Il avait retourné les problèmes et leurs solutions approximativement mille fois dans son esprit - et il en était même arrivé à se demander pourquoi il devait chercher des solutions à des problèmes qui n’avaient lieu d’exister. Les faits étaient les faits, et il ne pouvait désormais plus nier que la pire des situations, à ses yeux, se trouvait désormais devant lui: Grace était enceinte. Dieu, qu’il aurait préféré ne pas avoir à prononcer ce type de phrase - pas maintenant, pas de si tôt, pas à contre cœur -, mais aujourd’hui se rendre à l’évidence était la seule option disponible, surtout qu’il avait contre son gré commencé à en parler un brin de trop autour de lui.

Et ce qui l’avait poussé à finalement prendre son courage à deux mains pour enfin se résoudre à aller annoncer la bonne nouvelle à sa sœur, c’était qu’en ayant un coup de trop dans le nez il n’avait su tenir sa langue face à Rhett - il s’en voulait d’ailleurs, en grande partie, beaucoup pour ça.

Je suis chez Ethel ce soir, ne m’attends pas pour dîner, les quelques mots qu’il avait adressé par message à sa fiancée alors qu’il se dirigeait vers sa voiture sur le parking de l’hôpital. Il n’avait pas prévenu Grace en avance, préférant éviter toute discussion qui pourrait s’avérer épineuse avec la blonde quand cela était possible. En réalité, Ruben n’avait pas encore pris la peine de prévenir sa sœur qu’il débarquait chez elle ce soir - elle n’aurait pas le temps de se poser trop de questions de la sorte. Car, s’ils avaient toujours été proches depuis leur enfance et que cela avait réussi à perdurer à travers les années, elle était pourtant celle face à qui il se trouvait être le plus embêter d’annoncer la nouvelle; et s’il prévenait la jeune femme qu’ils se voyaient ce soir et qu’ils le faisaient parce-qu’il avait quelque-chose à lui annoncer, il savait d’avance qu’elle allait se faire des noeuds au cerveau jusqu’au moment où il arriverait chez elle. De la sorte, elle n’avait en rien le temps d’appréhender cette rencontre, lui avait l’avantage de pourvoir préparer jusqu’au dernier moment la façon dont il allait lui annoncer la nouvelle, et peut-être que ce serait mieux ainsi.

Il avait perdu toute sa belle assurance, Ruben, alors qu’il appuyait sur la sonnette de l’appartement de sa sœur. Son regard clair semblait porter le voile d’un orage imminent; pas de ceux de la colère, mais plutôt de la tristesse, de l’inquiétude. Ce n’était pas dans ses habitudes, autant de tant hésiter face à l’idée de parler à Ethel que d’avoir besoin de s’épancher sur ce qu’il pouvait ressentir, mais il sentait en son sien que c’était le moment de le faire. Et, même s’il ne le montrait que rarement parce-que ce n’était pas son tempérament que d’agir à la suite des indications de son coeur, aujourd’hui il avait besoin de mettre sa raison de côté. « Surprise, Ethie ! » Le sourire qu’il affichait se trouvait faire partie des rassurants de sa panoplie, parce-qu’il n’était pas question qu’elle s’inquiète plus que par sa simple présence sur le pas de sa porte. « Dis moi que t’as rien de prévu ce soir, et que j’ai bien fait de partir plus tôt de l’hôpital pour bousculer tes plans ? » Dis oui Ethel, dis à ton petit frère qu’il dérange en rien et qu’il est le bienvenue chez toi était la traduction silencieuse des paroles de Ruben.

