C’était prévisible. Bien sûr qu’il allait revenir. Megan avait souvent évoqué cette possibilité dans le but de me préparer à cette éventualité, mais je n’avais pas vraiment voulu l’entendre ou la croire. Je pensais, naïvement, que l’idée d’avoir la justice sur le dos allait suffisamment le calmer pour qu’il ne tente pas quelque chose de complètement stupide comme il a bien pu le faire hier soir. Sans la présence de ma meilleure amie, je ne sais vraiment pas comment tout cela aurait pu finir. Il était si en colère, fulminant de rage et prêt à tout détruire sur son passage. Allongé dans mon lit, je tente de remettre en ordre le film de la soirée. Je raccompagnais Megan à la porte quand il est apparu sur le palier en m’ordonnant de le laisser entrer, il n’arrêtait pas de crier qu’il devait absolument me parler, je crois qu’il a évoqué ma plainte, je ne sais plus vraiment. Il utilisait ce ton menaçant qu’il n’avait de cesse d’employer vers la fin. C’est tout ce qu’il a fallu de sa part pour que je me retrouve complètement tétaniser tandis que Megan prenait le contrôle de la situation. Le reste me paraît si flou. Un moment, elle s’est interposée entre nous, la seconde d’après elle était au sol avec une entaille sur le front. Lawrence à hurler encore après ça, il a déversé son torrent d’insultes et de mépris, profitant que je me sois abaissé auprès de mon amie pour m’attraper par le bras afin d’y graver l’empreinte de ses doigts tandis que ces mots venaient rafraîchir toutes les anciennes blessures. Il a promis de revenir si je persiste à conserver ma plainte, il aussi promis de m’avoir seul pour lui la prochaine fois. Si sur l’instant, il m’a paru simple de me concentrer uniquement sur l’état de Megan, maintenant que Damon m’a ramené à l’appartement et que Trent n’est toujours pas rentrer de sa garde, je suis incapable de fermer l’œil. Je sursaute au moindre bruit, même si je me suis assuré par trois fois que le loquet était bien fermé et qu’une chaise barre la porte de ma chambre. J’entends sa voix en boucle, celle que j’avais réussi à faire taire avec le temps, mais qui continue à me faire trembler avec force. Incapable de fermer l’œil, je laisse mon esprit envisager tous les scénarios possibles, tous ceux dans lesquels il finira par me retrouver pour se venger.

La nuit s’est transformé en un lever du jour timide, le soleil perçant à peine au travers des nuages. Il est tôt, mais je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Quelques minutes, auparavant, j’ai entendu Trent rentrer. Enfin… J’ai paniqué au point de me laisser submerger par une crise d’angoisse jusqu’à ce que je réalise que la porte d’entrée était fermée à clé et que seul mon colocataire aurait bien pu entrer. J’ai attendu de longues minutes avant de sortir de ma chambre et de me diriger vers la sienne, juste pour vérifier. Il était déjà endormi en travers du lit, comme si de rien était. J’aurais pu aller me glisser sous les couvertures pour le rejoindre, mais il finirait par poser des questions auxquelles je n’ai absolument pas envie de répondre.

Pendant près d’une heure, je cherche à m’occuper l’esprit en me lançant dans un ménage méticuleux de chaque placard de la cuisine, mais rien ne semble apaiser le cours de mes pensées. À chaque seconde, je revois le visage ensanglanté de Megan après le coup qu’elle a reçu. Je repense à tout ce qu’elle a pu me dire au sujet de Lawrence, toute la colère qu’elle a toujours su nourrir à son égard et soudainement, j’ai peur. Je suis terrorisée à l’idée qu’elle se lance dans sa propre vendetta maintenant qu’il a dirigé sa colère sur elle, elle pourra prétendre qu’elle n’a pas uniquement fait cela pour moi, mais également pour lui rendre le coup. Je connais assez Megan pour savoir qu’elle rêve de me venger depuis le jour où je lui ai parlé de toute cette histoire et il vient de lui donner toutes les raisons du monde pour passer à l’action. Si je cherche à me raisonner en admettant que la blonde ne serait pas du genre à donner des coups, je n’arrive pas à me défaire de ce sentiment grandissant : elle serait capable de se mettre en danger pour le faire flancher.

