Mars 2022. C’est une journée comme une autre qui se termine pour l’avocate. Une de celle où elle a planché longuement sur le procès intenté contre son client le lendemain, ce client qui aime faire sa sourde oreille et qui n’en fait définitivement qu’à sa tête. Remporté ce procès ne sera pas une mince affaire, même si Gabrielle et son partenaire sur ce dossier misent tout sur cette preuve débusquée aujourd’hui. Leur seul espoir à vrai dire, et jamais Gabrielle ne s’était montrée aussi peu enthousiaste et déterminée, même face à l’impossible. Et, encore une fois, son collègue n’a pas manqué de le souligner en lui disant qu’il comptait pourtant sur elle depuis le début pour remotiver les troupes dans ce procès. Manque de bol pour lui, l’américaine est quelque peu préoccupée par bien d’autres choses ces derniers temps et il semblerait que le sort s’acharne en lui donnant du fil à retordre aussi d’un point de vue professionnel. Ce qui n’aide pas à l’apaiser, définitivement, et c’est une Strange quelque peu désagréable que ses collègues associés retrouvent au cabinet depuis quelques jours et disons que celui dont elle est le plus proche, ne manque pas de le lui faire remarquer. Bad idea, elle n’a pas manqué de le remballer et c’est un peu exaspérée que la jeune femme quitte le cabinet ce soir.
Alors peut-être consciente qu’elle n’a pas été des plus sympathiques, ceci explique sûrement pourquoi elle ne se dirige pas vers le parking souterrain en sortant du cabinet qui se trouve dans le quartier des affaires de la ville et qu’elle se dirige plutôt vers les boutiques non loin de là sur Queen Street. Trouver de quoi se faire pardonner auprès de cet associé qu’elle considère comme un ami, tel est son objectif alors que le bruit de ses talons résonne sur le bitume, en harmonie avec le bip autorisant les piétons à traverser. « Il ne manquerait plus que tu me dises que, toi aussi, tu le connaissais… c’est aussi sa voix qu’on peut entendre en passant à ses côtés, parce qu’elle a décidé d’appeler Finn qui se trouve bien loin de tout ça et qu’il est temps qu’elle lui raconte un peu ce qui s’est passé avec Alex quelques semaines plus tôt. de toute évidence, tu pourrais tout autant me mentir aussi… » Dire qu’après cette phrase Finn ne s’est pas légèrement emporté contre sa sœur ne serait pas honnête et c’est pour cette raison qu’elle finit par s’excuser, reconnaissant être quelque peu à cran. Contre leur ainé, mais aussi contre Channing et lorsque Finn tente de comprendre pourquoi elle en veut autant à son ex-petit-ami – comprenant bien qu’on ne se met pas dans de tels états s’il ne compte plus pour elle – elle se referme aussitôt Rien du tout ! Ca ne fait que confirmer ce que je savais déjà de lui » Le mensonge semble être la marque de fabrique des Strange.
Et alors que son frère, à l’autre bout du fil, tente de la convaincre de se confier, Gabrielle se stoppe soudainement. Une silhouette qui se trouve à quelques mètres d’elle, qui lui est familière, ne manque pas d’attirer toute son attention, au point qu’elle a même un léger mouvement de recul. Les sourcils froncés, elle s’approche alors de cette jeune femme blonde qui n’est pas sans lui rappeler… « Meryl ? et voilà qu’il y a un écho dans le téléphone, son frère ne comprenant pas pourquoi, soudainement, elle vient à parler de leur demi-sœur. Elle prête à peine attention en réalité à ce qu’il peut dire, fixant celle qui est bel et bien sa petite sœur … Je te rappelle plus tard, Finn ». Elle lui raccroche au nez et s’approche de quelques pas de plus de la plus jeune des Strange. Elle l’examine en silence, la mine fermée, alors qu’elle est partagée entre l’excitation de la retrouver, ici à Brisbane et l’interrogation qui suit « Qu’est-ce que tu fais ici ? ». Parce qu’évidemment, cette dernière ne l’a pas mise au courant de sa venue, cette même dernière qui a toujours trouvé une excuse au fait de venir rejoindre Gabrielle, ici, en Australie. Et puis, finalement, elle s’approche d’un dernier pas et vient à la prendre dans ses bras, même si ses traits sont confus.
Mars 2022. Voilà presque trois mois que la jeune Américaine a foulé le sol australien pour la première fois. Les premiers jours avaient été complexes, débarquer dans une nouvelle ville n’avait jamais été chose aisée, alors dans un nouveau pays c’était tout un art dans lequel elle n’excellait pas le mieux du monde. Brisbane lui avait pourtant ouvert ses portes, elle avait dans un premier temps songé à mettre son plan à exécution, débarquer sur le pas de la porte de Gabrielle et crier surprise. Elle avait l’adresse, ça serait facile de se pointer là-bas, la bouche en cœur... après tout elle crevait d’envie de la revoir Gaby, de la serrer dans ses bras et de lui dire combien elle avait merdé. Elle avait été jusqu’à Bayside, avait vu l’immense villa. Gabrielle semblait bien installée ici, elle s’était imaginée les retrouvailles entre sa fratrie un millier de fois, s’imaginait sûrement encore des tas de choses certainement fausses, mais fantasmes d’une relation fraternelle. Elle s’imaginait Gabrielle mener sa petite vie, Channing pas très loin. Est-ce qu’ils s’étaient seulement remis ensemble ? La blonde l’ignorait et face au grand portail, elle avait renoncé par crainte de réaliser qu’on l’avait juste oubliée. Gabrielle était partie malgré sa promesse, et même si elles avaient gardé le contact, la séparation avait été brutale pour la jolie blonde, la blessure bien profonde. Le temps n’aidant pas, les jours étaient passés, les semaines et puis les mois sans qu’elle n’ose.
