Après avoir annoncé sa grossesse à Ezra, ainsi qu’à Alfie bien malgré elle, Lily se presse un peu moins pour en informer le reste du monde. Personne ne sait qu’elle entretient une relation avec le Beauregard, personne ne se doute d’autant plus qu’ils cherchent tous deux à devenir parents depuis de nombreux mois déjà. Et si elle était honnête avec elle-même, elle avouerait une chose: elle a peur du jugement qui lui sera donné, parce qu’elle ne peut déjà qu’anticiper qu’il sera mauvais. Alors, elle tient une liste mentale de tous ceux à qui elle doit en parler, tous ceux qui doivent l’apprendre par ses mots plutôt que par du bouche à oreille, lequel ne tardera pas à se répandre. Elle est enceinte alors que son mari est mort il y a huit mois ; elle est enceinte d’un homme dont la famille a créé l’Association dont elle devenue directrice. Cette dernière information n’est qu’un pur hasard mais personne ne saurait l’accepter aussi facilement, tous en étant déjà au moment de sauter à la conclusion qui n’a pourtant rien à voir avec la réalité et à tout le travail qu’elle a dû mettre en oeuvre pour arriver à ce niveau là. Peu importe.

Les noms. Scarlett, Carl, Deklan, Corey. Corey, en premier. Parce que cela le regarde d’une façon différente, parce qu’il est un véritable ami depuis longtemps. Parce qu’il est Corey, aussi, et qu’elle espère sincèrement qu’il arrivera à comprendre son point de vue et son envie de fonder une famille avant de devenir trop vieille pour avoir l’opportunité de le faire naturellement. Ainsi, c’est avec les pensées dans les nuages et le cœur ailleurs qu’elle se présente au restaurant où elle a donné rendez-vous à son ami, ayant choisi un lieu public pour éviter tout scandale dont elle voudrait se préserver. Elle aspire à une vie simple, elle le jure, n’en démente son bras en écharpe dû à une violente altercation avec celui qui était il y a peu encore son colocataire.

Bientôt, son ventre sera assez arrondi pour que les gens puissent douter de son statut. Juste ensuite, plus personne n’aura le moindre doute et on lui laissera une place assise dans les transports. Déjà, Lily sourit à cette idée, cheminement nécessairement jusqu’à l’arrivée de son enfant, au début de l’année 2023. Il aura le sourire d’Ezra ou le sien, ses yeux ou les siens. Peu importe. Elle l’aimera quoiqu’il en soit, une partie d’elle souhaitant pourtant retrouver les traits du Beauregard chez cet enfant qu’elle observera grandir pour les décennies à venir. Il n’est pas encore né mais, déjà, elle ne peut qu’envisager la suite avec impatience.

Dès qu'elle voit son amis passer l'entrée du restaurant, elle se relève pour l'enlacer de son bras libre, le serrant doucement contre elle, blessure oblige. "Hey." Lily souffle doucement, tendrement, avec une certaine émotion. "Tout s'est bien passé pour toi, aujourd'hui ?" Sans égocentrisme, elle sait déjà que la discussion tournera autour d'elle, autant de son bras en écharpe que de la grossesse qu'elle doit lui annoncer, alors il s'agit là de sa première et sans doute seule chance d'avoir des nouvelles de Corey.

@corey ferguson

L’étreinte de Corey lui fait du bien, comme toujours, et Lily reste une seconde tout près de lui parce qu’elle sait que pendant cet instant, au moins, rien de mal ne peut arriver. Personne ne peut lui faire de mal, personne ne peut lui poser de questions non plus. Tout près de Corey, tout comme tout près d’Ezra, tout va toujours pour le mieux. « Salut toi. » Elle accueille avec un doux sourire le baiser qu’il dépose contre sa tempe, lui qui doit déjà tellement se pencher près d’elle pour atteindre cette partie de son visage. Son allure imposante est un synonyme de bouclier bien plus d’une menace à ses yeux. « Je suis si content de te voir. » Et dire qu’une vie plus tôt, c’est de son frère dont elle s’était amourachée avant d’apprendre à le connaître, lui, et à se dire qu’elle n’avait certainement pas choisi le bon Ferguson, avant de toute façon en revenir à la même conclusion: les sentiments qu’elle éprouve pour Corey ont toujours et uniquement été amicaux, bien qu’elle aurait parfois trouvé réconfortant l’idée du contraire. Réconfortant, mais sans doute et uniquement étrange à ses yeux à lui.

Sans un commentaire supplémentaire, elle retrouve sa place contre la chaise, replace les pans de sa robe autant qu’elle laisse glisser sa main contre son ventre, comme pour s’assurer que son enfant s’y trouve toujours et est en bonne santé - comme si elle pouvait s’en assurer d’une telle manière. « Oui très bien. Mon équipe est en formation aujourd’hui. Ils sont partis déjeuner avec le formateur, ce qui me laisse penser qu’ils ne reviendront pas avant 14H ou 15H » Il sourit, elle en fait donc de même après avoir entendu la brève réponse à sa large question. Savoir qu’il se porte bien la rassure toujours, d’une certaine manière, alors qu’ils savent tous deux à quelle vitesse tout peut passer du meilleur au pire. Alors, Lily se rassure avec ce qu’elle peut, c’est à dire pas grand chose. Pour l’heure, cela lui suffit, surtout alors que c’est tout ce à quoi elle peut aspirer. “Ca nous donne pas mal de temps, alors.” Pour simplement prendre le temps des choses, parler sans crainte, parler sans avoir à tout accélérer. Elle veut lui annoncer sa grossesse aussi délicatement que possible et cela demandera sans doute un peu de temps, surtout à en juger par les explications qui devront s’en suivre. “Ils devraient se former plus souvent.” Elle ironise finalement avec un sourire au coin des lèvres, replaçant derrière son oreille une mèche brune. S’ils le faisaient, au moins, elle pourrait passer un peu plus de temps avec Corey.

« Tu veux un verre ? » Poliment, la jeune femme décline d’abord par un geste de la main, avant d’y ajouter un simple “Non, merci.” face à la possibilité de commander son verre de vin habituel. Ce n’est pas systématique pour elle d’en boire mais quiconque la connaît un minimum sait qu’elle en a tout de même grandement l’habitude. Cet indice à lui seul ne peut pas lui faire connaître l’état qui est aujourd’hui celui de Lily, ce n’est qu’une infime pièce du puzzle qui devait inévitablement se présenter rapidement à eux. Elle sait Corey perspicace, mais jamais il ne pourrait se douter qu’elle essaye depuis de nombreux mois déjà d’avoir un enfant avec Ezra - ni avec lui, ni avec qui que ce soit d’autre. “Sans doute plus tard.” Elle ne peut pourtant s’empêcher d’ajouter et commenter, tout en sachant déjà que cet instant n’arrivera pas. Plus tard, Corey saura tout ce qu’il doit savoir. Avant cela, elle sait qu’elle lui doit déjà une autre sorte d’explications, en ce qui concerne son bras en écharpe qui ne peut passer inaperçu et encore moins être nié, même par une personne telle que Lily. « Mais dis-moi plutôt, qu’est-il arrivé à ton bras ? » Et à nouveau, elle sourit en replace une mèche, comme si tout devait nécessairement aller de pair. “Il me dit que mes années de danse sont loin derrière moi et ma dextérité avec.” Le temps où elle était une petite danseuse grandie par ses pointes et rendue plus belle encore par son tutu rose est loin, loin derrière elle. “J’étais sur un escabeau pour bricoler et je pensais encore monter un niveau au-dessus. Sauf que je me suis contentée de tomber et j’ai très mal réceptionné.” Elle annonce alors dans un rire faussement gêné. Les excuses sont préparées depuis longtemps, déjà répétées à quelques reprises aussi. Elle n’est pas douée, voilà l’éternelle excuse de ses coups et blessures. Sacré Lily, tout de même. “Ma jambe est de toutes les couleurs, c’est assez… particulier.” Elle s’invente donc d’autres blessures pour conforter ses propos et leur donner du poids, habituée à la mécanique, même lorsqu’il s’agit de mentir à un de ses plus proches amis, les yeux dans les yeux. “C’est pas bien grave, c’est juste plus impressionnant qu’autre chose.” Elle en a l’habitude, de toute façon, de soigner ses blessures autant que de les minimiser face au reste du monde. “C’est pour ça que je t’en ai pas parlé et certainement pas pour en parler longuement que je voulais manger avec toi.” Le mensonge de fin, celui qui finit de donner un sens au reste et à tous les autres. Celui qui, aussi, dans un sens, esquisse l’idée qu’elle l’a effectivement confié ici pour une raison particulière. Pourtant, Lily ne veut pas cracher le morceau tout de suite, ayant avant ça besoin de préparer le terrain.

