| there is a swelling storm and I'm caught up in the middle of it all (craker #25) |
| | (#)Jeu 12 Mai 2022 - 6:03 | |
| « Oh-oh, what's love got to do, got to do with it? What's love but a second-hand emotion? » Allongé sur la table à langer, mon fils m’observe avec une moue partager entre l’envie de fondre en larmes et celle de rire un peu du clown qui se dandine devant lui depuis deux minutes. Persévérant dans l’idée d’au moins obtenir un faible sourire, je reprends mon manège qui consiste à le déshabiller en faisant l’idiot, jouant avec ses jambes et venant chatouiller son ventre, comme c’est un peu devenu la tradition à chaque changement de couche depuis sa naissance. Tout ce que j’obtiens, c’est une soupe à la grimace largement imitée par Rosalie qui se tient appuyé contre le chambranle de la porte. « Le public est difficile aujourd’hui. » Habituellement, j’arrive toujours à en faire marrer un des deux, mais il semblerait que la journée se soit quelque peu compliquée après mon départ en début d’après-midi. Gabriel s’agite sur la table à langer, agitant ses jambes et venant porter son poing à sa bouche, signe que je sais désormais interpréter comme le fait que ses dents lui font mal. Je viens embrasser sa joue, tout en continuant à batailler avec les fermetures à pression de son body, malgré les mois qui défilent, j’ai toujours un mal fou avec ces trucs. Cette fois, Rosalie s’esclaffe un peu avant de voler à mon secours, se débarrassant du linge en moins de deux secondes. « Show off. » Dû à la proximité, nos regards se croisent et ma main libre vient lentement glisser dans son dos. « Je m’occupe du monstre et du dîner. » C’est un peu notre nom de code pour faire comprendre à l’autre qu’il peut s’accorder un peu de temps à soi. Je m’absente régulièrement pour écrire ces derniers temps et compense bien souvent en m’occupant de Gabriel sur la fin de journée tout en mettant à l’épreuve mes maigres compétences en cuisine. À force, je m’améliore même si c’est bien souvent loin d’être parfait, cela reste mangeable, suffisamment pour soulager Rosalie d’une tâche supplémentaire. On tente, tant bien que mal, de conserver un équilibre qui nous correspond.
La fin du change, c’est terminé dans une crise de larmes dès l’instant où Gabriel ne m’a plus trouvé dans son champ de vision alors que je me baissais pour récupérer sa chaussette que je venais de faire tomber. Après un gros câlin pour faire passer le chagrin, on se dirige tous les deux vers la cuisine. Au passage, Rosalie vient voler un bisou à son fils avant de filer vers la salle de bain avec tout son attirail de soin en tout genre entre les mains. « On va être tranquille un moment. » Et cette fois, il veut bien se marrer un peu, mon fils. Juste un peu, pas assez pour se décoller de mes bras, son poing se serrant autour de mon tee-shirt, signe qu’il vaut mieux pour tout le monde que je le garde contre moi. C’est loin d’être particulièrement pratique pour préparer le repas, mais depuis que je suis devenu père, j’ai appris à jongler avec bien plus d’imprévus qu’auparavant. Je me suis découvert une patience auprès de Gabriel qui semble défier tout ce que j’ai toujours pu être auparavant. Il veut rester dans mes bras et bien, je cuisinerais avec une seule main libre. Tout en faisant chauffer de l’eau, clairement, on se contentera d’un plat de pâtes, je raconte ma journée au petit garçon qui m’observe de ses grands yeux gris. Lorsque l’on est tous les deux, je lui parle toujours en français, déterminé à ce qu’il apprenne la langue sans attendre.
Notre petit rituel est sans cesse interrompu par la sonnerie du téléphone de Rosalie, abandonné à l’autre bout du comptoir. C’est la quatrième fois en moins de quelques minutes et à chaque nouveau son émis par l’appareil, Gabriel se contorsionne pour tenter de trouver l’origine du bruit. Je n’ai jamais été du genre à fouiner dans le portable de la brune, mais lorsque la sonnerie s’enclenche pour la énième fois, je me décide à aller voir. Immédiatement, je pense à Wendy qui pourrait avoir un problème et s’il s’agit de la gamine, je n’hésiterais pas à répondre. C’est bien une tout autre image qui m’accueille lorsque le téléphone se met à sonner de nouveau. Sur l’écran de l’appareil, le nom de Lachlan apparaît en gros, précédé d’un symbole de cœur et surtout agrémenté d’une selfie de Rosalie en train d’embrasser l’homme en question. La sensation se veut brutale, comme une poigne à la gorge qui empêche de respirer. Mes yeux se vrillent à l’écran jusqu’à ce que la musique cède et qu’un message apparaisse. « Rappelle-moi Rosie. » Plus rien ne fait sens. Toutes les certitudes volent en éclats et soudainement, le monde semble tanguer au gré de la tempête qui se lève. Dans mes bras, Gabriel se met à chouiner, réclamant l’attention que je ne saurais plus vraiment lui donner. Par automatisme des gestes, je réussis à l’installer dans son transat posé sur le comptoir, tout en lui donnant son doudou, ce qui semble le satisfaire. La curiosité l’emporte sur la moindre once de raison lorsque mon doigt glisse sur l’écran pour laisser apparaître ce nom à nouveau, signalant 6 appels en absences et plusieurs messages non lu. Le sang tape sur mes tempes à mesure que mon esprit s’en va vadrouiller à la recherche des pires scénarios catastrophe, de toutes les trahisons possible sans même chercher à rationaliser la moindre des pensées. Alors Rosalie revient dans le salon, les cheveux enturbanner dans une serviette et vêtue d’un jogging, son téléphone sonne à nouveau. Le geste se veut incontrôlé lorsque j’attrape l’appareil pour lui jeter au visage. « Ton mec cherche à te joindre. » Elle est sourde la colère qui gronde à l’intérieur, de celle qui fait accélérer les battements du cœur, qui rogne l’estomac et fait trembler les mains. « Il doit être en manque de sa baise de la semaine. » Plus rien ne fait sens, seuls les blessures du passé s’exprime dans un brouillard flou qui n’amène qu’à la conclusion certaine que Rosalie n’a probablement jamais changé et que le palmarès de la pire des garces finira toujours par lui revenir de plein droit.
@rosalie craine |
| | | | (#)Jeu 12 Mai 2022 - 9:35 | |
| there is a swelling storm and i'm caught up in the middle of it all La journée a été longue, comme elles le sont un peu toutes dernièrement. Les joues rouges et l’irritation constant de Gabriel témoignent d’une première dent sur le point de percer et il n’hésite pas à vous faire comprendre son inconfort à toute heure du jour et de la nuit le petit garçon, quand dormir semble être devenu optionnel et que son besoin d’attention est plus grand que jamais. Les jours s’enchaînent et se ressemblent, dans une routine plutôt bien établie et qui semble convenir autant à Wyatt qu’à toi. Si le Parker s’éclipse pendant une grande partie de la journée pour écrire, il est présent et actif auprès de Gabriel dès qu’il met un pied dans l’appartement, chose que tu apprécies grandement. Le partage des tâches se veut aussi égal que possible quand c’est à son tour de s’occuper de la couche et qu’il en profite souvent pour tenter de faire rire votre fils qui ne semble pas s’amuser de la performance de ce soir. Tu ne peux pas le blâmer, quand toi aussi tu te contentes de dévisager Wyatt qui semble s’avouer vaincu. « Le public est difficile aujourd’hui. » « Le public est fatigué surtout. » Tu ne saurais dire qui de Gabriel ou de toi est le plus fatigué tant le bambin ne fait qu’enchaîner les mini-siestes d’une vingtaine de minutes, sans jamais se réveiller réellement reposé. Tu viens en aide à Wyatt qui semble avoir du mal avec le body, ce qui t’arrache un rire et te vaut un commentaire de sa part que tu ignores dès la seconde où tu sens sa main qui se pose dans le bas de ton dos. « Je m’occupe du monstre et du dîner. » Tu souffles, reconnaissante et tu lui voles un baiser rapide suivi d’un « Merci. » murmuré avant de t’éclipser jusque dans la cuisine. Tu décides de te couler un verre de vin que tu pourras apprécier dans ce bain moussant que tu comptes te faire couler dès la seconde où tu auras mis les pieds dans la salle de bain. Tu entends Gabriel qui se met à hurler dans sa chambre et comme toujours, tu dois te parler pour t’empêcher d’intervenir, quand tu sais que Wyatt est parfaitement capable de calmer le petit homme au tempérament de feu. Coupe à la main, tu déposes un bisou sur la joue de ton fils qui passe au même moment dans les bras de son père et puis tu disparais derrière la porte de la chambre que tu fermes, ressentant le besoin de te couper de tout pour quelques minutes au moins.
Après avoir pris le temps de te faire un soin du visage et un masque pour les cheveux, tu manques de t’endormir dans le bain, complètement relaxée et déconnectée de tout, la musique de ton iPad coupant tout son provenant d’ailleurs dans l’appartement. L’eau est devenue froide quand tu en sors enfin et tu prends encore un peu ton temps pour t’habiller et enrouler tes cheveux dans une serviette. D’un regard, tu cherches ton téléphone, te demandant si tu avais pris le temps de l’emmener avec toi dans la chambre ou si tu l’avais laissé dans la cuisine. Tu rejoins finalement la cuisine, à la recherche de l’appareil qui se met à sonner au même moment. « Hey, t’as pas vu mon tél – hey! » Tu as à peine le temps de réaliser ce qui se passe que ton bras se place devant ton visage, pour éviter ton téléphone qui vole d’un côté à l’autre de la cuisine, lancé par un Wyatt au regard noir dont tu reconnais parfaitement l’expression, sans jamais te douter de la raison derrière. « Qu’est-ce qui te prend?! » Ton téléphone continue de sonner, mais c’est bien la dernière chose à laquelle tu penses, quand ton regard ne cesse d’alterner entre Wyatt qui semble sur le point d’exploser et Gabriel qui assiste à cette scène, doudou en main. « Ton mec cherche à te joindre. » Décidément, tu ne comprends absolument rien à ce qui se passe. « De quoi tu parles? » Tu baisses finalement les yeux sur ton téléphone et il suffit d’une demi-seconde de plus pour que tu te fasses une meilleure idée de la situation qui se joue présentement sous tes yeux. Le prénom de Lachlan apparaît de toutes lettres sur l’écran, suivi de ce cœur que tu n'as jamais pris le temps d’effacer du contact. Contact avec qui tu n’as presque pas échangé dans la dernière année, malgré ce que Wyatt semble croire dans l’immédiat. « Il doit être en manque de sa baise de la semaine. » « Wyatt! » Tu rouspètes, pas particulièrement à l’aise de l’entendre parler comme ça devant votre fils, même si tu sais parfaitement qu’il ne comprend rien, si ce n’est peut-être que de ressentir la tension qui subsiste désormais dans la cuisine devenu un champ de bataille beaucoup trop familier. Tu te penches pour récupérer l’appareil, aperçoit les appels manqués et les appels reçus dans la dernière heure, absolument rien pour aider ton cas. « C’est pas du tout ce que tu crois. » Et ça, ça sonne exactement comme l’excuse bidon qu’on offre à son partenaire quand on vient de se faire prendre la main dans le sac, mais c’est tellement loin d’être la réalité cette fois. « Il doit m’appeler au sujet de la maison… » que tu commences, maladroitement, prise au dépourvue par la tournure de cette journée, de ce moment qui se devait doux et paisible et qui est tout sauf. « J’peux pas croire que tu me penses capable de faire ça après tout ce qui s’est passé. » Le ton de ta voix n’est pas mesquin, et si c’est un reproche, ce n’est pas dit de manière agressive. Tu es défaitiste plutôt, ébranlée une fois de plus de réaliser à quel point la confiance entre vous est chancelante, si ce n’est inexistante. Tu sais que le chemin est encore long et sinueux et que tu dois faire tes preuves, mais de savoir qu’il te croit capable de retourner auprès de Lachlan comme ça, si facilement, ça fait mal d’une douleur que tu n'es pas en mesure de couvrir, que tu ne tentes même pas de dissimuler finalement. |
| | | | (#)Sam 14 Mai 2022 - 9:25 | |
| J’ai passé ma vie entière à fuir la routine quotidienne, à m’isoler des obligations imposées par la société dans la définition parfaite du couple et de la vie de trentaine persuadé que cela ne m’apporterait jamais rien de bon. À patauger dans le chaos depuis l’enfance, je ne connaissais que le conflit et n’acceptais que de vivre dans une relation houleuse qui n’imposait ni promesse d’avenir ni la certitude d’une stabilité quelconque. Une fois encore, c’est Gabriel qui est venu balayer toutes mes certitudes d’un revers de force, dès l’instant où il a ouvert les yeux. En quelques mois, j’ai cessé de fuir constamment, au point où mes incertitudes et ma tendance à tout tourner au négatif, on prit du recul, s’installant dans un coin pour mieux observer de loin. En adulte conscient de notre nouvelle situation, on avait su se parler pour la première fois depuis une dizaine d’années, étalant ainsi entre nous des sentiments qui n’ont jamais su se faire la malle, ceux que l’on n’avait jamais réellement appris à exprimer et qui s’englobaient d’une méfiance commune à tendance destructrice. En apparence, tout avait pris un équilibre différent, en coulisse, les angoisses ne sont jamais bien loin, tapis dans l’ombre, prête à bondir à la moindre occasion. Ou en l’occurrence, au moindre appel téléphonique…
En adulte conscient de notre nouvelle situation, on avait su se parler pour la première fois depuis une dizaine d’années, étalant ainsi entre nous des sentiments qui n’ont jamais su se faire la malle, ceux que l’on n’avait jamais réellement appris à exprimer et qui s’englobaient d’une méfiance commune à tendance destructrice. Les yeux vrillés sur l’écran, une part de mon esprit cherche à se persuader que ce ne sont que mes incertitudes qui me jouent un tour. Cela ne peut pas être lui qui ne cesse de l’appeler, quand Rosalie n’a eu de cesse de me jurer que cette part de notre vie était belle et bien terminée. Pourtant, l’homme insiste, celui que j’ai toujours nommé l’autre, le parasite qui était venu assombrir bien des pans de ma vie. Elle est complètement irrationnelle la colère qui naît du plus profond de mes entrailles, à germer du moindre manque de confiance que j’ai pu placer dans cette relation nouvelle. Tous les radars se mettent en alerte, l’alarme du cœur hurlant à plein régime que ce pauvre con avait réussi à se faire berner une seconde fois. Mon raisonnement n’a plus rien de logique et de fondé quand par un automatisme de plus autodestructeur j’envisage chaque élément du pire des scénarios, celui qui s’était retrouvé enfoui au fond du tiroir, mais qui finira toujours grand gagnant de la loterie. Tout ce que je vois, tout ce qui est pris en compte, ce n’est que les appels manqués qui s’enchaînent et ce stupide nom accompagné d’un symbole ô combien enfantin, mais à la signification bien trop imposante. « Hey, t’as pas vu mon tél – hey! » Le téléphone atterris à ses pieds dans un bruit sourd sans que pour autant la sonnerie ne cesse. C’est comme s’il venait me narguer sur mon territoire, tirant sur toutes les cordes sensibles à la fois pour faire dérailler le train de mes pensées. Il ne reste que la rage qui fulmine à l’idée de s’être encore fait berner par la brune. « De quoi tu parles? » Tout mon self-control se met en branle pour ne pas hurler alors que Gabriel se trouve toujours dans mon champ de vision. Je balance un bras en l’air en pointant son téléphone qui gît toujours sur le sol.
