| If you stay, I would even wait all night - Leslie |
| | (#)Ven 13 Mai 2022 - 6:57 | |
| J’ai écoulé le dernier mois à éviter tout le monde d’importance à Brisbane. J’ai eu des hauts et des bas avant mon départ. Certains fantômes du passé en sont la preuve vivante. En quelques semaines, j’ai croisé mon donateur que j’avais ghosté, j’ai croisé une date qui m’avait ghosté, des anciennes relations, des anciens collèges : tous des personnes que j’aurais préféré oublier. Selon moi, il n’était pas nécessaire de remuer la braise sous les cendres. J’aurais préféré laisser le feu étouffer, mais le destin en avait décidé autrement. Une seule personne était sur la liste de ceux que j’espérais rencontrer normalement. Il fallait admettre que je n’avais pas envie de faire toute une histoire de cette réunion. J’avais assumé qu’après ces quelques semaines passées dans le quartier, elle aurait eu vent de mon retour. J’attendais son appel avec appréhension. J’avais même réactivé mon ancien numéro de téléphone à cet effet. J’imaginais qu’il y aurait une invitation et qu’on allait faire comme de rien. Hélas, semblerait-il qu’elle n’avait pas pris part au commérage et qu’elle n’a aucune idée de mon retour ici. (Du moins, c’est ce que j’espère). Car, il y aurait cette possibilité, celle que je repousse dans le fond de mon esprit, puisqu’elle est bien trop dérangeante — il se pourrait qu’elle n’ait pas envie de me revoir. Car il fallait préciser que nous avions eu une sorte d’altercation avant mon départ. Leslie m’avait confronté en février 2019. Elle me disait de me méfier de mon donateur et de mes projets pour l’Amérique. Elle lançait que c’était risqué de tout quitter pour créer dans le Nouveau Monde. « Surtout vu tes tendances Dave. » Qu’elle disait. C’était une façon polie de me mettre en garde contre les high qui m’emportent quelques fois comme ça. Elle annonçait que je n’étais pas rationnelle. Ça m’avait insulté. Je l’avais envoyé paitre elle et sa frigidité. C’était sa confrontation de trop, je n’avais plus besoin d’elle. J’avais Samuel maintenant. Et lui, il croyait en moi. Que Les m’est accompagné depuis l’université ne voulait plus rien dire. J’avais vu clair en son jeu. Elle souhaitait me garder à son niveau, que je ne la quitte jamais. C’était pour ça qu’elle me transmettait des trucs aussi bidon. Au fond, elle craignait que je l’abandonne en découvrant ma vraie valeur. Du moins… C’est le discours que je me suis répété pendant les trois dernières années. Et j’étais très confortable en son absence. C’est véridique. Je m’étais fait des amis, j’avais un boulot, une vie. Je ne me rappelais plus la soirée de mes 19 ans en boites de nuit en entendant Lose yourself de Eminem. Lorsque je croquais dans une pomme trop surette, je n’avais plus le réflexe de la mettre en garde contre son gouter, sachant qu’elle allait plisser le nez. Alors que je voyais la bande-annonce pourrie d’un film avec un acteur démodé, je ne pensais plus à lui envoyer le Screenshot par Messenger. J’étais bien sans ma meilleure amie. Ça ne m’affectait plus du tout. Les choses ont changé en retrouvant Brisbane. Je me suis surpris à avoir besoin de l’appeler pour lui dire que la caissière désagréable du McDo travaillait maintenant au déli du centre-ville. J’avais envie de lui demander de l’aide pour acheter un pantalon propre pour une entrevue ou simplement l’écouter me raconter sa journée. Je luttais contre ça d’un côté. J’ai pourtant réactivé ma ligne de téléphone. Je me suis étonné à roder aux endroits qu’elle affectionnait jadis pour créer une rencontre fortuite. Le