Moue concentrée sur mon visage, sourcils froncés et dents serrées, je force un peu plus sur mes bras et tire encore plus sur l’emboîture de la prothèse. J'ignore la douleur qui me traverse le genou lorsque je force mon moignon à l'intérieur et fini par soupirer doucement lorsque, enfin, mon pied est en place. Me redressant, je tends et plie plusieurs fois le genou avant de me lever. J'attends quelques instants avant de m'avancer. Les premiers pas sont raides et incertain et ma boiterie est accentuée par les douleurs lancinantes d'une trop petite emboîture. Mais j'ignore le tout et m'efforce de prendre une démarche correcte et physiologique, me disant que ces ressentis négatifs passeront. Ou, au pire, je devrais juste résister le temps du shooting d'aujourd'hui.

Prenant une profonde inspiration, je fini par sortir de ma loge et me dirige vers le set où se déroulera le shooting du jour que je ferais en duo avec Mabel Griffith, une très bonne amie avec qui j'ai déjà travaillé à plus d'une reprise, mais jamais ici, chez Weathertons. C'est donc avec un large sourire que j'accueille la jeune femme lorsque celle-ci m'interpelle et s'avance vers moi. « Salut Mabel !» lançais-je avant de lui offrir une douce étreinte alors qu'elle me demande si j'ai des nouvelles intéressante à lui donner « Boh, rien de spécial non » haussais-je les épaules. « Enfin, rien que tu ne sais déjà en vrai» je fais remarquer en souriant.

Mabel étant une très proche amie, elle est une des premières au courant de ce qui se trame dans ma vie. Ainsi, elle sait que j'ai repris les chemin des plateaux deux mois à peine après le décès de ma mère que je vis quand même moins bien que ce que je veux montrer à l'extérieur. « Le tournage pour le prochain film se passe bien, le crew est vraiment cool et mes partenaires de scène sont sympa» expliquais-je tandis que nous nous traversons le couloir « Y a juste celui qui joue mon fils à l'écran qui me donne du fil à retordre. J'arrive pas à le cerner, autant sur place dans son rôle qu'a l'extérieur. Pourtant, il est hyper talentueux, mais j'ai l'impression qu'il fait tout pour ne pas le montrer» je secoue doucement la tête et ouvre la porte, la tenant ouverte pour Mabel «Enfin, bref. À part ça, y a vraiment rien de bien palpitant » concluais-je.
Laissant la porte se refermer derrière nous, je rejoins la jeune mannequin et lui adresse un sourire malicieux «Et toi alors ? Comment ça se passe avec Rosalie ? Le quotidien est toujours aussi rose que ses petites joues ? » Demandais-je avec humour alors que nous nous avançons vers la partie maquillage de la salle.

Revoir Mabel me fait grandement plaisir ! Elle se tenait loin des plateaux de tournage et défilés pour une raison évidente et je suis vraiment content pour elle et sa nouvelle vie, mais avoir à nouveau ma partenaire préférée à mes côtés me rend bien plus heureux qu'on ne pourrait l'imaginer. Tandis que nous partons en direction du plateau, je lui parle de mon prochain projet, mais mets un accent sur le gamin avec lequel je partage l'écran, avouant que j'ai du mal à le cerner.

« passer du temps avec lui n'est pas un souci» dis-je en haussant les épaules «c'est possible aussi » affirmais-je ses paroles lorsqu'elle suppose qu'Aiden peut avoir du talent sans pour autant être sûr qu'il veuille continuer dans cette voie. «Enfin, ce n'est que le début du tournage et de notre collaboration, donc on verra bien comment se déroule la suite » j'adresse un sourire à Mabel et, tandis que nous passons la porte qui sépare le couloir du set, je me permets de lui retourner la question pour savoir si tout se passe bien pour elle depuis la naissance de sa fille.