Il n’aura suffi que d’une seule fraction de seconde, un simple regard vers le cellulaire, pour que l’expression de Rosalie change. Suffisamment pour me persuader qu’il doit bien avoir du vrai dans tout ce que mon esprit n’a de cesse de me hurler. « Wyatt! C’est pas du tout ce que tu crois. » - « Oh merveilleux alors. » Mon sarcasme sonne mauvais face à sa maigre tentative d’explication. Je l’ai déjà entendu un millier de fois cette vieille version d’un disque rayé. Elle a toujours la pirouette parfaite pour s’en sortir Rosalie. « Il doit m’appeler au sujet de la maison… » Est-ce que cela justifie les appels incessants ? La sonnerie se met à nouveau en marche comme si l’autre avait compris que son plan pourrait finir par fonctionner. « Coupe ce truc Rosalie. » Ou quoi ? Je vais encore le jeter par-dessus la rambarde ? Jusqu’à présent, c’est le regard fixe de Gabriel qui m’empêche de faire le moindre mouvement. Il ne comprend rien le petit garçon, mais depuis que le ton est monté, il reste incroyablement silencieux. Je tends la main, juste assez pour venir poser mes doigts sur l’une de ses jambes. « J’peux pas croire que tu me penses capable de faire ça après tout ce qui s’est passé. » J’attends la chute, le revers de situation, la mesquinerie qui achèvera la plaisanterie, mais rien ne vient et de nervosité voilà que je m’esclaffe de rire. « Justement, il y a tout ce qui s’est passé. » Combien de fois elle lui a menti ? A combien de reprises est-ce qu’elle a fuit leur maison en pleine nuit pour venir me retrouver dans mon lit ? Combien de fois est-ce qu’elle a attendu qu’il ait le dos tourné ou qu’il soit en voyage d’affaires pour venir passer du temps avec moi ? Qui me dit que les rôles ne se sont tout simplement pas inversés, pour qu’elle continue de croire à son conte de fée échoué. « T’es plutôt une experte en terme de double vie. » Je n’ai pas passé une nuit en dehors de cet appartement depuis la naissance de Gabriel et elle non plus, mais ce n’est pas le genre d’information qui fait sens pour le moment. Tout ce qui transparaît, c’est le manque de confiance que je peux avoir en elle, heurter par des années de mensonges, abîmés par ses promesses en l’air. Longtemps, elle m’a fait croire qu’il n’était rien pour elle et pourtant, elle ne manquait jamais de retourner prendre sa place à ses côtés. « Tu veux tellement être bien vu par tout le monde que plus rien ne m’étonnerait. » Elle avait bien dit, que je ne serais jamais celui qui faut pour qu'elle puisse conserver sa place dans ce monde qu'elle chéri tant. Ce sont tous les mécanismes de défenses qui se mettent en place les uns après les autres. Blesser pour ne pas se laisser achever en premier. « Avant, il fallait être la parfaite future mariée, maintenant, il faut être la parfaite mère même quand c’est pas le bon qui a fini par être le père de ton fils. » Cette famille, elle voulait la construire avec Lachlan, personne ne pourra venir me persuader du contraire désormais. |
| | | | (#)Sam 14 Mai 2022 - 10:40 | |
| Si tu avais su ce qui t’attendais dans la cuisine, tu ne serais jamais sortie du bain. Si tu avais su qu’on oubliant ton téléphone sur le comptoir pendant cette dernière demi-heure de repos tu t’apprêtais à déclencher la troisième guerre mondiale, jamais tu ne l’aurais laissé derrière. Ce n’est pas que tu avais quoique ce soit à cacher à Wyatt pourtant, bien au contraire. Le fait que tu aies laissé ton téléphone sans surveillance en était bien la preuve. Quand tu étais avec Lachlan, tu avais l’appareil à portée de la main en tout temps, toute circonstance, sans exception. Il y avait à cette époque bien de choses incriminantes à l’intérieur pour que tu puisses te permettre la moindre gaffe, le moindre écart. Mais cette époque, elle était belle et bien révolue. Tu n’étais plus – ou du moins, tu ne voulais plus être – cette Rosalie qui ment à autrui constamment simplement pour redorer son image. Tu n’étais plus celle qui vit une double-vie, constamment en conflit entre ce qu’elle veut vraiment et ce qu’elle devrait vouloir. Tu avais tout laissé derrière loin de ton trente-sixième anniversaire, quand tu avais laissé cette bague de fiançailles que tu n’aurais jamais dû accepter sur le comptoir de cette maison dans laquelle tu n’auras jamais réellement trouvé ta place. Mais ce passé, tu avais beau vouloir l’enterrer, mettre autant de distance possible entre ton présent et lui, il était tout simplement impossible de l’effacer complètement, de prétendre que les erreurs n’avaient jamais été commisses et que les regrets ne pesaient pas encore sur tes épaules. C’est bien tout ce que tu te prenais à la figure alors que la colère de Wyatt était palpable, même à distance, et que les appels de Lachlan semblaient se faire incessant, rien pour aider la situation. « Oh merveilleux alors. » « Laisse-moi t’expliquer. » Tu ne veux pas t’emporter, pas plus que tu ne veux te mettre à crier ou que la situation ne dégénère alors que votre fils est juste là et que jamais il ne devrait assister à ça. « Coupe ce truc Rosalie. » Tu obéis sans contester, coupant d’abord le son de l’appareil avant de décider de le fermer complètement. Vaut mieux éviter d’être déranger par des constantes vibrations puisque clairement ton ex ne semble pas avoir compris que le moment n’est pas opportun pour une conversation, quel qu’en soit le sujet.
Ton regard suit les doigts de Wyatt qui s’accrochent doucement à la cuisse de Gabriel, comme s’il cherchait à s’accrocher à votre fils pour ne pas se perdre dans la tempête qui brasse tout sur son chemin. Son rire te fait aussi mal que les mots qu’il te crache au visage, lui qui a toujours connu tes faiblesses mieux que quiconque. « Justement, il y a tout ce qui s’est passé. » Ça malheureusement, tu ne peux rien y faire. Tu ne peux pas effacer tes erreurs, pas plus que tu ne peux revenir en arrière pour changer le cours de ses six années que tu as passé avec Lachlan plutôt que d’être avec lui. Mais pour ça, tu ne peux continuer de t’excuser continuellement, surtout quand tu fais ton possible pour ne lui offrir aucune raison de douter à nouveau de toi. Jusqu’à aujourd’hui, de toute évidence. « T’es plutôt une experte en terme de double vie. » « T’es sérieux là? » Tu t’efforces de souffler, de prendre quelques secondes pour faire le tri de tout ce qui te passe par la tête pour ne pas emprunter ce chemin mille fois empruntés d’une confrontation qui ne mènera à rien. Tu le connais, il veut te faire mal. Il veut te blesser comme il pense que tu l’as blessé, sauf qu’il n’a rien compris, Wyatt. « Je passe toutes mes journées et mes nuits ici avec Gabriel et avec toi Wyatt, dis-moi quand est-ce que j’aurais le temps d’avoir cette double-vie dont tu m’accuses. » Les derniers mots t’ont échappé, tu te mords l’intérieur de la joue. Tu deviens trop émotive et ce n’est définitivement pas un bon mélange avec cette colère qui plane dans l’air. Tu voudrais que Gabriel dorme, qu’il ne voit rien de tout ça, qu’il n’entende pas les mots choisis par son père, ni ceux que tu pourrais répliquer par inadvertance. « Tu veux tellement être bien vu par tout le monde que plus rien ne m’étonnerait. » « T’es pas juste là. » Ton visage se referme, tu serres les lèvres et prends une grande inspiration pour tenter d’empêcher les larmes de te monter aux yeux. C’est donc comme ça qu’il persiste à te voir, lui qui est sans cesse le premier à te dire que tu peux être plus que les attentes constamment placées sur tes épaules?
« Avant, il fallait être la parfaite future mariée, maintenant, il faut être la parfaite mère même quand c’est pas le bon qui a fini par être le père de ton fils. » « Arrête. ARRÊTE! » Tu serres les poings, ton souffle se fait court alors que tu réalises à peine que tu viens de violemment hausser le ton sans pouvoir t’en empêcher. Gabriel semble surpris, son regard persiste sur toi et tu voudrais tellement pouvoir t’approcher, le prendre dans tes bras pour pouvoir lui chuchoter que tout va bien aller, mais tu ne te l’autorises pas. Pas tout de suite, pas alors que tu te sens encore si fébrile. « Tu peux penser ce que tu veux de moi, mais tu mêles pas Gabriel à ça. » Non. Il n’a pas le droit de remettre en question le fait que c’est avec lui et juste avec lui que tu souhaitais fonder une famille et que pas une fois tu n’as regretté cette grossesse imprévue, pas même quand le monde entier semblait être contre vous. « On va pas faire ça Wyatt. Pas devant le petit. » Tu oses enfin t’approcher de Gabriel qui commence à s’agiter et il se met à pleurer dès l’instant où tu le prends dans tes bras, comme s’il ressentait le besoin de finalement lâcher prise sur toute cette tension accumulée dans les dernières minutes. « T’as le choix. Soit tu me laisses t’expliquer pourquoi Lachlan m’appelle ou tu vas prendre une longue marche pour te calmer pendant que j’endors Gabriel. Mais c’est pas vrai qu’on va se mettre à se disputer comme ça devant lui. » Non, peu importe l’état de votre relation, votre accord avait toujours été d’être d’abord et avant tout de bons co-parents pour Gabriel et aujourd’hui était l’occasion parfaite de le démontrer. « C’est comme tu veux Wyatt. » Tu le supplies du regard de t’écouter, de t’entendre, qu’il se calme et que vous puissiez régler ce malentendu mais la vérité, c’est que tu es terrifiée à la simple idée que cette tempête puisse ravager ce que vous avez construit dans les derniers mois, à un point irréparable. |
| | | | (#)Dim 15 Mai 2022 - 6:58 | |
| Si la destruction des barricades se veut lente et méthodique, il ne suffit que d’un faible élément, une goutte d’eau qui viens perturber la surface, pour que le mur de pierre s’érige à nouveau à la vitesse de la lumière. Rien ne semble méthodique dans la façon de faire, il s’agit d’empiler à la va-vite la moindre protection en usant de toute la cruauté en réserve comme acte de défense primaire. « T’es sérieux là ? » Elle souffle et je retiens un énième sarcasme qui pourrait enflammer la situation en un quart de seconde. « Comme jamais. » Les tirs imprécis n’ont jamais marqué leur but, il faut attendre le bon moment afin de tirer sur la corde qui l’atteindra en plein cœur. À trop se blesser, de passer notre temps à se heurter avec violence, j’ai appris à comprendre son mécanisme pour toujours mieux le retourner contre elle. À ce jeu-là, je finirais toujours par gagner quand j’ai déjà ajouté un troisième mur à la barricade et que le quatrième se construit à la vitesse de la lumière. Ne reste que l’enveloppe d’un Wyatt qui jure que plus rien ne pourra l’atteindre, que cette fois le fond a été atteint, quand pourtant elle trouve toujours une parade pour creuser un peu plus loin. « Je passe toutes mes journées et mes nuits ici avec Gabriel et avec toi Wyatt, dis-moi quand est-ce que j’aurais le temps d’avoir cette double-vie dont tu m’accuses. » La colère, la sensation de trahison, prime sur la moindre logique rationnelle qui voudrait affirmer que la jeune mère a entièrement raison. Il ne reste que la tempête qui s’en vient brasser les incertitudes, celle qui réveille les blessures du passé et m’aveugle à coup d’affirmation souvent passé sous silence, mais qui vienne encore me réveiller la nuit. Qu’importe si les dernières semaines se sont découlés dans une ambiance à première vue parfaite en tout point, il restait encore les cauchemars inavoués transportés par l’idée ancrée sous ma peau que je ne serais jamais assez pour Rosalie. Pas assez pour se transposer dans ses désirs de vie, pas assez pour être le père de son fils, pas assez pour plaire à sa famille. Jamais celui qu’il faut, mais plutôt celui que l’on cache jalousement pour faire perdurer l’illusion d’un bonheur vacillant. « T’es pas juste là. » Est-ce que tu l’es vraiment toi Rosalie quand tu refuses d’affronter le monde pour nous imposer dans ta vie ?
À la voir vacillé, ses paupières papillonnant à la vitesse de la lumière, je sais qu’il ne manque plus grand-chose pour la blesser autant que ce que je viens de découvrir est venu me heurter de plein fouet. L’objectif se dénue de tout sentiment dans le simple désir de rendre la pareille. L’esprit de vengeance, les mécanismes de défense, se font fi des aveux du passé et des envies qui commençait à naître doucement pour un avenir meilleur. Obséder par le désir de ne pas être le plus faible, dirigé par la colère, je m’abaisse au plus bas des mépris. « Arrête. ARRÊTE! » Avant, dans une autre vie, le moment aurait été opportun pour hurler encore plus fort, à déverser les pires horreurs d’un temps révolu, mais qui fonctionne encore comme élément pour déclencher toute sa culpabilité. Encore six mois en arrière, j’aurais probablement pris son élan de voix comme l’autorisation ultime pour laisser se déverser un torrent de paroles insensées, savamment calculer dans le seul but de la voir s’éloigner tout en cassant quelques objets dans le processus pour prétendre être ce genre de mec qui ne passera jamais sa colère en tapant sur sa compagne quand bien même l’idée lui a traverser l’esprit une dizaine de fois. Avant, tout serait parti de travers. Aujourd’hui, alors que le barrage des horreurs allait céder, mon regard croise celui de Gabriel. Petit bonhomme apeuré par l’éclat de voix de sa mère, à la lèvre tremblante et au regard agité de se retrouver au milieu d’une tempête dont il n’a jamais été le témoin jusqu’à présent. Il suffit d’un regard, un seul, pour que le processus s’inverse, pour que l’instinct prenne le dessus me forçant à faire un pas vers mon fils, dans le seul désir de le protéger de quiconque osera s’en approcher, même sa mère s’il le faut. « Tu peux penser ce que tu veux de moi, mais tu mêles pas Gabriel à ça. » Chacun de nous cherche à protéger le petit garçon quand on s’était juré qu’il serait à jamais notre priorité. Il est trop tard pour réaliser l’ampleur de mes propos et l’impact que cela pourrait avoir sur mon fils qu’importe s’il est bien trop jeune pour réellement comprendre ce qui viens d’être dit. « On va pas faire ça Wyatt. Pas devant le petit. » Elle s’impose comme jamais Rosalie, mère lionne qui vient récupérer son petit. J’enrage sans trouver la force de m’interpose quand la tempête brasse dans l’autre sens mêlant la culpabilité à cette colère sourde qui ne veut pas en démordre. « T’as le choix. Soit tu me laisses t’expliquer pourquoi Lachlan m’appelle ou tu vas prendre une longue marche pour te calmer pendant que j’endors Gabriel. Mais c’est pas vrai qu’on va se mettre à se disputer comme ça devant lui. C’est comme tu veux Wyatt. » Je ne sais plus si c’est la colère, la jalousie ou l’envie de prouver une certaine fierté qui me pousse à me diriger vers l’entrée. Les sanglots de Gabriel viennent tirailler une culpabilité grandissante qui s’apparente à des souvenirs du passé que je m’étais juré de pas reproduire. Pourtant, le schéma semble déjà enclenché lorsque j’enfile mes chaussures et que j’attrape mes clés de voiture sans même me retourner. La porte qui claque dans mon dos enclenche une crise de larmes chez mon fils qui me pousse à fuir encore plus loin dans le couloir et vers la sortie. À l’image de ton père, Wyatt.
