my mind is a place that i can't escape your ghost
Jacob Copeland & @jordan fisher

L’assumer a été difficile, et pourtant Jacob a réussi à l’intégrer : le 17 mars, il a ressenti un manque. Il ne s’agissait pas d’Olivia, il ne s’agissait pas de June. C’était Jordan. Il a pris l’habitude d’être avec lui lors de cette date que les deux hommes n’oublieront jamais et, d’être loin de lui ce jour-là, ça a été plus que compliqué. Il aurait aimé s’attabler à ses côtés, comme toujours. Manger, boire, discuter. Oublier la raison qui fait qu’ils se connaissent si bien et profiter d’un moment tous les deux, jusqu’à pratiquement oublier qu’il y a quatre ans de cela June et Rosa ont quitté ce monde. Il aurait aimé, oui, mais il n’a pas pu se rendre à Brisbane seulement pour cette journée. Il avait des choses à faire à Sydney et Jordan, de son côté, devait avoir mieux à faire que de sauter dans un avion pour le rencontrer. Jacob l’a supposé, du moins, puisqu’il n’a pas osé lui envoyer un message pour lui demander de venir. Il lui a simplement envoyé un sms, en fin de journée, pour lui dire qu’il pensait à lui et qu’il espérait que ça allait de son côté. Rien de plus, rien de moins. Ils n’ont pas beaucoup échangé durant les mois où Jacob a quitté la ville, ce n’était pas le genre de leur amitié. Jacob n’a pas pensé à lui plus que cela, à vrai dire. Juste le 17 mars. Et en rentrant en ville, il s’est dit que c’était le bon moment de se rattraper, de se retrouver, de les retrouver. C’est pour ça qu’il lui a donné rendez-vous au cimetière. Un endroit assez étrange pour des retrouvailles, il est vrai, mais il n’oublie pas la raison de leur rencontre. A chacune de leurs rencontres, ils se rappellent qu’ils seront toujours accompagnés de leurs deuils. Même s’ils n’en parlent pas, même s’ils arrêtent d’y penser. Parce que c’est elles qui ont fait en sorte qu’ils se rencontrent, mine de rien, et qu’ils leur doivent bien ça. Le cimetière, donc. Jacob est légèrement en retard, l’homme ponctuel qu’il était auparavant étant mort, noyé par son alcoolémie. Guérie, aujourd’hui, il paraît. Il connait l’allée où est enterrée Rosa et se dit que c’est ici qu’il retrouvera le tatoué mais non, quand il arrive, il n’y a pas de trace du Fisher. Il regarde la pierre tombale quelques longues secondes. « Bonjour. » Il ne peut s’empêcher de parler, quand il est dans un cimetière. Il ne croyait pas aux esprits et à toutes ces choses-là avant de perdre sa fille. Maintenant c’est la seule chose qui l’aide à tenir debout, de se dire qu’elle est présente, pas loin. Il relève les yeux et regarde autour de lui dans l’espoir de trouver Jordan pas très loin. Il le repère finalement, à quelques allées de lui, devant une autre tombe que celle de Rosa. Jacob vérifie bien qu’il ne s’est pas trompé et, après avoir confirmé qu’il s’agissait de la femme de Jordan, quitte celle-ci pour retrouver son ami. « Tu t’es perdu ? » Il demande en arrivant à sa hauteur, son regard posé sur lui. Il n’ose pas regarder l’inscription sur la tombe à laquelle il fait face, espérant intérieurement qu’il n’ait pas perdu une nouvelle personne durant son séjour à Sydney.

Cette année tu l’as senti passé plus que les autres cette anniversaire de la mort de Rosa. Tu n’avais pas su mettre le doigt sur le pourquoi de la chose car au fond, ça reste jamais une journée agréable. Tu aimerais bien oublier le jour qu’il est mais comme tu utilises ton téléphone comme ta montre, tu regardes l’écran régulièrement tous les jours. La date du jour affiché juste en dessous de l’heure est totalement inloupable. Autant il y a d’autres jours où tu vois la date et tu te dis merde, je suis sûr y’a un truc aujourd’hui mais sans forcément savoir. Juste tes tripes qui se souviennent mieux que toi. Là le jour de la mort de Rosa c’est une date que tu n’oublieras jamais. Tu as beau aller de moins en moins au cimetière, tu penses encore bien régulièrement à elle même si moins car tu es comblé.e avec Birdie.

