui s’échappa d’entre ses lèvres alors qu’il levait déjà les yeux au ciel. « C’est incroyable. » Il retirait ce qu’il pensait quelques heures plus tôt: il n’avait guère réussi à échapper à ses proches car, apparemment, Rhett n’avait rien trouvé de mieux que de venir en Indonésie en même temps que son plus jeune frère. « Me dis pas que t’es venu avec le voyage organisé toi aussi ? » Pas qu’il n’y avait pas le droit, bien au contraire; simplement le jeune médecin aurait préféré pouvoir profiter réellement seul de cette aventure et s’il avait du choisir un autre Hartfield pour venir avec lui, ça n’aurait surement pas été Garett. Si leur relation s’était quelque peu améliorée ces derniers temps, elle n’était pas encore au beau fixe, et pas du tout assez réparée pour se permettre de venir passer des vacances au même endroit.

Ils posent leurs vacances ensemble depuis toujours ou presque, mais tout est bien plus évident depuis qu’ils doivent les soumettre tous deux à ABC. Hassan et Rhett sont inséparables et ressemblent sans doute un peu trop à un vieux couple parfois (tout le temps), mais ils ont à coeur d’essayer de prendre au moins quelques jours par an pour se reposer. Hassan le premier, sans doute, à en juger par son emploi du temps digne d’un ministre, pour lequel il a même dû engager Ethel pour tenter de lui trouver des créneaux “repas” et “nuit” de temps à autre. Le brun est heureux de cette alliance inattendue, autant qu’il espère que sa cadette ne foutra pas tout en l’air. Pour l’heure, elle a pour ordre de ne l’appeler qu’en cas d’urgence, vacances loin du pays obligent. L’Indonésie s’offre à eux pour un temps et Rhett compte bien en profiter autant que possible ; c’est à dire ne rien faire du tout, autant que possible. La radio et la télévision attendront, l’équipe de l’UQ tout autant. Ce n’est pas comme s’ils allaient aller bien loin de toute façon.

Casquette sur la tête, lunettes teintées sur le nez, l’attirail n’est pas bien différent de celui de Brisbane. Ici, pourtant, tout a une douce odeur de vacances, quand bien même l’accent australien est proéminent du fait du jumelage des deux villes. Ce n’est pas pour déranger Rhett qui a toujours aimé garder une part d’assurance dans le moindre de ses gestes. Son chemin quitte celui d’Hassan pour la journée sans que cela n’ait rien d’un problème et se contente d’être le fruit d’envies différentes. Le dévolu de l’australien s’est jeté sur une visite atypique d’un bâtiment qui l’est tout autant et si cela n’a pas de véritable objectif culturel, ce n’est finalement que pour assouvir une curiosité certaine. Tant que personne du groupe de touriste ne souhaite lui parler de son poisson rouge ou de sa petite fille qui a eu deux ans la veille, il sait qu’il profitera pleinement de sa journée.

Sauf que. Il y avait une variable qu’il n’avait certainement pas anticipée, et encore moins espérée. Un homme à l’allure bien trop similaire, et pas seulement parce qu’il porte les mêmes accessoires que lui. « C’est incroyable. » Rhett laisse glisser ses oreilles plus loin sur son nez, comme pour s’assurer que Ruben ressemble toujours à Ruben, même sans écran. Malheureusement oui. « Me dis pas que t’es venu avec le voyage organisé toi aussi ? » - “Ouais. Non ? A moitié.” Pas vraiment, mais un peu quand même, parce qu’ABC avait trouvé que c’était une bonne idée de leur accorder leurs congés en plein milieu de cet événement, mais au fond ce n’était pas là leur idée première. Alors oui mais non, il n’en sait rien, et putain il se fiche bien de l’interrogatoire donné par son frère, non ? “T’es pas avec Grace ? Et puis qu’est-ce que tu fais ici, même ?” Il aurait voulu lui reprocher de ne pas lui avoir parlé de ses vacances mais puisqu’il n’en a rien fait non plus, Rhett se ravise bien rapidement. Ils sont tous les deux en tort, comme à leur habitude, et l’australien finit par prendre place sur la rangée de fauteuils derrière lui. “Tu t’attends à de nouveau voir des cadavres, comme pendant le bon vieux temps de tes cours à l’université ?” Il reprend finalement et demande dans un rire, ne comptant pas un seul instant manquer cette visite pour cause de petit frère gênant.

where the lines overlap

@rhett hartfield

Le regard que Rhett laissa glisser jusque son frère semblait être de corrélation avec celui que ce dernier lui lançait: il était surpris de le voir ici, et ne s’était pas attendu à ce que la situation prenne cette allure. « Ouais. Non ? A moitié. » Ruben vint légèrement froncer les sourcils. A moitié ? Ce n’était pas une vraie réponse. On ne pouvait pas venir à moitié à cause de quelque-chose, non ? Si ? Il vint secouer légèrement la tête. Cela ne viendrait pas régler son problème de base, qui était que désormais il n’était plus autant tranquille qu’il aurait pensé passer la journée. « T’es pas avec Grace ? Et puis qu’est-ce que tu fais ici, même ? » Car, par exemple, ce type de question il s’en serait bien passé - et toute personne présente ici ne pouvait se permettre un tel écart puisqu’il n’était qu’un inconnu dans une foule de touriste, jusqu’à temps que Rhett pointe le bout de son nez. Si Ben était dos droit et menton relevé l’instant d’avant, désormais il se laissait doucement retomber dans le siège du bus. Non, cela était évident qu’il n’était pas avec Grace, et de toutes manières cette dernière serait-elle venue avec lui jusqu’ici ? Depuis le début de l’année, entre eux, il avait l’impression que tout allait de mal en pis, qu’ils avaient de plus en plus de mal à se comprendre et à s’entendre - et s’il était honnête, il n’était même pas sûr qu’il aurait préféré venir avec elle pour cette escapade. Au moins, il avait l’impression de faire une coupure nette avec la vie réelle, à être venu seul ici… plus ou moins, du coup, car son regard retombait quand même sur son frère en cet instant. « Elle a pas pu se libérer. » Menteur. « Mais j’avais des congés à poser, alors j’ai quand même saisi l’occasion. » Presque menteur - disons que c’était plutôt pour échapper à la réalité qu’il était venu là, plutôt que parce-qu’elle ne pouvait le suivre.

Finalement, Garett vint se laisser tomber sur la rangée juste derrière son frère, ce qui étonna un instant ce dernier. Il aurait pu couper court à la conversation, commencer son escapade dans son coin et faire comme si son ennuyant petit frère n’était pas au même endroit que lui; et pourtant, ce fut lui qui vint continuer la conversation. « Tu t’attends à de nouveau voir des cadavres, comme pendant le bon vieux temps de tes cours à l’université ? » Il ne viendrait pas l’admettre à voix haute, bien sur, mais la blague de son frère et le rire allant de paire avec fut du bien à Ruben. Pour une fois, ils avaient là entre eux une conversation qui ne leur donnait pas envie de s’arracher les yeux - et très franchement, le jeune Hartfield n’avait pas l’énergie pour ça aujourd’hui. Alors, il laissa son sourire s’étirer sur ses lèvres et il secoua légèrement son visage. « Maintenant que t’es là, peut-être un peu. Mais juste pour te voir partir en courant. » Parce-que des deux, ce n’était pas le grand qui était habitué à côtoyer la mort de trop près chaque jour. « T’es venu seul aussi ? Pas de Hassan collé à tes baskets ? » En posant sa question, Ruben jeta un deuxième regard en direction de l’ouverture du bus, alors que les portes de ce dernier se refermaient. Apparemment, personne d’autre en plus de Rhett semblait attendu pour la visite. « De Hassan, ou de quelqu’un d’autre d’ailleurs. » Un petit sourire de malice s’accrocha au coin de ses lèvres, prononçant cette dernière phrase.

