Toowong, janvier 2019 C’est un soir comme un autre qui se termine au Club. Derrière le comptoir, Stacey finit d’essuyer les quelques verres restants et les range précautionneusement. Le bar est désormais étonnamment calme, connotant avec l’ambiance d’il y a encore une demi-heure, où, chacun dans son coin, les conversations allaient bon train. Parce qu’elle reste particulière cette ambiance qui règne dans ce bar qui n’est pas un bar comme un autre. Chacun à ses secrets et ses états d’âme, et chaque conversation est privée. Au point que, bien souvent, notamment en début de soirée quand les esprits sont encore éclairés et non obscurcis par les effluves d’alcool, Stacey sent ce silence pesant qui s’installe à son approche. Et puis, les heures passent et il y a un peu moins de retenue, certains éclats de voix se font entendre plus que d’autre et certaines conversations jusque là discrètes, le sont moins. Au point que Stacey peut en apprendre davantage sur ces consommateurs réguliers sans que pour cela ne l’intéresse pour autant. Parce que, certes, Stacey travaille pour le bar clandestin des frères Strange, ce gang duquel ils sont à la tête depuis plusieurs années, pour autant, elle ne se mêle pas de tout ce qui peut s’y produire. Elle sait, n’est pas stupide et naïve à ce point pour prétendre le contraire, elle sait que c’est un monde loin d’être glorieux et qui va à l’encontre de tous ses principes. La Gallagher ne le clame pas sur tous les toits d’ailleurs, déjà parce qu’elle ne le pourrait pas, mais surtout parce qu’elle n’en est pas fière. Elle ne fait rien de mal pourtant, se contentant de servir des verres pour des malfrats en tout genre. Pour autant, c’est un secret qu’elle se fait bien de garder pour elle et qu’elle préfère taire à ses proches. Lawrence, tout comme Mila et ses plus proches amis pensent qu’elle bosse pour le restaurant d’apparence parfaite et irréprochable, tenu par Alec, mais il n’en est rien. Elle y a travaillé, au début, pendant un an. Et puis, elle s’est confiée à au chef cuisinier qui lui a alors proposé d’être serveuse pour le bar clandestin, qui lui rapporterait évidemment bien plus que d’être serveuse pour le restaurant. Alors, depuis maintenant deux années, c’est ce qu’elle fait, et ça dans le plus grand des secrets.
Mitchell et Alec sont d’ailleurs encore présents, tout deux en discussion dans le bureau du premier et, s’excusant de les interrompre, leur signifie qu’elle s’en va. Les deux frères la saluent tout deux, faisant, comme toujours, preuve de bienveillance avec elle. C’est sûrement ce qui la fait poursuivre son travail ici, c’est parce qu’elle a confiance en eux et qu’ils se comportent comme deux frères pour elle, cherchant à la protéger de tous les travers de leurs affaires illégales. Stacey sort par la porte arrière du bar clandestin, qui donne sur une ruelle sombre, un sac poubelle à la main. Elle s’en débarrasse dès le premier conteneur rencontré et prend la direction de la rue principale un peu plus loin. Mais, contrairement aux autres soirs, Stacey a un mauvais pressentiment. Celui d’être observée. Elle a peut-être ce réflexe de serrer davantage son sac contre elle et sort son téléphone, faisant défiler son répertoire de contact pour trouver Alec. Elle est prête à l’appeler mais au même moment, elle se retrouve nez à nez avec le coupable « Oli ? » C’est un pas en arrière qu’elle effectue accompagné d’un bond, tellement elle est prise de court par cette apparition surprise. Sa main libre sur sa poitrine, elle sent son palpitant s’accélérer alors que ses yeux s’écarquillent « Qu’est-ce que… qu’est-ce que tu fais ici ? ». Est-ce le hasard ? Un hasard qui ferait étonnamment bien les choses quand il est quatre heures du matin et qu’ils se trouvent loin du centre-ville, dans une de ses ruelles sombres dans laquelle vous ne vous égareriez pas nécessairement, même après une longue soirée arrosée.
“If you keep wandering in the dark streets, may be it is because you find peace in the darkness rather than in the light!”
