look into my wishful eyes
Megan Williams & @Damon Williams

Mon sang circule à nouveau correctement dans mes veines mais pourtant, j’ai toujours la tête qui tourne et mon coeur bat encore la chamade. Saül a été mis à la porte, mais j’ai toujours l’impression de sentir ses mains serrées autour de mon cou gracile. Je marque si facilement que je pressens déjà que son agression laissera des marques rouges sur ma peau et, surtout, des traces indélébiles dans mon esprit. Je ne me sens même plus en sécurité chez moi, quand bien même l’intervention de Damon m’a sauvé la mise. Si je tremble, ce n’est pas parce qu’il fait froid : les températures sont plus que clémentes alors que l’automne est bien entamé. Bien sûr, la honte se frayera bientôt un chemin dans mon esprit mais, sur l’heure, c’est la peur qui prédomine. Je ne réalise pas que bientôt, tous les collaborateurs de MHI auront posé les yeux sur les clichés sur lesquels j'apparais nue. Je ne pense qu’à l’intervention musclée de l’homme d’affaires, visiblement déterminé à me faire payer l’humiliation qu’il a subie et pour laquelle je suis la seule fautive.

Je ne réalise pas non plus que Damon les a peut-être déjà vues ces photos, ou qu’il les verra bien assez tôt. Je me demande simplement s’il a pris mon parti - il a chassé son père - uniquement par principe et si, à présent que nous sommes seuls, il me tiendra rigueur à son tour de ce que j’ai pu faire par le passé pour mettre de la nourriture sur ma table et un toit au dessus de ma tête. Ce n’est pas comme si j’avais vendu mon corps ou commis le moindre acte illégal. Je n’ai pas non plus passé le cap de la pornographie et, à mon sens, quelques photos de charme ne représentent pas grand chose. Jusque là, je n’y avais même jamais repensé puisqu’elles appartenaient au passé et y seraient restées si je n’avais pas épousé Damon. J’ai obtenu de la visibilité en rentrant dans la famille Williams, mais je n’arrive pas à croire que quiconque ait pu s’intéresser assez à moi pour déterrer ce genre de chose. Je ne suis pas une célébrité : la campagne que je viens de réaliser pour MHI me donne à peine le statut de it girl en devenir. Autrement dit, il est bien trop tôt pour que j’intéresse la presse à scandale ou n’importe quel anonyme. Quelqu’un a envoyé ces photos aux collaborateurs de mon beau-père. Quelqu’un qui me connaît et qui me veut assez de mal pour faire ce genre de chose, j’en suis persuadée. Quand je découvrirai l’identité de celui ou celle qui a fait ça, je lui ferai regretter son geste.

Sur l’heure, j’observe Damon revenir au milieu du salon après avoir mis son père à la porte. Dans son regard, je guette une trace de déception ou, au contraire, d’empathie à mon égard. Lorsqu’il s’approche un peu trop près, je baisse les yeux. « Tu les as vues ? » Je préfère arracher le pansement d’un coup sec. « Les photos, tu les as vues ? » A-t-il réalisé à quel point je suis jeune dessus, bien plus que maintenant ? A-t-il compris qu’elles datent de bien avant notre rencontre et donc, par conséquent, que je n’ai pas pensé qu’elles pouvaient ressurgir ? Que je n’avais pas l’intention de l’embarrasser et que je n’ai pas caché leur existence simplement parce que je ne suis qu’une menteuse ? La peau de mon cou me brûle, j’y porte ma main gauche pour la frotter et la dissimuler. « T’as fermé à clé derrière lui ? » Je ne peux pas m’empêcher de jeter à la porte des coups d'œil terrifiés et je réalise seulement maintenant que mes yeux sont bordés de larmes que je retiens avec difficultés.

Les deux mains appuyées à plat contre la porte d’entrée, les bras tendus et le visage tourné vers le sol, Damon garda encore un instant les yeux fermés, la respiration difficile. Rien, dans la situation qui venait de prendre place sous ses yeux, ne tournait rond. Tout était à revoir, à refaire, à redéfinir. Comment avaient-ils pu en arriver à ce point là ? Comment était-ce possible d’être enclin à une violence de cet acabit, de cette envergure ? Il avait l’impression d’avoir débarqué dans un mauvais rêve, alors qu’il rentrait à l’appartement. Que les choses qui se passaient sous se yeux ne pouvaient être vraies et étaient forcément tirées de la pire partie de son imagination. D’un instant à l’autre, il allait se réveiller en sueur dans son lit comme c’était assez régulièrement le cas ces dernières semaines et il n’aurait qu’à balayer ces mauvais souvenirs inventés de toutes pièces d’une main passée sur son visage. Sauf que rien n’était sorti de son imagination et qu’il avait bien vu son père en train d’étrangler, littéralement, Megan dans le salon de leur propre appartement. Il déglutit avec difficulté. Bordel, comment avaient-ils tous pu en arriver à ça ?

Il se dégagea de la porte d’entrée, désormais fermée à clefs, et passa ses mains sur son visage. Parce-qu’aux grands maux, les grands moyens, Damon n’avait pas hésité un seul instant avant de se jeter sur Saül, afin de le séparer de la jeune femme. La dernière et seule fois où il était venu physiquement s'imposer à l’autre Williams, c’était quand il avait appris que ce dernier lui avait menti toute sa vie et qu’il n’était en rien son père. Cependant, cette derrière fois là, il avait agi sous le coup de la colère, de la tristesse, et de n’importe quelle autre émotion que son coeur avait pu ressentir à l’annonce de cette nouvelle. Aujourd’hui, il avait du agir afin de préserver Megan, et de la sortir de cette très mauvaise passe. Aujourd’hui, il avait du prendre parti, choisir son camp, et la question ne s’était pas posée un seul instant puisque la réponse était toute évidente sous ses yeux: venir lui imposer une vie qu’il n’avait pas choisi était une chose, mais s’en prendre physiquement à sa femme dans son dos n’était pas quelque-chose qu’il tolérait.

Il fallut une minute, peut-être deux, à Damon pour réussir à faire demi-tour et pour revenir vers Megan, toujours dans le salon de leur appartement. Les traces des mains de Saül étaient déjà visibles sur la peau de son cou, et il ne pouvait faire autrement que remarquer les tremblements qui traversaient son corps de part en part. Elle baissa les yeux, lorsqu’il arriva à sa hauteur et il en vint à détester d’autant plus cet homme qui se pensait surement encore modèle de vertu. « Tu les as vues ? Les photos, tu les as vues ? » Les yeux de l’italien étaient bien trop occupés à venir parcourir la moindre parcelle de peau disponible de la jeune femme, à la recherche malheureusement d’autres marques, pour venir s’attarder sur ses paroles et sur leur signification. « T’as fermé à clé derrière lui ? » Son regard remonta dans celui de Megan et son coeur à lui vint se briser d’un coup d’un seul, dans un son qui aurait pu être audible si la détresse de la blonde n’était pas plus grande que tout le reste. « J’ai fermé la porte et il ne remettra plus jamais un pied dans cet appartement. » Parce-que si son garçon avait été docile et obéissant jusque maintenant, Saül n’était pas prêt à venir découvrir l’homme qui viendrait se tenir devant lui pour le restant de ses jours. Plus jamais Damon ne laisserait l’homme d’affaire prendre le dessus sur lui, sur sa vie, de la sorte car il ne voulait plus jamais que ce type de situation fasse surface. « Megan… » Le prénom de la demoiselle se brisait, prononcé par le jeune homme. Qu’ils soient en froid depuis des semaines n’importait plus, pour le moment, car des choses plus importantes avaient été mises sur le tapis. « Viens là. » Avec lenteur et douceur, il leva une main paume à plat en direction de la jeune femme, afin de pouvoir attraper sa main à elle et de pouvoir l’attirer à lui. La seule chose dont il avait envie en cet instant, c’était de la prendre dans ses bras et de lui montrer qu’elle était en sécurité, qu’elle n’avait plus rien à craindre. Mais il était hors de question qu’il s’impose physiquement à elle, alors il ne bougerait pas tant qu’elle ne viendrait pas prendre la décision de le faire de son côté. « Je sais pas de quoi tu parles, je sais pas de quelles photos, mais franchement j’en ai rien à foutre et je suis désolé, tellement désolé, de… » Ses mâchoires étaient si serrées que la fin de sa phrase ne sortit même pas. Il était désolé du comportement de cet homme qui ressemblait de moins en moins à un père à ses yeux, à agir de la sorte.

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Megan Williams & @Damon Williams

Le 28 mars 2021, je fêtais mon anniversaire avec Shiloh, avec Wendy et les filles. Les cadeaux offerts n'avaient pas de valeur monétaire, le restaurant dans lequel nous nous sommes toutes retrouvées était modeste et les plats et boissons ne coûtaient pas les yeux de la tête, mais tout le monde s’en moquait. L’an dernier à la même époque j’étais heureuse, insouciante et, surtout, bien loin de me douter que je m’apprêtais à me foutre dans des emmerdes que j’étais alors encore bien incapable d’imaginer. Il y a un an, j’aurais ri au nez de quiconque me prédisant un avenir aussi rocambolesque que ce qui est devenu mon présent. Jamais je n’aurais envisagé possible que mon beau-père m’agresse au sein même de mon propre appartement.

Est-ce que je ferais les choses différemment si j’avais l’occasion de remonter dans le temps ? La voilà la question à un million, celle à laquelle je suis persuadée que oui est la bonne réponse parce que je suis terrorisée et traumatisée quand, dans les faits, c’est bien plus compliqué que ça. Ça l’est en partie à cause du jeune-homme qui revient vers moi après avoir mis son père à la porte, ça l’est parce que malgré les circonstances et même si c’est la guerre froide entre nous, je suis convaincue que j’ai de la chance de partager la vie de Damon. Ses yeux courent sur ma peau et je me demande s’il est la recherche de marques laissées par son père ou s’il tente de faire coller l’image que je lui renvoie à ce qu’il a vu sur les photos qui font à présent le tour de l’entreprise familiale. Je me sens mise à nue et je déglutis difficilement, les bras enroulés sous ma poitrine. « J’ai fermé la porte et il ne remettra plus jamais un pied dans cet appartement. » Mon cœur bat toujours la chamade et j’ai peur de ne pas être certaine qu’il puisse promettre ce genre de chose. Saül a la mainmise sur beaucoup de choses et nos vies en font partie. Je ne doute pas une seule seconde de la bonne volonté de mon mari ; mais je ne doute pas non plus du fait que, pour son père, nous ne sommes tous les deux que des marionnettes. « Megan… » Il a l’air bouleversé, il a l’air en colère et je me demande si elle est dirigée en partie vers moi ou vers son paternel. « Viens là. » Il tend une main dans ma direction et je n’hésite pas. J’oublie qu’il n’y a plus de trace de tendresse entre nous depuis plusieurs semaines et, plutôt que de glisser ma main dans la sienne, je tombe dans ses bras. J’enroule mes bras autour de ses épaules et je le laisse m’attirer contre lui. Je redeviens ce que je n’ai jamais complètement été : une gamine terrifiée qui a besoin d’être rassurée. « Je sais pas de quoi tu parles, je sais pas de quelles photos, mais franchement j’en ai rien à foutre et je suis désolé, tellement désolé, de…  » J’aurais préféré qu’il sache. J’aurais préféré avoir la certitude qu’il s’en moque et j’aurais voulu m’éviter d’à nouveau m’humilier en lui expliquant ce qui a conduit son père à venir me demander des comptes de façon musclée.