déclic s’est produit en passant devant le Toy’s R Us, un vendredi comme un autre : cette relation que j’avais délaissée il y a des années n’impliquait pas que moi. Il y avait aussi une gamine qui devait m’attendre, une enfant dont je suis le parrain et que j’avais complètement négligée dans l’équation. Elle m’appelle Tonton Dae, avec sa diction loufoque de bambin qui ne maitrise pas les consonnes. Je devais faire mon retour pour elle. C’était un devoir. Alors, j’avais dépensé le reste de ma marge de crédit en château de princesse et en costume de licorne. Puis, j’avais pris la direction de Bayside à bord de mon bolide branlant, celui que Link avait réussi à rescaper tant bien que mal. J’avais traversé les routes que je maîtrisais bien, sans GPS. Je connaissais bien la maison de mon amie, j’y circulais comme dans un moulin à une époque révolue. Puis, je m’étais stationné dans l’entrée, j’ai ramassé mes paquets et j’ai emprunté le dallage propre en suivant les gazouillis des enfants dans la cour. Il faisait bon aujourd’hui et les gosses courraient sur la pelouse. Je devine Leslie sur le patio, grâce à l’ombrage de ses jambes qui assombrit les parterres de fleurs. D’une main malhabile, je soulève le loquet de la grille et m’immisce dans la vie du fantôme de mon passé. Abby me repère la première. Elle laisse tomber sa pelle près d’un sot de plastique rouge et me pointe. Je me rappelais un bambin joufflu, mais à ma plus grande surprise, c’est une enfant approchant l’âge de la maternelle qui me dévisage. M’attendant à un accueil festif, je pose les paquets sur le sol et m’accroupis à son niveau. Ravi, j’ouvre les bras pour l’inviter à me faire un câlin. « Tonton Dae est de retour. » Or, contre toute attente, la petite hésite. Ses sourcils se froncent et ses épaules se raidissent. Sans plus de considération, elle prend la poudre d’escampette en direction du patio tout en criant mamannnnnnnn. Légèrement froissé, je lisse mes cheveux d’une main, récupère mes paquets et me redresse. Inédit. Elle m’avait pourtant toujours apprécié. Bébé, elle me gratifiait habituellement de babilles enjouées et de fous rires amusés. Que s’était-il passé ? Prenant sur moi, je suis son sillage et m’expose devant le balcon. « Hey Les… » Je pose ma main en visière au-dessus de mes yeux pour la regarder. « C’est moi, ta moitié ! » Un sourire gêné m’étire les lèvres, alors que je peine à soutenir mes paquets d’un bras. « I’m back bestie. » |
| | | | (#)Ven 20 Mai 2022 - 23:58 | |
| Abby est bien installé dans le carré de sable à chanter la même foutu chanson depuis une bonne heure. Sérieux, c'est à se coller une balle, mais elle est tranquille et elle ne te dérange pas. C'est à double tranchant. Lui dire d'arrêter, c'est perturber la quiétude dans laquelle elle se trouve. Ce qui est beaucoup trop rare pour ne pas en profiter. Les écouteurs restent la meilleure option pour ne pas virer cinglé. Tu es étendue sur un transat alors que le soleil est à son apogée. Tu seras sûrement rouge comme un homard à la fin de la journée, mais, ça, c'est un problème pour plus tard. Ce sont les petits pas de Abby qui te tirent de tes rêveries. À force de si peu dormir, tu t'endors n'importe où. Tu te redresses lorsque tu vois ses lèvres bouger sans entendre un seul son. Elle pointe quelque chose du doigt. Tu fronces un peu les sourcils en retirant un écouteur pour l'entendre. « Hm ? » De nouveau, elle insiste en pointant du doigt. Ton regard suit ce qu'elle pointe au même moment où une autre voix s'ajoute à l'équation. « Hey Les… » Euh, c'est une blague, c'est ça ? Ton