Assis au volant de sa voiture, un soda coincé entre ses cuisses, le reste d’un paquet de frites achetées dans le diner du coin éventré sur le siège passager. Pas de doute, Oliver est en train d’observer … normalement, il fait cela pour le boulot et il apprécie même agir de la sorte pour le boulot … mais disons que ce soir, les choses sont différentes. Il est là pour Stacey. Sa paranoïa lui dit qu’elle traîne dans des histoires pas nettes. Elle a toujours eu le don pour se mettre dans des histoires pas nettes en fin de compte. Gamins, ses problèmes se réglaient à la vitesse grand v mais avec l’âge, ils deviennent souvent plus graves. Il porte la paille de son soda à ses lèvres pour en tirer une longue gorgée. Coup d’oeil à son téléphone. Changement de service. Il descend de sa voiture pour finalement affronter la nuit fraîche. Aussitôt, les mains se glissent dans les poches de sa veste. Les épaules s’affaissent et le menton vient se caler contre son buste. Passer incognito comme un caméléon, c’est un art qu’il maîtrise à la perfection. Sa tronche n’est peut-être pas connue par le public qui fréquent le bar mais il n’a pas envie de prendre de risque. Pas ce soir. Pas quand Stacey est dans l’équation. Il en est hors de question.
Ses pas s’accélèrent jusqu’à ce qu’il l’aperçoive de nouveau. Elle a l’air en forme. Elle n’a pas l’air d’être inquiète ou même en danger. Sait-elle seulement les secrets d’un lieu comme celui-ci ? Même lui ne connait pas les secrets de cet endroit ; ils sont plutôt malins pour toujours échapper aux forces de l’ordre. A son grand désarroi d’ailleurs. Il plisse les yeux et la voit accélérer le pas. Il s’inquiète. Est-ce-qu’elle se sent en danger ? Est-ce-qu’elle fuit quelqu’un ? Tel un idiot, il ne se rend pas compte que c’est sa présence même qui donne ce sentiment d’insécurité à la blonde. Alors, il décide d’en avoir le coeur net et change de trottoir. Les mains sorties des poches, il la rattrape à grandes enjambées alors qu’elle tripote et pianote son téléphone. « Oli ? » s’exclame-t-elle sous l’effet de la surprise. Et à lire sa réaction, il prend conscience qu’il vient de lui donner la peur de sa vie. « Qu’est-ce que … Qu’est-ce-que tu fais ici ? » « Qu’est-ce que toi tu fous ici, bordel ? », lui demande-t-il alors les sourcils froncés. Il n’affiche pas la tronche du mec énervé et en colère. Ni même celle du mec déçu. C’est plutôt la tête du mec en panique, qui a peur pour son amie. C’est la tête du mec qui n’aime pas être mis à part et qui pourtant doit bien admettre que ses amis les plus chers ont toujours eu le don de le mettre à part. Son destin. « Je me doutais d’un truc … un truc pas net … Je me faisais du souci, pensais que tu étais dans le pétrin … et bordel, Stacey, est-ce-que tu sais seulement dans quel genre d’endroit tu traines, tu bosses ? » Sa voix demeure calme, pourtant on y décèle son inquiétude. Oliver a toujours été le mec sincère, celui qui ne prend pas de pincettes pour dire ce qu’il pense. Une brute de décoffrage selon certains, un diamant brut pour d’autres. Il plante son regard dans le sien et essaie d’y trouver une réponse : qu’il se plante sur toute la ligne. Pitié, faites qu’il se plante, qu’il soit trop protecteur …