D’abord déboussolée par l’inversion des saisons, elle avait eu du mal à se faire à l’idée qu’ici janvier rimait avec soleil et farniente. Les débuts avaient eu un goût de vacances et si la réalité l’avait bien vite rattrapée, la demoiselle avait excellé dans l’art du système D et si elle aspirait à un peu plus de sécurité, Meryl ne se plaignait pas de sa situation. Déambulant dans le centre ville, la jeune femme profite de son temps libre pour flâner dans les boutiques un peu vintage qu’elle a repérées dès son arrivée. Elle farfouille dans les bacs remplis de vinyles, à la recherche de la perle rare, le vendeur la connaît bien, faut dire qu’elle est fidèle au poste Meryl et il la connaît assez pour lui mettre de côté les choses pouvant l’intéresser. Cette fois, elle repartira avec un vinyle de U2, un des anciens, la belle n’est pas très fan des nouvelles compositions du groupe, elle préfère largement les classiques et même si elle ne saura l’écouter pour le moment, elle sait qu’elle aura l’occasion de le faire plus tard quand elle aura un vrai chez elle. Son précieux en main, la demoiselle salut le vendeur avant de se diriger vers la petite librairie qui fait le coin. Elle s’attarde sur les livres en vitrine, le temps de terminer son thé glacé. « Meryl ? Hein quoi non c’est une erreur... Y a pas de Meryl ici. Meryl qui, moi ?! Voilà ce qui l’interpelle et finit par la sortir de sa rêverie. Son prénom prononcé dans le brouhaha de la rue, mais ce qui la fige c’est surtout la voix. Et la phrase qui suit lève le doute quand elle entend le prénom de son frère, parce que ça fait beaucoup de coïncidences en moins d’une minute. Non, non, non c’est pas vraiment la réalité ! Figée, les yeux ronds de l’enfant prise sur le fait après avoir fait une connerie, la jeune femme tente de regarder au travers le reflet de la vitrine pour voir si ses doutes se confirment... Mais bien sûr que c’est le cas, cette voix elle la reconnaîtrait entre mille. Elle hésite à courir loin, disparaître dans un nuage de fumée... Ça serait pratique, mais ça n’arrive que dans les dessins animés.
Le coeur de la blonde s’emballe, prise de panique alors qu’elle se retrouve nez à nez avec ce visage si familier et qui lui a tant manqué au cours de ces dernières années. « Je... » Peu loquace, elle le conçoit, elle a déjà connu meilleure répartie au cours de son existence ! « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Ça c’est LA question à 100$ ! La brune l’attrape, la serre dans ses bras et si elle reste figée dans un premier temps, la jolie blonde ne peut s’empêcher de venir réclamer ce contact salvateur en la serrant à son tour contre elle, repoussant le moment où elle serait forcée de passer aux aveux. Juste un instant de calme avant la tempête. « Tu m’as tellement manquée. » Vient le temps de s’éloigner, un peu et elle peut lire la confusion dans le regard de sa soeur. « Et bien... je me suis dit que ne pas utiliser ce billet serait idiot alors je voulais te faire la surprise... » Soit convaincante, elle affiche un grand sourire face à sa soeur. « Surpriiiise ! » Elle se doute que la sauce ne prendra pas, elle a l’air trop à l’aise, trop habituée des lieux pour jouer les touristes de quelques heures. « J’allais t’appeler mais avec le décalage horaire, j’ai encore un peu de mal à m’y faire. » Elle ment et sa nervosité doit se lire sur ses traits et son attitude.
Mars 2022. L’expression jamais deux sans trois ne s’est jamais aussi bien appliquée que ces dernières semaines pour Gabrielle. D’abord, Leilani qui débarque à Brisbane depuis Singapour, et ça pour de bon. Ensuite Joshua, arrivé il y a tout juste deux semaines aussi dans cette ville qui n’est autre que sa ville natale. Et voilà que Gabrielle découvre, au détour d’une rue, sa demi-sœur. Une étrange coïncidence, mais surtout des retrouvailles qui l’étonnent quand celle-ci n’a pas daigné la prévenir. Les susnommés plus haut non plus mais c’est différent. Meryl, c’est sa petite sœur, celle qu’elle a, à de maintes et maintes reprises, tenté de faire venir à Brisbane, lui ayant déjà envoyé un billet ou deux pour qu’elle la rejoigne, au moins pour passer les fêtes. Des invitations toujours déclinées, des excuses que Gabrielle a toujours plus ou moins comprises et si, de ce fait, elle pourrait se réjouir de retrouver sa petite sœur ici aujourd’hui, il y a une part d’elle qui est mitigé. Mitigé quand elle a l’impression de l’avoir prise sur le fait, et pour cause, en voyant la réaction de sa sœur lorsqu’elle la hèle « Je... ». Et si elle est limite bouche bée et qu’elle lui demande ce qu’elle fait ici, la première réaction de Gabrielle est de prendre Meryl dans ses bras. C’est instinctif, telle une mère, celle qu’elle a pu être pour elle quand la