Il fallait que je sorte pour ne pas envenimer la situation, pour désamorcer la bombe qui prenait bien trop d’ampleur dans ma poitrine, mais une fois sur le trottoir, je me retrouve comme un con. Le pauvre gars incapable de savoir pourquoi il a démarré au quart de tour, ronger par les cris de son fils qui se heurt comme l’écho d’un ricochet dans le crâne. Je pourrais faire demi-tour, remonter là-haut, engager la conversation, mais je sais que je finirais par crier. La colère n’est pas encore descendue, elle pilote les émotions à une vitesse fulgurante balançant tout sur son passage à coup de sarcasme bien trop cruel. Il faut que je m’éloigne. Le pilotage automatique est enclenché dès l’instant où je me retrouve au volant de ma voiture, pratiquement inconscient de la circulation alentour, perdu dans un million de pensées qui se répercute à la vitesse de la lumière venant emmagasiner et mélangé la colère d’une trahison non avouée et tout le reste qui s’empile pour contrebalancer la stupidité de tout ce qui vient de se dérouler. Mes doigts serrent le volant au poing d’en faire blanchir mes phalanges à mesure que les réalisations s’enchaînent dans un tumulte qui me serre la gorge. Je me gare sans réfléchir, traverser la rue sans même prendre le temps de regarder et entre le code de la porte, dans un automatisme ancré par les années. Rien ne se passe pourtant. La porte de l’immeuble reste close, j’ai beau taper le code encore et encore, rien ne change. Pour la première fois depuis une dizaine d’année, je ne peux pas monter là-haut, sur ce toit qui a toujours été le refuge d’un nombre incalculable de dispute en tout genre. J’essaye le code encore une fois, mais rien ne bouge, parce que les années se sont écoulés et que les choses changent. Tout peu changer, le stupide code d’une porte d’entrée comme la femme qui s’impose dans ma vie depuis autant d’années. J’ai beau m’acharner, taper sur le boîtier, la porte ne s’ouvrira pas, le changement est là, il me faut trouver un autre refuge, loin des douleurs du passé qui hante ce lieu. La réalisation me heurte telle une bonne claque sur l’arrière du crâne. Les choses ont changé. La colère se livre encore à bataille, rappelant tous les faits passés, venant tirer sur la corde sensible de toutes ses heures passées à l’attendre dans l’ombre, à n’être que le sale petit secret de Rosalie Craine. Ce n’est plus vraiment la fureur qui s’exprime, mais les douleurs que je me refuse à panser, persuader qu’elle partira de nouveau, presque heureux d’avoir découvert le pot aux roses de cet ex qui cherche désespérément à la joindre. Elle la tenait juste là sa carte de sortie, alors pourquoi elle ne l’a pas prise ? Tu étais censé partir Rosalie.
Les cigarettes s’enchaînent à mesure que mes pas m’éloignent de cet immeuble et du symbole passé qu’il représentait. Qu’importe le chemin qu’emprunte le fil de mes pensées, il réside le fait que la douleur provoquer par ces appels cache bien des vérités jamais avouées. À se tourner autour sans jamais rien se donner réellement, je restais camper sur mes positions : un jour ou l’autre, elle finira par se lasser du peu que j’ai à lui offrir et elle s’en ira. Rosalie est toujours partie en prenant tout sur son passage, ne me laissant que les miettes de quelques souvenirs à chérir. C’est le rôle que je lui ai toujours attribué sans jamais prendre en compte les changements qui s’opèrent depuis un temps. La perversité la plus ultime aurait voulu qu’elle fasse passer sa grossesse comme étant l’enfant de Lachlan, conservant alors sa place de petite fille choyée, futur mariée et future mère comblée. Elle a préféré tout envoyer valsant, compromettant sa relation avec sa famille, brisant à jamais l’image qu’elle s’était construite après six années au bras de l’homme parfait. J’ai refusé de voir cette réalité, pour ne pas avouer que tout me déstabilise, que son choix me paraît mal calculé, quand elle a abandonné une vie aisée pour se retrouver avec un type comme moi, sans le sou, sans avenir stable et au passé trouble. Accompagné par mes traumatismes, persuadés que le monde entier se jouera a jamais de moi, je n’ai pas voulu voir le changement, pas voulu admettre que peut-être Rosalie avait cesser de jouer, quand je n’ai jamais réellement quitté la partie. J’aurais voulu qu’elle s’en aille pour lui coller à jamais le rôle de la méchante dans l’histoire, parce qu’après tout, on se fait toujours abandonner quand on est un Parker… Quand la réalité se situe ailleurs, notre père nous a abandonner pour une vie plus facile, sans encombre, sans responsabilité. Ariane a abandonné sa famille pour aller flirter avec des hommes plus riches que son propre mari à l’autre bout de la planète, dévoré par son égoïsme, aveuglé par son désir de vengeance mal dirigé. À trop vouloir venger l’absence de notre père, elle est devenue sa pâle copie et j’en prends le même chemin. À trop refusé d’accepter la douleur pour mieux la soigné, je stagne dans mon idée, persuadée que Rosalie viendra me planter un couteau dans le dos et que je pourrais à jamais la tenir responsable de mes erreurs. Est-ce l’image que je souhaite transmettre à mon fils ? Celle d’un père qui part en claquant la porte sans même le rassuré ? J’ai toujours détesté cela, entendre mes parents hurler et voir mon père partir sans se retourner. J’ai été le témoin de leur dispute de manière répété, l’arme parfaite dans la manipulation de leurs émotions respectives, le gosse qui n’avait rien demandé, mais dont on se servait comme parfait bouclier. Je me refuse de répéter le même schéma, de nier les sentiments dans un élan de fierté mal placé qui ne fera qu’apporter une solitude que je ne suis plus en capacité de supporter.
À laisser les pensées tergiversent en tous sens, à enchaîner les cigarettes dans l’optique de calmer cette colère injustifiée, mes pas m’ont ramené vers l’appartement à des kilomètres de l’endroit où j’ai garé ma voiture. La conclusion reste la même, je lui en veux de ne pas m’avoir parlé de ce qui peut bien se tramer avec Lachlan, mais je refuse de laisser ce détail venir tout terrasser sur son passage. Pas maintenant, pas alors que je pensais avoir trouvé une stabilité qui me rendait bien plus heureux que le chaos que je me suis toujours traîné. Pourtant, ce sont les remparts qui se solidifient à mesure que l’ascenseur grimpe les étages pour me ramener chez nous. Les émotions jusqu’alors en totale ébullition se tarissent dans un coin pour ne laisser la place qu’à une tour froide de défense visant à protéger le cœur. Lorsque j’entre dans l’appartement, tout est silencieux. Rosalie est assise dans le canapé et son regard croise le mien à l’instant où je dépose mes clés sur le comptoir. D’un signe de la main, je lui demande d’attendre, juste un instant. Je me dirige vers la chambre de Gabriel pour trouver le bébé endormi dans son lit. Lentement, je me penche pour venir embrasser son front. « Je suis désolé. » Désolé d’être parti ainsi, désolé d’avoir crié, désolé de ne pas avoir confiance. Je reste un instant à l’observer dormir avant de trouver le courage de retourner au salon. Lentement, je m’assois en face de Rosalie. « Je t’écoute. » Le ton est froid, la distance est imposée pour des raisons des sécurités, mais je suis prêt à l’écouter. Réellement cette fois. |
| | | | (#)Dim 15 Mai 2022 - 8:12 | |
| La porte qui claque résonne dans l’appartement en entier alors que les sanglots de Gabriel prennent en intensité. Si tu as l’impression d’être complètement figée dans le temps face à ce qui vient de se passer, ton corps s’est tout de même mis en motion, alors que tu balances légèrement le petit garçon en détresse entre tes bras, des légers shhhh s’échappant de tes lèvres contre son oreille pour tenter de le calmer. De tout ce qui vient de se produire, le fait que Gabriel ait dû assister à tout ça est ce que tu détestes le plus. Tu aurais voulu pouvoir le protéger de cette dispute, des tons qui ont trop violemment montés, des accès de colère que tu n’as pas su voir venir, que tu n’as pas su prévenir. Tu lui as donné le choix à Wyatt et il est parti, sans un mot, sans un regard de plus. La douleur est immense quand soudainement, tu en viens à te demander s’il va revenir. Est-ce qu’il est vraiment parti se calmer pendant quelques temps, ou bien est-ce que les vieux travers vont reprendre le dessus? Vas-tu recevoir un appel du poste de police te demandant d’aller le chercher parce qu’il aura perdu la carte, qu’il aura laissé l’alcool prendre le dessus sur sa raison, causant une bataille débile dans un bar quelconque de la ville? Est-ce que vous êtes condamnés à rejouer la même version de l’histoire encore et encore, malgré toutes vos tentatives de faire mieux, malgré tous les changements que vous tentez de mettre en place? Êtes-vous voués à l’échec, est-ce que la partie est perdue d’avance? Tu détestes que les doutes puissent se refaire une place si facilement dans ta tête, qu’ils puissent venir empoissonner tout le bon et tout le beau qui se produit pourtant un peu tous les jours depuis plusieurs semaines, quand l’équilibre semblait plus ou moins atteint et que les morceaux de votre relation semblaient prendre place les uns avec les autres sans trop de difficulté. Une secousse et puis tout tombe. Étiez-vous fragiles à ce point-là? Était-ce complètement débile de croire que vous puissiez être heureux tous les trois, au sein de cette famille qui a commencé maladroitement mais qui se devait d’être plus forte soudée que séparée. Était-ce complètement idiotique de croire que la vie pourrait avoir une dernière chance à vous donner, à tous les deux?
Après de longues minutes, tu parviens enfin à calmer Gabriel qui somnole contre toi. De le sentir contre toi t’empêche de partir trop loin dans tes réflexions, de te perdre trop creux dans des doutes et des peurs qui ont toujours eu tendance à prendre trop de place dans ton esprit. Gabriel te force à te rappeler que non, tout n’est pas perdu d’avance, que non, vous n’êtes pas condamnés à refaire les mêmes erreurs constamment. Gabriel est la preuve vivante que même quand plus rien n’aurait dû vous ramener l’un à l’autre, l’univers semblait avoir d’autres plans. Alors que tu berces ton garçon, c’est à ça que tu veux croire. Tu veux croire que Wyatt n’est pas en train de se saouler la gueule quelque part en ville, qu’il est plutôt parti pour ne pas dire des choses qu’il aurait éventuellement regretter, pour que l’engueulade ne puisse pas atteindre un point de non-retour. Tu veux croire qu’il va revenir et que tu pourras lui expliquer la situation. Tu ne peux t’empêcher de soupirer quand tu repenses à l’élément déclencheur de tout ça. Lachlan. Cet éternel sujet sensible, ce point qui restera à jamais délicat entre vous et non sans raison. Tu peux comprendre, à un certain degré, la réaction initiale de Wyatt. Tu sais parfaitement que si la situation avait été inversé, tu n’aurais pas non plus apprécié de voir une femme lui envoyer plusieurs messages et l’appeler à de nombreuses reprises. Ce qui te chagrine toutefois, c’est qu’il se soit d’emblée perdu dans des scénarios dégueulasses, te ramenant à la pire version de toi, comme si la dernière année n’avait jamais eu lieu et que tu ne lui avais jamais prouvé à quel point tu plaçais une importance capitale en votre famille, en ce qui vous étiez en train de bâtir durement jour après jour. Il y a quelques larmes silencieuses qui coulent le long de tes joues alors que tu continues de caresser le dos de ton fils paisiblement endormi contre toi. Tu prends sur toi pour ne pas laisser cette vague de tristesse t’envahir trop fort, tu détesterais de le réveiller pour cause de sanglots alors que tu as mis si longtemps avant de l’endormir. Quand tu te sens assez calme, tu viens transférer le petit garçon dans son berceau, dépose un dernier baiser contre son front alors que tu places son doudou contre lui avant de finalement quitter la chambre, refermant la porte derrière toi.
L’appartement est trop calme, trop silencieux lorsque tu en ressors et tu as besoin de faire quelque chose de tes mains pour ne pas virer complètement folle en attendant d’avoir des nouvelles de Wyatt. Tu rallumes ton téléphone et pousses un nouveau soupir lorsque tu aperçois toutes les notifications manquées laisser par Lachlan. Sans même regarder les messages, sans écouter les messages vocaux, tu ouvres le contact pour effacer ce stupide cœur trop longtemps oublié ainsi que changer la photo du contact, cette vieille selfie pour retrouver l’image de base, ce bonhomme gris et sans personnalisation. Une fois les changements enregistrés, tu ouvres le contact de Wyatt, au plutôt celui appelé baby daddy dans ton téléphone et un léger sourire se forme sur tes lèvres alors que tu regardes la photo choisit, une photo que tu as prise récemment de Wyatt et Gabriel jouant ensemble sur le tapis d’éveil, tous les deux se regardant et se souriant. Le genre de photo prise à la va-vite mais qui représente parfaitement tous ces petits souvenirs que tu chéris si précieusement. Si tu es tentée de lui envoyer un message pour lui demander de revenir, tu ne le fais pas, préférant lui donner le temps et le choix de revenir de son plein gré. Tu délaisses encore un peu les messages de ton ex-fiancé, tu n’as pas envie de lui parler, pas même envie de savoir ce qu’il y a de si urgent pour qu’il se sente obligé de t’appeler autant de fois en si peu de temps. Tu ouvres plutôt Spotify et fait jouer une playlist random avant de t’attaquer au bordel de la cuisine laissé par Wyatt. Le dîner terminé mais non-consommé se retrouve dans des plats Tupperware, la vaisselle reprend sa place dans les armoires et une fois les comptoirs détachés de toute trace de sauces, tu t’installes à contre-cœur dans le canapé, sans jamais être capable de te concentrer sur quoique ce soit. Tu fins par écouter les messages vocaux de Lachlan, la plupart dans lesquels il te demande de le rappeler avant de finalement te dire qu’il a reçu une offre pour la maison et qu’il voudrait s’assurer que ça te convienne avant de procéder. Tu te contentes de lui envoyer un message texte rapide lui disant que tu vas le rappeler demain, n’ayant pas du tout la tête à gérer avec tout ça ce soir.