Toowong, janvier 2019 Après cette frayeur, son bras retombe le long de son corps et l’écran de son téléphone s’éteint. L’appel n’est pas nécessaire, elle reconnaît cette personne qui la suivait. Et peut-être finalement aurait-t-elle préféré que cette personne soit tout autre, quand elle a la sensation que la discussion qui va suivre, ne va pas être des plus plaisante. Et comment, quand il est quatre heures du matin et qu’elle va devoir justifier sa présence aussi tardive, ici à son meilleur ami. Parce que c’est bien ce qu’il est pour elle, Oli’. Seulement, il y a certaines choses qu’elle n’a jamais partagé avec lui, comme le fait de bosser depuis deux ans pour le bar clandestin des frères Strange, tout deux à la tête d’un gang criminel de la ville. Un détail qu’elle n’a jamais partagé avec quiconque d’ailleurs, même pas avec son frère ainé car elle est consciente de la réaction que ces derniers auront d’apprendre la vérité. La démonstration est parlante ici… « Qu’est-ce que toi tu fous ici, bordel ? » La façon immédiate et directe qu’il a de lui retourner la question fait peut-être avoir un mouvement de recul à la blonde. Si bien qu’elle reste muette et ne répond pas à sa question, laissant l’opportunité à Oliver d’ajouter « Je me doutais d’un truc … un truc pas net … Je me faisais du souci, pensais que tu étais dans le pétrin … et bordel, Stacey, est-ce-que tu sais seulement dans quel genre d’endroit tu traînes, tu bosses ? ». Il y a deux façons pour elle de réagir là, tout de suite. Faire celle qui ne comprend pas et nie tout en bloc, ou laisser apparaître cette faille, celle qui trahira sa conscience du lieu pour lequel elle travaille et surtout, qui dévoilera à Oliver ce mensonge dans lequel elle s’est enfoncé durant deux longues années. « Oli’, je… ses sourcils sont froncés et peut-être que sa mine paraît d’avance désolé je sors juste du travail, je… je travaille ici » elle finit sa phrase en reprenant de l’aplomb, montrant d’une main tendue sur le côté les lieux « ce qui explique pourquoi je me trouve là. Mais toi ? Tu me suivais ? » demande-t-elle alors en prenant conscience maintenant que la présence d’Oli n’est pas anodine. Peut-être cherche-t-elle à repousser le plus possible ce moment fatidique, celui où elle devra être honnête avec lui « Et qu’est-ce que tu entends au juste par pas net fait-t-elle en reprenant ses mots pour quel genre d’endroits penses-tu que je travaille ? » Elle a besoin de connaître ses suspicions, peut-être aussi savoir si Oliver sait pour le gang ou si c’est une façon juste pour lui de bluffer et de la faire parler. Même s’il n’a pas cette casquette de flic vissé sur la tête ce soir, il y a aussi cette crainte de trop en dire à son meilleur ami au point de trahir Alec et Mitchell. Ce qu’elle ne souhaite pas.
“If you keep wandering in the dark streets, may be it is because you find peace in the darkness rather than in the light!”
« Oli’, je … je sors juste du travail, je … je travaille ici. » Il leva les sourcils. Apparemment, ce n’était pas suffisant comme argumentation et pour le calmer. « ce qui explique pourquoi je me trouve là. Mais toi ? Tu me suivais ?» Sa question lui mit une claque. Il la suivait. Oh putain, il la suivait comme un véritable pervers paranoïaque. Les sourcils s’affaissèrent en même temps que ses épaules. Il haussa les épaules tout en soupirant. Pris sur le fait, mieux ne valait pas mentir. D’ailleurs mentir était un principe interdit entre eux. Il lui avait dit quand Hunter avait disparu du paysage qu’ils allaient devoir toujours tout se dire, ne rien se cacher … qu’il ne voulait pas la perdre, pas comme il avait perdu Hunter. Elle pouvait compter sur lui. Elle devait pouvoir compter sur lui. « Ouais … tu ne me laisses pas vraiment le choix. » dit-il tout en faisant une petite grimace candide. Il avait décidé de la suivre pour pouvoir trouver une réponse à toutes ces questions. Mettre fin à ses doutes.