esprit est plutôt confus ne sachant pas vraiment quoi penser de la présence de Dave chez toi. Le deuxième écouteur ne tarde pas à aller rejoindre le premier sur le transat alors que tu te redresses. C'est quoi tous ces paquets qu'il a dans les mains ? Il a dévalisé la boutique de jouets avant de venir ici. « C’est moi, ta moitié ! » C'était pas nécessaire de le préciser. Tu avais bien compris qui il était, mais ce n'est pas faux que ton air confus pouvait porter à confusion. Tu n'as jamais eu pour habitude d'être particulièrement rancunière. La vie est trop courte pour se laisser submerger par une telle émotion négative. Malgré votre dernière conversation, tu lui aurais facilement pardonné. Il est comme ça Dave, il se laisse contrôler par ses émotions. Tu as appris à vivre avec, à le gérer même depuis le temps. Tu sais en prendre et en laisser. « I’m back bestie. » Mais quand le silence dure près de trois ans, le retour est plus difficile à encaisser. T'aurais eu besoin de lui à de nombreuses reprises durant ses années, et il n'était pas là. « Depuis quand ? » que tu lui demandes, curieuse de savoir il avait passé combien de temps à craindre de te croiser à tous les coins de rue ou si, au contraire, il a cumulé les occasions pour tenter de te voir sans que la chance du hasard soit de son côté. And there he is, comme une fleur dans ta cour arrière avec son air déçu que tu lui sautes pas dans les bras. Oh Dave, tu ne changeras jamais. « Abby déteste les princesses. Tu saurais si tu aurais appelé au moins une fois. » que tu ajoutes, critiques, à la vue du contenu de ses sacs. Il croit quoi ? Que des cadeaux vont favoriser un pardon ? Ça aurait sûrement fonctionné pour l'enfant s'il aurait choisi un cadeau à son goût - goût qu'il ne connaît pas. Mais pour toi…. bon, il t'a rien amenée, sauf s'il a envie de te voir déguisée en licorne - chacun ses fantasmes. Mais, ouais, encore heureux qu'il n'ait rien ramené, parce que ça n'aurait pas fonctionné. « J'suis un peu occupé là. Tu veux quoi ? » C'est faux. Pour une fois dans ta vie, tu n'as rien au programme pour la journée. T'es toujours occupé. Le mensonge est facilement crédible. |
| | | | (#)Mar 21 Juin 2022 - 5:02 | |
| J’aimais penser que tu sentais que j’avais besoin de temps, sans me sentir lié à des attentes. Comme ça, quand j’allais revenir, éventuellement, nous allions nous poser pour regarder vers le futur. Ensemble. Côte à côte, selon nos formes différentes. « Depuis quand ? » Son ton est sans ambages. Il n’y a pas de chaleur dans les mots. J’ai l’impression de faire glisser un tiroir vide. Aucune résistance, aucun cadeau. Je m’humecte les lèvres, cherchant une phrase douce. Je veux lui rendre quelque chose qui a du sens. Rien ne me vient. « Un mois… peut-être. » Ça fait bien un mois. Je me sens stupide de l’admettre. Un sourire niais est figé sur mon visage. J’essaie de compenser sa froideur. J’ai l’impression que la chaleur quitte mon corps. Son regard me scrute. Je ne peux pas jouer au beau parleur. Je sais que ce sera sans effet. « Abby déteste les princesses. Tu saurais si tu aurais appelé au moins une fois. » Mes épaules faiblissent. Je toise mes paquets alors que le monde perd ses couleurs. Elle a le droit d’être en colère vis-à-vis de mon silence. Pourtant, une partie de moi me souffle que tout est sa faute. Elle n’a pas cru en moi. Elle n’a pas été mon alliée dans cette histoire. « Je croyais… Je ne voulais pas déranger. » Je croyais quoi exactement ? Rien du tout. J’avais arrêté de penser à elle avec le temps. Loin des yeux, loin du cœur. Du moins, c’est