« Elle a pas pu se libérer. » Ça, c’est ce qu’il disait de Jenna quand ils s’étaient encore une fois disputés et qu’il venait seul aux sorties entre amies. C’est à cette période-là de sa vie qu’il s’est rendu compte d’à quel point trouver une petite-amie ayant le même cercle d’amis que lui n’avait finalement rien, absolument rien d’une bonne idée. Au moins lui n’a jamais été proche de Grace, à se contenter de la côtoyer de loin et de lui rendre ses bonjours. Il n’a rien contre elle, il ne l’apprécie pas réellement non plus, faute d’atomes crochus. Rien d’étonnant là-dedans, encore une fois. “Elle sait pas ce qu’elle rate. Il déteste les tuk tuk, Hassan déteste l’océan, mais même eux deux reconnaissant les bienfaits de ce pays autant que cette ville, alors Grace aurait adoré. La dispute a dû être violente, mais ces mots-là sont sa façon à lui de rassurer son petit frère. « Mais j’avais des congés à poser, alors j’ai quand même saisi l’occasion. » Ouais, ouais. Ils mentent aussi mal l’un que l’autre mais puisque sa vie de couple ne regarde pas Rhett, ce dernier se garde bien de poser davantage de questions encore, se contentant de prendre place sur la rangée de sièges derrière lui.

C’est sans doute rien, pas grand chose, mais il est heureux que sa blague ait son effet auprès de son frère, simplement parce que même avec toute la mauvaise foie du monde il ne saurait pas nier l’effet thérapeutique du sourire de son cadet. Et les sourires sont rares, entre eux, tant leurs discussions sont éternellement tendues sans que ce ne soit une volonté d’un côté ou de l’autre. « Maintenant que t’es là, peut-être un peu. Mais juste pour te voir partir en courant. » Rhett esquisse un sourire inégal en retour, voyant bien sûr ces quelques mots comme un défi. “Je suis habitué à voir des fractures ouvertes, je suis sûr que c’est plus ou moins la même chose.” Sans doute moins que plus, certes, mais puisqu’il est habitué à voir des os alors cela devrait être un jeu d’enfant que de voir un cadavre, n’est-ce pas ? Surtout alors qu’ils sont tous les deux assez grands et alertes pour savoir que si cadavre il y a, il y a fort à parier qu’il soit fait de plastique seulement, créé pour les touristes en manque de sensations fortes. « T’es venu seul aussi ? Pas de Hassan collé à tes baskets ? » Cette fois-ci, il accueille la question avec moins d’enthousiasme à en juger par le sous-entendu que Ruben laisse traîner au sujet de son ami de toujours. « De Hassan, ou de quelqu’un d’autre d’ailleurs. » Oh, Ben, ce sacré Ben. Son aîné laisse doucement glisser sa tête de droite à gauche, voulant rapidement lui faire comprendre qu’il n’a pas d’idées à se faire - et non, ce n’est pas Evelyn qui va passer la porte de ce bus, même si peut-être qu’il aurait apprécié pouvoir lui offrir un temps mort loin de l’Australie. “Je suis venu avec Hassan mais il voulait faire autre chose aujourd’hui.” Il aurait aimé contredire Ben sur toute la ligne, c’est un fait, mais son frère connaît un peu trop son incapacité à rester loin de son ami trop longtemps. “Juste avec Hassan.” Il prend le temps de préciser, ses yeux dans ceux de son homologue, sourcils levés alors qu’il s’accoude au dossier de son siège pour se rapprocher de lui. “T’avais discuté de quoi, avec Evelyn ?” Il n’a jamais aimé laisser perdurer le suspens ; il n’a jamais été doué pour ça non plus, raison pour laquelle le prénom de la jeune femme franchit rapidement ses lèvres, sans amertume aucune. “Les portes sont fermées et je crois qu’on a une bonne heure de route, alors j’ai tout le temps du monde pour te cuisiner.” Sa tête s’enfonce entre ses bras croisés, son sourire désormais plus grand que jamais alors qu’il a l’impression - assez satisfaisante - d’avoir pris Ruben à son propre jeu.

where the lines overlap

@rhett hartfield

Oh, s’il lui avait proposé de venir avec lui, Ben était presque sûr que Gracie aurait pu se libérer ou trouver un arrangement pour venir également profiter de ce voyage. Ils avaient tous les deux d’assez bonne relations autant avec leurs supérieurs qu’avec leurs collègues pour réussir à libérer des jours si le besoin s’en faisait ressentir ou se faisait présent. Cependant, le jeune chirurgien n’avait en rien proposé à celle qui partageait sa vie de venir avec lui sur cette destination. Et c’était là que le bas blessait - mais là étaient également des histoires qui ne regardaient en rien Rhett, si bien qu’il ne s’étendit pas sur la raison réelle. « Elle sait pas ce qu’elle rate. » Et il fut silencieusement reconnaissant envers son frère pour ne pas venir pointer autre chose du doigt que le manque de chance de la blonde et ce qu’elle ne pourrait ajouter à sa collection de souvenirs. Ce dernier ne manqua d’ailleurs pas de venir changer de sujet, ce qui étonna Ruben mais une fois de plus, il lui était reconnaissant de ne pas s’attarder sur Grace et les soucis sous-jacents qui étaient présents au sein de leur couple - même, il réussit à venir faire sourire son petit frère et pourtant, les choses n’avaient pas si bien démarré. « Je suis habitué à voir des fractures ouvertes, je suis sûr que c’est plus ou moins la même chose. » Il vint lever les yeux au ciel. « Exactement la même chose tu verras. » Des cadavres, des fractures ouvertes - si quelqu’un dans ce bus comprenait l’anglais et écoutait les deux jeunes hommes parler, il pourrait se poser des questions sur leurs métiers respectifs et pourquoi ils en étaient à bavasser sur des sujets qui en rebutaient plus d’un d’ordinaire. Ruben avait appris à avoir l’habitude des regards de travers quand il parlait à haute voix et en public des actions qui comblaient son quotidien.

Et si Garett était venu demander à son petit frère si sa moitié était également présente en ville, Ruben en fit de même. « Je suis venu avec Hassan mais il voulait faire autre chose aujourd’hui. » Il avait donc raison, la moitié de son aîné était également présente sur cette île. Les deux étaient toujours fourrés ensemble, de vrais adolescents parfois, ce n’était pas difficile de deviner que le premier avait suivi le second ici et inversement. Cependant, il aurait pu veni ici avec d’autres personnes que Hassan, comme une brune au joli sourire par exemple. « Juste avec Hassan. » Ruben vint hausser les épaules, comme s’il ne voyait pas réellement de quoi son frère voulait parler, comme s’il était innocent et qu’il n’était pas celui ayant posé la question. « T’avais discuté de quoi, avec Evelyn ? » Ruben se figea un instant. Ah, cette journée là. Voulait-il vraiment venir ressasser ce qu’il s’était passé et la raison de la présence chez lui ce jour là ? Vraiment ? Alors qu’ils avaient pourtant correctement démarré leur journée ? Décevant, Garett, mais pas étonnant. « De la pluie, du beau temps, de ta belle gueule. » Les détails n’étaient pas nécessaires, non ? « Les portes sont fermées et je crois qu’on a une bonne heure de route, alors j’ai tout le temps du monde pour te cuisiner. » Le plus jeune Hartfield tourna son regard vers son aîné, un voile blasé sur son regard. Il n’était pas aussi idiot qu’il pouvait en paraitre, le bougre, quand il y mettait du sien, et en cet instant cela constituait une épine dans le pied de Ruben. « Vraiment, de pas grand chose. Je suis sur que tu te fais des films dans ton esprit pour rien. » Pendant un instant, il eut un petit sourire amusé qui s’étira sur ses lèvres. « Elle t’apprécie, tu sais. C’est tout ce que je peux dire sans trop rompre les promesses que j’ai fait. » Et puis de toutes façons, cela n’aurait réellement aucun intérêt à venir révéler de quoi les propos qu’il avait tenu à Evie étaient réellement composés, si ce n’était que jeter un froid entre eux et risquer qu’ils en viennent aux mains une bonne fois pour toute - ce n’était en rien le moment, sans compter que ce n’était pas l’endroit, et que Ruben n’était vraiment pas d’humeur à se battre contre son frère qui plus était.