« Et qu’est-ce-que tu entends au juste par pas net. Pour quel genre d’endroits penses-tu que je travaille ?» « Par là, j’entends que les personnes qui se rendent ici ne sont pas tous des enfants de choeur … vraiment pas des enfants de choeur. Et si je sais une chose, Stacey, c’est que la merde des autres finit toujours par nous éclabousser à la gueule … à un moment ou à un autre. Personne ne reste assis à côté d’une énorme flaque sur l’autoroute ; c’est un peu le même principe. » Il dit cela d’une traite tout en se rapprochant d’elle, comme s’il avait peur qu’on les surprenne, qu’on les écoute, que le dire à haute voix rende les choses encore plus réelles. Il jeta un coup d’oeil aux alentours. « Je suis garé là-bas. Tu me laisses au moins te ramener chez toi ? J’ai pas vraiment envie de m’étaler là-dessus ici … » Il désigna d’un signe de tête l’endroit vers lequel il était garé. Ouvrant les bras en croix, penchant la tête sur le côté, il la regarda avec un sourire qui se voulait innocent : « Dis toi que je joue le rôle de ton chauffeur … ton taxi personnel et qu’au passage, je joue également le rôle de la mère poule. » Il bat des cils. « Le grand classique »
Essayer de noyer le poisson. Essayer de ne pas lui donner envie de l’étriper. Il sait qu’elle est plutôt du genre à rugir et pas le mode petit chaton. Mais les années d’amitié jouaient en sa faveur. S’il se faisait du souci pour elle, elle savait que c’était et ce serait pour les bonnes raisons. Oliver ne sortait pas le numéro de maman ourse sans raison.
Toowong, janvier 2019 « Ouais … tu ne me laisses pas vraiment le choix. » Elle pourrait s’offusquer, faire mine de ne pas comprendre ce qu’il sous-entend par là mais elle ne le fait pas. Parce que Stacey est bien consciente que son comportement depuis ces deux dernières années peut porter à interrogation et elle s’étonne encore que même son frère ne se soit pas mis à la suivre lui aussi. Peut-être est-t-elle devenue experte en la matière, celle des mensonges, mais que ceux-ci ne fonctionnent plus vraiment avec Oliver quand elle n’oublie pas que son ami d’enfance est policier. Ses épaules se détendent un peu alors qu’elle continue à regarder son ami chez qui elle sent une certaine gêne quand elle l’accuse de le suivre. Elle ne cherche pas à inverser les rôles, parce qu’elle a conscience qu’elle va devoir lui donner si ce n’est la vérité, une bonne explication quant à cet endroit qu’elle fréquente…
D’ailleurs, Oliver semble avoir sa propre idée sur ce fameux endroit, et notamment les personnes qui le fréquente « Par là, j’entends que les personnes qui se rendent ici ne sont pas tous des enfants de choeur … vraiment pas des enfants de choeur. Et si je sais une chose, Stacey, c’est que la merde des autres finit toujours par nous éclabousser à la gueule … à un moment ou à un autre. Personne ne reste assis à côté d’une énorme flaque sur l’autoroute ; c’est un peu le même principe. » Stacey a ce mouvement de recul de la tête en entendant les propos balancés d’une traite par Oliver. Elle comprend très bien ce qu’elle veut dire, pourtant c’est une mine un peu incompréhensive qu’elle adopte, alors qu’elle fronce les sourcils et tourne la tête doucement de gauche à droite, son regard toujours planté dans celui de son ami d’enfance « Je suis garé là-bas. Tu me laisses au moins te ramener chez toi ? J’ai pas vraiment envie de m’étaler là-dessus ici … » il n’a pas l’air confortable et Stacey s’en rend compte et même si elle semble hésiter, elle ne compte pas refuser sa proposition quand Mitch et Alec risquent de sortir d’un moment à l’autre et qu’ils interviendront nécessairement s’ils la voient en pleine discussion avec quelqu’un. Et si elle veut protéger les deux frères, elle veut aussi protéger son meilleur ami « Dis toi que je joue le rôle de ton chauffeur … ton taxi personnel et qu’au passage, je joue également le rôle de la mère poule. (…) Le grand classique » Il parvient à lui extirper un sourire au point que ses sourcils se détendent eux aussi. Elle hoche alors doucement de la tête « Ok, je veux bien te suivre, Oli’ ». Elle n’en dit pas plus, le suit sûrement un peu à contre cœur car elle aurait préféré monter dans ce uber qu’elle avait appelé – et qu’elle décommande en suivant son meilleur ami vers sa voiture – plutôt que de devoir rendre des comptes.