“Avant que j’oublie” elle n’oubliera certainement pas, mais cela lui sert de parfait changement de sujet. “je t’ai ramené ça d’Indonésie.” Son voyage remonte à la semaine passée à peine, alors bien sûr qu’elle a pensé à Corey durant ces quelques jours à l’étranger, ayant voulu trouver pour lui le parfait cadeau à lui ramener, lequel elle sort désormais de son sac et présente dans un petit pochon en tissu, fermé d’une fine corde. Elle le glisse entre ses mains, fière d’avoir su lui dégoter un bracelet en cuir agrémenté d’une simple perle, simple, belle, et pourtant toujours assez masculine pour qu’elle puisse l’offrir à un homme sans honte ni doute.

“Ca nous donne pas mal de temps, alors.” Il acquiesce. « Tu ne pouvais pas choisir meilleur jour. » Corey est serein et satisfait. Il n’est jamais plus heureux qu’en compagnie des gens qui lui sont proches. Et Lily faisait partie des plus proches. Il l’avait toujours appréciée et ce dès le soir ou Callum la lui avait présentée. Les années passées n’avaient fait que les rapprocher davantage. “Ils devraient se former plus souvent.”Il comprend le sous-entendu. « Oui, en venant, je me suis dit que le temps passait trop vite et qu’on ne se voyait pas assez ces dernières semaines. » C’était bien de s’appeler, mais ça ne suffisait pas. « Il faudrait vraiment se voir plus souvent. Après tout on habite le même quartier ! Aller voir un film, ou dîner ensemble, même sur un coup de tête, ça devrait être faisable. » Il s’emballe un peu, avec enthousiasme et parle presque autant avec ses mains qu’avec ses lèvres. Il s’en rend compte et tente de les occuper plus sagement sur la table. Il n’aime pas spécialement se faire remarquer même s’il n’est pas vraiment du genre à faire trop attention à ce que les autres peuvent penser. Parfois, souvent, il admire la maîtrise que Lily a d’elle-même en tout temps. Toujours aimable, toujours polie, toujours bien mise. Ça lui va si bien et lui semble si naturel. La personne parfaite pour diriger une association luttant contre le cancer.

La serveuse approche mais Lily décline le verre avant son arrivée. “Sans doute plus tard.” « Comme tu veux » Corey demande alors une carafe d’eau et, sûrement inspiré par Lily décide de rester sur du light lui aussi. Après tout il faudra retourner au travail après. La serveuse repart après leur avoir laissé les cartes, mais Corey ne s’y intéresse pas tout de suite. Ils ont le temps. Et il est bien plus intéressé par les explications de Lily pour son bras. “Il me dit que mes années de danse sont loin derrière moi et ma dextérité avec.” Il ne peut s’empêcher de plaisanter. « Que veux-tu on vieillit tous. » La jeune femme n'a que deux ans de plus que lui. Lui faire une remarque indirecte sur son âge, mais il ne s'en rends pas compte. A 35 ans on est beaucoup moins adroits qu'à 20 en général et ce n'est que la simple réalité. Elle poursuit : “J’étais sur un escabeau pour bricoler et je pensais encore monter un niveau au-dessus. Sauf que je me suis contentée de tomber et j’ai très mal réceptionné.” Elle raconte l’anecdote avec désinvolture. Il ne peut qu’afficher une mine mi compatissante, mi amusé. “Ma jambe est de toutes les couleurs, c’est assez… particulier.”Il ne peut s’empêcher d’imaginer la scène. Lily s’affairant et tombant. Un instant ça l’inquiète avant qu’il ne se rappelle que Lily est bien plus forte qu’on ne pourrait le croire. “C’est pas bien grave, c’est juste plus impressionnant qu’autre chose.” Et voilà la conclusion. « Heureusement. » Il espère bien que si ça avait été grave, il aurait été averti plus tôt. Pour Corey, c’était une évidence le soutien entre amis. Aucun sujet ne devait être passé sous silence dès lors qu’ils avaient une réelle importance pour le concerné.  “C’est pour ça que je t’en ai pas parlé et certainement pas pour en parler longuement que je voulais manger avec toi.” Devant le déterminisme de la jeune femme qu’il sait parfaitement capable de se débrouiller seule, il capitule : « D’accord, mais si tu as besoin de quoi que ce soit tu me sonnes, même s’il s’agit simplement d’attraper les conserves sur l’étagère du haut. » L’avantage de sa grande taille, c’est qu’il n’avait jamais eu à se mettre sur la pointe des pieds pour attraper quoi que ce soit. Très sérieusement mais avec douceur, il ajoute en se penchant vers elle « Et tu as interdiction de remonter sur un escabeau tant que tu n’es pas complètement remise. » Même si dans les faits, il n'étais absolument pas dans sa nature d'interdire quoi que ce soit et Lily le savait. C'était juste une façon détournée de lui dire de faire attention à elle. Il reprend : « Si tu as des travaux à faire, j’ai embauché il y a peu un gars qui arrondit ses fins de mois en faisant à peu près tout ce que je ne sais pas faire. Donc si tu as besoin, je te passe ses coordonnées. Pour le moment j’en suis content. » Ce n’est pas tant que la personne en question l’avait dépanné souvent, mais comme Corey et les tâches manuelles ça faisait deux…Ses parents lui avait toujours dit qu’il y avait énormément de monde, sachant faire énormément de choses différentes, et qu’il ne fallait pas hésiter à recourir à d’autres pour combler ses propres lacunes. Vaut mieux un travail bien fait, que fait à moitié. Les compétences, ça se reconnaît et si nécessaire ça se paie. A ce moment là du fil de ses pensées, Corey se rappelle que Lily a un colocataire, mais avant qu’il n’ait le temps de demander où se trouver le dit coloc au moment de la chute de la jeune femme, Lily reprend la conversation et lui temps un cadeau.

“je t’ai ramené ça d’Indonésie.” Oh l’Indonésie ! « Tu n’as pas idée comme je peux râler d’avoir raté ça. » Il récupère le cadeau tout en pensant qu’il aurait aimé pouvoir partir aussi. « Il ne fallait pas, tu sais. » Simple formule de politesse pouvant aussi se traduire par Merci, c’est gentil d’avoir pensé à moi là-bas. Il l’ouvre et découvre le bracelet avec plaisir. « Merci Lily, il est parfait » Il le met immédiatement à son poignet gauche, sincèrement touché par le cadeau. « Il faut vraiment que tu me racontes ce voyage. Qu’est-ce que tu as fait là-bas ? Tu es partie avec des gens que tu connaissais ou ce fut l'aventure complète ? »

La présence de Corey est rassurante, pour ne pas dire régénérante. Il est une ombre protectrice qui plane sur elle, comme toujours. Tout ce qu’elle espère, c’est que cela ne changera jamais, peu importe ce qu’elle fera, peu importe ce qu’elle lui annoncera. Au même titre qu’Ezra, elle est une personne qu’elle souhaite protéger des tourments de sa vie, sans pour autant accepter de justement vivre sans l’avoir tout près d’elle. « Oui, en venant, je me suis dit que le temps passait trop vite et qu’on ne se voyait pas assez ces dernières semaines. » Elle ne peut que hocher la tête, Grande Dame insistant toujours sur sa capacité à être indépendante et à tout ce qu’elle a toujours su accomplir seule, à la force de ses mains et de sa seule conviction. Pour autant, il continue d’exister ces quelques personnes à qui elle tient de tout son cœur, de toute son âme aussi. Ces quelques personnes sur qui elle pourrait se reposer dans les pires moments, si jamais aucune autre option ne paraît envisageable. « Il faudrait vraiment se voir plus souvent. Après tout on habite le même quartier ! Aller voir un film, ou dîner ensemble, même sur un coup de tête, ça devrait être faisable. » Le sourire de la brune se fige de façon polie. L’idée lui plaît, bien sûr, mais entre théorie et pratique il existe un gouffre qu’elle n’a aucune idée de comment franchir. “Je vais peut-être déménager.” Elle coupe donc rapidement pour ne pas lui laisser le temps d’avoir trop d’espoirs qui ne mèneront nulle part. Ce n’est pas qu’elle va peut-être déménager, Lily, c’est qu’elle sait qu’elle ne remettra plus jamais un pied dans la maison qu’elle partageait avec Alfie. Simplement, il n’y a justement rien de simple à l’annoncer. “Mais j’irai sûrement pas loin, on aura toujours l’occasion de se faire ça. J’y tiens.” Elle hoche la tête pour appuyer ses paroles, connaissant déjà la suite de l’histoire, au contraire de Corey: si elle doit aller quelque part, c’est chez Ezra. Et lui habite toujours dans la même éternelle rue, là où elle n’aura aucun mal à retrouver son vieil ami pour un film, un dîner, un verre ; peu importe. Elle aura toujours l’occasion de retrouver Corey, et cette fois-ci sans la constante menace d’Alfie près d’elle - et de lui. Elle y tient.

