i've been having a hard time adjusting

@rhett hartfield

Le trajet en taxi avait été long, très long - trop long. Si bien que lorsque Rhett ouvrit la porte de son appartement, Ruben ne mit qu’un instant et qu’un seul avant de prendre la direction qui lui faisait le plus envie dans cet endroit: les toilettes. Son frère dût rapidement entendre que le contenu de son estomac avait survécu jusque là mais qu’il n’aurait su le garder une seule seconde supplémentaire. Il n’était plus habitué, le gamin n’en était finalement plus un, à venir ingurgiter à cette rapidité des quantités bien trop importantes d’alcool. Il l’avait fait pour le bien du jeu, de la compétition et même s’il ne l’avouait pas, le bien de sa relation avec son frère, mais le regretterait amèrement dès le réveil le lendemain matin.

Soupirant, il se laissa glisser le long du mur des toilettes, ne souhaitant pas quitter tout de suite cet endroit étant donné qu’il sentait son estomac prêt à travailler à tout instant. Il avait cependant un petit sourire au coin des lèvres - là, c’était son état d’ébriété qui parlait pour lui. « Je suis pas sûr qu’Ethel avait ça en tête quand elle nous disait de passer plus de temps ensemble. » Certes, c’était un moyen comme un autre de venir nouer des liens entre eux, mais si la demoiselle en venait à voir dans quel état se trouvait son petit frère présentement, elle retirait surement ses paroles. Ca le faisait rire, Ruben, d’imaginer leur soeur énervée comme une puce parce-que les indications qu’elle avait donné avaient été prises au pied de la lettre mais de façon confuse. Finalement, ce fut un regard un peu plus inquiet que Ben releva en direction de Rhett, ses sourcils venant quelque peu s’incliner sur son visage. « T’as pris la coupe avec toi hein ? » Parce-que de tout ce qui pouvait l’inquiéter en cet instant, il avait décidé de s’arrêter sur quelque-chose qui n’aurait pas du avoir autant d’importance. Il avait avancé un sujet bien plus sérieux, bien plus important à Rhett mais le niveau d’alcool dans son sang venait réduire ses priorités à néant. Et puis, soyons honnêtes: ce n’était pas son sujet préféré du moment et s’il pouvait ne pas en parler, il le faisait. Le lui sobre se contentait d’ignorer cette nouvelle réalité, en tous cas. Pour qu’il vienne lâcher l’information si rapidement à Rhett, qui plus était, clairement la façon dont le Ruben sobre gérait les choses ne devait pas être la façon la plus optimale: il n’en serait arrivé à évoquer cette nouvelle devant son frère sinon.

Rhett entre dans l’appartement sans se soucier de ce que fait son cadet, bien conscient qu’après avoir bu autant d’alcool en si peu de temps, l’issue est inévitable. Et en effet, c’est dans la salle de bain que l’éminent médecin s’enfonce déjà, regrettant sans doute par la même occasion tous les choix de vie l’ayant mené jusque là. Sans doute un brin amusé de la situation, l’ancien sportif esquisse un sourire, n’en oubliant pourtant pas de faire couler de l’eau fraîche dans le plus grand verre à sa disposition. De l’autre bout du monde, les mots de Ruben lui parviennent aux oreilles. « Je suis pas sûr qu’Ethel avait ça en tête quand elle nous disait de passer plus de temps ensemble. » Et lui d’en rigoler sincèrement. Non, Ethel ne se serait sans doute pas attendu à ça et pour cause: eux non plus n’auraient jamais pu anticiper une telle fin de soirée. “On joue sur l’effet de surprise.” Et si Ruben voudrait sans doute se garder de préciser qu’il a couru dans l’appartement de son frère uniquement pour aller y vomir, ce dernier se fera pourtant un plaisir de raconter encore et encore cette-même histoire, avec tous les détails nécessaires à sa compréhension, et les autres avec.

Son verre à la main et comprenant que son cadet ne risque pas de sortir de si tôt de la salle de bain, il décide finalement de s’y enfoncer à son tour. En l’observant d’abord de sa hauteur, son épaule reposée contre le mur, Rhett finit par se laisser à son tour tomber contre le sol, dos au mur. « T’as pris la coupe avec toi hein ? » Il lui tend le verre en guise d’offrande avant de répondre à la question, un sourire aux lèvres. “Oui, oui. Elle est en sécurité.” Si seulement il avait anticipé qu’il en ferait toute une histoire alors il l’aurait gardé pour lui, cette fichue coupe aujourd’hui traitée comme une Merveille du Monde. “T’as dit à Grace que tu rentrerais pas, toi ? Tu veux que je le fasse ?” Tous deux ont beau avoir des horaires de travail atypiques, sa fiancée serait capable de penser que les frères en sont venus au moins au point de s’entre-tuer si elle ne le voit pas rentrer. N’importe qui de censé aurait pensé la même chose tant leur relation est conflictuelle et des virées au bar difficiles à imaginer. “Elle va bien ?” Et la question qu’il veut poser, en réalité, c’est de savoir si ils vont bien, en tant que couple. S’il a refusé de parler de son enfant à venir sur un vulgaire banc, ce n’est pas pour finalement le faire dans sa salle de bain. Alors, pour le moment encore, il essaye de comprendre tout le reste de l’histoire et pour cause: il a des années de vie à rattraper. “Fais gaffe, tu vas te fondre dans le mur si tu continues de pâlir à cette vitesse.” Il termine avec une pointe d’humour pour cacher tout son souci, certain qu’il se portera bien mieux quand son corps sera définitivement débarrassé de tous ces verres de trop.