Il me faut plusieurs longues minutes pour réussir à me calmer. Dans ses bras, je cache mon visage dans son cou pour laisser couler mes larmes à l’abri des regards. Je me reprocherai demain de m’être montrée si vulnérable. Ce soir, je pense juste à combien cela me fait du bien d’être consolée dans ses bras. J’y reste jusqu’à ce que j’ai cessé de trembler comme une feuille et, lorsque je me détache de lui, je laisse ma main glisser dans la sienne. « Je t’en aurais parlé si je pensais que ça pouvait ressurgir. » Je ne veux pas être étiquetée comme menteuse une fois de plus. Surtout pas à cause de quelque chose qui appartenait à mes yeux au passé. « Quand j’ai commencé mes études et plus tard, quand j’ai commencé à bosser, j’avais besoin d’argent. » Une histoire vieille comme le monde et dont je ne devrais même pas avoir honte, si ? Après tout, ce ne sont que des photos. « J’ai été approchée pour faire de la photo. Des photos de charme. Pour des magazines masculins. » Damon n’est pas innocent et naïf au point de ne pas comprendre quoi je parle. « C’était en 2016. Ou 2017. » Assez longtemps pour que ça me soit jusque là complètement sorti de l’esprit. « Visiblement ça a circulé à ton bureau. Et c’est remonté jusqu’à ton père. » Et l’a mis hors de lui : je n’ai pas besoin de préciser que l’italien supporte mal l’humiliation. Rien de pire à ses yeux que de voir une de ses marionnettes lui échapper.

Saül ne remettrait pas les pieds dans cet appartement. Et il comptait s’y accrocher, à cette idée, Damon. Qu’importe ce que cela pourrait lui en couter par la suite, il avait l’intention de venir honorer sa parole et de ne plus plier face au grand Williams qu’était son père. S’il avait tout mené dans la fils de son garçon jusque maintenant, c’était là un temps révolu; s’en prendre à lui et venir lui tirer une balle dans le pied, c’était suffisant et permettait largement d’exprimer sa supériorité: il n’avait pas besoin de venir physiquement menacer Megan. Damon ne connaissait pas l’histoire derrière cette intrusion, mais il pouvait facilement deviner que que ce n’était en rien quelque-chose d’anodin - il n’y avait qu’à voir la façon dont Megan tremblait sous ses yeux, pour comprendre que le traumatisme de Saül était réel et que ce dernier n’avait pas été causé en vain, ou pas sans motif, que ce dernier vienne justifier quelque-chose ou non. Alors, comme à son habitude, Damon laissa son coeur prendre le relai, le guider, et tendit une main en direction de la jeune femme. En cet instant, il avait envie de la prendre dans ses bras, de lui montrer qu’elle était en sécurité et qu’il ne laisserait rien d’autre lui arriver tant qu’il le pourrait. Ils finiraient de régler leurs différents plus tard, lorsque les choses se seraient apaisées; ce soir, il voulait pouvoir être présent pour elle. Et elle ne mit qu’un instant, pas une seconde de plus, avant de se réfugier dans ses bras. Il avait donc vu juste dans la façon de procéder face à la situation, et il remercia son instinct d’être aussi efficace, aussi sensible. Les bras du jeune homme se refermèrent autour du corps frêle et tremblant de sa femme, posant l’une de ses joues contre le crâne de Megan. Par réflexe, l’une de ses mains se mit à frotter doucement son dos, dans des gestes rassurants. Pendant plusieurs minutes, aucun des deux jeunes gens ne bougea. Les larmes de la jeune femme venaient inonder le tee-shirt de Damon et ce dernier continuait de venir la rassurer comme il le pouvait. Sa propre colère n'avait pas à entrer en considération, en cet instant, et serait traitée en seconde partie.

Lorsque Megan en vint à se dégager lentement de lui, glissant l’une de ses mains dans celle de Damon, il se servit de sa seconde pour venir essuyer les larmes qui baignaient les joues de la blonde. « Je t’en aurais parlé si je pensais que ça pouvait ressurgir. » Des photos, il supposait, qui venaient de faire scandale dans leur vie - il ne connaissait pas encore sous quelle forme et dans quelle ampleur, mais Saül aurait pu en terminer avec Megan à peine une grosse poignée de minutes plus tôt à cause de ça. Alors, peut-être qu'une partie de Damon qui était encore assez alerte s’attendait à entendre la pire des raisons à tout ce scandale. « Quand j’ai commencé mes études et plus tard, quand j’ai commencé à bosser, j’avais besoin d’argent. » Une phrase, une seule, et il comprenait déjà d’avance vers où les explications de la demoiselle se dirigeaient. « J’ai été approchée pour faire de la photo. Des photos de charme. Pour des magazines masculins. C’était en 2016. Ou 2017. » La prochaine phrase se devait d’être celle disant que son père avait appris l’existence de ces photos. « Visiblement ça a circulé à ton bureau. Et c’est remonté jusqu’à ton père. » - « Oh. » Oh, parce-que ce n’était pas simplement que Saül était tombé dessus par hasard, d’une façon dont Damon n’avait surement pas envie d’entendre parler. Non, c’était que l’italien avait été touché dans la partie la plus sensible de son être: son business. Il ne cautionnait en rien, bien sûr, mais comprenait pourquoi il était venu réagir de la sorte. S’il avait été le seul à être mis au courant de l’existence de ces images, il serait venu faire la morale à la demoiselle mais ça se serait arrêté là. Les autres de la MHI avaient du en profiter pour en rajouter mille et une couches, les connaissant.

« Je suis désolé, Megan. » Il prit un instant, un second également, pour être sûr de ne pas énoncer des propres qui pouvaient être mal pris par la suite. « Que ces abrutis, parce-que c’est ce qu’ils sont tous là-bas, soient tombés dessus et de la réaction que ça a créé. Et je suis désolé aussi si tu as été contrainte à un moment de devoir faire ça pour pouvoir continuer de payer tes factures. » Ou ce qu’elle avait à payer à ce moment là - il n’était pas le plus doué pour savoir ce qu’il fallait pour gérer un foyer, surtout lorsque l’on était très jeune et personne pour vous donner un coup de main. Car il avait eu une chance inouïe de grandir dans une famille où tout leur était dû et surtout, tout leur tombait dans les mains et cela était normal, la suite logique des choses. A force de rencontrer d’autres gens, ces dernières années, et plus récemment au fur et à mesure qu’il apprenait à connaître Megan, il se rendait d’autant plus compte que les choses n’étaient pas aussi faciles pour tous. Finalement, il se pinça légèrement les lèvres, hésitant un instant supplémentaire sur la question qu’il allait poser ensuite - mais se dit qu’ils n’avaient pas à se retenir, entre eux. « Je sais d’avance qu’on va me les montrer quand j’arriverai demain au bureau, si elles ont été montrées à Saül. Est-ce que tu veux être celle qui me les montre en premier ? » Il n’y avait présentement que bienveillance et douceur, dans les paroles du jeune italien. Il n’était pas intéressé à les voir, ces photos; mais par respect pour Megan et parce-qu'il avait on ne pouvait plus raison dans l’idée qu’on allait les lui imposer dès le lendemain matin avec raillerie, il voulait lui laisser la possibilité d’être celle venant lui montrer les clichés et ainsi lui redonner un semblant de contrôle sur cette situation qui était partie bien trop rapidement en vrille.

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Megan Williams & @Damon Williams

« Je suis désolé, Megan. » Damon est le genre de garçon à s’excuser pour les autres, dans le cas présent son père, quand lui n’a rien à se reprocher. Si autrefois je lui ai tenu rigueur de ne pas avoir tenu tête à son père ou de s’être écrasé, aujourd’hui il n’en est rien puisqu’à la surprise générale - je suis sûre que le patriarche a été lui-même pris de court - il s’est interposé. Je me dis qu’il s’agit peut-être de la première fois et je réalise la valeur de son geste : il l’a fait pour moi. Pendant des années, il a encaissé la cruauté, la tyrannie et l’injustice de son père. Il a courbé l’échine parce que l’homme d’affaires lui fait peur, j’en suis persuadée. Je doute que la peur se soit envolée d’un coup aujourd’hui : je pense qu’il en a fait fit parce que j’étais en danger et que s’il tolère la violence de son père lorsqu’elle lui est destinée, il n’a pas supporté la vision de ses doigts autour de mon cou. « Merci… » Je ne suis pas capable de développer l’idée mais je suis sûre qu’il comprendra que je le remercie de ne pas être resté silencieux, spectateur dans oser intervenir.

« Que ces abrutis, parce-que c’est ce qu’ils sont tous là-bas, soient tombés dessus et de la réaction que ça a créé. Et je suis désolé aussi si tu as été contrainte à un moment de devoir faire ça pour pouvoir continuer de payer tes factures. » Oh. C’est donc de ça qu’il est désolé ? « Pour ça t’as pas à l’être. J’en ai pas honte tu sais. » Ce n’était en tout cas pas le cas avant de savoir que chaque type à l’esprit lubrique de MHI a à présent le loisir de récupérer ces photos. Je suis embarrassée, autant pour Damon que pour moi. « Ce sont que des photos. J’ai rien fait de mal ou de dégradant. » Ou en tout, je n’ai pas considéré mon acte comme tel à l’époque. Je me moquais bien de savoir que des dizaines d’inconnus auraient le loisir de se faire plaisir en solitaire en regardant mes photos. Je me foutais de savoir que des types du double de mon âge allaient être excités par ma bouille de jeune fille et mon corps de femme. « Mais je suis désolée que ce soit ressorti. » Au pire endroit, de la pire des façons. « Je comprends même pas comment c’est possible, c’était y’a plus de cinq ans. Je vois pas comment quelqu’un aurait pu se rappeler de mon visage. » Surtout que je doute que ce soit mon visage que les lecteurs du magazine aient le plus regardé. « Mais je sais que t’as pas fini d’en entendre parler. Et je suis vraiment désolée pour ça. Si j’avais pensé que c’était possible, je t’aurais au moins préparé à cette éventualité. » Puisqu’il aurait de toute façon été trop tard pour empêcher quoi que ce soit. Les photos ont été tirées à je ne sais combien d'exemplaires il y a des années et se trouvent certainement sur les archives du site internet. Je n’arrive pas à m’enlever de la tête une idée : et si quelqu’un, un petit malin, avait envoyé les photos à l’un des collègues de mon époux et mon beau-père.  