Elle raconte la fausse anecdote de sa chute avec désinvolture, comme si de rien n’était, comme si ce mensonge était effectivement la vérité. C’est en observant Corey les yeux dans les yeux qu’elle s’assure qu’il ne lui pose pas davantage de questions et, surtout, qu’il ne pose pas la moindre question. « D’accord, mais si tu as besoin de quoi que ce soit tu me sonnes, même s’il s’agit simplement d’attraper les conserves sur l’étagère du haut. » Ce sont presque les mots qu’Ezra a eu mot pour mot, raison pour laquelle elle sourit avec une certaine tendresse en venant chercher ses mains tout contre les siennes. Il joue nerveusement avec la nappe de la table alors elle préfère encore l’occuper ailleurs et le rassurer en caressant doucement le dos de sa main. “Tu vas finir par bloquer mon numéro, Corey.” Elle commente dans un rire sans promettre de lui demander service au moindre moment. « Et tu as interdiction de remonter sur un escabeau tant que tu n’es pas complètement remise. » Cette fois-ci, elle accepte de s’avouer vaincue sans batailler davantage. “C’est d’accord.” De toute façon, elle ne comptait pas le moins du monde remonter sur un escabeau ; ou même recroiser Alfie de si tôt. L’un comme l’autre, métaphoriquement comme littéralement, elle compte se tenir à la promesse faite à Corey et ne plus jamais reprendre le moindre risque en ce qui la concerne elle, mais surtout son bébé.

« Si tu as des travaux à faire, j’ai embauché il y a peu un gars qui arrondit ses fins de mois en faisant à peu près tout ce que je ne sais pas faire. Donc si tu as besoin, je te passe ses coordonnées. Pour le moment j’en suis content. »
“Ne t’en fais pas, j’ai passé trente ans en étant capable de survivre seule dans la vie de tous les jours, je peux reprendre où je me suis arrêtée.”

Elle pourrait lui dire qu’elle peut compter sur Ezra, aussi, mais il est sans doute un peu trop tôt encore pour aborder l’omniprésence du brun dans sa vie - elle a encore quelques minutes de répit devant elle et compte en profiter autant que possible. Son ton de voix reste poli, couvrant aisément les remerciements qu’elle donne à Corey sans les formuler clairement: il ne veut que son bien, c’est évident, et elle le remercie de toujours être cette même personne bienfaisante à ses côtés. C’est à sa façon qu’elle lui prouve qu’elle tient à lui en retour, ce qui aujourd’hui passe par le cadeau qu’elle lui ramène tout droit d’Indonésie: le parfait moyen pour changer de sujet de discussion, aussi. « Il ne fallait pas, tu sais. » - “J’en avais envie.” Elle ne voyage pas beaucoup, alors chaque instant est une nouvelle excuse pour rappeler à ses proches qu’elle tient à eux et leur trouver un cadeau à chérir par la même occasion, sans que cela n’ait pour une fois rien de stratégique. « Merci Lily, il est parfait » Il commente le bracelet offert et le passe aussitôt à son poignet, avec l’aide maladroite de Lily qui peine à bouger son bras. C’est un cadeau simple au possible mais qui marque tout de même le moment.

« Il faut vraiment que tu me racontes ce voyage. Qu’est-ce que tu as fait là-bas ? Tu es partie avec des gens que tu connaissais ou ce fut l'aventure complète ? »
“Je connaissais une des deux filles avec qui je dormais dans la maison, mais on s’était à peine vues une seule fois. Ca nous a permi d’apprendre à se connaître en passant des heures sur la terrasse - et t’imagines même pas ce à quoi ressemblait la cave à vins.”

Le voyage était plaisant sous tous les points, et ce n’est même pas un mensonge qu’il raconte pour bien se faire voir. Elle est heureuse de l’avoir fait et d’avoir pu se changer les idées pendant un temps, son bras déjà en écharpe. Elle en avait besoin. “Je pense que ça t’aurait correspondu, ce genre de voyage.” Il est du genre timide mais certainement pas mauvais bougre: cela l’aurait sans nul doute aidé à s’ouvrir un peu plus au monde et aux autres, en plus d’évidemment lui faire découvrir le monde. “Tu es sûr de ne rien vouloir à boire ? J’ai peut-être une autre chose dont je voudrais te parler aujourd’hui, en réalité.” Elle est injuste à autant tourner autour du pot, raison pour laquelle elle se force enfin à aborder la véritable raison de ce rendez-vous et de toute cette discussion. Il mérite de savoir.

“Je vais peut-être déménager.” Un instant le temps se figea, Corey avait un peu de mal à assimiler cette nouvelle. Comment ça déménager ? Mais aucun mot ne sorti de sa bouche. La stupeur devait se lire sur son visage. Avant qu’il n’est eu le temps de vraiment assimiler ces mots, Lily ajouta : “Mais j’irai sûrement pas loin, on aura toujours l’occasion de se faire ça. J’y tiens.” Ces quelques mots eurent au moins l’effet de rassurer un peu Corey. Il laissa un soupir de soulagement lui échapper. Pourquoi un instant avait-il craint qu’elle ne s’en aille loin ? Trop loin, comme ailleurs qu’à Brisbane. Arrête tes bêtises Corey, la vie de Lily est ici.  En plus, Logan City était un quartier très agréable de la ville. Plutôt résidentiel et calme, il permet d’échapper à l’effervescence de la ville et aux dangers des quartiers plus festifs. Offrant tout de même pas mal d’activités de loisirs, c’était un cadre idéal pour la vie de famille. Sûrement une des raisons qui avait poussé son père, à l’époque à acheter une maison dans ce quartier. Corey le connaissait parfaitement bien depuis le temps qu’il y vivait et il l’appréciait ; Lily aussi sûrement. Alors pourquoi déménager ? Même si la conversation s’orienta sur autre chose, il y avait des priorités à aborder, comme le bras de Lily, mais il comptait bien revenir sur ce point très vite. Corey n’aimait pas les déménagements. Ça avait tendance à lui foutre un peu la trouille, de façon totalement irrationnelle. Quand son père avait quitté Brisbane une huitaine d’année auparavant, en émettant l’idée de vendre la maison ou lui, Corey et Callum avait passé les 10 années précédentes, il avait eu droit à une nouvelle crise semblable à celle que Corey avait fait à ses parents après leur divorce. Il avait fini par avoir gain de cause, Corey était devenu le locataire de son père, mais ils gardaient la maison. Corey y vivait toujours et il ne comptait pas en partir de sitôt.