Mais voilà quand tu as reçu ce SMS de Jacon tu as réalisé que c’était ça qui avait été différent cette année. Tu n’as pas été boire un coup avec lui en terrasse pour parler de la vie et être ensemble tout simplement. Tu as passé cette journée seul.e. Birdie était à Los Angeles et toi tu venais tout juste de rentrer de Melbourne. Tu as été au cimetière avec une bouteille d’alcool que tu n’as pas bu. Tu l’as vidé sur la tombe de Rosa pour la faire briller un peu plus car ça a dû bien tuer un tas de bactéries. Tu as choisi son alcool favoris à ta femme bien sûr. Ca faisait bien longtemps que tu n’avais pas apporté de l’alcool sur sa tombe. Ca t’a fait du bien de refaire ça même si ça ne t’avait pas spécialement manqué. Tu essaies fortement de ne pas t’en vouloir de continuer à vivre.

« Tu t’es perdu ? » Tu sors de ta bulle en l’entendant et un sourire se forme sur ton visage. « Hey… » Tu fais non de la tête. « Nan. Je connais du monde dans le coin. » Que tu dis le plus naturellement possible. « Je te présente ma mère. Ashley Fisher, née Morris. » Si Jacon regarde l’inscription sur la tombe il verra que sa date de décès est la même que celle de ton anniversaire. Un détail qui est parlant mais que tu ne vas pas mettre en avant de toi même. « Je viens de moins en moins au cimetière ça m’a fait plaisir que tu proposes ça. » Tu te sens bien ici. Toujours. Un de tes endroits pour te ressourcer depuis que t’es assez grand pour prendre le bus tout seul et t’y rendre de toi même.

« Hey… Nan. Je connais du monde dans le coin. » La phrase fait mal. Jacob imagine qu’elle est douloureuse autant pour la personne qui l’entend que pour celle qui la prononce. Il a de la chance, lui : il ne connaît pas grand-monde enterré par ici. Tous ses proches sont encore de ce monde, il n’y a que celle qui comptait plus que tout qui a décidé de quitter la partie trop tôt. « Je te présente ma mère. Ashley Fisher, née Morris. » Jacob baisse ses yeux vers la tombe devant laquelle se tient Jordan. La date de son décès commence à être bien ancienne. Le calcul est vite fait puisque Jacob a conscience de l’écart d’âge qu’il y a entre lui et son ami : elle est morte la même année que sa naissance. « Je viens de moins en moins au cimetière ça m’a fait plaisir que tu proposes ça. » Il n’y vient presque jamais, lui aussi. Sa fille le suit partout où il va, il ne ressent pas spécialement le besoin de venir jusqu’ici pour être lié à elle. C’est plus pour la forme qu’autre chose. Et il faut admettre que, parfois, ça lui fait du bien. Juste venir ici, arrêter de penser, lire l’inscription. June Copeland. Voir son nom écrit quelque part la rend réelle, tant elle semble être devenue tabou ailleurs. Les photos sont rangées, les dessins accrochés aux murs ont été retirés. Elle est fantomatique même au travers des objets qu’elle a laissé derrière elle. « Bonjour madame. » Il se pencherait presque vers la tombe pour lui dire, mais ne le fait pas. Il relève ses yeux vers Jordan, hésite légèrement. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Il n’a pas à rougir de cette question, ils sont là pour ça. Parler de la mort n’a jamais été aussi facile que depuis qu’il connaît Jordan. Pas qu’ils le fassent constamment, non, il y a un temps pour tout. C’est le moment et le lieu idéal. « J’en avais besoin, ça aurait été bête de venir seul. » Lui proposer a été totalement naturel. Il repose son regard sur l’inscription. Ashley Fisher. Ça lui parle. « Ton deuxième prénom… C’est Ashley, non ? » L’hommage est beau si jamais il ne se trompe pas. Jacob n’a rien pour le raccrocher à sa fille dans sa propre identité, si ce n’est le nom de famille qu’il lui a légué. Il aurait bien aimé avoir un June, quelque part. Il se le fera peut-être tatouer un jour, sur le poignet, au-dessus du coude ou ailleurs. Peu importe. Qu’elle reste ancrée à lui, à tout jamais. Il préfère ne pas aborder le sujet face à Jordan, celui-ci étant tatoué de la tête aux pieds, il risquerait de l’emmener lui-même chez un tatoueur. « Qu’est-ce que tu as fait le 17 ? » Pas besoin de préciser le mois, Jordan sait que Jacob parle de mars. Lui n’a rien fait, dans son coin, mais peut-être que Jordan a une anecdote palpitante à raconter. C’est leur habitude, ça. On ne déroge pas à ces règles.