i've been having a hard time adjusting

@rhett hartfield

« On joue sur l’effet de surprise. » Et tout, dans cette soirée, était tirée d’un parfait effet de surprise. Jamais Ruben ne s’était imaginé en arriver à vomir tout son soûl dans les toilettes de chez son frère. Comme quoi, tout pouvait arriver - même les choses aussi improbables.

Cependant, ce n’était pas pour tout ça qu’il s’inquiétait, le brun, même si ses inquiétudes ne faisaient pas plus de sens. La coupe était l’object qu’il ne voulait absolument pas perdre de cette soirée, même si c’était un vulgaire morceau de plastique: sans qu’il ne s’en rende encore compte, elle représentait le fait qu’ils aient pu passer une soirée ensemble sans trop se tirer dans les pattes, et une soirée où Rhett avait affirmé à haute voix qu’il était fier de lui. Peut-être qu’il ne s’en rappellerait avec trop peu de précision le lendemain, après un semblant de nuit de sommeil, mais la coupe serait là en guise de témoin de tout ça. « Oui, oui. Elle est en sécurité. » Avec un sourire idiot, il hocha la tête. « T’as dit à Grace que tu rentrerais pas, toi ? Tu veux que je le fasse ? » Avec une fine vague de panique dans le regard, Ruben perdit son sourire idiot. Merde, Grace - au fil des verres qu’il avait ingurgité, il avait oublié finalement de la prévenir qu’il ne renterait pas ce soir; et disons que ce n’était pas comme si il avait pu prévoir que la soirée tournait de cette façon là et qu’il avait pu anticiper quoi que ce soit. « Je l’ai pas prévenu. » Avec grand peine, il tira son téléphone de la poche de son pantalon - l’écran de ce dernier était flou sous son regard, et ce n’était pas en fronçant les sourcils et plissant les yeux que cela changeait quelque-chose. Il finit par tendre son téléphone à son frère - ça irait plus vite. « Tu peux lui dire que je dors ici ? » Se rappelait-elle qu’il était avec son aîné, ce soir ? Ou partait-elle du principe qu’il ne daignerait pas forcément lui donner de nouvelles, comme c’était là sa façon d’agir depuis des semaines voire des mois désormais ? Les choses avaient pourtant été si facilement ficelées entre eux pendant des années, et la chute se faisait lente mais avec sureté ces derniers temps. Ce n’était pas de cette façon que Ruben avait jamais vu l’avenir de leur couple, la bague glissé au doigt de la jeune femme n’étant en rien un artifice, et pourtant c’était de cette sorte que l’avenir s’écrivait sous leurs yeux.

« Elle va bien ? » Les lèvres du jeune homme se pincèrent un instant en une ligne fine. Allait-elle bien, justement ? « Fais gaffe, tu vas te fondre dans le mur si tu continues de pâlir à cette vitesse. » Et si la blague était de bonne volonté, l’estomac de Ruben dut prendre ça comme le signal et ce fut à ce moment là qu’il dut se redresser légèrement pour se débarrasser une fois de plus de ce que son corps rejetait désormais. Il fut de nouveau à sa place contre le mur l’instant suivant. « Je sais pas. » Si elle va bien - s’ils allaient bien ? Les choses n’étaient définitivement pas au beau fixe mais comment allaient-ils, en tant que couple ? Ce n’était pas tant que Ruben ne posait pas les questions, c’était plutôt que la finalement de la situation n’était pas aux mêmes teintes pour Grace que pour lui et qu'il se contentait donc de prendre des nouvelles cliniques de la jeune femme - le reste des conversations devenaient houleuses rapidement, pour finalement rester silence. La tête lui tournait, aussi, mais ça n’avait rien à voir avec leur discussion mais plutôt avec son corps tentant de se redresser de l’alcool l’ayant assommé. « Tu veux être le parrain ? » Le regard que le plus jeune releva vers son aîné était tout autre, désormais - au delà du voile d’ébriété, cela allait de soi. Ce n’était pas de la colère ou une quelconque amertume qu’on pouvait y lire, mais plutôt ce qui s’apparentait davantage un certain espoir. Il ne voulait pas de cet enfant, Ruben, et il ne l’avait jamais caché à Grace. Mais quitte à ce que le bambin voit le jour, peut-être qu’il pourrait être le lien qu’il manquait entre une partie de la fratrie Hartfield pour que les choses puissent s’arranger ? Il n’avait pas vraiment réfléchi à la question, Grace et lui en étaient loin de ces discussions là, mais pour une fois il laissait parler son coeur et son instinct - l’instant d’après cependant, il était de nouveau la tête dans la cuvette. « Tu pourras lui apprendre à jouer au rugby si tu veux. » Il regretterait surement cette idée le moment venu, mais dans son état tout lui semblait être une bonne idée alors. Et puis surtout: plus rien ne semblait faire réellement sens dans la réalité dans laquelle il évoluait ces derniers temps, alors pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