sienne s’est barrée alors qu’elle avait à peine l’âge de tenir sur ses deux jambes. Elle la serre tout contre elle, et heureuse de la retrouver, bien que des milliers de questions se bousculent dans son esprit. « Tu m’as tellement manquée. » « Tu m’as manqué aussi, Mer’ ». Et c’est sincère, au point que la prendre dans ses bras lui apporte même un certain apaisement durant quelques secondes, le temps que dure leur étreinte. Mais il n’en reste pas moins que Gabrielle a besoin de comprendre, a besoin qu’elle réponde à ses interrogations à savoir ce qu’elle fait ici, à Brisbane « Et bien... je me suis dit que ne pas utiliser ce billet serait idiot alors je voulais te faire la surprise... » Elle est hésitante, que ce soit dans sa voix ou dans ses gestes, et c’est ce qui fait tiquer un peu plus Gaby, dont les yeux se plissent « Surpriiiise ! ». Un sourire apparait tout de même sur ses lèvres, peut-être un brin amusé, mais elle redevient rapidement sérieuse, notamment en analysant davantage sa petite sœur. Sa tenue décontractée, son petit verre de thé glacé, un vinyle de l’autre, ce teint légèrement hâlé… Uhm… « J’allais t’appeler mais avec le décalage horaire, j’ai encore un peu de mal à m’y faire. » « En quoi le décalage horaire pose problème puisqu’on est désormais dans le même fuseau horaire ? Gaby arque un sourcil alors qu’elle prend enfin la peine de ranger son téléphone dans son sac et tu comptais m’offrir ce vinyle de… et elle se permet de lui prendre des mains pour le regarder d’un peu plus près U2 ? Parce que, c’est bien connu, je les adore ? ce n’est pas qu’elle ne les aime pas mais disons qu’il y aurait eu d’autres choses qui lui aurait fait plaisir – Elvis par exemple - m’enfin là n’est pas la question. Elle lui rend le disque et vient à croiser ses bras sur sa poitrine Et si tu me disais plutôt la vérité, Meryl. Tu sais que les mensonges ne prennent pas avec moi et elle adopte cet air un peu sévère, celui que Mer’ lui connait peut-être un peu trop bien, qu’elle n’affectionne pas tout particulièrement aussi mais, c’est son rôle en tant que grande sœur « Depuis quand tu es sur Brisbane ? ».
Mars 2022. Meryl aurait dû se douter qu’un jour ça finirait par arriver. Brisbane avait beau être une grande ville, la probabilité de tomber sur une personne qui soit en capacité de la reconnaître était là, même si bien moins grande qu’à Las Vegas ou Los Angeles… Elle avait accepté de prendre le risque à défaut d’avoir eu le courage de franchir le seuil de la villa de sa soeur. Pourtant ça n’avait pas été l’envie qui avait manqué à la blonde, juste une crainte de déranger après la fuite précipitée de la brune pour l’Australie. « Tu m’as manqué aussi, Mer’ » La jeune femme sourit à l’affirmation de sa soeur, Gabrielle lui avait manqué plus qu’elle ne voulait l’admettre. La rupture avait été brutale et aujourd’hui encore la blessure n’était pas pleinement refermée, Meryl le savait. Il y avait ces doutes, cette crainte de ne pas être à sa place, d’être perçue comme une intruse ou comme un poids. Une impression de ne pas avoir de véritable place quoi qu’elle fasse alors elle prend ses mots et son étreinte comme un baume apaisant et elle en profite allègrement avant de subir ce qu’elle saura être un questionnement dans les règles de l’art. C’est qu’elle connaît sa sœur, et le fait qu’elle soit prise au dépourvu risque de ne clairement pas jouer en sa faveur elle le sait ! Zéro préparation... On passe en mode impro !
Gabrielle a beau sourire, elle reprend son sérieux en une seconde, signe qu’elle compte bien obtenir les informations qu’elle souhaite. « En quoi le décalage horaire pose problème puisqu’on est désormais dans le même fuseau horaire ?Objection ? Pourparler ?! Intérieurement elle se fustige d’avoir cafouillé alors elle réagit au quart de tour ! « Je voulais parler du Jetlag, ma langue a fourché... Tu vois c’est ce que je dis... Totalement déphasée ! » Son argumentaire ne tiendra pas une minute et pour cause, elle n’a pas l’air d’une touriste là depuis deux heures, mais d’une habituée qui vogue ici et là depuis des plombes : imbécile Meryl... Qui crois tu duper au juste ! L’avocate enchaîne sans lui laisser le temps de réagir et elle la reconnaît bien là... Observatrice qu’elle est. et tu comptais m’offrir ce vinyle de…U2 ? Parce que, c’est bien connu, je les adore ? Elle fixe le vinyle s’éloigner et note le sarcasme alors qu’elle adopte une petite mou. « C’est l’intention qui compte non ?... Et c’est tout de même l’édition Australienne d’un de leur plus grand classique ! C’était une affaire, je ne pouvais pas la laisser passer ! » Elle récupère la pochette légèrement abîmée par les années, consciente que son petit manège ne lui offrira nullement une couverture adéquate.