« Je sais d’avance qu’on va me les montrer quand j’arriverai demain au bureau, si elles ont été montrées à Saül. Est-ce que tu veux être celle qui me les montre en premier ? » Si je n’avais pas été dans l’état dans lequel je me trouve - je suis encore secouée - je lui aurais dit qu’il ne perd pas le nord, pour dédramatiser et désamorcer la situation. Là, je prends une grande inspiration et, après une réflexion, je pousse un soupir et attrape mon ordinateur sur la table basse. « Tu vas les voir de toute façon. » Elles m’ont été envoyée par mail par le magazine à l’époque, et je garde dans un dossier caché dans les tréfonds de mon disque dur. Il me faut une minute pour les retrouver, une autre avant de me résoudre à tendre l’appareil à l’italien. « Attends, je veux pas voir tes réactions. » C’est une chose de savoir que des inconnus les découvrent dans un magazine, puisque pour eux je ne suis qu’une anonyme, c’en est une autre de les montrer à un proche, et c’est ce que Damon est devenu par la force des choses. Alors, après qu’il ait récupéré l’ordinateur, je me tourne dos à lui pour ne pas voir son visage. « J’avais à peine dix-huit ans. Sois indulgent s’il te plait. » Et ne me juge pas pour les regards tantôt mutin tantôt carrément aguicheur que je jette à l’appareil photo. Après un silence qui me semble durer une éternité, je me retourne et récupère l’ordinateur portable pour fermer l’écran, et le remettre à sa place sur la table basse. « Tu crois que… Tu crois que quelqu’un les a volontairement envoyées à tout le monde ? » Je ressasse la question depuis que Saül a fait irruption chez nous, je devais la lui poser. Qui pourrait vouloir me ridiculiser ou ridiculiser Damon ? Qui pourrait vouloir me nuire ou nuire à notre image de parfait couple ? Qui a quelque chose à gagner là dedans ?

Désolé, il l’était sincèrement - il n’était pas le genre de personne à se confondre en excuses s’il ne les pensait pas. Il l’était d’autant plus en sachant que c’était son père qui avait rendu Megan dans l’état qu’elle était actuellement. « Merci… » Mais en cet instant, il aurait préféré ne pas avoir à s’excuser de la part de Saül; lorsqu’il s’agissait des choses le concernant lui, il s’excusait de devoir se plier aux désirs de cet homme, mais en cet instant il devait s’excuser des actions que ce dernier avait eu à l’encontre de sa femme et cela laissait un goût amer dans le fond de la bouche. Il n’aurait jamais voulu se retrouver dans cette situation.

Cependant, ce n’était pas la seule chose pour laquelle il désirait s’excuser auprès de Megan - peut-être n’était-ce pas la place qu’il pouvait se permettre de prendre, mais Damon agissait dans une trop grande majorité des cas avec son coeur avant d’agir avec sa raison, il se laissa aller à sa pensée première, tentant tout de même d’y mettre des mots au plus justes. « Pour ça t’as pas à l’être. J’en ai pas honte tu sais. Ce sont que des photos. J’ai rien fait de mal ou de dégradant. » En se lançant sur un terrain glissant, l’italien était venu retenir légèrement sa respiration sans s’en apercevoir - il s’en rendit compte uniquement lorsqu’il expira lentement. Il n’avait vu de quelles images, pour le moment, Megan parlait mais il avait lu la colère de Saül dans son regard - et c’était imaginé le pire malgré lui, malgré sa bonne volonté. Il voulait juste que la jeune femme sache qu’il ne jouait pas contre elle présentement, qu’il n’acceptait en rien les actions qui avaient été prises à leur encontre. « Mais je suis désolée que ce soit ressorti. » - « Sois pas désolée, tu l’as dit toi même: t’as rien fait de mal. » Il était plus facile pour Damon de s’excuser pour les autres que de comprendre que ces derniers pouvaient agir de la même façon. « Je comprends même pas comment c’est possible, c’était y’a plus de cinq ans. Je vois pas comment quelqu’un aurait pu se rappeler de mon visage. » Pinçant ses lèvres en une ligne fine, il haussa légèrement les épaules. Il n’avait aucune idée de quoi que ce soit, et c’était peut-être ce qui rendait la situation encore plus déroutante. « Mais je sais que t’as pas fini d’en entendre parler. Et je suis vraiment désolée pour ça. Si j’avais pensé que c’était possible, je t’aurais au moins préparé à cette éventualité. » Bien sur qu’il aurait préféré être au courant en premier, afin de pouvoir parer toute éventualité que les choses en arrivent au point qu’elles avaient atteint. Et, par la suite, afin d’être réellement préparé à ce qui l’attendrait le lendemain au bureau - et les jours qui suivraient. Cependant, leur passé était quelque-chose qu’ils exploraient petit à petit et ils en pouvaient pas tout découvrir l’un de l’autre aussi rapidement, qu’importe depuis le temps qu’ils se connaissaient et la réelle relation qu’ils tissaient entre eux. S’ils n’avaient pas été en froid ces dernières semaines, peut-être que Megan aurait eu l’occasion de s’ouvrir sur le sujet - mais peut-être que ça n’aurait pas été le cas, et de toutes façons Damon ne s’en voulait pas de s’être muré dans cet espèce de silence tout ce temps; ils savaient pertinemment tous les deux pourquoi il agissait de la sorte.

En cet instant, et dans cette situation cependant, Megan n’avait pas besoin d’un ennemi mais d’un allier; et Damon allait devoir prétendre que c’était ce qu’ils étaient malgré tout lorsqu’il se pointerait au bureau le lendemain. Alors, il lui proposa ce qui semblait être le plus juste pour elle - peut-être se trompait-il, mais au moins il essayait: qu’elle lui montre elle-même les clichés. Il n’était pas friand à l’idée de les voir, surtout à la vue de leur relation plus qu’étrange, mais peut-être préférait-elle être celle lui dévoilant plutôt qu’une bande de quarantenaires riant bien trop forts et trop grassement en lorgnant sur les dits-clichés. « Tu vas les voir de toute façon. » Il hocha la tête avec peine. Il les verrait, contre son gré dans le pire des cas, alors au moins il serait prêt à venir réagir de la plus correcte des façons lorsque ce serait de nouveau le cas - Megan déjà en train d’ouvrir son ordinateur portable. A peine une minute plus tard, elle lui tendit l’appareil. « Attends, je veux pas voir tes réactions. » Haussant un sourcil quelque peu surpris, il attrapa l’ordinateur alors que la jeune femme vint lui tourner le dos. Alors, après une inspiration, il tourna à son tour son regard vers l'écran de l’ordinateur - et comprit finalement assez rapidement la réaction de la blonde, son anticipation même. En cet instant, Damon ne put s’empêcher d’avoir rapidement le rouge aux joues. L’idée de voir ces clichés avant d’aller au travail le lendemain était peut-être la meilleure idée qu'il ait eu jusque maintenant. Dans leur histoire, voir sa femme dans ces tenues et ces positions parfois suggestives et aguicheuses, devrait être quelque-chose de presque normale pour lui. Cependant, ça ne l’était en rien; une part de lui était gêné de la voir de la sorte, mais une autre part devait admettre volontiers que les images n’étaient pas désagréables à regarder. « J’avais à peine dix-huit ans. Sois indulgent s’il te plait. » Déglutissant, il secoua son visage avant que Megan ne se tourne de nouveau vers lui: elle était mineure à l’époque Damon, ressaisis-toi bon Dieu. S’il y avait bien une réaction qu’il se devait d’éviter d’avoir en cet instant, c’était celle qu’avaient surement eux les gros balourds de la MHI et tout autre homme ayant un jour ouvert ces magasines… mais il aurait du mal à cacher le fait qu’il avait eu un coup de chaud en faisant défiler les clichés qu’elle lui avait présenté. Ressaisis-toi, Damon, elle a dit qu’elle voulait pas voir tes réactions - et clairement, sans grande surprise en réalité, elles étaient imprimées sur son visage de manière très colorée, les joues de l’italien toujours comparables à un brasier.

Ce fut Megan elle-même qui prit l’initiative de retirer l’ordinateur des mains de l’italien afin de le remettre à sa place sur la table basse du salon. « Tu crois que… Tu crois que quelqu’un les a volontairement envoyées à tout le monde ? » Il changea l’expression de son regard de surprise presque appréciable à surprise suspicieuse. Ayant mis les pieds dans cette situation que quelques minutes plus tôt, lorsqu’il était revenu à l’appartement, il n’avait pas eu le temps de venir réfléchir à tout ce qui pouvait être impliqué dans la révélation de telles images. « C’est possible. » Il s’éclaircit la gorge, se leva du canapé, marcha quelques pas - il se trouvait ridicule, il devait se retirer les images qu’il avait vu de l’esprit et se concentrer sur les choses qui importaient pour l’instant: la question plus que sérieuse de Megan. « Je sais pas pourquoi on voudrait s’en prendre à toi, ou s’en prendre à moi par association. » Il n’était en rien détective, mais il avait toujours eu des neurones parfaitement fonctionnels et c’était le moment parfait de les mettre à l’oeuvre. « Par contre, on sait qu’il existe des gens qui pourraient en vouloir à Saül. » Après tout, Megan était bien placée pour comprendre à quoi il référait. « Et qui pourrait essayer de l’atteindre à travers nous. » Parce-que c’était une chose qui se faisait malheureusement que trop souvent dans la course à devenir les meilleurs. Si une entreprise ne pouvait venir concurrencer une autre sur le marché, elle pouvait toujours s’en prendre au personnel haut placé par des moyens détournés. « Si quelqu’un s'amuse à ça, ça veut dire qu’ils pensent qu’on forme tous une famille heureuse et que notre couverture fonctionne bien tu me diras, c’est un bon point de ce côté là. »

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Megan Williams & @Damon Williams

« Sois pas désolée, tu l’as dit toi-même : t’as rien fait de mal. » Prétendre assumer ce genre de photo pour derrière jouer les saintes nitouches, c’est hypocrite. Ça l’est trop, même pour moi qui ne rougis généralement pas d’être qualifiée de la sorte. La gêne que je ressens est davantage liée à la personne qui va regarder ces photos d’ici quelques minutes puisque c’est un fait : il est censé être celui qui me connais le mieux, le plus intimement en tout cas, mais dans les faits c’est loin d’être le cas. S’il m’a vue en maillot de bain, c'est différent autant parce que le vêtement masquait ma pudeur que parce que je n’étais pas dans une démarche de séduction, pendant notre lune de miel. Notre relation est inqualifiable certes, mais nous n’avons rien d’un couple qui roucoule, encore euphorique de nos récentes noces. Peut-être un jour deviendrons-nous quelque chose, si tant est qu’il parvienne à me pardonner - mais pour l’instant nous n’en sommes pas là.