La porte s’ouvre enfin après ce qui semble être une éternité et ton regard se tourne automatiquement vers Wyatt. Il ne semble pas intoxiqué, il n’est pas en sang et la colère semble avoir majoritairement quitté ses traits, tous des points que tu accueilles aussi positivement que possible, vu les circonstances. Tu n’as pas le temps d’ouvrir la bouche toutefois qu’il te fait signe d’attendre, avant de disparaître quelques secondes dans le couloir pour rejoindre la chambre de votre fils. Ton cœur se serre de le voir aller, mais tu ne dis rien, te contentant d’observer de loin avant qu’il ne revienne éventuellement vers toi. Il garde une distance Wyatt, quand il vient s’asseoir devant toi plutôt qu’à côté de toi. Son regard est toujours aussi fermé, mais la porte à la discussion semble être prête à s’ouvrir, tranquillement. « Je t’écoute. » Tu te redresses légèrement dans le canapé avant de poser ton téléphone sur la table basse située entre vous deux. S’il veut la moindre preuve de quoique ce soit comme ça il pourra regarder à sa guise. Pour une fois dans ta vie, tu n’as absolument rien à cacher. « Il y a quelques semaines, Lachlan m’a téléphoné pour la première fois depuis des mois. Après mon départ, il avait décidé de garder la maison, mais il a récemment changé d’idée et a décidé de la mettre en vente. Comme elle est encore officiellement à nos deux noms, il avait besoin de mon accord. » Il aurait sans doute été plus sage de gérer tous les détails de votre séparation il y a un an de ça, au moment des faits, mais la vérité c’est que tu n’en avais pas vu l’urgence. Tu n’avais pas l’intention de lui demander le moindre sou pour ta part de la maison et tant qu’il y restait, c’était plus simple de ne rien changer que de passer au travers une procédure légale inutile et coûteuse. « Il a trouvé un acheteur potentiel. C’est pour ça qu’il arrêtait pas de m’appeler, il voulait avoir mon avis sur l’offre. » Même si tu lui as déjà dit à plusieurs reprises que tu t’en fichais pas mal de savoir à qui il la vendait et à quel prix. En ce qui te concerne, cette maison n’est plus la tienne depuis longtemps déjà. « J’aurais dû te le dire dès qu’il m’a contacté la première fois, mais j’ai pas osé. J’avais pas envie de créer une dispute et je savais que la simple mention de son prénom suffirait à en provoquer une. » Et de toute évidence, tu n’avais pas eu tort de croire que ça aurait été le cas. « Le nom du contact et la photo, c’est juste parce que j’ai jamais pris le temps de le changer après notre séparation. C’est stupide, je sais. » Tes doigts jouent nerveusement avec ton téléphone et puis tu le tend dans la direction de Wyatt. « Tu peux regarder les messages si tu veux. J’ai rien effacé. J’ai juste changé le contact. » Effacer ce cœur stupide et cette vieille selfie. « Je suis désolée. » Et tu ne pouvais qu’espérer qu’il te croit et qu’il ne voit pas là une horde d’excuses pour te défiler, comme tu avais si souvent eu l’habitude de le faire par le passé. |
| | | | (#)Mer 1 Juin 2022 - 2:58 | |
| S’asseoir et ne rien laisser paraître de toutes les réflexions qui se sont engagées durant ma courte absence. Qu’importe la course effrénée de mes pensées, je me suis promis de laisser Rosalie s’exprimer afin de ne pas répéter pour la énième fois les erreurs que l’on a toujours su faire. J’ai envie de croire qu’il existe une explication logique et raisonnée à tout ce qui vient de se dérouler, que ma réaction ne se base alors que sur des angoisses ancrées de manière trop profonde pour simplement être ignoré. Mon inconscient attendait ce moment, l’instant où tout allait déraper, me donnant l’excuse parfaite pour l’accuser elle et filer loin. Il est toujours plus aisé de rejeter la faute sur l’autre, de choisir l’issue de secours, excusé par des années d’autodestruction savamment orchestrée. Lui rejeter la faute, c’est choisir la facilité de ne pas avoir à faire face à des sentiments bien trop incontrôlés qui viennent à redéfinir notre relation d’une manière si stable que cela a finie par m’effrayer en cours de chemin. Il y a encore quelque temps de cela, je ne serais jamais revenu, utilisant ce que j’ai cru comprendre ce soir comme ultime excuse pour m’enfuir le plus loin possible d’un quelconque attachement qui s’apparente à me rendre plus vulnérable. Ce n’est pas envers notre fils que j’ai tant de mal à m’investir, mais bien aux côtés de la brune qui a toujours été synonyme de tumulte au gré des années qui filent. Lui accorder toute ma confiance, c’est lui laisser le champ libre pour tout ravager sur son passage, encore une fois. Ma méfiance se joue en ultime défense, comme un mécanisme floué qui s’apparente à une illusion visant à me faire croire que Rosalie ne pourra plus jamais m’atteindre comme elle avait su le faire par le passé. Laisser sous-entendre qu’elle mène encore une double vie, c’est me protéger des impacts en la pointant du doigt comme ultime responsable de tout ce qui nous est toujours arrivé de mal, tout en m’offrant une porte de sortie sans possibilité de retour. Une excuse digne d’un Parker. Assez pour cacher les fractures, suffisante pour ne pas avoir à plonger dans l’océan de sentiments et autre merde qui oblige à réaliser que parfois, il peut nous arriver quelque chose de bon, que l’on peut se construire une situation stable qui n’implique en rien une volonté de se faire du mal, mais juste la réalité d’une vie en somme toute presque normale.
« Il y a quelques semaines, Lachlan m’a téléphoné pour la première fois depuis des mois. Après mon départ, il avait décidé de garder la maison, mais il a récemment changé d’idée et a décidé de la mettre en vente. Comme elle est encore officiellement à nos deux noms, il avait besoin de mon accord. » Son explication ne tient qu’en deux phrases. Quelques mots qui sonnent juste, mais éveillent bien des questions encore. Je préfère me taire, me mords la lèvre dans l’attente de plus, parce que Rosalie aura toujours plus à dire. « Il a trouvé un acheteur potentiel. C’est pour ça qu’il arrêtait pas de m’appeler, il voulait avoir mon avis sur l’offre. » En a-t-il réellement besoin ? Est-ce que cela justifie la dizaine d’appels en l’espace de quelques minutes seulement ? « Il avait besoin de te harceler pour ça ? » Qu’est-ce qu’il veut exactement ce mec-là ? Marquer un point ? Se faire entendre ? Comme s’il n’avait pas déjà outrepassé sa présence dans nos vies. « J’aurais dû te le dire dès qu’il m’a contacté la première fois, mais j’ai pas osé. J’avais pas envie de créer une dispute et je savais que la simple mention de son prénom suffirait à en provoquer une. » Je pourrais hocher la tête et lui donner raison, mais je crois qu’elle aussi ne semble pas avoir perçu les petits changements. Ce n’était pas juste un détail insignifiant, mais comme une preuve qu’elle n’avait pas encore complètement tourné la page, qu’il conservait sa place, malgré tout. Je retiens les mots, les espoirs déplacés qui se sont insinué au sein de cette découverte pour mieux filer entre les failles qui m’assaillent. « Le nom du contact et la photo, c’est juste parce que j’ai jamais pris le temps de le changer après notre séparation. C’est stupide, je sais. » Nos regards se croisent à l’instant où elle se penche en avant pour me tendre le téléphone. « Tu peux regarder les messages si tu veux. J’ai rien effacé. J’ai juste changé le contact. » Une part de moi rêve de prendre le téléphone afin de pouvoir aller fouiner, mais mes muscles refusent d’opérer le moindre mouvement.
L’air de la pièce se fait étouffant à mesure que les secondes s’écoulent dans ce silence lourd de sens. Mon esprit ne cesse de vaciller entre le soulagement d’une explication fondée sur une logique implacable et la déception de voir cette porte de sortie se refermer lentement. La logique et la raison se vouent une bataille féroce entre ce que le cœur souhaite et ce que l’instinct ordonne de fuir. « Je suis désolée. » - « Ils ont changé le code de la porte. » L’information est banale, complètement insignifiante pour le reste de la conversation, mais elle reste gravée dans un coin comme le signe d’un changement que je n’avais pas vu venir. Le code a changé et me voilà assis en face de Rosalie à réaliser que de mon côté rien ne semble vouloir évoluer. Si j’ai choisi de revenir, les doutes eux n’ont pas le temps de se taire, quand tout me hurle qu’elle aurait dû partir, quand je n’arrive pas à faire sens de sa présence en face de moi. Le silence s’étire à mesure que les battements de mon cœur deviennent assourdissants, à résonner dans mes oreilles au point d’en troubler ma vision. Je l’attendais l’erreur, sur la pointe des pieds, je me balançais en guettant le moment où je pourrais enfin donner raison à ce vieux sentiment que je me traîne. Il m’est impossible de nier les faits, je voulais la rendre coupable à nouveau, lui adresser la faute de nos échecs pour imposer une distance qui me donnerait le luxe de tourner le dos à tout ce que je peux bien ressentir pour elle. « Durant une minute, j’ai été soulagé de voir cette photo s’afficher. » que j’avoue sans jamais croiser son regard. Ma jambe se met à tressauter le long du fauteuil sans que je n’aie de contrôle sur le mouvement incessant. J’ai longtemps songé à tout cela dans mon coin sans jamais oser verbaliser les craintes. Elle le sait pourtant, elle l’avait découvert il y a des mois de cela, au creux des pages de mon carnet. Des semaines se sont écoulés, mais rien ne semble avoir véritablement changé, le doute me colle à la peau, l’attente du moment où tout finira par virer dans le ravin sans chance de pouvoir être sauvé. Je sens son regard qui traîne sur mon profil dans l’attente d’une explication plus censée. « Ça voulait dire que j’avais raison de me méfier. » Je n’ai pas envie de parler de cela, de laisser s’étaler entre nous, la triste vérité de tout ce qui me ronge à chaque jour où l’on s’efforce d'être une famille. « Il t’offre une parfaite carte de sortie et… » Mon regard se lève pour la voir toujours assise sur le canapé, comme si elle était véritablement chez elle, sans dénoter la moindre envie de s’en aller. « … T’es encore là. » Et rien ne fait sens tant cela fait des mois que j’attends le moment où elle réalisera que ce n’est pas ce qu’elle voulait, que ce serait mieux de s’en aller. Conditionner à être le second choix, je n’ai jamais su envisager autre chose, incapable de m’accorder le droit d’avoir gagné la première place dans sa vie. Elle est toujours là et je ne comprends pas.
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| | | | (#)Mer 1 Juin 2022 - 8:08 | |
| Il est là. Wyatt est revenu, mais tu ne te sens pas soulagée pour autant. La tension dans le salon est à son comble, alors que tu retournes constamment dans ta tête ces explications que tu préparais maladroitement depuis le moment qu’il avait choisi de partir en claquant la porte derrière lui. Il te donne le champ libre et autrefois, la scène se serait poursuivie dans des cris comme ceux que vous échangez brièvement devant Gabriel, tu sais que ce n’est pas la chose à faire. Que ce chemin-là, emprunté des centaines de fois par le passé, ne vous a jamais apporté quoique ce soit de positif. Que des doutes et du ressentiment, une distance imposée pour ne jamais laisser vos sentiments parler. Tu ne peux plus te permettre de laisser ta fierté mal-placée mener la danse quand tu as bien trop à perdre. Non, tu n’es pas prête à sacrifier cet équilibre que vous avez su trouver dans les dernières semaines, dans les derniers mois. Tu n’as pas envie de mettre à mal tout ce que vous pu bâtir pour des malheureux messages textes pris hors de leur contexte, pour des appels d’un homme que tu es bien décidée à laisser dans ton passé, peu importe ce que Wyatt peut s’imaginer dans l’immédiat. « Il avait besoin de te harceler pour ça? » Tu hausses les épaules. Tu n’as pas la moindre idée de ce qui se passe dans l’esprit de ton ex-fiancé présentement. Tu n’as pas cherché à savoir non plus et ça ne t’intéresse pas le moins du monde. Ce n’est pas vers lui que toutes tes pensées reviennent constamment. Pas lui qui a toujours su s’immiscer sous ta peau, à t’en rendre complètement folle. Pas lui que tu avais choisi, quand ça comptait vraiment. « Je sais pas, j’ai pas exactement pris le temps d’écouter ses messages pendant que t’étais parti. » Non, ce n’était pas ta priorité à ce moment-là, tout comme ce ne l’est toujours pas actuellement alors que tu tentes seulement d’expliquer la situation. Tu ne cherches pas à te défiler, tu ne lui offres par des excuses parfaitement pré-faites comme tu avais l’habitude de le faire pour expliquer chaque escapade que tu te permettais à ses côtés à l’époque. Tu cherches seulement à diffuser la bombe, à faire baisser la tension, à lui faire comprendre qu’il n’y a absolument rien de louche ou d’ambigüe ni dans les appels, ni dans les messages. La situation t’échappe complètement, tu ne comprends pas comment vous avez pu passer du moment le plus simplement parfait qui soit à ça, avec cette impression insecouable que tout allait éventuellement s’effondrer sous tes pieds.