Et si tu me disais plutôt la vérité, Meryl. Tu sais que les mensonges ne prennent pas avec moi Meryl fuit un instant son regard, la brune a cet air qu’elle redoute... Celui qu’elle adopte chaque fois qu’elle est forcée de jouer les mères de substitution avec la tête blonde. Sauf qu’elle ne sait même pas par où commencer tellement il y aurait à dire. Elle a tellement merdé au cours de cette année, elle a honte Meryl. « Depuis quand tu es sur Brisbane ? » Une fois encore, elle adopte la posture de l’adolescente qu’elle peut être parfois malgré ses vingt quatre ans révolu. « Pas longtemps... » Comparé à d’autre, c’est peu au final. Tout est une question d’échelle et de comparaison quand on y pense. Son pied vient frotter nerveusement le sol et ses doigts agitent le gobelet pour faire tourner le contenu et la glace pilée qui s’y trouve. Passe aux aveux Meryl ! C’est ce qu’elle se dit, à défaut de pouvoir tout lui dire de but en blanc. « Un peu moins de deux mois... à peu près... » Plus ou moins, Meryl n’a pas compté les jours depuis son arrivée. Elle s’attend à la réaction de son aînée, à son incompréhension bien légitime. « Je... J’ai voulu te prévenir... Je suis venue chez toi et je t’ai vue avec des gens... Vous aviez l’air de vous amuser alors je n’ai pas voulu vous déranger... » Ca n’explique pas tout, mais ça a au moins le mérite d’exprimer la vérité... En partie au moins. La jeune femme soupire, en prenant toujours soin de ne pas croiser son regard. « Après... les jours sont passés, et puis les semaines et j’ai pas osé. Je me sentais stupide de débarquer comme ça sans prévenir, j’ai voulu repartir à San Diego, mais j’avais pas les moyens de me payer le billet. »
Mars 2022. Elle est heureuse de voir sa petite sœur, Gabrielle. Mais elle est suspicieuse. Elle se demande bien ce qui l’amène ici et surtout pourquoi elle la croise ici, en plein centre-ville, au lieu de la retrouver à l’aéroport, si elle avait daigné l’appeler pour lui dire qu’elle débarquait à Brisbane. Et peut-être que ce qui l’inquiète davantage c’est de la voir là, bien qu’elle semble allée bien, un peu sortir de nulle part alors qu’elle a essayé de l’inciter, à maintes reprises, de la rejoindre en Australie et qu’elle a toujours refusé. Et pour cause, Gabrielle est partie de Los Angeles avec précipitation, sans réellement en avoir dit les principales raisons à sa cadette et le tout annoncé par téléphone, car il était hors de question qu’elle l’expose au danger auquel elle était elle-même confrontée. Et bien sûr la déception qu’elle a pu ressentir dans la voix de sa sœur a amené Gabrielle à se sentir coupable de l’avoir abandonné à son tour, tout comme elles l’avaient été par les deux frères ainés des années auparavant. C’est pour cela que l’ainée des sœurs Strange a toujours fait en sorte de garder contact avec Meryl et d’être présente au mieux pour elle… même de loin. «Je voulais parler du Jetlag, ma langue a fourché... Tu vois c’est ce que je dis... Totalement déphasée ! » Le sourcil de Gabrielle s’arque alors qu’elle observe sa sœur qui semble plus s’enfoncer dans ses excuses que gagner en crédibilité. « C’est l’intention qui compte non ?... Et c’est tout de même l’édition Australienne d’un de leur plus grand classique ! C’était une affaire, je ne pouvais pas la laisser passer ! » « C’est donc ça, cette affaire était plus importante que d’appeler ta grande sœur pour lui dire que tu étais arrivée à Brisbane » Elle use d’ironie en la désignant de son index alors que Meryl se saisit à nouveau de ce vinyle qui prouve, une fois de plus, qu’elle lui ment. C’est finalement une Gabrielle un peu lassée qui retrouve son sérieux et demande à sa sœur de faire preuve de franchise, en commençant par lui dire depuis combien de temps elle se trouve dans la ville australienne. « Pas longtemps... (…) Un peu moins de deux mois... à peu près... » Ses yeux s’écarquillent face à la nouvelle « Deux mois ? Sérieusement, Meryl ? ». Gabrielle est consciente que Meryl n’est pas arrivée hier non plus, elle aurait parié une semaine ou deux tout au plus… mais deux mois… C’est différent. « Je... J’ai voulu te prévenir... Je suis venue chez toi et je t’ai vue avec des gens... Vous aviez l’air de vous amuser alors je n’ai pas voulu vous déranger... » Et elle est venue devant chez elle en plus ? Gaby reste bouche bée « Après... les jours sont passés, et puis les semaines et j’ai pas osé. Je me sentais stupide de débarquer comme ça sans prévenir, j’ai voulu repartir à San Diego, mais j’avais pas les moyens de me payer le billet. » En plus ! L’avocate secoue alors la tête de gauche à droite lentement, sans quitter du regard sa petite sœur « Attends, attends. Tu es en train de me dire que tu es venue jusqu’à chez moi et comme tu m’as vu avec des gens en train de m’amuser, tu t’es dit "non, vaut mieux que je reparte et que je lui dise rien" ? A quel moment ça t’a paru être une bonne solution, Mer ? » Elle est un peu décontenancée et dans l’incompréhension « Tu penses vraiment que si tu avais daigné montrer ta petite tête, je n’aurai pas été ravie de te voir ? ». Comment Meryl pouvait-t-elle penser ça ? Le regard de Gaby s’attriste et comme elle a énormément de questions à lui poser, elle propose – enfin, en réalité, elle ne lui laisse pas vraiment le choix « Viens, on va aller s’installer au Starbuck pour parler tranquillement »
Après avoir parcouru quelques mètres, en silence, les deux sœurs sont installées avec leurs boissons à une table « Je t’ai dit de venir me rejoindre à maintes reprises ? Je ne comprends pas pourquoi tu n’as pas daigné me prévenir… » elle montre là peut-être sa déception, et pourtant, elle est elle-même mal placée pour lui reprocher quand elle a agi avec ses frères ainés de la même manière. Finalement, elle pourrait presque la comprendre… « Qu’as-tu fait durant tout ce temps à Brisbane ? Tu vis où ? ». Son ton est posé, inquiet même, surtout qu’elle n’oublie pas que sa sœur a précisé ne pas avoir l’argent pour se payer un billet retour pour San Diego… Et elle se dit que ce ne doit pas être l’unique chose qu’elle ne peut pas se permettre.