Alors, savoir que pendant que j’ai le dos tourné - littéralement - il a tout le loisir de m’observer sous toutes mes coutures, c’est assez pour que même moi je sois mal à l’aise. Une part de moi se demande comment il me trouve, mais le reste de ma personne craint surtout qu’il me juge pour les clichés qu’il découvre. Par photo de charme, a-t-il compris que j’étais dans mon plus simple appareil ? Lorsque je dis magazine masculine, réalise-t-il que je ne parle en aucun cas d’un hebdomadaire qui met la mode au centre de son édito ? Nerveuse, je joue avec mes doigts et je plie mon genou gigote sans que je ne le réalise. Je n’arrive qu’à m’empêcher de ronger mes ongles manucurés, ce qui est déjà une petite victoire en soi. Lorsque je me retourne, il va sans dire que je vois que le rouge lui est monté aux joues. Même dans ce genre de situation, Damon parvient à être touchant et cela me donne au moins assez d’assurance pour esquisser un sourire. Il n’a pas l’air choqué et déçu. Il a l’air… Il a simplement l’air d’un jeune homme qui vient d’observer une jolie fille en tenue d’Eve, à vrai dire. « Oui, c’était une bonne idée que tu les regardes avant. » Personne n’aurait reproché à un jeune époux de rougir à l’idée que toute son entreprise ait voir de tel clichés de sa dulciné, mais reste vrai que sa réaction le trahit un peu trop. « Je vais prendre ça… » Ses joues brûlantes et son air semblable à celui d’un jeune adolescent qui découvre son corps d’homme et celui de ses congénères féminines. « …Comme un compliment. » Mais nous n’en sommes pas à les consulter et commenter ensemble, si bien que j’attrape l’ordinateur pour le déposer loin de nous.

Être personne était terriblement triste, mais cela avait quelques avantages et la discrétion en faisait partie. Avant l’an dernier, je n’aurais jamais cru possible de me retrouver dans ce genre de situation et je dois l’admettre : je suis  dépassée. Que ces photos compromettantes pour quelqu’un comme les Williams aient été déterrées quelques jours après la sortie de la campagne publicitaire de MHI dont je suis l’égérie est le genre de coïncidence à laquelle je ne crois pas. Pour moi, ça n’a rien d’un hasard et voué à ternir si par l’image de l’entreprise, au moins celle du nom Williams. « C’est possible. » Malgré toute son innocence, même Damon ne peut pas nier. « Je sais pas pourquoi on voudrait s’en prendre à toi, ou s’en prendre à moi par association. » Je n’ai besoin que de plisser les lèvres en une grimace gênée pour qu’il continue de dérouler le fil de son idée. « Par contre, on sait qu’il existe des gens qui pourraient en vouloir à Saül. Et qui pourrait essayer de l’atteindre à travers nous. » - « Même si j’étais du genre optimiste et toujours positive, je trouve la coïncidence avec la sortie de la campagne pour la nouvelle collection trop grosse pour en être une. » Nous n’avons que peu parlé de la proposition de Saül. Lui parce qu’il ne me parlait que peu tout court, moi parce que j’avais peur que tout ça ne fasse que confirmer à ses yeux l’idée que je ne suis intéressée que par son argent et par les opportunités que m’offre l’appartenance à un clan comme le sien. « Si je voulais discréditer ton père ou l’entreprise, j’aurais pas fait mieux. » Au moins, Saül peut être écarté de la liste des coupables potentiels. Il est assez vicieux et cruel pour faire ce genre de chose, mais pas assez idiot pour me ridiculiser d’une façon qui déteint tant sur lui et ses affaires. « Je crois pas que ça soit encore sorti de l’entreprise… » Il va sans dire que j’ai déjà jeté un œil à mon feed instagram. « Mais si beaucoup sont au courant, ça finira par arriver. » Plutôt rapidement.

« Si quelqu’un s'amuse à ça, ça veut dire qu’ils pensent qu’on forme tous une famille heureuse et que notre couverture fonctionne bien tu me diras, c’est un bon point de ce côté là. » J’esquisse une grimace qui se veut ressembler à un sourire, et lui jette un regard qui retrouve un peu de sa tendresse d’antan. « Personne voit mieux le verre à moitié plein que toi. » Moi-même, j’ai pensé aux conséquences plutôt qu’au point positif. « Saül va gérer ça comment ? » Je n’arrive pas à me résoudre à qualifier l’événement comme ”une crise” puisque cela sous-entendrait que j’en suis à l’origine. « En faisant profil bas ou en tentant de retrouver d’où c’est parti ? » Je suppose qu’en tant que président de l’entreprise, il a tous les droits, non ? Dont celui d’ouvrir une enquête pour déterminer qui a reçu les photos au sein de MHI, et surtout, qui était l’expéditeur ? Quant à moi, je ne suis pas certaine de savoir comment l’on attend que je gère les événements. Si je peux m’éviter de m’attirer à nouveau les foudres de Saül et de subir sa rage, je le ferai.

« Oui, c’était une bonne idée que tu les regardes avant. » Il aurait voulu pouvoir regarder ces photos sans une réaction et en restant de marbre, mais il était vrai qu’il ne s’était pas attendu à déposer son regard sur Megan de la sorte - et surtout il ne s’était pas imaginé la voir dans cette tenue pour la première fois à travers des clichés que bien d’autres avaient pu voir avant lui. Heureusement que leur histoire était factice, d’ailleurs, sinon il aurait éprouvé une pointe de jalousie à savoir que d’autres pouvaient aussi bien connaître le corps de sa femme. Il n’en était rien en cet instant, et il était surtout bien trop occupé à ne pas rougir davantage pour penser au fait qu’il s’agissait effectivement de sa femme sur les images qu’il venait de voir. « Je vais prendre ça… Comme un compliment. » Et c’en était un. Il était maladroit, il n’arrivait pas sous la bonne forme et Damon aurait préféré pouvoir la complimenter avec des mots plutôt qu’avec une réaction aussi puérile presque de sa part, mais les faits étant ce qu’ils étaient il préféra venir se concentrer sur la seconde partie de la conversation - même si cette dernière lui demandait de sortir de ses pensées et de participer avec des mots plutôt qu’avec une simple réaction physique.

Il était probable, malheureusement, que des personnes mal intentionnées aient choisi d’exposer un vieux travail de Megan afin de s’en prendre à eux ou à quelqu’un qui leur était proche. Damon aurait bien voulu croire qu’ils avaient assez d’influence sur quiconque à l’extérieur de leur famille - ils en avaient déjà que trop peu au sein de cette dernière -, mais il fallait se rendre à l’évidence: si quelqu’un cherchait à semer la zizanie quelque-part, ils n’étaient que des dommages collatéraux. « Même si j’étais du genre optimiste et toujours positive, je trouve la coïncidence avec la sortie de la campagne pour la nouvelle collection trop grosse pour en être une. » Il y avait surement un peu de tout ça dans cette histoire - campagne dont Damon avait entendu parler de loin, qu’il avait vu en production et plus tard croisé les affiches en grand format dans la ville. Campagne à laquelle il n’avait surtout pas pris part puisqu’il n’était en rien concerné par les activités professionnelles de sa femme - cette dernière était bien assez grande pour prendre des décisions seule et mener comme elle l’entendait sa carrière. Et puis, de toutes façons, il ne préférait pas glisser sur cette pente là car d’autres choses pourraient être remises en avant et il ne désirait pas avoir tout le temps les mêmes discussions; déjà qu’ils n’en avaient eu que peu ces dernières semaines… « Si je voulais discréditer ton père ou l’entreprise, j’aurais pas fait mieux. » Il pinça ses lèvres. « Qu’importe qui est derrière ça, la personne s’est donné un mal fou pour récupérer des photos qui semblaient être oubliées. » Les mots de Megan, presque, pas les siens. « La campagne a surement été l’occasion donnée sur un plateau d’argent, à ce stade, pour quelqu’un qui voulait vraiment s’en prendre à Saül ou à la MHI depuis quelques temps. » Si une partie de lui voulait vraiment ajouter un commentaire en cet instant, elle dirait surement qu’il allait avec grande chance encore pâtir des décisions et des faits de Megan, mais ses pensées ne se concentraient pas sur cette partie là de l’histoire en cet instant et heureusement pour tout le monde. Comme quoi, son coeur n’était pas si mauvais et il suffisait d’une tournure de situation qui mettait l’existence d’un de ses proches en danger pour qu’il oublie les querelles et toute autre rancoeur au moins l’espace d’un instant.

« Je crois pas que ça soit encore sorti de l’entreprise… Mais si beaucoup sont au courant, ça finira par arriver. » Il soupira. « Je sais. » Les calculs n’étaient pas compliqués à faire. Les choses finissaient toujours par se savoir - mais du moment que cela restait ciblé sur les problèmes générés pour la MHI, et pour Saül quitte à mettre en lumière ses agissements que peu recommandables, Damon ne s’alarmaient pas. Au moins, cela ne venait pas de son comportement à lui, d’une quelconque promesse rompue ou quoi que ce soit touchant de près ou de loin le mariage dans lequel il avait foncé tête baissé et qui était en train de surement ruiner une partie de sa vie personnelle. Mais au moins, oui, ce dernier semblait intacte et véritable aux yeux de toute personne se penchant dessus d’un peu trop près. « Personne voit mieux le verre à moitié plein que toi. » Il haussa les épaules. Avait-il été malgré lui habitué à agir de la sorte ? A travers les disputes de famille et les incompréhensions, à travers les problèmes liés à des sujets ne le regardant même pas avait-il aisément pris le rôle de celui qui gardait en tête qu’après l’orage venait toujours le beau temps ? « Saül va gérer ça comment ? En faisant profil bas ou en tentant de retrouver d’où c’est parti ? » Rien que d’entendre le prénom de son père, un slave de frissons malsains se faufila le long de sa colonne vertébrale et instinctivement, son regard se posa un instant peut-être de trop sur le cou de Megan et les marques qu’il était en train de revêtir bien trop rapidement. « Honnêtement ? » Ne l’était-il pas tout le temps, honnête ? « J’en sais rien du tout et j’en ai rien à faire. » Il se rendit compte que ses paroles pouvaient être blessantes alors que là n’était en rien son intention. « Ce que je veux dire, c’est qu’il gère ses problèmes comme il veut. Je regarde pas ce qu’il fait dans ses affaires, et j’ai pas envie d’aller mettre mon nez dedans après… aujourd’hui. » En temps normal, il était déjà du genre à éviter son père s’il le pouvait - quoi que après un drame comme celui qui avait concerné Auden, les choses étaient presque au beau fixe entre eux -, mais il ne fallait pas compter sur lui pour être un bon garçon avec son paternel à partir de maintenant.

« Est-ce que tu veux pas aller faire un tour aux urgences ? » Il avait détourné son regard de la jeune femme, pour poser sa question, murmurée du bout des lèvres et presque trop peu assumée. Il savait que les choses n’étaient pas au mieux entre eux, mais toute situation devait être traitée à part et celle qu’ils venaient de vivre - surtout Megan - était quelque-chose qui n’entrait pas dans leur querelle plutôt dite habituelle; cette dernière pourrait attendre une journée ou deux de plus pour être reprise.