Si Ruben en profite pour l’interroger sur Hassan et une possible autre présence en Indonésie, Rhett ne manque pas d’utiliser à son tour son droit de questionnement, préférant toutefois situer son interrogation sur quelque chose de plus lointain et, surtout, passé. Ainsi, c’est le plus naturellement du monde qu’il vient lui demander davantage de précision sur les quelques dizaines de minutes, si ce n’est plus, que son frère a pu passer en tête à tête avec la douce Evelyn. « De la pluie, du beau temps, de ta belle gueule. » Et c’est justement bien ce qui l’inquiète: qu’ils aient pu parler de sa belle gueule. Surtout, de ce que Ruben aurait pu lui en dire, et ce même s’il n’a pas eu l’impression que le regard d’Evie ait changé après leur discussion. « Vraiment, de pas grand chose. Je suis sur que tu te fais des films dans ton esprit pour rien. » Il voudrait avoir assez confiance en son cadet pour se contenter de ces quelques mots. Sincèrement, il aimerait que tout soit aussi simple et limpide et qu’il ne soit pas constamment occupé à combattre des moulins, même ceux avec une belle gueule comme la sienne.

« Elle t’apprécie, tu sais. C’est tout ce que je peux dire sans trop rompre les promesses que j’ai fait. » Au sourire de Ruben répond l’étonnement de Rhett. Il sait qu’elle l’apprécie (ou tout du moins il avait eu l’audace de l’espérer) et il en est de même en retour, mais il ne compte pas s’attarder davantage sur ce sujet avec son petit frère. Au contraire, son attention est retenue ailleurs, sur d’autres mots ayant clôturé ses propos. “Comment ça les promesses que tu lui as faites ?” Il ne doute pas de leur bon fondement, mais est simplement surpris qu’elles existent en premier lieu. Qui tient des promesses à une personne qu’il connaît à peine et, surtout, à qui il n’a parlé que quelques minutes ? Plus que jamais, cela fait naître des interrogations bien visibles dans le regard clair et perdu de Garrett. “Elle a pas eu droit au schéma familial avec précision. C’est tout. Je voulais pas l’effrayer dès le départ.” Il ne précise pas de quel genre de départ il est question, bien conscient que son frère a désormais trente ans et non plus dix à peine. Il n’est plus en âge d’apprendre quoi que ce soit de la part de son aîné.

where the lines overlap

@rhett hartfield

Si son frère comptait le prendre à son propre jeu, comme il l’avait lui-même dit: ils avaient devant eu une bonne heure de trajet jusqu’au lieu de visite et Ruben pouvait tout aussi bien s’en servir à son avantage, faire languir son aîné, venir tourner autour du pot. Oh, cela se voyait - se sentait - dans sa façon de faire et de parler qu’il désirait savoir exactement ce que Ben avait pu dire à Evelyn. Ce dernier n’avait en réalité rien à cacher, mais à voir l’étonnement sur le visage de l’autre Hartfield lorsqu’il vint évoquer quelconques promesses faites de sa part à la jeune femme, il ne sut réfréner son sourire. « Comment ça les promesses que tu lui as faites ? » Il vint hausser les épaules, Ruben, feignant une innocence qui lui allait malheureusement que trop bien au teint. « Si je t’en parle, ce seront plus des promesses, non ? » Peut-être que finalement, leur but principal n’était que de se mettre mutuellement des bâtons dans les roues au détour de toutes leurs conversations. « Elle a pas eu droit au schéma familial avec précision. C’est tout. Je voulais pas l’effrayer dès le départ. » Un petit rire s’échappa d’entre les lèvres du brun à voir ce semblant de panique se frayer un chemin dans l’esprit de son frère. Peut-être qu’il appréciait également la jeune femme, bien plus que son cadet n’aurait pu l’imaginer, pour s’inquiéter de la sorte de ce qu’elle avait pu apprendre sur leur famille. Ruben était dans un bon jour, alors il mit rapidement fin aux souffrances de son frère. « Promis, j’ai rien raconté de compromettant sur toi. » Comme s’ils avaient assez partagé de moments ensemble pour que ce soit le cas, de toutes façons. « Et je t’ai pas fait honte non plus, si tu veux savoir. J’ai été sage comme une image. » De toutes façons, il était souvent trop sage comme une image justement, le dernier Hartfield. « Par contre, je me suis inquiété sur son état de santé et je lui ai peut-être fait peur à venir réagir trop vite, et à suspecter trop de choses dont elle voulait pas me parler. Qu’est-ce qu’il s’était passé, Rhett ? » Si l’instant d’avant, l’amusement avait pris ses traits d’assaut, c’était l’inquiétude qui prit le dessus pendant un instant. Il était vrai qu’il n’avait guère creuser plus ce léger détail sur le moment, mais maintenant que la conversation revenait sur le tapis, il n’allait pas s’en priver.

Et puis, quitte à parler des sujets qui fâchent et puisque de toutes façons, cela ne faisait par partie des promesses qu’il avait fait à Evelyn… « Tu te doutes aussi que c’était pas pour la rencontrer elle que j’étais venu chez toi, hein ? » Parce-qu’ils n’avaient gère pris le temps de venir discuter ensemble de cette partie là de l’histoire. Ruben ne s’était pas pointé un matin par hasard chez son frère, étant donné qu’il ne se rendait chez lui que à trop peu d’occasions si ce n’était même quasiment jamais. S’il avait sonné - plutôt frappé avec hargne - à la porte étiquetée Hartfield cet autre jour, c’était pour un sujet bien moins amusant que les coupes et les trophées obtenus au fil des années grâce aux exploits sportifs de l’ainé des deux hommes. « J’étais chez toi car maintenant, mes collègues te reconnaissent sans soucis aux urgences de l’hôpital et que c’est comme ça que j’ai appris que t’étais passé par les urgences dans la soirée de la veille. » Oh, Garett n’était pas assez idiot pour ne comprendre où il voulait déjà en venir. « Sans précisions sur la raison de ta venue, bien sur. Sinon c’est pas marrant. » Sinon il ne serait pas venu une fois de plus se faire des films sur la façon très spécifique pour laquelle Rhett pouvait se trouver entre les mains des médecins. Dans un sens, cela montrait à son frère la façon dont Ben s’inquiétait pour lui, même s’il ne l’admettrait surement jamais de façon aussi claire.