« Je l’ai pas prévenu. » Et bien qu’il en ait terriblement envie, Rhett se retient de souffler ou même d’ajouter le moindre commentaire, conscient que son frère n’agit pas dans le but de blesser sa fiancée. Il aurait sûrement eu aussi peu de considération pour la sienne, à vrai dire, s’il avait ne serait-ce qu'une petite amie. Ce n’est pas qu’ils ne veulent pas faire d’efforts ou ne savent pas en faire, les frères, c’est seulement qu’ils y pensent toujours un peu trop tard. « Tu peux lui dire que je dors ici ? » Il hoche la tête, toujours sans le moindre commentaire, et ne rapproche l’écran du visage de son cadet uniquement pour qu’il le déverrouille. Ce n’est pas comme s’il connaissait son code de sécurité, non plus. J’ai un peu trop bu pour rentrer, je reste chez Rhett cette nuit. Je t’aime. C’est ce qu’aurait pu écrire Ruben à la femme qu’il aime, ça, non ? Clair, concis, il n’a pas à préciser qu’il est occupé à redécorer ses toilettes, ni même qu’il n’est pas capable d’écrire ces quelques mots de lui-même. On a gagné la coupe. Il précise pourtant, jugeant que cela a de l’importance aux yeux de Ruben, alors cela devrait en avoir à ceux de Grace aussi, puisqu’ils s’aiment et sont sur la même longueur d’onde. Tout du moins, c’est ainsi qu’il souhaite voir les choses, ne faisant que refermer le téléphone la seconde suivante, peu enclin à fouiller dans la vie privée de son petit frère. Comme une douce mélodie à ses oreilles, ou presque, c’est en vomissant une fois de plus que Ruben est sûrement en train de le remercier, là.

« Je sais pas. »
“Comment ça tu sais pas ?”

« Tu veux être le parrain ? » De toutes les réponses que Garrett Hartfield aurait pu imaginer, celle-ci n’en faisait certainement pas partie. Il observe son cadet un instant, sourcils froncés bien plus à cause de son incompréhension que n’importe quel autre sentiment. Il s’attend à ce qu’il lui avoue à tout moment que ce n’est qu’une blague et que non, bien sûr qu’il ne voudrait pas de son frère absent pour devenir un parrain encore plus absent pour son enfant. Merde, il va vraiment devenir papa. « Tu pourras lui apprendre à jouer au rugby si tu veux. » Face à cet argument-là, Rhett ne sait finalement qu’éclater de rire, sans doute bien plus touché qu’il ne le voudrait pourtant l’avouer. Tu sais que j’aime pas les enfants est la réponse qu’il lui aurait aussitôt donnée en temps normal, sous-entendant ainsi très largement qu’il ne souhaite pas être le parrain de son enfant à naître. Ce soir, pourtant, il n’y pense pas plus qu’une seule seconde, ayant rapidement balancé le pour et le contre. “Je peux te prendre dans mes bras sans que tu me vomisses dessus ?” Il pourrait dire que cela ne serait finalement qu’un entraînement avant de tenir entre ses bras un enfant n’ayant aucune retenue mais il arrive encore trop peu à s’en rendre compte, pour le moment encore occupé à retenir un sourire qui se veut immense et ô combien heureux. “Oui, bien sûr que je veux être le parrain.” Il souffle enfin, ému et déjà prêt à crier à qui veut bien l’entendre qu’il va être tonton. "Ça me donne un meilleur droit de regard sur son prénom ? Parce que regarde où ça nous a mené de laisser le dernier choix à maman.” Avouons le, il n’y a rien de captivant au milieu des Jackson, Garrett, Ruben et Ethelyn. Oui, c’est bien leur seule soeur qui en a le plus pâti, mais personne ne peut reprocher à Rhett de vouloir donner son avis sur un prénom qu’il imagine déjà flanqué sur un maillot - qu’importe que le nom de famille soit généralement le seul affiché, allez en Enfer, il est heureux et futur parrain.