Lily le rassure sur son bras et sur le fait qu’elle sera prudente. Elle s’amuse de ses recommandations, somme toutes légères, mais au fond Corey est très sérieux. Combien d’appels ils reçoivent tous les jours, au sujet de quelqu’un qui s’est blessé accidentellement, que ce soit sur une chute, ou à cause d’un objet quelconque, tellement anodins que la première réaction est souvent d’en rire ? Beaucoup trop, les accidents domestiques sont l’une des premières causes de mortalités, plus élevée même que les accidents de la route. Mais la journée est trop belle pour évoquer de tristes statistiques. “Ne t’en fais pas, j’ai passé trente ans en étant capable de survivre seule dans la vie de tous les jours, je peux reprendre où je me suis arrêtée.” Oui, il n’en doutait pas. Cela faisait longtemps que Lily l’avait convaincu de sa force intérieure… « C’est toujours mieux que moi, j’ai passé trente ans, mais le bricolage et moi ça fait toujours deux. »

Ils enchaînent sur le cadeau et le voyage. Il vérifie l’ajustement du bracelet sur son poignet pour s’assurer qu’il ne puisse pas le perdre. Il reporte ensuite son attention sur Lily qui lui raconte rapidement son voyage.  “Je connaissais une des deux filles avec qui je dormais dans la maison, mais on s’était à peine vues une seule fois. Ca nous a permi d’apprendre à se connaître en passant des heures sur la terrasse - et t’imagines même pas ce à quoi ressemblait la cave à vins.” Corey aimait bien écouter parler les gens, ça se retrouver d’ailleurs dans sa préférence pour les livres audio, que leur homologues papiers. Il trouvait que la voix avait une capacité à transporter unique, comme la musique. Il n’avait aucun mal à imaginer la scène. Une terrasse, un soleil couchant, des jeunes femmes qui se reposent après une journée éreintante de découverte et d’amusement, un verre de vin à la main. « Je suis sûr que je m’en fais une bonne idée. Assez bonne, pour en être presque jaloux. » L’idée de voyager ne lui déplaisait pas, mais il ne l’avait jamais vraiment fait. Du moins pas seul, et pas seulement pour voyager. Il avait pu faire des distances plus ou moins longues, mais toujours dans le but de rejoindre quelqu’un. “Je pense que ça t’aurait correspondu, ce genre de voyage.” Peut-être oui. Si l’occasion se représentait, il pourrait le faire…Mais ce serait mieux avec une connaissance. C’est toujours mieux de partager, que ce soit un repas, un évènement, un sentiment. C’est pour ça qu’il aimait peu la solitude et qu’il s’avérait plutôt sociable. « Je me glisserai dans tes valises la prochaine fois. »

Il est à deux doigts de prendre la carte, pour envisager de commencer à regarder quand Lily poursuit : “Tu es sûr de ne rien vouloir à boire ? J’ai peut-être une autre chose dont je voudrais te parler aujourd’hui, en réalité.” Dire que cette phrase l’alarme un peu ne serait pas tant exagéré. Généralement, quant on propose à l’autre de prendre un verre avant l’annonce d’une nouvelle, c’est qu’elle n’est pas bonne. Parce que si c’est bon, on commande du champagne. Non ? Le « peut-être » de la phrase est aussi étonnant. Il porte un regard interrogateur sur Lily, n’ayant plus rien à faire du menu. Il ne peut s’empêcher de répondre : « En plus du déménagement ? » C’est peut-être lié au boulot, un changement de poste ? « Quand tu disais « pas loin » tout à l’heure, on est d’accord que tu restes à Brisbane ? » Il n’est pas du genre impatient, enfin peut-être un peu, quand le sujet l’inquiète. Alors il évacue d’entrer de jeu ce qui l’angoisse en premier, tout en priant pour que ce ne soit pas ça.

« C’est toujours mieux que moi, j’ai passé trente ans, mais le bricolage et moi ça fait toujours deux. » Elle sourit à sa remarque, elle-même encore bien loin d’avoir de quelconques talents en bricolage. Elle se souvient parfaitement de tout ce que sa mère lui a appris mais, tradition Keegan oblige, cela se rapporte surtout à faire la cuisine, la couture, et prendre soin de la maison. Mais soit, c’est sans doute déjà un début, non ? Pour le reste, elle sait qu’elle peut effectivement compter sur bon nombre de ses proches, plus doués qu’elle dans ce domaine, à qui elle offre une limonade éternellement bien dosée et fraîche en guise de remerciement pour le travail accompli. Elle a de toute façon bien trop de sujets à traiter avec lui et bien trop de choses à lui raconter pour s’appesantir sur son bras en écharpe, auquel elle ne donne que très peu d’importance, aussi et surtout parce qu’elle ne veut pas qu’il prenne de la place dans son existence. Le bracelet va bien au teint de Corey, il est à sa place contre son poignet. « Je suis sûr que je m’en fais une bonne idée. Assez bonne, pour en être presque jaloux. » Elle a un rire bref, poli, bien incapable de se moquer de lui ou d’appuyer plus que de besoin l’hypothèse qu’il aurait eu raison d’être jaloux de la cave à vins. “Tu n’as pas raté tant de choses que ça, c’est promis.” Lily mesure ses mots et y ajoute un sourire rassurant. Corey est à sa place à Brisbane ; il est toujours à sa place lorsqu’il n’est jamais trop loin d’elle, en réalité. « Je me glisserai dans tes valises la prochaine fois. » Cette fois-ci, elle ne se contente pas de sourire par simple politesse. En réalité, elle aime l’idée d’un voyage à ses côtés. Elle aime l’idée de s’évader à ses côtés, pour une durée déterminée, pour mieux revenir au pays et là où elle se sentira toujours chez elle, malgré tous les drames qui peuvent s’accumuler dans une si petite ville.

Pourtant, certaines bonnes choses arrivent aussi, parfois. Aujourd’hui en particulier, c’est une merveilleuse nouvelle qu’elle veut lui partager, ayant déjà l’impression d’avoir retenu ces mots bien trop longtemps tant elle ne tient pas en place. Elle a demandé à Ezra de tenir le secret le temps que le premier trimestre soit passé mais Corey est son exception, tout comme elle sait déjà que le futur père de son enfant en a en retour. Ils sont de ces personnes à qui ils veulent tout dire, toujours, quitte à prendre le risque de devoir annoncer le pire suite à ça. « En plus du déménagement ? Quand tu disais « pas loin » tout à l’heure, on est d’accord que tu restes à Brisbane ? » Elle accuse une seconde de silence, le temps de comprendre d’où provient toute cette inquiétude soudaine dans le regard de son ami. Finalement, lorsqu’elle comprend qu’il est soucieux d’un déménagement lointain qui n’est certainement pas à l’ordre du jour, elle se permet de sourire tendrement. “Je déménage dans le même quartier, Corey, t’as pas à t’en faire.” Quelques pâtés de maisons plus loin à peine, pour passer des bras d’Alfie à ceux d’Ezra de façon plus continue. Son sourire se transforme pourtant rapidement, au fur et à mesure qu’elle se rend compte de l’aspect imminent de l’annonce et, surtout, de toutes les conséquences qu’elle implique. Corey aurait été heureux qu’elle tombe enceinte, il y a un an de ça. Quand son mari était encore en vie. Quand le père n’était pas Ezra - non pas qu’il soit le problème, mais il représente l’homme vers qui elle s’est immédiatement tournée à la mort de son mari, sans aucune transition. “C’est pas… Ça a pas vraiment de rapport avec le déménagement, en fait.” Ou si, en réalité. Elle n’avait simplement pas prévu d’emménager avec Ezra avant qu’Alfie en vienne aux mains avec elle. Il a redistribué les cartes du jeu avec une violence et une rapidité que même la minutieuse Lily n’avait su anticiper. “Enfin, si. Je vais habiter avec Ezra.” Elle s’humecte les lèvres, baisse les yeux. Son sourire ne disparaît pas pour autant, il est simplement un peu plus timide. “Je suis enceinte, Corey.” Elle l’est enfin après avoir passé la dernière décennie à vouloir fonder une famille coûte que coûte. Et le prix, elle l’a effectivement payé, en utilisant tous ses proches comme pions de son échiquier à taille humaine.

“Je déménage dans le même quartier, Corey, t’as pas à t’en faire.”Corey est soulagé, tellement qu’il en oublierait presque l’annonce que Lily lui a dit avoir à faire. “C’est pas… Ça a pas vraiment de rapport avec le déménagement, en fait.”Lily qui hésite sur la tournure de ses phrases, ce n’est pas si courant. Il pressent que l’annonce, remise au devant de la scène est d’importance. Il attend intrigué. “Enfin, si. Je vais habiter avec Ezra.”Ezra, un nom familier, que Corey n’attendait pas dans la conversation. “Je suis enceinte, Corey.”

