can this be our one last chance?

AUTUMN GALLOWAY & @KIERAN HALSTEAD

Dans un autre monde, dans une autre vie, ce voyage aurait été tout autre. Tu oses croire qu’il n’aurait pas été une grande première. Que vous n’en seriez pas à votre première fois à quitter l’Australie ensemble, en amoureux, à finalement découvrir le monde comme tu en avais si souvent parler lors de vos premières années ensemble. C’était le manque de fonds qui vous avait retenu à l’époque, mais aujourd’hui, dans cette réalité parallèle, vous ne manqueriez de rien, non. Kieran aurait enfin réalisé son plein potentiel avec son art et toi, tu te serais enfin placée dans une carrière qui te va bien. L’enseignement sûrement. Le rythme des vacances offert par ton boulot serait accompagné par la liberté financière de Kieran 2.0 et vous pourriez enfin meubler vos journées selon vos désirs, loin de vos problèmes, loin de ce qui vous a toujours tiré vers le bas plutôt que de vous permettre d’avoir une relation à la hauteur du potentiel que tu savais pourtant que vous aviez ensemble. Oh, il ne se passe pas une journée sans que tu ne penses à tout cela. À ce qui aurait pu être, à ce que tu voudrais qui soit encore possible. Ce voyage pour l’Indonésie aurait pu être pour célébrer votre deuxième anniversaire de mariage avec quelques semaines de retard. Ça aurait été beau, ça aurait été romantique tout autant. Ça aurait été à des années lumières de ce qui se passe présentement. Du malaise qui avait été palpable dès l’instant où tu avais invité Kieran pour ce voyage et que tu avais insisté. Et ce serait presque drôle, la manière à laquelle tu t’accroches bien plus facilement à une réalité complètement inventée dans un recoin de ton esprit plutôt qu’à la vérité qui s’étale sous tes yeux depuis des mois, des années vraiment. C’est que ta vie a toujours eu meilleur goût dans ton imagination après tout.

Ce n’est pas pour autant que tu es tellement déconnectée de ce qui se passe vraiment. Non, tu es consciente de tout ce qui s’est passé. Surtout de tout ce qui s’est passé depuis ton anniversaire. Depuis cette rechute, celle que tu ne mentionnes jamais, celle dont tu t’efforces d’oublier l’existence malgré les questions devenues fréquentes de Kieran à savoir comment tu vas vraiment, comme si tu allais lui donner une réponse différente avec un peu d’emphase de sa part. Tu sais que ça part d’une bonne intention, tu veux même croire qu’il s’inquiète réellement pour toi, mais tu veux faire tout en ton possible pour lui faire oublier cet accrochage. Pour lui faire oublier que sous la version 2.0 d’Autumn avec améliorations, il y a encore quelques soucis de défaut de fabrication. Encore quelques bugs du premier modèle qui n’ont pas été réparé aussi bien que tu ne cesses de le répéter. Alors ta mission pour ce voyage, à défaut de pouvoir en faire une destination romantique, c’est de prouver à Kieran de toutes les manières possibles et imaginables que tu vas bien. Pour de vrai de vrai. Que tu es une fille différente. Une qui ne lui ferait pas de mal. Une qui n’abuserait pas de lui, ni de sa confiance, comme tu as pu le faire par le passé. Que tout ce que tu lui dis, que tout ce que tu fais pour lui part d’une intention noble et sincère. Celle de renouer. Celle d’être là pour lui. De t’occuper de lui comme il a toujours su s’occuper de toi. Parce qu’ensemble, tu veux vraiment croire que vous pouvez vraiment aller mieux.

Mais dans quel monde est-ce que tu vis, Autumn?

Dans celui où le déni se fait toujours un peu plus confortable avec chaque jour qui passe. « Ça va, t’as pas trop le mal de mer? » Tu t’approches de Kieran doucement, sans oser le toucher même si l’envie de glisser une main dans son dos reste une éternelle tentation lorsqu’il est à proximité. Tu ne sais pas si Kieran a déjà pris un ferry par le passé, tu ne sais pas non plus s’il a un problème quelconque avec ce moyen de transport. Pour l’instant, tu gères. C’est particulier comme sensation, mais tu ne trouves pas ça désagréable. Et puis tu sais qu’une fois que vous aurez atteint l’île que t’a été décrite comme étant paradisiaque, le temps passé à bord de ce navire en vaudra grandement la peine. « Je pense que c’est la première fois que je prends un ferry. C’est pas comme si on était entouré par l’eau à Toowoomba non plus. » Tu ris doucement. Tu remplis le silence de tout ce qui te passe par la tête. Parler pour parler. Pour éviter d’aborder des sujets de conversations qui se veulent bien trop lourds, ceux qui reviennent pourtant sans cesse, peu importe ce que vous faites. « Je suis vraiment contente que tu aies accepté de m’accompagner. » Jusqu’à l’île. Jusqu’en Indonésie. Contente qu’il soit là. Qu’il soit avec toi, même si ce n’est pas exactement ça. Tu prends chaque morceau qu’il t’offre, peu importe si tu te retrouves simplement avec cette envie irrésistible d’en demander toujours plus.

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@AUTUMN GALLOWAY & KIERAN HALSTEAD
(c) harley

(SUR LA ROUTE). Il y a des personnes, quand elles se sentent redevables, qui n’hésitent pas à faire des dizaines de kilomètres en voiture ou à payer une addition astronomique pour tenter de remettre les compteurs à égalité. Et il y a Kieran, qui a accepté d’accompagner son ex à l’autre bout du monde pour un voyage qu’il n’a pas les moyens de se payer. Est-ce que ce trop-plein de dévotion surprendra quelqu’un ? Personne ? Bien. Est-ce une raison pour ignorer à quel point l’acte est insensé ? Non. Et si tu pensais que j’allais m’abstenir de tout commentaire, c’est bien mal me connaître, Kieran. Je ne vais pas te faire l’affront de te déclarer stupide ; mais ta décision l’est. Oh oui, qu’elle l’est, et si tu permets, j’aimerais même accentuer légèrement les choses : elle est stupide, ridicule, irréfléchie, idiote, absurde, ... je continue ou le message est passé ? Tu m’excuseras d’en douter ; je t’ai fait part de mes oppositions dès le moment où Autumn a verbalisé l’invitation et pour quel résultat ? Ouais, t’es là, à tanguer sur un bateau et à réprimer un début de mal de mer. C’est la version officielle ; est-ce que tu n’aurais pas plutôt la nausée à l’idée des raisons derrière ce voyage, qui commenceraient enfin à te paraître pour ce qu’elles sont ; déraisonnables ? Ce n’est même pas le fait de partir avec son ex. Certains arrivent à rester amis et un départ en vacances ensemble ne serait pas surprenant. Mais vous ? Toi et Autumn ? Ça va, tu comprends tout seul ou il faut encore que j’élabore ? Mauvais. Calcul. Très. Mauvais. Calcul. Je l’ai souligné, je l’ai hurlé même, à en martyriser sa boîte crânienne et ça n’a pas eu l’effet escompté jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à ce qu’il se rende compte que cette fois-ci, il est bien à Semarang et qu’il ne peut pas reculer. Et je sais bien que tu t’agaces que je tienne la liste, mais... on peut dire que concernant les bonnes vieilles idées de merde, on tient une gagnante, hein ?

Je suis le premier à m’en surprendre ; il ne semble pas totalement en opposition avec ma manière de voir les choses. Il n’est pas aussi tranchant que moi ; il n’ira pas jusqu’à dénigrer le séjour, mais son anxiété gagne toujours un peu plus de terrain depuis qu’ils ont quitté Brisbane. Depuis qu’il n’y a plus que lui et Autumn, depuis qu’il est inévitable d’avoir à la côtoyer, depuis que la fuite n’est plus une option – vraiment ? C’est pas ce que tu fais, pourtant, Kieran ? Tu fuis la ville, tu fuis les rendez-vous médicaux, tu fuis Raphael, auprès de celle que tu as fui deux ans plus tôt. C’est presque ironique, presque comme une façon de boucler cette histoire de la même manière qu’elle a commencé. Est-ce vraiment une finalité ou le début d’un autre chapitre ? J’aimerais que ce soit la première option ; Kieran, lui, oscille entre les deux options. Une envie de mettre cette histoire derrière lui et le désir, jamais disparu même dans les heures les plus sombres, de croire à une fin différente. Mais on en a déjà parlé, toi et moi, de tout ça. De la manière dont l’histoire ne peut connaître d’autre issue, de la façon dont Autumn et toi ne pourrez jamais être compatibles parce que vous êtes deux bombes prêtes à exploser et que les dégâts de l’un font les séquelles de l’autre. Ce voyage ne changera pas l’histoire, Kieran. Je suis désolé de te l’apprendre ; je suis désolé d’insister sur cette vérité que tu refuses encore de voir. Et je suis désolé de ne pas avoir été assez efficace pour que tu cesses de te penser redevable, pour que ce sentiment dicte tes choix au détriment de ce que tu veux vraiment. Je suis désolé que tu ne sois pas en mesure de prendre les décisions avec le courage et la confiance que je te souhaitais ; sans quoi tu aurais refusé, sans quoi tu te ne serais pas retrouvé ici, dans cette posture indélicate. C’est indélicat ; quiconque connaissait leur historique s’en rendrait compte. Mais ils n’iraient pas chercher plus loin que le malaise liée à une fin de relation légèrement mouvementée et non pas tous les aboutissants derrière celle-ci. Derrière l’obligation qu’il a ressentie à l’accompagner ici après les récents événements ; ce sentiment de lui devoir quelque chose après cette nuit de novembre, et l’inquiétude de la laisser seule qui fait suite à cette soirée de mars. Il l’a abandonnée par le passé et il ne veut pas se rendre coupable d’une seconde absence dont les conséquences pourraient être bien plus dramatiques. Alors il a dit oui. Il a dit oui, scellant les chaînes autour de lui alors qu’il était parvenu à s’en libérer deux ans plus tôt.

Il s’en rend compte de tout ça, Kieran. Il n’arrive pas encore à formuler les choses avec autant de clarté, mais il en a conscience. Tout comme il a conscience que l’envie a aussi joué son rôle derrière son acceptation, cette même envie qu’il essaie de dissimuler pour ne pas réveiller mon agacement – comme si tu pouvais me cacher quelque chose, ah, ah. « Ça va, t’as pas trop le mal de mer? » La voix d’Autumn le rappelle à lui alors qu’il détourne le regard sur elle. « Ça va. » Il rétorque simplement alors que ses préoccupations sont autres. « Je pense que c’est la première fois que je prends un ferry. C’est pas comme si on était entouré par l’eau à Toowoomba non plus. » Il esquisse un sourire, aussi nostalgique qu’il n’est triste. Les rappels de leur vie à Toowoomba a le don de réchauffer autant que de briser un peu plus sur cœur ; quand il songe à tout ce qu’ils étaient, à tout ce qu’ils ont perdu. « Je crois que c’est ma première fois, à moi aussi. » Il souligne avant de reporter son regard sur le large. « Je sais pas encore quoi en penser. » Tout dépendra de la tenue de son estomac sur le long terme. « Je suis vraiment contente que tu aies accepté de m’accompagner. » Il reporte son attention sur la jeune femme, l’observe un instant. « Et je suis content que tu aies eu envie de faire ce voyage. » De partir, ailleurs, d’avoir un objectif, quelque chose à quoi se raccrocher. « Qu’est-ce que tu as prévu, durant le séjour ? » Il demande, tentant de ne pas donner l’impression de lui faire passer un interrogatoire alors qu’il poursuit : « Tu dors chez l’habitant ? » Il en aurait encore des milliers, des questions à poser pour s’assurer que ce voyage se passera au mieux pour elle, mais il se pince la lèvre pour les limiter, ne voulant pas l’étouffer alors qu’il veut simplement lui assurer que, cette fois-ci, il est là pour elle. Et toi, dans tout ça, Kieran ?

N’importe qui t’aurait dit que c’était une mauvaise idée, une très mauvaise idée. Sans doute que c’est pour cette raison bien précise, que tu n’as rien dit à personne. Que tu n’as pas chercher l’avis des quelques amis qui font encore partie de ton quotidien, des connaissances bien plus que des amis d’ailleurs, certains qui te connaissaient déjà à l’époque de Kieran, d’autres qui n’ont eu que des versions variables sur ce qui peut être les plus belles années de ta vie, ou les pires, selon ton humeur et selon ton interlocuteur. Qu’importe vraiment, quand tu n’as demandé l’avis de personne et que tu l’as fait quand même. Inviter Kieran. À Semerang. Loin de tout et de tout le monde. Coup de tête à la base – comme la plupart de tes idées et de tes décisions – tu ne pensais pas vraiment que tu arriverais à le convaincre de te suivre. Ça n’avait pas été si difficile pourtant. Ça voulait certainement dire quelque chose donc, te répétait constamment cette petite voix dans ta tête, celle qui ne lâchait jamais l’idée que ton histoire avec Kieran pourrait connaître une bien meilleure fin, si vous vous en donniez la chance. Et elle prenait de plus en plus de place, cette voix, contre ta logique et ta raison que tu terrais dans un coin, que tu ignorais à outrance comme tu savais si bien le faire. La deuxième chance sous un décor exotique et une envie de mettre le passé loin derrière. De le jeter dans l’océan et de ne plus jamais y repenser, rien de plus pratique considérant où vous vous trouvez actuellement. Oh, c’est qu’elle chantait de plus en plus fort la petite voix, elle prenait toute la place désormais et tu y croyais. Pire encore, tu t’y accrochais. Tu lui donnais raison sans jamais tenter de redescendre sur terre. Tu te sentais bien, bien près de lui, comme ça aurait toujours dû être le cas. Tu ne voulais plus voir tout le mal que tu lui avais fait, tout le mal que tu vous avais fait. Tu voulais fermer les yeux et ne voir que cette image de perfection que tu préparais depuis deux ans déjà. Oui, c’est ça. Tant pis si c’est loin de la réalité. Tant pis si la chute risque d’être brutale. Tant pis si tu risques de tomber sans parachute, sans rien pour ralentir la descente, sans rien pour amortir l’atterrissage. Tant pis. Tu vas bien de toute façon, plus rien ne peut t’atteindre, pas même le sol.

Pas même le manque évident d’enthousiasme de Kieran que tu tentes d’ignorer. Si tu ne l’adresses pas directement, alors ce n’est pas un problème, ce n’est pas quelque chose de réel, de concret. Tu peux te permettre de continuer à croire qu’il veut peut-être, tout au fond de lui, les mêmes choses que toi. Qu’il a les mêmes envies, les mêmes rêves pour vous deux. Tu peux continuer de fabuler alors que tu t’approches de lui, alors que tu lui fais des yeux doux, que tu lui offres ta voix la plus mielleuse, ton attitude la plus douce. Tout pour lui rappeler les traits de la Autumn dont il est autrefois tombé amoureux. Celle qui n’était malade, celle qui ne lui faisait pas mal, celle avec qui il pouvait s’imaginer un futur au point de se mettre un genou par terre un soir d’été et lui demander de l’épouser. Tu voulais qu’il retrouve cette Autumn-là, autant que tu voulais de nouveau être cette Autumn-là. Et si ce qui s’était passé à ton anniversaire compliquait un peu les choses, tu ne t’avouais pas vaincue pour autant. « Ça va. » Tu lui offres un simple sourire, tentant un peu plus d’ignorer la nonchalance du Halstead. Tu essayes de provoquer une réaction quelconque, en mentionnant ainsi Toowoomba. En mentionnant ainsi votre ancienne vie, vos vieux souvenirs, tout ce que vous avez perdu, mais qui n’est peut-être pas impossible de retrouver, avec un peu d’effort, un peu de volonté. Comme si les efforts et la volonté pouvaient réellement effacer les blessures que tu t’efforces d’effacer de ta mémoire et de ta peau. Comme si. « Je crois que c’est ma première fois à moi aussi. » La simple idée d’encore partager des premières fois avec Kieran te fait vraiment plaisir, sûrement trop d’ailleurs. « Je sais pas encore quoi en penser. » Tu échappes un petit rire, cette fois-ci, tu ne retiens pas le mouvement de ta main qui prend doucement place sur son bras. D’un naturel qui se veut un brin trop forcé, mais dont la sensation est toujours aussi agréable. Pour toi, du moins. « Je crois qu’il n’en reste pas trop long, avant qu’on arrive sur l’île. » Tu essayes de te faire rassurante, comme si de quelques mots seulement, tu pouvais effacer toute trace de nausées. À coup de sourires charmants et de battements de cils, tout passera mieux, non? Oh ce que tu peux être naïve quand tu t’y mets, Autumn. « Si tu regardes ailleurs que les vagues, ça aide à diminuer cette sensation de tanguer. » Alors regarde-moi, Kieran, s’il-te-plaît. Me vois-tu comme j’ai besoin que tu me vois?