Je laisse échapper un rire, amusé par la comparaison cinématographique de la mannequin et secoue doucement la tête « Je suis sûr que c'est faux» dis-je, essayant de la rassurer sur le fait que la fatigue ne se voit pas tant que ça «Et quand bien même tu serais fatiguée et t'aurais des cernes jusqu'au sol, tu as l'air vraiment radieuse » assurais-je en lui offrant un doux sourire «Faut croire que la maternité et la pause loin des set de photographie et des défilé t'a fait beaucoup de bien » Comme toute mère qui se respecte, Mabel finie par me parler des progrès de sa fille et ce avec un enthousiasme que je ne lui connaissais pas encore mais qui est fort plaisant à mes oreilles. «Ah ben ouais, ça pousse et ça progresse vite à cet âge-là. Tu vas voir, tu ne vas pas voir le temps passer que déjà elle va marcher avant qu'elle n'embarque son premier copain à la maison » je souris, amusé par ma propre connerie puis prend place sur un siège face au miroir, laissant mes cheveux et mon visage aux bons soins de Rachel, la maquilleuse « Et le père dans tout ça ?» Demandais-je subitement, me rappelant que Mabel m'avait dernièrement parlé du fait que son couple n'était plus que ce que c'était depuis quelque temps.

Je roule des yeux et secoue la tête lorsque Mabel m'assure que si elle a l'air radieuse c'est seulement à cause du maquillage  «Je suis sûre que tu te trompe » dis-je en hochant la tête  «le maquillage fait des miracles, certes, mais il ne fait pas tout non plus » haussais-je les épaules alors que je m'installe moi-même dans la chaise devant Rachel la maquilleuse, justement  «Sans offense ma chérie » m'adressais-je à la jeune femme qui m'observe avec un demi sourire amusé  «Tu n'as pas peur de dire ça juste avant de passer sous mon pinceau » dit-elle avec malice  «Je ne fais pas de miracle, mais je peux très bien te rendre vraiment moche, tu sais ça ? » j'écarquille les yeux puis affiche une moue innocente  « Tu n'oserais pas ...» la suppliais-je presque  « Watch me !» qu'elle me répond comme si c'était un défis. Rigolant doucement, je secoue la tête et me cale un peu mieux dans le fauteuil avant de fermer les yeux et laisser la jeune femme faire son travail.

Pendant ce temps, je reprend la parole, demandant ce qu'il en est du père de la petite, apprenant ainsi que le couple est en pleine procédure de divorce. Me redressant, je rouvre les yeux et pose mon regard sur la jeune femme  « Merde, t'es sérieuse ?» demandais-je, pinçant les lèvres, compatissant  «Je suis désolé... merde, j'étais persuadé que tout allait bien entre vous. Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu as encore des contacts avec lui ou il a complètement disparu du tableau ?  »

Je remarque toutefois rapidement que ce n'est pas un sujet très facile et très agréable pour ma partenaire de shooting aujourd'hui, car elle me retourne rapidement la question à laquelle je répond dans un premier temps, par un haussement de sourcils  «Question suivante... ? » soufflais-je avec de laisser échapper un petit rire  « Y a personne en vu non et encore moins qui soient intéressé» haussais-je les épaules  «Mais bon, je ne perds pas espoir qu'un jour ça viendra » je lance un coup d'oeil vers Mabel  «Et toi du coup ? Tu vas profiter un peu de ton célibat et de ta fille, je suppose ?  »

Je laisse échapper un rire amusé lorsque Mabel se range du côté de Rachel pour me dire que savoir faire le meilleur c'est aussi savoir faire le pire  « Ok, pardon, j'ai rien dit Rachel. Ne me donnes pas les cernes de Mabel s'il te plaît» Je vois les deux femmes échanger un coup d'oeil complices et c'est une moue de supplication qui s'affiche sur mon visage  «Allez, soit cool Rachel ! Sinon c'est Weatherton qui va être content » menacer en utilisant le nom du chef ? Voilà qui fait son petit effet ! La maquilleuse le fixe un instant avant de soupirer et prendre une autre poudre. Fort heureusement, je travail depuis des années avec des deux femmes et je sais qu'elles connaissent mon humour et quand je suis ironique ou non.