Mars 2022. « C’est donc ça, cette affaire était plus importante que d’appeler ta grande sœur pour lui dire que tu étais arrivée à Brisbane » « Tout de suite les grands mots... J’allais t’appeler... » Un jour... La jeune femme récupère le vinyle tendu par son aînée, elle sait bien que son excuse ne tient pas la route... Elle est grillée Meryl, en beauté et elle comprend que le mensonge n’est qu’une pâle illusion, ça serait prendre Gabrielle pour une imbécile et elle n’y tient pas le moins du monde. Alors elle se contente d’un faible silence pas certaine de savoir quoi rétorquer à cette évidence : oui elle aurait dû l’appeler... Elle y avait songé, dès lors qu’elle avait pris la décision de quitter les Etats Unis, mais pour lui dire quoi ? ‘Gabrielle j’ai merdé sérieusement et je ne sais plus quoi faire ?’ Elle passe donc aux aveux, refusant de s’enfoncer dans un mensonge en prétendant qu’elle était là depuis quelques jours... et la réaction ne se fait pas attendre quand elle voit les yeux de sa soeur se faire aussi grands que des soucoupes ! « Deux mois ? Sérieusement, Meryl ? » « Plus ou moins... » Comme si ça allait aider à faire passer la pilule. Meryl s’arrange pour ne pas croiser son regard, alors qu’elle cherche à justifier son acte le plus sincèrement du monde. « Attends, attends. Tu es en train de me dire que tu es venue jusqu’à chez moi et comme tu m’as vu avec des gens en train de m’amuser, tu t’es dit "non, vaut mieux que je reparte et que je lui dise rien" ? A quel moment ça t’a paru être une bonne solution, Mer ? » « C’est sûr que dit comme ça... ça à l'air débile ! » Elle ne répond pas vraiment à sa question, car ça voudrait dire avouer ses craintes et tout ce qu’elle pouvait bien avoir sur le cœur, alors elle se garde bien d’en dire plus. « Tu penses vraiment que si tu avais daigné montrer ta petite tête, je n’aurai pas été ravie de te voir ? » « J’en sais rien... » T’es partie à l’autre bout du monde après tout, pour les rejoindre eux... Pour être franche la gamine laissée pour compte avait douté en voyant la scène. Elle s’était dit qu’elle ferait tache dans le décor parfait de sa nouvelle vie.
« Viens, on va aller s’installer au Starbuck pour parler tranquillement »Elle comprend qu’elle n’a pas le choix. De toute façon elle n’avait nullement l’intention de la fuir, au contraire, la retrouver lui faisait du bien. Installées en terrasse, la jeune femme ne relance pas vraiment la conversation, consciente que Gabrielle va s’en charger rapidement. « Je t’ai dit de venir me rejoindre à maintes reprises ? Je ne comprends pas pourquoi tu n’as pas daigné me prévenir… » Meryl vient hausser les épaules, baissant la tête en remarquant la déception chez son aînée. « J’en sais rien Gaby... Je voulais pas être un poids dans ta vie encore... Je suis désolée. » C’est sûr qu’elle serait plus déçue encore si elle lui disait absolument toute la vérité. « Tu as l’air d’avoir reconstruit ta vie ici, je suis contente pour toi. J’ai la mienne à San Diego, c’est plus sage que j’y retourne. » Elle ravale son angoisse en jouant avec la paille de sa boisson sans pour autant affronter le regard de Gabrielle. « Qu’as-tu fait durant tout ce temps à Brisbane ? Tu vis où ? » « Je ne dors pas dehors si c’est ça ta question... Au début j’ai profité un peu de la vie Australienne et puis je me suis trouvé des petits boulots ici et là pour me faire un peu d’argent. » Elle se doute bien que sa réponse va agacer la brune et sûrement pas la rassurer sur ses conditions précaires. « J’ai rencontré un gars dans l’avion, il m’a donné quelques tips sur Brisbane et j’ai pu trouvé une sorte d’auberge pas trop cher pendant quelques jours. » Ca ne la dérange pas de vivre d’amour et d’eau fraîche, elle n’est pas à la rue, et pour le moment elle n’est pas à plaindre. Elle n’estime pas sa situation précaire. « En ce moment, je squatte le salon d’ un collègue et quand vraiment j’ai pas le choix, je dors à l’hôtel. » Bref, elle se débrouille pas trop mal de son point de vue. « Les Australiens que j’ai pu croiser sont assez chaleureux au final... » Elle joue les filles détachée, un peu insouciante dans le fond face à l’inquiétude légitime de son aînée.
Mars 2022. « Tout de suite les grands mots... J’allais t’appeler... » Son regard suspicieux sur sa sœur montre que Gabrielle en doute fortement. Et de plus en plus au fur et à mesure de l’échange entre elles deux, quand elle découvre en plus que cela fait déjà deux mois qu’elle est sur Brisbane et qu’elle n’a pas daigné la prévenir « Plus ou moins... ». Et elle en rajoute. L’échange commence à exaspérer Gabrielle, qui en plus de tous les autres mensonges auxquels elle a été confrontés ces derniers temps, a cette impression que ceux-ci sont un package offert à la naissance dans la famille Strange. Ces derniers gravitent en permanence dans sa vie et parce qu’elle ne veut pas faire payer les pots cassés à sa sœur, elle préfère ne rien rétorquer, si ce n’est grimacer et lever les yeux au ciel d’un air exaspéré. Meryl tente alors de se justifier et peut-être qu’il aurait mieux valu qu’elle ne le fasse pas, tant savoir pour Gabrielle qu’elle se soit trouvée sur le pas de sa porte mais qu’elle ait rebroussée chemin pour une excuse qu’elle trouve ahurissante ne fait que l’agacer davantage « C’est sûr que dit comme ça... ça à l'air débile ! » Elle n’acquiesce pas, ne dit rien une fois de plus, mais ce n’est pas parce que Gabrielle était en plein milieu d’une soirée avec des collègues de travail qu’il fallait nécessairement qu’elle s’abstienne de débarquer. Bien sûr que Gaby aurait été prise au dépourvue, mais agréablement. Elle aurait préféré, plutôt que de découvrir la présence de sa sœur au détour d’une rue, comme aujourd’hui, et ça quelques mois plus tard après son arrivée. « J’en sais rien... ». Si la colère était quelque peu perceptible sur les traits de l’avocate, c’est cette fois la tristesse qui y prend place, quand Meryl semble ne pas savoir si sa grande sœur aurait été ravie de la voir. « Mer… » et elle s’interrompt, lâchant un soupir quand elle a conscience des raisons qui poussent Meryl a pensé de la sorte. Alors, elle lui propose d’aller prendre place au Starbucks pour pouvoir discuter un peu plus posément.