A peine la porte de l’appartement de sa soeur fut ouverte que déjà, elle lui affichait son plus beau sourire - et le jeune homme, par instinct, lui répondit en geste miroir. Il y avait toujours ce petit quelque-chose qui faisait que lorsqu’il se trouvait en présence d’Ethel, Ruben se sentait déjà de suite mieux; c’était ce quelque-chose qu’il n’avait jamais réussi à trouver en présence de Rhett, et ce quelque-chose qu’il ne s’était jamais appliqué à rechercher de toutes façons. « Tout dépend si tu viens armer d’une bouteille de vin ou non… » Un petit rire se fit entendre du côté de Ben alors qu’il tirait le bras qu’il avait gardé derrière son dos jusque maintenant, mettant désormais visuellement accessible une bouteille de vin qu’il s’était appliqué à passe chercher au magasin avant de venir jusqu’ici. « Je connais les codes de la maison, t’inquiètes pas. » Lui adressant un petit clin d’oeil, il finit par déposer un baiser sur sa joue alors qu’il passait à ses côtés pour entrer dans définitivement dans l’appartement, autorisé à entrer chez sa soeur.

« Blague à part, tu fiches quoi ici à cette heure-là minot ? » Cela le faisait toujours sourire, lorsque Ethel lui donnait des petits surnoms de la sorte; autant parce-qu’il appréciait réellement le fait qu’elle soit douce de la sorte avec lui que parce-que les surnoms qu’elle lui réservait tel que ce minot rappelait qu’elle était l’ainée des deux. Il avait souvent tendance à l’oublier, Ruben, qu’il n’était pas l’ainé de leur duo et que par conséquence, c’était à sa soeur que revenait le droit de le surnommer de la sorte. Il fallait dire que cela pouvait assez souvent porter à confusion, surtout pour ceux ne connaissant pas du tout les Hartfield. A côté de Ethel, Ben paraissait être celui ayant la vie bien rangée, parfaite sur tous les points que pouvait citer la société. Et il était vrai, qu’il menait une vie dite plus stable que la jeune femme chez qui il avait sonné ce soir; ce n’était pas pour autant que sa vie à lui était meilleure que celle de la demoiselle. « Tu te doutes bien qu’habiller de la sorte, ma soirée allait se contenter d’un plateau tv en mode solo. » Il se débarrassa de ses chaussures et de sa veste dans l’entrée, avant de la rejoindre dans la cuisine. Contrairement à celle de chez Rhett, où il tâtonnait pour trouver le moindre ustensile, ici il connaissait les placards par coeur et savait se servir au bon endroit lorsqu’il avait besoin de quelque-chose. C’était le résultat des heures qu’il avait pu passer avec sa soeur. « Je viens transformer ta soirée solo en soirée duo ? » Ruben feintait l’innocence, prenait son air le plus angélique, sa voix résonnant dans des aigus qui lui allaient pourtant si bien au teint.

Sauf qu’Ethel n’était pas dupe et ce n’était pas le genre de réponse qui ferait mouche - pour toute personne connaissant assez bien Ben, de toutes façons, perdre une soirée alors que ce n’était pas prévu au programme n’était pas vraiment son style. Et pourtant, il était arrivé ici ce soir sans avoir annoncé son arrivée avant. Sans attendre quelconque consigne de la part de la soeur, il était déjà en train de sortir deux verres à vin du placard et d’ouvrir la bouteille qu’il avait emmené avec lui; de mémoire, la blonde avait bien aimé cette bouteille la dernière fois qu’il en avait pris pour diner. « Je te dirais bien que j’ai quand même le droit de passer une soirée de temps en temps avec ma grande soeur. » Le sourire qui étirait ses traits était un brin moins enjoué en comparaison avec celui qu’il avait présenté en arrivant ici. « Mais je sais aussi que tu vas comprendre que c’est pas simplement ça. » Il fit glisser sur le plan de travail l’un de deux verres pleins en direction de sa soeur, avant de lui intimer de le suivre jusqu’au salon.

Et quitte à passer un mauvais moment si la nouvelle qu’il était sur le point de lui apporter n’était pas de celles qu’elle s’attendait à entendre, autant mettre les pieds dans le plat directement. « J’ai quelque-chose à t’annoncer, et je sais pas comment le faire. » Parce-que, également, il avait toujours été franc, honnête et ouvert avec sa soeur, si bien que les choses se devaient de commencer de la même sorte aujourd’hui. Il l’avait avoué, ivre, quelques soirs plut tôt à Rhett alors qu’il ne savait discuter avec ce dernier - en parler avec Ethel se devait d’être un jeu d’enfant normalement. « Je voulais le faire l’autre soir, mais je voulais pas gâcher ton anniversaire et je voulais pas que les oreilles de maman entende la nouvelle. » Contrairement à ses habitudes, il tournait autour du pot - il détestait pourtant les gens qui utilisaient cette méthode en temps normal. Déjà, ses doigts jouaient avec son verre, l’un deux se baladait sur le bord du contenant, et son regard fuyait celui d’Ethel de toutes les façons dont il disposait. Comment était-ce possible d’être si hésitant, face à cette personne pourtant qu’il savait ne porterait pas de jugement à ce qu’il s’apprêtait à lui annoncer ?