Il me faudra une heure de plus pour trouver le courage de déverrouiller la porte d’entrée et oser m’aventurer dans le couloir. Dans une vaine tentative de me protéger, j’ai glissé le plus gros couteau de cuisine que l’on possède dans mon sac à main. Je pourrais avoir des problèmes, mais c’est bien la seule chose qui me soit venu à l’idée pour me rassurer quelque peu. Le taxi me dépose à trois rues de chez mon ami et je prends tous les détours possibles sans jamais cesser de regarder par-dessus mon épaule avant de pénétrer dans l’immeuble. J’attends que le hall soit complètement vide avant de me glisser dans l’ascenseur et commence seulement à respirer un peu mieux lorsque j’arrive à l’étage où vit Megan. Il est tout juste passé huit heures du matin, mais je ne pouvais pas attendre plus longtemps et lorsque la porte finis par s’ouvrir pour dévoiler une blonde mal réveiller et avec un bleu énorme sur le front, je ne sais plus rien retenir. « Tu dois me promettre que tu vas pas le chercher. » que je balance avant même de m’assurer qu’elle va réellement bien. Je la bouscule presque en voulant rentrer dans l’appartement, je me sentirais en sécurité que lorsqu’elle aura refermé la porte. « Faut que tu me promettes que tu vas pas te venger pour moi ou faire un truc idiot pour qu’il soit accusé de je ne sais quoi. » L’idée m’obsède désormais. « D’accord ? » Je m’approche d’elle pour attraper sa main et la serrer dans la mienne. « Je me le pardonnerais jamais s’il t’arrivait quelque chose à cause de moi, t’aurais jamais dû te mettre entre nous. » J’étais prête à recevoir ses coups, elle ne méritait rien de tout cela.

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Megan Williams & @Shiloh Atkins

C’est pas passé loin. C’est ce que je me dis ce matin, alors que mes yeux se posent non pas sur mon hématome le plus récent, mais bien celui laissé par Saül dans mon cou. Mon front est gonflé et un bleu effrayant s’étire ici également, mais il me préoccupe moins. Il est facile à expliquer et, avec un peu de chance, il servira peut-être même la cause de Shiloh. En rentrant hier soir, j’ai demandé à Damon de prendre des photos en évitant de capturer aussi les traces sur ma nuque. Je les donnerai à Shiloh et, qui sait, peut-être que son avocat pourra s’en servir pour éloigner Lawrence de mon amie. Je suis obsédée par l’idée de ne plus jamais le laisser l’approcher, mais je suis aussi et surtout ensuquée par la fatigue et le choc. Nous sommes rentrés tard des urgences et j’ai à peine réussi à fermer l'œil. Je n’ai pas peur que l’ex de la blonde vienne me trouver chez moi et nous avons fait changer les serrures après l’agression de Saül à mon encontre. Je le sais. Mon corps, ou peut-être est-ce mon inconscient, a du mal à se sentir en sécurité. Je tremble quand je me retrouve seule dans mon lit et, cette nuit encore plus que les précédentes, je n’ai fait que me tourner et me retourner dans mon lit.