Ton téléphone reste immobile sur la table basse entre vous deux, le silence se veut d’une lourdeur des plus inconfortables et tu as l’impression que l’on pourrait t’arracher le cœur de la poitrine à tout instant tant tu redoutes les prochaines paroles qui viendraient franchir les lèvres du Parker. Si tes excuses se veulent sincères, tu sais cependant qu’elles ne sont certainement pas suffisantes pour effacer des années de doutes, des années où tu as mis à mal la confiance qu’il pouvait avoir en toi. Des années pour lesquelles tu tentes de te racheter, sans même savoir si c’est vraiment possible de le faire, tout compte fait. « Ils ont changé le code de la porte. » Tu t’attendais à tout sauf à ça, alors que tu ne parviens même pas à comprendre ce à quoi Wyatt fait référence. « Quelle porte? » Et qu’est-ce que ce code ou cette porte a à voir avec cette conversation? Tu n’oses pas bouger, ton regard se tournant seulement quelques secondes sur le moniteur posé à côté de toi pour t’assurer que Gabriel est toujours bel et bien endormi avant que tu ne reportes toute ton attention sur Wyatt, qui lui s’évertue à ne jamais laisser ses yeux croiser les tiens. « Durant une minute, j’ai été soulagé de voir cette photo s’afficher. » Soulagé? Tu fronces les sourcils, de plus en plus incertaine de vouloir entendre les prochains mots, les prochaines pensées qu’il osera partager avec toi. De celles qui tournent en rond depuis trop longtemps dans son esprit sans doute, de celles qui risquent de te faire mal, que tu sois prête à l’encaisser ou non. Tu tires nerveusement sur tes doigts, incapable de rester complètement immobile mais tout autant incapable d’être la première à briser le silence qui se creuse à nouveau entre vous, tes yeux fixer sur la jambe de Wyatt qui ne cesse de sauter, qui témoigne de sa propre nervosité qu’il ne sait plus cacher sous un masque d’indifférence qui n’a plus lieu d’être entre vous deux. « Ça voulait dire que j’avais raison de me méfier. » Oh. Tu le sentais venir, le coup de poignard, mais la douleur te prend au ventre quand même alors que ton souffle se coupe sans même que tu ne bouges. Tu sens ta gorge qui se serre, tes yeux qui papillonnent partout dans la pièce avant de revenir se poser un Wyatt au regard toujours baissé. La scène est exactement celle qu’elle était il y a cinq secondes à peine et pourtant, tout te semble plus fragile que jamais. « Il t’offre une parfaite carte de sortir et… » Et quoi? Et quoi Wyatt? Tu soupires légèrement quand ses yeux se plongent finalement dans les tiens et tu peines à lire tout ce qui s’y passe. Ça fait longtemps que tu as compris avec Wyatt que son regard a toujours su en dire bien plus que ses mots et pourtant, tu n'es pas certaine de comprendre ce que tu y lis. Ou peut-être que tu refuses de le comprendre, tout simplement. « … T’es encore là. » « J’ai jamais envisagé de partir. » Non, pas une fois pendant toute l’heure où il était parti, tu n’as considéré la simple idée de remplir à nouveau ta valise et partir avec Gabriel. Parce que ce n’était pas ce que tu voulais, pour lui, pour vous. Ça ne t’avait même pas traversé l’esprit une seule seconde que peut-être Wyatt était terrifié à l’idée de revenir dans un appartement complètement vide de vie et voilà, voilà que tu comprenais enfin. Voilà que tu voyais ce que tu n’étais pas certaine d’avoir envie de voir.
« C’est ce que tu aurais voulu? Que je prenne la porte de sortie? » Est-ce que c’est ce que tu attendras toujours de moi, Wyatt? Que je te prouve une fois encore que tu ne peux pas me faire confiance? Que je vais inévitablement fauter, prendre un mauvais chemin, remettre en cause tout ce qu’on a, tout ce qu’on est? Est-ce que tu penses vraiment que c’est la seule fin possible, à cette histoire? « Parce que ça m’intéresse pas, et je suis pas certaine de savoir ce que je pourrais faire de plus pour t’en convaincre. » Ta voix craque bien plus que tu ne le voudrais, et tu prends quelques secondes pour contrôler ta respiration qui se fait de plus en plus rapide, à mesure que tu sens ton cœur qui se déchaîne dans ta poitrine. Ton cœur qui demande une pause, un moment de répit, ton cœur qui recommençait à peine à battre correctement, lui qui avait été si longtemps malmené, oublier au profit de ce que les autres voulaient, de ce qu’on t’avait dit que tu devais vouloir. La femme parfaite au bras de l’homme parfait, a mené une vie parfaitement ordinaire, si loin de ce que tu avais désormais avec Wyatt, si loin de ce qui te rendait vraiment heureuse au final. « Je sais que je peux pas te demander de me faire confiance sur toute la ligne, et c’est pas ce que j’attends de toi non plus… » Tes lèvres tremblent et c’est toi maintenant qui peines à soutenir son regard alors que tu cherches les bons mots. Ceux que vous n’osez pas dire. Ceux qui poussent à une réflexion que tu aurais préféré repousser encore un peu, ne serait-ce que pour retrouver cette bulle de bonheur que tu savais trouver auprès de lui et de Gabriel, quand tout allait bien. « Mais si tu penses que tu seras jamais capable de me pardonner, que tu continueras toujours à regarder par-dessus ton épaule à attendre le moment où je te donnerais raison de douter de moi, j’ai besoin de le savoir. » Pour te protéger. Pour protéger Gabriel. Pour te faire à l’idée que peu importe ce qui se passe en ce moment, ce n’est que temporaire. Qu’un en attendant que la réalité frappe, qu’elle vous rattrape de la plus cruelle des manières. « J’ai passé six ans à faire semblant auprès de quelqu’un que j’ai jamais su aimé comme je t’aime toi. J’ai pas envie de revivre ça. Je peux juste pas. » Et tu le réalises à peine, que tu viens d’utiliser ces mots-là, ceux qui sont interdits depuis si longtemps, ceux que tu ressens pourtant depuis le jour un, mais qui font trop peur, qui veulent dire trop de choses. Ceux qui pourtant ont parfaitement leur place, là, tout de suite, pour lui faire comprendre ce qui est en jeu et ce que tu veux vraiment, une fois de plus. - :
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| | | | (#)Jeu 9 Juin 2022 - 4:08 | |
| « Quelle porte. » « Pour aller sur le toit. » Son regard semble envahi de questions en tout genre, incertaine de réellement comprendre le sens de cette information balancé au hasard afin de gagner un peu de temps sur tout le reste. « Laisse tomber. »
Cela n’a guère d’importance de toute façon. Encore un chapitre qui se clôt de manière abrupte, n’amenant que le silence entre nous. Elle attend des explications, une raison logique à ma colère, une quelconque justification de mes propos. Je suis allé loin, comme toujours. Le but est à jamais rester le même, trouver tous les mots qui pourront l’atteindre dans le seul but de blesser plus vite et plus fort. J’ai perdu pieds en voyant cette photo, un mélange d’une jalousie si longtemps enfui quand elle n’avait aucune raison d’être justifié et un soulagement de peut-être enfin voir certaine chose se réaliser. Je m’étais préparer sans jamais réellement mettre tant de pensées sur le sujet, elle devait partir à un moment ou un autre, cela ne pouvait guère se terminer autrement. « J’ai jamais envisagé de partir. » Jamais ? Si je prenais le temps de réellement faire attention, j’aurais pu remarquer qu’aucun sac n’a été jeter dans l’entrée, que la cuisine est rangée et que Rosalie à enfiler ce bas de jogging qui fut un temps m’appartenait encore avant qu’elle ne mette la main dessus. Ce ne sont que des détails, mais ils ont toute leur importance, à souligner par cent fois l’allusion qu’elle glisse entre nous à mesure que mes paroles semblent véritablement l’atteindre. « C’est ce que tu aurais voulu? Que je prenne la porte de sortie? » Voulu n’est probablement pas le terme le plus approprié, disons qu’un départ précipité justifié par mon accès de colère est ce que mon inconscient attendait pour donner une légitimité à toutes ses pensées qui m’assaille en permanence. Je ne devrais pas attendre le pire quand tout semble se dérouler sans accroc depuis quelques temps. L’équilibre est précaire, mais il est là. Rythmé par un quotidien qui semble nous convenir ou chacun s’efforce de ne pas dépasser cette fichue ligne imaginaire que l’on s’impose et qui se brise parfois quand Rosalie s’agite dans son sommeil et que sans jamais rien dire je viens la prendre dans mes bras. Les longues conversations se cachent en silence dans des détails, une main qui s’attarde, un regard plus long que les autres ou un baiser volé dans la cuisine avant que Gabriel ne nous rappelle son existence et son besoin urgent d’être le centre de l’attention. Ce n’était que des petits rien que je pensais pouvoir gérer. Des gouttes de ce qui aurait pu être, sans jamais tout se donner. C’est ce que je souhaite, souvent, la majorité du temps. Puis il y a le reste. La petite voix qui chantonne que tout cela n’est qu’une façade, un écran de fumée pour mieux cacher la vérité. La petite voix qui insiste plus fort encore quand je me surprends à apprécier cette nouvelle vie. C’est pire encore depuis plusieurs jours, parce que sans le prévenir mon cœur est venu s’agiter, lui que j’avais remisé au placard depuis si longtemps. Il est venu me prendre par surprise, un soir de rien, après une journée à écrire. Rosalie était en train de lire une histoire à Gabriel et sans prévenir toutes les barrières ont sautées, je me suis surpris à penser que c’est ce que je voulais pour la suite, que c’est bel et bien elle que j’allais aimer pour le reste de ma vie. Un sursaut, c’est tout ce qu’il aura fallu pour réveiller la pire version de moi-même, celle qui planifie l’auto sabotage pour se préserver du reste. L’appel de Lachlan est devenu ma planche de salut, servi sur un plateau pour me pousser au pire.
« Parce que ça m’intéresse pas, et je suis pas certaine de savoir ce que je pourrais faire de plus pour t’en convaincre. » Probablement rien. C’est bien là que tout vrille. Elle n’a plus vraiment quelque chose à prouver et pourtant. « Je sais que je peux pas te demander de me faire confiance sur toute la ligne, et c’est pas ce que j’attends de toi non plus… » J’entends chaque variation d’émotions dans le creux de sa voix, à la manière dont son corps se penche vers moi sans que jamais son regard ne croise le mien. Rosalie a tellement changé, elle. Comme si le fait de devenir mère l’avait enfin rendu capable de se retrouver en symbiose avec ses émotions quand je reste le pauvre con qui voudrait à jamais fuir cette conversation. « Mais si tu penses que tu seras jamais capable de me pardonner, que tu continueras toujours à regarder par-dessus ton épaule à attendre le moment où je te donnerais raison de douter de moi, j’ai besoin de le savoir. » Je n’ai plus envie d’être là, dans ce canapé à l’entendre déverser sa vérité. Je voudrais me lever et partir à nouveau, mais mes jambes refusent de coopérer. Coincé dans ce fauteuil, sans aucun endroit où me cacher, je commence à me recroqueviller sur moi-même, ramenant un genou vers ma poitrine comme ultime rempart. Je ne veux pas parler de ça. Cela reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore sur des vérités que je ne serais jamais complètement prêt à avouer. « J’ai passé six ans à faire semblant auprès de quelqu’un que j’ai jamais su aimé comme je t’aime toi. J’ai pas envie de revivre ça. Je peux juste pas. » Si je ne cherchais pas à me comporter un minimum comme un adulte responsable, j’aurais déjà plaqué la paume de mes mains sur mes oreilles pour bloquer les sons extérieurs. Je ne veux pas avoir cette conversation, plutôt crevé que de s’aventurer sur ce chemin-là, fait de vérité si complexe à avouer.
Il faudra un temps ou deux, un battement de cœur raté aussi, avant que les mots prononcer par Rosalie ne me percute de plein fouet. Je t’aime toi. Pas un autre, pas l’homme parfait qui semblait être taillé pour elle, mais bel et bien moi. Ce gars qui ne sait plus faire confiance, celui qui sabote l’équilibre que l’on a mis tant de temps à savoir trouver depuis la naissance de notre fils. Moi. Wyatt Parker, l’écorché vif. Je n’ai jamais eu autant envie de fuir que maintenant, partir me cacher pour lécher les blessures sans jamais laisser entrevoir toute la vulnérabilité qui se cache derrière le sarcasme si savamment employé. Alors que les yeux de Rosalie s’accroche à mes lèvres dans l’attente inespéré d’une quelconque réponse, je réalise que cette fois je ne pourrais plus danser autour du sujet pour gagner du temps. Il ne reste que deux options. Me lever, partir et mettre un terme définitif à tout cela ou relever la tête et tenter de lui expliquer ce que je ne sais plus gérer depuis si longtemps et qui est revenu me happer avec force ces derniers jours. Je n’ai pas envie de parler de tout ça, j’aimerais juste aller me coucher et prétendre que l’on ne s’est jamais engager sur ce chemin de vérité. Ce ne serait pas juste pour Rosalie alors qu’elle ne cesse de se dévoiler sans écran de fumée, mais c’est ce que mon instinct me hurle de faire. Fuir encore et toujours. Je ne trouve pas ma voix, j’aimerais disparaître avaler par les coussins du fauteuil. « Qui a dit que c’est de toi dont je doutais le plus ? » L’idée est exagérément sous-entendu, elle colle parfaitement à tout ce qui a bien pu se dérouler ce soir, mais est-ce vraiment encore elle la coupable ? Je ne saurais dire si j’ai su lui pardonner. Ce n’est pas quelque chose sur lequel je me suis attardé, refusant d’aller remuer une vérité que j’ai toujours connu et perpétuellement renier. Mes doigts maltraitent le tissu de mon tee-shirt, j’ai la lèvre en sang à force de tirer dessus sans jamais vraiment trouver les mots qui feront sens. « Ils ont tous finis par partir. » Je n’ai plus la force de faire la liste pour étayer mon propos. Mon père, ma sœur, mon frère, Leo parfois, les amis d’avant qui n’ont rien voulu entendre après mon passage en prison, les connaissances d’après qui n’était pas là pour les bonnes raisons, même Ginny à finir par s’en fuir à des kilomètres de là. « Alors pourquoi pas toi ? » Encore une fois, pour toute les raisons du monde, elles n’ont plus vraiment d’importance. « Comment ça pourrait bien fonctionner ? » Quand je ne sais pas ce que je veux, quand j’ai trop peur de me laisser aller, quand je sais pertinemment qu’elle va s’en aller. « Pourquoi tu resterais avec quelqu’un comme moi ? » Quand tous les autres ont pris la décision de me tourner le dos avant elle sans jamais choisir de revenir.
Je n’ai pas envie d’entendre sa réponse, refuse de croiser son regard. En un claquement de doigt, je suis debout, en trois enjambées j’ai pris la direction de la cuisine. Pour lui tourner le dos, pour ne pas lui laisser voir que le masque est tombé et que tous mes doutes et mes angoisses se vont venus s’échouer à ses pieds. Le contenu du frigo n’a jamais été aussi intéressant.