Il y a des annonces auxquelles il n’est possible que de répondre d’une seule et unique façon. En l’occurrence, à l’annonce d’une grossesse, c’est la joie. Le sourire de Lily, bien que discret, témoigne de son propre bonheur à ce nouvel état. Et Corey sait à quel point elle rêve d’être mère et à quel point aussi elle le mérite. La vie n’a pas été tendre avec elle. Deux hommes avec qui elle voulait construire sa vie morts dans des accidents et les deux enfants qui auraient dû naître de ces histoires qui n’avaient jamais eu l’occasion de pousser leur premier cri. La dernière fausse couche avait été terrible pour Lily. Alors Corey sait qu’il ne peut que partager sa joie à ce moment précis. « Euh…waouh. J’avoue que je ne m’attendais pas à ça. Félicitation ! » Parce que oui, si Lily est enceinte, c’est son devoir à lui d’être là pour elle. Mais des milliers de pensées parasitent son sens de la réflexion. Il a en partie conscience, de ne pas montrer autant d’enthousiasme qu’il le faudrait aux premiers abords. En tant normal, il aurait bondit de sa chaise pour la prendre dans ses bras. Tout le restaurant serait au courant. Mais là, il reste bien plus calme. Pourtant, la grossesse en soi, n’est absolument pas un problème et le sourire qu’il adresse à son amie en la félicitant est très sincère. Il ne sait pas mentir de toute façon, c’est pour ça qu’il ne joue pas au poker. Il est heureux pour elle…Mais il est aussi inquiet et un peu, non complètement, perdu. Il se détache du dossier de sa chaise pour se rapprocher un peu de Lily. « Excuse-moi, tu me prends un peu au dépourvu… Je ne savais pas que tu essayais d’avoir un enfant. » Il savait qu’elle en voulait. Mais il la pensait encore en deuil de son mari Matt. Il ne savait absolument pas qu’elle avait quelqu’un d’autre dans sa vie. Ezra. Corey hésite un peu avant de parler. Il ne veut pas blesser Lily, il ne veut pas minimiser l’heureuse nouvelle. Mais il y a tellement de chose qu’il peine  à assimiler. Mais c’était Lily qu’il avait en face, ne pas être honnête avec elle, il n’en serait jamais capable. Les vrais amis se disent tout. « Je suppose qu’Ezra est le père. » Sinon pourquoi emménagerait-elle avec lui ?  « Vous vous êtes remis ensemble il y a longtemps ? » Depuis quand se voyaient ils au juste ? Le bébé était il prévus ? Qu’est-ce qu’ils prévoyaient pour la suite ? Corey savait que faire passer un interrogatoire à Lily ne serait pas correct. Il n’aimait pas les confrontations, même amicales, et feraient tout ce qu’il fallait pour qu’il n’y en ait pas. Cependant, il ne pourrait pas laisser Lily partir sans quelques explications, car, il était inquiet.

Inquiet entre autre que la volonté d’être mère de Lily, ne l’ait poussé trop vite dans les bras d’un autre. Ezra, qui avait déjà été là, pour prendre la suite d’un premier amant mort trop tôt. Et qui se retrouvait à nouveau dans la même position. Sauf que le défunt était un très bon ami d’Ezra si Corey ne se trompait pas. La morale ou la bienséance n’ont pas forcément voix au chapitre dès lors qu’il est question d’amour. Mais était ce bien la question ici ? « Je suis désolé Lily, c’est vraiment une excellente nouvelle pour toi, j’en suis parfaitement conscient et je suis ravi pour toi ! Mais je suis aussi confus là. Je ne savais même pas que tu voyais quelqu’un… » Il avait l’impression que Lily lui avait caché un pan de sa vie. D’un point de vue extérieur Lily avait parfaitement le droit de faire ce qu’elle voulait de sa vie et n’avait clairement pas besoin de l’approbation de Corey pour la mener comme elle l’entendait. Du point de vue de Corey, elle était sa plus proche amie. Pour lui, ça signifiait qu’il remuerait ciel et terre pour elle, qu'elle était de la famille, mais aussi que du coup il n’y avait aucun secrets entre eux. Quelque part, Corey avait l’impression que Lily remettait en cause la confiance qu’elle pouvait lui accorder. Et comme toujours dans ces cas là, il avait mal au cœur. « Depuis le temps qu’on se connait Lily…Pourquoi me cacher des choses si importantes de ta vie maintenant ? »

Et face à l’annonce de sa grossesse, Corey n’a pas la réaction qu’elle voulait. Il n’y a que celle qu’elle ne pouvait que craindre. Il est mitigé, perdu, pris de court. Il est beaucoup de choses, en réalité, mais certainement pas heureux ; et encore moins heureux comme elle l’attendait et comme elle l’espérait. « Euh…waouh. J’avoue que je ne m’attendais pas à ça. Félicitations ! » Sans un sourire de plus, elle se contente de pencher légèrement la tête, une partie de sa chevelure brune venant lui barrer momentanément le visage. Son discours sonne faux. Elle sait qu’il le pense un minimum, au moins, mais certainement pas assez à ses yeux. Il est l’un de ses amis les plus proches, il devrait être davantage heureux pour elle ; c’est comme s’il allait enfin devenir tonton, finalement, à un ou deux détails près. Lorsque le brun se rapproche d’elle, Lily reste plus immobile que jamais, son visage un peu plus renfermé à chaque nouvelle seconde écoulée. Ce n’est pas comme ça que les choses étaient supposées se passer. Ce n’est pas comme ça qu’elle voulait que les choses se passent. « Excuse-moi, tu me prends un peu au dépourvu… Je ne savais pas que tu essayais d’avoir un enfant. » De ça, elle sait ne pas pouvoir lui en tenir rigueur. Personne ne savait, à la seule exception du principal concerné. Même Alfie, lui aussi quelque peu concerné, ignore tout de ses intentions de devenir mère le plus rapidement possible, et pour cause: elle n’a aucune envie qu’il le sache. Simplement, là n’est pas tout le point de l’histoire. C’est une surprise pour tout le monde ; et tout le monde devrait pouvoir la féliciter avec des étoiles dans les yeux, avec la même joie qu’elle a elle-même ressenti en apprenant sa grossesse. “C’est une surprise pour moi aussi.” Elle ment éhontément, comme à son habitude. Pourtant, il lui semble tout bonnement impossible de lui avouer la vérité et tout ce qu’elle implique, le mensonge n’est qu’une façon détournée, lâche et rapide d’en arriver à une conclusion parallèle, plus accessible au reste du monde. Il vaut mieux que Corey pense que tout lui est tombé dessus par surprise et qu’elle se contente d’accueillir la nouvelle avec plaisir ; tout est plus facile ainsi.

« Je suppose qu’Ezra est le père. » Sans un mot, elle attend la suite de la question autant qu’elle attend les commentaires de son ami. Il ne se contenterait pas d’avancer cette suggestion s’il n’avait pas d’autres choses à lui dire, surtout alors qu’il est déjà évident qu’Ezra est effectivement le père de cet enfant à naître. Alors, qu’est-ce qu’il cherche à savoir ? Il a beau être son ami, c’est avec une stratégie militaire qu’elle aborde désormais leur discussion, refusant de laisser trop de terrain à son ennemi d’ami. « Vous vous êtes remis ensemble il y a longtemps ? » - “On est pas ensemble.” Pour le moment. Elle l’embrasse quand elle rentre, elle l’embrasse même dès qu’elle en a envie ; elle lui dit qu’elle l’aime sans que cela n’ait rien de stratégique ni de mensonger et pourtant elle ne peut pas avouer aussi facilement qu’ils sont ensemble. “Pas vraiment.” C’est compliqué. Elle nourrit des rêves bien plus grands encore mais n’arrive pas à parler avec lui d’un sujet aussi simple, qui ne devrait être le résultat que de leur affection pour l’un l’autre. Lui aussi, elle sait qu’il l’aime bien. “Mais oui, bien sûr que c’est Ezra le père.” C’est une évidence qu’elle sait avoir besoin de préciser maintenant qu’elle lui a avoué toujours être une personne célibataire - pour ne pas dire une veuve.