« Je vais être papa, Ethel. »

« Tu le fais quand tu veux tu sais, mais t’as abandonné Grace ? » Il fit de son mieux pour esquisser un petit sourire. « On survit l’un sans l’autre, tu sais. » Et puis, de toutes façons, ils étaient habitués à passer des soirées loin de l’être aimé, étant donné leurs plannings respectifs et les gardes qu’ils pouvaient enchainer pendant des jours. « Elle est de garde ce soir, de toutes façons. » Il lui semblait. Normalement. Peut-être qu’il avait confondu entre hier et aujourd’hui - mais de toutes façons, il l’avait prévenu qu’il ne rentrerait pas de si tôt étant donné qu’il passait la soirée chez sa soeur. Ce n’était pas la première fois que cela arrivait, ce ne serait pas la dernière, rien à signaler d’étrange de ce côté là. Grace avait du s’inquiéter davantage quand il avait passé la soirée, quelques jours plus tôt, avec son frère; elle connaissait parfaitement la relation qu’entretenaient les deux Hartfield.

Et de toutes façons, ce n’était pour discuter d’aucun aspect de tout ce qui lui venait là en tête qu’il s’était pointé et imposé chez Ethel, Ruben. Il avait un sujet qu’il souhait partager avec elle, et pour le moment il semblait marcher sur des oeufs. Il savait que c’était idiot et inutile, que s’il existait bien une personne qui ne le jugerait pas sur cette planète c’était sa grande soeur, mais ce n’était pas pour autant qu’il arrivait à se détacher de l’étrange sensation que portait son coeur depuis qu’il avait pris la direction de l’appartement en sortant de l’hôpital. « Bon Beninou, qu’est-ce que t’as ? » De toutes façons, s’il tentait de cacher qu’il était un brin mal à l’aise présentement, ça ne serait pas productif puisque la blonde à ses côtés savait parfaitement lire en lui comme dans un livre ouvert. Et il n’était question que de simples minutes avant qu’une telle question soit posée de sa part. « Je te connais par cœur, et aussi fort que tu m’aimes, je sais que tu ne perdrais pas ton temps à venir jusqu’ici seulement pour partager une bonne bouteille. Raconte tout à tata. » Ruben ferma les yeux - un instant, rien qu’un moment. Comment pouvait-elle tomber si juste dans ses paroles, sans savoir pourtant de quoi il allait en ressortir dans les minutes qui suivraient ? A tata était justement le sujet que Ben tentait d’apporter sur la table, duquel il tournait autour depuis qu’il avait passé le seuil de porte de l’appartement.