i've been having a hard time adjusting

@rhett hartfield

Laisser faire Rhett et lui confier son téléphone était surement quelque-chose de bien plus prudent, étant donné l’état dans lequel se trouvait Ruben. Ce n’était de toutes façons pas comme si le jeune homme avait quelque-choses cacher dans ce dernier - il avait depuis longtemps supprimé les seules preuves qui pouvaient l’incriminer de quoi que ce soit depuis longtemps. Autant que ce soit son frère qui vienne prévenir Grace qu’il ne rentrerait ce soir; son estomac était d’ailleurs plus que d’accord avec cette idée puisque ce fut tout juste après que Rhett ait appuyé sur Envoyer qu’il fit de nouveau des siennes.

« Comment ça tu sais pas ? » Il eut un petit rire, de ceux amers et qui restaient en travers de la gorge. Non, il ne savait pas exactement comment elle se sentait, comment elle se portait, comment elle allait - qu’importe les mots donnés par son frère -, puisqu’ils étaient tellement dans deux mondes différents concernant l’arrivée d’un enfant dans leur couple que simplement prendre des nouvelles de Grace pour savoir comment elle se sentait donnait le tournis à Ruben. Elle devait se sentir heureuse, elle devait être ravie de savoir que sous son nombril poussait la vie. Voilà comment elle devait se sentir - c’était là en tout cas ce qu’il supposait et ce n’était pas ce qu’il aurait souhaité. Lui, il aurait aimé que cela n’arrive surtout pas en ce moment, ce n’était pas le bon moment pour qu’un enfant vienne se glisser entre eux. Il préfèrerait savoir qu’il n’était déjà plus afin qu’ils puissent passer à autre chose et se concentrer sur ce qui était réellement important à leur stade dans la vie: le développement de leur carrière respective - surtout que celle de Grace n’avait même pas encore commencé. « Elle doit se sentir heureuse. » Comme ses parents allaient être ravis d’apprendre cette nouvelle, comme leurs proches les féliciteraient lorsqu’ils seraient au courant - comme tout le monde surement, sauf Ruben qui rendait une fois de plus son estomac rien qu’à parler de cette partie là de son histoire personnelle.

Ce n’était pas parce-que le jeune homme ne souhaitait pas se réjouir de l’arrivée prochaine d’un enfant que le reste du monde ne pouvait en profiter. Et, peut-être que Rhett voudrait en profiter depuis une place un brin plus privilégiée que celle de simple oncle - il en aurait un autre, d’oncle, dans l’autre branche de la famille. Parce-que si Ben était dans un état qui laissait à désirer, ses paroles n’étaient on ne pouvait plus vraies: sa question était véritable, et la réponse qu'il attendait de la part de son frère tout autant. « Je peux te prendre dans mes bras sans que tu me vomisses dessus ? » Les deux yeux du plus jeune avaient du mal à se concentrer sur le visage de son frère mais ce fut un grand sourire qu’il lui adressa tout de même. Depuis quand Rhett se montrait-il tant affectueux, surtout avec lui ? « Oui, regarde viens là. » Il se dégagea quelque peu du mur afin d’ouvrir grand ses bras et d’y accueillir son grand frère. Le dangereux mélange entre l’alcool et les mauvais sentiments ne faisait pas bon ménage chez Ruben, en cet instant; il se montrait bien loin de la version habituelle du chirurgien devenant grand. Il regretterait demain d’avoir agi de la sorte, pur sûr, se trouvant d’avance ridicule. « Oui, bien sûr que je veux être le parrain. » Les mots de son frère venaient le rassurer. A dire vrai, c’était là un rôle qu’il aurait surement proposé à Jackson, si ce dernier avait encore été parmi eux - mais Rhett, ce n’était pas si mal non ? « Ça me donne un meilleur droit de regard sur son prénom ? Parce que regarde où ça nous a mené de laisser le dernier choix à maman. » Comme s’il était avec un enfant, Ruben eut un petit rire et il vint gentiment tapoter sur le dessus de la tête de son grand frère. « Oh arrête, on s’en sort presque bien voyons. » Il n’avait pas tout à fait tort, en réalité, le bougre; et celle qui s’en était le moins bien sorti en réalité était leur soeur commune. Ruben était plutôt satisfait de son prénom, ou en tous cas il ne s’en était jamais plein. « Je pense qu’il faudra que tu batailles avec Grace pour le prénom, bon courage. » Parce-que malheureusement, c’était elle qui risquait de mener d’une main de maitre tout ce qui concernait la grossesse, et donc le prénom du futur enfant. Pas que Ruben n’était pas intéressé, mais - non, il ne l’était en rien en réalité; pour lui cet enfant ne devait pas voir le jour.