Ce n’est pas qu’il n’a pas confiance en Ruben, c’est qu’il n’a finalement jamais eu de raison de le faire, les années et leurs différentes idées les ayant éternellement séparés. L’ordre des choses aurait voulu que ce soit Rhett qui fasse l’effort d’apprendre à connaître son cadet et lui montre toutes les astuces de la vie, mais il n’en a rien été. « Si je t’en parle, ce seront plus des promesses, non ? » Certes, certes, mais Rhett n’a jamais été du genre à jouer sur les mots. Il n’a jamais été du genre à leur apporter une grande importance non plus, pour être honnête, alors il se contente une fois de plus de lever un sourcil suspicieux. Le problème n’est pas réellement qu’il ait encore ses propres secrets ; le problème c’est de savoir quel genre de secret peut exister entre lui et Evelyn. Comprenant que son cadet ne lâchera pas son os, Rhett abandonne la mission de lui-même, essayant avec toute la difficulté du monde d’avoir confiance en lui. En lui, et en Evelyn. « Promis, j’ai rien raconté de compromettant sur toi. » Se voulant compréhensif, il hoche la tête, les articulations de son cou pourtant quelque peu rouillées. Il rebondit sur le siège à cause de la route cabossée, ne dit pas un mot de plus. « Et je t’ai pas fait honte non plus, si tu veux savoir. J’ai été sage comme une image. » - “Je sais, c’est ce que tu fais de mieux.” Et pour une fois, il n’y a aucun reproche dans ses mots. Pour une fois, il se contente de statuer la vérité telle qu’elle l’est: Ruben était un gamin parfait, il est devenu un adulte qui l’est tout autant, en plus de maintenant sauver des vies. « Par contre, je me suis inquiété sur son état de santé et je lui ai peut-être fait peur à venir réagir trop vite, et à suspecter trop de choses dont elle voulait pas me parler. Qu’est-ce qu’il s’était passé, Rhett ? » Le sourire a disparu du visage de l’un autant que de l’autre, l’ancien sportif se replaçant désormais dans le fond de son fauteuil après un long soupire. “Je sais pas, Ben.” Il joue la carte de la sincérité mais puisque ses mots pourraient laisser penser le contraire, il se reprend bien rapidement. “Elle m’a dit qu’elle était juste tombée mais…” Mais il n’a pas besoin d’être médecin pour savoir qu’elle n’a pas les blessures d’une simple chute, table en verre ou non. “J’ai pas creusé. Elle avait besoin de quelqu’un sur qui compter, et j’étais là pour ça.” Ce n’était ni le lieu ni le moment pour l’interroger davantage, alors il a joué le rôle qu’Evelyn avait préparé pour lui: celui du bon ami qui accepte son histoire sans broncher, celui qui ne pose pas trop de questions. Il sait qu’il aurait mieux pu jouer sur les deux tableaux mais pour l’heure actuelle, il marche encore trop sur des œufs avec la Pearson pour changer de ligne de conduite et risquer de la perdre.

« Tu te doutes aussi que c’était pas pour la rencontrer elle que j’étais venu chez toi, hein ? » Le changement de sujet est soudain et tout aussi inattendu alors que Rhett pensait encore que cette partie-là de l’histoire, sans doute peu plaisante, allait continuer à être passée sous silence comme s’il n’y avait rien de plus logique à cela. Comme pour assurer le secret de leur échange, l’anglais étant tout de même largement répandu, il se rapproche du siège devant lui pour que Ruben puisse parler un ton plus bas. “Sans doute parce que tu connaissais même pas son existence avant de la rencontrer, oui, j’avais une idée dans ce sens.” Il n’a pas caché un seul instant savoir que Ruben avait une idée derrière la tête, sans savoir quoi exactement, mais depuis leur échange aussi bref que musclé, personne n’en a reparlé. Parfois, toutes les explications ne sont pas bonnes à donner. « J’étais chez toi car maintenant, mes collègues te reconnaissent sans soucis aux urgences de l’hôpital et que c’est comme ça que j’ai appris que t’étais passé par les urgences dans la soirée de la veille. » A l’éternel mine contrariée dénote plutôt en cet instant l’amusement visible sur le visage de Rhett, couplé à une certaine empathie. « Sans précisions sur la raison de ta venue, bien sur. Sinon c’est pas marrant. » Sa main se pose dans les cheveux de son cadet simplement et uniquement pour venir les ébouriffer, geste anticipant les mots. “Alors t’es venu parce que tu t’es inquiété.” qu’il traduit finalement en bien moins de mots. Parce qu’il était inquiet et sans nul doute énervé, aussi, mais ça l’histoire n’a aucune envie de le préciser.

Bien conscient que la discussion est plus sérieuse qu’elle n’en a l’air, il abandonne rapidement son jeu et vient se placer sur le siège à côté de son frère, manquant très certainement de se casser une hanche au passage. Cette fois-ci, sa mine est déjà bien plus sérieuse. “Tu sais que c’est le grand frère qui doit veiller sur son cadet et pas l’inverse, hein ?” Il est parfois un peu vieux-jeu, Rhett, sans doute trop attaché aux traditions aussi. Dans sa vision des choses, c’est son rôle de protéger Ruben, et lui ne devrait pas avoir à s’inquiéter pour lui. “Je vais bien, Ben. Je te le jure.” Tous deux savent qu’il n’avait pas eu peur que son frère ait connu un accident de la vie ou Dieu sait quoi encore: il avait eu peur qu’il ait rechuté et trouvé le moyen de faire une overdose, encore, ou Dieu sait quoi d’autre. “Les médecins voulaient qu’Evie ait quelqu’un avec elle pour qu’ils acceptent de la laisser sortir. C’est pour ça que j’étais aux urgences.” Et non pour lui. Il ne précisera pas que sa consommation n’a pas baissée et qu’il a même demandé à une amie d’Ethel de le fournir en substituts, et ce pour une infinité de raisons bien différentes.

where the lines overlap

@rhett hartfield

« Je sais, c’est ce que tu fais de mieux. » Il étira encore un brin davantage son sourire - un instant, un seul, avant de passer sur un autre sujet qui n’était lui pas autant amusant. En effet, il n’avait pu s’empêcher de remarquer que les marques que semblaient porter la peau de la jeune femme n’étaient en rien en corrélation avec le discours qu’elle avait pu tenir à Ben, et ce dernier s’était réellement inquiété. Et, à voir le sourire de son frère fondre également comme neige au soleil, il n’était pas sûr que la réponse qu’il s’apprêtait à lui fournir le satisferait guère. « Je sais pas, Ben. Elle m’a dit qu’elle était juste tombée mais… » Les lèvres du jeune homme se pincèrent en une ligne fine, comprenait parfaitement le mais de la phrase de son frère. « Mais t’y as pas cru non plus. » Même si cela se savait sans se dire, Ruben préféra venir mettre les mots à plats sur cette situation. Il ne pouvait jamais savoir si cela pourrait être utile d’être sur la même page, pour la suite. « J’ai pas creusé. Elle avait besoin de quelqu’un sur qui compter, et j’étais là pour ça. » Dans d’autres circonstances, il serait venu lâcher un soupire mais il ne pouvait venir contredire Rhett cette fois-ci, en paroles ou en gestes: il avait agi au mieux pour quelqu’un dans le besoin.