Les deux sœurs installés, le silence s’immisce quelque peu avant que Gabrielle ne l’interrompt. Elle essaye de comprendre pourquoi Meryl n’a pas daigné la prévenir de son retour, reprenant finalement la conversation là où elle s’est arrêtée quelques minutes plus tôt « J’en sais rien Gaby... Je voulais pas être un poids dans ta vie encore... Je suis désolée. » « Un poids ? Tu n’as jamais été un poids dans ma vie, Meryl, que ce soit dans le passé ou aujourd’hui, dans le présent. Pourquoi tu serais un poids en plus ? ». Elle ne comprend pas. Est-ce que sa cadette ne lui dit pas tout ? Est-ce qu’il y a des choses qu’elle ignore encore sur les raisons qui l’ont poussé à venir ici, à Brisbane et qu’elle ne veut partager avec elle ? « Tu as l’air d’avoir reconstruit ta vie ici, je suis contente pour toi. J’ai la mienne à San Diego, c’est plus sage que j’y retourne. » Reconstruire est un bien grand mot. Bien sûr que Gabrielle se plait ici, a réussi à faire sa place professionnellement parlant, est parvenu à se faire un cercle d’amis, la seule ombre au tableau étant ces rapports encore tendus avec Alex et le départ de Finn, ce qui ne lui a pas laissé grand temps de profiter de ses retrouvailles avec lui. « Ce n’est pas parce que j’ai reconstruit ma vie ici qu’il n’y a plus de places pour toi, Meryl ». Lui demander les raisons de son départ de San Diego lui brûle les lèvres, mais elle s’abstient pour le moment « Et tu n’as pas à repartir, ne sois pas ridicule ». Il est hors de question qu’elle reparte alors qu’elles viennent de se retrouver. Et Gaby n’est pas certaine que c’était dans les plans de Meryl d’être uniquement de passage ici. « Je ne dors pas dehors si c’est ça ta question... Au début j’ai profité un peu de la vie Australienne et puis je me suis trouvé des petits boulots ici et là pour me faire un peu d’argent. » Est-ce surprenant de dire que le récit qu’elle lui conte ne lui plait guère ? C’est ce qui explique ce froncement de sourcils alors qu’elle sirote son thé glacé « J’ai rencontré un gars dans l’avion, il m’a donné quelques tips sur Brisbane et j’ai pu trouvé une sorte d’auberge pas trop cher pendant quelques jours. (…) ce moment, je squatte le salon d’ un collègue et quand vraiment j’ai pas le choix, je dors à l’hôtel. (…) Les Australiens que j’ai pu croiser sont assez chaleureux au final... » Elle est restée beaucoup trop silencieuse Gabrielle, et ça ne doit pas nécessairement rassurée sa cadette. « On ira récupérer tes affaires chez ce type, et tu vas venir vivre avec moi » Elle ne lui en laisse pas le choix, ne lui demande pas si cela lui tente, car il est hors de question qu’elle la laisse vagabonder à droite à gauche, alors qu’elle a plusieurs chambres chez elle. Et même si l’Australie est un pays chill et plutôt safe, il n’en reste pas moins que Gaby ne peut supporter de savoir sa sœur dans cette situation précaire « J’y tiens ajoute-t-elle car elle sait que Meryl va sûrement riposter. et puis, si tu galères financièrement, je peux t’aider, tu le sais Ce ne serait pas la première fois, ni la dernière, Gabrielle ayant toujours aidé sa petite sœur à ce niveau-là, que ce soit pour ses études, son appartement à San Diego ou autres « Pourquoi tu es parti de San Diego, Meryl ? Et tes études ? » demande-t-elle sur un ton qui se veut prudent, cherchant sûrement à mettre sa cadette en confiance pour qu’elle accepte de lui parler, sincèrement.
Mars 2022. "Mer..." "Meryl soupire, elle ne regarde pas sa sœur, pas vraiment sereine. Elle l'aurait appelée, pour sûr... Elle avait manqué de courage, avait juste eu peur du jugement ou de constater que ses craintes profondes se révèlent vraies. Constater la surprise de sa sœur en la voyant et le malaise que sa présence aurait pu engendrer car non désirée. C'est une sensation profondément ancrée chez elle, si bien que même si on le lui répète encore et encore, elle n'arrive pas à l'intégrer. Elle a toujours été en insécurité de ce côté là et si Gabrielle a toujours tout fait pour qu'elle se sente bien et stable, son départ précipité avait fait vaciller son assurance et son équilibre trop précaire. Alors non elle ne pouvait pas affirmer à sa sœur qu'elle était sûre que sa présence lui ferait plaisir car pour être franche, elle n'en savait rien. Elle ne savait plus après que son aînée ait mis plus de onze milles kilomètres entre elles deux.