ce que j’ai souhaité me faire croire. Car il fallait l’admettre, quelquefois, au creux de la nuit, lorsque je recensais mes vieux péchés, je pensais à elle. « J’espérais qu’avec le temps… » Je me sens en droit d’être là. Après tout, c’était elle qui avait foiré. Moi, je n’avais fait que croire en mes rêves. Est-ce que tu y crois vraiment à ça ? me souffle une petite voix en moi. « Y’a toujours moyen d’aller au magasin pour échanger… » Je désigne les paquets en même temps de les poser sur le sol. « Ça me permettrait de savoir ce qu’elle aime. » Ma voix est de plus en plus enfantine. J’essaie de calmer le jeu. « J’suis un peu occupé là. Tu veux quoi ? » Je hoche la tête. Elle dit ça pour me faire déguerpir. Elle parlait souvent comme ça aux hommes qui l’accostaient, lorsqu’elle n’en avait pas envie. Je me sens froissé d’être relayé à ce rôle. Elle agit de la même manière qu’elle le ferait avec une nuisance. Me voit-elle ainsi ? « Occupée à prendre racine ? » Un sourire moqueur m’étire le coin des lippes. Je le sais déjà qu’elle va se rebiffer. Je dépasse les bornes, de la même manière que je l’ai toujours fait. Les vieilles habitudes ont la vie dure, comme ils disent. « Attend, steuplais. » Je me dandine d’un pied à l’autre. « Je n’imagine pas Brisbane sans toi Les’. » J’avance d’un pas. « Tu sais que quand je me sens comme si je n’avais personne à qui parler, l’écriture me rappelle que j’ai quelqu’un qui écoute. » Je lève les yeux vers elle. « Mais ça ne vaut rien comparé à toi. » Je ne sais pas quoi dire d’autre. Je ne trouve jamais les mots. |
| | | | (#)Mar 5 Juil 2022 - 18:21 | |
| « Un mois… peut-être. » Donc peut-être plus ? Ça lui a pris vraiment un mois pour trouver le courage de se pointer ici après tout ce temps ? Ou a-t-il simplement eu une bulle au cerveau ce matin ? Il s'est dit que ce serait bien de débarquer avec plein de cadeaux comme ça il aurait au moins le soutien de la gamine ? Ouais bah c'est pas elle qui décide si il est le bienvenue ou non. C'est une caisse de vin qu'il aurait dû amener plutôt. De toute façon, Abby déteste les princesses. Il n'a pas visé juste du tout. Tant pis pour lui. « Je croyais… Je ne voulais pas déranger. » Vraiment ? Et maintenant ? Ça ne lui pose plus problème de déranger comme il le dit ? Honnêtement ? Tu ne pensais jamais qu'il aurait eu le culot de revenir ici. Pas après avoir fait le mort pendant aussi longtemps. « J’espérais qu’avec le temps… » - « C'est justement ça le problème Dave, le temps. » Oh, tu n'as pas particulièrement l'habitude d'être rancunière. C'est sûrement pour ça qu'il a osé tenter sa chance Dave. Il s'est dit que l'eau avait coulé sous les ponts depuis. Sauf que parfois, le temps ne fait pas oublier. Parfois, la rancune ne fait qu'augmenter avec le temps. Quand on partage un lien aussi spécial que celui qui t'a déjà lié au brun, on ne peut pas abandonner une personne du jour au lendemain sans conséquence. « Y’a toujours moyen d’aller au magasin pour échanger… » Oh bon sang Dave. Tu te prends automatiquement la tête. Est-ce que tu dois vraiment gérer ça aujourd'hui ? « Ça me permettrait de savoir ce qu’elle aime. » - « Mais on en a rien à foutre de tes cadeaux!!! » Ta voix s'était élevée tout d'un coup, sans prévenir. Comment peut-il simplement croire que le pardon (ou l'amour) est à vendre ? Comment peut-il ne pas te connaître à ce point ? Il est peut-être temps qu'il arrête de faire l'autruche. Qu'il aille directement au but Dave, parce qu'il n'est plus le bienvenu ici. Les choses ne peuvent pas être plus claires qu'elles ne le sont en ce