« Tu m’apprendras à jouer au rugby, à moi aussi ? » La question avait échappé des lèvres de Ruben, et il fut même le premier surpris de s’entendre parler. S’il y avait bien un sport duquel il se tenait loin depuis qu’il était petit, c’était celui que son frère avait sélectionné pour en faire sa carrière. « Quand on était petits, tu m’as pas appris. » Et de façon toujours étonnante, une certaine nostalgie enrobait ses mots en cet instant. Une fois de plus, le mélange des émotions enfouies surement bien trop profondément chez Ruben et la dose d’alcool ingurgitée bien trop élevée faisait de lui un jeune homme fragile, un peu trop enclin à se laisser submerger par ses ressentis, agissant comme un vrai petit frère en cet instant.

« Elle doit se sentir heureuse. » Rhett grince des dents mais n’en dit pas plus, sans doute conscient que face à lui son petit-frère est bien mieux placé pour savoir que les choses ne sont pas telles qu’elles devraient l’être. Lui, pourtant, était heureux de savoir son cadet dans une relation stable et heureuse, mais avec les nouveaux éléments qui semblent s’ajouter au tableau, il n’est plus si sûr de la moindre information. Lui aussi se disait que Ruben devait se sentir heureux. Alors, à défaut de trouver des mots rassurants (comme d’habitude, ceci dit), c’est d’une voix nouvelle qu’il lui demande s’il peut le prendre dans ses bras, même s’il a déjà eu une meilleure odeur que celle du vomi mélangé à la bière. Il va être père et Rhett ne peut pas feindre l’indifférence face à une telle nouvelle, encore moins s’il devient le parrain de cet enfant dont il ignorait parfaitement l’existence il y a de ça quelques minutes encore. D’un banc au milieu de la rue, ils semblent avoir préféré de parler de lui pour la première fois dans une salle de bain. Ca sera une bonne anecdote à raconter, sans doute.

« Je peux te prendre dans mes bras sans que tu me vomisses dessus ? » Les deux yeux du plus jeune avaient du mal à se concentrer sur le visage de son frère mais ce fut un grand sourire qu’il lui adressa tout de même. Depuis quand Rhett se montrait-il tant affectueux, surtout avec lui ? « Oui, regarde viens là. » Il se dégagea quelque peu du mur afin d’ouvrir grand ses bras et d’y accueillir son grand frère. « Oh arrête, on s’en sort presque bien voyons. » Ruben lui tapote sur la tête comme s’il était un chien et lui ramène sa main à l’arrière du crâne de son parfait petit frère pour venir le serrer un peu plus contre lui. Il ne se rappelle pas de la dernière fois où ils se sont tenus dans les bras, ni même s’il existe réellement un antécédent à cela. “On s’en sort parfaitement bien, arrête.” Son aîné reprend dans un sourire qu’il ne verra pas, s’étant soudainement rappelé que son rôle auprès de lui est de le rassurer, même s’il est un adulte depuis longtemps maintenant. Et même si tout n’est qu’en rapport avec le prénom que leur mère leur a donné, aussi. A Ethel, il n’aurait jamais pu dire qu’elle s’en sort parfaitement bien à ce niveau là. « Je pense qu’il faudra que tu batailles avec Grace pour le prénom, bon courage. » C’est ironique, finalement, parce qu’il n’a sûrement jamais échangé plus de deux mots sur sa fiancée sur qui il ne peut finalement porter aucun jugement. Tant qu’elle le rend heureux, elle a sa place dans la famille. “Elle sait que tu viens de me proposer d’être le parrain ?” Il demande finalement en reprenant ses distances, se contorsionnant pour démêler son bras de l’épaule par dessus laquelle il s’était logé. Est-ce que demain, quand il ne sera plus aussi saoul, il voudra toujours de son frère comme parrain pour son enfant ?

« Tu m’apprendras à jouer au rugby, à moi aussi ? » Rhett ouvre la bouche pour rétorquer quelque chose, peu importe quoi, mais il ne trouve rien à ajouter. Il ne sait pas quel chemin prendre face à une telle question, si inattendue. « Quand on était petits, tu m’as pas appris. » Il esquisse une moue aussi désolée que mélancolique. “J’ai toujours pensé que ça t’intéressait pas.” Sans doute parce qu’il était toujours trop grand à ses yeux pour porter de l’attention à son petit frère un peu horripilant, un peu agaçant aussi. “T’aurais voulu ? Que je t’apprenne ?” Il ne pourra pas réécrire le passé, c’est un fait, mais il souhaite au moins savoir à quel point il a merdé. C’est avec Jackson qu’il jouait tout le temps au rugby et au football, parce que c’est avec lui qu’il n’avait que quelques années d’écart qui rendait tout infiniment plus facile. “J’suis désolé, je sais que j’ai pas été présent pour toi. Mais je ferai des efforts avec le petit, ça sera pas pareil.” Il ne reproduira pas éternellement les mêmes erreurs, il le promet, il le jure. Il veut que ce soit vrai. “Ethel sait ?” Il demande finalement, pour la forme, pour ne pas commettre d’impair aussi.