Parce qu’elle sait qu’une fois installée dans l’habitacle et dans le silence de celui-ci, s’en suivra des questions de la part d’Oliver et qu’elle devra y répondre. C’est peut-être aussi pour ça qu’une fois qu’ils ont démarré et quitté les lieux, Stacey est celle qui reprend la parole, en premier « Il n’y a vraiment pas de quoi s’inquiéter, Oli’ amorce-t-elle alors qu’elle a son téléphone à la main qu’elle triture il ne m’arrivera rien elle tourne la tête pour capter le regard de son ami, consciente qu’elle ne pourra pas sortir un mensonge de plus en faisant croire qu’il s’agit uniquement d’un simple restaurant dans lequel le service se termine étonnamment tard. Ces personnes… pour qui je travaille… font tout pour me tenir éloigner de leur "merde" comme tu dis elle en mime même les guillemets. Et je ne veux pas que tu cherches à jouer les superhéros ou que tu t’en mêles. Et surtout elle adopte un regard suppliant Promets moi que ça restera entre nous » Elle l’invite dans son mensonge, a l’audace de le faire, craint évidemment la réaction de son meilleur ami se faisant mais si elle lui fait une telle requête, ce n’est pas vis-à-vis de leur amis en commun – elle sait qu’il ne le fera pas – mais plus vis-à-vis de sa casquette de flic.
“If you keep wandering in the dark streets, may be it is because you find peace in the darkness rather than in the light!”
« Ok, je veux bien te suivre, Oli.» D’un léger mouvement de tête, il la remerciait silencieusement. Il la remerciait de ne pas elle aussi l’envoyer sur les roses alors qu’il tendait la main. Et c’est dans ce silence de plomb qu’il l’escorta jusqu’à sa voiture. Il mit en boute un papier d’emballage en carton qu’il balança sur la banquette arrière, l’air de rien. Et dans le même silence, il mit le contact pour prendre la direction de l’appartement de Stacey, adresse qu’il connaissait aussi bien que la sienne. Et ce fut elle qui rompit le silence.
« Il n’y a vraiment pas de quoi s’inquiéter, Oli», il la regarda du coin de l’oeil et avait le sentiment d’être le père de famille qui était venue chercher sa fille dans une soirée d’étudiants. Son comportement criait le contraire. Son comportement lui criait qu’il avait toutes les raisons du monde de s’inquiéter car elle semblait être assise sur des braises. « Il ne m’arrivera rien» Il croisa son regard et arqua un sourcil, pas vraiment convaincu par les propos de la blonde, qui elle, semblait être certaine de ce qu’elle annonçait. Comment pouvait-elle être sure qu’il ne lui arriverait rien ? Qu’elle était en sécurité ? Qui était en sécurité ? « Ces personnes… pour qui je travaille… font tout pour me tenir éloigner de leur "merde" comme tu dis. Et je ne veux pas que tu cherches à jouer les superhéros ou que tu t’en mêles. Et surtout … Promets moi que ça restera entre nous» Les dents se serrèrent, les muscles de sa mâchoire se mirent à battre parce qu’il se retenait. Il se retenait pour elle. Avec Stacey, il avait toujours su et voulu prendre des pincettes. Ne pas hurler, ne pas s’énerver, toujours dans la douceur. Elle était après tout sa meilleure amie.
« Je ne joue pas les super héros, Stacey. » Il tourna la tête vers elle, l’air las. « Les gens à qui je tiens, je peux les compter sur les doigts d’une main … et tu es, et de loin, en tête. Tout ce que je veux, c’est que tu sois en sécurité, que tu sois heureuse … et …» Les lèvres se serrèrent et retinrent les derniers mots qui ne trouvèrent pas de sortie. Le feu passa au vert, il redémarra. « C’est promis, je ne m’en mêle pas et … » Un bref coup d’oeil dans sa direction. « Ca reste à une condition mais il y a une condition … » Il posa la main sur sa cuisse une demi seconde pour attirer son attention. « Au moindre doute, à la moindre embrouille, au moindre truc chelou, même un truc que tu ne saurais expliquer, à la moindre vague, tu me promets de venir me voir. » Il tapota sa cuisse de son index avant de reposer la main sur son volant. « Je suis sérieux, Stace.», et il finit par chercher son regard, à la recherche de la moindre confirmation qui pourrait alléger un peu son âme et ses doutes qui ne cessaient de venir embrumer son esprit.