Alors, plutôt que de continuer sur cette voie là, il préféra annoncer de but en blanc de quoi son esprit était embué, la raison qui alourdissait ses pensées. Et la réaction d’Ethel se fit instantanée: elle s’étouffa avec sa fumée de cigarette. « Pardon ? » - « Je t’ai déjà dit que fumer était mauvais. » Comme si c’était vraiment pour cette raison que les nocifs avaient attaqué sa gorge en cet instant. Comme si c’était surtout réellement le sujet principal à aborder dans cette discussion. Les traits de Ruben portaient tout le sérieux qu’il accordait à cette discussion, à cette situation - et le dire était déjà minimiser la chose. « Et vous comptez faire quoi du coup ? » Son premier réflexe fut de lâcher un long soupire, las. Il ne savait trop comment réagir lorsque cette question était posée - et elle ne l’avait pas été souvent, pour le moment, mais c’était déjà de trop. Surtout parce-qu’il était parfaitement conscient que beaucoup ne partager en rien son point de vue très fermé sur la question. Alors, prenant un instant pour recentrer ses mots et ses pensées, il finit par hausser les épaules. « Je suppose qu’on va être parents dans neuf mois. » Des discussions - il mettait du pluriel là où le singulier pourrait largement suffire - que Grace et lui avaient eu, c’était là la conclusion qu’il pouvait en tirer sans trop s’avancer sur la situation. Cela rendait son coeur lourd, pourtant, d’admettre une telle chose à haute voix. Pour lui, se savoir père d’ici le début d’année suivante était un échec, ni plus ni moins. Alors, Ruben plongea la tête dans ses mains, les coudes sur ses genoux. « Et j’ai pas envie d’être parent, Ethie. » Les mots sur les maux était surement la façon la plus sage d’agir, mais il ne savait le faire en regardant sa soeur dans les yeux. Lorsqu’il avait été face à Grace, les choses avaient presque étaient plus faciles. Ce soir, il perdait quelque peu l’équilibre, alors qu’il ne pensait pas avoir à être dans cette situation là avant des mois et des années.

Il le sentait, le regard de sa soeur qui ne savait le lâcher alors qu’elle abandonnait finalement sa cigarette dehors - dire qu’il fallait qu’il lui annonce ce type d’informations pour qu’elle lâche cette foutue nicotine - pour le rejoindre dans le salon. Il sentait son regard mais il ne pouvait le croiser puisqu’il avait décidé que le sien irait se loger partout ailleurs que dans les yeux de Ethel. Il ne désirait pas croiser les émotions qu’elle pouvait ressentir à ce type d’annonce. D’ordinaire, il aurait sauté sur l’occasion; il avait toujours apprécié la façon particulière dont elle ressentait les choses et dont son regard, par la même occasion, pouvait être différent sur ce qui l’entourait. Aujourd’hui cependant, Ruben ne souhaitait pas digérer d’autres émotions que les siennes, étant donné la difficulté avec laquelle il s’en sortait jusqu’alors.

La main de Ethel finit par se poser dans son dos, la chaleur de sa paume autant un baume qu’un supplice à supporter. Ce ne fut pas pour autant que Ruben releva son regard. « Et Grace veut garder l’enfant c’est ça ? » L’emploi du singulier plutôt que du pluriel donnait déjà une vue dégagé sur les circonstance de la détresse de Ben, mais effectivement, en mettant des mots sur les maux cela ressemblait à ça. Lentement, en déglutissant avec peine, il hocha la tête. « Elle veut le garder, oui. » Le garder, éviter l’emploi du mot enfant parce-qu’au yeux du jeune homme, il n’était en rien adapté à ce petit embryon qui se développait dans le ventre de sa chère et tendre. Parce-que appeler ça un enfant, également, rendait les choses un brin trop concrètes et que pour lui, ce n’était pas envisageable puisqu’il ne voulait pas devenir papa. Grace et lui avaient trouvé un équilibre presque parfait - pourquoi tout faire trembler de la sorte ? « Et c’est non-négociable de son côté. » Il n’avait guère l’habitude qu’on lui impose des choses comme ça, Ruben, lui qui avait toujours été aux commandes de son destin et de son avenir, balayant les déviances de parcours d’un revers de la main comme si rien ne pouvait lui mettre des bâtons dans les roues.

Il s’était mis seul le bâton dans les roues cette fois ci, malheureusement.

« Du coup, je peux te dire félicitations: tu vas de nouveau être tata. » Le visage qu’il releva finalement vers sa soeur n’était en rien enjoué, et ses yeux portaient plus un sentiment de désespoir qu’autre chose. C’était idiot, il aurait du être heureux de cette nouvelle. Grace et lui étaient tous les deux dans la fleur de l’âge, à des moments de vie où avoir des enfants semblait presque être la suite logique. Ils étaient financièrement aptes à avoir de nouvelles bouches à nourrir sous leur toit, et aurait leurs proches pour les soutenir dans cette nouvelle épreuve. Tout était aligné pour les aider - mais cela rendait Ruben malade de savoir d’avance que bientôt, il tiendrait un petit être dans les bras qui était son enfant, justement.