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Megan Williams & @Damon Williams

Dans d’autres circonstances, nous aurions ri de son embarras face aux photos. Je l’aurais taquiné parce que ses joues ont rougi et le tout aurait peut-être été propice à des jeux de séduction innocents. Sauf qu'encore une fois et comme toujours, les circonstances jouent contre nous. Je n’ai prévenu personne pour ces photos parce qu’elles appartenaient au passé, je n’y ai plus pensé depuis plusieurs années maintenant, et surtout je sens encore trop bien les doigts de son père autour de mon cou pour avoir envie de rire, de minauder et de m’amuser avec lui. Alors oui, je suis flattée mais, malheureusement, je ne suis pas capable d’agir là-dessus pour l’instant. Je crains plutôt ce qu’il va se passer quand les photos passeront les portes de Michael Hills pour se répandre sur les réseaux sociaux et chez tous les autres partenaires d’affaires de la famille Williams. S’il n’était question que de moi, j’assumerais les clichés en gardant le menton levé, parce que je le maintiens : ce ne sont que des photos. Des photos où je suis nue, mais séduisante et je ne considère pas que j’ai à en avoir honte. Sauf qu’il ne s’agit que de moi, que Saül a beau être un salopard il a raison, Damon va être raillé et la campagne tournée en ridicule. Je vois d’ici les gros titres : de modèle pour des photos de nue, la presse me prétendra actrice pornographique et le fait qu’une ancienne actrice porno ait été engagée pour la nouvelle campagne de la marque de luxe fera scandale. Force est de constater que lorsque j’ai rejoint la famille Williams, j’ai mis le doigt dans un engrenage qui me dépasse largement. « Qu’importe qui est derrière ça, la personne s’est donné un mal fou pour récupérer des photos qui semblaient être oubliées. » - « Mais qui peut me détester à ce point ? Ou vouloir te ridiculiser toi ? » Penaude, les yeux toujours humides, je ne comprends pas. La question n’en est pas vraiment une : elle n’est que le reflet d’à quel point je suis perduée. « La campagne a sûrement été l’occasion donnée sur un plateau d’argent, à ce stade, pour quelqu’un qui voulait vraiment s’en prendre à Saül ou à la MHI depuis quelque temps. » Des victimes collatérales. Pour Damon, cela ne semble pas faire de tout, nous sommes des victimes collatérales lui et moi et même si je ne considère pas avoir fait quoi que ce soit de mal, je ressens à nouveau le besoin de m’excuser auprès de lui. Saül lui peut aller voir en enfer si j’y suis. « Je suis vraiment désolée Damon. Si j’avais su que ça pourrait arriver, j’aurais jamais accepté. » J’ai beau être avide d’exister, avide de sensations fortes, je suis honnête : me faire étrangler par son père m’a au moins temporairement remis les idées en place.

« Honnêtement ? » Il l’est toujours, de toute façon. « J’en sais rien du tout et j’en ai rien à faire. » Si je fronce les sourcils c’est parce que moi, je n’en ai pas rien à faire. Je ne vais pas mentir : j’ai peur pour ma peau. J’ai peur que la réaction à chaud de l’homme d’affaires ne soit que le début. « Ce que je veux dire, c’est qu’il gère ses problèmes comme il veut. Je regarde pas ce qu’il fait dans ses affaires, et j’ai pas envie d’aller mettre mon nez dedans après… Aujourd'hui. » - « Tu sais qu’il va te tenir responsable pour ça, je me trompe ? » Puisque tout ce qui échappe au contrôle de Saül Williams le rend fou. Il jugera certainement que c’était à mon époux de me tenir, à lui de s’assurer que je reste dans le rang. « Si tu crois que j’ai peur des conséquences parce que j’ai eu ma minute de gloire et que j’ai peur que ce soit terminé, c’est pas ça… » Je ne sais plus vraiment ce qu’il pense de moi, depuis notre dernière dispute. « J’ai peur qu’il revienne. J’ai peur de ce dont il est capable. » Même s’il décide d’oublier ses accès de violence, il existe tout un tas d’autres moyens de s’en prendre à moi.

« Est-ce que tu veux pas aller faire un tour aux urgences ? » A nouveau, je suis muée par le besoin d’être rassurée par ses bras, et je ne résiste pas. Je m’approche de lui, je l’entoure des miens et je pose mon front contre son épaule, pour calmer les restes d’angoisse. « Non… On va me demander ce qu’il s’est passé aux urgences… » Et on sait tous les deux que ça ne peut pas arriver. Parce que je ne peux pas avouer ce qui m’est arrivé et que cela semblera suspect, Damon sera même peut-être le coupable tout désigné. « Et je vais bien de toute façon. J’aurais des bleus, mais j’ai pas de plaie à recoudre, et j’ai pas pris de coup sur la tête. » Mes blessures, elles sont beaucoup plus vicieuses, elles sont invisibles. Toujours dans ses bras, je souffle un « Merci… » qui vient du fond du cœur et qui est également le reflet de l’élan de culpabilité que je ressens à l’idée d’être retombée dans les bras de Scott parce que je me sentais seule. Damon me prouve ce soir que malgré nos disputes, quand ça compte, je ne le suis pas et je me sens terriblement sale.

« Mais qui peut me détester à ce point ? Ou vouloir te ridiculiser toi ? » Une fois de plus, il n’avait guère la réponse à cette question, il haussa les épaules doucement. A ses yeux, il s’agissait forcément là d’un moyen de faire tomber son père du piédestal sur lequel il s’était seul hissé, et non une façon de faire du mal à Megan ou de le ridiculiser lui. Qui pourrait effectivement leur en vouloir à eux, plutôt qu’à son père ? La réponse était personne pour le jeune homme et leurs questionnements devraient se tourner vers qui pourrait en vouloir à Saül et personne d’autre. « Je suis vraiment désolée Damon. Si j’avais su que ça pourrait arriver, j’aurais jamais accepté. » Il soupira, un brin trop longuement, avant de frotter ses yeux du bout des doigts. « Ce n’est pas à toi d’être désolée, Megan. » Dans toute cette situation, s’il existait bien une personne qui avait à présenter ses excuses, c’était Saül et ce dernier n’agirait pas de la sorte; Damon le connaissait assez pour savoir qu’il assumerait, selon lui, ses gestes et qu’il ne voyait pas de mal dans l’idée de remettre quelques idées en place de temps en temps. Et puis, de toutes façons, il était clair e net dans l’esprit du jeune homme qu’il n’était pas question que Megan approche son père de si tôt - il aurait trop peur qu’il tente d’achever ce qu’il avait commencé.

Les représailles de l’italien, lui, il avait l’habitude de les subir mais Megan était nouvelle elle à cet exercice. Et il ne souhaitait que personne ne puisse se mettre à sa place. « Tu sais qu’il va te tenir responsable pour ça, je me trompe ? » - « Je sais. » La réponse de la part de Damon n’avait mis qu’un instant à se faire entendre. Et ce fut avec un petit sourire triste qu’il adressa ses prochains mots à la demoiselle. « C’est pas très grave, j’ai l’habitude. » Il avait passé la moitié de son existence à décevoir son père, il n’était plus à une fois près de toutes façons. « Si tu crois que j’ai peur des conséquences parce que j’ai eu ma minute de gloire et que j’ai peur que ce soit terminé, c’est pas ça… » - « Megan… » - « J’ai peur qu’il revienne. J’ai peur de ce dont il est capable. » Il savait. Malgré tout, et même si les circonstances pouvaient pointer dans la direction la plus opposée, il savait que ce n’était pas de ça qu’elle avait peur présentement. « Je sais Megan. » Ces mots furent plus affirmés, voulant démontrer qu’il ne doutait pas un seul instant de la véracité de ses propos « J’ai souvent peur de ce qu’il est capable aussi. On en serait pas arrivés là si c’était pas le cas. » Le mariage, et tout le reste - si Damon n’avait pas peur de son père, aucune de ces choses là ne serait arrivée. Mais la vie ne se déroulait pas selon un long fleuve tranquille et il y avait des variables avec lesquelles malheureusement composer. « Mais ça va plus être suffisant, d’avoir peur. » Les mots était dits dans un murmure, comme dans un souffle d’espoir, à peine adressés à la jeune femme mais complètement dits pour qu’il les entende au moins lui-même. Avoir peur avait été une bonne excuse, pendant bien longtemps - trop longtemps -; elle ne serait plus suffisante désormais et il allait devoir passer outre ce sentiment qui le rongeait de l’intérieur depuis des années.

Ce n’était pas l’élément important, pour le moment, pour autant car la crise existentielle par laquelle Damon s’apprêtait à passer pouvait attendre quelques heures, quelques jours - tout comme la querelle qui faisait toujours rage entre Megan et lui pouvait attendre encore un peu qu’il s’assure de son état de santé. Et là où il s’attendait à ce qu’elle se contente de lui répondre verbalement, il fut légèrement surpris de la voir s’avancer vers lui afin de se glisser dans ses bras. Et, si quelques semaines plus tôt il aurait eu un mouvement de recul et de refus à l’idée de la laisser s’approcher de la sorte, ce n’était plus au gout du jour - il comptait respecter le cesser le feu. Les bras de l’italien entourèrent le corps encore en état de choc de sa femme, les resserrant avec délicatesse autour de ce dernier. « Non… On va me demander ce qu’il s’est passé aux urgences… » Ils demanderaient, oui - après, ils n’étaient pas obligés de donner les détails de la situation et pouvaient se contenter de ce qui serait nécessaire pour soigner Megan. Dans tous les cas, Damon se plierait à sa décision mais il ne voulait pas qu’elle se prive de voir un médecin à cause de sa famille. « Et je vais bien de toute façon. J’aurais des bleus, mais j’ai pas de plaie à recoudre, et j’ai pas pris de coup sur la tête. » Physiquement, son corps se rappellerait de cette altercation et garderait des marques des jours durant. Mais il ne s’agissait pas que de ça, il s’agissait de quelque-chose de bien plus grand que ça. « Merci… » Qu’il perçut, dans un souffle de la part de la jeune femme. Il resserra quelque peu alors son éteinte d’atour d’elle, déposant un baiser sur le dessus de son crâne. « Pour le meilleur et pour le pire. » Parce-qu’ils l’avaient dit et qu’il ne comptait pas, de son côté, déroger à cette promesse là. Il ne manifesterait pas sa présence de la même façon que d’autres maris pourraient le faire, mais lorsqu’elle aurait réellement besoin, il serait toujours tapis quelque-part près à lui prêter main forte. Même lorsqu’il s’agissait face à lui de Saül Williams.

Finalement, après un instant de silence, il finit par se reculer légèrement de Megan, replaçant une de ses mèches de cheveux derrière son oreille. « T’as besoin de te reposer. » Il avait besoin également de fermer les yeux quelques heures et de remettre toutes ses idées en place, d’analyser ce qui venait réellement de se passer et de comprendre pleinement les conséquences des actions qu’il avait prises - et elles seraient surement nombreuses. Doucement alors, il glissa sa main dans celle de Megan et l’entraina avec lui - non pas en direction de la chambre de la jeune femme mais en direction de la sienne, car il n’était pas question qu’il la laisse seule face à des images qui pourraient surgir dans l’obscurité. « Pour ce soir. » Pour pouvoir la rassurer, pour pouvoir être présent pour elle. Ils reprendraient leurs habitudes dès le lendemain, ils seraient de nouveau en guerre froide dès le lever du soleil s’il le fallait. Mais ce soir, les choses étaient différentes. « Je passe juste sous la douche et je te rejoins. » Il allait fumer une ou deux cigarettes, aussi, avant de retirer l’odeur de sa peau sous l’eau chaude car il sentait l’adrénaline s’échapper de son corps et la réalité rattraper ses fibres nerveuses. Il ferait les choses dans cet ordre là étalement car il savait que la jeune femme n’était en rien une fanatique de l’odeur de tabac froid qu’il pouvait emporter avec lui partout où il allait - et ce soir, c’était un détail qui comptait.