Toowong, janvier 2019 Son air coupable ne la quitte pas, depuis qu’elle a été prise sur le fait par Oliver à la sortie du bar clandestin. Elle s’en veut pour le mensonge ainsi découvert par son meilleur ami mais aussi par le risque qu’elle encoure, en ayant été démasqué, d’exposer les frères Strange, à qui elle ne tient pas attirer d’ennui, malgré toute l’illégalité de leurs activités et toutes ces choses qu’ils peuvent faire et qu’elle ne cautionne pas pour autant. Elle compte donc sur la discrétion d’Oliver à qui elle demande que tout ce qu’elle peut lui dire reste entre eux et qu’il ne tente surtout pas de vouloir la sauver de là, quand elle sait qu’elle ne risque rien, malgré le monde obscur dans lequel elle évolue depuis deux années « Je ne joue pas les super héros, Stacey. » Difficile pour Stacey de ne pas froncer les sourcils à ce moment-là, tant elle estime qu’Oli est le stéréotype même du super-héros, cherchant toujours à protéger ses proches et ça quoi qu’il en coûte. Et quoi qu’il puisse dire, ce soir, c’est exactement ce qu’il a cherché à faire et elle espère cependant que ce sera le dernier soir où il la suivra et la surprendra par surprise « Les gens à qui je tiens, je peux les compter sur les doigts d’une main … et tu es, et de loin, en tête. Tout ce que je veux, c’est que tu sois en sécurité, que tu sois heureuse … et …» Il s’interrompt, ce qui ne manque pas de faire s’interroger la blonde « Et ? et quoi, Oli’ ? » demande-t-elle alors en penchant légèrement sa tête pour capter son regard, alors que le sien est concentré sur la route. Elle tient à lui tout autant, il est un des seuls qui ne l’a jamais lâché, a été là dans les moments difficiles qu’elle a eu à traverser et pour ça, elle lui en est plus que reconnaissante. « Je sais que tu veux que mon bien. Et je vais bien » lui assure-t-elle alors. Elle n’est pas mal traitée, exploitée, ne fait rien de compromettant ou qui puisse la mettre en danger et c’est tout ce qu’elle souhaite qu’il retienne. « C’est promis, je ne m’en mêle pas et …(…) Ca reste à une condition mais il y a une condition … » Stacey acquiesce alors que son regard quitte cette main qu’il a posé sur sa cuisse pour trouver le sien « Au moindre doute, à la moindre embrouille, au moindre truc chelou, même un truc que tu ne saurais expliquer, à la moindre vague, tu me promets de venir me voir. » Il est inquiet, les mots qu’il a à son égard ne l’étonne pas une seule seconde et c’est pour cette raison qu’un léger sourire se dessine au coin de ses lèvres « Je suis sérieux, Stace.». Et elle le sait alors qu’elle retrouve un air sérieux « Je le sais, Oli’. Et si jamais je sens que je perds pied, si jamais je sens que je suis en danger, je viendrai te voir » et c’est à son tour de venir poser sa main sur son épaule pour l’inciter à la regarder « Je te le promets ». Elle tente de l’apaiser mais elle est consciente aussi que cette nouvelle découverte l’inquiète bien trop. Il a toutes les raisons aussi de lui en vouloir pour lui avoir menti pendant tout ce temps durant et c’est peut-être pour cette raison qu’elle décide de reprendre et de jouer la carte de l’honnêteté « On m’a proposé de travailler dans ce bar parce qu’ils avaient la volonté de me venir en aide. Ils savent pour Mila et moi, ils savent que c’est moi qui m’en occupe… et surtout, ils sont au courant des types qui peuvent venir parfois à notre porte pour réclamer les dettes impayés de notre père. Ils n’ont fait ça que dans ce but et parce que je leur fais confiance, cela explique pourquoi j’ai accepté. Ils me protègent et feront toujours tout pour que rien ne m’arrive » elle tient à le rassurer une nouvelle fois à ce propos « Si je n’ai rien dit, c’est parce que je n’en suis pas fière… Ce n’est pas moi. Même si je ne fais rien de compromettant, cela n’empêche que ça reste… ce que c’est » elle n’est pas capable de prononcer les réels mots, ceux de gang et d’activité criminelle « Je ne l’ai dit à personne… c’est aussi pour ça que je me suis éloignée de pas mal de monde ces dernières années… parce que je ne pouvais continuer à leur mentir, tout comme je ne pouvais pas me résigner à abandonner quand cette activité me permet de sortir la tête de l’eau… » Et si son regard est porté tout le long sur le paysage qui défile devant ses yeux, la jeune femme retrouve celui de son ami pour ajouter « Je suis désolé de t’avoir menti, Oli’… ». Elle est sincère, aurait préféré que les choses soient plus simples, tout comme elle aurait aimé ne pas avoir une telle responsabilité sur les épaules depuis le décès de sa mère adoptive, en 2014. Son air s’attriste, ses épaules s’affaissent et peut-être que sa gorge se noue aussi alors qu’elle détourne le regard au dehors.