Face au silence de Lily, ou tout du moins à son absence flagrante de volonté à faire la discussion, c’est Corey qui s’en occupe, sans doute bien malgré lui. Aux yeux de la jeune femme, il a de toute façon à se faire pardonner. « Je suis désolé Lily, c’est vraiment une excellente nouvelle pour toi, j’en suis parfaitement conscient et je suis ravi pour toi ! Mais je suis aussi confus là. Je ne savais même pas que tu voyais quelqu’un… » Ces jugements et ce manque de compréhension, elle sait qu’elle l’entendra de beaucoup d’autres personnes encore mais si elle avait pensé avoir au moins une personne et une seule de son côté, alors ça aurait dû être Corey. Il a toujours été là pour elle, dans les pires comme dans les meilleurs instants de sa vie et jamais il ne l’a trahie: comment pourrait-il le faire maintenant, après toutes ces années ? Elle lui fait confiance, autant que Lily peut décemment avoir confiance en autrui, alors il n’a pas le droit de la faire revoir son jugement sur lui. Il n’a pas le droit de la laisser le comparer à son frère, d’une façon ou d’une autre. “C’est pas vraiment le cas, Corey…” Elle souffle doucement, loin d’être agacée. Simplement, elle n’a aucune idée de quoi lui répondre en retour, perdue entre vérité et mensonges, ne sachant plus ce qu’il est préférable d’avancer. « Depuis le temps qu’on se connait Lily…Pourquoi me cacher des choses si importantes de ta vie maintenant ? » Cette fois-ci, c’est sa propre main qu’elle approche de ses tempes pour les masser, voyant plus que jamais arriver le nœud du problème. Elle aurait dû l’anticiper ; elle ne le voulait simplement pas. “Le jour où tu pourras me dire que tu sais ce que c’est que de perdre un enfant et un mari, Corey, je me confierai à toi sans retenue.” Ses paroles sont tranchantes et le regard qu’elle lui porte ne tente pas d’adoucir les choses. Seul son ton, bas, permet de ne pas - trop - laisser la discussion s’envenimer. Elle n’a pas envie que d’autres soient au courant de sa vie, voilà la seule raison de sa discrétion. “Ecoute, j’ai pas oublié Matt, d’accord ?” Il est mort il y a moins d’un an de ça et elle n’a toujours pas trouvé la recette pour arrêter de l’aimer et s’accrocher à son seul souvenir ; comment pourrait-elle en être au point de l’oublier ? “Ni Callum.” Pour des raisons différentes, cette fois. “Mais j’ai trente-six ans et je ne peux pas continuer à vivre avec leurs fantômes.” Le temps passe, il file beaucoup trop vite pour une femme ayant plus que tout envie d’un enfant. “Je pensais que toi tu le comprendrais, au moins.” Le voilà enfin qui arrive, l’argument psychologique, celui de l’empathie qu’elle lui demande et des reproches qu’elle glisse sous une fausse compassion, une fausse blessure.

Plus le temps passe et plus Corey s’en veut. Ce ne sont que quelques petites secondes, mais elles refroidissent l’ambiance. Ce n’est pas ce qu’il voulait et pourtant il savait pertinemment que ça ne pouvait pas aboutir à autre chose. Il le savait à chacune des phrases prononcées. Et ce n’est que parce qu’il ne conçoit pas le mensonge vis-à-vis de ses proches (ou de quiconque d’ailleurs) qu’il leur dit toujours la vérité. Même si parfois il s’en veut quelques secondes après. Se disant que se taire serait une bien meilleure solution. Après tout, qui ne dit mot consent. Mais même sans rien dire, il n’aurait pas pu simuler la joie qu’il aurait du ressentir et, qu’il ressentira sûrement plus tard. Parce que c’est Lily, parce que c’est le rêve de sa vie qui se réalise et qu’il ne peut qu’être heureux pour elle. Mais avant ça, il y a ces maudites angoisses, ces quelques écueils de compréhension qu’il fait gommer. Après ça ira mieux. Le but n’est pas de se disputer, il n’y a aucune raison pour ça. Il déteste les disputes. Mais il songe…à peut-être ronger son frein. Attendre les explications de Lily et à ne pas forcément en demander d’autres…Pas de suite du moins. Explications… Même dans sa tête ce mot sonne mal. Il n’est en droit de demander aucunes explications. C’est la vie de Lily, ses choix, ses actes. Corey est son ami et son rôle principal est d’être toujours là pour elle, mais certainement pas de lui demander des comptes. Mais il est dans la personnalité de Corey de se mêler de la vie de ses proches. De se tenir au courant, de s’assurer qu’ils ont tout ce qu’il faut quand il leur faut, quitte à prendre parfois quelques mesures un peu intrusives (sa sœur sait le lui reprocher parfois). Avec Lily ce n’est pas nécessaire. Elle mène sa vie d’une main de maître quand le destine ne se ligue pas contre elle, aussi il est moins inquiet pour elle. Enfin ça c’était vrai encore une heure avant. Maintenant, il sait qu’il lui demande un peu trop de chose, qu’il manque certainement de légitimité même si en temps que meilleur ami, il est le mieux placé pour poser des questions…Rien ne va. Corey ne sait plus quoi penser de tout. De la situation, de l’annonce, de son propre comportement. Tout ce qui compte en fait c’est Lily et leur amitié. C’est bien la seule chose dont il soit sûr dans l’immédiat. Donc il se repositionne sur sa chaise, s’éloigne de Lily, comme pour s’excuser de son intrusion précédente. Les yeux fixés sur la table, il se triture les doigts bien décidé à écouter Lily répondre à ses questions et surtout à tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler à nouveau.

“C’est une surprise pour moi aussi.” Bien voilà qui explique qu’elle ne lui en ait pas parlé auparavant. C’est parfaitement stupide de ne pas y avoir pensé plus tôt. Pour sa défense Corey dirait que Lily est tellement maîtresse d’elle-même et de ce qui l’entoure, qu’il ne pensait pas qu’elle prendrait le risque de se lancer dans une troisième grossesse en laissant faire le hasard. “On est pas ensemble.”Il relève les yeux vers elle mais ne dit rien. “Pas vraiment.”Corey se répète encore qu’il n’a aucun droit de juger la façon de faire de Lily.  “ Mais oui, bien sûr que c’est Ezra le père.”Et pourtant il ne peut s’empêcher de penser que Lily doit bien se douter que du jugement il va y en avoir. Elle est la directrice d’une association, ce qui la rend relativement publique et maintenant enceinte du meilleur ami de son ex mari décédé moins d’un an auparavant…Alors oui ça l’inquiète Corey. Parce qu’au fonds, qui est le père il s’en fiche. Que Lily soit enceinte c’est une bonne nouvelle. Mais il a peur du reste du monde et de l’effet qu’il pourrait avoir sur elle…C’est là qu’il comprend que malgré toute ses bonnes intentions, il est probablement le premier à la blesser. Ca l’horrifie. Il relève les yeux vers son amie et voit dans l’attitude de Lily qu’elle va le lui faire comprendre. Elle parle bas, pour ne pas attirer l’attention sur eux, mais son ton ne trahit aucune hésitation. “Le jour où tu pourras me dire que tu sais ce que c’est que de perdre un enfant et un mari, Corey, je me confierai à toi sans retenue.”Ca fait mal, mais c’est tellement vrai qu’il ne dit rien. Il a du mal, mais ne baisse pas pour autant le regard. Il s’en veut à mort et accepte les reproches sans broncher. Les dernières phrases de Lily entèrent toutes velléités Chez Corey. “Ecoute, j’ai pas oublié Matt, d’accord ?” “Ni Callum.” “Mais j’ai trente-six ans et je ne peux pas continuer à vivre avec leurs fantômes.” “Je pensais que toi tu le comprendrais, au moins.”

Il laisse passer quelques secondes, pas parce qu’il a besoin d’assimiler les mots de Lily. Non, il a parfaitement compris. Elle a raison, il a tort. Rien de plus simple. Il ouvre la bouche pour s’excuser, la referme parce qu’il ne sait pas quel mots utiliser puis se lance. « Je suis tellement désolé Lily. Je suis un abruti par moment. » Ca c’est la partie facile. Essayer de lui faire comprendre, que même lui n’est pas sûr de savoir pourquoi il en est arrivé à ces questions, c’est plus compliqué. « Je ne sais pas pourquoi, j’ai réagi comme ça. Tu sais évidemment bien mieux que moi… » Savoir quoi, il s’y perd déjà. Reprends : « Je n’avais aucun droit de te poser toutes ces questions. » porter un jugement serait peut-être plus juste. « Je ne sais pas… C’est ma faute, j’ai un problème avec les annonces soudaines. » Le changement surtout. Un instant il se rappela que lorsqu’elle lui avait annoncé son mariage inattendu avec Matt, il avait réagit de façon similaire. Pourtant il s’était vite rendu compte que Matt était un gars super. « Et visiblement, je ne m’améliore pas avec le temps. » Là où Lily voulait avancer, lui faisait du surplace. « Tu comptes tellement pour moi Lily. Je te promets que je vais faire plus attention à l’avenir à ce que je dis ou fait. » Faire preuve d’un peu plus d’empathie peut-être aussi. « Est-ce que tu sais, que quoi qu’il arrive, je serais toujours là pour toi ? » Avec un enfant, un mari, juste l’un ou l’autre, sans rien, peu importait. Seule Lily comptait. C’était un des repères essentiels de sa vie. « Est-ce que tu peux me pardonner ? ». Il serait suspendu au dessus d’un gouffre sans fonds qu’il ne se sentirait pas plus mal. Lily était un membre de la famille pour lui. Si elle lui en voulait, il savait qu’il ne pourrait cesser de ressasser encore et encore cette conversation, jusqu’à ce qu’il réussisse à se faire pardonner.