Si Ruben avait pris son temps avant de parler à sa soeur de cette nouvelle situation qui se passait sous son toit, avec sa fiancée, c’était parce-qu’il ne savait trop comment aborder le sujet. Si ce dernier était synonyme de joie pour lui, bien sur qu’il se serait précipité chez Ethel pour lui en parler. Ce n’était en rien le cas avec cette annonce de grossesse, il marchait sur des oeufs, n’était en rien à l’aise. Mais une fois que le sujet commençait à s’étaler sur la table devant eux, le coeur du jeune homme devenait de plus en plus léger et il sentait que ça lui faisait du bien. Peut-être qu’il aurait du venir ici plus tôt, pour sortir ses pensées, ses ressentis, faire le tri dans ces derniers. Peut-être aurait-il du se faire confiance plus rapidement.

« Comment peut-elle te forcer ? Vous avez eu une discussion ? Elle t’a mis un ultimatum ? » Aux paroles de la jeune femme, le premier réflexe de Ruben fut de secouer la tête. Certes, il était tout à fait au courant que ses idées étaient très arrêtées sur la question et pouvaient sembler radicales - il n’était pas inconscient à ce point là. Cependant le terrain sur lequel elle le lançait n’était en rien un de ceux avec lesquels il voulait flirter. « C’est pas à moi que revient ce genre de décision, Ethel. Je forcerai pas Grace à faire quelque-chose qu’elle veut pas. » Parce-qu’il avait beau être sûr et certain de la décision à prendre concernant ce futur enfant qui seraient le leur dans quelques mois, il ne mettrait pas de couteau sous la gorge de la jeune femme. Il appuierait ses paroles avec conviction, il ne cacherait pas ses mots, mais il n’engagerait aucune action, aucun geste qui irait à l’encontre de ce que sa fiancée désirait faire. « C’est pas un ultimatum ou quoi que ce soit qu’elle me donne, elle m’a dit qu’elle changerait pas d’avis de son côté. Et que je pourrais rien faire qui la ferait changer de toutes façons. » Il avait les lèvres pincées, Ruben. Tout dans cette situation lui hérissait le poils - et il ne supportait surtout pas l’idée de perdre le contrôle de ce qu’il lui arrivait. Ce n’était pas lui, de ne pas maîtriser les choses, ce n’était pas naturel dans son comportement et son quotidien. Pourtant, c’était exactement ce qui se passait sous ses yeux ces derniers jours. Il soupira une fois de plus.

Finalement, Ben réussit à relever son regard dans celui de sa soeur, sourire forcé et regard attristé. « Tu sais que je suis là pour toi. » Il haussa légèrement ses épaules. « Je sais. » Il n’avait jamais douté de cette partie là de l’histoire. Ethel et lui se connaissaient assez bien pour savoir que l'autre était toujours présent au besoin, qu’un coup de téléphone était toujours une option et qu’aucun des deux ne devait avoir honte d'oser demander de l’aide. Et même si c’était toujours vrai pour la discussion qu'ils avaient aujourd’hui, la constante impression que Ruben était en train de faire quelque-chose d’affreux et de contre-nature aux yeux du monde entier - mais surtout aux yeux de Grace - lui donnait du il à retordre à l’idée de tendre une main et de demander de l’aide à sa soeur. « Tu veux que j’aille parler à Grace… ? » Ses gestes répondirent plus rapidement que ses paroles, alors qu’il secouait déjà la tête. « C’est une affaire qui doit être réglée entre elle et moi. » Il ne savait comment cela allait être possible, mais pour lui il n’était pas question qu’un tiers parti soit impliqué dans leurs discussions et leurs décisions. « Je lui ai déjà expliqué mon point de vue et j’ai l’impression que ça changerait rien de le faire une fois de plus, alors… » Alors il allait devenir père et il espérait qu’il arriverait à aller au delà du dégoût qu’il ressentait à cette idée pour le moment et pour réussir à aimer cet enfant que Grace comptait mettre au monde dans tous les cas.