Meryl suit son aînée avant de s'excuser face à l'espèce de déception qu'elle peut percevoir. « Un poids ? Tu n’as jamais été un poids dans ma vie, Meryl, que ce soit dans le passé ou aujourd’hui, dans le présent. Pourquoi tu serais un poids en plus ? » Les mots la rassurent, pourtant elle est toujours en peine. " Parce que tu as hérité de moi alors que tu n'avais rien demandé et que je sais que je ne suis pas toujours facile à vivre... " Et qu'aujourd'hui encore elle a merdé et qu'elle a besoin de sa sœur pour retrouver un semblant d'équilibre. « Ce n’est pas parce que j’ai reconstruit ma vie ici qu’il n’y a plus de place pour toi, Meryl. Et tu n’as pas à repartir, ne sois pas ridicule » Meryl garde le silence, pourtant le fait que son aînée ne la repousse pas et qu'elle lui parle de rester auprès d'elle lui réchauffe le cœur. Gabrielle lui a tellement manqué depuis son départ. Maintenant qu'elle est là, à côté d'elle, Meryl ne se voit pas repartir et poursuivre sa route à San Diego. Pour dire vrai, ça l'attriste plus qu'autre chose de ne serait-ce qu'y penser. La petite blonde laisse apparaître un sourire rassuré qu'elle n'arrive pas vraiment à dissimuler. "Dans ce cas, je t'annonce officiellement mon arrivée sur le sol australien... " Elle affiche un grand sourire, tente de dédramatiser les choses, comme si ça pouvait faire oublier le fait qu'elle est ici depuis des semaines et qu'elle a déjà fait le tour de la ville, au moins en partie.
Tout en buvant son verre, elle prend le temps de raconter ses quelques aventures, sans se soucier du fait que son aînée garde un silence qui en dit long. La blonde est ravie de cette aventure, ce petit côté baroudeur, la jeune femme lui trouve un certain charme, même si elle ne cracherait sûrement pas sur une stabilité retrouvée. Elle perd son sourire quand elle croise le visage de la brune, parce qu’elle connaît ce regard, et qu’elle se doute que sa petite vie précaire ne lui plait pas le moins du monde. « On ira récupérer tes affaires chez ce type, et tu vas venir vivre avec moi » Au taquet, la jeune femme ne peut s’empêcher de tiquer. « Gabrielle je... » Mais elle ne la laisse même pas terminer sa phrase que déjà elle clôt la discussion d’un ferme « J’y tiens et puis, si tu galères financièrement, je peux t’aider, tu le sais.» Contrariée dans ses petits plans, la cadette des Strange ne peut s’empêcher de soupirer, sûrement un peu trop vexée d’être considérée comme une gamine incapable de se débrouiller seule. « T’es pas forcée, je m’en sors pas trop mal tu sais. » qu’elle dit en bougonnant tout en jouant avec sa boisson. « Et c’est un gars sympa... » Comme si ça allait changer quelque chose à la décision de sa soeur. « Mais bon si tu y tiens, j’accepte de venir chez toi quelques temps. » Au moins elle se donne l’impression de contrôler un minimum les choses alors qu’elle redoute les questions de sa soeur. « Pourquoi tu es partie de San Diego, Meryl ? Et tes études ? » Un instant, la blonde reste silencieuse, pas certaine de savoir quoi répondre à ça. Elle n’a pas envie de la décevoir, pas envie qu’elle sache les véritables raisons de sa venue. « J’ai râté mon examen... » C’est toujours mieux que d’avouer qu’elle a tout abandonné, qu’elle n’a même jamais tenté de passer ce foutu examen par manque de courage. « De toute façon, je ne pense pas que j’étais faite pour ça. C’était trop de responsabilités. » Elle s’en est convaincue en tout cas, à grand coup de doutes sur ses capacités à mesure que le temps passait jusqu’à en être certaine. « Et si je suis venue en Australie, c’est parce que tu me manquais... » Elle avait des amis à San Diego mais ça n’était pas pareil qu’avoir une famille, même si dans son cas, elle n’était composée que d’une seule personne. « Je crois que... J’en avais juste assez d’être toute seule à l’autre bout du monde alors que vous étiez tous les trois ici. » Ca réveille ses angoisses et toutes ses incertitudes d’évoquer ça à voix haute. « Quand tu étais à Los Angeles, c’était plus facile, je savais que je pouvais venir te voir, mais quand tu es partie... » Elle ne continue pas sa phrase, préfère soupirer que de poser des mots sur ce qu’elle a pu ressentir à ce moment précis. « Enfin c’était plus pareil. »
Mars 2022. " Parce que tu as hérité de moi alors que tu n'avais rien demandé et que je sais que je ne suis pas toujours facile à vivre... " Gabrielle ne peut supporter d’entendre ces paroles ahurissantes de la part de Meryl et c’est pour cette raison qu’elle réagit spontanément « Tu es ma petite sœur, Meryl, m’occuper de toi n’a pas été une corvée ! » Elle ne fait pas référence à la vie qu’elles ont eu, à ce cadre dans lequel elles ont grandi mais Gaby n’aurait jamais pu abandonner sa petite sœur et au fond, préfère que Mer’ ait eu l’occasion de grandir dans un cadre plus stable que celui dans lequel elle et ses frères ont grandi. Non pas que Gabrielle se soit un jour réjouit de la mort de leur père, mais l’homme qu’il était ne méritait aucunement ce titre et n’aurait pas permis à Meryl de connaitre une enfance digne de ce nom. L’ainée continue de rassurer la cadette en lui disant qu’elle a toujours une place dans sa vie, même si Gabrielle est consciente de l’avoir abandonné en quittant Los Angeles comme elle l’a fait "Dans ce cas, je t'annonce officiellement mon arrivée sur le sol australien... " Un petit sourire se dessine malgré tout sur les lèvres de Gabrielle, qui lève aussi les yeux au ciel mais qui est ravie de l’entendre et surtout de l’avoir avec elle, ici, en chair et en os.