moment. « Occupée à prendre racine ? » Le moment n'est pas à la rigolade, mais, ouais, bien essayé. Il a plutôt réussi à te faire lever les yeux au ciel, prête à lui tourner dos pour mieux le chasser de ta demeure. Il devrait s'en aller. T'as besoin d'encaisser la nouvelle de son retour avant d'être véritablement en mesure de l'écouter sans péter les plombs. « Attend, steuplais. » Tu devrais pas attendre. Pourtant, t'es incapable de faire autrement que de te retourner de nouveau face à lui. « Je n’imagine pas Brisbane sans toi Les’. » Juste Brisbane ? Tu n'as jamais imaginé ta vie tout court sans lui. Il ne t'a pas laissé le choix. « Mais New York sans moi ça… pas de problème hen. » Bien sûr qu'une amitié à distance, ce n'est pas pareil. Mais tu sais déjà que vous n'auriez jamais perdu contact, que tu aurais pris le temps de le visiter à l'occasion, que tu lui aurais encore parlé tous les jours. Comme avant. « Tu sais que quand je me sens comme si je n’avais personne à qui parler, l’écriture me rappelle que j’ai quelqu’un qui écoute. Mais ça ne vaut rien comparé à toi. » Ta tête se tourne légèrement de droite à gauche. Non, ça ne peut pas être si facile. « Et tu crois que moi j'ai pas eu besoin de toi pendant toutes ses années ? » que tu lui demandes alors que tes yeux s'humidifient. Dave reste encore toujours aujourd'hui la seule personne avec qui tu arrives vraiment à être vulnérable. Avec les autres, tu te contentes de tout prendre à la légère. Comme si c'était jamais grave. |
| | | | (#)Jeu 28 Juil 2022 - 7:19 | |
| « C’est justement ça le problème Dave, le temps. » Je ne vois jamais ce moment-là quand je pense à l’avenir. Je vois des voyages sans destination, les fenêtres de l’auto grandes ouvertes, un numéro spécifique sur l’afficheur, des cabanes dans les arbres, des chicanes suivies de réconciliations, mon amie qui prend l’âge sans vieillir. Je vois tout ce qui est beau et sent bon et fait vibrer et fait bander. Je ne vois pas ça. C’est ça le problème avec la pensée magique. « Mais on en a rien à foutre de tes cadeaux !!! » Son ton grimpe en revêtant des inflexions de tempête. Elle tente de fermer le chapitre et de me balayer au loin. Il fallait s’y attendre. J’étais naïf de me pointer ici, comme ça, avec des paquets. Il aurait fallu que je prenne le temps de l’appeler, que je lui laisse l’opportunité de se recadrer. J’avais pourtant procédé tête baissée, parce que c’est ma signature depuis le temps. L’erreur ici, est que Leslie, elle ne m’avait jamais laissé agir à ma guise. Elle m’avait toujours tenu tête ou remis sur le droit chemin. Elle était mon encrage, c’est ce que je disais habituellement. J’avais tenté de changer les règles du jeu sans la consulter. C’était stupide de ma part, car le temps ne changeait pas les gens. Ensemble, notre essence reste la même. « Mais New York sans moi ça… pas de problème hen. » J’ai été égoïste. Ça, je suis capable de l’admettre. J’ai agi pour moi, sans prendre en considération ton besoin. Cependant, toi non plus tu n’avais pas pensé à moi. J’avais la tête pleine de rêve, j’étais prêt à changer les choses. « Leslie, tu m’as tourné le dos. » Je crispe la mâchoire en terminant la phrase et cabre les épaules pour calmer la tension qui m’habite. « Fallait que je crée, pis y’avait ce type qui pouvait m’offrir l’opportunité de le faire. » Elle connait l’histoire, je ne vais pas la répéter en entier. Une partie de moi soupçonne que ça nous ferait tourner en rond. J’étais en colère contre elle autre fois, elle est en colère contre moi aujourd’hui. Il y a probablement un moyen de se rejoindre. « Et