« Et je suis content que tu aies eu envie de faire ce voyage. » Encore une fois, ce n’est pas exactement ce que tu espérais entendre, et c’est bien plus difficile que prévu, de ne pas le laisser voir que ton sourire se crispe peu à peu, alors qu’il ne suit pas le dialogue que tu t’étais créée de toutes pièces dans ta tête. C’est qu’il y a certains travers qui sont plus difficiles à irradier que d’autres, de toute évidence. « C’est exactement ce dont j’avais besoin. J’espère que ça te fera du bien, à toi aussi. » Lui aussi, il en avait besoin, tu en étais convaincu. Lui aussi, avait eu son lot de moments difficiles dans les six derniers mois et ce voyage, c’était une occasion de se concentrer sur lui, sur le beau, sur le futur. Celui dans lequel tu tentes si fort de te faire une place, bien évidemment. « Qu’est-ce que tu as prévu, durant le séjour? » « Rien de couler dans le béton jusqu’à maintenant. » Traduction : je suis ouverte à toutes tes suggestions, si jamais tu en as. Mon horaire sera le tien, si tu le souhaites. « J’aime bien faire au jour le jour quand je voyage. » que tu justifies, comme si ça pouvait vraiment expliquer ta réticence à te faire des plans qui n’impliqueraient pas Kieran d’une manière ou d’une autre. « Tu dors chez l’habitant? » Tu fais signe que oui de la tête. « Ma famille est merveilleuse. Ils habitent dans une grande maison, tu devrais voir, c’est magnifique et spacieux. J’ai même ma propre salle de bain, et les deux autres australiennes qui restent là aussi. » Et de ce que tu avais entendu de d’autres australiens participant au même échange, tu avais été très chanceuse de tomber sur eux. « Toi aussi? » que tu lui demandes, presque certaine que c’était l’option qui faisait le plus de sens pour lui aussi. Tu espérais sincèrement qu’il ait eu autant de chance que toi avec sa famille d’accueil, presque autant que tu espérais que non, pour pouvoir lui offrir de rester avec toi, s’il en avait réellement besoin, toujours à la recherche de la moindre raison et occasion de créer des rapprochements quelconque. Comme ta main toujours sur son bras, par exemple. De ta main libre, tu pointes l’île qui se fait désormais visible à l’œil nue, à quelques mètres de vous. « Je te l’avais dit que ça en vaudrait la peine. » que tu murmures, tout ton corps se rapprochant du sien, sourire éclatant aux lèvres alors que tu te perds déjà sous la vue infinie de la plage aux sables blancs contre laquelle le ferry viendra très rapidement se placer.

Le regard porté devant lui sans même accorder la moindre attention à un horizon qu’il ne reverra pas de sitôt, Kieran s’interroge sur les raisons qui l’ont mené jusqu’ici. À première vue, il ne s’agit de rien d’autre que d’une proposition de voyage qui a été acceptée – l’envie de voir autre chose qu’un pays qu’il n’a jamais quitté, le besoin de changer d’air, aussi, ont contribué à sa décision. Ce n’est certainement pas une fausse raison – je sais à quel point il rêve de découvrir le monde et qu’il ne pouvait décemment pas manquer une occasion qui ne se présentera peut-être jamais plus – mais ce n’est pas non plus la principale. Il aurait voulu autant que moi que ce soit le cas. Que son désir de liberté, de sensations et de découvertes soient les moteurs à cette escapade à des milliers de kilomètres de Brisbane. Qu’il s’agirait d’un voyage qui viserait à cocher certains numéros de la liste de ses désirs plutôt que de barrer la culpabilité qu’il ressent à l’égard d’Autumn depuis leurs retrouvailles, doucement transformée en reconnaissance. Mais quelle reconnaissance au juste, Kieran ? De t’avoir sauvé si près du but, alors même que tu pouvais passer pour un dommage collatéral et non pas un lâche ? Tu sais autant que moi que tu n’es pas si reconnaissant que ça, et que si tes valeurs morales ne t’obligeaient pas à rendre la pareille, l’intrusion dont a fait preuve la jeune femme ce soir-là serait source d’agacement plus que de gratitude. Il aurait même pu craquer le soir de son anniversaire, où toute sa détresse faisait écho à la sienne. Un instant, il avait eu envie de lui dire ce qu’il avait ressenti à l’idée d’être sauvé, partager avec quelqu’un qui le comprendrait mieux que quiconque ce renoncement qui va à l’encontre de l’instinct de survie et dont il avait été le premier à s’en surprendre. Mais si dans leur affliction respective demeure les derniers points communs entre eux, ce n’est pas suffisant pour prétendre se comprendre. Elle n’aurait probablement pas compris pourquoi ce couteau planté dans sa chair avait été la source d’autant de réjouissance de sa part et pourquoi son arrivée avait mis un terme à tous ses espoirs les plus enfouis, tout comme il n’aurait pas pu comprendre les raisons l’ayant amenée à rechuter après qu’elle lui ait pourtant assuré qu’elle avait été en mesure de se reprendre en main. Il aurait pu craquer ce soir-là mais ne l’avait pas fait, le silence restant sa meilleure arme quand vient le moment de communiquer.

Et aujourd’hui ne fait pas exception à la règle, alors qu’à mesure que le bateau s’approche de l’île, Kieran n’arrive pas à comprendre comment il en est arrivé-là. Comment en l’espace de quelques semaines, la nécessité d’oublier Autumn a fait place au besoin de ne jamais la savoir loin de lui. Et si j’ai souvent l’impression d’avoir failli à la mission avec toi, Kieran, le simple fait que tu te poses la question me prouve que tout n’est peut-être pas perdu. C’est vrai ça, comment vous en êtes arrivés-là ? Les signaux que son corps lui renvoient en présence d’Autumn ne sont pas les mêmes que le soir où il a laissé cette lettre sans jamais se retourner, que le jour où leurs chemins se sont croisés pour la première fois après deux ans d’ignorance. Ils ne sont pas non plus ceux qui l’animaient au moment des premiers rendez-vous, au moment où il a posé ce genou par terre en étant persuadé de prendre la meilleure décision de sa vie. C’est un entre-deux, ce sont des émotions sur lesquelles il n’arrive pas encore à statuer, qui l’enveloppe d’une certaine nostalgie autant qu’elles ne l’entraînent dans un malaise persistant. Je n’ai même pas besoin de lui rappeler la détresse qui était la sienne quand leurs chemins se sont recroisés, Kieran ne l’a jamais vraiment oublié, encore moins en se demandant comment, à partir de ce moment-là, ils ont fini par partir ensemble si loin de tout ce qu’ils ont toujours connu. Rien ne laissait présager ces instants qu’ils s’apprêtent à vivre et Kieran ne goûte pas au sentiment de liberté après lequel il court désespérément, mais bien à l’impression d’être entravé. Et si tu identifies si bien les choses, c’est parce que tu les reconnais, pas vrai ?

La main qu’Autumn glisse sur son bras le ramène sur terre. « Je crois qu’il n’en reste pas trop long, avant qu’on arrive sur l’île. » Il met quelques instants à reporter son regard sur la jeune femme et loin de le rassurer, il sent son estomac se nouer. Que feront-ils, une fois sur l’île ? Est-ce qu’il devra constamment rester près d’elle pour s’assurer qu’elle ne ment pas, cette fois-ci, et qu’elle va mieux ? « Si tu regardes ailleurs que les vagues, ça aide à diminuer cette sensation de tanguer. » - « Oh, ok. » Mais son regard n’arrive pas à ignorer les vagues, qui ne sont finalement pas les seules responsables de ses nausées. « C’est exactement ce dont j’avais besoin. J’espère que ça te fera du bien, à toi aussi. » À ces mots il détourne légèrement la tête pour l’observer du coin de l’œil, un léger sourire au coin des lèvres. « Je pense, oui. Je suis jamais parti aussi loin. » L’aveu n’a rien d’inédit, elle sait mieux que personne qu’il n’a jamais quitté l’Australie et que son épopée la plus marquante a été le moment où il a été déraciné de Nouvelles-Galles du Sud pour arriver dans le Queensland. L’expérience ne l’avait pas particulièrement séduite, raison pour laquelle il ne s’est probablement jamais autorisé remettre ses repères à l’épreuve avant aujourd’hui. « Rien de couler dans le béton jusqu’à maintenant. » Autumn, elle, s’en fiche bien de ses marques et ce constat lui tire un maigre sourire – elle a toujours fait selon ses envies du moment et c’était bien ce qui lui plaisait – avant que ça ne devienne désastreux, pas vrai, Kieran ? « J’aime bien faire au jour le jour quand je voyage. » - « Je me souviens, oui. » Quand lui n’arrive pas à concevoir de ne pas avoir un programme détaillé qui lui permet d’anticiper chaque journée et de prévoir le moindre imprévu avant même qu’il n’arrive. « Mais t’as des envies particulières ou pas du tout ? » Il insiste quelque peu, ayant besoin de s’assurer que la jeune femme ne compte pas seulement vivre de son impulsivité durant le séjour – ils savent aussi bien l’un que l’autre que ça n’a rien de bon, même dans un tel contexte ; surtout pas dans un tel contexte si l’on prend en compte cette soirée de mars qu’il n’arrive pas à oublier. « Ma famille est merveilleuse. Ils habitent dans une grande maison, tu devrais voir, c’est magnifique et spacieux. J’ai même ma propre salle de bain, et les deux autres australiennes qui restent là aussi. » Il écarquille légèrement les yeux, surpris autant que jaloux quant à cette description qui s’éloigne de celle qu’il peut faire de son logement. « Tu vas pas avoir envie de repartir s’ils t’accueillent ainsi. » Il souligne avec un rire timide. Un coup d’œil à l’horizon – qu’il prend le temps d’admirer cette fois – suffit à comprendre que cette île peut transformer les touristes en locaux en un rien de temps. « Tu les connais, les filles qui sont avec toi ? » Il continue de poser des questions, toutes celles qui lui permettraient d’aborder le voyage aussi sereinement que possible. « Toi aussi? » Secouant légèrement la tête par la négative, c’est un soupir qui s’échappe finalement de ses lèvres. « Non, ils ont prévu une tente dans leur jardin. J’essaie de me dire que les bestioles qui y vivent sont sûrement moins pires que celles qu’on a chez nous. » Même s’il n’a pas pour habitude de se réveiller nez-à-nez avec une araignée qui fait la taille de son poing sous prétexte qu’il vit en Australie – et il aimerait tout autant rester ignorant de la faune locale. « Je te l’avais dit que ça en vaudrait la peine. » Elle pointe du doigt l’île dont ils se rapprochent et Kieran s’avoue vaincu, toujours sur l’horizon alors qu’il sent la jeune femme plus proche de lui, que son bras effleure le sien à la ferveur des vagues. « J’en ai jamais douté. » Il précise avec un léger sourire alors qu’ils amarrent et qu’une dizaine de minutes plus tard, ils sont désormais libres de leurs mouvements. « Tu veux rejoindre ta famille tout de suite ou tu veux déjà faire un tour de l’île ? » Il la questionne, car si son programme se décide au jour le jour, le sien aussi ; plus particulièrement, il se calque sur celui de la jeune femme.

@Autumn Galloway

Il y a tout ce dont tu pourrais avoir besoin, juste ici. Une vue paradisiaque, de la nouveauté partout où tu poses ton regard, une échappatoire à ton quotidien et Kieran. Oui, vraiment, tu ne pourrais rien demander de plus, même si tu n’es pas certaine de saisir comment vous en êtes arrivés là. Ça te fait plaisir, peut-être que ça ne devrait pas. Tu te fais tous pleins de films, ça, la toute petite partie logique de ton cerveau sait que tu ne devrais pas, mais ça fait longtemps que tu ne l’écoutes plus, cette voix-là de la raison. Tu préfères te perdre un peu plus loin dans les parties malades de ton esprit, celles qui te permettent (t’obligent?) de ressentir tout en puissance, en grandeur. Pas juste les mauvaises émotions, les belles aussi. Comme ces papillons qui virevoltent dans le fond de ton estomac chaque fois que tu poses les yeux sur Kieran. Tu veux croire que c’est de l’amour qui n’a jamais disparu, des sentiments que tu as toujours conservé à son égard. Qu’importe si en fait, c’est ton corps qui tente de te signaler que c’est un stress que tu ne devrais pas imposer, ni à toi, ni au Halstead. Qu’importe si une fois de plus, ton corps, ta tête et ton cœur se font la guerre? Ça fait longtemps que tu as arrêté de compter les points entre eux de toute façon. Là, il y a ton cœur qui veut que tu te rapproches de Kieran, ton corps qui écoute quand tu viens légèrement le frôler, ta tête qui oublie absolument tout dès que sa peau entre en contact avec la tienne, même aussi légèrement. « Oh, ok. » qu’il répond tout simplement à ton conseil, son regard néanmoins toujours posé vers l’océan. Tu voudrais qu’il se détende, qu’il profite de ce moment comme toi tu en profites, qu’il oublie tout le reste, mais tu connais assez Kieran pour savoir que ce n’est pas dans ses habitudes, de facilement s’oublier dans l’instant présent. « Je pense, oui. Je suis jamais parti aussi loin. » « Peut-être que ça te donnera la piqûre pour les voyages. » que tu suggères avec un sourire, ta mission de lui trouver de nouveaux intérêts toujours en arrière-plan, des commentaires que tu n’entends même plus, avec des intentions qui peuvent être mal-interprétés, même si ce n’a jamais été ton attention.

Tu n'as pas vraiment de plan pour ce voyage. Si tu as toujours aimé l’idée d’être organisée, d’être de ceux qui savent bien classer les choses, préparer les horaires et tenir un agenda parfaitement à jour, tu n’as jamais réussi à exceller dans cet art qui te serait pourtant bien utile pour ton futur travail d’enseignante. Tu es plutôt une pro de l’improvisation, trop souvent sous l’effet de tes humeurs qui contrôlent tout et n’importe quoi. Cette escapade indonésienne n’est qu’une preuve de plus à cette liste qui s’allonge un peu trop rapidement dernièrement. « Je me souviens, oui. » Tu lui rends son sourire, souhaitant replongée toi aussi dans cette nostalgie des bons moments, des beaux moments, comme tes petites manies et toutes ces choses qu’il aimait tant chez toi, à l’époque. « T’aimais ça, que je te sorte de ta zone de confort. » que tu lui rappelles avec ta petite voix de fille cute, comme si tu pensais que ça pouvait encore avoir le même effet sur lui aujourd’hui qu’à l’époque. Peut-être. En ce moment, tu as envie de croire que tout est possible, prise dans une effervescence dont la chute risque d’être amèrement douloureuse. Mais ça, tu refuses simplement d’y penser. « Mais t’as des envies particulières ou pas du tout? » « Je veux profiter de la plage et des paysages, surtout. » que tu avoues sans grande surprise. Oui, vous aviez des plages magnifiques en Australie, mais tu voulais découvrir celles du pays, tout comme tu souhaitais simplement te laisser te guider par tes envies du jour. Idéalement, tu voulais faire tout ça avec le Halstead à tes côtés. « Tu vas pas avoir repartir s’ils t’accueillent ainsi. » Tu échappes un rire. « Ça pourrait être un problème. » Vous veniez à peine d’arriver que tu savais que ce serait sans aucun doute difficile pour toi de repartir. De laisser cet univers paradisiaque dans lequel tu n’as pas apporté le moindre de tes problèmes (ou du moins, tu essayes de t’en convaincre) pour retrouver une routine dans laquelle tu es plus souvent qu’autrement misérable, peu importe ce que tu t’efforces de dire à Kieran pour le rassurer suite à ce qui s’est passé au mois de mars. Ouais, ça pourrait être un problème, un avec lequel tu géreras plus tard, ou jamais, qu’importe. Tu veux être dans le présent, tannée de te torturer avec le passé, pas prête à faire face au futur. « Tu les connais, les filles qui sont avec toi? » Tu fais signe que non de la tête. Tu ne savais pas non plus si tu chercherais tant que ça à socialiser avec elles. Elles n’étaient pas celles avec qui tu voulais réellement profiter de ce voyage. « Non, ils ont prévu une tente dans leur jardin. J’essaie de me dire que les bestioles qui y vivent sont sûrement moins pires que celles qu’on a chez nous. » « Tu pourras dormir à la belle étoile. » que tu essayes de romantiser, réalisant qu’une tente dans un jardin, ça n’avait pas exactement le même attrait qu’une suite privée dans une maison immense. « Tu te souviens quand on a fait du camping à Gold Coast? » Peut-être bien que tu avais envie de revisiter le passé un peu finalement, seulement les moments qui te font plaisir toutefois. Ce moment-là, tu t’en souviens parfaitement. Les long kilomètres de plage au sable blanc, les problèmes avec la tente et votre décision de juste vous installer sous le ciel étoilé avec le strict minimum.