Les questions de sa soeur étaient légitimes, il ne pouvait pas nier ce point là. Après tout, il lui imposait sa présence et ses problèmes sans lui fournir le moindre contexte. Et Ethel n’était pas le genre de personne à laisser de côté ses proches lorsqu’il avait besoin d’elle: elle tendait la main, cherchait des solutions aux problèmes de son plein gré, se trouvait être un bonne oreille attentive. Il ne savait pas exactement ce qu’il était venu chercher aujourd’hui, en frappant à la porte de sa soeur Ruben, mais il avait surement inconsciemment besoin d’un peu de tout ça en ce moment. Mais effectivement, s’il voulait accéder à cette partie là de l’histoire, il lui fallait donner un peu d’éléments contextuels à la blonde. « Je sais bien, mais je voulais juste savoir si elle avait au moins essayé de t’écouter. » Ruben hocha la tête, d’abord en silence avant d’ajouter là des paroles explicatives, un peu plus explicites, permettant d’essayer de comprendre d’autant plus la situation. « Elle a écouté ce que j’avais à dire, mais j’ai un point de vue qui est loin du sien. Et qui va l’encontre de ce qu’elle veut. » Aucune surprise de présente dans la voix du brun, étant donné qu’il savait d’avance que si malheureusement cette situation arrivait - il aurait préféré que ce ne soit pas le cas, il avait relayé au fond de son esprit la possibilité - Grace et lui ne sauraient être d’accord sur la façon de gérer les choses. Les deux fiancés ne partageaient pas le même point de vue sur les enfants, mais ce n’étiat pas pour autant que la Craine lui avait posé un ultimatum: elle s’était contentée de lui informer la façon dont les choses allaient se dérouler. Sans surprise, ce n’était pas de la façon dont Ruben les avait imaginé se dérouler.

Le réel fond du problème, dans tous ça, était surtout que le jeune Hartfield n’était guère habitué à se retrouver dans une situation qu’il ne maitrisait pas - et à adapter son comportement en conséquence. Lui qui avait pour habitude de plutôt voir les tapis rouges se dérouler sous ses pieds, à son arrivée, au contact de ses idées, avait du mal à gérer l’idée qu’on allait lui imposer sur chose aussi importante qu’un enfant dans sa vie. La seule chose qui différait du reste de son existence, c’était qu’il s’agissait là de Grace et que pour elle, toutes les règles qu’il imposait au monde extérieur savaient se tordre. Parce-que Grace était plus importante que le reste du monde, parce-qu’elle était l’amour de sa vie - aussi niais que cela pouvait sonner, Ruben en était tout à fait conscient. Il pourrait aimer bien des personnes dans sa vie, rien n’atteindrait l’affection qu’il pouvait éprouver pour la jeune femme. Seulement parfois, un amour de cet envergure ne donnait pas plus de facilité à avaler une pilule. « Tu en as parlé à d’autres personnes ? » Et si son regard s’était par habitude tourné vers sa soeur, ce dernier esquiva le bleu de ses yeux en cet instant pour se tourner vers le verre de vin tenu dans une main - duquel Ruben but une longue gorgée, touchant le fond avec une aisance qu’il n’aimait guère. S’il avait fait les choses dans l’ordre qu’il aurait aimé, Ethel aurait été la première de la famille au courant d’un tel événement. Cependant, une soirée bien trop arrosée entre leur grand frère et lui avait tout chamboulé - et il s’en voulait, maintenant qu’il était face à Ethel. « J’en ai pas parlé aux parents pour le moment. » Parce-qu’il connaissait d’avance leur réaction, et qu’il n’était pas du tout prêt à l’affronter. Loin de là. « Mais j’en ai parlé à Garrett. » Il pinça ses lèvres, fronça quelque peu ses sourcils, sachant pertinemment d’avance que sa cadette n’allait rester de marbre face à une annonce quelque peu surprenante. Il ne perdit donc pas un seul instant pour continuer son explication. « On s’est retrouvés à participer à un tournoi de beer-pong ensemble, j’étais le seul à boire pour pas qu’il consomme d’alcool de son côté, j’ai trop bu, et j’ai fini par lui en parler. »