Tout comme Ben l’avait fait, en réalité, alors qu’il était arrivé comme une furie chez son frère ce fameux jour, appuyant plus que de raison sur la sonnette de l’appartement. Il était venu agir de la façon qui lui avait semblé le plus juste, avec les élément qui lui avaient été fourni. « Sans doute parce que tu connaissais même pas son existence avant de la rencontrer, oui, j’avais une idée dans ce sens. » Il n’avait pas sacrifié des heures de sommeil pour venir rencontrer une jeune femme qui ne savait en rien présente chez Garett, il était venu jusque chez son aîné parce-que les bruits de couloir qui lui étaient parvenus ne lui avaient pas plu. Il n’avait pas apprécié la première fois que Rhett s’était retrouvé aux urgences parce-qu’il avait accidentellement pris une dose un brin trop élevée de médicaments. Pour tout un tas de raisons qui lui paraissaient tout à fait valable, Ben ne voulait pas voir cette situation se présenter de nouveau, qu’importe ce que Rhett avait bien à en dire dessus. Il ne supportait pas l’idée que son frère puisse jouer avec sa vie, avec son existence, de la sorte alors qu’ils savaient pertinemment tous les deux à quel point les choses pouvaient que trop tourner rapidement et ne plus jamais être les mêmes du jour au lendemain. Alors, il s’attendait à ce que Garett viennent jouer son rôle de grand frère, celui qu’il n’avait jamais réellement endosser mais qu’il semblait adorer porter tout de même - cependant, alors que sa main ébouriffait les cheveux de Ruben, ce dernier se laissa prendre par la surprise; brièvement, mais elle put être lisible sur ses traits. « Alors t’es venu parce que tu t’es inquiété. » Et s'il s’était laissé prendre par la surprise, cela ne dura que quelques secondes puisque celles d’après, il levait les yeux au ciel, secouait la tête, croisait les bras sur son torse. Il était venu parce-qu’il était en colère d’essuyer encore une fois les regards de ses collègues, sans savoir quelle en était la raison, mais supposant le jugement et l’amertume dans ces derniers. Quel chirurgien honorable pouvait trainer un tel fardeau ? De telles complications ? Cela finirait un jour par venir se mettre en travers de sa route, il le savait, mais pour le moment et à voir le visage de Rhett qui ne portait aucun reproche ou aucun jugement, lui, à la façon dont son petit frère avait réagi, Ruben ne pouvait laisser toute cette partie là de l’histoire s’imposer à eux - pas maintenant, pas aujourd’hui. Ils auraient tout le temps du monde de venir se prendre les pieds dans les reproches un autre jour.

Il préférait prétendre bouder parce-que Rhett le traitait comme un enfant, à venir mettre du désordre dans ses cheveux, alors que ce dernier venait se glisser non sans mal à ses côtés sur sa rangée de bus - ce dernier semblait prendre de plus en plus de vitesse d’ailleurs, et ce n’était pas un fait rassurant. « Tu sais que c’est le grand frère qui doit veiller sur son cadet et pas l’inverse, hein ? » S’ils n’étaient pas dans un moment où ils tentaient tous les deux d’y mettre un peu du leur, de faire des efforts, il serait venu répliquer que seulement l’un d’eux deux avait du soucis à se faire pour l’autre - Ruben faisant un sans faute sur toute la ligne depuis des années désormais. Mais comme il avait très bien saisi que son grand frère ne venait pas souligner cette partie là de l’histoire pour l’énerver, il ne réagit alors pas dans ce sens là. « Je vais bien, Ben. Je te le jure. » Glissant son regard de la vitre sur laquelle il l’avait envoyer valser jusqu’au visage de Rhett, le jeune Hartfield tentait de déceler le moindre trait de mensonge, mais ne réussit à en voir aucun. Garett allait-il aussi bien qu’il le disait, ou était-il simplement bon acteur ? « Les médecins voulaient qu’Evie ait quelqu’un avec elle pour qu’ils acceptent de la laisser sortir. C’est pour ça que j’étais aux urgences. » Pas qu’il était content que la seule personne concernée par l’inquiétude de ses collègues des urgences soit Evelyn, mais il se voulait être soulagé que Rhett n’ait pas eu besoin de soins de son côté également. Il voulait se sentir mieux, croire son frère lorsqu’il lui disait aller bien, lorsque tout semblait reprendre le court normal des choses et que la vie semblait nouveau leur sourire. Il resterait toujours cependant sur ses gardes, Ruben: il savait que trop bien qu’il était facile de sourire pour prétendre que tout allait bien, alors que la réalité n’était pas aussi rose. Il laissa échapper un soupire, un peu malgré lui. « Je sais que je le montre pas… » Pas du tout, en aucun cas, jamais à dire vrai. « … mais c’est pas pour autant que je suis pas là si tu vas pas bien, justement, Garett. » Il serait le premier à pointer du doigt sa façon d’agir, à ne pas se méprendre; mais si son frère venait à lui en lui demandant de l’aide, il serait également le premier à lui tendre la main pour l’aider à se relever. Il déglutit avec un brin de peine avant de prononcer la phrase suivante. « Jackson aurait été meilleur que moi dans ce rôle, mais je peux faire des efforts. » Il ne saurait jamais égaler la façon dont leur aîné avait toujours réussi à exceller en tant que frère, mais en y mettant un peu du sien il réussirait peut-être à faire un job à peu près correct. Il réussissait bien avec Ethel, alors pourquoi était-ce si compliqué avec Rhett ?

« Mais t’y as pas cru non plus. » Pas une seule seconde, non, tout comme il voit tout autant que Ruben s’octroie plusieurs secondes d’analyse et de réflexion lorsque son aîné lui assure aller bien: lui non plus ne le croit pas un seul instant, habitué aux mensonges pour se voiler la face. Il a raison de douter, parce que c’en est justement un de plus dans un océan où ils sont devenus impossibles à dénombrer. Au moins, il peut profiter de parler d’Evelyn pour noyer le poisson dans l’eau, sans pour autant feindre un seul instant tout le souci qu’il s’est fait pour la jeune femme. Au moins, Ruben ne l’a pas vue lorsqu’elle est sortie de l’hôpital, son chemisier tâché de sang étant la seule et unique raison pour laquelle c’est dans un t-shirt à lui qu’elle déambulait dans son loft. « Je sais que je le montre pas… » Curieux, il relève la tête en direction du médecin, toujours au rythme de la route cabossée. Leur discussion lui ferait presque oublier sa peur de mourir à chaque seconde. « … mais c’est pas pour autant que je suis pas là si tu vas pas bien, justement, Garett. » Non, en effet, il ne le dit pas. Tout comme Rhett ne le lui dit pas en retour, se contenter de penser que c’est un fait coulant de source, au point où il n’a pas à le préciser à son cadet et à lui ouvrir un tant soit peu son cœur. Alors oui, ses paroles le prennent de court, mais sans doute pas dans le mauvais sens du terme. Rhett sourit doucement, sans savoir comment répondre à de telles paroles. “J’sais, oui.” Ils l’oublient bien souvent lorsque vient le moment de se reprocher tous les maux du monde mais ils sont une famille et ils le resteront, quoi qu’il advienne.