« J’en ai jamais douté. » L’île est tout ce que tu aurais pu espérer, même plus encore. Mais tu n’es pas pressée d’aller te poser chez ta famille d’accueil. Tu comprendrais que Kieran préférerait aller se poser, mais de ton côté, tu considères que la journée est encore jeune et qu’il y a tant à faire. Et idéalement, à faire ensemble. « Tu veux rejoindre ta famille tout de suite ou tu veux déjà faire un tour de l’île? » « J’ai bien envie d’aller me promener un peu. » que tu annonces, l’invitation bien présente dans le fond de ta voix. « Je suis vraiment contente, qu’on puisse faire ça ensemble. » Tu hésites un peu avant de lever la tête vers lui, alors qu’à l’horizon le ferry retrace en chemin inverse sur l’eau. « Y’a trop de choses qu’on a pas eu l’occasion de faire ensemble, avant. » Et même si c’est loin d’être comme avant, ce maintenant avec lui est mieux que les dernières années sans lui. Du moins, il y a longtemps que tu t’es convaincue qu’être près de lui, peu importe la forme, est mieux que de ne pas l’avoir dans ta vie.

Le mal de mer n’est pas tant lié à celle-ci qu’à l’anxiété qu’il ressent depuis leur départ, depuis le moment même où il accepté ce voyage. Et si la nervosité est un trait de personnalité comme un autre pour un Kieran qui l’est constamment, il ne peut pas nier que la présence d’Autumn accentue celui-ci. Pour le meilleur, avec ce voyage qu’il ne se serait jamais permis de faire dans d’autres circonstances et dont le fait de ne pas l’avoir organisé lui fait peur, et pour le pire, avec cette proximité avec la rouquine dont il a autant rêvé que craint. Elle lui fait du bien, oui, il ne peut pas le nier. Elle te fait du mal aussi, Kieran. Il m’entend, mais il n’écoute pas, sans quoi il ne serait probablement pas ici aujourd’hui. Mais il a envie de croire que la distance est suffisante pour effacer toutes les fautes passées. Il a aussi envie de croire que ce voyage est l’occasion de remettre les choses à plat, peu importe la finalité que ça donnera à cette relation qu’il est impossible de décrire aujourd’hui. Partagé entre l’envie de croire à une nouvelle chance autant qu’à la douleur de l’avoir si près de lui, Kieran espère aussi trouver ces réponses-là. Sauf qu’on ne part pas en voyage avec son ex si l’on a aucune intention, Kieran. Et si tu es tenté d’en avoir ; rappelle-toi qu’elle est mariée. Ça fait mal, n’est-ce pas ? Même si ça ne veut rien dire, même si c’est au premier connard venu, même si l’union a peut-être déjà été annulée, toujours est-il qu’elle t’a remplacé. Et si tu refuses de voir la vérité, je vais le faire pour toi. Peu importe si c’est bien avec toi qu’elle est là aujourd’hui, ça n’efface rien, ça n’efface pas le fait d’avoir été remplacé. Et vous savez le pire dans tout ça ? Il ne s’en étonne même pas. Si j’essaie de lui rappeler qu’il l’a vue dans ses plus mauvais jours, il s’accroche aux plus beaux, et il comprend qu’on puisse tomber amoureux d’elle, il comprend qu’on puisse vouloir lier son destin au sien sans y réfléchir, sans même la connaître. Elle a tout pour elle, l’originalité, le répondant, la gentillesse, l’humour, la tendresse et tant d’autres choses qui font d’elle une femme qu’on envie ou désire, c’est selon. Il est passé par les deux ; il est encore en plein dedans, tout en sachant que ce sont des sentiments qu’il n’a plus le droit d’avoir à son égard. Ça ne l’étonne pas non plus d’avoir été remplacé car contrairement à elle, il n’a rien d’unique et on ne peut pas dire que la liste de ses qualités soit aussi longue que celle de la jeune femme. Il est facile de l’ignorer, encore plus facile de l’oublier ; peu importe si ce sont ses propres croyances et non des faits avérés. « Peut-être que ça te donnera la piqûre pour les voyages. » C’est le problème, Autumn. Ça lui donnera la piqûre pour les voyages, mais pas n’importe lesquels ; ceux qui se font à tes côtés.

Et en parfait suiveur, ce sera à elle de dicter le déroulé du voyage, Kieran s’étant contenté d’accepter et comme toujours, de rester silencieux sur ses propres envies – de toute façon, elles n’auraient probablement pas leur place dans un tel contexte. « T’aimais ça, que je te sorte de ta zone de confort. » Un léger rire s’échappe d’entre ses lèvres avant que les souvenirs ne le rattrapent. Il aimait ça, au début. Et puis, il restait bien trop enfermé dans sa zone de confort pour leur permettre d’évoluer ; s’il peut reconnaître cet aspect-là, il peine à considérer toutes les disputes que cela a impliqué, alors même qu’il n’ignore pas le poids des responsabilités qui sont les siennes dans cette histoire. « J’aime toujours. » Oh non, non, ne va pas sur ce terrain, Kieran. « Qu’on me sorte de ma zone de confort. » Il se reprend, bien que ce « on » ne dupe personne – et certainement pas moi. « Je veux profiter de la plage et des paysages, surtout. » La plage et le paysage. Sortir, ne pas rester seule avec ses pensées, c’est une option qui lui plaît et qui lui fera du bien à lui-aussi. Ouais, essaie de t’en convaincre, Kieran. « Alors on profitera de la plage et des paysages. » Dans tous les cas, vu la beauté du lieu les entourant, ils auront de quoi s’occuper l’esprit – comme si c’était ça qui occupait leurs pensées. « Ça pourrait être un problème. » Oui, pour lui ça pourrait être un problème qu’elle ne revienne pas. Pour moi, ce serait l’arrachage de pansement brutal mais efficace dont il a tant besoin. « Je pense qu’il y a pire que de vivre ici. » Il dit avec un sourire, en observant l’horizon. Oui, c’est un bel endroit pour repartir de zéro, même de manière temporaire. Sauf que ce ne sera pas que vous deux, durant ce voyage, Kieran. Que tout ceci vise avant tout à t’assurer qu’elle va bien et non pas à t’assurer que vous allez bien, ensemble.

Elle ne connait pas les filles qui seront avec elle et ça ne l’étonne pas, lui-même ne connait pas ceux qui partageront sa tente – quelle ambiance. « Tu pourras dormir à la belle étoile. » - « Avec des inconnus ? Super. » Il râle gentiment, Kieran n’étant pas particulièrement connu pour être à l’aise avec des inconnus, alors dormir si près d’eux, alors même qu’il tient à son intimité et à éviter toute proximité avec les autres, même lorsqu’il les connaît, on ne peut pas dire que ce soit son séjour de rêve. « Tu te souviens quand on a fait du camping à Gold Coast? » Il secoue la tête par l’affirmative alors qu’un sourire naît sur ses lèvres. « C’était bien parce que les conditions étaient réunies pour que ça le soit, ce jour-là. » Que dormir à la belle étoile ne représentait pas un problème, compte tenu du fait qu’il était avec Autumn et que ça suffisait à son confort. « Là, disons que... je suis pas à l’abri de finir dans le premier hôtel que je trouve. » Dramatique ? À peine. « J’ai bien envie d’aller me promener un peu. » La jeune femme décide du programme quand le bateau arrive et il ne s’en plaint pas – elle a toujours été plus doué pour faire un choix. « Je suis vraiment contente, qu’on puisse faire ça ensemble. » Se calquant sur ses pas alors qu’il entame déjà leur promenade, il finit par croiser son regard dans lequel il se noie une seconde de trop – comme si c’était d’aujourd’hui, Kieran. « Y’a trop de choses qu’on a pas eu l’occasion de faire ensemble, avant. » - « Comme quoi ? » Il demande aussitôt, simplement par curiosité de connaître la liste de ce qu’elle voudrait qu’il fasse ensemble, se rétractant rapidement en réalisant qu’il n’a pas le droit de poser une telle question. Et il baisse la tête, rougit un peu, réfléchit beaucoup. Il voudrait lui dérouler la liste de toutes ces choses qu’ils n’ont effectivement pas faites ensemble et qu’il regrette ; il songe surtout au fait qu’il n’est plus celui qui doit avoir ce rôle. « Je veux dire, je sais Autumn, mais... c’est plus avec moi que tu dois faire ça, je crois. » Oh et je sens à quel point son cœur se brise à cet instant. Parce qu’il voudrait justement être cette personne, mais il a laissé la place à un sombre connard – peu importe s’il n’a pas le droit d’être aussi vindicatif à l’égard d’un inconnu. Mais il ne parlera pas de ce mari, ayant conscience que leur dernière conversation à ce sujet a été compliquée et bien trop chargée émotionnellement pour s’infliger cela à nouveau. « Mais j’étais sincère, je suis content d’être là. » Il était content qu’elle ait fait ce voyage, il admet l’être aussi à l’idée de faire celui-ci à ses côtés, même si ça ne devrait pas être lui à cette place, justement, et qu’il se demande pourquoi le mari en question n’est pas là – mais il ne posera pas la question, de peur que la réponse lui fasse mal. Comme si quelque chose pouvait lui faire plus mal de la savoir unie à autre que lui.

@Autumn Galloway

« J’aime toujours. » C’est qu’il est large, le sourire qui s’installe sur tes lèvres dès le moment où Kieran confirme ce que tu avais envie d’entendre. Peut-être qu’il y a des choses qui sont vouées à rester les mêmes, peu importe le temps qui passe. « Qu’on me sorte de ma zone de confort. » La précision se voudrait presque décevante, mais tu as toujours été plutôt douée, pour n’entendre que ce que tu voulais entendre. Ça n’efface en rien l’air satisfait qui habite ton visage, ça ne ralentit pas les battements de ton cœur qui se sont accélérés à l’idée d’utiliser les prochains jours pour lui rappeler les choses qu’il aimait chez toi, ces choses qu’il aime peut-être encore, tu l’espères. « Alors on ajoutera ça à l’horaire. » Des sorties de sa zone de confort, quelque part entre les plages et les paysages qu’il t’accorde sans aucune résistance. Il doit bien y en avoir, des activités un peu plus sportives, un peu plus téméraires qui l’amèneraient loin du quotidien auquel il est habitué. Tu te demandes s’il sort un peu de son horaire, parfois, ou s’il préfère s’en tenir à une routine un peu trop stable, une routine que tu as toujours trouvé trop ennuyante, toi qui n’as jamais aimé su te contenter d’un mode de vie répétitif. « Je pense qu’il y a pire que de vivre ici. » « C’est sûr. » que tu réponds avec un rire. Il y a pire, il y a sûrement mieux aussi. Tout ce qui t’importe présentement, c’est que c’est différent. Différent de Brisbane, très loin de Toowoomba, une expérience qui n’a rien à voir avec tes quelques mois passés au Canada. Tu peux être qui tu veux, ici. Kieran aussi, s’il se prête au jeu. Vous pouvez recommencer comme vous voulez dans ce paysage, loin de vos erreurs et de vos échecs. Même si c’est pour quelques jours seulement. Même si c’est cruellement éphémère. Qu’importe, tu n’as jamais été très bonne pour apprendre de tes erreurs, pour comprendre que si tes chutes font si mal, c’est parce que tu t’autorises à aller beaucoup trop loin, quand tu vas bien.

« Avec des inconnus? Super. » Le sarcasme, meilleur ami de Kieran. Aujourd’hui, ça te fait rire. Mais il y a bien des fois où ça t’agaçait profondément, cette manie qu’il avait de toujours voir le pire de chaque moment. « Ils ne resteront pas des inconnus bien longtemps. Ça peut être bien, aie confiance. » que tu proposes, faisant bien attention de ne pas imposer, comme ça a souvent été le cas par le passé. On a dit qu’on ne répétait pas les erreurs du passé, il faut faire attention de ne pas laisser les vieilles manies reprendre le dessus, et ça, c’est bien plus facile à dire qu’à faire. « C’était bien parce que les conditions étaient réunies pour que ça le soit, ce jour-là. » « Il y a pas de raisons pour que les conditions ne soient pas réunies à nouveau. » Est-ce que tu es en train de sous-entendre bien peu subtilement que tu n’as rien contre l’idée de dormir avec lui à la belle étoile? Tout à fait. Si tu le connais bien Kieran, ça le fera rougir sûrement, ou peut-être qu’il fera comme si tu n’avais pas suggéré exactement ce que tu viens de dire, mais peu importe. Tu te fais de moins en moins subtile dans tes intentions, sans pour autant être certaine des réactions du Halstead. Tu veux d’une part le rassurer que ton comportement lors de ton anniversaire n’est pas sur le point de se reproduire, tout comme tu as envie de lui faire comprendre que tu es bien quand il est là. Que peu importe ce que ça veut dire ou ce que vous faites, l’avoir de nouveau dans ton quotidien t’apporte plus qu’il ne peut se l’imaginer. « Là, disons que… je suis pas à l’abri de finir dans le premier hôtel que je trouve. » Tu hoches la tête, amusée. « Attends de voir avant de te faire des idées. » Il pourrait être agréablement surpris, Kieran, parce ce que ce voyage a en réserve pour lui. C’est ce que tu lui souhaites, en tout cas.

Tu n'es pas prête à séparer ton chemin de celui de Kieran, pas tout de suite, c’est donc sans grande surprise que tu privilégies l’activité avec lui plutôt que de prendre chacun le chemin de vos résidences pour la durée de ce voyage. « Comme quoi? » qu’il demande Kieran, quand tu lui avoues qu’il y a trop de choses que vous n’avez pas eu l’occasion de faire ensemble. Ça te fait plaisir qu’il demande, peut-être que ça veut dire qu’il a envie de rectifier le tir, lui aussi. De revoir cette liste délaissée depuis plusieurs années, de voir ce qui est possible malgré tout ce qui s’est passé. Est-ce que ça se peut vraiment? Ça ne devrait pas, et pourtant, vous êtes bel et bien en Indonésie tous les deux, ensemble, alors de toute évidence, il n’y a rien qui soit complètement impossible. Tu n’as pas le temps de répondre toutefois que la voix du brun s’élève à nouveau entre vous deux. « Je veux dire, je sais Autumn, mais… c’est plus avec moi que tu dois faire ça, je crois. » « Pourquoi pas? » La réponse file entre tes lèvres sans que jamais tu ne cherches à comprendre ce qui est sous-entendu dans les paroles du Halstead. « J’ai envie d’être avec toi, et je pense que t’as envie d’être avec moi. » Sinon il n’aurait pas accepté ton invitation, non? Sinon, il aurait arrêté de répondre à tes messages, il ne passerait pas du temps avec toi. Il t’a déjà ignoré pendant plusieurs années, qu’est-ce qui l’empêcherait de le faire à nouveau, s’il n’avait pas envie de te voir? Rien à voir avec le fait que tu puisses être cruellement insistante, ou que tu as lui as fait terriblement peur il n’y a pas si longtemps. Non, évidemment que ça ne peut pas être ça. « J’veux dire, c’est pas obligé de vouloir dire quoique ce soit, ni d’être comme avant. » Mais ça pourrait l’être, s’il avait envie. L’avant quand tout était beau, pas celui qui faisait mal. Tu t’arrêtes quelques secondes, ton corps retourné pour lui faire légèrement face, ton regard insistant sur son visage. « Tu m’fais du bien. C’est tout. » Et tu as envie que ça dure. Est-ce que c’est trop demander, ça? Est-ce que c’est si grave, de savoir, quelque part en sourdine dans le fond de tes pensées, que vous êtes plus doués à vous faire du mal que le contraire? « Mais j’étais sincère, je suis content d’être là. » Alors, il est où le problème? « Je sais. » Tu n’as pas envie de remettre ça en question, surtout pas. « On a jamais vraiment parlé de ce qui s’est passé, à mon anniversaire… et je… j’voulais juste que tu saches que c’était juste un mauvais moment. » Pas une preuve irréfutable que tous tes progrès des dernières années s’étaient évaporés en un claquement de doigt, même si… « Et je voulais te dire merci. D’être venu et d’être resté malgré ce que j’ai dit. » Parce que tu ne voulais pas vraiment qu’il parte, cette nuit-là. Tu ne voulais pas qu’il t’abandonne, jamais plus.