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« Et ? et quoi, Oli’ ?» lui demanda–t-elle en penchant la tête sur le côté pour capter son regard, ce qui ne fait que le rendre encore plus soucieux. « et que tu ne finisses pas toi aussi, comme les autres, à te perdre dans ce monde.» Elle savait exactement qui il mentionnait dans cette phrase : Hunter et Emery. En tête. Et de loin. Il les avait vu chuter. Ils lui avaient dit que ce n’était rien, pas grand chose et il avait constaté la manière dont ils perdaient pied, ils dont brisaient les liens avec des gens comme lui, qui voulait simplement prendre soin d’eux et veiller sur eux. Il avait peur. Pour elle. Il ne voulait pas la perdre. Il ne le supporterait pas. « Je sais que tu veux que mon bien. Et je vais bien.» Pas de quoi le faire sauter au plafond, mais ses doigts se serrèrent autour de son volant.
« Je le sais, Oli’. Et si jamais je sens que je perds pied, si jamais je sens que je suis en danger, je viendrai te voir » Il tourna la tête rapidement vers elle pour vérifier qu’elle était sérieuse et son regard se reposa sur la route alors que sa main rejoignait son épaule pour appuyer ses paroles. Elle lui faisait une promesse sans utiliser le mot promesse. Il savait qu’elle ne le trahirait pas. Jamais. « Je te le promets » et désormais, il ne pouvait qu’en être davantage convaincu. Une véritable promesse. Les muscles du jeune homme se relachèrent les uns après les autres alors qu’il était soulagé de l’entendre lui faire cette promesse. « ok.» souffla-t-il tout en essayant de se détendre, de lâcher prise, de ne plus s’imaginer le pire même si le pire faisait partie intégrante de son boulot, de son quotidien. Des nanas comme Stacey qui se faisaient tabasser, se retrouver au mauvais moment au mauvais endroit … c’était des choses qui arrivaient, et pas qu’aux autres. « On m’a proposé de travailler dans ce bar parce qu’ils avaient la volonté de me venir en aide. Ils savent pour Mila et moi, ils savent que c’est moi qui m’en occupe… et surtout, ils sont au courant des types qui peuvent venir parfois à notre porte pour réclamer les dettes impayés de notre père. Ils n’ont fait ça que dans ce but et parce que je leur fais confiance, cela explique pourquoi j’ai accepté. Ils me protègent et feront toujours tout pour que rien ne m’arrive » Les sourcils se froncèrent. Voulait-elle le rassurer ? Dur.
« Si je n’ai rien dit, c’est parce que je n’en suis pas fière… Ce n’est pas moi. Même si je ne fais rien de compromettant, cela n’empêche que ça reste… ce que c’est » « Je sais.» dit-il dans un murmure pour lui faire comprendre qu’elle n’a pas à les prononcer ces mots si difficiles à avouer.
« Je ne l’ai dit à personne… c’est aussi pour ça que je me suis éloignée de pas mal de monde ces dernières années… parce que je ne pouvais continuer à leur mentir, tout comme je ne pouvais pas me résigner à abandonner quand cette activité me permet de sortir la tête de l’eau… Je suis désolé de t’avoir menti, Oli’… » Il sentit son regard, il comprit la situation. Clignotant. Coup d'œil dans le rétro, il arrêta sa voiture sur le bas-côté pour couper le moteur et se tourner vers elle.