« Jackson aurait été meilleur que moi dans ce rôle, mais je peux faire des efforts. » Au soupire de Ruben s’accroche celui de Rhett, sans doute bien trop similaire. Ils ont des avis différents sur bien des sujets, si ce ne sont tous, mais Jackson comptait autant pour l’un que pour l’autre. “Jackson aurait été meilleur que nous tous.” Il souffle à son tour, un fin sourire ému accroché aux lèvres. La seule différence, c’est que Ruben serait effectivement capable de faire lesdits efforts alors que pour Rhett, ça relèverait de l’impossible. “Je me dis que tout aurait été plus simple s’il était toujours là.” Qu’à défaut de croire aux miracles, Rhett croyait en Jackson, et lui était capable de magie. Son absence se fait ressentir à chaque instant et les réveils sont difficiles lorsque leur aîné s’était frayé une place dans ses rêves de la nuit. Dans ces instants-là, il donnerait tout pour se laisser de nouveau tomber dans les bras de Morphée. “Mais je te compare pas à lui, tu sais. Et puis t’es le dernier frère qu’il me reste, alors je compte bien prendre soin de toi, moi aussi.” Et s’ils savent tous les deux qu’ils peuvent compter sur l’autre, pourquoi n’osent-ils jamais aller en ce sens? C’est une question qu’Ethel doit se poser tous les jours ou presque, sûrement. “Quand Evelyn m’a appelée pour que je vienne la chercher à l’hôpital, j’ai pas pu m’empêcher de penser à vous. Et je suis pas certain que toi ou Ethel aurait eu ce réflexe.” Il n’accuse pas, Rhett. Il n’accuse plus à vrai dire, le ton résigné et le regard baissé, n’en ayant plus rien à faire de l’horizon et de tout le reste. La vérité, c’est qu’il a créé un lien bien plus fort avec l’australienne en quelques discussions à peine plutôt qu’en trente années passées auprès de son frère et de sa soeur.

where the lines overlap

@rhett hartfield

Ce n’était en rien dans les habitudes de Ruben de mettre des mots sur de tels ressentis, de tels avis, mais il avait l’impression qu’aujourd’hui était peut-être le bon moment pour en profiter et préciser quelque-chose qui, pour lui, tomber sous le sens. « J’sais, oui. » Ben fit un tout petit sourire, et hocha la tête pour accuser réception de cette information. Tant mieux s’il le savait déjà, il n’aurait donc pas besoin de venir expliquer de façon embarrassante pourquoi c’était évidement le cas même si trois quarts du temps il levait les yeux au ciel lorsqu’il voyait son frère - et que le temps restant, il avait envie de lui arracher les yeux surement. Aucun des deux hommes Hartfield présent dans ce bus, de toutes façons, n'aurait été capable d’adopter un comportement presque normal en présence de l’autre de la fratrie - la conversation qu’ils avaient présentement était une exception à leurs habitudes -; le seul qui aurait été apte à agir d’une telle façon n’était malheureusement plus parmi eux. Au soupire de Ruben se joignit celui de Rhett. « Jackson aurait été meilleur que nous tous. » Il aurait été le meilleur d’eux tous, car c’était déjà la place qu’il lui était revenue de juste droit. Peut-être était-ce le fait d’être l’ainé de la fratrie, ou d’avoir vécu d’autres épreuves dans la vie qu’ils ne pouvaient comprendre encore, mais il avait toujours été le plus sage, le plus adapté, le plus bienveillant d’entre eux tous - et même d’eux tous réunis. « Je me dis que tout aurait été plus simple s’il était toujours là. » Ce fut au tour du petit frère de lâcher un soupire imitant le plus grand. « Tellement plus simple. » Sur bien des plans, sur bien des situations. Il était la colle parfaite à la famille qu’ils tentaient tous de former, et même si cette dernière était loin d’être parfaite, pour lui ils venaient tous faire les efforts nécessaires.

« Mais je te compare pas à lui, tu sais. » - « Je sais, Garett. » - « Et puis t’es le dernier frère qu’il me reste, alors je compte bien prendre soin de toi, moi aussi » Aux derniers mots prononcés par Rhett, le coeur de Ruben se serra et une petite boule se forma dans sa gorge. Ce n’était pas dans ses habitudes, pourtant, de se sentir émotif de la sorte; mais les mots de son frère lui allaient bien plus droit au coeur qu’il n’aurait pu le penser. Rhett était-il du genre à être tout le temps à se comporter de la sorte, lorsqu’il n’avait pas à faire des efforts aux côtés de son frère ? « Quand Evelyn m’a appelée pour que je vienne la chercher à l’hôpital, j’ai pas pu m’empêcher de penser à vous. Et je suis pas certain que toi ou Ethel aurait eu ce réflexe. » Presque prêt à répondre sur la défensive, dans la foulée, à Rhett, Ben ouvrit la bouche - mais finit par la fermer dans la seconde qui suivit. Il avait tant l’habitude d’être attaqué, qu’il avait failli ne pas voir que ce n’était en rien le cas présentement. Son frère se contentait de souligner des faits, des évidences, malheureusement. Une fois n’était pas de trop, ce fut un nouveau soupire qui se fit d’abord entendre côté chirurgien. « Non, c’est vrai, tu as raison. » Et étrangement, pour une fois, il n’avait pas trop de mal à venir admettre à haute voix une telle chose. « J’ai été surpris pour de vrai, tu sais, le jour où on m’a appelé parce-que j’étais ton contact d’urgence. » Inutile de précise pour quel événement exactement, ils savaient tous les deux exactement de quoi il référait. « Je pensais que t’aurais demandé à ce que ce soit Ethel, ou maman éventuellement, après Jackson. » Certes, il y avait plus de chances de pouvoir trouver Ruben non loin de l’hôpital - voire même carrément à l’intérieur la plupart du temps -, mais le petit frère ne pensait pas que son aîné irait jusqu’à faire de lui la personne à prévenir en cas de problème. Ce n’était pas rien - et si jusque maintenant, il lui en avait voulu malgré tout, aujourd’hui cette amertume commençait doucement à se dissiper.

« Non, c’est vrai, tu as raison. » Il a la gorge serrée lorsque son cadet lui annonce qu’il a raison. Il aurait préféré que ce ne soit pas le cas, pour une fois, et qu’il lui annonce que si, bien sûr, si Ethel ou lui avait eu besoin d’appeler quelqu’un en urgence alors ils auraient pensé à Rhett. Non. Il serait plus probable qu’ils pensent encore à Jackson plutôt qu’à leur second aîné, et ce dernier le sait très bien. Il n’a jamais rien fait pour renverser les choses non plus ; ça aussi il le sait un peu trop bien. L’arrière de son crâne retrouve le dossier, il observe le plafond sans le moindre commentaire supplémentaire, l’air grave. « J’ai été surpris pour de vrai, tu sais, le jour où on m’a appelé parce-que j’étais ton contact d’urgence. » Et jamais ô grand jamais Rhett ne tournera la tête pour trouver le regard de son cadet, ne voulant en rien savoir ce dont ce dernier est fait. Cette soirée est un amas de mauvais souvenirs de toutes sortes, notamment à cause de la réaction de Ruben. Il lui en tient encore rigueur, cela va de soi, mais estime que ce n’est ni le lieu ni le moment pour rouvrir cette plaie. Cela ne changerait rien au passé. « Je pensais que t’aurais demandé à ce que ce soit Ethel, ou maman éventuellement, après Jackson. » Et pourtant, les prénoms d’Ethel ou celui de leur mère n’ont jamais figuré dans les dossiers d’hôpitaux. Du moins, pas à cette place bien précise. "Ça a toujours été toi. Depuis la mort de Jackson.” Il ne se vexera pas de savoir que leur aîné était son premier choix pour un tel rôle, sûrement, mais le prénom de Ruben lui est apparu telle une évidence dès qu’il a été nécessaire de mettre à jour ses informations. Il ne pourrait pas l’expliquer par de longues tirades mais c’était naturel, à ses yeux. “Mais pour ce que ça vaut, j’avais pas anticipé le fait qu’on t’appellerait réellement un jour.” Parce que les contacts d’urgence, c’est bien une ligne qu’on rempli par acquis de conscience, tout en sachant pourtant qu’il n’y aura jamais besoin d’en arriver jusque là, pas vrai ? “Ok fin de la discussion sinon je vais vomir.” Il ferme les yeux un instant et une secousse supplémentaire le pousse à prendre place au premier rang du bus, autant pour éviter un drame qu’un autre, et éviter toute suite difficile à cette discussion qui ne semble pas vouloir en finir.