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Megan Williams & @Damon Williams

« Je sais. C’est pas très grave, j’ai l’habitude. » Je vais devoir la prendre, également, il semblerait, cette habitude. Personne de censé ne m’aurait repproché ce qu’il s’est passé et pour cause : j’ai fait ces photos il y a un millénaire et je ne sais pas celle à cause de qui elles ont refait surface. Pourtant, puisque tout ce qui échappe à Saül et qu’il ne peut contrôler est condamnable, me voila désormais coupable à ses yeux. Que je sois aussi humiliée que lui et que son fils n’a pas la moindre importance à ses yeux : je crois qu’il ne s’est même pas demandé comment je me sentais. Ce qui compte, c’est que j’ai compliqué les choses pour lui. Il avait sa parfait sucess story, avec cette campagne publicitaire. Il allait montrer au monde entier la jolie femme de son fils, pour leur rappeler à tous que les Williams sont à envier, qu’ils possèdent les plus belles choses et que Williams, c’est presque autant une marque, un mode de vie qu’un nom de famille. Sauf que maintenant, je fais tâche. Oh, bien sûr, les plus lubriques des collègues de mon jeune époux l’envieront derrière des les remarques désobligeantes qu’ils lui enverront en pleine figure. Mais la plupart des hommes d’affaires seront soulagée que ce ne soit pas la leur fils, l’idiot qui s’est acoquiné d’une fille comme moi.

« Je sais Megan. J’ai souvent peur de ce qu’il est capable aussi. On en serait pas arrivés là si c’était pas le cas.  » - « Je croyais que tu avais plus peur pour lui que de lui. » Que c’était plutôt pour ça, parce que Damon ne voulait pas voir son père croupir en prison, qu’il avait accepté les conditions de ce mariage. C’est bien de ça non qu’il est question, lorsqu’il parle d’en être arrivés là ? « Mais ça va plus être suffisant, d’avoir peur. » Que va-t-il faire, se rebeller ? J’aurais au du mal à l’imaginer si je ne l’avais pas vu me défendre aujourd’hui, si je ne l’avais pas vu prendre mon parti et repousser violemment son père. « Qu’est ce que tu vas faire ? » C’est plutôt ça que j’aurais dû demander, plutôt que ce que Saül allait faire. A l’entendre, Damon va réagir. Lorsque je l’écoute, j’ai presque l’impression qu’il profère des menaces à l’attention de son paternel. « Pour le meilleur et pour le pire. » - « Il est temps que le meilleur arrive non, tu crois pas ? » Après une tentative de meurtre à notre mariage, voilà que la père du marié agresse sa chère et tendre. Pour l’instant, le pire fait la course en tête.

« T’as besoin de te reposer. » Je ne suis pas sûre de ne pas plus avoir besoin de boire une bouteille de vin en écoutant de la mauvaise musique pour me changer les idées. Je ne suis pas fatiguée mais en état de choc et, pourtant, je laisse Damon glisser une main dans son dos pour me conduire jusqu’à non pas ma chambre, mais la sienne. Je l’observe avec surprise, face à la porte de cette pièce dans laquelle je ne suis rentrée au final que peu de fois. « Pour ce soir. Je passe juste sous la douche et je te rejoins. » Pour ce soir. Je lâche sa main pour le laisser s’éloigner et pousser doucement la porte de son antre. Si je suis toujours bouleversée, la curiosité prend malgré tout le pas sur tout autre sentiment alors que je détaille les murs, puis la décorations de la pièce. Je réalise dans un premier temps que l’endroit colle à l’idée que je m’en faisais : je connais Damon, au fond. Prise d’un doute, je quitte sa chambre le temps d’aller tourner la clé dans la porte d’entrée pour m’assurer qu’elle est bien verrouiller - elle l’est - avant de revenir sur mes pas. Je n’ose pas me glisser sous les draps du jeune homme. J’ose à peine m’asseoir en taille sur le bord du lit, en attendant qu’il arrive. Lorsqu’il revient, j’attends même son accord - une invitation ou un signe de tête, la preuve que ma présence ne le dérange pas - pour m’allonger à côté de lui. Il ne sent pas le tabac : il sent bon le gel douche. « Avant de sortir, tu as dit que tu avais une course à faire. C’était quoi ? » Je réalise que, avec l’irruption de Saül, je n’ai pas posé la moindre question à son retour. Il est parti au moins une heure entière et, pourtant, je ne l’ai pas vu avec un sac de courses à la main. Cela dit, j’étais secouée. Je l’ai peut-être raté. Je n’aurais pas posé la question hier. Aujourd’hui, je profite de ce qui ressemble à une trêve - j’ignore jusqu’à quand elle durera, cela ne dépend pas de moi - pour échanger avec lui sur des futilités sans que la discussion ne soit alourdie par les tensions entre nous. C’est agréable. Cela faisait longtemps. « Damon ? » Peut-être que je fais erreur. Tant pis. « Je peux venir dans tes bras ? » Pour ce soir.

« Je croyais que tu avais plus peur pour lui que de lui. » Damon pinça ses lèvres en une ligne fine. « C’est vrai que ça peut porter à confusion. » Parce-que dès que Saül exigeait - il ne s’agissait jamais de demandes, dans son cas -, son fils exécutait et ce sans penser trop à deux fois aux conséquences. C’était ainsi que malheureusement leur duo s’était formé au cours des années, et c’était là la seule chose à laquelle Damon s’était habitué. En revanche, là où Megan se trompait, c’était que le jeune homme n’agissait pas de la sorte parce-qu’il avait peur de ce qu’il pourrait arriver à son paternel, mais plutôt de la façon dont il se comporterait si son garçon n’était pas venu à son secours. « Avant, je me souciais de ce qu’il lui arriverait, si je m’exécutais pas. Lorsqu’il me donnait des ordres. » Il soupira, légèrement, juste un instant. « Mais je me rends compte aujourd’hui en fait que ça fait longtemps que j’ai simplement peur de ce qu’il serait capable de me faire s’il obtient pas ce qu’il souhaite. » Preuve en était encore aujourd’hui, alors que la situation lui échappait et qu'il n’avait guère le contrôle de quoi que ce soit: il en était arrivé à désirer étrangler Megan, comme simple excuse qu’elle avait existé avant qu’elle ne croise son chemin. « Qu’est ce que tu vas faire ? » Avec un nouveau soupire, il haussa les épaules cette fois-ci. « Je sais pas. Je me suis jamais retrouvé dans cette situation là. » Ou pas exactement, pas avec autant de colère cachée en son sein, pas avec autant d’amertume dans le fond de la gorge lui bloquant presque la respiration. Saül s’était déjà montré violent envers, d’une autre façon certes, mais ce n’était pas la première fois qu’ile le voyait brutaliser quelqu’un. Cependant, toutes les autres fois, Cosimo avait plié sous le poids des mots de son père et n’avait pas songé à ce rebeller - pas en le pensant réellement. Aujourd’hui, tout était différent. « Je sais pas… » Qu’il se contenta de répéter.

« Il est temps que le meilleur arrive non, tu crois pas ? » - « Il serait temps, oui. » Qu’ils arrêtent d’être à bout de souffle, au moins une fois dans l’année, ça ne leur ferait pas de mal. Les choses ne semblaient juste pas de cet avis.

Le seul sujet sur lequel tout allait rapidement s’accorder, c’était le fait que Megan méritait d’aller se reposer désormais, et que trainer dans le salon en ayant en permanence un oeil rivé sur la porte d’entrée ne serait pas quelque-chose qui les aiderait dans ce sens là. Alors, Damon intima la jeune femme à se rendre non pas dans sa chambre à elle cependant mais dans la sienne à lui, pour qu’il puisse rester à ses côtés encore un peu, qu’il puisse la rassurer le temps d’une nuit supplémentaire, lui montrer que quand c’était important il savait répondre présent. Il aperçut la surprise sur les traits de visage de Megan, alors il clarifia les choses: c’était seulement pour ce soir, car il n’avait pas encore terminé de passer l’éponge sur le reste des choses qu’ils avaient à régler entre eux. Mais pour ce soir, il mettait tout ça de côté. Il s’autorisa cependant un instant de répit pour lui-même également, fumant deux clopes d’affilé sans pause et passant sous le jet d’eau chaude dans la foulée. Si les événements avaient été d’autant plus traumatisants pour Megan, Damon n’était pas habitué à réagir de la sorte - et sa main tenant la cigarette était tremblante, alors que l’adrénaline quittait petit à petit son corps, alors qu’il revoyait les images d’un Saül déchainé et enragé. Il aurait bien des choses à digérer de son côté, mais il reportait également cette partie là du processus à plus tard. Pour le moment, il avait d’autres priorités.

Ce fut au tour du jeune homme d’être surpris cependant, alors qu’il sortait de la salle de bain en caleçon - ils avaient passé le temps de faire des efforts inutiles, non ? -, de voir que Megan s’était contentée de juste s’asseoir au bord du lit. Lorsqu’il lui avait indiqué qu’elle pouvait rester à ses côtés pendant la nuit, il comptait lui laisser une place sous les draps tout de même, il n’était pas un monstre. Elle le devança cependant, reprenant la parole avant qu’il n’ait le temps de formuler la moindre indication quant au fait qu’elle n’avait pas besoin de l’attendre pour se glisser sous les draps, si elle le voulait. « Avant de sortir, tu as dit que tu avais une course à faire. C’était quoi ? » Un instant, Damon fronça quelque peu les sourcils, ne comprenant pas de suite à quoi la demoiselle faisait référence. Et puis, alors qu’il remettait les éléments de la soirée s’étant déroulée en ordre, cela lui revint. « Oh ! » Sans attendre, il se rendit au salon une poignée de secondes avant de revenir auprès de Megan dans sa chambre. Il avait déjà oublié cette partie là de la journée, à vrai dire, tant d’autres choses s’étaient déroulées depuis. « Tiens. » Il finit par lui tendre un paquet-cadeau, un peu lourd, emballé dans du papier kraft - d’allure en rien prétentieuse, contrairement à tout le reste. « J’avais oublié que je l’avais laissé dans l’entrée. Attention, c’est fragile. » Il espérait aussi que rien ne s’était abimé alors qu’il avait posé dans la précipitation le paquet sur la console aux côtés de la porte d’entrée. « C’est ton vrai cadeau d’anniversaire, en réalité. » S’il avait montré des traits tirés de colère plus tôt, désormais c’était quelque peu gêné et un brin de rose aux joues qu’il s’adressait à Megan. « J’aurais pu te l’offrir plus tôt… » Si les choses avaient été toutes autres entre eux, si les mensonges n’étaient pas venus entraver sa confiance en elle, s’il s'y était pris plus tôt aussi - il décida de n’avancer aucune des raisons pour lesquelles il lui tendait ce cadeau que maintenant. « C’est pas important. J’espère que ça te plaira pour de vrai cette fois-ci. » Ils savaient tous deux que le collier ne faisait qu’illusion, au milieu de tout le reste.