« Stacey – eh. », dit-il pour chercher à capturer son regard. Il tendit les bras vers elle pour saisir ses mains dans les siennes, caressant le dos de sa main avec ses pouces et sans la quitter du regard. « Tu dois vraiment me croire quand je te dis que tu peux tout me dire, tout. Tu n’as pas à me mentir, pas à me cacher quoique ce soit. Je t’aime comme tu es, comme tu seras demain et les autres jours, avec toutes les décisions que tu pourras prendre ta vie, que je les partage ou non. Toujours. » Il tenta un fin sourire. « Toi et moi.» qu’il finit par dire, cette fois-ci avec sa voix d’adulte et non celle de l’adolescent, du jeune homme qui s’était retrouvé seul avec elle … contre tous. Il lui avait dit, triste, il n’y avait désormais plus qu’eux deux. Toi et moi. Eux contre le reste du monde.
Toowong, janvier 2019 « et que tu ne finisses pas toi aussi, comme les autres, à te perdre dans ce monde.» . Elle comprend son inquiétude, elle sait également à qui il fait référence et si Stacey est persuadée que cela ne lui arrivera pas, elle se tait. Elle se tait non pas parce qu’elle ne peut lui faire une telle promesse mais parce que cette comparaison l’attriste et lui fait penser surtout à Hunter et réveille les blessures qui sont liés à lui. Après un long silence, elle laisse échapper un « Ca n’arrivera pas… » juste suffisamment audible pour que les mots atteignent son ouï.
« ok.» Elle aimerait se convaincre que tous ses proches auraient une réaction similaire en apprenant la vérité. Mais les choses ne sont pas aussi aisées, et si elle trouve de la compassion et de l’écoute chez son meilleur ami, elle n’est pas certaine d’en trouver chez tous. Ce monde obscur auquel elle appartient effraie, et ce pour diverses raisons, tout à fait compréhensibles. Mais Oli’ entend les mots rassurants qu’elle lui apporte, ceux où elle lui promet qu’elle est, malgré tout, bien entourée dans ce monde, en pouvant compter sur les deux frères Strange pour la protéger des travers qui l’alimente.
Malgré la promesse qu’elle lui adresse, Stacey tient à lui expliquer ses motivations dans ce choix de travailler pour le Club et Oliver est suffisamment conscient de la situation délicate dans laquelle elle se trouve pour comprendre… « Je sais.». Sa réaction tend à l’apaiser peu à peu, et pousse ainsi la jeune femme à être plus à l’aise dans ses dires, bien qu’elle s’en veuille de lui avoir menti. Elle s’excuse et parce qu’il la connait que trop bien et sent sûrement l’émotion la submerger, Oliver vient à s’arrêter sur le bas-côté. Ses mains viennent à trouver les siennes, incitant Stacey à retrouver son regard « Stacey – eh. (…)Tu dois vraiment me croire quand je te dis que tu peux tout me dire, tout. Tu n’as pas à me mentir, pas à me cacher quoique ce soit. Je t’aime comme tu es, comme tu seras demain et les autres jours, avec toutes les décisions que tu pourras prendre ta vie, que je les partage ou non. Toujours. (…) Toi et moi.» Les mots l’atteignent définitivement, au point où Stacey laisse ses barrières s’abaisser, des larmes humidifiant son regard, roulant doucement le long de ses joues « Toi et moi… pour toujours, Oliver » Et cette vérité provoquée, celle qu’elle n’aurait pensé jamais délivrée ce soir, la soulage, la rassure, consciente qu’Oliver est celui qui sera désormais là pour elle, le seul à qui elle pourra se livrer sans filtre et c’est tout ce dont elle avait besoin, surtout quand les responsabilités sont lourdes sur ses épaules. Alors, doucement, elle se laisse aller en passant ses bras autour de la nuque de son meilleur ami, l’étreignant et glissant un « Merci… » pour la personne qu’il est.