Personne n’est dupe, Kieran, et certainement pas moi. Ce n’est pas tant le fait de sortir de ta zone de confort que tu aimes, c’est le fait que ce soit Autumn qui s’y attèle. C’est le fait qu’il s’agisse d’Autumn, tout simplement. Ce que tu aimes vraiment, c’est ce voyage avec elle, son bras qui s’appuie contre le tien au rythme des vagues, sa présence à tes côtés. C’est elle que tu aimes, même si tu veux me persuader du contraire, même si tu veux te persuader du contraire – parce que tu sais autant que moi que c’est une mauvaise chose, pas vrai ? Je n’ai même pas besoin de l’expliciter pour que tu le comprennes et peut-être qu’on a plus avancé que je ne le pensais toi et moi, même si ta présence ici démontre du nombre d’efforts qu’il reste à faire avant de parvenir à te détacher de la jeune femme. Je ne pensais pas que cela prendrait autant de temps ; néanmoins je m’attendais à ce qu’il replonge dans ses vieux sentiments sans la moindre hésitation – oh non, n’essaie pas de me contredire en espérant me faire croire que tu as lutté, le combat a duré à peu près dix minutes. Autumn l’a invité, il a prétendu devoir vérifier son agenda pour ne pas trahir son empressement à passer ces quelques jours avec elle, mais la blonde n’avait pas fini de formuler son invitation qu’elle était déjà acceptée. « Alors on ajoutera ça à l’horaire. » Oh, serait-ce une hésitation que je perçois, Kieran ? Ça m’a tout l’air, oui. Pas une hésitation quant à ce que j’espère, pourtant. Quant au fait qu’il se doit d’hésiter à accompagner Autumn à plus d'activités qu’il ne l’avait prévu ; non, lui se focalise sur le fait qu’il n’est certainement pas prêt à sauter d’une falaise ou à plonger dans les profondeurs de la mer. Qu’il n’est pas prêt à sortir de sa zone de confort comme il l’a initialement prétendu. « Très bien. » Mais qu’il est prêt à le faire pour elle, bien sûr. Il y a des choses qui ne changent pas. Il y a des choses qui ne changeront probablement jamais ; ne va pas croire pour autant que je m’avoue vaincu, Kieran. Va pas croire non plus que je vais te laisser rêver d’une vie avec Autumn loin de l’Australie qui vous a détruit. Ce n’est pas le pays qui l’a fait. C’est toi, c’est elle, c’est vous deux mis ensemble, des éléments perturbateurs qui ne peuvent pas coexister sans créer des conséquences désastreuses. « C’est sûr. » C’est sûr qu’il y a pire, Kieran. C’est sûr qu’il y a Brisbane. Tu sais, là-bas, où les choses reprendront leur cours, où les démons reprendront leurs aises dans ton esprit, où les traumatismes reprendront le pas sur ton quotidien.

« Ils ne resteront pas des inconnus bien longtemps. Ça peut être bien, aie confiance. » Sauf qu’il n’a jamais confiance, Kieran. Il prétend qu’il l’accorde trop facilement – et c’est souvent le cas – mais au fond, il ne cesse d’imaginer le pire et n’arrive jamais à l’accorder dans sa totalité, convaincu qu’on s’en servira contre lui à la première occasion. Que ce soit des inconnus ou des proches ne change pas grand-chose à ces craintes. « De toute façon, si on dort les uns contre les autres, c’est sûr qu’ils vont pas le rester très longtemps. » Non, c’est certain et pour quelqu’un qui fuit la proximité comme Kieran, on ne peut pas dire que cette hypothèse le rassure. Il n’a rien contre le fait de dormir à la belle étoile, il préfère seulement le faire avec des gens qu’il connaît et, encore mieux, apprécie. « Il y a pas de raisons pour que les conditions ne soient pas réunies à nouveau. » Son sens du premier degré a envie de préciser qu’elles ne peuvent pas l’être puisqu’elle ne sera pas à ses côtés. Ma raisonnabilité l’en empêche ; tu ne crois pas que tu vas un peu trop vite, Kieran ? Tu sais très bien que j’étais contre ce voyage, ne va pas me donner de raisons supplémentaires de m’y opposer et de tout mettre en œuvre pour te le gâcher. Parce que tes souvenirs ne sont plus accessibles qu’à toi ; et que tu sais très bien qu’ils sont une arme de destruction massive quand ils le veulent. Alors à défaut, il se contente d’un rire nerveux et d’un silence gênant comme il les connaît si bien ; mais qu’il maîtrise si peu. « Attends de voir avant de te faire des idées. » - « J’anticipe toujours trop, n’est-ce pas ? » La question est rhétorique. Bien sûr qu’il continue d’anticiper, Kieran, beaucoup trop, s’empêchant toute forme de spontanéité, pour garder un contrôle sur les rares éléments qu’il peut espérer maîtriser. Un contrôle qui vire à l’obsession, qui devient oppressant, déstabilisant et agaçant. Elle a suffisamment fait les frais par le passé.

Le pied posé sur la terre ferme, il devrait s’autoriser de fuir quelques heures. Il n’a jamais accepté de passer chaque minute du voyage en sa compagnie, non, c’est lui qui le veut – et certainement pas moi. Tu as déjà glissé, Kieran, mais il est encore temps de te rattraper. Comme si mon avis changeait quoi que ce soit. Tu as glissé, et pour une répétition dont tu connais pourtant la fin : elle sera douloureuse. Parce que toi et Autumn, ça ne matche pas malgré vos efforts, parce que vous vous faites plus de mal que de bien et que celui que tu crois percevoir aujourd’hui n’est que temporaire. Parce que comme trop souvent, tu craques pour l’inaccessible, parce qu’Autumn l’est désormais, elle qui n’affiche pourtant pas sa bague à l’annuaire. Elle qui t’a remplacé de la pire des manières et qui l’a annoncé avec tout autant de justesse. « Pourquoi pas? » Et il est véritablement soulagé qu’elle reprenne aussitôt la parole, lui permettant de gagner quelques instants quant à la meilleure manière de formuler les choses. « J’ai envie d’être avec toi, et je pense que t’as envie d’être avec moi. » - « Je suis pas sûr que ton mari soit du même avis. » Qu’il finit par avouer, tandis que je le félicite autant pour sa sincérité que la manière dont il esquive la question. Parce que tu sais que je ne serais pas d’accord avec ta réponse, Kieran, pas vrai ? « J’veux dire, c’est pas obligé de vouloir dire quoique ce soit, ni d’être comme avant. » Ça ne le sera jamais. Je sais que tu as envie de le lui dire, Kieran. Je sais que tu t’en empêches pour ne pas être trop brutal alors que les lieux ne s’y prêtent pas ; alors que tu ne veux pas l’admettre. « Est-ce que tu penses que ça pourrait l’être ? Comme avant ? » Si on fait abstraction de son mari – parce qu’il s’agit évidemment du seul obstacle, Kieran. Si tu poses la question, c’est que tu as conscience de tous ceux qui se dressent devant vous. De tous ceux que je continuerai de dresser devant elle. « Tu m’fais du bien. C’est tout. » - « Dis pas ça. » Parce que ce n’est pas vrai, hein ? Parce que malgré les mots qu’elle a pu avoir ces dernières semaines, tu continues de croire que tu es responsable de son malheur ; et que même si elle a l’impression que tu l’es aussi de son bonheur, ce n’est qu’éphémère. Parce que tu n’as pas changé, pas en bien du moins, et que lorsqu’elle le découvrira, qu’elle découvrira tout ce qu’il se passe réellement dans ta tête (et je ne parle même pas de moi) elle n’aura qu’une envie ; celle de fuir. Alors il veut profiter de ces instants où tout va bien, même si c’est pour de faux. « On a jamais vraiment parlé de ce qui s’est passé, à mon anniversaire… et je… j’voulais juste que tu saches que c’était juste un mauvais moment. » S’il a fui son regard jusqu’ici, même quand elle le portait sur lui, il se décide à l’affronter pour jauger de la sincérité de ses propos. « On est pas obligés de le faire, tu sais. » Il ne veut pas la mettre mal à l’aise, il ne veut pas lui imposer ça. Mais je crois qu’il le faut, Kieran. Je crois surtout que c’est toi qui ne veut pas t’imposer ça. « Et je voulais te dire merci. D’être venu et d’être resté malgré ce que j’ai dit. » - « Je t’aurais jamais laissée. » Jamais dans cet état. Parce qu’il ne se le serait pas pardonné, parce qu’il a naïvement cru que sa présence ce soir-là rattraperait une absence de deux ans. « Je crois pas que ce soit une bonne idée d’en parler. » Il avoue finalement, en quittant son regard. « Je sais toujours pas comment m’y prendre. » Pour parler. Pour s’exprimer, pour dire ce qu’il a sur le cœur, pour reconnaître ses émotions, pour verbaliser ses blessures. Pour aider celles des autres à panser. Je crois que j’y arriverai jamais. « Je veux juste que tu saches que je suis là pour toi. » Qu’il essaie, plutôt. Qu’il veut être là parce qu’il se sent obligé, parce qu’il lui est redevable. Il y a beaucoup de choses dont ils ont cessé de parler, beaucoup de choses qui ne peuvent plus être rattrapées. « J’ai envie d’être là pour toi. » J’ai envie de faire partie de ta vie, à nouveau. T’as surtout envie de souffrir encore un peu plus, Kieran, si tu veux mon avis. Parce que c'est la seule forme d'amour que tu connais et c'est celle dans laquelle vous excellez avec Autumn.

@Autumn Galloway  

« Très bien. » qu’il annonce lorsque tu annonces sans la moindre hésitation que la prise de risque sera ajoutée à votre horaire bien calme de plage et de paysages. Ça t’amuse encore, de le sentir se raidir à tes côtés parce qu’il ne sait toujours pas à quoi s’attendre avec toi, qu’il ne l’a jamais vraiment su. Il fut un temps, c’était amusant pour tout le monde. Tu le sortais de sa coquille, tu lui faisais découvrir un monde qu’il s’était toujours interdit. Après quelques années, ça n’avait plus le même goût toutefois.  Ta spontanéité n’était plus qu’impulsivité sous sa pire forme, et l’amusement qui t’éprenait n’avait plus rien d’innocent. Aujourd’hui? Tu ne sais toujours pas réellement dire où se trouve la ligne que tu cherches pourtant désespérément, pour ne pas la franchir à nouveau. Parce que tu veux bien faire, mais tu veux faire avec lui et pour ça, tu es prête à tout et ça vient directement en contradiction avec ton envie de le protéger, même de toi. « Crains pas, j’vais pas te demander de sauter à l’eau du haut d’une falaise. » que tu lances d’abord à la blague, et puis tu t’imagines cette scène digne d’un film, celle où les protagonistes sautent du haut de larges rochers, plongeant dans une eau parfaitement bleutée. Tu dois admettre que cette idée-là n’est pas mal, c’est qu’ils ont toujours l’air heureux ceux qui font ça, à vaincre leurs peurs, à se retrouver dans l’eau comme si plus rien d’autre n’existait. « Sauf si tu me le proposes. » que tu glisses donc avec un sourire, ce qui ne devait être qu’une blague soudainement considérée. C’est le problème avec toi Autumn, c’est que tout part de rien, qu’un extrême n’attend pas l’autre et que des vacances qui se veulent relaxantes à la base peuvent rapidement devenir un jeu d’aventure duquel personne ne sort réellement gagnant.

« De toute façon, si on dort les uns contre les autres, c’est sûr qu’ils vont pas le rester longtemps. » Tu hausses les épaules. Tu pourrais lui faire de long discours sur le sujet que tu ne le ferais pas changer d’idée sur la question. Tu le sais parce que tu as longtemps essayé par le passé. Ça a bien trop souvent mal fini d’ailleurs, donc aujourd’hui tu te contentes de te mordre la langue et de retenir un soupir qui aurait facilement été échappé par le passé. Tu lui proposes tout de même une alternative, avec bien peu de subtilité, à laquelle il choisit de ne répondre que d’un rire gêné, comme s’il se refusait de réellement la considérer. Tu pourrais insister, mais le voyage commence à peine, tu auras d’autres opportunités, d’autres moments pour lui faire comprendre que tu espères multiplier les souvenirs avec lui sur cette île paradisiaque. « J’anticipe toujours trop, n’est-ce pas? » C’est lui qui le dit et si tu aurais fait tout ton possible pour retenir le commentaire, la moue qui apparaît sur ton visage est bien incapable de le démentir. Oui, il anticipe trop. Oui, il se crée sans aucun doute bien trop de peurs sur tout ce qui peut se passer ou ne pas se passer dans les prochains jours. Oui, il craint tout et tout le monde, et lui par-dessus tout. Et tu aimerais tellement pouvoir prendre tout ça et l’en libérer, mais ce serait bien ironique de ta part, n’est-ce pas, quand bien que différente, tu souffres d’une même sorte d’anxiété. Quand toi aussi, tu es douée pour tourner en rond avec tes pensées obsessives et te retrouver prisonnière de ces dernières. La différence entre Kieran et toi, c’est qu’il semble éternellement coincé là où toi tu agis avant de réfléchir et tu t’en mords plus souvent qu’autrement les doigts, devant faire face à tout un tas de conséquences que tu repousses toujours au lendemain. « J’veux juste que tu profites de ton voyage, c’est tout. » que tu te contentes pour toute réponse, et s’il parvient à laisser un peu de ces angoisses derrière tu penses que ce sera pour le mieux, mais ce combat-là, de Kieran contre Kieran, tu n’es pas certaine de pouvoir y jouer un quelconque rôle à nouveau, au risque que ça réveille des blessures qui ne sont pas pourtant pas encore endormies.

Tu ne sais pas si c’est d’être soudainement sur la terre ferme qui amène un vent de renouveau dans cette conversation dont toute subtilité s’est envolée, mais tu te sens courageuse, quand tu avoues enfin de but en blanc que tu as envie d’être avec lui et que tu crois que cette envie est réciproque. « Je suis pas sûr que ton mari soit du même avis. » Tu fronces d’abord les sourcils, surprise d’entendre parler de cet épisode des moins glorieux de ta dernière année, et puis tu réalises que le sujet de Mason n’a pas été abordé entre vous deux, depuis la plage, depuis cette discussion alcoolisée qui s’était terminé dans les larmes et qui semblait avoir mis un point final entre vous sans réellement le faire, avant que tout ne change encore suite à son agression. Tu ne pensais pas qu’il te croyait encore mariée, jamais tu n’aurais pu t’imaginer que c’était une barrière entre vous quand tu ne voyais là qu’une connerie sans conséquence (hum), il te fallait désormais comprendre que ça avait peut-être eu plus d’impact que tu ne l’aurais voulu. « Je suis pas mariée Kier. Ça comptait pas, ça a jamais compté. » Ça n’avait à tes yeux aucune valeur sentimentale, Mason Bradford ne représentait qu’une tâche de plus sur ton parcours loin d’être exemplaire, un nom que tu avais oublié jusqu’à ce que Kieran ne le ramène sur le plancher comme s’il avait moindrement sa place dans la conversation alors que ce n’est pas le cas. « T’aurais jamais dû l’apprendre parce que ça aurait jamais dû se passer en premier lieu. C’était vraiment stupide, je suis désolée. » Pourquoi est-ce que tu t’excuses au juste, Autumn? Ce n’est pas comme si tu lui devais quoique ce soit à ce moment-là, vos rapports étaient loin d’être à la bonne entente à cette période l’année passée, et pourtant, tu sais que ça n’a rien à voir avec ça. Qu’en te mariant comme ça, même pour de faux, c’est comme si tu te moquais de ce que vous vous étiez promis, avant. Vos fiançailles qui valaient pourtant tout l’or du mode à tes yeux, même quand ça allait mal, même quand ça n’aurait pas dû se passer de cette façon-là. C’est une promesse que tu voulais tenir, un toujours dont tu rêvais encore à ses côtés. Mais ça, c’est loin désormais. Inatteignable, pas vrai? « Il s’est jamais rien passé avec Mason. J’ai même jamais couché avec lui. » Tu n’étais sûrement pas obligée de lui partager ce détail, mais dans ton empresse de faire de Mason un non-cas, tu continues malheureusement de lui donner bien plus d’importance qu’il n’en a réellement. « J’ai fait annulé le mariage. C’est comme si c’était jamais arrivé. » Un peu comme vos fiançailles, non? Non. Les fiançailles, elles ont eu lieu. Tu as encore la bague qu’il t’avait offerte. Tu gardes un bon souvenir de sa demande, qu’importe tout ce qui l’entourait à l’époque. Ça, ça compte. Mason non. C’est tout ce que tu essayes de dire, bien qu’incertaine que le message passe aussi clairement à l’oral qu’il ne fait sens dans ta tête. Il te connaît, hein? Il va comprendre ce que tu essayes de dire, ce que tu essayes de faire, pas vrai?

