La salvation. Ils y étaient, ils pouvaient la toucher du doigt. Ils n’avaient juste aucune idée de comment s’y prendre pour l’obtenir. Ils avaient la clé mais leur manquait la serrure. Greta avait mis de côté le vol de son collier, la façon de s’exprimer du garçon et son tempérament totalement opposé au sien. Il était à présent son premier allié, celui avec qui elle avait tout traversé et le binôme avec lequel le destin avait choisi de l’emmener vers la victoire. Le duo était atypique mais ils pouvaient au moins se vanter d’une chose, ils avaient déjoué les pièges des bunyip et résolu les énigmes, ensemble, et avec une jambe en moins. L’exploit était notable. Ils avaient quitté la cale par le même chemin emprunté pour y venir et le chemin avait été difficile pour le blessé mais également pour Greta qui devait maintenant transporter un immonde crâne qui laissait imaginer la taille des bunyip. Certes, ils les avaient déjà croisés un peu plus tôt, mais la jeune femme s’imaginait que le chef devait être encore plus impressionnant, parce que c’était vers lui qu’ils devaient aller. Ambrose avait raison, le crâne devait lui être remis et l’idée était loin de l’enchanter. Une fois sortie de la cale, Greta avait de nouveau analysé le plan qu’elle avait glissé dans l’une des poches de sa robe. Il semblait qu’un code dans le langage des monstres y était inscrit et elle l’avait désigné de l’index. « Ca doit indiquer où les trouver, non ? A l'abordage ? C'est ça que ça dit ? » avait-elle dit en se dirigeant à pas de velours vers le poste de commandement, d'après le message, la jeune femme avait directement pensé à ce lieu. Ils étaient maintenant de nouveau à découvert mais c’était là que leurs pas les guidaient et peut-être que le chef des bunyip tenait maintenant les commandes du bateau à en croire la façon dont le navire était chamboulé. « Je suis moyennement tentée par l’idée d’aller trouver ces bestioles… Qui nous dit qu’elles vont pas nous manger et que cette histoire n’était pas qu’une ruse pour nous amener à elles ? » Ils avaient trouvé le crâne plutôt facilement une fois dans la cale et c’est pour cela que la jeune femme était arrivée à cette conclusion. L’objet tant convoité avait disparu depuis une centaine d’années et c’était Ambrose et Greta, deux passagers lambdas, qui avaient mis la main dessus ? Tout cela n’avait aucun sens et pour la première fois depuis son périple sur les épaules d’Ambrose, Greta commençait à sérieusement douter.

Ils ont le crâne. Ils ont ce putain de fichu crâne de merde. Contre toutes attentes, ils y sont arrivés, et c’est finalement une sorte de lueur qu’Ambrose pense pouvoir entrevoir au bout du tunnel. Un maigre espoir, certes, mais un espoir tout de même. Il n’a pas de grandes attentes, de toute façon, tout simplement parce que le monde dans lequel ils évoluent maintenant ne peut le leur en offrir. « Ça doit indiquer où les trouver, non ? A l'abordage ? C'est ça que ça dit ? » D’un pas maladroit et tout sauf balancé, il suit Greta jusqu’au poste de commandement, peu certain lui-même du lieu de rendez-vous/lieu de mort. Les deux semblent se fondre dans leur définition, actuellement. Elle le devance rapidement, il marche trop lentement, perd beaucoup de temps et d’énergie en trop peu de temps. “Peut-être. J’en sais rien. J’espère.” Il ne parle pas le putain de pirate. Il ne sait même pas lire, en fait, Ambrose. Peut-être qu’il aurait dû commencer par là, non ? Peut-être, mais il a envie de survivre, alors il a besoin d’elle pour cela.

« Je suis moyennement tentée par l’idée d’aller trouver ces bestioles… Qui nous dit qu’elles vont pas nous manger et que cette histoire n’était pas qu’une ruse pour nous amener à elles ? »
“Tu penses que ça serait si pire, au final ?”

Il répond avec une certaine amertume. Il n’est pas fataliste, Ambrose, mais il commence à perdre foi en Dieu alors qu’il n’a justement aucune foi. Il commence à se dire que tout est un piège, oui, évidemment, mais qu’il vaudrait peut-être mieux crever en étant mangé par une de ces bestioles plutôt que de se noyer lentement dans une eau glacée. “On a rien à perdre, de toute façon.” Leur vie, oui, peut-être. Mais ce n’est plus grand chose, maintenant. Il est de toute façon assuré que ces animaux le pistent à l’odeur du sang qui est désormais imprégné autour de sa personne. “On devrait laisser les portes ouvertes, j’en sais rien. Et on attend. On laisse le crâne au milieu de la pièce, et on prie. Ils viendront peut-être le récupérer et s’en iront.” Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il estime surtout que ce serait là leur seule chance de survie.