Lily veut assurer sa position, ce qui ne signifie pas nécessairement rabaisser celle de Corey. Ce n’est d’ailleurs en rien ce qu’elle désire, et bien au contraire, raison pour laquelle elle esquisse une moue désolée lorsqu’il accepte enfin de lui parler à nouveau, le ton bas, plus distant que jamais et pourtant toujours présent pour elle. « Je suis tellement désolé Lily. Je suis un abruti par moment. » La jeune femme souffle doucement, sans que ce soit un signe d’exaspération. “C’est pas ce que je voulais dire.” Il a réagi de la même façon que le fera le reste du monde, en bien plus véhément encore, et c’est ce qui a déstabilisé Lily bien plus qu’elle ne voudrait l’avouer. Corey a toujours été de son côté, Corey a toujours été délicat, Corey a toujours été son refuge pour se protéger du reste du monde, quand jouer à la dame forte, invincible et impénétrable devenait trop difficile à force d’efforts. « Je ne sais pas pourquoi, j’ai réagi comme ça. Tu sais évidemment bien mieux que moi… Je n’avais aucun droit de te poser toutes ces questions. » Et c’est pour ça qu’elle l’apprécie autant, Corey. Lui seule a cette capacité à se remettre en question aussi rapidement, facilement, et profondément. D’autres - elle la première - auraient eu besoin d’une longue dispute pour accepter leurs torts, si jamais ils les acceptaient effectivement. Pour lui, quelques mots à peine ont suffi pour le faire changer d’avis sur la question et le calmer par la même occasion. Il est ce genre de personne avec un terriblement bon fond, personne ne pourrait en douter, même toute l’amertume de Lily qu’elle réserve pourtant à d’autres, même après de telles remarques de la part de son ami. « Je ne sais pas… C’est ma faute, j’ai un problème avec les annonces soudaines. » C’est elle qui gomme la distance entre eux désormais, retrouvant ses mains contre les siennes pour le rassurer. L’accabler n’avait jamais été son doute et maintenant qu’elle est assurée d’avoir de nouveau un allié en sa personne, elle peut se permettre de tels gestes. “Je sais. J’ai tenté de répéter ce discours, honnêtement, mais je suis jamais arrivée à trouver les meilleurs mots pour t’en parler.” Parce que tous deux savent que cela ne se résume pas à une simple annonce de grossesse et qu’il y a beaucoup, beaucoup de non-dits derrière tout ça. Ils sont les premiers à prier pour que tout soit enfin simple, un jour. Ce ne sera pas aujourd’hui. “Et je voulais pas tarder.” Parce qu’en dehors du principal concerné, Ezra, il est le premier à qui elle en parle, preuve de l’importance qu’il tient à ses yeux - et de la culpabilité qu’elle ressent encore de continuer sa vie alors que celle de son frère s’est brutalement terminée il y a de nombreux mois.

« Et visiblement, je ne m’améliore pas avec le temps. »
Elle rigole doucement, non pas parce qu’elle trouve ses paroles amusantes mais bien parce qu’elle essaye de le rassurer. A sa façon. De toutes les façons qui semblent être à sa portée, en réalité, et chaque détail y tient son importance.

« Tu comptes tellement pour moi Lily. Je te promets que je vais faire plus attention à l’avenir à ce que je dis ou fait. » Ces paroles, elle aurait aimé les entendre d’Alfie, par exemple, lui qui a un don tout particulier pour viser et piquer là où ça fait terriblement mal. Pourtant, elle les accueille dans un sourire, sans pour autant laisser ses pensées changer: Corey n’a pas besoin d’en venir jusque là. Il a eu des mots qu’elle n’a pu qu’accueillir avec difficulté, mais ce n’est pas pour autant qu’elle imagine sa tête au bout d’un pic. Il est humain et, bien qu’elle le souhaite parfois, elle ne peut pas totalement le contrôler pour qu’il la caresse dans le sens du poil lors de toutes leurs discussions. “Je te demande pas d’aller dans mon sens tout le temps, Corey.” Elle souffle doucement sans que ce ne soit un reproche pour autant. Il peut avoir un avis différent du sien, bien sûr, mais s’il pouvait éviter de lui reprocher d’être enfin tombée enceinte, ce serait pourtant très largement apprécié. « Est-ce que tu sais, que quoi qu’il arrive, je serais toujours là pour toi ? » - “Je sais. Je sais bien sûr, et l’inverse est tout aussi vrai.” Aussi parce que c’est tout ce qu’elle lui souhaite: de trouver une femme avec qui s’épanouir, de fonder une famille, de lui offrir des neveux et nièces qu’elle couvrirait de son regard autant que de cadeaux. D’être heureux, tout simplement, loin du fantôme de son frère qui ne lui ressemble définitivement en rien - et tant mieux.

« Est-ce que tu peux me pardonner ? » Son index dessine désormais des lignes invisibles à l’intérieur de son poignet, retraçant ses veines du bout de sa pulpe. “C’est déjà pardonné. Je sais que tu penses à bien et que c’est un sujet difficile pour toi aussi.” Elle n’oublie pas qu’il s’agit de son frère, aussi horrible puisse-t-il avoir été. Ça, Corey n’en sait rien, et aussi envieuse de justice soit-elle, elle n’a pas à coeur de lever le voile sur la véritable personnalité de Callum. “Ezra… Ezra est vraiment quelqu’un de bien. J’espère que vous pourrez vous entendre.” Les deux hommes se ressemblent bien plus qu’elle ne pourrait le dire elle-même et la seule raison qui pourrait animer des différents, ce serait son propre sujet: Lily Keegan. Au delà de ça, ils ont bien trop de points communs et autres similarités pour ne serait-ce oser lever un sourcil soupçonneux l’un envers l’autre. “J’organiserai pas un dîner traquenard, c’est promis. On va y aller pas à pas, ok ?” Dans un ultime sourire, c’est une confession autant qu’une demande.

Quand Lily lui reprend les mains, Corey se sent immédiatement soulagé. Pas que son angoisse et son mécontentement vis-à-vis de lui-même ait complètement disparu. Mais ce geste de Lily est rassurant car elle ne l’aurait sans doute pas accompli si elle ne pouvait pas le pardonner. “Je sais. J’ai tenté de répéter ce discours, honnêtement, mais je suis jamais arrivée à trouver les meilleurs mots pour t’en parler.” Très sincèrement, la réaction de Corey, aurait sûrement était la même quels que soient les mots qu’auraient pu utiliser Lily, puisque ce n’était pas les mots, mais la situation dans son ensemble qui l’avait perturbé. Mais il ne le précise pas. Il compte bien faire attention à ses paroles et à réfléchir avant de les prononcer. “Et je voulais pas tarder.” Il doit faire parti des premiers à être mis au courant et il est touché de cette marque de confiance de son amie. Elle vient lui faire partager sa joie  et lui, lui sert des reproches. Il n’avait vraiment pas été à la hauteur sur ce coup là. Il compte bien se rattraper.  “Je te demande pas d’aller dans mon sens tout le temps, Corey.”En soi, il venait juste de lui prouver qu’il était parfaitement capable d’aller contre elle. « Oui je sais. Mais là j’étais à côté de la plaque, donc tu as bien fait. Toute amitié doit avoir ses hauts et ses bas, mais je t’avoue que je préfère quand même quand nos bas ne durent pas longtemps. » Il ne sait pas si c’est très judicieux d’essayer d’alléger la conversation maintenant. Mais les réponses douces de Lily lui donnent une nouvelle énergie. Etre fâchée avec elle, ça lui pourrirait la vie et d’autant plus s’il devait en être responsable. Il tenait trop à elle, peut-être de façon un peu irrationnelle. “Je sais. Je sais bien sûr, et l’inverse est tout aussi vrai.” Elle le pardonne, et dans l’immédiat, il ne pourrait y avoir de paroles qui le rendrait plus heureux. “C’est déjà pardonné. Je sais que tu penses à bien et que c’est un sujet difficile pour toi aussi.” « Peut-être mais c’est pas une raison. » Il n’a aucune envie d’épiloguer sur le sujet. Pas après être passé aussi près de la catastrophe. «  Donc on va dire que j’ai fait un faux départ. Mais faut trouver un moyen de fêter ça dignement. Je n’ai pas trop d’idée pour le moment, mais je vais y réfléchir. Evidemment pour commencer je t’invite – Ah, mais c’est pour ça que tu n’as pas pris de vin ! » Il lève les yeux au ciel, il n’aura pas brillé par son discernement aujourd’hui. Mais il réfléchirait à la façon de fêter ça vraiment. Il allait réfléchir à un cadeau. Il avait quelques idées en tête déjà. “Ezra… Ezra est vraiment quelqu’un de bien. J’espère que vous pourrez vous entendre.” "Tu sais Lily, Ezra, j’ai jamais rien eu contre lui. C’est juste que… » Il hausse les épaules. Ezra, c’était le même problème que l’annonce de la grossesse. Il avait été un changement capital dans la vie de Lily et le premier qu’elle ait fréquenté après la mort de Callum. Alors forcément, Corey avait été un peu réticent. Mais il avait été aussi avec Matt au départ. C’était juste son caractère. « C’est un peu comme pour Matt. J’ai eu un peu de mal au début, mais au final c’était un mec super. » Il a envie de se mordre la langue. Reparler de Matt ce n’était pas une bonne idée…Il enchaîne rapidement. « S’il te rends heureuse, je ne doute pas de finir par le trouver génial. » Parce qu’au fonds c’était tout ce qui était important. Que Lily obtienne enfin la famille qu’elle cherche à bâtir depuis longtemps. Et si Ezra pouvait la lui offrir, alors rien que pour ça, Corey lui serait reconnaissant. “J’organiserai pas un dîner traquenard, c’est promis. On va y aller pas à pas, ok ?” Il acquiesce le cœur léger. « Oui, déjà s’il vous faut des bras en plus pour ton déménagement, tu me le dis. Vous avez déjà arrêté une date ? » Corey allait se rattraper. Il serait présent pour Lily tout au long de sa grossesse et une petite voie lui disait déjà de ne pas trop en faire non plus. Il avait parfois un  petit côté ingérant qui pouvait agacer. Se rappelant les cmenus inertes sur la table, il ajouta en les désignant : « Il faudrait peut-être qu’on commence enfin ce déjeuner non ? »