« Est-ce que tu penses que ça pourrait l’être? Comme avant? » La question parvient finalement à te taire, va même jusqu’à t’arrêter dans tes pas alors que ton cœur s’emballe sans crier garde. Est-ce que tu penses sincèrement que ça pourrait être comme avant? Non, bien sûr que non, même dans toute la folie qui t’habite, tu n’es pas assez naïve pour croire que l’historique des trois dernières années n’aurait pas son incidence sur ce que vous avez autrefois partagé. Est-ce que c’est ce que tu veux toutefois? Que tout soit comme avant, mieux même? Plus que tout, évidemment. Tu ferais n’importe quoi pour le retrouver et ça t’étonne qu’il ne semble pas l’avoir pleinement compris. « Est-ce que c’est ce que tu voudrais, toi? » Tu aurais pu répondre en premier, c’est lui qui a posé la question d’abord après tout, mais tu crains de dire que oui, que c’est ce que tu veux seulement pour voir l’herbe t’être coupé sous le pied. « Dis pas ça. » « C’est vrai pourtant. Tu m’fais du bien Kieran, j’veux que tu le saches. » Tu veux surtout qu’il se défasse de cette idée qu’il est responsable de tous tes malheurs, qu’importe si c’est toi qui l’as germé là, cette idée. Ce n’est pas parce que toi tu es capable de passer du noir au blanc en trois secondes que tout le monde peut suivre le rythme, malheureusement. Désormais face à lui, tu sens ses yeux qui osent enfin rencontrer les tiens et il y a toujours ce courant électrique qui se faufile partout dans ton être quand il te regarde, juste comme ça, avec une inquiétude qui ne s’efface jamais complètement, un brillant dans le fond de ses iris bleutés que tu ne pourrais jamais oublier. « On est pas obligés de le faire, tu sais. » Pas obligés non, mais ce serait bien de le faire, de s’en défaire, une bonne fois pour tout. Pour ne plus jamais être contraints de revenir sur les raisons qui t’ont poussé à commettre un geste aussi désespéré, une peine que tu n’avais pas été capable de refouler plus longuement à cause de l’alcool, à cause de la journée, à cause de l’impression que tout t’échappait une fois de plus. Mais pas parce que tu ne vas pas mieux, non. C’était juste une fois, juste une mauvaise journée, juste un accident. Bien sûr, tu gères tout Autumn, avec ton sourire lumineux aux allures sincères, avec ta main qui vient naturellement trouver la sienne, ton regard qui s’appuie longuement sur lui pour être sûr que c’est ok, ce nouveau contact dont tu meures pourtant d’envie depuis des lustres. « Je t’aurais jamais laissée. » Tes doigts serrent les siens un peu plus fort, c’est tout ce que tu voulais entendre, la seule chose qui compte désormais. « Je crois pas que ce soit une bonne idée d’en parler. Je sais toujours pas comment m’y prendre. » « J’voulais juste te dire merci. De pas avoir lâcher prise avec moi. » À nouveau. Qu’importe. Le passé est derrière, pas vrai? Pas aussi loin que tu le voudrais, malheureusement. Ne pas s’attarder sur le sujet semble toutefois être la meilleure des idées. Se remettre à marcher vers la plage pourrait en être une autre, mais tu crains que si tu te défais de ce contact avec lui, de sa main dans la tienne, tu ne pourras pas la retrouver de sitôt. « Je veux juste que tu saches que je suis là pour toi. » « Moi aussi, je suis là pour toi. » Si tu me donnes la chance de l’être à nouveau, comme avant. C’est bien ce qu’on est en train de se dire, hein Kieran? Dis-moi que je ne suis pas en train d’halluciner ce qui est en train de se passer. « J’ai envie d’être là pour toi. » Dis-le, dis-le encore. « J’ai envie que tu sois là pour moi. » Ton sourire s’élargit sur tes lèvres, il y a ta deuxième main qui vient trouver la sienne qui est toujours libre, ton regard plongé dans le sien, la distance minime entre vous. « Si on fait comme avant, c’est le moment où tu m’embrasses, normalement. » que tu chuchotes doucement, léger rire dans la voix, les yeux brillants, le cœur battant si fort contre ta poitrine que tu ne serais pas étonnée qu’il puisse l’entendre.

« Crains pas, j’vais pas te demander de sauter à l’eau du haut d’une falaise. » Sauf qu’il craint tout et tout le monde, Kieran. La peur est un trait de personnalité dont il se passerait bien et qui, pourtant, l’accompagne d’aussi loin qu’il s’en souvienne. Avec lui, tout est propice à l’angoisse, à la crainte et à l’anticipation, quand bien même le contexte est supposé être favorable à son aisance. Mais quand il s’agit d’Autumn, il ne sait plus vraiment dans quel extrême il se situe ; celui où il la suit aveuglément ou celui où il s’inquiète de ce qu’elle pourrait faire. Mais il s’agit d’un séjour en Indonésie. De conditions particulières ; d’un semblant de vacances ou, à défaut, un temps mort qu’ils ont concédé à s’accorder tous les deux. C’est ce que Kieran garde en tête quand je ne cesse de lui rappeler que c’est également ainsi que ça a commencé, il y a quelques années. Que d’un pas de sa part hors de sa zone de confort, elle a fini par l’y forcer de tout son entier. Que c’était une sortie par-ci, un défi par-là et que peu-à-peu, la frontière entre ce qu’il était capable d’offrir et ce qu’elle désirait obtenir est devenue de plus en plus floue, jusqu’à ne plus exister. Et j’ignore s’il s’agit de naïveté, d’ignorance ou de déni, mais Kieran semble avoir intégré cette règle officieuse entre eux. Celle qui veut que les fautes de l’un comme de l’autre ne les ont pas poursuivies ici. Qu’ils jouent ces rôles qui auraient dû être les leurs s’ils en étaient donnés les moyens au moment voulu et qu’ils ne s’étaient pas laissés guider par les regrets qui composent désormais ce voyage. « Sauf si tu me le proposes. » Un rire nerveux s’échappe d’entre ses lèvres alors qu’il lui adresse un regard qui traduit de son inquiétude qu’il ne peut masquer plus longtemps. Est-elle sérieuse ? Est-ce qu’elle attend réellement de lui qu’il fasse cette proposition, ou qu’il s’exécute si elle venait à le faire elle-même ? Kieran reste silencieux un instant, incapable de saisir les juste pourcentages de sérieux et de plaisanterie de cette réflexion, ne sachant de quel côté il est censé pencher. Le problème, c’est que son besoin de satisfaire tout le monde passe autant dans le fait de s’assurer qu’ils vont bien et sont à l’aise en sa présence que d’aller à l’encontre de ses propres peurs pour satisfaire leurs désirs. J’ignore si Autumn en a conscience, du côté de Kieran il ne se rend pas compte que les fils qui entourent ses poignets sont encore bien serrés autour de ceux-ci pour faciliter leur manipulation par la main habile de la blonde. « Je vais paniquer et me noyer, t’es toujours sûre que c’est une bonne idée ? » Il l’interroge, rapidement conscient que l’enthousiasme de la jeune femme se heurte à son habituelle frayeur du monde qui l’entoure. Dans une tentative de modérer ces quelques mots, Kieran reprend la parole sans tarder : « Laisse-moi quelques jours avant d’envisager la chose. » Le pire dans tout ça, c’est qu’il n’a même pas peur de la hauteur, le dessinateur, et qu’il n’y a, en ce sens, aucune raison valable pour qu’il refuse. Juste cette peur, toujours sous-jacente, de se ridiculiser ou de ne pas faire correctement les choses ; pas comme Autumn l’imagine du moins, persuadé que le monde entier agit comme lui en anticipant chaque geste du quotidien et en s’en faisant des milliers de versions différentes.

Et il réalise bien vite qu’il retombe dans ses vieux travers, Kieran, où se mêle pessimisme, anxiété et inquiétude, quand il songe à la nuit qu’il s’apprête à passer, se faisant déjà une idée de celle-ci alors qu’il ne l’a pas encore vécue. Il perçoit les épaules d’Autumn qui se soulèvent, autant que son silence qui sont autant d’indices de son erreur qu’il est désormais trop tard pour rectifier. Il s’y essaie néanmoins et il semble percevoir la nouvelle stratégie d’Autumn qui vise à se murer dans le silence plutôt qu’accentuer ses fautes. Il ne sait pas s’il préfère la franchise à laquelle elle l’a habitué sur les derniers mois de leur relation ou ce mystère qu’elle laisse planer malgré elle. « J’veux juste que tu profites de ton voyage, c’est tout. » Sauf qu’il a déjà acté que ce voyage le terrifiant plus qu’il ne le réjouissait. Oh, bien sûr qu’il est heureux d’être là avec elle – ce n’est pas le problème. Ou plutôt, si, c’est exactement le problème. D’être avec elle, d’une part, d’être si bien à ses côtés d’une autre. Il a passé deux ans à se persuader qu’il se portait mieux à distance de la jeune femme et si le manque n’a jamais pu être comblé, d’autres besoins l’ont été, à commencer par son sentiment de sécurité ou une certaine sérénité qu’il ne s’autorisait plus. Il le sait tout ça, il s’en rend probablement compte sans vouloir l’admettre, car dans quel cas il renoncerait à tout ce qu’il a construit avec Autumn. Et si je tends à mettre l’accent sur le mauvais, le fait est qu’il y a aussi eu du beau. Du magnifique, de l’unique, du surprenant, et ce sont toutes les raisons pour lesquelles Kieran est terrifié. Parce qu’il a envie de retrouver tout cela ; peu importe le prix à payer. Mais il a expérimenté qu’il lui coûtait plus qu’il n’avait à offrir. Et il n’arrive pas pour autant à s’en dissuader.

Parce que les obstacles sur lesquels il essaie de se focaliser, ceux qu’il met volontairement entre eux pour repousser une échéance qui finira de toute évidence par tomber, ne sont pas les seuls qui se dressent entre eux. Si Autumn semble avoir oublié l’existence de celui qui a pris sa place, Kieran est incapable de passer outre ce détail. Et il sait que sa jalousie – puisqu’il s’agit de cela – est déplacée, parce qu’il est bien celui qui est parti en laissant une simple lettre, le lâche dans toute sa splendeur, et qu’il n’a aucun droit de plainte sur une situation qu’il a provoquée par sa désertion. Autumn était libérée de lui et surtout libre d’épouser n’importe qui. « Je suis pas mariée Kier. Ça comptait pas, ça a jamais compté. » Mais elle l’a été. Pendant quelques heures, jours, semaines, il ne sait pas exactement la durée de ce mariage, il demeure qu’il a eu lieu. Et qu’il n’était pas à la place qui aurait dû être la sienne, qu’un autre l’a remplacé, qu’un autre a eu cet honneur. « T’aurais jamais dû l’apprendre parce que ça aurait jamais dû se passer en premier lieu. C’était vraiment stupide, je suis désolée. » Est-ce qu’elle lui l’aurait caché, s’il n’avait pas compris ce soir-là, sur la plage ? Est-ce qu’elle lui aurait menti, est-ce qu’elle se serait jouée de lui pour cacher une vérité qu’il lui est difficile à assumer ? Kieran reste silencieux alors qu’il s’interroge quant à cette perspective, remettant en cause l’honnêteté de la jeune femme, se blâmant aussitôt d’exiger des explications qu’il n’est pourtant pas en droit de demander. « Non, t’as pas à le faire. J’avais pas le droit de réagir comme ça. » Il mentionne ce soir qu’il aurait voulu oublier, prétextant que c’est sa réaction qu’il voudrait effacer alors qu’il s’agit bien du souvenir de cette révélation. Dans le fond, il est sincère ; elle n’a pas à s’excuser. Il n’avait pas le droit de réagir ainsi. Ce sont des faits. « T’as le droit de refaire ta vie, et moi j’ai pas le droit de m’en plaindre. » Non, au contraire. Il devrait subir le spectacle d’une Autumn éperdument heureuse au bras d’un homme qui, lui, a su tenir ses engagements. Quand bien même la jeune femme lui rappelle encore une fois que tout ceci n’est pas d’actualité, alors qu’il persiste à penser que ça compte, même un peu. « Il s’est jamais rien passé avec Mason. J’ai même jamais couché avec lui. » - « Oh, non, tu... enfin... tu fais ce... ce que tu veux, hein. » Il se rattrape avec difficulté, sa tête qui se baisse pour masquer le rose qui lui monte aux joues, qu’elle saura percevoir car même s’il ne désire que ça, il est parfois difficile de se faire tout petit avec sa stature. Elle vient de lui assurer qu’il ne s’est rien passé entre eux. Mais il ne peut s’empêcher d’être jaloux. Ou envieux. Les deux. Il déteste cette ambivalence, autant qu’il déteste cette information, cette situation, cette discussion. Et ce désir. « J’ai fait annulé le mariage. C’est comme si c’était jamais arrivé. » Mais c’est arrivé. C’est arrivé, qu’elle le veuille ou non. Et elle l’a suffisamment côtoyé pour savoir que Kieran est d’une banalité affligeante. Et ça implique d’avoir une haute opinion du mariage, qui ne peut être utilisé comme une plaisanterie et qui a toujours un sens, qu’on le veuille ou non. Ça a du sens, pour lui. Ça a du sens qu’il n’ait pas épousé Autumn et qu’un autre ait eu ce privilège. « Vraiment, tu me dois aucune explication. » Il débute, s’osant enfin à relever la tête. « Mais j’apprécie. » Beaucoup. « Et je comprends mieux. » L’absence de son mari, sa propre présence, toutes ces choses qu’elle veut partager avec lui. Et qu’elle peut, comme il le réalise désormais, alors qu’un des obstacles vient de céder, le rapprochant toujours un peu plus du danger imminent qu’elle représente pour lui, pour son cœur, pour ses sentiments, personnifiant toujours un peu plus sa faiblesse.  

Celle-ci grignote du terrain au point où il finit par poser une question qu’il n’aurait jamais dû formuler. Car peu importe la réponse, elle saura lui faire mal. Quant à penser à tout ce qu’il a perdu, quand à croire à tout ce qu’il peut regagner. « Est-ce que c’est ce que tu voudrais, toi? » J’en sais rien. Ça lui fait peur. Mais cette fois-ci, elle est justifiée. Ça lui fait peur de passer par toute la souffrance qu’ils se sont fait endurés pour avoir le droit à quelques  bribes de bonheur. Est-ce que ça en vaut vraiment la peine ? Il hurlera que oui ; saura que non. « Ça me fait peur. » Qu’il admet, avant d’ajouter, prudent, dans un murmure : « je sais pas si je suis prêt. » À remettre sa confiance et son cœur entre ses mains – entre les mains de quelqu’un, tout simplement. Il voudrait avant toute chose apprendre à se les confier à lui-même, à les chérir l’un et l’autre, à s’en occuper pour les aider à guérir. Mais il sait qu’il n’y arrivera probablement pas avant longtemps, et que ses rêves d’amour et de famille n’en seront que plus retardés. Face à lui se trouve la seule personne qui puisse l’aimer, pas toujours correctement, mais toujours fidèlement. Il a décidé de fuir ; alors que la jeune femme est toujours restée à ses côtés – et qu’elle est la seule à y être jamais parvenue. « C’est vrai pourtant. Tu m’fais du bien Kieran, j’veux que tu le saches. » Mais lui n’arrive pas à l’entendre, n’arrive pas plus à le croire, condamné à se penser fardeau des autres. Il voudrait lui retourner la réflexion, mais c’en est une sur laquelle il n’arrive pas encore à statuer. Parce qu’il ne veut plus être le garant de sa santé ; et que c’est le rôle qu’il continue de revêtir malgré lui. Il n’arrive déjà pas à s’occuper de sa propre stabilité – alors il n’a pas envie d’avoir à permettre celle d’Autumn. Ses doigts viennent se lier aux siens et il ne bouge pas, autant parce qu’il ne sait pas ce qu’il doit faire que parce que le contact lui a manqué. « J’voulais juste te dire merci. De pas avoir lâcher prise avec moi. » C’est un sourire qu’il lui adresse alors qu’il voudrait lui répéter qu’il n’aurait jamais pu, mais qu’il se l’interdit. Parce qu’il n’y a rien d’autres à dire alors que les gestes parlent pour lui. Il n’a jamais maîtrisé ni les mots ni les actions, pourtant, mais aujourd’hui il semble plus à l’aise dans les seconds. « Moi aussi, je suis là pour toi. » Il l’entend, mais Kieran n’arrive pas à laisser les autres être là pour lui ; Autumn n’a pas à s’offenser de ne pas être une exception dans ce domaine-là. Ses yeux se baissent pour observer leurs doigts entreliés, s’interrogeant quant au réel bienfait de cette proximité, qui gagne doucement du terrain quand il relève les yeux pour croiser les siens. « J’ai envie que tu sois là pour moi. » Quand leurs deux mains sont désormais enlacées, quand Autumn a brisé cette distance de sécurité qu’il s’évertuait à mettre entre eux. Elle est dangereuse, oui. Il le réalise maintenant plus que jamais, alors que son souffle glisse contre sa peau, qu’il peut entendre sa respiration, qu’il peut sentir la chaleur de son corps. « Si on fait comme avant, c’est le moment où tu m’embrasses, normalement. » Elle est dangereuse, car en quelques mots, quelques pas, quelques sourires et quelques regards, elle peut anéantir deux ans d’un travail acharné pour tenter de lui résister. Mais elle est là, face à lui, contre lui, il ne sait plus vraiment ; tout ce qu’il sait, c’est qu’il ne possède plus aucune force de persuasion. Et alors que son visage se penche vers le sien, que son souffle trace le chemin de ses lèvres qui glissent le long de la joue de la jeune femme sans jamais s’arrêter sur sa peau avant d’avoir atteint celles d’Autumn, c’est à la dernière seconde qu’il s’empêche d’y goûter.  « Je peux pas. » Son front s’appuie contre celui de la jeune femme suite à son mouvement de recul. « Je peux pas. » Il répète, pour s’en convaincre. Il ne peut pas. Il ne peut pas pour une multitude de raisons. Parce que rien de bon ne sortirait de cet égarement, parce qu’il ne saurait pas ce que cela veut dire. Parce qu’il l’a dit, il n’est pas prêt, parce qu’elle ne l’est probablement pas plus. Parce qu’il ne s’agirait que d’une mauvaise décision supplémentaire à toutes celles qu’ils ont déjà prises ensemble, parce qu’ils sont supposés avoir compris les conséquences de leurs erreurs et qu’ils n’ont pas le droit de les réitérer. « Parce que j’ai pas seulement envie de t'embrasser. » Et qu'il s'agit de la raison principale pour laquelle il ne peut pas goûter à ses lèvres ; parce qu'il aura envie de goûter à tout le reste, aussi.