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| | | | (#)Jeu 9 Juin 2022 - 7:15 | |
| Tes questions restent sans réponse dans un silence qui ne fait que s’alourdir avec chaque seconde qui passe. Aucun mot ne franchit ses lèvres et pourtant, tu l’entendrais presque, la tempête qui gronde dans son esprit, qui danse dans le fond de ses prunelles, pour les quelques secondes à peine où tu peux t’y attarder. Tu les entends toutes, ses hésitations, ses peurs et tous les doutes aussi qui s’accumulent et qui semblent prendre encore bien plus de place que tu ne voulais le réaliser jusqu’à maintenant. Tu n’as rien oublié de ce que tu as lu dans son carnet, il y a déjà plusieurs mois de cela aujourd’hui. Tu n’as rien oublié de ses pires craintes couchées sur papier, dans une vulnérabilité qu’il ne s’autorise toujours pas devant toi, mais dont tu connais l’allure malgré tout. Tu réalises que tu étais peut-être trop occupée à t’accrocher au moindre rapprochement, à cet équilibre précaire mais présent pour réaliser ce qui vous empêchait vraiment de prendre le prochain tournant, ce qui accrochait encore au point qu’il y avait cette éternelle retenue dans vos gestes et dans vos mots, dans ce qui existe pourtant entre vous depuis le premier jour. Trop occupée à voir ce qui allait enfin bien pour prendre en considération ce qui bloquait. Pour la première fois depuis le début de votre histoire, tu assumais pleinement le rôle de la coupable pour ces morceaux brisés entre vous, pour ceux que tu n'étais pas certaine de voir se recoller un jour. Tu avais finalement conscience que tu avais joué de sa confiance trop longtemps et trop souvent pour que quelques excuses et un peu de temps ne soient suffisants pour lui assurer que tu n’avais plus l’intention de le blesser. C’est que tu en avais oublié que tu n’étais pas la seule, qui avait abusé. Pas la seule qui avait lâchée prise, abandonnée la partie sans explication dans son univers. Pas la première, pas la dernière non plus. Tu avais mis de côté le fait que derrière toi ne reposait pas toutes les raisons pour lesquelles Wyatt hésitait encore si fort avec toi, avec Gabriel aussi. Pourquoi il ne s’autorisait pas pleinement à vivre cette vie de famille qui était pourtant juste là, à porté de sa main. Vie de famille que tu n’avais jamais eu l’intention de lui arracher dès l’instant où vous aviez pris la décision de donner la chance à cette petite vie au fond de ton ventre d’être, devenant aujourd’hui ce garçon de six mois au caractère de feu mais à l’affection grandissante. Et ça te prendra quelques secondes encore, quelques minutes même avant que les réalisations ne se fassent, avant que l’ensemble de la situation n’apparaisse enfin sous tes yeux.
Il n’y a que tes mots qui remplissent le silence, tes vérités et tes sentiments qui s’étalent juste là à ses pieds, sans aucune retenue sans que jamais tu ne saches si c’est la bonne chose à faire, la bonne chose à dire. Tu es incapable toutefois de les retenir, ces trois mots conservés depuis trop longtemps, ces trois mots interdits qui pourtant n’ont jamais cessé d’être vrai. Même quand tu le détestais, il y avait cette part de toi qui ne savait pas se détacher de lui, ce morceau de ta personne qui lui serait toujours dédié. Le pire autrefois, le meilleur aujourd’hui, tu en étais persuadée. Mais tu savais aussi que tu ne pouvais tout donner sans même savoir s’il avait envie de prendre. S’il se sentait capable d’offrir en retour. C’est paralysant, cette attente qui persiste alors que son regard fui et que le silence se voudrait presque plus évocateur que le moindre mot échangé. Il y a ton cœur juste là, entre ses mains, et tu crains que ce soit trop, autant que tu crains que ce ne soit plus assez, et tu ne sais plus quelle suite tu attends, ni même ce que tu espères, si ce n’est que le silence cesse enfin, de quelconque manière que ce soit. « Qui a dit que c’est de toi dont je doutais le plus? » C’était l’évidence, cette chose que tu n’avais jamais cherché à questionner quand pourtant, tous les signes étaient là devant toi pour te faire comprendre que ce qui était en train de se passer était bien plus grand qu’une jalousie ressentie face aux appels incessants de ton ex-fiancé. Qu’il fallait seulement creuser un peu la surface pour réaliser que l’origine du problème était bien plus profonde, de vérités qu’il se refusait de t’avouer à voix haute. « Ils ont tous finis par partir. » Tu n’as pas besoin d’une liste quelconque pour savoir exactement de qui il parle. De son père, de sa sœur, de son frère, cette famille en carton qui n’en avait aujourd’hui que le nom. Fuir pour ne pas faire face à quoique ce soit, ça avait toujours été le mantra chez les Parker après tout. Wyatt n’avait pas non plus fait exception à la règle, quand il s’était poussé des années durant à Londres après que tu aies piétiné son cœur sans aucune retenue. Mais la différence entre lui et les autres, c’est qu’il avait toujours pris la décision de revenir. De s’accrocher à ceux qui comptaient vraiment, d’être d’une loyauté sans faille, même avec ceux qui avaient fini par en abuser cruellement. « Alors pourquoi pas toi? » Parce que tu n’arrêtes pas de lui répéter et de lui prouver incessamment que ce n’est pas ce que tu veux. Pas depuis le moment où tu as vu cette deuxième ligne apparaître sur ce fichu test de grossesse, il y a presqu’un an de ça aujourd’hui. Parce qu’avec chaque revirement de situation entre vous depuis, tu sais que tu peux compter sur lui. Qu’elle est sans faille justement, sa loyauté, sa présence, à des milliers de kilomètres de ce qu’il a pourtant appris depuis son plus jeune âge. Que malgré le fait qu’il puisse croire qu’il te donne constamment des dizaines de raisons de partir, tu peux en trouver des centaines qui te donnent envie de rester. « Comment ça pourrait bien fonctionner? » À cette question-là, tu ne possèdes pas de réponse claire malheureusement. Pas de mots magiques pour le convaincre qu’il y a une façon de faire qui est sans faille et qui vous assure un succès garanti. Ça n’existe pas, même dans les relations qui semblent les plus équilibrées et les plus parfaites qui soit. Tu soupires légèrement, ta tête qui se secoue légèrement de gauche à droite sans que jamais le moindre mot ne franchisse la barrière de tes lèvres. Il y a tant de choses que tu voudrais dire, mais les mots restent coincés, encore un peu.
« Pourquoi tu resterais avec quelqu’un comme moi? » « Parce que je te connais. »
La réponse se veut automatique et sans équivoque. À cette question-là, tu n’as pas besoin de réfléchir tant la réponse t’apparaît comme une évidence. Tu n’es pas certaine qu’il t’ait entendu toutefois, trop pressé à tenter de fuir les lieux Wyatt, sans jamais chercher à disparaître complètement, quand le frigo devient sa distraction et que tu lui laisses encore quelques secondes pour assumer tout ce qu’il vient de dire, toutes ces choses qu’il garde pour lui depuis trop longtemps, ça, tu le connais assez pour le savoir. « Je te connais peut-être même mieux que tu te connais toi-même, beaucoup mieux que tu veux te l’admettre ou me l’admettre. » C’est qu’elle persiste, sa carapace du mec sarcastique, constamment au-dessus de tout, qui prends les choses à la légère quand tu le sais pourtant qu’il peut passer des nuits entières à tourner en rond, à se perdre dans ses pensées et dans ses questionnements, à remettre en doute la moindre de ses décisions, la moindre de ses actions, dévoré par une incertitude qu’il ne saurait assumé. « Je sais comment tu penses, comment t’agis. Je connais tes peurs et tes doutes, et même tout que tu penses que je remarque pas, je le sais. » Tu viens enfin te lever à ton tour du canapé, t’approches doucement de la cuisine, du frigo dans lequel il continue de se cacher. Tu t’arrêtes temporairement contre l’îlot de la cuisine, quelques mètres vous séparant encore, mais ta voix bien plus proche qu’elle ne l’était il y a une minute à peine. « On s’est fait les pires choses, on s’est dit les pires insultes, pendant des années on a fait ressortir le plus horrible de l’autre et regarde-nous. On est encore là. Même quand t’avais toutes les raisons du monde de pas revenir dans ma vie, t’as pas hésité à devenir le père de Gabriel, et une version mille fois meilleure que celle que ton père a pu être pour toi. » Vous vous étiez promis de ne pas devenir de pâles copies de vos parents, et même si c’était un combat de tous les jours autant pour lui que pour toi, c’était un combat que vous emportiez haut la main parce que chaque jour commençait auprès de Gabriel et se finissait avec lui, profondément endormi juste là, dans la pièce d’à côté. « Je connais tout de toi et il y a rien que tu puisses dire ou faire qui pourrait me faire fuir désormais. » Tu avais pris ta décision, il y a plusieurs mois de cela, tu lui avais assuré encore et encore que tu resterais aussi longtemps qu’il voudrait de ta présence dans les environs et sur cette promesse, tu savais que tu ne reviendrais pas. Que la seule raison qui pourrait te pousser à franchir le pas de cette porte, valise en main, c’est qu’il te l’aura demandé. « Alors à toi de me dire Wyatt, si ça peut fonctionner ou pas. »
À toi de me dire si tes peurs prendront toujours le dessus sur tout le reste ou s’il existe encore une vraie chance, pour nous deux.
Dernière édition par Rosalie Craine le Sam 11 Juin 2022 - 7:51, édité 1 fois |
| | | | (#)Sam 11 Juin 2022 - 7:18 | |
| À cet instant, je souhaiterais que le sol s’ouvre sous mes pieds pour mieux disparaître loin du regard bienveillant que Rosalie ne cesse de poser sur moi depuis le début de cette conversation. J’aimerais lui dire que rien de tout cela n’est nécessaire, que l’on devrait arrêter de chercher des raisons à des pourquoi qui ont toujours plus ou moins exister. Si auparavant, elle était la première à me suivre sur cette danse, désormais, il semblerait que le jeu de la sincérité se retourne sans cesse contre moi. Elle est devenue la plus honnête du duo, celle qui n’a plus envie de se cacher derrière des excuses ou des faux-semblants. Jamais elle n’hésite à dire les choses, même si parfois les mots lui manquent. Rosalie se donne à deux cent pour cent quand je cherche encore désespérément à la garder à une certaine distance, cherchant le moindre prétexte qui la poussera à abandonner. Ce serait tellement plus simple si elle partait maintenant, avant que les sentiments n’aient le temps de s’approfondir, de retrouver des habitudes d’antan. Pourquoi est-ce qu’elle resterait plus longtemps dans une relation qui ne fait guère plus de sens depuis bientôt dix ans ? « Parce que je te connais. » Mon corps se fige interloqué par la sincérité qui se dégage de son affirmation. C’est comme si elle n’en avait jamais douté, que cette simple information venait suffisamment égaliser la balance pour que cela en devienne son principal argument. « Je te connais peut-être même mieux que tu te connais toi-même, beaucoup mieux que tu veux te l’admettre ou me l’admettre. » Mon poing se serre contre ma hanche à mesure que ma mâchoire se verrouille, le regard plongé dans le contenu du frigo. Si je me retourne maintenant, je sais que tout va partir en vrille. Elle doit le savoir aussi quand je l’entends se lever avec tellement de précautions. « Je sais comment tu penses, comment t’agis. Je connais tes peurs et tes doutes, et même tout que tu penses que je remarque pas, je le sais. » Un ricanement empli de sarcasme m’échappe déjà à mesure qu’elle liste tout ce qu’elle suppose connaître. Il faut qu’elle s’en aille plutôt qu’à prétendre de pareilles conneries. Elle ne connaît que ce que je veux bien lui laisser entrevoir, guère plus. Ce n’est pas quelques confidences, des questions posées à la volée et qui n’attendaient pas de réelles réponses qui pourront lui donner le droit d’affirmer me connaître par cœur. Une part de moi sait qu’elle a parfaitement raison, mais c’est l’autre qui domine encore, cette partie qui ne veut plus rien lui donner. Mais Rosalie me connaît assez pour savoir sur quelle corde elle peut encore bien tirer pour garder la porte entrouverte, pour obtenir un aperçu de tout ce qui se trame dans la tempête. J’entends ses pieds nus foulés le parquet, je pourrais presque la voir qui s’approche en douceur, comme si elle tenait vraiment à venir s’agenouiller près de l’animal blessé. Mes narines se dilatent à mesure que la colère se réveille de ne pas vouloir accepter ce qui se présente pourtant comme une évidence. Depuis bien longtemps Rosalie à craquer le code.
« On s’est fait les pires choses, on s’est dit les pires insultes, pendant des années, on a fait ressortir le plus horrible de l’autre et regarde-nous. On est encore là. Même quand t’avais toutes les raisons du monde de pas revenir dans ma vie, t’as pas hésité à devenir le père de Gabriel, et une version mille fois meilleure que celle que ton père a pu être pour toi. » Mon instinct voudrait la contredire, just for the sake of it. Pour réveiller la bataille que l’on avait su mettre de côté depuis la naissance du bébé. C’est tout ce que l’on a toujours connu, les mots qui font mal pour ne pas se dire la vérité. Je pourrais lui dire que je ne suis là que pour Gabriel, qu’elle n’a jamais compter dans l’équation, mais le mensonge se lirait bien au travers de n’importe quelle barrière. Elle le sait, c’est ce qu’elle cherche à me dire depuis plusieurs minutes désormais. Et je la déteste pour cela, pour le fait qu’elle utilise tous les chemins de traverse pour ne simplement pas m’envoyer la stricte vérité en pleine figure, parce qu’elle sait que je m’en servirais contre elle, que je vais me braquer et qu’elle ne pourra plus rien n’obtenir de ma personne pendant des jours, voir des semaines. Elle sait et j’ai envie de hurler rien qu’à l’idée d’être aussi transparent à ses yeux. Je pourrais la reprendre sur mon père, c’est le chemin que je m’apprête à emprunter, mais l’alarme du frigo vient me sonner dans l’oreille pour mieux me rappeler que la cachette à assez durer. Je me redresse pour fermer la porte et me retrouve nez à nez avec tout ce que Rosalie est venue collectionner sur la porte du frigo. Une photo de la première échographie, celle qui avait passé une semaine dans ma poche. Un planning à moitié gribouillé de son écriture, contre une autre moitié de la mienne, une liste de course griffonner sur un vieux ticket de caisse et surtout quelques clichés qu’elle a pris soin de développer et qu’elle s’entête à exposer à l’aide de magnet ridicule. Au milieu de tous les clichés qui représentent notre fils, il y a cette stupide selfie que Rosalie à tant insister que l’on prenne il y a de cela quelques semaines. "On a pas de photo de famille Wyatt." C’est ce qu’elle m’a dit avant de rajouter son petit regard de chien battu pour m’obliger à venir me coller à ses côtés et sourire à l’écran. Le résultat est un peu flou, Gabriel est au milieu d’une grimace qui annonce la crise de larmes, Rosalie est la seule avec un sourire radieux et le regard fixé sur l’objectif puisque je suis trop occupé à l’observer. Ce cliché n’a rien de parfait, on en a même obtenu des biens mieux après, mais c’est le seul qu’elle a voulu imprimer pour l’afficher au milieu des autres trucs qui s’agglutinent sur ce frigo comme la preuve que l’on est une famille depuis six mois. Un point de plus qui vient se glisser dans le tableau des preuves qu’elle agite sous mon nez depuis le début de cette conversation.