i've been having a hard time adjusting

@rhett hartfield

« On s’en sort parfaitement bien, arrête. » Le Ruben de ce soir n’était pas apte à venir saisir quelconque nuance dans la phrase de son frère, si bien qu’il la prit au pied de la lettre: il était vrai qu’ils s’en sortaient parfaitement bien pour les prénoms, au delà de toute ce qu’ils pourraient dire dessus. « Et puis Ethel c’est bien comme surnom. » Parce-que son prénom original était quelque peu plus compliqué à porter que les leurs, et qu’ils s’étaient tous rapidement accordés sur un surnom qui lui allait comme un gant. Cependant, si le Ruben de ce soir n’avait pas eu autant d’alcool dans le sang, il aurait également pu saisir le sous-entendu que la phrase de Rhett venait pourtant parfaitement mettre en avant; le fait que, malgré tout et surtout ce soir il fallait l’avouer, ils s’en sortaient bien tout court. Certes, leur relation n’avait jamais été celle parfaite parfois décrite dans les romans que Ruben ne prenait jamais le temps de lire, mais au moins ils arrivaient encore à trouver du temps à partager ensemble - et c’était là, ils le savaient que parfaitement trop bien tous les deux, quelque-chose de précieux.

Et cela aurait pu être même davantage apprécié, si Rhett ne cessait pas de revenir sur ce sujet que Ruben avait abordé mais pourtant qu’il fuyait autant qu’il fuyait la peste. « Elle sait que tu viens de me proposer d’être le parrain ? » Le rire qui s’échappa d’entre les lèvres du plus jeune Hartfield était sans une once d’hésitation sarcastique - et le fait que ses yeux s’écarquillèrent quelque peu, rien qu’un instant, comprenant par la même occasion qu’il avait surement fait une bêtise ne venait que confirmer les paroles qu’il s’apprêtait à prononcer. « Nop, pas du tout. » Mais était-ce réellement un point sur lequel il avait besoin de se justifier ? Après tout, Rhett était son frère, le dernier qui lui restait qui plus était, cela ne devrait être une situation que des plus naturelles pour tout le monde qu’il vienne penser à lui en tant que parrain. Problème: Ruben était bien plus proche du frère de Grace que du sien. « J’ai hâte de voir sa réaction. » Parce-qu’il savait parfaitement que, dans le fond, il y avait une forme malsaine de vengeance en proposant à Rhett d’être le parrain de leur enfant à naitre: il ne voulait pas qu’il pointe le bout de son nez, et imposer des conditions à Grace sans la consulter au préalable montrait bien sa rancoeur vis-à-vis de son choix à elle. C’était mauvais, il le savait - ou plutôt il le comprendrait parfaitement le lendemain matin au réveil.

Le moment n’était pas à réfléchir aux répercutions de ses actions plus longtemps, mais plutôt à laisser son coeur prendre le dessus sur sa raison et ce dernier apparent avait des sujets qu’il souhaitait aborder, à travers tout ceux qui le brisait de part et d’autre. « J’ai toujours pensé que ça t’intéressait pas. » Oh, il avait raison sur ce point: Ruben n’avait jamais été intéressé par le rugby, qu’ils soient tous au clair sur cette histoire là. Mais Rhett n’avait pas bu, et il n’était pas assez idiot pour ne pas comprendre les réels enjeux d’un tel sujet avancé sans même le faire exprès par son jeune frère. « T’aurais voulu ? Que je t’apprenne ? » De façon un brin lasse, Ruben haussa les épaules avant de les laisser retomber lourdement. « Je crois que j’aurais bien aimé. » Parce-qu’il aurait bien aimé pouvoir passer plus de temps avec ce frère qu’il aurait pu comparer pendant trop longtemps à un fantôme, à une ombre ne se projetant que lorsqu’elle désirait sur cette famille qui avait toujours eu un fond dysfonctionnel. « J’aurais bien aimé que tu passes du temps avec moi, quand j’étais petit. » Peut-être que le Ruben sobre n’aurait pas réussi à dire de façon aussi directe ce qu’il pensait de tout ça - surement parce-qu’ils ne parlaient que trop rarement avec le coeur, entre eux, entre frères. Mais une fois de plus, la version du chirurgien qui faisait face à Garrett ce soir n’avait que peu de barrières en place. « J’suis désolé, je sais que j’ai pas été présent pour toi. Mais je ferai des efforts avec le petit, ça sera pas pareil. » Un sourire autant bêta qu’emprunt d’une certaine tristesse fendit le visage de Ben. « Merci, Rhett. » Et lorsqu’il prononçait le surnom de son frère de la sorte, il avait de nouveau deux ans et la prononciation loin d’être perfection.