@Autumn Galloway

Kieran n’est pas impressionné ta proposition d’activité et si tu n’es pas le moindrement surprise, ce serait mentir de dire que tu n’es pas un peu déçue. Ce n’est qu’une chose de plus parmi cette liste qui s’allonge de ce qui n’a pas changé, de ce qui ne changera probablement jamais. Ça fait aussi partie de la liste de ce qui a fini par causer des disputes, quand tu avais envie de faire mille et une choses et que tu avais l’impression qu’il te fallait user de stratagèmes pour forcer Kieran à te suivre dans tes folles aventures. On t’a dit à multiples reprises qu’il fallait que tu apprennes à respecter les limites des autres, mais est-ce vraiment dans son intérêt, de rester dans sa zone de confort qui semble si restreintes et étouffantes? Tu veux bien faire, tu le jures, peut-être que tu ne sais simplement pas comment bien t’y prendre. Mais tu as passé assez d’heures en thérapie à discuter de tout ça pour au moins faire semblant de prendre sur toi quand la réaction du Halstead est loin d’être celle que tu aurais préférée. « Je vais paniquer et me noyer, t’es toujours sûre que c’est une bonne idée? » « Tu sais nager. » que tu lui rappelles sans jamais faire disparaître le sourire sur tes lèvres. L’humour, ta seule et unique valeur sûre pour camoufler tout le reste, du moins c’est ce que tu as envie de croire. De toute façon, ce n’était qu’une blague tout ça, tu ne t’attends pas vraiment à sauter le haut d’une falaise avec lui, pas que tu serais contre l’idée si jamais ça se présentait. Non, non. Clairement, Kieran n’a pas envie, il faut que tu respectes ça. « Laisse-moi quelques jours avant d’envisager la chose. » Alors pourquoi est-ce qu’il ouvre quand même la porte, propose d’y réfléchir, te donne l’espoir que peut-être que? Pour te faire plaisir, bien sûr. Tu le sais, tu le comprends, mais ça t’agace presque autant que sa réaction initiale, parce que tu es terrible si tu oses être déçue de sa réaction, et terrible si tu le pousses à aller trop loin. « T’inquiète pas, je suis certaine qu’il y a plein d’autres activités à faire ici. » Et tu espères seulement qu’il y en aura pour lesquelles sa réaction première ne sera pas de te dire non directement, même si tu en doutes fortement.

Tu prolonges le moment et la conversation prend un tournant que tu n’avais pas imaginé abordé si vite, mais que tu n’as pas envie de retenir plus longtemps. Oui, tu as envie d’être avec lui, ça ne devrait surprendre après tout puisque tu lui as demandé de venir ici avec toi, que la reprise de contact s’est faite graduellement malgré les circonstances désastreuses qui vous ramènent constamment l’un à l’autre et tu refuses de croire (de voir) que tout est toxique quand tu te sens tellement mieux lorsqu’il est près de toi. Tu ne peux pas réécrire l’histoire toutefois et il est impossible de faire fit de tout ce qui a su vous séparer, ni même des erreurs que tu as commises ensuite. Les explications sont bancales, mais n’en demeurent pas moins sincères. Kieran n’aurait jamais dû savoir pour ton mariage avec Mason, autant que ce dernier n’aurait jamais dû avoir lieu. Mais tu as beau avoir fait annuler le tout sur papier, tu ne peux pas reprendre cette soirée, pas plus que tu ne peux reprendre celle où Kieran t’a entendu en parler, telle une très mauvaise plaisanterie dont tu te moquais sous l’alcool, beaucoup moins le lendemain. « Non, t’as pas à le faire. J’avais pas le droit de réagir comme ça. » Tu secoues doucement la tête. « J’aurais sûrement réagi bien pire, si j’avais appris que tu t’étais mariée avec une autre, même en blague. » C’est vrai après tout, la situation aurait été inversé et tu n’aurais certainement pas réagi avec autant de retenu que Kieran, qu’importe s’il a l’impression d’avoir franchi des limites ce soir-là. La simple idée que Kieran puisse avoir été avec une autre dans les dernières années te rend complètement folle, une information que tu préfères encore ne pas posséder. « T’as le droit de refaire ta vie, et moi j’ai pas le droit de m’en plaindre. » Tu échappes un léger rire. Si l’intention est noble, la vérité c’est que tu es loin d’avoir refait ta vie. Ton univers tourne encore complètement autour de lui et tu te demandes presque comment c’est possible qu’il ne l’ait pas encore compris. C’est que comme toujours, tu ne vois que ce que tu veux voir, oublie tes actions qui laisseraient croire le contraire comme ce stupide mariage que tu voudrais pouvoir éradiquer de la timeline de ta vie. « C’est pas le cas. J’ai pas refait ma vie, j’veux dire.» que tu précises toutefois, comme si ce n’était pas encore assez clair. Et puis tu en ajoutes encore un peu plus, avec des détails que tu aurais certainement pu garder pour toi, des détails qui ne manquent pas de gêner le Halstead. « Oh, non, tu… enfin… tu fais ce… ce que tu veux, hein. » Tu meures d’envie de lui demander, si lui il a été avec d’autres filles. Sûrement, mais tu ne veux pas vraiment savoir tout compte fait. Non, tu préfères encore t’imaginer que tu as été la seule, même s’il est sûrement révolu depuis bien longtemps, ce temps-là. Tu soupires légèrement, tu souhaites vraiment pouvoir mettre ce sujet derrière vous, ne plus jamais avoir à l’abordé, si la situation devait prendre un nouveau tournant pour vous deux. C’est important pour toi qu’il sache que tu n’attaches aucune importance à cette erreur monumentale. « Vraiment, tu me dois aucune explication. » Mais tu as l’impression que oui, toi. « Mais j’apprécie. Et je comprends mieux. » Un léger sourire apparaît sur tes lèvres, soulagée de l’entendre. « Je suis sincère quand je dis que ça voulait rien dire. Rien du tout, pas comme nos fiançailles. » Soulever ce sujet n’est peut-être pas la meilleure des idées, mais c’est primordial qu’il comprenne que cette idiotie n’a en rien terni la valeur de cette promesse que vous vous étiez faites autrefois, quand bien même cette promesse a fini par être briser. Vous deux, ce que vous avez vécu, partagé, c’était vrai, ça voulait dire quelque chose, et plus que jamais, tu voudrais tant en changer la finalité.

Tu as l’impression d’être si près du but, soudainement, alors que Kieran t’envoie des signaux que tu penses positif, seulement pour mieux se montrer sur ses gardes la seconde d’après, comportement pour lequel tu ne peux même pas lui en vouloir. Surtout pas après tout ce qui s’est passé entre vous, encore moins avec ce qui s’est passé la nuit de ton anniversaire. « Ça me fait peur. » Tu hoches doucement la tête, tu peux comprendre, toi aussi tu es terrifiée. Terrifiée de commettre les mêmes erreurs, terrifiée de réaliser que ça ne pourra plus jamais être aussi beau et aussi doux que ça l’a un jour été, avant toutes les tempêtes. Terrifiée de te lancer simplement pour réaliser qu’il est encore prêt à prendre la fuite. Mais qu’est-ce qui est pire, ne jamais essayer et passer à côté de quelque chose, ou se donner une nouvelle chance, prendre le risque? Tu as envie de croire que la première option est celle qui te décevra le plus au final, mais est-ce la même chose pour Kieran, celui qui n’a jamais aimé prendre de risque? « Je sais pas si je suis prêt. » « Mais t’as envie? » Tu peux attendre, tu peux être patiente, si c’est ce qu’il faut, s’il te jure que c’est ce qu’il veut lui aussi, s’il arrive à y croire encore un peu. Tu te répètes et tu insistes, sur le beau, sur le doux. Sur ce qui est malheureusement facile d’oublier au travers des horreurs qui ont perpétrés votre dernière année ensemble. Il te fait du bien, oui. Tu veux qu’il soit dans ta vie, plus que tout. Tu veux une place à ses côtés, tu en rêves jour et nuit. Est-ce qu’il peut encore te faire assez confiance pour croire ça, au moins? Tes mains dans les siennes, il y a ton pouce qui caresse naturellement le revers de sa main, un contact si simple et pourtant si puissant.

C’est le monde en entier qui cesse de tourner autour de vous alors que les envies d’avant prennent le dessus sur tout le reste et que tu verbalises ce qui t’obsède depuis bien longtemps. Son visage qui se rapproche du tien, la chaleur de ses lèvres qui effleure ta joue, le contact qui se fait presque, jusqu’au moment où tout s’arrête avant même que tu n’aies le temps de pleinement en profiter. « Je peux pas. » Tu sens son front qui se colle contre le tien, tes épaules qui s’affaissent malgré toi alors que tu cherches à croiser son regard sans réellement y parvenir, refusant de briser cette proximité qui persiste. « Je peux pas. » qu’il répète et tu ne comprends pas, ou tu ne veux pas comprendre. Il a dit qu’il n’était pas prêt, et toi, tu as insisté quand même. Tu as poussé trop loin, est-ce que c’est le moment où il t’échappe pour de bon? Tu t’apprêtes à t’excuser, mais il en rajoute Kieran, vient foutre le bordel dans ton esprit qui divague déjà pourtant. « Parce que j’ai pas seulement envie de t’embrasser. » C’est ton intérieur en entier qui semble exploser sur place, ton cœur qui s’appelle, les frissons qui parcourent ton épiderme, ton estomac qui se retourne et plus encore alors que tu recules légèrement ton visage à contre-cœur, simplement pour mieux croiser son regard, espérant y trouver ce même désir que tu ressens, celui qu’il vient de t’exprimer quelques secondes à peine après avoir refuser de t’embrasser. « Tu peux pas… » que tu murmures, incertaine de tes mots, alors qu’un léger rire nerveux passe la barrière de tes lèvres. « Tu peux pas me dire ça juste après avoir refusé de m’embrasser. Ou croire que je veux pas plus, moi aussi… » Tu veux tout. Tu as toujours tout voulu et plus encore. Tu n’as jamais su faire dans le raisonnable, tu n’as jamais compris comment et c’est incroyablement difficile et frustrant, de ne pas ignorer les paroles de Kieran et de n’en faire qu’à ta tête, de l’embrasser simplement parce que c’est ce que ton cœur, ton corps, ta tête te crient de faire, là, tout de suite. « J’te jure que j’veux pas te brusquer. » Pour une fois, crois-moi, s’il-te-plaît. Tes mains n’ont pas lâché les siennes, il n’a pas cherché à s’en défaire. Tu t’accroches. Tout n’est pas perdu, tu veux vraiment croire que tout n’est pas perdu. « Qu’est-ce que tu veux faire? » Pour vous deux, ou là tout de suite, tu lui laisses le choix, ouvre la porte, propose une échappatoire s’il en a besoin, même si tu brûles sur place et que tu n’as qu’une seule et unique envie : t’incendier avec lui.

« Tu sais nager. » Oh, Autumn sous-estime la dépréciation naturelle de Kieran – qu’elle connaît pourtant bien – si elle pense que ses arguments ne se heurteront pas aux siens. « Le bêtisier de Race of Australia dit le contraire. » Et malheureusement pour elle, il existe des preuves concernant ce dernier effort pour se rabaisser. Les images parlent pour lui alors qu’il a été en difficulté lors de l’épreuve finale où il tentait de venir en aide à Isaac et Grace – quelle aide. Kieran aimerait croire qu’il peut faire autrement, qu’il peut croire en ses capacités, mais dès lors qu’il s’y essaie, il y a cette petite voix dans sa tête qui s’empresse de le corriger pour mettre en avant ses doutes et ses insécurités, y compris dans des domaines qu’il est supposé maîtrisés. Des plus anodins comme la nage aux plus conflictuels comme l’art, le jeune homme court toujours après sa propre reconnaissance. Bien conscient néanmoins qu’il s’agit-là d’un défaut qui est trop souvent pointé du doigt, il a appris à se corriger à défaut de savoir penser autrement. « Mais je suis jamais contre des cours de perfectionnement. » Des cours donnés par une personne qui n’est nulle autre que celle qui lui fait face, et si l’invitation se veut lancée sur le ton de l’humour, si elle doit devenir réaliste alors il n’en sera pas déçu, c’est certain. « T’inquiète pas, je suis certaine qu’il y a plein d’autres activités à faire ici. » Secouant la tête en guise d’approbation, un coup d’œil autour d’eux suffit à croire en cette perspective. Ce n’est pas difficile en réalité, pas alors que peu importe l’alternative, il ne commettra pas deux fois la même erreur et saura se montrer plus enthousiasme – ou à défaut, feindre que c’est le cas – dans l’espoir de se faire pardonner. Et Autumn n’a pas besoin de verbaliser qu’elle peut lui en vouloir pour qu’il soit convaincu de ce qu’il avance, peu importe si l’impression ne provient que de lui.

Et c’est peut-être ça, le problème, dans le fond. Il se convainc de beaucoup de choses, Kieran, mais en montre très peu, alors qu’il reste plus stoïque qu’il ne le voudrait concernant ce mariage avorté. L’idée qu’il ait eu lieu le met autant en colère qu’elle ne le réjouit en sachant qu’il est désormais terminé. Mais dans un cas comme dans l’autre, Kieran est persuadé qu’il n’a aucune légitimité à commenter celui-ci, pas alors qu’il est le coupable du statut d’Autumn qui lui a permis de s’unir avec le premier venu. Ils n’étaient plus fiancés, encore moins en couple et surtout pas en contact l’un avec l’autre. Alors la jeune femme peut bien refaire sa vie si cela lui chante, lui ne peut que se confronter à ses mauvaises décisions au lieu de s’en plaindre. « J’aurais sûrement réagi bien pire, si j’avais appris que tu t’étais mariée avec une autre, même en blague. » - « Il y a pas de risques de ce côté-là. » Et s’il laisse échapper un rire nerveux qui pourrait traduire d’un semblant de légèreté suite à cette réflexion, le fait est que cette solitude lui pèse ; et quand sans s’être activement mis à la recherche de l’amour, ou plutôt s’étant heurté au fait que personne ne saurait jamais remplacer Autumn, Kieran a surtout pris conscience qu’il n’était pas un candidat idéal pour ça. Le simple fait de rencontrer quelqu’un relève du rêve, alors la perspective de se marier tient au miracle, selon lui. « C’est pas le cas. J’ai pas refait ma vie, j’veux dire. » Ni avec Mason, ni avec d’autres et il s’en veut aussitôt qu’il identifie une forme de soulagement après cette annonce. Parce qu’il persiste à penser qu’il n’est pas en droit de se sentir apaisé par cette nouvelle, autant parce qu’il est celui qui est parti que parce qu’il s’y essayé, de son côté. Il ne sait pas vraiment s’il peut réellement dire qu’il a voulu refaire sa vie, sa relation avec Eve ayant été faussée par sa ressemblance avec Autumn et celle avec Ivy ayant été biaisée par l’intérêt qu’elle était la seule à lui porter. Dans les deux, ces relations qui n’en étaient même pas réellement se sont heurtées au mur que Kieran finit toujours par dresser par peur d’être blessé, sans réaliser que c’est exactement pour cette raison qu’il finit par l’être. « Je suis sincère quand je dis que ça voulait rien dire. Rien du tout, pas comme nos fiançailles. » Il se pince les lèvres, mal à l’aise à l’idée que le sujet soit abordé, conscient de ses fautes. « Oui, et... enfin, tu sais que malgré tout, ça veut aussi dire quelque chose pour moi. » Il est maladroit dans ses propos mais il n’en pense pas moins quant au fait que leurs fiançailles demeurent importantes à ses yeux malgré la finalité de celles-ci.

Elles demeurent importantes, mais Kieran n’est pas certain qu’il soit prêt à brûler les étapes et à s’imaginer un futur où elles seraient à nouveau d’actualité. Il n’est même pas certain de s’imaginer un futur, tout simplement, que celui-ci s’écrive aux côtés d’Autumn ou non. Et à vrai dire, malgré des sentiments qu’il n’a jamais su faire taire, il est bien incapable de décider de la place et du rôle dans sa vie qu’il veut à nouveau donner à la jeune femme. Il y a des désirs, c’est certain, mais il y a aussi beaucoup de craintes, celles-là même qu’il n’a jamais su faire taire et qui ont précipité la fin de leur belle histoire. Alors oui, cette proximité, ce rapprochement, ce goût du souvenir lui fait peur parce que Kieran a conscience qu’il n’y a pas beaucoup de choses qui ont changées, même si l’on pourrait croire l’inverse. Il n’a pas changé, du moins, et les difficultés qui étaient les siennes à l’époque ne se sont pas soudainement effacées parce qu’il a vieilli, au contraire, elles semblent devenir encore plus envahissantes car d’autant plus habituelles. « Mais t’as envie? » - « C’est pas la question. » Bien sûr qu’il en a envie. Elle le sait probablement autant que lui, peut-être plus que lui alors qu’il y a encore des retenues au-delà desquelles il ne s’autorise pas encore à regarder. Et qu’il en ait envie ou non ne change pas le réel problème, et qu’il ne soit pas prêt aujourd’hui ne veut pas dire qu’il le sera un jour, en réalité. Il ne l’a jamais vraiment été, quand il s’agit de vivre.