« Damon ? » Ils s’étaient glissés sous les draps, désormais, alors que la lumière de la lune filtrait à travers les rideaux de la chambre. « Hm ? » le jeune homme se tourna pour faire face à Megan, ouvrant les yeux, attendant qu’elle poursuive - il la sentait hésitante. « Je peux venir dans tes bras ? » Elle ne pouvait peut-être pas le voir, mais une petite moue tendre prit d’assaut les traits de son visage. D’un côté, il était soulagé que ce ne soit que ça qui la faisait hésiter de la sorte. D’un autre côté, il comprenait pourquoi juste ça la faisait hésiter. Il laissa échapper un petit soupire, en rien lassé, avant de glisser avec prudence un bras autour de la taille de la jeune femme. « Viens là. » Pour ce soir, ils pouvaient agir comme si le monde extérieur et son impacte n’avait pas autant d’importance, et simplement profiter du réconfort de la présence de l'autre à leurs côtés. Ils se l'étaient promis, qu’ils seraient encore là lorsque le pire arriverait; parfois, il pouvait être difficile de s’y tenir réellement - mais là, il n’y avait pas à réfléchir, à trouver quoi que ce soit compliqué. « Je suis désolé Megan. Vraiment désolé. » Qu'il lui glissa au creux de l’oreille, un murmure perdu dans la nuit, contenant tout ce qu’il était apte à faire en cet instant.

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Megan Williams & @Damon Williams

« Avant, je me souciais de ce qu’il lui arriverait, si je m’exécutais pas. Lorsqu’il me donnait des ordres. Mais je me rends compte aujourd’hui en fait que ça fait longtemps que j’ai simplement peur de ce qu’il serait capable de me faire s’il obtient pas ce qu’il souhaite. » Si entendre tout ça me désole, c’est bien parce que j’estime que Saül n’a jamais eu que ses propres intérêts à cœur, pas ceux de Damon. Le jeune homme s’inquiétait pour son père, il l’avoue lui-même, mais à mes yeux la réciproque est fausse. Tout ce que Saül a toujours cherché, c’est le contrôle sur son fils, pas sa sécurité ou son bonheur. Et d’une façon un peu tirée par les cheveux, nous nous ressemblons sur ce point, le blondinet et moi. Bien sûr, nous avons grandi dans des univers radicalement différents. Toutefois, nous avons tous les deux été mis dans une situation où l’enfant se préoccupait de ce qui pouvait arriver à l’adulte, et pas l’inverse. De mon côté, j’en suis ressortie traumatisée et certaine que, si je devais devenir mère un jour, je protègerais mes enfants coûte que coûte, motivée à ne jamais donner l’impression à un gamin qu’il est de sa responsabilité de s’occuper de ses parents. « Tu peux être certain que, dans un cas comme dans l’autre, lui il le sait. Et qu’il compte dessus. J’ai connu un certain nombre de bully quand j’étais gamine, ton père est pas très différent d’eux. » L’homme d’affaires n’a pas plus de scrupules que les petits caïds de cour de récréation, sauf qu'il a les moyens de frapper bien plus fort. Son géniteur est-il différent ou taillé dans le même bois ? Damon Williams a grandi avec de bien piètres modèles. C’est avec amertume que je tire ce constat, massant mon cou désormais bel et bien douloureux au toucher. « Je sais pas. Je me suis jamais retrouvé dans cette situation là. Je sais pas… » Je hoche doucement la tête sans rien ajouter et pour cause : le jeune homme vient de réaliser pas mal de choses, de décider de beaucoup d’autres et tout est certainement encore bien trop confus pour qu’il soit capable d’élaborer un plan d’attaque. Moi, je me demande simplement si ce dernier comprendra de finir par me mettre à la porte puisque je ne suis finalement rien d’autre qu’une contrainte de plus imposée par le patriarche de la famille Williams. « Il serait temps, oui. » Suis-je idiote, en entendant ça, de nourrir l’espoir qu’il en a envie ? Qu’il n’a pas décidé, pendant notre période de guerre froide, que le moment était venu de me mettre à la porte et de m’exposer au reste du monde comme la menteuse que je suis certainement à ses yeux ?

En tout cas, il n’a pas décidé de le faire ce soir puisque, lorsqu’il regagne sa chambre, il m’invite à le rejoindre sous les draps plutôt que de rester assise sur un coin du matelas. Me doucher, quitter mes vêtements au profit d’un pyjama, rien de tout ça ne m’a traversé l’esprit : je suis encore en état de choc et je crois que j’ai besoin d’un moment avant de fonctionner à nouveau correctement. Plutôt que d’esquisser le moindre geste, je l’interroge sans trop savoir pourquoi sur la course qui l’a éloigné de l’appartement pendant un moment juste avant - et pendant - la visite de son père. C’est avec un objet emballé dans du papier kraft qu’il revient, avant de le tendre dans ma direction. « Tiens. » Je fronce les sourcils, surprise de recevoir ce qui ressemble à un cadeau puisque nous avons à peine échangé quelques phrases, ces dernières semaines. « J’avais oublié que je l’avais laissé dans l’entrée. Attention, c’est fragile. C’est ton vrai cadeau d’anniversaire, en réalité. J’aurais pu te l’offrir plus tôt… » J’écarquille les yeux, avant de les poser sur le paquet. En ôtant mon collier dans les toilettes du restaurant le mois dernier, je n’attendais rien de lui, et certainement pas qu’il se démène pour trouver autre chose à m’offrir. M’a-t-il trouvée capricieuse et casse-pied ? S’est-il imaginé que ce n’était qu’une façon d’obtenir plus, d’obtenir mieux ? Ou bien a-t-il compris, quand j’ai déballé les cadeaux de mes amies, que c’était le côté impersonnel de son premier présent qui m’avait fichu le cafard ? « C’est pas important. J’espère que ça te plaira pour de vrai cette fois-ci. » - « Le collier, il était très beau tu sais. » J’ignore s’il l’avait ne serait-ce que choisi lui-même, à vrai dire. Doucement, je déchire le papier cadeau pour découvrir une boîte en carton simple et qui ne provient pas du commerce. C’est de la curiosité qui se dessine sur mes traits alors que je lui jette un coup d'œil en coin, avant d’ouvrir délicatement la boîte. A l’intérieur, je découvre un vieil argentique. Une pièce de collection qui vaut certainement une petite fortune, et qui me fait briller les yeux. Par délicatesse, je prends tout de même le temps de préciser que « Tu n’étais pas obligé, ça aussi tu le sais, j’espère. » J’attrape l’appareil entre mes doigts avant de l’observer sous toutes ses coutures, n’en revenant pas d’avoir ce genre de pièce en ma possession. « Il fonctionne encore ? » Je manipule l’appareil comme une enfant le jour de noël. « Tu sais qu’il est pas juste vintage ? Sa place est pratiquement dans un musée. » Pourtant, hors de question que je le rende celui-là, c’est une évidence pour n’importe qui qui poserait les yeux sur mon minois. « Il est parfait… Je sais pas quoi te dire. » Sans réfléchir, je dépose un premier baiser sur sa joue, et un second sur ses lèvres, imitant son geste plein de retenue lors de sa remise de diplôme, début janvier. Sauf que notre relation est loin d’être au beau fixe - si tant est que l’on puisse considérer qu’elle l’a déjà été - et, lorsque je recule j’ignore si j’ai bien fait. « Je… Merci. C’est parfait. »

Gênée, je pose délicatement l’appareil sur la table de nuit, avant de me redresser pour déboutonner mon jean rapidement, le faire glisser le long de mes jambes avant de me glisser à nouveau sous les draps du blond. Demain et si j’ai bien compris, les choses reviendront à la normale. Demain, il recommencera à me détester jusqu’à je ne sais quand. Ce soir, je peine à ne plus trembler et la simple idée d’éteindre la lumière m’emplit de panique. Lui demander l’autorisation de me lover dans ses bras n’est pas une façon d’essayer de le manipuler ou de me racheter une image à ses yeux. J’ai juste besoin d’être rassurée et, lorsqu’il glisse sa main derrière ma taille, je pousse un soupir qui fait écho au sien. « Viens là. » Mes bras s’enroulent autour de ses épaules et je dissimule mon visage dans sa nuque. Son souffle qui caresse ma tempe me rassure sans que le rythme des battements de mon cœur ne se calme. Sans le lâcher, j’essuie une larme qui roule sur ma joue. « Je suis désolé Megan. Vraiment désolé. » - « C’est moi qui le suis. » Pas de l’intervention de son père, mais de tout le reste. « J’aurais dû être honnête. » A propos des photos, et à propos du reste, une fois encore.

Si quelques temps auparavant, admettre que Saül avait véritablement un tel contrôle sur lui aurait fait naitre toute une flopée d’émotions chez Damon, aujourd’hui les choses avaient changé, même bien évolué. Il état tout fait conscient de l’emprise que son père pouvait avoir sur lui, mais il savait également que plus le temps passait et plus il se trouvait apte à contrer cette oppression - la meilleure preuve était aujourd’hui même, alors qu’il était intervenu entre Megan et lui, qu’il s’était interposé et imposé face à celui qui ne méritait pas d’être dénommé papa. « Tu peux être certain que, dans un cas comme dans l’autre, lui il le sait. Et qu’il compte dessus. J’ai connu un certain nombre de bully quand j’étais gamine, ton père est pas très différent d’eux. » Il soupira légèrement. « Je sais. Et c’est peut-être ça qui m’a toujours le plus affecté, qu’il le sache et qu’il continue quand même d’agir comme il le fait. » Car clairement, cela montrait qu’il préférait avancer ses besoins plutôt que de chercher à ajouter ceux de son fils à l’équation. Cela faisait maintenant des mois, une bonne année même, que Damon s’était résigné sur la question. Même si la situation qui s’était déroulée sous leurs yeux, dans leur appartement, ce soir était exceptionnelle et que pour cette fois, le jeune homme ne savait vraiment pas comment se positionner. Lorsqu’il suffisait de courber l’échine et d’obéir, il avait toujours été un parfait cobaye; se rebeller contre une telle figure d’autorité était un niveau différent pour bien des raisons.

Ce fut vers un tout autre sujet qu’ils continuèrent leur discussion, cependant, puisqu’effectivement à la base Damon était sorti faire une course avant de revenir chez eux pour découvrir la scène qui se déroulait sous son toit. Il avait presque oublié comment toute cette histoire avait commencé pour lui. Il prit un instant pour aller chercher le paquet qu’il avait laissé dans l’entrée, avant de le donner à Megan, lui expliquant la raison de son présent. « Le collier, il était très beau tu sais. » Il esquissa un petit sourire gêné. « Je sais. Mais il était pas à sa place. » Il ne faisait pas un bon cadeau d’anniversaire pour Megan: il était impersonnel et même si elle l’avait réellement apprécié, il aurait eu meilleur rôle en tant que cadeau improvisé que pour une telle occasion. Ce que la jeune femme était en train de découvrir dans la boite, sous ses yeux, était bien plus réfléchi et accordé à ce que la jeune femme aimait vraiment. Et il n’eut besoin que d’une seconde, Damon, pour comprendre que cette fois-ci il avait fait le bon choix. « Tu n’étais pas obligé, ça aussi tu le sais, j’espère. » - « Oui oui, je sais aussi. » Il eut une seconde d’hésitation avant d’ajouter « Je le fais parce-que j’ai envie. » Au moins, il n’y aurait pas de confusion sur la situation. Si le jeune italien offrait un cadeau, un autre, un vrai à sa femme c’était parce-qu’il en avait envie et pour aucune autre raison; ou alors celle d’amener progressivement une certaine paix sous leur toit, petit à petit, alors que le temps commençait à faire son effet. « Il fonctionne encore ? » - « Normalement oui, sauf si j’ai loupé un détail en discutant avec son ancien propriétaire. » Après tout, étant donné que son niveau de connaissance en appareils photo était proche de zéro, il aurait pu se faire avoir; mais à la façon dont la jeune femme réagissait il supposait qu’il ne s’était pas trop trompé. « Tu sais qu’il est pas juste vintage ? Sa place est pratiquement dans un musée. » Il hocha doucement la tête. « Je sais aussi. » Il avait fait des recherches pour savoir vers quoi se diriger tout de même. Et puis, il s’était renseigné auprès de connaisseurs - il avait suffi de taper dans les connaissances autour de lui pour trouver quelqu’un pouvant lui apporter de vraies informations.