Meryl lui conte ses aventures depuis son arrivée sur les terres australiennes et il est peu dire que savoir que sa petite sœur vit entre le canapé d’un collègue de boulot et une chambre d’hôtel l’enchante guère et c’est pour cette raison qu’elle annonce à sa sœur qu’elle va venir vivre avec elle « Gabrielle je... » et ça même si Meryl y trouve quelque chose à redire, ne lui laissant, en réalité, pas le choix. « T’es pas forcée, je m’en sors pas trop mal tu sais. (…) Et c’est un gars sympa... » Le regard de Gabrielle est sûrement suffisant expressif pour lui faire comprendre qu’elle ne changera pas d’avis, quoi qu’elle puisse dire « Mais bon si tu y tiens, j’accepte de venir chez toi quelques temps. » Un sourire satisfait apparait sur les lèvres de Gabrielle qui incline doucement la tête en avant « Tu pourras rester autant de temps qu’il faudra, Meryl » dit-t-elle sur un ton doux. Il y a peut-être là, dans sa proposition – enfin si on peut l’appeler ainsi, peut-être que le terme injonction serait plus adéquat – une envie de vouloir se racheter après être partie précipitamment de Los Angeles, sans même lui avoir donné de réelles explications. Gaby est consciente qu’elle l’a blessé et désormais réunies, elle souhaite lui prouver qu’elle ne la laissera pas tomber une deuxième fois…
Bien qu’elle soit heureuse de la retrouver ici, l’américaine a besoin de comprendre pourquoi Meryl a quitté San Diego, quand elle aussi semblait s’être bien établie là-bas et ça depuis quelques années déjà. « J’ai râté mon examen... » Cela étonne évidemment Gabrielle, non pas parce qu’elle l’a raté mais plus parce que cela a suffit à la faire abandonner. Et cela ne ressemble pas à sa cadette « Les échecs arrivent à tout le monde, Mer’. Tu aurais pu le repasser et je suis persuadée que tu aurais réussi la deuxième fois » « De toute façon, je ne pense pas que j’étais faite pour ça. C’était trop de responsabilités. » La réponse est étonnante de sa part et même si elle ne manifeste aucune objection, il y a ce plissement d’yeux de la part de l’avocate qui montre qu’elle peine à la croire totalement ayant l’impression que Meryl ne lui dit pas tout. « Et si je suis venue en Australie, c’est parce que tu me manquais... » La voilà l’autre raison, et c’est un pincement au cœur que ressent Gabrielle à ce moment-là, venant instantanément se saisir de la main de sa petite sœur sans pour autant l’interrompre « Je crois que... J’en avais juste assez d’être toute seule à l’autre bout du monde alors que vous étiez tous les trois ici. (…) Quand tu étais à Los Angeles, c’était plus facile, je savais que je pouvais venir te voir, mais quand tu es partie... (…) Enfin c’était plus pareil. ». Son air s’attriste, elle acquiesce à de nombreuses reprises pour montrer à Meryl qu’elle la comprend et laisse cette histoire d’études de côté quand, désormais, elle ne ressent que de la culpabilité, se sentant responsable du choix de sa cadette. Son autre main vient à se joindre à la sienne « Je suis désolée, Meryl. Sincèrement désolée d’être partie aussi précipitamment » Elle pourrait lui dire la vérité maintenant qu’elle la sait ici, avec elle. Mais elle préfère la préserver, et sûrement éviter que Meryl soit déçue à nouveau, l’occasion se représentant très certainement à un autre moment pour lui révéler les vraies raisons. « Je suis heureuse que tu aies décidé de nous rejoindre, ici. Tu m’as beaucoup manquée. Plus rien ne nous séparera je te le promets » Elle le formule à voix haute, plantant son regard dans celui de sa petite sœur alors qu’elle serre davantage ses mains dans les siennes. « Tu peux toujours reprendre tes études ici, si tu le souhaites. L’année scolaire vient juste de commencer, il y a peut-être moyen pour que tu t’inscrive en cours de route ». Elle relâche les mains de sa sœur alors qu’elle vient à prendre une gorgée de son breuvage « Sinon… concernant nos frères. Finn est partie vivre en Grèce avec sa petite amie en janvier… Il souhaitait repartir de zéro dans sa vie, il en avait besoin » Elle ne donnera pas plus de détails quand elle ne souhaite pas révéler à Meryl les sombres secrets de leurs frères, préférant la préserver à ce sujet. « Quant à Alex… Il vit toujours ici » Elle n’en dit guère plus, tentant de conserver sa haine contre leur ainé et pour se faire, ne s’éternise donc pas sur le sujet. « On peut y aller si tu veux. On passe récupérer tes affaires et on va chez moi. Tu verras l’intérieur de la villa… cette fois » Gaby adopte un air légèrement taquin, faisant référence à ce que Meryl a pu lui dire quand elle est venue quelques semaines plus tôt devant chez elle en ayant pas eu le courage de venir la déranger. Les deux jeunes femmes se lèvent, prêtent à quitter les lieux, mais avant ça, Gaby vient à prendre à nouveau sa petite sœur dans ses bras, passant un des siens autour de ses épaules « Va falloir qu’on fête ton arrivée. Je t’invite ce soir au restaurant pour la peine et je t’autorise à prendre un verre d’alcool pour trinquer » Un petit rire s’échappe d’entre ses lèvres alors qu’elles se mettent en marche et que Gabrielle semble avoir oublié que Meryl n’a plus cinq ans et est désormais une jeune femme de vingt quatre années. Son arrivée redonne en tout cas du baume au cœur à l’ainée des sœurs Strange et c’est tout ce dont elle a besoin actuellement.