« Bonjour madame. » Si formel. Ca te fait bizarre car la vérité c’est que personne n’a jamais répondu de cette façon là à toi qui présente ta défunte mère. Comme si elle était réellement parmi vous et qu’elle pouvait réellement répondre. Au fond de toi, tu sais qu’elle est là yeah. Elle est partout où tu vas. Tu ne sais pas si c’est la réalité mais c’est ce qui te fait tenir depuis toutes ces années. Elle veille sur toi et elle a eu du boulot mais elle a fait un sacré bon job depuis l’autre côté. Tu ne la jamais rencontré mais ta connexion à elle est une des choses les plus importantes de ta vie. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Tu hausses une épaule. « Complications pendant l’accouchement. Je sais même pas les détails à vrai dire. » Tu n’es pas sûr.e de les avoir un jour vu la relation avec ton père qui est inexistante depuis bien des années. Vu que ce même paternel t’a coupé du côté maternel de ta famille. Tu ne connais personne.

« J’en avais besoin, ça aurait été bête de venir seul. » Tu apprécies bien trop même si ça a l’air d’être pas grand chose pour lui vu sa façon de te répondre. « Ton deuxième prénom… C’est Ashley, non ? » « Ouais. » Il ne te semble pas qu’il te suive sur les réseaux, tu trouves ça super nice qu’il se souvienne de ce détail qui est très loin d’en être un. Ton père qui consciemment ou non a fait en sorte que tu n’oublies jamais que tu as tué ta mère. Si gentil de sa part. Mais tu as su détourner ça dans ta tête et c’est devenu ta plus grande force d’avoir le même prénom que ta mère. La seule de tes parents qui prend soin de toi depuis que t’es né.

« Qu’est-ce que tu as fait le 17 ? »
« Pas grand chose. »

Tu commences à marcher avec Jacob car vous avez des visites à faire en ces lieux. « Was a hard one this year. » Tu dis honnêtement car y’a vraiment aucune raison de mentir, déjà tu ne le fais jamais, mais encore moins à Jacob et encore moins de moins sur ce sujet là. « Je suis resté enfermé dans mon studio à bosser. » Pour t’occuper l’esprit le plus possible car sinon t’étais juste en train de errer sans savoir quoi faire de ta personne. « T’as fait quoi toi ? C’était bien Sydney ? » Car il est parti autant que revenu mais tu n’as pas tout les détails de pourquoi et comment. C’est pas tes affaires mais tu sais qu’il y a des bonnes raisons quoi qu’il en soit la dessous. Il fait ce qui est bon pour lui.

Il retrouve Jordan devant une tombe qu’il ne connaît pas. Celle de Rosa lui est familière, désormais, pas celle-ci. Il se permet d’être curieux : s’il ne demande pas maintenant, il ne le fera jamais. Il n’y a pas meilleur lieu que celui-ci pour aborder un sujet aussi déprimant que la mort puisque, autour d’eux, il n’y a que des personnes qui ont décidé de partir beaucoup trop tôt. « Complications pendant l’accouchement. Je sais même pas les détails à vrai dire. » Il grimace. Quand Olivia était enceinte, il a évidemment imaginé ce scénario. Tous les futurs pères flippés imaginent la chose : que feront-ils si leur femme décède, s’il ne reste que l’enfant ? Pire, si la femme et l’enfant ne survivent pas ? Il a eu de la chance, beaucoup de chance. Sa fille a décidé de s’en aller que quelques années plus tard, leur laissant un souvenir merveilleux du jour où elle a pris sa première respiration. Il ne dit pas qu’il est désolé, ne présente pas ses condoléances. Ces mots n’ont plus aucun intérêt pour lui depuis que le monde entier s’est amusé à les lui répéter, encore et encore, alors qu’il voulait simplement qu’on le laisse seul. « Parfois les détails ne sont pas importants. » Et parfois ils le sont plus que tout au monde, il ne le sait que trop bien. « Je dis ça mais je ne le pense pas vraiment. » Jacob remercie le ciel de ne pas avoir perdu la mémoire malgré sa commotion : il se souvient de tout. De ce qu’elle lui disait au cinéma, de ce qu’elle racontait en entrant dans la voiture, de ses derniers soupirs et mots arrachés avant de le quitter. Il n’a pas oublié sa fille, la personne qui leur a foncé dedans n’a pas pu lui enlever ça. Il fait le lien entre son deuxième prénom et le prénom de sa mère. « Ouais. » « Je trouve ça bien. » S’il doit avoir un autre enfant, il ne cherchera pas à rappeler June au travers de son identité. Parce qu’il ne veut pas qu’un bébé né après elle pense être le remplaçant. C’est pour ça que le sujet n’a jamais vraiment été abordé avec Olivia : ils ne sont pas prêts à accepter que quelqu’un prenne sa place. Tout simplement parce que personne ne la prendra jamais, cette place, qu’il faudra en créer une autre ailleurs. Il lui demande ce qu’il a fait le 17. « Pas grand-chose. Was a hard one this year. Je suis resté dans mon studio à bosser. T’as fait quoi toi ? C’était bien Sydney ? » La question que tout le monde lui pose : c’était bien, là-bas ? Non, pas vraiment. « Je ne peux pas dire que c’était bien, non. » Il y est allé pour se soigner, est resté pour rattraper ses erreurs. Il ne peut pas dire que c’était l’idéal, loin de là. « Je préfère quand je suis ici, avec mes proches. » Il regarde Jordan alors qu’ils avancent toujours vers les tombes de leurs proches, justement. « Et quand je passe cette journée avec toi, particulièrement. Ça m’a dérangé d’être aussi loin. » Il ne s’excusera pas parce qu’ils n’ont jamais signé un contrat comme quoi il était obligatoire de partager cette journée. Et pourtant, Jacob a l’impression que ça leur appartient et qu’y déroger était une mauvaise idée. « On peut saluer ma princesse. » Qui est avec eux depuis le départ mais qui semble d’autant plus présente maintenant qu’ils sont devant sa tombe. Il n’y dépose pas de fleurs, n’aime pas forcément ça, mais le cœur y est. « J’ai arrêté de compter l’âge qu’elle devrait avoir aujourd’hui. Ça me semble beaucoup trop injuste. » Encore une fois, ne lui demandez pas : s’il avait pu donner sa vie pour la sienne, il l’aurait fait.