« Il est parfait… Je sais pas quoi te dire. » Et si Megan qui ne savait que dire en guise de remerciements, Damon ne s’attendait cependant en rien à ce qu’elle l’embrasse à deux reprise - la première fois sur la joue, et surtout la seconde fois sur les lèves. S’ils avaient arrêté d’être réellement surpris lorsqu’un geste tendre de cette envergure voyait le jour, depuis leur retour de leur lune de miel les choses avaient forcément radicalement changées. Si avant tout ça, le jeune homme n’aurait pas réellement hésité à lui rendre son baiser, les choses étaient bien différentes aujourd’hui. Alors, il ne bougea pas d’un iota, ne lui rendait rien, et se raidit même légèrement lorsque leurs lèvres entrèrent en contact. C’était sûrement un peu froid, comme réaction, mais cette dernière était viscérale et il n’aurait réellement su la contrôler. Au moins, il ne s’était pas reculé - était-ce réellement un élément à pointer du doigt ? « Je… Merci. C’est parfait. » Les lèvres pincées en une ligne fine, il hocha légèrement la tête. « De rien. » S’il avait adopté un ton bien plus enjoué sur les derrières minutes, ce dernier était redevenu cordial pour cette réponse - il faisait des efforts, promis, mais il ne saurait effacer autant de rancoeur aussi rapidement.

Il était peut-être froid de part les circonstances qui enrobaient leur relation sur le moment, mais il était loin d’être une personne sans coeur. Si bien que lorsque Megan lui demanda la permission de se glisser autant sous ses draps que dans ses bras, il n’y avait pas un seul scénario dans l’esprit de Damon où il refusait et lui disait non. Bien sur que s’il lui permettait de rester dormir avec lui ce soir, c’était pour la rassurer, lui servir de bouclier s’il le fallait - autant émotionnellement que physiquement. Et bien sur qu’il s’appliquerait autant qu’il le pourrait. Les choses reprendraient leur court au petit matin, et les problèmes qui se glissaient entre eux referaient surface comme par magie. Mais ce soir, au moins ce soir, l’équilibre instauré serait respecté. Il n’eut pas besoin de tendre l’oreille pour entendre le soupire qui s’échappa d’entre les lèvres de la blonde, alors qu’elle se réfugiait dans ses bras, son visage lové dans le creux des son cou. Il déposa un baiser sur le haut de son crâne, avant de resserrer doucement son étreinte autour d’elle. Et, parce-que Damon restant tout de même fidèle à lui-même qu’importe la situation et les circonstances, il ne sut faire autrement que de s’excuser. « C’est moi qui le suis. J’aurais dû être honnête. » Elle ne pouvait le voir, mais il pinça ses lèvres tout en fermant un instant les yeux. Bien sur qu’elle aurait du l’être, et il savait surtout à propos de quoi elle aurait du l’être. Mais ce n’était pas sur cette partie là de leur histoire que la soirée était centrée et il ne désirait pas que ce soit le cas, Damon. Ce soir était à part. « C’est pas ta faute. » Qu’il se contenta alors de murmurer. Ce n’était pas sa faute la façon dont les choses avaient tourné aujourd’hui: quelqu’un, pour une raison qu’ils ignoraient, avait voulu s’en prendre à l’un d’eux trois et avait trouvé un moyen de pression; cela aurait pu être n’importe quoi pour n’importe qui. D’autres choses étaient bien sur de sa faute mais pour cette partie là, même la mauvaise foi de Damon et son coeur blessé ne pourraient lui faire porter le chapeau.

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Megan Williams & @Damon Williams

« Je sais. Et c’est peut-être ça qui m’a toujours le plus affecté, qu’il le sache et qu’il continue quand même d’agir comme il le fait. » Dans ma croisade contre Saül ou plutôt contre l’ascendant qu’il a sur Damon, je n’avais même pas pensé à ça et mon visage se décompose, puisque je suis touchée par la peine de l’Italien. J’ai eu mal aujourd’hui, et j’ai eu peur. Et si être agressée physiquement de la sorte restera certainement pendant un moment un souvenir traumatisant pour moi, ce n’est finalement pas grand chose à ce que mon mari vit avec son père. Son analyse est poignante et je ne sais pas quoi dire puisque je ne peux rien avancer qui l’aiderait à se sentir mieux. Saül se moque de la peine et du traumatisme qu’il engendre chez son fils. Il se moque de lui faire peur ou, en tout cas, le manipuler reste sa priorité malgré tout. Et c’est dur à constater pour un fils. C’est dur à constater puisque nos parents sont censés nous protéger envers et contre tout, nous ne sommes pas supposé avoir besoin que l’on nous protège d’eux. « Je comprends… » Je sais ce que c’est que d’être blessé par un parent, mais ce n’est pas le moment de tout ramener à moi. « Et je suis désolée. Et je suis là pour toi. » Parce qu’il a certainement eu aussi mal que moi ce soir, au final. Et suis incapable de rester indifférente à la souffrance d’autrui, je l’ai toujours été : je la ressens et elle m’étouffe.

« Je sais. Mais il était pas à sa place. » Disons simplement qu’il a été une goutte de trop après des semaines à ne pas me sentir à ma place ou considérée. Une part de moi sait que je récolte ce que j’ai semé, mais cela ne rend pas les choses plus faciles à accepter pour autant. Le collier, je l’ai gardé, même si je ne l’ai sorti qu’à de rares occasions. C’est dommage, ce trésor aussi méritait mieux. « Oui oui, je sais aussi. Je le fais parce que j’ai envie. » Et je n’attends presque pas qu’il me le confirme pour observer l’objet sous tous ses angles, parce qu’il correspond à tout ce que j’ai un jour rêvé de posséder depuis que ma mère m’a offert mon premier appareil photo. Contrairement au collier, je n’ai aucune envie de le lâcher, d’ailleurs, mes doigts restent agrippés dessus tant que je n’ai pas fini d’en découvrir le moindre centimètre carré. « Normalement oui, sauf si j’ai loupé un détail en discutant avec son ancien propriétaire. » Il marche et je suis stupéfaite. J’ai envie de l’essayer, et j’ai envie de le faire avec lui - Damon est un modèle inspirant - mais je n’ose pas le lui dire et sa réaction à mon baiser me conforte dans ma pudeur. Bien sûr, c’était un geste impulsif et un peu idiot : rien dans nos interactions des dernières semaines ne pouvait me laisser penser que j’avais le droit de faire ce genre de chose. D’ailleurs, je ne l’avais certainement pas, et je suis triste de constater que j’ai détruit ces petites choses naturelles qui s’installaient doucement entre nous. Une énième fois, je maudis Saül Williams, je maudis Jean Atwood et son ordinateur de malheur, je me maudis et je maudis même Damon. Il a toutes ses raisons de rester froid comme le marbre, mais je ne peux m’empêcher d’avoir mal au cœur et pour cause : personne ne m’a jamais rejetée avant lui. Bien sûr, il n’a pas esquissé de mouvement de recul. Sauf que je suis certaine qu’il s’est retenu parce qu’il estimait que j’ai été assez blessée pour une soirée, et j’aurais pu déposer mes lèvres sur celles d’une statue que le résultat aurait été le même. Alors, je deviens plus silencieuse, presque taciturne. Je le remercie avant la gorge nouée et lui demander si je peux me glisser entre ses bras est une épreuve, une à laquelle je me confronte parce que mon corps tout entier tremble encore depuis l’agression dont j’ai été la victime, et que le besoin d’être rassurée et plus fort que tout le reste. Lorsqu’il accepte, lorsqu’il dépose ses lèvres sur mon front, je me demande s’il le fait simplement à cause des circonstances, ça aussi. Puis je me rappelle que, confronté à ma tristesse le soir de mon anniversaire, il a retourné toute la ville et peut-être plus pour me trouver une perle rare, un cadeau parfait, et j’utilise cette pensée pour ranimer la flamme de l’espoir. Elle est faible, mais je parviens à la garder allumée. Vacillante, dangereusement proche d’être soufflée, mais allumée. « C’est pas ta faute. » - « Bien sûr que si. » Je ne parle plus des photos, je ne parle plus de l’agression, de toute évidence.

***

Lorsque j’ouvre les yeux, je suis toujours dans ses bras. Ma première pensée c’est qu’il n’aimera pas ça, de se réveiller comme ça, alors je me détache doucement de lui par considération pour ce qu’il ressent, pour son amertume. Je me dis aussi qu’il ne sera pas particulièrement heureux de me trouver dans son lit et dans sa chambre et je m’extirpe du lit sans un bruit. Je ne rejoins pas ma chambre - il est moins de sept heures, mais je n’arriverai plus à me rendormir, mais ma salle de bain. Je grimace lorsque je pose les yeux sur mon reflet dans le miroir et les marques sur mon cou. Je me demande s’il est possible de dissimuler ce genre d’hématome. Je remarque aussi que j’ai une triste mine : mon maquillage de la veille a coulé et j’ai le regard fatigué. Un démaquillage, une douche et une fine couche d’arnica étalé avec douceur - mon cou est douloureux - n’y changent pas grand-chose et c’est avec un ensemble de pyjama que je rejoins le salon, bien décidée à ne pas quitter l’appartement aujourd’hui. J’en suis à ma troisième tasse de café lorsque Damon quitte sa chambre. J’ai bien du mal à déchiffrer ses pensées et je ne tente pas de deviner l’humeur dans laquelle il est : je n’ai jamais autant marché sur des œufs qu’alors que je me lève du canapé, les bras ballants. « Tu veux un café ? » A-t-il prévu de se rendre au boulot ce matin comme si rien n’était arrivé ? Comme si son père, et accessoirement son patron n’avait pas agressé la femme avec laquelle il vit ? Comme s’il n’avait pas eu à s’interposer violemment ? Il n’est pas encore en costume, mais il pourrait simplement avoir décidé de prendre un petit déjeuner avant de s’habiller. « J'allais descendre chercher des donut’s en bas de l’immeuble, si ça te dit… » Sauf que l’idée de franchir la porte de l’appartement me tétanisait au point que je la fixe depuis une vingtaine de minutes.