Ce n’est pas la question parce que la réponse à celle-ci semble évidente ; alors que ses gestes parlent pour lui, que son souffle se mêle au sien, que ses lèvres semblent prêtes à retrouver les siennes avant qu’il ne se ravise. Ce serait déraisonnable et elle ne peut pas s’attendre à autre chose de la part d’un garçon qui a toujours refusé de s’écarter du droit chemin. Et plus que jamais, Autumn représente une tentation à laquelle il ne peut décemment pas céder. Sauf qu’il s’est abandonné à elle il y a bien longtemps et qu’il n’y a désormais plus aucun retour en arrière qui soit possible. Il en prend conscience alors qu’au-delà de vouloir s’empêcher de goûter à ses lèvres, c’est au reste de ses envies qu’il essaie de résister. « Tu peux pas… » Autumn a brisé leur proximité et il conserve l’espoir qu’elle se montre plus raisonnable que lui. Sauf qu’elle ne l’a jamais été, et ça aussi il le sait très bien. « Tu peux pas me dire ça juste après avoir refusé de m’embrasser. Ou croire que je veux pas plus, moi aussi… » - « Non... non, dis pas ça. » De la même manière qu’il n’aurait pas dû lui dire ça, elle ne devrait pas formuler des pensées qui font écho aux siennes. « J’te jure que j’veux pas te brusquer. » Sauf qu’elle ne le brusquerait pas, pas alors qu’il ne rêve que de ça depuis des semaines, des mois. Pas alors qu’il y a pensé des centaines, des milliers de fois et que loin de le forcer à quoi que ce soit, elle lui donne surtout l’autorisation à laquelle il n’osait croire. « Qu’est-ce que tu veux faire? » Ses mains finissent par délaisser celles de la jeune femme, rabattues le long de son corps alors que son silence de réflexion semble durer une éternité, y compris pour lui-même. Il sait ce qu’il veut faire. Il le sait depuis leurs retrouvailles, il le sait depuis leur départ de Brisbane qui prend des airs de fuite, il le sait depuis qu’elle est revenue dans sa vie, il l’a toujours su, en réalité. C’est une évidence qui a pris des allures de prophétie et puisque celle-ci est vouée à se réaliser, il se convainc qu’il n’est pas déraisonnable ; il se contente d’anticiper ce qui est inévitable lorsque ses mains remontent le long de la silhouette d’Autumn jusqu’à se glisser contre son cou. D’un pouce il caresse son menton pour mieux remonter délicatement celui-ci vers son visage, qui finit par briser les derniers centimètres qui les séparent, et ses lèvres viennent à la rencontre de celles de la jeune femme. Le geste se veut d’abord timide, comme si Kieran n’y était pas autorisé, les effleurant sans trop s’oser à y goûter, prenant d’abord le temps d’en dessiner les contours des siens pour raviver des souvenirs auxquels il n’a jamais cessé de s’accrocher. Et ce sont les images détaillées de ceux-ci qui lui permettent de raviver des habitudes jamais totalement enfouies alors son désir se fait plus brûlant et plus parlant quand l’une de ses mains se glisse jusqu’à la nuque de la jeune femme pour la rapprocher de lui, quand ses lèvres refusent de se séparer de celles d'Autumn. Ses gestes assurés et la passion qui se traduit à travers son baiser n’ont plus grand-chose à voir avec la retenue dont il faisait encore preuve quelques instants plus tôt alors que celle-ci semble disparaître à mesure que les secondes défilent. Parce que plus qu’une envie, il a besoin de l’objet de toutes ses convoitises, véritable addict à la jeune femme qu’il a toujours été et qu’il continue d’être ; et comme chaque drogue, il en veut toujours plus. Sauf qu’il n’en aura jamais assez avec Autumn et lorsqu’il se détache de la jeune femme à contrecœur, le souffle saccadé autant par son cœur qui menace d’exploser dans sa poitrine, l’euphorie qu’elle est la seule à savoir lui procurer que le désir de retrouver à nouveau et au plus vite la douceur de ses lèvres ce n’est que pour verbaliser une réponse qu’il ne lui a, contre toute-attente, pas encore donnée : « Je veux qu’on visite ta chambre. » Et l’assurance dans le ton de sa voix ne laisse aucun doute quant au fait qu’il s’agit-là d’une activité à laquelle il ne s’opposera pas.

@Autumn Galloway  

« Le bêtisier de Race of Australia dit le contraire. » Tu penches la tête légèrement, l’air de dire que tu sais mieux qu’une stupide émission de télévision ce dont il est capable ou non. Tu ne fais même pas semblant que tu ne sais pas de quoi il parle, bien sûr que tu as suivi les aventures du Halstead dans cette télé-réalité. Tu n’avais pas voulu le croire au départ, quand l’une de tes amies t’avait annoncé le plus innocemment du monde que ton ex-fiancé était à la télévision. Tu étais encore au Canada à ce moment-là, mais il n’avait pas été difficile pour toi de mettre la mien sur un lien de streaming te permettant de suivre tout ça, peu importe où tu étais. Tu n’as jamais compris comment il s’était retrouvé là, la simple idée si loin de la zone de confort dans laquelle Kieran se terre (terrait?) normalement. « Mais je suis jamais contre des cours de perfectionnement. » Tu lèves les yeux vers lui et hoches doucement la tête. « On commencera doucement alors. » que tu lui assures, pas certaine que ce voyage en Indonésie soit assez long pour que vous en arriviez à sauter dans l’eau du haut d’une falaise, mais tu n’es pas difficile. Tu es prête à prendre chaque minute que Kieran t’offre en sa compagnie, qu’importe l’activité du jour à l’agenda. Tant qu’il est là, tout peut te plaire, tu en es persuadée. Mais pour combien de temps, exactement? « Je t’aurais jamais imaginé être le genre à t’inscrire à une émission de télé-réalité. » que tu ne peux t’empêcher de glisser, extrêmement curieuse d’entendre comment il en est arrivé là, mais consciente que si tu ne poses pas la question directement, tu risques de te retrouver face aux fameuses demi-réponses pour lesquelles le Halstead est célèbre. « C’est arrivé comment? » Tu peines à croire qu’il en soit venu à cette idée par lui-même, alors évidemment, ton esprit diverge à savoir quoi, pourquoi, comment, mais surtout à cause de qui il s’est retrouvé participant à cette émission.

À défaut d’avoir toi-même joint le cast d’une émission de télé-réalité quelconque, on pourrait croire que ta vie en est une, surtout alors que tu abordes le terrible sujet de ton ‘’mariage’’ avec Mason, cette immense connerie dont tu préfères oublier l’existence dès que tu en as l’occasion. Tu es tout de même soulagée de pouvoir mettre les choses au clair avec Kieran, d’avoir la chance de lui faire comprendre que toute cette histoire n’a pas la moindre signification à tes yeux et que tu ne lui en veux pas, pour ce qui s’est passé le soir d’Halloween, sur la plage. Non, même que tu t’en veux encore un peu à toi-même, que le sujet ait été abordé devant lui, que tu aies pris le tout à la légère, comme si de rien était alors qu’il était juste là, à quelques mètres de toi. Cette soirée-là aussi, tu voudrais pouvoir la reprendre. L’effacer de votre historique. Mais de savoir que vous êtes quand même ici ensemble, malgré cette soirée-là, ça garde en vie cette flamme d’espoir qui t’habite depuis un moment déjà. Celle qui te persuade jour après jour qu’il y a encore une chance, pour vous deux. Flamme que Kieran maintient en vie, qu’il s’en aperçoive ou non. « Il y a pas de risques de ce côté-là. » « Ah? » Même en tentant de paraître aussi nonchalante que possible, il est impossible de manquer l’intonation plein de questionnement dans ta voix. Il y a trente secondes à peine, tu t’étais convaincue que tu ne voulais pas savoir s’il avait eu quelqu’un dans sa vie – même temporairement – depuis l’annulation de vos fiançailles et voilà que tu es bien incapable de ne pas poser la question dont la réponse risquerait pourtant de te faire mal. Tes yeux s’attardent sur tes pieds, tu veux savoir, mais tu n'oses pas formuler la question qui te brûle pourtant les lèvres. Tu ne sais pas ce que tu préfères, cette fois-ci. Que Kieran évade, comme il sait si bien le faire, ou qu’il te dise. Tu espères simplement que personne n’a su avoir l’importance que tu as pu avoir pour lui par le passé, l’importance que tu espères encore détenir dans sa vie. « Oui, et… enfin, tu sais que malgré tout, ça veut aussi dire quelque chose pour moi. » Les battements de ton cœur s’accélèrent considérablement quand tu t’attardes sur le présent employé plutôt que l’imparfait. Dans le sens que ce n’est pas révolu, que même si vos fiançailles ont été annulé, tout n’est pas complètement relégué au passé. « Encore aujourd’hui? » Tu cherches la confirmation, le besoin d’entendre cette réponse-là bien plus puissante que l’envie de combler ta curiosité vis-à-vis des histoires qu’il a ou qu’il n’a pas eu dans les deux dernières années.

Tout s’embrouille et s’emmêle alors qu’un moment Kieran s’approche, pour se raviser la seconde d’après et tu te retrouves en éternel conflit entre vouloir aller au bout de tes envies et le besoin de respecter des limites qu’il évoque, mais sur lesquelles il hésite lui-même. « C’est pas la question. » « C’est celle que je te pose. » Mais tu la connais au fond, la réponse. Tu sais que vous ne seriez pas là, s’il n’avait pas envie. Que le sujet n’aurait jamais été soulevé si ce n’était pas quelque chose qui le hante autant que toi. Le monde autour de vous semble disparaître peu à peu, l’atmosphère se fait plus lourd, comme si l’air vous était arraché, qu’il ne restait que son souffle contre tes lèvres, ton souffle contre les siennes sans que jamais la distance finale ne soit franchie. Tes épaules se tendent sous l’impatience et un brin de frustration alors que tu vois Kieran débattre face à une tentation à laquelle tu voudrais qu’il s’abandonne. Tu ne veux pas l’obliger, le forcer, mais c’est incroyablement difficile pour toi de prétendre être immunisée à ses mots, à ses vérités quand elles s’accordent si bien avec les tiennes et que tu rêves de retrouver le goût de ses lèvres contre les tiennes, la chaleur de ses mains sur ta peau, et bien plus encore que tu ne t’autorises jamais à imaginer trop longtemps tant les images sont encore vives dans ton esprit, délectables et douloureuses à la fin. « Non… non, dis pas ça. » Tu te mordilles légèrement la lèvre, incapable de reprendre tes mots qui sont tout ce qu’il y a de plus sincère. Comment nier l’indéniable? Comment faire semblant que tu peux être simplement amicale avec lui quand tout ton corps réclame un peu plus de lui avec chaque minute que vous passez ensemble? Tu aurais pu te contenter du minimum, s’il t’avait comprendre que c’est tout ce qu’il pouvait t’offrir, mais il avait ouvert la porte Kieran, t’avait partagé des pensées que tu n’oublierais pas, des envies qui se jumelaient parfaitement à les tiennes et si tu as l’impression qu’il est tout simplement impossible de faire marche-arrière, tu lui offres tout de même la possibilité. De revenir sur ses pas, de reprendre ses mots, aussi difficile que ce sera de l’entendre, et de continuer à avancer vers cette plage où vous aviez convenu passer l’après-midi. Quand ses mains lâchent les tiennes, tu es persuadée que c’est ce qui est sur le point de se passer, ton souffle est lourd et tes lèvres tremblantes, mais Kieran te surprend quand ses mains viennent se glisser dans ton cou, t’arrachant une traînée de frissons au passage. Son pouce vient doucement t’inviter à relever la tête vers lui et la distance est inhalée complètement lorsque ses lèvres se déposent contre les tiennes, dans un baiser qui est d’abord lent et timide, témoignant de l’hésitation qui persiste chez le Halstead. Puis l’hésitation laisse place à une passion trop longtemps oubliée, quand la pression de son baiser s’intensifie, quand ses doigts s’accrochent à ta nuque et que les tiens agrippent son t-shirt, comme si tu craignais de perdre ta capacité à tenir sur tes jambes sous la puissance de ce baiser.

Les secondes filent et tu ne veux pas que ça s’arrête, tu ne veux plus jamais oublier cette sensation si particulière de ses lèvres contre les tiennes, mais son visage s’éloigne du tien et ça te prend tout ton petit change pour ne pas lui revoler ses lèvres dans la seconde. « Je veux qu’on visite ta chambre. » Tes yeux s’écarquillent légèrement, la surprise se lit aisément sur tout ton visage, mais le tout laisse place à un large sourire sur tes lèvres. « Tout de suite? » Les mots filent d’entre tes lèvres avant même que tu ne réalises que tu les as bel et bien prononcés à voix haute. Pour ne pas lui donner la chance de changer d’avis, tu te mets sur la pointe des pieds, tes mains se rejoignant autour de son cou pour l’inviter à se pencher près de toi à nouveau, venant une fois encore redécouvrir la saveur de ses lèvres. Tu ne sais pas comment tu es censée prétendre que tu as envie de faire quoique ce soit d’autre que ça, absolument certaine qu’aucune des activités offertes sur cette île ne peut comparer à la sensation qui t’envahit d’être si près de Kieran à nouveau. À contre-cœur, tu te défais de votre étreinte une fois de plus, mais cette fois-ci, tes doigts se joignent à nouveau aux siens et tu prends le chemin qui mène jusqu’à cette demeure où tu restes pour la durée de votre voyage, un million de fois reconnaissante pour le fait que non seulement, tu te retrouves dans l’une des rares maisons luxueuses du village, mais que celle-ci vient avec ta propre entrée privée pour ta chambre, ta propre salle de bain et plus d’espace que tu n’en as à ton appartement à Brisbane. « Je sais pas si c’est aussi bien que de dormir à la belle étoile. » que tu commentes une fois que vous êtes arrivés dans ladite chambre, ton regard ne lâchant jamais Kieran, analysant le moindre de ses mouvements, de ses gestes, craignant qu’il ne se rétracte une fois de plus à la dernière seconde. « Mais j’avoue que je suis contente de pas avoir à te partager avec qui que ce soit. » Qui sait avec combien de personnes il va devoir partager son maigre espace pour dormir, quand il finira inévitablement par te quitter pour vivre sa propre expérience de ce voyage. À moins que. L’idée qu’il reste avec toi pendant la semaine entière est tentante, mais tu ne t’oses pas à espérer si fort. Le simple fait qu’il soit là, dans cette chambre, seul avec toi, c’est mieux encore que tout ce que tu t’étais imaginée. Dans un geste lent et sans pression, tu l’invites à s’asseoir sur le bord du lit et une fois son regard à ta hauteur, un sourire malicieux s’installe sur tes lèvres. « Je peux? » Ta voix n’est qu’un murmure et c’est sans réellement attendre sa réponse que tu viens t’asseoir à califourchon sur lui, tes bras se liant autour de son cou à nouveau, ton regard planté dans le sien à attendre une quelconque réaction de sa part.

« On commencera doucement alors. » Doucement étant le terme le plus adapté quand il s’agit du Halstead. Kieran a toujours eu besoin de temps et de patience, deux choses qu’il ne s’accorde pourtant pas à lui-même, désireux d’aller trop bien, trop vite, échouant misérablement à chaque fois qu’il tente de sortir de sa zone de confort. Pour des étapes aussi importantes que celles de se lancer professionnellement dans sa passion que des actes plus anodins comme sauter du haut d’une falaise. Là-aussi, les « et si ? » qui polluent son esprit touchent autant aux grands sujets qu’aux plus superficiels, et Kieran est bien incapable d’être spontané, ne pouvant s’empêcher de considérer les mille scénarios tous plus dramatiques les uns que les autres avant n’importe quelle situation. Il a passé sa vie à se réfugier dans son imaginaire et si à cet instant Kieran ne rêve que de profiter du moment présent, cette habitude est désormais ancrée en lui, le privant bien trop souvent de la légèreté qu’il rêve pourtant d’acquérir. « Je t’aurais jamais imaginé être le genre à t’inscrire à une émission de télé-réalité. » - « Moi non plus. » Il reconnaît avec un léger rire, baissant légèrement la tête en repensant à cette émission qui lui a néanmoins laissé un goût amer. Par rapport à son élimination précipitée, mais également à la suite de certains événements dont il doit aujourd’hui assumer les conséquences. « C’est arrivé comment? » - « C’est Fiona qui m’a inscrit. » Elle se doute bien que de lui-même, jamais il n’aurait osé songer à cette émission, et encore moins remplir le formulaire d’inscription. « Elle pensait que ça me ferait du bien de voir autre chose et de me challenger. » Il souligne en haussant les épaules, tentant d’être détaché. Sa meilleure amie avait visé juste sur ces deux points ; néanmoins si c’était à refaire il n’est pas certain qu’il signerait à nouveau. « On a vu le résultat, je me suis éclaté par terre au départ et je me suis fait virer après trois semaines. » Alors même qu’il a brillé sur les épreuves de logique et les énigmes, rattrapant ses capacités sportives proches du néant – mais ça ne suffit pas à Kieran pour se considérer comme intelligent, encore moins méritant. Ils avaient besoin d’un candidat qui saurait assurer le quota bêtisier, et il a été le choix le plus évident pour une production dont le traitement est encore la cause de certaines de ses préoccupations.