“Tu penses que ça serait si pire, au final ?” Pour la première fois depuis leur rencontre, Greta devait l’admettre, elle partageait presque le cynisme d’Ambrose. Presque, parce que derrière son cynisme à elle se cachait une véritable confiance en eux et en ce projet qu’ils avaient entrepris. Peut-être que cela n’avait rien à voir avec de la confiance mais qu’elle se raccrochait à cela puisque réussir était la seule solution pour sauver leurs vies. “On a rien à perdre, de toute façon.” « Un bras, une autre jambe, la vie… Mais j’apprécie ton optimisme. » Greta n’avait plus vraiment le temps de réfléchir à ce qu’elle disait et à comment Ambrose pourrait interpréter ses mots parce que l’idée de le mettre en colère n’avait plus d’importance à ce niveau. Elle détenait ce qu’il devait le plus désirer à ce moment précis : le crâne de bunyip et de l’argent. “On devrait laisser les portes ouvertes, j’en sais rien. Et on attend. On laisse le crâne au milieu de la pièce, et on prie. Ils viendront peut-être le récupérer et s’en iront.” Encore une fois, la suggestion d’Ambrose la laissait dubitative et elle ne savait pas si c’était le fait d’avoir trouvé seule - et grâce aux épaules du garçon, elle l’admettait - la relique ou une autre raison qui la poussait à se sentir maîtresse de la situation. Ambrose semblait douter, ne pas savoir où aller, sa jambe le faisait souffrir et Greta, elle, prenait les choses en mains. Ou plutôt, elle essayait de les prendre en main. « Je sais pas trop, le message codé semble plus long à déchiffrer. Je suis assez d’accord pour se planquer, au moins le temps que je déchiffre ça, c’est un vrai capharnaüm ici, ils auront du mal à nous repérer. » La jeune femme était surtout en train d’essayer de se convaincre elle-même que le désordre du poste de commandement, crée par le capitaine lui-même ou l’océan déchaîné, suffirait à retenir les bunyip assez longtemps si le crâne ne suffisait pas à les calmer. Greta s’était dirigée derrière une armoire retournée pour se cacher et suivait de l’index le code inscrit sur le plan, ou plutôt l’étrange parchemin, trouvé un peu plus tôt. Et alors qu’elle s’affairait et s’attendait à tout moment à voir pénétrer un bunyip dans la pièce, c’est une femme au discours peu cohérent qui était entrée pour se mettre à chercher frénétiquement. « Si elle, elle est pas possédée, moi je suis la reine d’Angleterre. » avait-elle chuchoté, les yeux toujours rivés sur le code, indice suffisant pour montrer à Ambrose qu’il devait se charger de Linda Blair.

« Un bras, une autre jambe, la vie… Mais j’apprécie ton optimisme. » Il souffle. C’est bien ce qu’il dit: il s’en foutrait bien, maintenant, de perdre la vie. Il a le sentiment qu’elle ne vaudra plus jamais la peine d’être vécue. Il choisit de ne pas en parler davantage, préférant encore passer à un autre sujet, à savoir: comment leur donner ce fichu crâne qu’ils ont enfin trouvé. « Je sais pas trop, le message codé semble plus long à déchiffrer. Je suis assez d’accord pour se planquer, au moins le temps que je déchiffre ça, c’est un vrai capharnaüm ici, ils auront du mal à nous repérer. » - “Fais voir ?” Il n’a pas prêté d’attention au message codé, sans doute parce qu’il pensait que cela n’avait plus tellement d’importance, la fin, tant qu’ils sont en possession de ce crâne. “Enfin dis moi ce que c’est plutôt, parce que je sais pas lire.” Il annonce finalement, assez penaud. S’il s’agit d’un message codé, ou même d’un message, alors il ne lui sera définitivement pas d’aucune sorte d’utilité, sauf si elle le lui remet en mémoire toutes les deux minutes.