tu crois que moi j’ai pas eu besoin de toi pendant toutes ses années ? » J’ouvre la bouche pour rouspéter, mais les mots me manquent. Non, Leslie, je ne m’étais pas arrêté à cette pensée. « Je… » Les phrases ne viennent pas à moi. Je soupire et relève les yeux vers elle. Je sais que pour elle, admettre pareille évidence, c’est difficile. Un rien pourrait briser la confiance pas totalement détruite. Je suis assez humble pour comprendre qu’elle m’offre un cadeau, même si la vérité me fait mal. « Je suis désolé. » Je ne la quitte pas du regard. « J’ai pas pensé à ça. » Quitte à passer pour un trou de cul, je devais l’admettre en retour. « Parfois, j’oublie que toi aussi tu as des problèmes. » Je lève une main pour balayer d’éventuelles protestations. « Parce que t’as l’air tellement plus forte que moi. » Le soleil me fait froncer les sourcils, mais je me force à garder la pose. « J’ai foiré. » Quand on en parle, les choses deviennent réelles et révèlent leur ridicule. Depuis des années, Leslie m’avait accompagné à travers les hauts et les bas de ma vie. Je lui ai rendu la pareille chaque fois que j’en avais l’occasion. Puis un jour, elle avait tenté de me raisonner, parce que j’avais la lubie de partir en Amérique pour écrire. Elle disait que je m’autosabotais de nouveau et que c’était un projet foireux. Je suis parti trois ans. Je me suis saboté et j’ai foiré. Aujourd’hui, je suis sur son gazon et je tourne autour du pot. « Est-ce que t’arriveras à me pardonner ? » |
| | | | (#)Dim 14 Aoû 2022 - 21:44 | |
| « Leslie, tu m’as tourné le dos. » Comment Dave arrive-t-il à trouver les mots exacts pour te faire tilter ? Tu aimerais pouvoir dire que c'est parce qu'il te connait trop bien, mais non, il est juste comme ça. Il ne fait même pas exprès d'être aussi insultant. Avant tu arrivais à lui pardonner tous ses mauvais plis, là maintenant, c'est bien plus difficile. « JE t'ai tourné le dos ? » que tu t'écris complètement outrée par ses paroles. Il est celui qui a agit comme un gamin qui ne peut accepter une remarque constructive. C'est ce que c'était. Il n'avait pas à faire une telle crise juste parce qu'il ne voulait pas le prendre. Il avait juste à l'ignorer et n'en faire qu'à sa tête. « Fallait que je crée, pis y’avait ce type qui pouvait m’offrir l’opportunité de le faire. » Tu lèves les yeux au ciel. Oh, tu savais bien que Dave partirait à cette époque là. Tu as quand même voulu l'en dissuader pour son propre bien, mais tu savais que ça ne changerait rien. Tu n'avais quand même pas deviné qu'il serait si vexé qu'il te couperait de sa vie, sans quoi tu te serais fermé la gueule. « Tu agis comme un enfant. » Tu aurais presque envie de dire que même Abby est plus adulte que lui, mais ce serait mentir. Au moins, lorsque tu lui fais comprendre qu'il t'a laissé affronter la vie seule, la phrase se rend bel et bien jusqu'à son cerveau. « Je… » Il bafouille alors qu'il assimile l'information. Surpris sans doute d'une telle révélation. Pourtant, il sait bien à quel point tu as un horrible karma. Toujours plus facile d'appréhender les mauvaises nouvelles en les tournant au ridicule avec un ami. « Je suis désolé. J’ai pas pensé à ça. » Évidemment qu'il n'y a pas pensé. Il s'arrête un peu trop souvent à sa petite personne. Il a été complètement égoïste sur ce coup là même s'il pense l'inverse. Tu n'as aucun reproche à te faire et tu ne t'en fais aucun non plus. « Parfois, j’oublie que toi aussi tu as des problèmes. » Sans doute que tu en as moins que lui. Sans doute que tu les tournes de manière à ce que ce ne soit pas des