Il y en a une autre, qui n’a jamais vraiment cessé d’accaparer son esprit depuis qu’il a pris connaissance de celle-ci ; le mariage d’Autumn est un point aussi sensible qu’il est insupportable. Depuis qu’il a appris la nouvelle, il n’a jamais cessé de se questionner sur les tenants et aboutissements de ce qu’elle qualifie comme une erreur, mais qui a toutefois eu lieu. Traditionaliste, Kieran ne peut s’empêcher de croire en la valeur d’une telle promesse ; et s’il ne demande pas à ce que tout le monde suive son exemple selon lequel il n’a le droit qu’à un essai dans le domaine, savoir qu’Autumn a uni son destin – même temporairement – à un autre que lui ne le laisse pas indifférent, bien au contraire. C’est de la jalousie, oui, terriblement mal placée au point où il essaie de s’empêcher de la dévoiler, même si sa petite scène sur la plage a déjà statué pour lui. Même pour la plaisanterie, Autumn a dit « oui » à un autre. Qu’elle ait des sentiments pour lui ou non ne change pas grand-chose alors qu’elle a su trouver un remplaçant, même pour une nuit, même pour quelques heures. De son côté, sa crainte de se relancer dans une quelconque histoire autant que ses sentiments jamais totalement disparus l’ont empêché d’envisager sérieusement cette possibilité. Il y a bien cru avec Eve ; mais ils n’ont jamais rien consommé. Avec Ivy, aussi, il a cru que quelque chose pouvait se dessiner, mais dès lors qu’il a eu le malheur d’admettre qu’il ressentait plus que de l’amitié, leur relation s’est terminée là, après quelques dérapages et beaucoup d’espoirs. « Ah? » - « J’ai jamais été très doué dans le domaine. » Il pourrait ajouter qu’il n’est pas particulièrement chanceux, mais il ne voudrait pas l’offenser. Pourtant, elle sait mieux que personne qu’il n’est pas de ceux dont la vie amoureuse est développée ; elle était bien la première à s’intéresser à lui et si elle n’est pas été son premier baiser, elle a été toutes ses autres premières fois. « Il y a... enfin, pour être honnête, hm, il y a eu deux filles, mais elles m’ont repoussé de toute façon. » Rien de sérieux ; donc, hormis les dégâts sur son cœur déjà brisé, et l’amère sensation que l’amour est un sentiment qui lui fera toujours défaut. Il n’y a bien qu’avec Autumn qu’il l’a connu, d’une façon aussi belle que douloureuse. « Encore aujourd’hui? » Il s’aventure sur un terrain glissant, Kieran, il le sait, mais il lui est désormais impossible de reculer alors qu’il finit par hocher la tête. [color:57b4=#orangered]« Ça fait partie de mon histoire. » De son quotidien, aussi, mais il ne le dira pas.

Elle en a de toute évidence la preuve alors qu’il s’approche d’elle pour mieux se raviser dans le dernier retour d’une raison qui lui échappe déjà. Il se cache derrière son hésitation et ses craintes, mettant de côté son envie – après tout, il a toujours agi ainsi. « C’est celle que je te pose. » - « C’est celle à laquelle je dois pas répondre. » Ce n’est pas qu’il ne veut pas, ce n’est pas qu’il ne peut pas, c’est qu’il ne doit pas y répondre. Parce que sa réponse est évidente, parce qu’elle la connait déjà et parce qu’elle sait pertinemment les conséquences qu’elle provoquera, de celles qui iront bien au-delà d’une explication sur une plage ou de non-dits qu’ils gardent pour eux. Dans cette réponse, dans ces trois lettres qui forment l’évidence, il n’aura alors plus aucun secret pour elle quant à ses intentions. Il ne devait pas y répondre et pourtant il ne peut s’empêcher de le faire alors qu’il met un terme à la distance qu’il a lui-même provoquée, alors qu’il glisse ses mains contre sa peau, que ses lèvres viennent timidement goûter aux siennes, bien conscient de l’interdit qu’il franchit, avant qu’il ne s’abandonne pour n’écouter que son envie. Il a envie de la sentir contre lui. Il a envie de mêler son souffle au sien. Il a envie de l’embrasser. Plus que tout, il a envie d’elle toute entière, de ses lèvres à sa nuque, de sa poitrine à l’aine, il veut dessiner les contours de sa silhouette à l’aide du pinceau que seront ses lèvres et qui glisseront sur cette toile qu’il veut posséder. « Tout de suite? » - « Tout de suite. » Son assurance persiste, aussi rare qu’elle n’est convaincante. Il aura tout le temps du monde de regretter ce rapprochement, mais à cet instant, ce qu’il regretterait est de ne pas en avoir profité. Parce qu’il ne rêve que de ça, parce qu’il la désire plus que tout, parce que s’il n’a jamais cessé de le faire, aujourd’hui plus que jamais il a besoin de cette proximité avec elle. Les conséquences sauront le torturer en temps voulu comme elles le font toujours, à cet instant il ne pense égoïstement qu’à son propre plaisir, et le goût des lèvres d’Autumn en est un dont il ne peut se passer. C’est vital, c’est nécessaire, c’est un besoin primaire, instinctif, qui régit désormais chacun de ses gestes et qui n’obéit plus à aucune logique autre que celle dictée par la passion. Et quand la jeune femme s’agrippe à son cou, il se penche aussitôt pour mieux savourer cette intimité retrouvée et qui n’en est qu’à ses prémices. Ses doigts se lient aux siens alors qu’il se laisse conduire jusqu’à cette chambre qu’il a demandé à visiter, et là où d’ordinaire il se serait inquiété à l’idée de s’y rendre sans l’explicite autorisation des propriétaires, Kieran se fiche bien de leur accord alors que seul celui d’Autumn n’a de la valeur à cet instant. « Je sais pas si c’est aussi bien que de dormir à la belle étoile. » - « Ça l’est. » Et ce n’est même pas une histoire de sexe, mais aussi et surtout de pouvoir l’enlacer durant cette nuit que, il paraît évident, ils passeront ensemble. « Mais j’avoue que je suis contente de pas avoir à te partager avec qui que ce soit. » Un rire vient percer son silence, avant qu’il n’obéisse aux ordres dictés par Autumn et prenne place sur le lit. Les rôles se sont inversés et la jeune femme le surplombe quelque peu, debout devant lui, pour une poignée de secondes encore. « Je peux? » Elle n’attend pas son autorisation qu’elle s’installe à califourchon sur lui, et les mains de Kieran viennent se glisser contre ses hanches, tandis que son regard se perd dans le sien, un instant, avant qu’il ne lui offre la réponse à sa question en enfouissant sa tête contre son cou, qu’il parsème de baisers qui n’ont pas grand-chose à voir avec le timide essai chaste d’il y a plusieurs minutes, s’osant néanmoins avec maladresse à caresser sa peau du bout de sa langue à quelques occasions. L’une de ses mains glisse le long du dos d’Autumn pour venir effleurer son épaule, où ses doigts, impatients, jouent déjà avec la bretelle de son haut. Lorsque ses lèvres remontent le long du creux de son cou pour caresser l’arête de sa mâchoire, il ne s’arrête qu’après avoir embrassé le coin de sa bouche, pour lui demander à son tour une autorisation explicite. « Dis-moi que je peux te déshabiller. » Il supplierait presque s’il ne la savait pas déjà acquise à sa cause, mais il veut l’entendre de sa bouche, dans une confirmation qu’elle le veut autant que lui et qu’il a le droit à cette forme de pouvoir auquel il a renoncé pendant bien trop longtemps.

@Autumn Galloway

« Moi non plus. » C’est étrange, cette impression de connaître si bien la personne à tes côtés, tout en découvrant de nouveaux aspects sur lui, ou du moins sur ce qu’il a fait et vécu pendant les quelques années où vous n’aviez plus de contact. Dans aucun cas tu n’aurais imaginé Kieran s’inscrire à une émission de télé-réalité telle que Race of Australia, pas plus que tu ne peux visualiser le moment où il s’est dit oui, je vais le faire, mais tu sais qu’une telle chose a dû se produire puisque tu l’as vu dans ton écran, à un moment de ta vie où tu étais presque persuadée que vos chemins ne seraient plus jamais emmenés à se côtoyer l’un l’autre. « C’est Fiona qui m’a inscrit. » Tu hoches la tête. Ce n’est pas surprenant du tout d’apprendre que l’initiative venait de quelqu’un d’autre. C’était souvent le cas avec Kieran, lorsque vous étiez encore ensemble. Et tu avais l’impression que c’est quelque chose qui n’avait pas réellement changé depuis, même si tu t’abstiendrais bien de le dire, de peur que le commentaire ne sonne comme un reproche que tu lui as déjà trop souvent fait par le passé. « Elle pensait que ça me ferait du bien de voir autre chose et de me challenger. » « Tu penses pas? » que tu demandes, sentant l’hésitation chez le Halstead. « On a vu le résultat, je me suis éclaté par terre au départ et je me suis fait virer après trois semaines. » De tout le positif qu’il aurait sûrement pu te conter de cette expérience, tu ne sais pas si tu es réellement surprise de l’entendre te mentionner le négatif en avant-plan. « C’est vraiment tout ce que tu retiens de cette aventure? » Oui, bien sûr, tu peux bien comprendre que de lire des bêtises à son sujet dans des articles bidons sur internet n’a pas dû aider, mais c’était une expérience en soit, une chance de se promener dans le pays, lui qui t’a toujours semblait trop casanier et puis il a sûrement rencontré des gens chouettes pendant cette expérience, non? « Tu t’en sortais pas trop mal, je trouve. » Enfin, selon les jours et tes humeurs. Parfois, tu détestais devoir voir son visage sur ton écran de télévision et tu lui souhaitais tous les malheurs du monde, d’autres fois, tu espérais qu’il s’en sortirait dans ses épreuves pour qu’il puisse continuer d’apparaître au fil des semaines. Tu avais beaucoup de sentiments compliqués pour Kieran à l’époque, et la vérité, c’est que ces sentiments compliqués ne le sont pas vraiment moins aujourd’hui, même si tu choisis de te concentrer sur tes envies et cette idée folle que vous pourriez être ensemble à nouveau, si vous vous en donniez la chance.

Et peut-être bien que c’est ici et maintenant, votre chance. Entre deux vérités difficiles à dire, entre deux confessions qui n’en ne sont pas réellement puisque ce n’est pas la première fois que tu tentes de rappeler à Kieran l’importance que tu lui portes, malgré ce que plusieurs de tes actions dans la dernière année peuvent dire. Oui, faire et dire la même chose n’a jamais été ta plus grande force, ton impulsivité prend le dessus et parfois, tu veux te faire croire que l’oublier est la meilleure façon d’avancer, simplement pour le regretter la seconde suivante la grande majorité du temps. Mais ça ne change pas le fait que tu poses des gestes qui le blessent au passage, comme ce mariage idiot avec Mason, ou la scène sur la plage où tout semble avoir éclaté sous vos pieds. Et peut-être que c’est dangereux, de mélanger cette chance avec des confessions sur ce qui s’est ou non passé de son côté, s’il y a eu d’autres filles, ne serait-ce que temporairement, ou pire encore, l’une qu’il pourrait avoir sincèrement aimé, mais même si ton cœur te crie qu’il ne veut pas savoir, tu laisses la question se soulever sans l’en empêcher. « J’ai jamais été très doué dans le domaine. » Ça devrait te rassurer, mais ce que tu entends surtout, c’est qu’il s’agit plutôt là d’un manque de possibilité et non pas d’un manque de volonté. Tu tentes de garder un air aussi neutre que possible, tu n’es certainement pas en place pour juger de quoique ce soit après tes propres expériences désastreuses, et c’est sans compter ce que tu ne dis pas : les quelques one night stands que tu as accumulé au fil des années, les tentatives de dating qui n’ont toutefois pas mené à grand-chose. « Il y a… enfin, pour être honnête, hm, il y a eu deux filles, mais elles m’ont repoussé de toute façon. » Et ces mots-là n’aident en rien à ne pas te convaincre de ce que tu pensais déjà : qu’il s’agit là réellement plutôt d’un manque d’occasion. « C’était… sérieux? » que tu demandes sans toutefois oser lever les yeux vers lui, craignant que la réponse ne te brise le cœur alors que tout ce que tu tentes de faire présentement, c’est de rattacher les morceaux à ses côtés. Ironique quand même, cette tendance que tu as de constamment vouloir te faire mal, même quand tu as la chance de potentiellement obtenir tout ce que tu veux du bout des doigts. « Ça fait partie de mon histoire. » Et tu voudrais lui demander si ça ne fait partie de son histoire qu’au passé, mais voilà que certains gestes répondent à cette question sans que tu n’aies besoin de la poser, et il ne s’agit plus de savoir si Kieran a aussi envie de toi comme tu as envie de lui, mais plutôt de savoir s’il osera baisser ses barrières et s’y perdre une fois encore.

« C’est celle à laquelle je dois pas répondre. » Mais toutes les hésitations du monde n’empêchent pas l’inévitable de se produire, quand la restreinte que Kieran s’imposait finalement et que ses lèvres rencontrent les tiennes dans un baiser qui a à la fois le goût du passé et la promesse de quelque chose, d’un présent, aussi éphémère soit-il. C’est chaste et bien trop rapide à ton goût, mais il ne manque pas de te surprendre quand les prochains mots qui quittent ses lèvres laissent entendre que son envie ne s’arrête pas à un simple baiser. « Tout de suite. » Tu ne te fais pas prier pour quitter cette plage et prendre le chemin de cette maison qui est tienne pour la durée de ce voyage, l’aspect privé de ta chambre n’étant qu’un avantage d’un plus que tu comptes pleinement abuser ce soir avec la présence de Kieran que tu ne fais même pas savoir à tes hôtes. Non, Kieran est tien et seulement tien pour le moment. Tu ne sais pas combien de temps cela durera, mais tu ne comptes pas gaspiller la moindre seconde de cette proximité retrouvée, celle qui t’a été complètement interdit depuis vos retrouvailles l’an dernier. Mains liées, tu le guides jusqu’à ta chambre que vous découvrez ensemble, l’endroit spacieux et luxueux, bien qu’il n’ait que très peu d’intérêt pour toi puisque tout ce que tu désires, là tout de suite, c’est retrouver cette proximité. Sentir son corps contre le tien, retrouver le goût de ses lèvres contre les tiennes, de te perdre dans les sillons de plaisir que tu sais qu’il peut te procurer parce que personne ne connaît ton corps et tes points faibles comme Kieran Halstead. « Ça l’est. » Tu souris à sa réponse, les battements de ton cœur qui s’accélèrent considérablement alors que tu l’invites à s’asseoir sur le lit, et tu ne tardes pas à le rejoindre, tes jambes de chaque côté des siennes, tes bras qui se lient derrière son cou. Ta respiration se fait haletante lorsque ses doigts parcourent ta peau et que ses lèvres se fraient un chemin dans ton cou. Tes doigts se promènent sur son crâne, c’est étrange cette nouvelle sensation toi qui as si souvent aimé jouer dans ses cheveux plus longs. Tu veux attirer son visage près du toi, reprendre possession de ses lèvres, mais il t’en empêche temporairement ce qui t’arrache un léger grognement. « Dis-moi que je peux te déshabiller. » Pour toute réponse, tu soulèves ton haut et le jette par terre, simplement pour mieux répéter la manœuvre avec le chandail de Kieran. Tes doigts dansent sur son torse avant que tu ne captures ses lèvres, laissant ta langue glisser contre la sienne, ton corps s’impatientant pour plus de caresses, plus de frictions, plus de tout. Toujours plus. « Ça fait tellement longtemps que j’espère ça. » que tu murmures contre ses lèvres, appuyant ton corps contre le sien pour l’inciter à s’allonger. « Tu m’as tellement manqué. » Tu mélanges tout, tu le sais, mais les mots coulent aussi simplement que les caresses s’accumulent et comme pour tout le reste, il n'y a simplement pas de marche arrière possible.