Rapidement, l’attention des deux jeunes est ramenée vers l’entrée de la salle, d’où une inconnue émerge, à peine capable d’articuler. « Si elle, elle est pas possédée, moi je suis la reine d’Angleterre. » Elle s’en amuse, elle s’en moque, et pourtant dans son coeur à lui quelque chose se fige, parce qu’il a l’impression de revoir Zoya, quand son regard a changé pour ne plus jamais redevenir celui de la femme qu’il aime. “Je… Occupe toi en toi, moi je peux pas.” Ce n’est pas qu’il manque de courage, pas au sens propre ni au sens général du terme, c’est qu’il est encore bien trop traumatisé par le souvenir de sa petite amie (ex ?) pour en être capable. La repousser au loin, ce serait comme repousser Zoya. “Ma petite amie. Quand elle a été possédée, ses yeux sont devenus noirs et les Bunyip ont parlé depuis elle. C’était horrible.” Il annonce, calfeutré dans un coin de la pièce, incapable de regarder l’inconnue dans les yeux, et ce même si elle se fraie désormais un chemin à travers la pièce.

“Enfin dis moi ce que c’est plutôt, parce que je sais pas lire.” Jamais elle n’aurait pu penser qu’ils en arriveraient à un stade où la communication deviendrait possible, voire même assez limpide pour lutter ensemble. Mais l’entendre se confier avait réellement défié tout ce que Greta aurait pu imaginer sur le garçon. Finalement, il était humain, avait ses failles comme chacun malgré cette carapace de voyou difficile à percer. Ambrose avec cette révélation dévoilée dans un vague murmure s’apparentait plus à un enfant qu’à un voleur et cela le rendait un peu plus humain. Affichant un sourire discret, ne prenant pas le temps de poser un jugement sur quelque chose qui ne venait pas, selon elle, dévaloriser son camarade elle lui avait répondu simplement. « Je ne sais pas non plus lire leur code, il me faut un peu de temps pour le décoder. » Du temps qu’ils n’avaient pas à disposition puisque les menaces étaient nombreuses et s’enchaînaient sans leur donner aucune forme de répit. La femme au regard vide, la bouche entre-ouverte et aux cheveux hirsutes continuait d’avancer et soit son peigne avait été volé, soit elle avait reçu un choc éléctrique au moment où le bunyip avait pris possession d’elle. “Je… Occupe toi en toi, moi je peux pas.” Greta comptait sur lui, elle était occupée à tenter de résoudre le message secret qui les sortirait de cette mauvaise passe, et pourtant, il la laissait tomber. “Ma petite amie. Quand elle a été possédée, ses yeux sont devenus noirs et les Bunyip ont parlé depuis elle. C’était horrible.” avait-il dit et son explication était venue encore une fois prendre l’héritière de court, peu préparée à recevoir autant de confidences en si peu de temps de la part d’Ambrose. Son annonce l’avait emplie de tristesse mais le moment était mal venu pour le prendre dans ses bras ou tenter de discuter de l’événement macabre qu’il avait vécu, alors elle avait repris ses esprits le plus vite possible. « Alors, occupe toi de ça, je te demande pas de lire mais essaie de comprendre la méthode pour décoder… » avait-elle tenté avant de lancer un objet à l’autre bout de la pièce de la même façon qu’elle avait lancé sa chaussure pour distraire les bunyip et elle était sortie de sa cachette. « Et fais vite, s’il te plait, je peux la gérer elle, mais je n’en gérerai pas une entière cargaison… » Difficile de dire si elle saurait même s’occuper d’une personne possédée, activité finalement peu courante. Greta était maintenant au centre de l’attention et s’était dirigée vers une porte dérobée où l’avait suivi la fameuse dame et, au rythme où elle se déplaçait, avait pu rapidement la coincer dans la pièce. « Et voilà le travail. Une piste sur ce qu’on doit faire ? » Parce qu’elle était clairement en train de faire tout le traveil toute seule.

Greta n’ajoute pas le moindre commentaire lorsqu’il lui avoue ne pas savoir lire et, au fond de lui, Ambrose l’en remercie. Il n’aurait pas souhaité le contraire, pour des raisons assez évidentes. « Je ne sais pas non plus lire leur code, il me faut un peu de temps pour le décoder. » Il pose son regard dans le sien, ne pouvant pas l’aider sur ce plan. Il ne comprend pas le texte initial, il pourrait encore moins en deviner les subtilités et autres sous-entendus. D’un problème à l’autre, pourtant, il se montre tout aussi peu utile lorsqu’une jeune femme possédée semble faire son entrée dans la cabine de commandement et qu’il se fige de terreur, les souvenirs de Zoya encore omniprésents dans son esprit. Sa gorge se serre par instinct, il peine à simplement faire part de son expérience à Greta. « Alors, occupe toi de ça, je te demande pas de lire mais essaie de comprendre la méthode pour décoder… » Il hoche la tête, acceptant aussitôt l’échange de tâches, bien qu’il n’imagine pas pouvoir être d’une grande aide. Il est doué pour voler, pas particulièrement intelligent, Ambrose.