« Je connais tout de toi et il y a rien que tu puisses dire ou faire qui pourrait me faire fuir désormais. » - « Tu veux vraiment parier ?! » Ce qui aurait pu être une blague déplacée, mais quelque peu taquine n’est en réalité qu’un ultime rempart aboyé de la pire façon qui soit. L’instinct a pris le dessus en un claquement de doigts, prêt à lui prouver que je suis encore capable du pire, que je saurais appuyer exactement là où cela fera le plus mal pour prouver mon point. Les mots m’échappent au moment où je me tourne pour enfin l’affronter. J’étais prêt à démarrer la bataille, mais tout mon corps se fige lorsque je réalise que Rosalie se tenait juste derrière moi et que toutes les couleurs se sont retirées de son visage. Je remarque sa lèvre qui tremble et le choc qui semble l’habité suite à ma question. Face à sa fragilité, je réalise que soudainement que tout cela n’était plus un jeu. « Pardon… Je… Je voulais pas… » Pas quoi ? Lui faire du mal ? Dire les choses ainsi ? Je ne sais plus vraiment. Je ne voulais pas la voir dans cet état, c’est certain, quand désormais tout ce que j’aimerais, c’est la prendre dans mes bras pour tempérer mes propos, pour lui assurer que ce n’était pas elle le problème. « Alors à toi de me dire Wyatt, si ça peut fonctionner ou pas. » Elle termine tout de même, déterminée à faire entendre son point de vue. Elle qui a pris le temps d’approcher en douceur, elle qui a su semer son avis sans jamais avoir recours à la moindre agressivité. Contrairement à moi. J’oublie tout ce que je comptais dire pour la défier, la colère se dissipe pour laisser place à un mélange d’émotions auxquelles je ne suis pas habitué. Il n’y a que le regard de Rosalie qui est capable de me calmer ainsi quand il y a quelques secondes encore, un claquement de doigts aurais suffi pour que je vienne incendier tout ce que l’on cherche à établir depuis ces derniers mois. L’envie de la rassurer se bat contre le désir de ne plus jamais mentir. « Je crois que je suis perdu, Rosalie. » Et encore, le mot paraît faible. Perdu entre le désir de me laisser aller à ses côtés et ces vieilles habitudes qui me hurlent d’une seule et même voix que rien de tout cela ne pourra durer. Chaque baiser qu’elle s’accorde à me donner, je me demande s’il sera le dernier. Chaque moment où Gabriel semble me vouloir moi plutôt que n’importe qui d’autre, je me dis que ce n'est que passager, qu’il finira par réaliser que son père n’est qu’un raté. Je me suis toujours donné pour ma famille. J’ai aidé maman à élever Ariane du haut de mes dix ans, sans jamais me plaindre de devoir passer mes week-ends avec ma petite sœur plutôt que mes amis, sans jamais râler de devoir aller travailler pour que l’on puisse manger tout le mois et de cela je n’en ai tiré que les reproches d’avoir donné mes mauvaises habitudes aux plus jeunes. Je suis allé en prison pour ma sœur, pour la protéger et de ça, elle a préféré se barrer quand j’avais le plus besoin d’elle, bien des années après. J’ai magouillé pendant des jours pour que mon frère ne perde jamais son job et tout ce que j’ai obtenu en retour, c’est son mépris. À chaque jour qui passe depuis qu’elle est venue vivre chez nous, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour protéger Léo, pour l’aider à grandir et aujourd’hui je ne récolte que des reproches de sa part. Toujours. J’ai donné sans que jamais on se demande ce que Wyatt pouvais ressentir, sans jamais que l’un d’entre eux ne cherche à comprendre ce qui peut bien se cacher derrière le sarcasme et les expressions toutes trouvées. Je me suis perdu à vouloir le meilleur pour eux sans jamais rien obtenir en retour. « Je sais plus si j’ai la force de donner autant. » Je lui avais donné tout mon amour à Rosalie, c’était maladroit, mais c’était vrai et intense et elle s’en était servie contre moi. Quelque part dans mon inconscient, elle est restée la garce qui m’avait brisé le cœur. Et je ne sais pas si je suis prêt à replonger autant. Quant à Gabriel… L’idée même qu’il me tourne le dos un jour nourri chacune de mes insomnies. Alors vraiment. « Je sais plus… »
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| | | | (#)Sam 11 Juin 2022 - 8:19 | |
| « Tu veux vraiment parier?! »
La remarque en tant que telle n’aurait pas dû te surprendre. Tu savais que tu empruntais un chemin délicat, en admettant sans le moindre détour que tu savais le connaître parfaitement. Tu savais parfaitement à quel point cela pouvait être confrontant, d’entendre quelqu’un osé annoncer si aisément une telle chose, et pourtant, ce n’était plus qu’une évidence à tes yeux. Tu connaissais les faiblesses, les mécanismes de défense, les forces et les recoins de douceur qu’il n’osait jamais partager avec qui que ce soit d’autre. Tu avais tout vu. Le pire, le meilleur, toutes les zones de gris entre les deux. Et pourtant, alors que sa voix s’élève avec agressivité et violence entre vous deux, que son corps fait un 180 brusquement, toute sa colère se déversant à quelques centimètres à peine de ton visage, tu as peur. Une peur que tu ne contrôles pas et que tu ne sais pas camoufler non plus, alors que la question se veut être une menace non-déguisée. Un défi que tu n’as pas envie qu’il relève, mais qu’il se sentirait presque obligé de mettre à terme ne serait-ce que pour te prouver que tu as tort. Et si c’était le cas? Si tu avais réellement tort? Si tu ne le connaissais pas aussi bien que tu le clamais? Et s’il ne restait de lui que les morceaux brisés, ceux qui font mal, ceux qui blessent constamment, simplement parce qu’il peut, parce qu’il n’a pas besoin de faire mieux. Non. Non, tu sais qu’il y a bien plus derrière. Tu le vois tous les jours depuis des mois. Dans la manière qu’il agit avec Gabriel. Dans la façon qu’il a eu de s’assurer que tu remontais tranquillement la pente, quand tu pensais sincèrement que la noirceur finirait par t’aspirer entièrement. Tu sais ce qui se trame derrière son regard mauvais, surtout quand celui-ci se transforme dès l’instant où il remarque ta lèvre qui tremble malgré toi, tes yeux qui sont soudainement humides et le pas vers l’arrière que tu n’as su retenir, comme un besoin soudain de mettre un peu d’espace entre vous alors que tout ce que tu voulais, c’est t’approcher, t’accrocher aussi fort que possible. « Pardon… Je… Je voulais pas. » Tu secoues la tête rapidement, t’efforces d’effacer les sillons de larmes dans le fond de tes yeux. « Je sais, je sais… Ça va, c’est pas grave. » C’est pas grave, Rosalie? Tu es certaine de ça? Tout ce que tu pensais savoir, tout ce à quoi tu t’accrochais depuis le début de cette tempête semble s’effriter entre tes doigts, rendant la moindre prise difficile et complètement inutile. Tu n’aimes pas ce qui se passe, tu aimes encore moins la tournure que ça semble prendre au fur des minutes qui filent. Il semble terriblement lointain, le conflit d’origine, celui qui a forcé les vrais problèmes, les véritables blessures à faire leur entrée, à s’étendre entre vous sans la moindre possibilité de se cacher, ni de faire semblant plus longuement.
« Je crois que je suis perdu, Rosalie. » Tu hoches doucement la tête, compréhensive. Tu n’oses pas encore briser la distance nouvellement imposée entre vous, mais ton regard ne quitte jamais le sien alors que tu tentes encore et toujours de déchiffrer tout ce qui se passe dans sa tête, dans quelle direction est-ce que ses pensées peuvent bien le mener. Ou le martyriser plutôt tant il semble mal, tant il semble avoir du mal à tenir sur ses jambes. « Je sais plus si j’ai la force donner autant. » Tu pinces les lèvres avec force alors que tu enregistres les mots un à un dans ton esprit. Tu en comprends toute la signification, sans pourtant avoir la moindre idée de ce que cela veut réellement dire, en pratique. Il n’a plus rien à donner pour Gabriel, pour toi? Tout ce que vous vivez depuis six mois, tout ce que vous vous efforcez d’être, est-ce plus d’efforts qu’il n’est en mesure d’en faire? Si une voix mesquine dans le fond de ton esprit s’efforce de te faire croire qu’il pense tout simplement que vous n’en valez pas la peine, Gabriel et toi, tu sais que c’est plus compliqué que ça. Que son hésitation vient d’une place de peur. Peur de tout perdre, une fois encore, qu’importe à quel point tu t’efforces de t’exclamer avec force devant lui que tu ne veux rien d’autre que tout ce qu’il est prêt à t’offrir. Tu ne sais plus quoi lui dire, tu ne sais plus ce que tu es censée faire pour apaiser ses maux, tout en restant complètement honnête et transparente avec lui. Tu ne sais plus quelle est la manière de procéder quand des années durant, tu as tout fait de travers. Quand des années durant, tu n’étais rien d’autre qu’une cause supplémentaire à sa douleur. « Je sais plus… » « Je pensais vraiment que ça allait bien, avant ce soir. » Que l’équilibre était acquis, qu’importe s’il était bancal. Que vous vous étiez rapprochés dans les dernières semaines, que vous étiez un peu plus sur la même longueur d’ondes à chaque jour. Peut-être était véritablement le cas, à un certain degré. Mais il y avait encore trop de retenu entre vous. Trop de blessures non-cicatrisées. Trop de problèmes qui demeuraient sans solution. « Mais c’était pas vraiment le cas, pas vrai? » que tu soupires, te sentant plus que jamais vaincue face à tout ça. Et si jouer à la famille parfaite tous les trois n’était pas la réponse, où pouvait-elle se cacher, cette foutue réponse? Quelle forme est-ce que cela était censée prendre, entre vous? Tu ne regrettais rien de ce que tu avais dit ce soir. Tu pensais chacun des mots prononcés, jusqu’à ce je t’aime garocher sans même prendre le temps d’y réfléchir à deux fois. Mais est-ce que cela pouvait être assez? De ça, tu doutais de plus en plus. « Je suis juste là. Je bouge pas. Mais je peux pas… J’peux pas te forcer à venir à moi. » Pas si le cœur n’y est pas. Pas s’il ne s’en sent pas capable. « Alors si tu veux que je parte, si tu as besoin d’espace… » C’est bien la dernière chose que tu voulais, mais tu te devais de lui donner l’option. C’était son appartement à lui, qu’importe si tu y avais élu domicile depuis des mois. Qu’importe si dans ton loft, tu n’avais même pas une couchette d’installer, ou de chaise-haute, ni de chaise berçante. Qu’importe si tu n’avais pas la moindre idée de ce que vous étiez censés faire pour Gabriel maintenant. Qu’importe vraiment, quand absolument plus rien ne semblait faire de sens et que tu trouvais là devant lui, cœur à la main, craignant qu’il ne le piétine d’une seconde à l’autre. |
| | | | (#)Sam 11 Juin 2022 - 17:46 | |
| Je déteste voir la peur qui se dessine sur son visage. Son mouvement de recul s’en vient planter des aiguilles dans ma poitrine telle la triste réalisation de tout ce que je lui inspire. Suis-je devenu un homme colérique à ses yeux ? Celui qui ne sait jamais régler un conflit autrement qu’en haussant la voix, celui qui fera tout pour détruire tout ce qu’il lui est cher dans le seul et unique but de prétendre à se protéger du pire. Ce soir, je lui offre la pire version de moi-même, un Wyatt bouffé par ses peurs et qui se refuse d’admettre que toutes ses fondations reposent sur des fragilités jamais adressées. « Je sais, je sais… Ça va, c’est pas grave. » Non, ça ne va pas. Je refuse qu’elle ait soudainement peur de moi, je refuse de devenir cet homme-là, qui règne par la terreur. J’aimerais m’avancer, la prendre dans mes bras, lui assurer que je ne lui ferais jamais de mal, mais il reste ce doute dans son regard qui me cloue sur place. Dans un geste d’une lenteur extrême, je lève tout de même lentement la main vers son visage. Sans geste brusque, sans jamais changer ma position, je peux tout juste atteindre sa joue du bout des doigts, juste assez pour venir chasser une larme. « Pardon. » L’excuse porte plus loin que le simple fait d’avoir haussé la voix.