Ainsi, comme si de rien n'était, je retourne à la conversation que nous avions Mabel et moi avant de débarquer ici et apprend de cette manière qu'elle et le père de Rosie vont divorcer car  «C'est la meilleures des solutions »  « Je suis désolé» dis-je, sincère, ayant toujours eu une affection assez particulière pour le couple qu'ils formaient. Toutefois, si la vie veut qu'ils se séparent, alors c'est comme ça.

Elle finit par me répondre qu'entre sa fille et la reprise de boulot elle n'aurait, de toute manière, pas le temps de s'occuper de son célibat ce qui, en soit, est sans doute mieux ainsi. Elle précise, d'ailleurs, aussi qu'elle attendra quelques mois qu'elle puisse dormir et que de toute façon ça ne lui fait pas de mal d'être un peu seule car elle a besoin de réapprendre à se connaître  «Mais ...Depuis quand t'es devenue aussi sage toi ? » demandais-je en arquant un sourcil en direction de la mannequin avant de rigoler doucement et hocher la tête  « Cela dit, t'as plus que raison, s'enfermer dans une nouvelle relation aussi rapidement n'est sûrement pas la meilleure des solutions d'autant plus que maintenant ben ...tu dois réfléchir pour deux. Donc ton futur nouveau mec devra être autant un mari qu'un éventuel père de substitution » j'hausse les épaules puis me redresse lorsque Rachel s'écarte, observe son travail puis hoche la tête, satisfaites  «Bon, mais en attendant, on va voir si tes reflex de mannequin sont intacts ou non » je lui adresse un clin d'oeil complice, gratifie encore une dernière fois la maquilleuse d'un sourire puis me lève de ma chaise et me dirige avec ma partenaire du jour vers le set.

C’est un rire sincère qui s’échappe de mes lèvres lorsque Mabel m’avoue la vérité : la maternité te fatigue tellement que t’as pas vraiment la force de réfléchir d’avantage au sens de la vie «Eh ben …pour une fois que la fatigue ça a du bon hein » dis-je, amusé alors que je laisse Rachel œuvrer sans la déranger plus longtemps. Me reculant contre le dossier du siège, je m’installe plus confortablement et recule la tête contre l’appuie tête, obéissant docilement aux sollicitations de la jeune femme lorsqu’elle ordonne des changements de positions pour travailler plus confortablement. Après la partie maquillage, Mabel et moi allons vers le portique où se trouvent tous les habits que nous allons devoir présenter face à la caméra du photographe et, encore une fois, je me laisse guider par les créateurs en charge de la préparation.

Ce n’est qu’une fois devant le fond blanc que je retrouve enfin cette liberté qui me manquais tant et, après une boutade à l’attention de Mabel et un petit rire lorsqu’elle me répond en grommelant, je retrouve instantanément mon professionnalisme. Les poses s’enchaînent, les sourires aussi et les différents changements de tenues. Tout va aussi parfaitement comme on pourrait le rêver et plus nous avançons dans le shooting plus je me rends compte à quel point mon alchimie avec Mabel n’a pas changé. Je dirais même, au final, que sa pose forcée a fait évoluer notre relation et ça c’est beau. J’avoue qu’être photographié avec une partenaire que nous comprenons et qui nous comprends sans un seul mot c’est quelque chose d’assez incroyable et presque magique tant cela n’est pas souvent le cas.

A la fin, alors que Mabel s’en va rejoindre Rosalie, je me permets d’aller voir le photographe afin de jeter un coup d’œil aux photos qu’il a prise. Et je dois avouer que le résultat est plus que convenable chose qui n’était plus arrivé depuis quelques temps déjà ! Après un remerciement chaleureux, je me détourne et rejoint ma partenaire de shooting « Bon … c’est déjà fini» dis-je en faisant une moue triste « Mais en tout cas ça m’a vraiment fait plaisir de te retrouver» reprenais-je, totalement sincère «On remet ça le plus vite possible, ok ? » je pose ma main sur son épaule et effleure la joue de la petite fille qui sommeil joyeusement dans les bras de sa mère « Je vais devoir y aller, j’ai encore d’autre rendez-vous de prévu. Bonne journée ! » je lui adresse un clin d’œil et un dernier sourire avant de me détourner et repartir après avoir salué tout le reste de l’équipe.