« Ethel sait ? » Après avoir échappé un long sourire, Ben secoua la tête de gauche à droite - peut-être un peu trop vite, puisqu’il eut un instant où il crut devoir de nouveau rendre son estomac mais ce dernier n’avait plus rien en réserve, il semblait. « Pas encore. » Il faudrait bien qu’il la mette au courant également. « Je sais pas comment lui dire. » Pour une fois, pour la première fois peut-être, il ne savait comment aborder un sujet délicat avec sa soeur - ce qui n’avait jamais été le cas. Mais là, tout était différent: rien ne lui semblait réel puisque pour lui, cela n’était pas admettante de devenir père maintenant. Alors, il repoussait l’idée que la situation puisse être véritable, et si ce n’était pas vraiment le cas, en parler à Rhett plutôt qu’à Ethel paraissait presque être la bonne solution.

« Et puis Ethel c’est bien comme surnom. » C’est pas si pire qu’aurait dit Rhett dans un contexte normal, si l’état physique de son frère autant que sa vulnérabilité momentanée ne le poussait pas à nuancer ses propos. Il préfère encore demander à son frère ce que Grace sait, ou devrait savoir. Ils ont tenté de recoller trop de morceaux ce soir pour qu’il ne gâche tout à nouveau, avec un membre rapporté de la fratrie cette fois-ci. Il est peut-être partisan de l’adage un seul problème à la fois, mais il l’est plus encore de celui qui statue qu’il n’en veut aucun, de problème. « Nop, pas du tout. » Alors, déjà, il note: ne pas parler à Grace du bébé, et encore moins du lien particulier que Rhett a déjà avec, bien que ce soit purement spéculatif pour l’heure encore. « J’ai hâte de voir sa réaction. » Rhett serre les dents, soudainement un peu trop conscient de son rôle dans toute cette histoire: il sert de poison, de vengeance, d’arme. Si son couple allait bien, réellement bien, alors jamais il n’aurait été proposé comme parrain, parce qu’il aurait pensé à une infinité de prénoms avant que le sien ne lui vienne à l’esprit. “Joue pas au con, Ben. C’est quelqu’un de bien, Grace.” Il ne doit pas suivre le même chemin que son année et vouer sa relation (et ses fiançailles) à une destruction plus ou moins proche, mais toujours assurée.

C’est la gorge nouée d’une toute autre façon qu’il aborde le sujet de leur enfance avec Ruben, bien conscient que son attitude aurait pu être perfectible à bien des niveaux. « Je crois que j’aurais bien aimé. » Et lui aussi, aurait adoré apprendre à son petit frère à jouer au rugby, lui transmettre sa passion, partager au moins quelques heures de son temps avec lui. « J’aurais bien aimé que tu passes du temps avec moi, quand j’étais petit. » Il baisse les yeux, muet, désolé. Jamais il ne le lui avait fait comprendre d’une telle manière, jamais il ne l’aurait fait non plus sans l’action de l’alcool dans son organisme. Les garçons Hartfield sont fiers, mais pas au point de ne pas voir la détresse de l’un l’autre, raison pour laquelle Rhett finit par s’excuser platement de son attitude datant d’une vie plus tôt. S’ils en reparlent, il sait qu’il ne saura pas se montrer aussi franc, usant et abusant d’excuses en tout genre et dont lui seul a le secret. « Merci, Rhett. » Il voudrait le prendre à nouveau dans ses bras mais se retient, conscient que cela ne peut pas devenir une habitude tant leur relation sera à nouveau bien différente, à la seconde même où le chirurgien aura retrouvé ses esprits.

Ainsi, toujours dans le but de ne pas commettre d’impairs, c’est à propos d’Ethel qu’il vient finalement l’interroger, lui demandant à son tour ce qu’elle sait, ou non. Les premiers gestes de tête sont sans équivoque: elle a été mise de côté, comme d’habitude. « Pas encore. Je sais pas comment lui dire. » Rhett esquisse un sourire attendri, ayant l’impression de faire de nouveau face au gamin qu’était Ben. “T’as pas à t’en faire, elle sera heureuse pour toi. Te prends pas la tête pour ça.” Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de le lui apprendre, tant qu’il le fait et qu’il ne tarde pas trop. Tous deux ont du mal à reconnaître qu’ils la laissent de côté, pour une infinité de raisons différentes, mais c’est bel et bien le cas. “Allez viens, c’est l’heure d’aller dormir.” Ils ont sûrement assez parlé de tout ce qui était sur leur coeur depuis trente ans, Ruben mérite bien un peu de repos maintenant. Et comme ultime preuve de son envie de bien faire, Rhett se relève en premier avant de tendre une main à son cadet, dans le but de l’aider à se relever. “Je t’aime bien mais tu dors sur le canapé quand même princesse.” Il annonce finalement dans un sourire amusé - ses paroles n’en sont pas moins véridiques pour autant.