« Je pensais vraiment que ça allait bien, avant ce soir. » Je l’entends la déception qui se cache dans sa voix. Elle attend sûrement mieux qu’une maigre explication qui consiste à lui faire comprendre que je n’ai jamais été aussi perdu. Elle mérite tellement mieux quand je suis incapable de véritablement formuler ce que j’aimerais lui dire et que tout se perds dans des phrases qui n’ont peu de sens. Voilà qu’elle doute de tout ce que l’on avait su construire depuis la naissance de notre fils et cela fait naître une sensation désagréable dans le creux de mon estomac. « Mais c’était pas vraiment le cas, pas vrai? » Une fois encore, j’aimerais me rapprocher, pour fermer cette distance qui semble se creuser entre nous, mais je reste cloué sur place à ouvrir et fermer la bouche pour tenter de trouver la formulation qui lui fera le moins de mal. Je n’ai plus vraiment envie de la blessée, je ne veux plus voir ce nuage triste dans le fond de ses yeux. À mesure que ses lèvres semblent continuer de trembler sous l’émotion, je prends conscience qu’il est grand temps que je sois réellement sincère avec elle. Qu’importe si cela véhicule l’image d’un homme faible. « Tout allait bien. » Tout allait peut-être trop bien même. Jusqu’à ce que mon esprit me joue des tours et que les blessures du passé reviennent me sauter à la gorge pour mieux me déstabiliser. « Jusqu’à ce que je réalise que… » Elle a su les dires les trois mots interdits, sans même flancher, avec aucune hésitation et je continue à hésiter, incapable de me lancer dans le vide. Pas complètement en tout cas, pas encore. « Je… » Un soupir m’échappe, une main frustrée vient balayer mon visage pour gagner une seconde, pour trouver la meilleure façon de véhiculer cette idée en ne pointant qu’un seul coupable : ma personne. « Pour la première fois depuis des années, je vais bien. » C’est un pas en avant, un pied au-dessus du précipice. Un aveu que je n’avais encore jamais formulé, mais qui apparaît telle une délivrance. « J’ai pas besoin de médicaments pour dormir. » Et cela n’a strictement rien à voir avec la fatigue liée à la présence nouvelle de Gabriel dans nos vies. « Je bois bien moins qu’avant et même si tu ne dois pas réellement t’en rendre compte, je fume beaucoup moins. » Des petits riens qui forment un changement malgré tout. « J’arrive à écrire, Rosalie. » À réellement écrire, quelque chose de bien, des phrases et des paragraphes qui me plaisent, qui donne justice à cette histoire que je rêve de publier. « Et j’ai plus vraiment envie de tuer la terre entière même si je n’aime toujours pas les gens. » Je tente un brin d’humour conscient de l’ambiance lourde qui ne cesse de flotter autour de nous. Du bout des doigts, je viens gratter ma nuque tandis que Rosalie ne cesse de me fixer, probablement plus perdue encore. « J’ai réalisé que mon bien-être était beaucoup trop dépendant de vous. » D’elle et de notre fils. Je vais bien parce qu’ils sont là. Je vais mieux quand je sais que Rosalie sera là lorsque la nuit sera tombée, j’ai le cœur un peu plus léger à chaque fois que Gabriel réclame à être dans mes bras avec son petit sourire de coquin. « Je suis pas en capacité de t’expliquer le pourquoi du comment. » Pourquoi mon esprit à décider de se retourner contre moi, pourquoi en un claquement de doigts ce qui allait si bien à commencer à réellement me faire peur au point de faire revenir les insomnies et l’envoyer de me noyer dans le whisky et le tabac. « Y’a une voix là. » Je tapote ma tempe du bout de mon index. « Qui n’arrête pas d’hurler que tu finiras par te lasser et partir, puis que Gabriel me tournera le dos un jour lui aussi. » Elle est tout le temps là, depuis des jours, et elle ne se tait jamais. Au point de me pousser à tout vouloir saboter plutôt que d’attendre le jour fatidique où je finirais par me retrouver seul comme un con.
« Je suis juste là. Je bouge pas. Mais je peux pas… J’peux pas te forcer à venir à moi. » Elle devient presque tangible cette barrière qui ne cesse de nous séparer. Un pas en avant pour dix en arrière. On l’a bien trop mené cette danse et je crois que je suis fatigué de cette bataille que je livre seul avec mes démons. Elle n’a plus rien de la coupable Rosalie, mais juste la victime dans un bordel qui ne doit plus vraiment avoir de sens pour elle. « Alors si tu veux que je parte, si tu as besoin d’espace… » - « NON ! » Arrête de crier Wyatt. Un instant, je retiens mon souffle, conscient d’avoir haussé la voix une seconde fois, mais ce n’était qu’un cri du cœur. Si je ne suis sûr de rien depuis des jours, je sais qu’elle ne doit pas partir. Si Rosalie passe cette porte avec une valise, je sais parfaitement que plus rien ne pourra stopper mon autodestruction. Je ne serais plus capable de pardonner ou de voir les choses clairement, même si elle décide de faire cela pour mon bien. « Je veux pas que tu t’en ailles. » Reste, s’il te plaît. Mon regard se perd sur son visage soudainement marqué par la fatigue et les doutes. Rosalie souhaite se battre, elle compte bien ne pas bouger, mais il serait temps que je sois en capacité de faire un pas vers elle. Il serait temps de secouer les vieux démons pour accepter que pour une fois, la fin pourrait être un peu différente. Un pas hésitant après l’autre, je me rapproche de la brune, venant poser ma paume contre sa joue. Pardonne-moi de ne pas être à la hauteur, Rosalie. Nos regards se croisent sans que les mots ne soient réellement nécessaires. Il a toujours été plus facile pour moi de communiquer avec les gestes dès qu’il s’agit de Rosie. Mon pouce qui caresse sa peau et mon regard qui cherche le sien pour y déverser un million d’excuses. « Peut-être que c’est moi qui devrais partir un peu. » Je sens son corps se tendre sous mon toucher. « Juste quelques jours. » que je précise. Juste un temps, pour souffler, pour me forcer à faire face à mes démons. Peut-être pour trouver le courage d’envoyer chier ma famille, une bonne fois pour toutes. |
| | | | (#)Dim 12 Juin 2022 - 3:43 | |
| Combien de temps encore est-ce que les choses auraient pu continuer comme elles le faisaient, si ce n’avait pas été du rappel de Lachlan dans vos existences? Combien de jours, de semaines, de mois auraient-ils pu s’écouler avant que les doutes et les peurs de Wyatt ne le rattrapent de la sorte, poussant à une conversation qui avait été longuement repoussé? Combien de temps est-ce que tu aurais pu continuer à te fermer les yeux sur ce qui le bouffait de l’intérieur, simplement pour te concentrer sur ce qui allait comme tu le voulais? Si les questions se bousculent dans ton esprit, elles sont toutes plus inutiles les unes que les autres puisque tout a changé, ce soir. Il y a quelque chose qui a éclaté, une bulle de vérité qui s’impose dans vos visions de la plus brutale des façons et si Wyatt est complètement perdu, tu perds à ton tour l’équilibre peu à peu. Tu es certaine de toi, de ce que tu veux, de ce que tu ressens. Tu peux le dire, le répéter, tu en serais presque à l’aise avec le processus désormais, celui qui t’a pourtant pris des mois, des années de travail avant que tu ne puisses venir à terme avec tous ces sentiments que tu avais longtemps enfoui, pour faire tomber les barrières de ces apparences parfaites et finalement laisser place à une Rosalie vulnérable oui, mais authentique. Mais chaque secousse de la tempête de Wyatt vient planter des doutes dans ton esprit. Des doutes que tu croyais avoir vaincu. La peur soudainement que ta seule et unique conviction ne puisse pas suffire à vous offrir la moindre rédemption, la chance de finalement faire mieux. Tu te détestes d’avoir reculer ainsi, d’avoir laisser la peur s’afficher sur tes traits, autant que tu t’en veux et que tu lui en veux un peu aussi pour cette larme qui coule sur ta joue, celle qu’il vient essuyer du bout des doigts sans trop oser s’approcher, dans un geste qui fait autant de bien que de mal. « Pardon. » Tu sais qu’il l’est vraiment. Tu ne veux pas lui en tenir rigueur, tu ne veux pas laisser le coup de l’émotion d’un seul et unique moment venir tout mettre en jeu, et pourtant, les vieilles habitudes ont la vie dure pour toi aussi, quand il suffit d’une seconde pour venir implanter un doute dans ton esprit que tu ne saurais chasser aussi facilement que tu le voudrais.
« Tout allait bien. » Alors tu n’avais pas complètement halluciné. Tu ne les avais pas inventés, les moments. Les rapprochements, les morceaux de sérénité qui s’étaient placés dans votre quotidien sans que rien ne soit forcer entre vous pour une fois. Alors qu’est-ce qui avait changé? Qu’est-ce qui avait pu produire dernièrement pour que tout soit remis à mal de cette façon, pour qu’il se balance d’un extrême à l’autre de la sorte, rendant le tout difficile à suivre? « Jusqu’à ce que je réalise que… Je… » Tu attends, pendue à ses lèvres sans jamais avoir la certitude des mots qui pourraient désormais franchir ses lèvres, les doutes ayant créer une confusion telle dans ton esprit que l’évidence même ne semblait plus à porter de main. « Pour la première fois depuis des années, je vais bien. » Et si ce n’était pas une réponse à laquelle tu t’attendais, tu es soulagée. Soulagée de l’entendre te confirmer ce que tu savais pourtant avoir vu dans les derniers mois. Des mois qu’il ne s’était pas mis dans un pétrin quelconque, simplement pour se défouler contre l’univers en entier. Des mois que tu avais l’impression de redécouvrir un Wyatt bien plus semblable à celui dont tu étais tombée amoureuse, toutes ces années passées, loin des travers qui avait trop longtemps dicté votre relation de la pire des façons. « J’ai pas besoin de médicaments pour dormir. Je bois bien moins qu’avant et même si tu ne dois pas t’en rendre compte, je fume beaucoup moins. » Tu retiens le commentaire cette fois, mais tu as remarqué oui, qu’il sortait bien moins souvent sur le patio, que ses paquets semblaient prendre plus de temps avant de se vider. Et si tu aurais largement préféré qu’il ne fume plus du tout, tu ne pouvais qu’admirer la manière dont il se faisait un point d’honneur de ne jamais fumer avec votre fils dans les environs. « J’arrive à écrire, Rosalie. » Tu hoches la tête. Oui, avec passion, avec entrain, comme avant. Avant que tu ne lui voles tout ça. Et évidemment qu’elle sera éternellement liée à toi sa peur, évidemment qu’il persiste avec ses insécurités, peu importe ce que tu peux lui dire ou lui promettre. « Et j’ai plus vraiment envie de tuer la terre entière même si je n’aime toujours pas les gens. » Le commentaire se veut léger, pour contrer avec la lourdeur du moment. Tu le remarques, le sourire au coin de ses lèvres, celui qui te forces à échapper un léger rire, empli de nervosité toutefois, toujours incertaine de comprendre ce qu’il tente de te faire savoir avec tout ça. « J’ai réalisé que mon bien-être était beaucoup trop dépendant de vous. » « Tu mérites de prendre ta part du crédit aussi, Wyatt. » Parce que tu savais à quel point tous ces changements qu’il venait de t’énumérer, ils ne se faisaient pas en un simple claquement de doigt. Et que s’il voyait le tout comme des choses faites pour Gabriel et toi, ou des choses causées par vous, il en oubliait l’essentiel : que c’étaient ses efforts, sa persévérance même dans les tempêtes qui l’avaient mené exactement là où il est aujourd’hui. « Je suis pas en capacité de t’expliquer le pourquoi du comment. Y’a une voix là. » Il pointe contre son crâne et tu suis le mouvement avec attention, le cœur à la fois lourd et léger d’avoir cet accès direct à ce qui se passe dans sa tête, sans les barrières qu’il s’efforce de maintenir contre toi normalement. C’est étrange, de se parler sans les cris, de ne pas se laisser guider par les pires instincts, mais c’est aussi terriblement difficile, cette impression constante de ne pas avancer, de tourner en rond alors que tu ne voudrais qu’une chose : qu’il fasse un pas vers toi. « Qui n’arrête pas de d’hurler que tu finiras par te lasser et partir, puis que Gabriel me tournera le dos un jour lui aussi. » Tu secoues la tête. Il craint la répétition d’un pattern qu’il n’a pas choisi, et plutôt que de briser le cycle, il s’imagine déjà tout saboter pour se donner raison. « Ne le laisse pas prendre toute la place. Elle a tort. » Tu le supplierais presque, de s’accrocher à ta voix plutôt qu’à celle qui parle trop fort dans son esprit, qui prend beaucoup trop de place. De te donner une nouvelle chance, une dernière chance. De voir comment ça peut faire du bien, de se libérer enfin de tout ce qui vous a toujours tirer vers l’arrière.
Il tangue et tu tangues avec lui. Un pas vers l’avant, trois vers l’arrière, tu cherches encore où s’est censé vous mener tout ça, ce qu’il veut réellement en tirer. Tu le veux avec toi, avec vous, tu sais que ta vie fait beaucoup plus de sens lorsqu’il en fait partie, mais il y a cette petite voix qui te harcèle depuis le début de la soirée, celle qui suggère constamment que ce n’est peut-être pas la même chose pour lui, même s’il vient de dire le contraire, même s’il vient d’étaler concrètement ce qui aurait dû te rassurer pleinement, mais ce qui ne faisait qu’alourdir toutes tes insécurités. Si tout pouvait éclater si facilement quand ça va bien, qu’allait-il se passer quand les choses se compliqueraient? Tu ne veux pas penser à ça, tu ne veux pas penser comme ça. Tu ne veux pas lui donner le choix, l’option de te demander de partir et pourtant, ça te semblerait injuste de ne pas le faire. « NON! » Tu fermes les yeux avec force devant l’éclat de voix de Wyatt, pourtant terriblement soulagée d’entendre sa réponse. Il est sûr de ça, au moins, et tu voudrais que ça suffise à alléger ton cœur, mais ça n’efface pas tout le reste, ça ne semble plus suffisant pour continuer avec la certitude que vous allez tous les deux dans la même direction, que vous voulez véritablement les mêmes choses. « Je veux pas que tu t’en ailles. » « Je veux pas partir non plus. » Tu répètes, tu insistes. C’est ici qu’est ta place. C’est ici que tu veux être, avec lui, avec votre fils. À construire cette famille dont la simple idée t’avait complètement échappé il y a une décennie de ça, mais qui était plus réelle que jamais. Il s’approche finalement de toi, lentement, furtivement et s’il y a ton cœur qui te crie de le rencontrer à mi-chemin, tu restes complètement immobile, comme si tu devais à nouveau te protéger, toi aussi. Sa main se glisse contre ta joue et le moment te procure un million de frissons en simultanée, tes yeux se ferment à nouveau alors que tu veux simplement imprimer cette sensation à tout jamais dans ton esprit, de peur que ce soit la dernière fois peut-être. La caresse de son pouce contre ta joue te force à rouvrir les yeux à nouveau, ton regard qui se perd dans le sien, sans oser y lire ce qu’il ne saurait retenir plus longuement. « Peut-être que c’est moi qui devrais partir un peu. » Tu viens poser une main sur la sienne, alors que tu ne peux t’empêcher de secouer la tête de gauche à droite. « Juste quelques jours. » Tu sais que tu devrais le laisser faire. Lui donner le temps et l’espace dont il a besoin pour faire le ménage dans sa tête, confronter une bonne fois pour toute ces démons qui le tirent vers l’arrière. Tu le connais, tu l’as dit, tu sais que c’est ainsi qu’il gère avec ses émotions, surtout celles qu’il a toujours cherché à faire disparaître sans jamais devoir les analyser de quelconque façon qu’il soit. « Si tu penses que c’est la meilleure chose à faire… » Tu soupires doucement, refusant toujours de te défaire de ce contact contre ta joue, tes doigts pressants contre les siens. « Tu mérites d’être heureux, peu importe ce que ça prend pour que tu y arrives enfin. » Même si ça veut dire prendre du recul face à vous, à votre famille. Même si ça veut dire risquer tout ce que vous avez construit jusqu’à maintenant. « Mais Wyatt… » Ta voix se brise légèrement alors que tes yeux pleins d’eaux se lèvent vers lui une énième fois, une dernière fois. Si tu ne doutes pas un seul instant qu’il reviendra pour Gabriel, tu es plus que jamais effrayée de le voir t’échapper, une fois de trop. « Reviens, d’accord? »
Reviens-moi. |
| | | | | | | | there is a swelling storm and I'm caught up in the middle of it all (craker #25) |
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