problèmes. On a tous nos moments difficiles. Et on a tous nos moyens de la confronter. « Parce que t’as l’air tellement plus forte que moi. » C'est bien essayé de placer un joli compliment à travers tout ça, mais il te connait assez bien pour savoir que c'est peine perdu. Ce dont tu as besoin, c'est de temps. « C'est plus facile d'être forte à deux. » Est-ce que tu dis que tu es faible sans lui ? Non, absolument. Tu as toujours été une femme bien indépendante, mais tout est toujours plus facile lorsqu'on est bien entourée. Surtout lorsqu'on a un lien aussi spécial que celui que tu partageais avec Dave. « J’ai foiré. » - « Nous voilà d'accord sur une chose. » Il a foiré, c'est un fait. Qu'il l'admettes à voix haute est plutôt jouissif même. Disons que c'est une bonne étape de franchie. « Est-ce que t’arriveras à me pardonner ? » Ce serait bien trop facile de lui dire que oui. Il ne mérite pas que ce soit facile. Il mérite plutôt d'en arracher. TU mérites qu'il insiste pour voir qu'il tient réellement à votre amitié, qu'il ne va pas te refaire le même sale coup. « Je ne sais pas. » Et c'est totalement honnête, parce que ça dépendra de ce qu'il fera pour y arriver. « Pas aujourd'hui. » que tu ajoutes au cas où l'envie d'insister lui prendrais. Pas aujourd'hui, ni même demain, mais peut-être un jour, oui, sans doute que tu finiras par lui pardonner. Tu n'as jamais vraiment été reconnue pour avoir la rancune tenace, bien au contraire. |
| | | | (#)Sam 27 Aoû 2022 - 20:28 | |
| Ma pauvre amie ! Je ne m’étais jamais arrêté à penser à ce qu’elle avait vécu. J’avais eu une vision en tunnel, de celles qui nous limitent à un seul point de vue. J’avais imaginé l’encre sur les pages de mon projet, j’avais rêvé de la célébrité, les félicitations, la gloire… mais on s’en fout des réussites quand on n’a personne avec qui les partager. Du moins, c’est la pensée qui me taraude, lorsque je songe à un monde où mon livre aurait été un franc succès. Parce que la vérité est que je me suis retrouvé seul devant rien. Il n’y avait plus personne qui m’attendait à Brisbane, plus personne pour me faire la fête alors que je passais la porte d’un jardin. Leslie, elle ne fait qu’enfoncer le clou. Elle ne se laisse pas impressionner par mes beaux mots. Elle ne l’avait jamais fait. Elle acquiesce à toutes mes lamentations. Elle ne minimise pas mes actions, ne me flatte pas dans le sens du poil pour me faire sentir mieux. La brune, elle est en droit de le faire, mais moi, ça me met en contraste. Mon sens personnel s’en voit secoué. Je me suis toujours donné une certaine importance et voilà que je me retrouve confronté. Lorsque je lui demande humblement si elle pourra me pardonner, elle me dit qu’elle ne sait pas. J’encaisse le coup. Ma vision se brouille sous l’effet de l’attention. Je pourrais partir de façon dramatique, laisser les paquets sur la pelouse et m’enfuir pour trouver refuge dans un endroit hors du temps. Je pourrais disparaitre de nouveau et prétendre que tout ceci n’avait jamais eu lieu. « Pas aujourd’hui. » Un frisson me parcourt l’échine. Je prends une grande inspiration. J’ai envie d’une cigarette, mais le protocole laisse sous-entendre que je ne fume que lorsque je suis en état de consommation. Je me maudis sur mon manque d’honnêteté. Après un silence, j’ose enfin croiser son regard. Un léger sourire m’étire les lippes. « Alors, je reviendrai. » La détermination se lit sur mon visage, je reviendrai. Coute que coute. |
| | | | | | | | If you stay, I would even wait all night - Leslie |
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