***

“Tu pleures toujours devant Casper ou ça t’est passé, Ben ?” Il sourit à nouveau tel un mannequin pour dentifrice, Rhett, rassuré d’avoir à nouveau ses deux pieds sur le sol. “T’en fais pas, je vais te protéger.” qu’il lui murmure en se penchant contre son oreille, éternellement amusé, de retour dans les plis habituels de sa relation avec son frère. Déjà, le petit groupe entame la visite et déjà, ils sont à la traîne, trop occupés à se tirer les cheveux (littéralement) et se faire des croche-pattes, comme s’ils étaient en classe verte et âgés de huit ans à peine.

where the lines overlap

@rhett hartfield

« Ça a toujours été toi. Depuis la mort de Jackson. » Même si la surprise avait été de taille lorsqu’il avait découvert qu’effectivement, il était devenu le contact d’urgence de son frère, aujourd’hui il n’y accordait qu’un hochement de tête presque résigné. La logique n’était pas mauvaise, en réalité, dans l’idée; simplement leur relation était tellement compliquée depuis tant d’années que jamais le plus jeune des Hartfield ne s’était imaginé que Rhett puisse avoir envie qu’on le contacte, lui, si jamais quelque-chose lui arrivait. « Mais pour ce que ça vaut, j’avais pas anticipé le fait qu’on t’appellerait réellement un jour. » Oh, il connaissait particulièrement bien ce discours, cette impression, effectivement. Combien de fois avait-il vu dans le regard des patients l’indifférence quant au contact à appeler en cas de besoin, alors que ces derniers semblaient autant étonnés que démunis lorsqu’il devait effectivement les appeler ? Les gens se trouvaient dans un monde où toute information était accessible en peu de temps et où les sentiments et choses qui importaient vraiment pouvaient facilement passer au second plan, si bien que plus personne ne venait réellement porter de l’attention à ce genre de détails. Mais pas Ruben - il l’avait compris depuis  longtemps, mais cela s’était d’autant plus confirmé le jour de l’accident de Rhett. « Ok fin de la discussion sinon je vais vomir. » Rhett ne put le voir, mais il hocha la tête, approuvant ce que son ainé venait de dire - pour la partie où cette discussion se devait d’arriver à sa fin, pas celle où il approuvait l’idée qu’il vienne vomir. De toutes façon, le plus vieux des Hartfield se faufilait déjà dans l’allée du bus pour finalement aller s’installer à l’avant de ce dernier - pendant que Ben laissait échapper un long soupire, autant emprunt de nostalgie que d’une tristesse qu’il ne saurait expliquer.

***
« Tu pleures toujours devant Casper ou ça t’est passé, Ben ? » Ils étaient à peine arrivés sur place que déjà, Rhett reprenait ses vieilles habitudes et appuyait sur les souvenirs où il prenait facilement le dessus sur son petit frère. « Eh ! J’avais six ans, Garrett ! » Le bout du nez froncé et l’air boudeur se glissant facilement sur le visage de l’australien, il bouscula doucement et presque gentiment l’épaule de son frère du plat de la main. « J’avais le droit d’avoir peur quand je regardais Casper. » Il donna même un petit coup de pied dans le seul petit cailloux qui daigna se mettre en travers de son chemin. « T’en fais pas, je vais te protéger. » Ce fut un vrai regard noir qu’il lança en direction de Rhett cette fois-ci. « J’ai plus six ans, Garrett. » Même si l’idée de base n’était pas mauvaise - que le grand frère protège effectivement le petit -, Ben savait pertinemment que son frère à lui agissait de la sorte uniquement pour se moquer; alors il ajouta des tirages de langues aux croche-pattes et autres gamineries.

Lorsqu’ils furent devant l’entrée du bâtiment, cependant, et qu’un courant d’air se fit entendre dans les entrailles de ce dernier, donnant l’impression qu’un ours géant était en train de faire sa meilleure sieste à l’intérieur, les pas de Ruben ralentirent. « T’as entendu ça ? » Peut-être qu’à l’époque, il pleurait lorsqu’il regardait Casper, mais parce-que son imagination était un brin trop débordante et qu’il était encore très jeune. Aujourd’hui, qu’elle était son excuse pour ne finalement pas se sentir aussi à l’aise que prévu devant un simple bâtiment abandonné ? « Les ours, ça existe pas en Indonésie, on est d’accord hein ? » Et non, il n’avouerait pas qu’il était presque rassuré finalement d’avoir son grand frère à ses côtés, mais disons qu’il calqua son rythme de pas sans même le faire exprès à celui de Rhett alors qu’ils avançaient en direction de l’entrée du bâtiment, et que leur guide commençait à leur donner quelques informations sur l’endroit… ce qui fit rapidement froncer les sourcils à Ruben. « Est-ce qu’il vient de dire que des personnes ont disparu et ont jamais été retrouvé ou j'ai mal compris ? » Il s’attendait à des histoires de fantômes, pas des histoires qui pouvaient faire vraiment peur - ou était-ce son oreille qui ne comprenait pas très bien, perturbée par les mauvaises ondes de l’endroit où ils se trouvaient ?

Ses pieds à peine sur la terre ferme (amen), Rhett reprend des couleurs et sa manie de se moquer de son frère grâce à des souvenirs vieux de vingt ans pour la plupart d’entre eux. C’est comme ça qu’il lui prouve, à sa manière, qu’il tient à lui et fait attention à sa vie. « Eh ! J’avais six ans, Garrett ! » Et avec Ruben, cela marche à tous les coups, preuve en est encore aujourd’hui la mine renfrognée qu’il lui affiche et son front ridé digne d’un cinquantenaire bien entamé. Un cinquantenaire encore vif, pourtant, alors qu’il se venge en dépassant son aîné en le bousculant doucement. « J’avais le droit d’avoir peur quand je regardais Casper. » - “Chochotte.” Il murmure donc dans sa nuque, désormais à la traîne derrière le médecin qu’il ne cherche pourtant pas à rattraper: arrivera bien le moment où il voudra lui faire un croche patte et ça Rhett n’en a pas le moins du monde envie. Ses prochaines paroles lui font gagner un regard noir et l’australien ne prend pas même la peine d’en sembler offensé, toujours trop occupé à sourire de toutes ses dents, sûrement. « J’ai plus six ans, Garrett. » - “Non, c’est vrai. C’est le temps que t’as passé à étudier, ça.” Il hausse les épaules, conscient que ses estimations sont pourtant encore trop basses. Il ne comprend pas ce qu’il trouve à l’université, pour vouloir y passer autant de temps sans que ce ne soit pour ses fêtes.