« Parfois les détails ne sont pas importants. » Ces mots sont étrangement réconfortant. Aucun détails de maintenant ne changera comment tu te sentais quand tu étais enfant. Y’a aucun détail supplémentaire qui changera que tu devait faire le projet de l’école toutes les fêtes des mères. Faire un cadeau pour quoi ? Tu sais toujours pas. Encore moins quand ton père le jetait directement sous tes yeux car à qui d’autre le donner ? Tu comprenais pas. « Je dis ça mais je ne le pense pas vraiment. » La réalité c’est que tu ne sauras jamais car de toute façon tu n’en as pas, des détails. Un jour peut être mais tu préfères te raccrocher à sa première phrase de ce fait.

« Je trouve ça bien. » Tu trouves ça bien aussi, maintenant. Ca n’a pas toujours été le cas. C’est dans ces réalisations là que tu te rends compte du chemin que tu as fait mentalement. « Je ne peux pas dire que c’était bien, non. » Ton visage qui pivote vers celui de Jacob pour voir s’il va élaborer un peu plus. Tu voudrais plus de détails mais sans le dire. Tu espères que ton langage corporel va parler pour toi. « Je préfère quand je suis ici, avec mes proches. » Ca tu le comprends que trop bien. Une des raisons pour laquelle tu resteras à Brisbane toute ta vie.  « Et quand je passe cette journée avec toi, particulièrement. Ça m’a dérangé d’être aussi loin. » Oh. Tu ne pensais pas que c’était aussi important pour lui. Vous avez fait ça chaque années mais sans réellement réaliser l’étendue. « J’espère qu’on sera dans la même ville l’an prochain. » Car tu ne veux pas faire de promesse non plus de ton côté sachant ton emploi du temps souvent aux quatre coins du monde.

« On peut saluer ma princesse. » Un doux sourire se forme sur tes lèvres alors que tu poses tes yeux sur la pierre tombale de June. Tu ne te sens pas à l’aise de la saluer à voix haute comme il a pu le faire vis à vis de ta mère, mais le sourire que tu as aux lèvres est un très beau bonjour. « J’ai arrêté de compter l’âge qu’elle devrait avoir aujourd’hui. Ça me semble beaucoup trop injuste. » Tu comprends tout à fait et en même temps tu ne peux pas imaginer. Un beau paradoxe oui oui. Tu sais pas quoi dire car y’a juste rien à dire qu’être là. Vraiment y’a trop de chose qui font que tu veux jamais avoir d’enfant. Déjà tu as adopté un chat et tu préfères ne pas t’imaginer le jour où cette boule de poil ne sera plus dans ta vie. Ton coeur n’est pas fait pour supporter toute cette peine, tu en as assez comme ça.

Vous allez prendre une bonne glace ou un milkshake - Les deux - après votre tour du cimetière. Tu vas en prendre une boule de glace en l'honneur des défunts. Y’a franchement aucun parfum que tu détestes. Les milkshake c’est la vie. Est-ce que tu as dit à Jacob que tu étais sobre ? Tu sais plus, mais dans tous les cas ça ne devrait pas le surprendre pour les milkshake, c’est pas une alternative à ta boisson, ça a toujours été une de tes choses favorites. Tu te rends compte en même temps que tu n'as aucune idée du parfum préféré de ta mère vu que tu ne l'as jamais connu. Pour Rosa c'était la noix de coco et la pistache.