« Et fais vite, s’il te plait, je peux la gérer elle, mais je n’en gérerai pas une entière cargaison… » - “Fais la passer par dessus bord.” Il se contente de dire, froidement, alors qu’il plonge son regard dans celui de la jeune femme. Par dessus bord, ils n’auront plus à faire face à ce problème, comme il en a été le cas pour Zoya, dont le corps flotte aussi sans doute maintenant. « Et voilà le travail. Une piste sur ce qu’on doit faire ? » - “Je…” Ses pensées sont embrumées, son corps tout entier peine à se concentrer sur la moindre tâche alors qu’il est occupé à s’arracher les cheveux - presque littéralement. “Je crois que c’est un genre de morse. Enfin, regard, comment les lettres sont placées, et la ponctuation. Y’a un truc qui cloche. Je comprends pas c’que ça dit, mais j’sais que d’habitude c’est pas comme ça.” Et du regard, maintenant, il remonte son regard sur l’étagère face à lui, à la recherche d’un livre pour traduire le morse. Recherche utile. “Là, regarde.” Il pointe le sommet de la bibliothèque et grimace lorsqu’il se lève en appuyant sur sa jambe blessée. Mais maintenant, il en est assuré: ils sont sur la bonne piste.

“Fais la passer par dessus bord.” Cette suggestion était tentante et l’idée aurait été bonne s’ils n’étaient pas actuellement dans le poste de commandement qui nécessitait de faire un petit trajet avant de gagner l’extérieur. Greta aurait sans doute également quelques difficultés à pousser une femme par dessus bord, celle-ci était possédée, certes, mais rien n’indiquait qu’ils ne seraient pas en mesure de la libérer du sort s’ils parvenaient à utiliser le crâne à bon escient. Il était exclu que la jeune femme sorte à nouveau et prenne le risque de passer par-dessus bord en lieu et place de leur nouvelle amie, l’eau était bien trop déchaînée. Alors, n’écoutant que son instant et non pas les grommellements de son binôme, c’était dans la première pièce trouvée que Greta avait décidé d’enfermer la dame jusqu’à ce que leurs deux cerveaux réussissent à trouver une solution. Cela risquait de prendre un peu de temps. “Je crois que c’est un genre de morse. Enfin, regard, comment les lettres sont placées, et la ponctuation. Y’a un truc qui cloche. Je comprends pas c’que ça dit, mais j’sais que d’habitude c’est pas comme ça.” Ambrose en devenait presque attachant, caché derrière la barre de navigation de la Narelle, fuyant les monstres comme un enfant, cherchant désespérément à venir à bout d’une ultime énigme. Mais si celle-ci indiquait de sacrifier l’un d’eux pour obtenir l’apaisement des bunyip, elle n’hésiterait pas une seule seconde et le choix se porterait sur le voleur. Il semblait maintenant bien plus facile à maîtriser, la jambe blessée et ses faiblesses portées au grand jour. “Là, regarde.” Et en un instant, il avait chassé de son esprit l’idée de se débarrasser de lui parce qu’il semblait avoir trouvé l’élément final. Lui indiquant de rester à sa place pour ne pas souffrir inutilement puisqu’elle avait déjà fait tout le travail toute seule de toute façon, Greta s’était levée pour s’emparer du livre et ils avaient commencé à déchiffrer les lettres, une à une. « Jetez-moi à l’eau ? C’est ça que ça dit ? Ils se foutent de nous ? » Peut-être que ces créatures venaient des océans et que le crâne de leur bien aimé bestiole sacrée appartenait lui aussi aux fonds marins. Pourtant, en reprenant le crâne en main, Greta n’avait aucune envie de s’en séparer, bien peu confiante quant à la véracité des propos du bout de papier. « T’en penses quoi ? On le fait ? » Son regard s’était tourné vers lui et pour la première fois, son avis comptait réellement.