Les paroles de leur guide ne sont qu’un faible écho se répercutant sur les murs immenses d’un endroit ne brillant que par son absence de vie - humaine, tout du moins. Sans grande surprise, Rhett n’écoute pas ce qu’il est dit, lui qui a déjà perdu tout intérêt au fait que ce soit une visite guidée. Le pas de Ruben ralentissent au point où son aîné en vient à lui rentrer dedans, ayant eu l’esprit ailleurs. Rhett grogne par habitude bien plus qu’autre chose mais arrête de se plaindre dès que son frère ouvre la bouche. « T’as entendu ça ? » Le sportif affiche un regard curieux. Non, bien sûr qu’il n’a rien entendu ; ce n’est pas comme s’il écoutait non plus. “Entendu quoi ?” Et s’il se retient de faire une blague supplémentaire sur Casper, ce n’est pourtant pas l’envie qui lui en manque. « Les ours, ça existe pas en Indonésie, on est d’accord hein ? » Il fait la moue, Rhett, aussi peu intéressé par le sujet qu’il est amusé de la panique grandissante dans le ventre de Ruben. Le parfait petit Ruben aurait-il finalement peur de son ombre ? “C’est toi le scientifique de la famille.” Il répond finalement, faussement détaché, utilisant toutes ses forces pour retenir un immense sourire un coin et/ou un éclat de rire.

« Est-ce qu’il vient de dire que des personnes ont disparu et ont jamais été retrouvé ou j'ai mal compris ? »
“Non, il a dit qu’on a retrouvé des morceaux de leurs corps uniquement.”

Il affirme, sérieux, et ment éhontément. Il était ce genre de frère qui racontait des histoires d’horreur à ses cadets alors qu’ils étaient encore bien trop jeunes et ce n’est pas parce que même Ruben affiche désormais la trentaine qu’il veut changer cette habitude. “Mais je m’ennuie un peu là, tu veux pas qu’on se fasse la visite de notre côté ?” Sans guide, sans blabla, sans garde-fou et, surtout, bien loin de tout sentier sécurisé et sans l’assurance de retrouver le bus au moment du départ. En somme, une parfaite idée. “Je te tiendrai la main si tu veux.” Et c’est bien en mettant à mal son ego qu’il compte l’emmener dans cette aventure, bien sûr.

where the lines overlap

@rhett hartfield

« Chochotte. » Le plus jeune des deux frères ne prit pas la peine de se retourner, ce n’était que donner raison à Rhett et il l’énervait déjà assez comme ça. Comment pouvaient-ils avoir une conversation telle que celle qu’ils avaient eu dans le bus pour ensuite se comporter comme deux gamins qui ne sauraient se voir en peinture ? Leur relation resterait surement encore quelques temps un mystère des plus complets à leurs yeux et à ceux de leurs proches. « Non, c’est vrai. C’est le temps que t’as passé à étudier, ça. » - « Tu peux le doubler ce temps là, oui. » Il pourrait le provoquer autant de fois qu’il le voudrait que Ruben tomberait dans le panneau à chaque fois - surtout que maintenant qu’il était parti pour bouder, il ne voyait en rien les signes qui montraient que son grand frère se fichait ouvertement de lui. Une partie de lui cependant répondait à Garrett car il était réellement vexé que son propre frère ne puisse être capable de dire qu’il avait passé bien plus de temps que ça aux études - puisque de toutes façons, il était bien trop occupé à garder son image intacte aux yeux du public plutôt que de prêter une attention suffisante à ses cadets.

Cependant, l’attention de Ruben ne sut rester bien longtemps en place sur les paroles de son aîné puisque celle du guide devinrent d’autant plus intéressantes qu’elles étaient accompagnées de bruits qui n’avaient en rien leur place ici, même s’ils commençaient à s’aventurer dans un baissent abandonné. « Entendu quoi ? » Il n’avait même pas l’air de le faire exprès, en plus, cette andouille - Ben mettrait sa main à couper qu’il avait déjà décroché et n’écoutait plus rien de ce que disait le guide, si jamais il avait écouté un seul mot. Parce-que Ruben, lui, avait bien entendu un bruit étrange qui n’était en rien rassurant. « C’est toi le scientifique de la famille. » Il le foudroya du regard. « Merci du soutien, vraiment Garrett. » Il avait remarqué, aux coins de ses lèvres, le petit sourire qui menaçait de faire son apparition. « Heureusement que t’as dit que tu me protègerais, hein. » Des paroles en l’air, une fois de plus, surement. Surtout que le guide parlait de personnes disparues, juste l’instant d’avant, il aurait juré - a.k.a il n’avait pas besoin que Rhett en rajoute une couche, il avait déjà perdu toute son assurance. « Non, il a dit qu’on a retrouvé des morceaux de leurs corps uniquement. » La différence aurait pu empirer le taux de confiance dont disposait Ruben désormais, mais il trouvait ça presque rassurant, comme précision: au moins, ils avaient retrouvé quelque-chose et les personnes en question n’avaient pas réellement disparues.

« Mais je m’ennuie un peu là, tu veux pas qu’on se fasse la visite de notre côté ? » Le regard, un brin paniqué sans le vouloir, que jeta le brun à son frère traduisait tout à fait l’engouement qu’il portait désormais à la visite - c’est-à-dire presque plus aucun, Rhett ayant le parfait comportement pour contre-carrer ses plans initiaux qui étaient bien plus alléchants. Cependant, il était vrai qu’à la base, il voulait participer à cette sortie organisée afin de faire des choses un peu innovantes, un peu différentes - et le guide semblait être d’un ennui à mourir. « Je te tiendrai la main si tu veux. » - « Tu m’emmerdes, Garrett. » Autant parce-qu’il était insupportable à le taquiner de la sorte que parce-que désormais, il ne lui semblait plus avoir d’autre choix que de suivre l’idée de son grand frère s’il ne voulait pas passer pour un trouillard fini. Jackson aurait été là, il serait venu réprimander Ruben pour ses paroles un peu déplacées envers leur frère et ce dernier aurait eu le droit à son lot également quand au fait qu’il se moquait de trop du plus jeune de la fratrie. Ce fut donc la tête presque haute qu’il ralentit le pas, Ruben, afin de s’éloigner du groupe de la visite organisée pour finalement emprunter un couloir parallèle à celui dans lequel ils auraient été s’ils étaient restés sur le droit chemin. « Et après certains se demandent encore pourquoi papa et maman me trouvent moi sage et pas toi. » Parce-que des deux, ils étaient celui sachant parfaitement respecter les règles imposés alors que Rhett suivait tout chemin semblait s’en déporter. « Tu feras moins le malin quand tu devras me trainer vraiment par la main pour me sortir de là. » Alors qu’il avait déjà la chair de poule au premier détour de corridor, et que les alentours semblaient s’assombrir au fil des pas au bruit se répercutant sur les murs. Ces derniers semblaient être l’endroit parfait pour exposer son art et ses émotions, d’après le nombre de fresques s’y trouvant - peintures, tag, et toutes sortes de marques laissées par des âmes voulant être entendues.

Il finit par pousser l’une des premières portes se trouvant d’un côté du couloir, prudemment, faisant en sorte que sa main ne tremble pas devant son frère. « Tu penses que d’autres font comme nous et s’éloignent des visites organisées ? » Savoir s’ils pouvaient tomber nez-à-nez avec d’autres personnes en visites sauvages, comme ils semblaient désormais faire. Dans cette pièce, des tas de papiers posés dans chaque recoin, alors que le bureau se trouvant au milieu de la pièce semblait autant saccagé qu’en parfait état - comme si d’autres avant eux avaient voulu mettre l’endroit sans dessus dessous tout en gardant l’image de ce qu’étaient les bureaux dans le passé. « C’est étrange de se dire que des vraies personnes ont bossé ici avant. » Et pourtant, il était habitué à contempler la mort dans les yeux, à voir un présent devenir trop rapidement passé.