i've been having a hard time adjusting

@rhett hartfield

« Joue pas au con, Ben. C’est quelqu’un de bien, Grace. » Toujours avec son petit sourire accroché à ses lèvres, Ruben hocha vivement la tête - il ne s’était même pas aperçu que son frère avait, de son côté, remarqué son petit stratagème. « Je sais. C’est la meilleure même. » Et dans ses mots là se trouvait uniquement la vérité. A ses yeux, la jeune femme était celle qu’il estimait le plus entre ses pairs; ce n’était pas pour autant qu’il lui arrivait ces dernier temps d’agir comme un idiot en permanence lorsque’l s’agissait d’elle, alors que cela ne lui était jamais arrivé auparavant. Lui qui avait été sans imperfections, se retrouvait à agir selon des principes qui n’étaient en rien les siens et qui ne représentaient pas les valeurs qu’il voulait défendre. Vomir une fois de plus dans les toilettes de son frère était un parfait exemple des choses qui ne se trouvaient pas sur la bucket list du jeune homme.

Cependant, si boire lui faisait dire des choses qu’il allait surement regretter plus tard - il savait déjà que cela lui faisait faire des choses regrettables -, cela lui soutirait également un côté que peu pouvaient voir, un comportement un peu plus enfantin et accroché aux souvenirs; quelque-peu nostalgique même. Il aurait aimé, avec des années de retard désormais et des regrets, que son grand-frère passe bien plus de temps avec lui, partage des passions, construise des souvenirs tout simplement avec celui qui deviendrait par la force des choses presque un total inconnu à ses yeux. Si d’autres Hartfield avaient réussi à tisser de vrais liens entre eux au fil du temps, étrangement, ça n’avait jamais été le cas de Garrett et Ruben. Peut-être qu’ils réussiraient à arranger les choses, dans un futur plus ou moins proche, mais pour le moment ils devaient se contenter de partager pour cette soirée les choses qu’ils auraient aimé voir arriver s’ils avaient mieux démarré entre eux. Surtout que Ruben avait beau être plus proche d’Ethel que de Rhett, depuis qu’il avait appris qu’il allait être papa il n’avait trouvé le courage de l’annoncer à sa grande soeur. Il ne savait trouver les mots justes, le façon de lui dire, afin que les choses puissent être comprises par elle également. Car s’il ne portait pas réellement dans son coeur la réaction de son grand frère et la façon dont il accueillerait la nouvelle de devenir tonton, celle d’Ethel était on ne pouvait plus importante pour Ben. « T’as pas à t’en faire, elle sera heureuse pour toi. Te prends pas la tête pour ça. » La moue boudeuse qu’affichait le cadet des Hartfield prouvait qu’il n’était en rien de cet avis. « Je veux pas la décevoir… » Parce-qu’elle faisait partie des rares personnes pour qui il donnerait tout - toutes choses considérées, bien sur, il n’était pas fou non plus.

« Allez viens, c’est l’heure d’aller dormir. » Il ne saurait dire si des minutes, des heures, s’étaient écoulées depuis le moment où ils étaient arrivés à l’appartement de Rhett, mais force était de constater que ce dernier n’avait pas tout à fait tort: aller dormir était une bonne idée. Ruben était à bout de force, sentant ses paupières se fermer sans son accord, alors il hocha la tête pour indiquer à son frère qu’il était d’accord et qu’il ne montrait aucune résistance - pour une fois. Garrett finit par se lever, et tendit une main en direction de Ben; il ne mit qu’un instant pour la saisir et pour tirer dessus avec le peu de forces qui lui restait. Tout seul, il aurait été incapable de se relever. « Je t’aime bien mais tu dors sur le canapé quand même princesse. » Un petit rire, un brin étranglé, échappa à Ruben. Le canapé ferait de toutes façons largement l’affaire, étant donné qu’il n’aurait probablement aucun souvenir de la façon dont il était arrivé ici. Il s’aida en s’appuyant sur l’épaule de son ainé afin d’arriver jusqu’au dit-canapé - sur lequel il s’effondra de tout son poids. « Oui moi aussi je t’aime Rhett. » Le sourire et le ton employé étaient digne de ceux qu’il utilisait des années plus tôt, lorsqu’il avait appris qu’un ‘R’ se trouvait finalement devant le ‘hett’ qu’il employait en guise de surnom pour ce grand frère. La seconde d’après, Morphée l’emportait déjà dans ses bras.