Corey lui est trop précieux pour qu’elle prenne le risque de le perdre. Valeur sentimentale, valeur monétaire aussi, dans un sens. Il a de la valeur, peu importe l’angle avec lequel le sujet est abordé. Il compte beaucoup pour elle, voilà ce qu’en dit l’expression, et c’est justement cette dernière qu’elle ne contredit pas le moins du monde et bien au contraire. Qui plus est, si elle n’hésiterait pas à marquer son désaccord sur certains sujets, elle estime encore pouvoir arriver à passer au-delà de celui-ci. C’est comme si elle devait finalement faire attention à toujours garder un joker. « Oui je sais. Mais là j’étais à côté de la plaque, donc tu as bien fait. Toute amitié doit avoir ses hauts et ses bas, mais je t’avoue que je préfère quand même quand nos bas ne durent pas longtemps. » Elle esquisse un maigre sourire en coin, sans doute encore affectée par les mots qu’il a eu à son égard. Lily ne peut pourtant que tomber d’accord avec lui: elle aime tout aussi peu savoir que leur relation est tendue, difficile, froide. Sans avoir à ajouter un seul mot à cela, son visage prouve bien qu’elle n’a cette fois-ci aucun mal à tendre en son sens.

« Peut-être mais c’est pas une raison. » Il n’a pas un droit de parole conséquent alors qu’il n’est que le frère d’un ancien petit-ami décédé il y a bien longtemps. Factuellement, il n’y a rien de plus vrai. Sentimentalement, pourtant, elle est incapable de le réduire à si peu et de nier à quel point elle l’estime et l’apprécie, bien au-delà du rôle qu’il tient depuis tout ce temps dans sa vie et de cette épaule rassurante contre laquelle se reposer qu’il personnifie. Si pourtant il en vient un jour à aller contre elle, Lily n’aurait aucun mal à lui rappeler que c’est Callum qu’elle a choisi et qu’il n’est finalement qu’une pièce rapportée. Ce serait injuste mais nécessaire, à ses yeux. « Donc on va dire que j’ai fait un faux départ. Mais faut trouver un moyen de fêter ça dignement. Je n’ai pas trop d’idée pour le moment, mais je vais y réfléchir. Evidemment pour commencer je t’invite – Ah, mais c’est pour ça que tu n’as pas pris de vin ! » Le rire qu’elle laisse échapper est franc: il est lent à la réflexion, parfois, mais ses éclairs de génie l’amusent sincèrement. “Ne me rappelle pas ce fardeau.” Et s’il y a bien une raison pour laquelle elle pourrait ne pas aimer être enceinte, ou l’idée même d’avoir un enfant, ce sont tous ces mois à passer sans pouvoir boire la moindre goutte de ce doux alcool qu’elle apprécie tant. Lily Keegan n’a pas beaucoup de vice mais elle ne peut décemment pas cacher ce dernier. “On peut trinquer à l’eau, ça me va tout aussi bien.” Ce n’est pas comme si elle ne savait pas faire semblant, n’est-ce pas ? Sa proposition est là pour apaiser les cœurs, l’idée de trinquer à la future naissance de son enfant n’ayant rien de vital.

Ce qu’elle ressent profondément le besoin de préciser et souligner, pourtant, c’est à quel point Ezra est quelqu’un de bien, lui qui n’a rien à voir avec Callum ou Alfie, sur n’importe quel point de comparaison qui pourrait être donné. Il est doux, il est simple, et à ses côtés rien n’a jamais été aussi facile. "Tu sais Lily, Ezra, j’ai jamais rien eu contre lui. C’est juste que… » C’est juste qu’il est arrivé au mauvais moment, au mauvais endroit, choisissant le bras de la mauvaise personne pour se montrer auprès de. Elle hoche la tête, n’ayant pas de mal à comprendre la situation qu’était celle de Corey à l’époque, quand bien même sa vision des choses est largement erronée. Callum n’était pas celui qu’il croyait, Ezra était tout sauf un opportuniste: lui aussi avait terriblement besoin de quelqu’un à ses côtés. « C’est un peu comme pour Matt. J’ai eu un peu de mal au début, mais au final c’était un mec super. » Et cette fois-ci, si elle ne dit rien, c’est un sourire automatique et triste qui parle à sa place. Parce que Matt, elle l’a sincèrement aimé. Parce que Matt, elle déplore encore sa mort pour laquelle elle n’a rien à voir. Parce que Matt, c’est avec lui qu’elle a façonné bon nombre de ses rêves qu’elle a pu toucher du bout des doigts. “Il l’était, oui.” Elle trouve le besoin d’ajouter, nostalgique, pour ne pas dire triste. « S’il te rends heureuse, je ne doute pas de finir par le trouver génial. » Merci est ce que l’expression toute entière de son visage hurle au grand brun, lui qui est à des années lumière de la vision manichéenne des choses qu’a toujours Lily. “Il me rend heureuse. Tu auras le temps d’apprendre à le connaître.” Avant, ils n’ont jamais pris le temps de faire les choses correctement. Aujourd’hui, elle sait qu’ils ont encore tout le reste de leur vie pour ça.

« Oui, déjà s’il vous faut des bras en plus pour ton déménagement, tu me le dis. Vous avez déjà arrêté une date ? »
“J’ai emménagé de façon totalement officieuse pour le moment, je ramène toujours un peu plus de choses par ci par là. J’emménage chez lui, peut-être que tu vas pouvoir garder tes gros bras pour faire du sport sur la plage.”

Lily répond, entre rire et mensonges. Elle n’ajoute pas d’affaires petit à petit parce qu’elle est mortifiée à l’idée de retourner chez elle et par conséquent y croiser Alfie. Au moins, c’est effectivement elle qui emménage chez Ezra et non le couple qui se trouve une toute nouvelle maison, ce qui explique l’absence de meubles à déplacer et le besoin de mêler Corey à tout cela. Pour ce qu’il en est de faire du sport sur la plage, sous les yeux intéressés de certaines et certains, elle sait bien que cela ne lui ressemble pas et c’est sans doute ce qui rend l’idée d’autant plus amusante. « Il faudrait peut-être qu’on commence enfin ce déjeuner non ? » Sans doute, oui. La serveuse les regardant toutes les cinq minutes depuis longtemps déjà est sûrement de leur avis. “Bonne idée. Je meurs de faim.” On dira que c’est le bébé qui réclame déjà sa part.