La douche, comme la nuit, n’a pas été une partie de plaisir. Mon cou n’est plus sensible mais la blessure fraîche sur mon front si. L’eau m’a semblé trop chaude lorsqu’elle touchait mon visage, et bien trop froide pourtant pour que je ne grelotte pas tandis qu’elle ruisselait sur le reste de mon corps. Je me suis lavée comme j’ai vu, j’ai enlevé les restes de sangs séché qui collaient encore sur ma peau et, après m’être regardée dans le miroir plusieurs minutes, j’ai attrapé un foulard dans ma chambre que j’ai noué autour de mon cou. Ils reviennent à la mode. Avec un peu de chance ce détail n’attirera pas l’attention. Je ne peux pas me permettre que trop de personnes se posent des questions sur les marques de strangulation. J’ai choisi une robe longue assortie aux couleurs du foulard et, lorsque quelqu’un a sonné à la porte, j’ai sursauté. Une main sur le cœur, je me suis raisonnée avant de me diriger vers l’entrée et de jeter un coup d'œil dans le judas : ce n’est que Shiloh. Je lui ouvre la porte avant de l’attirer contre moi pour la prendre dans mes bras. « Tu dois me promettre que tu vas pas le chercher. » - « Tu dois me promettre que tu vas me laisser avaler un café avant d’entrer dans le vif du sujet. » J’esquisse un mince sourire, avant de reculer pour qu’elle puisse entrer. Je l’attendais, mais pas si tôt, je dois l’admettre. Elle n’entre pas : elle n’a visiblement pas terminé. « Faut que tu me promettes que tu vas pas te venger pour moi ou faire un truc idiot pour qu’il soit accusé de je ne sais quoi. » Je penche la tête sur le côté en poussant un soupir. La vérité, c’est que si je pouvais aller castrer son ex pendant la nuit, écraser ma batte de baseball sur son crâne et me débarrasser de son corps dans les forêts qui entourent la ville, je le ferai. « D’accord ? » J’ouvre la bouche pour répondre, mais elle me coupe «  Je me le pardonnerais jamais s’il t’arrivait quelque chose à cause de moi, t’aurais jamais dû te mettre entre nous.» - « Respire Shiloh. » Je l’observe avec douceur. J’ai mal dormi et j’ai l’impression d’être devenue un sac de frappe, mais je déploie des trésors de patience avec elle. « J’ai appris la différence entre fantasme et passage à l’acte quelque part entre cinq et sept ans, comme la plupart des gens équilibrés. » Malheureusement, je sais que l’on ne peut pas répondre à la moindre de ses pulsions sans conséquences. « Entre, viens boire quelque chose. » Je referme la porte derrière elle avant de me diriger vers la machine à café que je mets en marche. « Je suis contente qu’il ait pas attendu chez toi. Même si on t’a ramenée, j’étais pas tranquille à l’idée de te laisser là-bas toute seule. » Hier, Damon et moi l’avons déposée devant son appartement, nous avons attendu qu’elle referme la porte derrière elle avant de rallumer le contact, mais je n’ai pas pour autant réussi à faire taire mon inquiétude. « Pas de nouvelle ? De mauvaise surprise ? Trent est bien rentré t'as pas passé la nuit seule ? »

« Tu dois me promettre que tu vas me laisser avaler un café avant d’entrer dans le vif du sujet. » Elle ne semble pas réellement surprise Megan, comme si elle se doutait depuis la veille que j’allais débarquer en trombe sur son palier. Je voudrais trouver la force de pouvoir imiter son sourire, mais mes pensées m’accaparer en courant à mille à l’heure sur toutes les éventualités qui pourraient potentiellement découler des événements de la veille. Je me dois de vider mon sac avant même de la suivre dans la tranquillité de son appartement. Je vais probablement trop vite, au point de ne pas formuler mes idées avec une quelconque cohérence, crachant les mots à la vitesse de l’éclair pour m’assurer qu’elle ne fera rien de stupide. « Respire Shiloh. » Ma tête se balance de gauche à droite, simple signe de négation qui s’en vient à amplifier le mal de crâne qui m’assaille depuis des heures. Je ne peux pas respirer. Si je respire, alors toute l’adrénaline va retomber pour ne laisser place qu’à une angoisse indéfinissable. Je dois rester dans le contrôle de mes actions, m’assurer que Megan est entièrement en sécurité avant de même pouvoir envisager l’idée de me poser pour respirer et pleinement prendre conscience de ce qui a bien pu se dérouler hier soir.

« J’ai appris la différence entre fantasme et passage à l’acte quelque part entre cinq et sept ans, comme la plupart des gens équilibrés. » Cela fait de moi une déséquilibrée si je projette mes inquiétudes sur sa personne. Au fond de moi, je sais que Megan ne fera jamais rien de complètement insensé, que son caractère restera à jamais plus fort que le mien, mais qu’elle n’est pas une femme irréfléchie au possible. Le problème vient probablement de moi, quand je ne cesse de penser à ce que cela pourrait donner si je pouvais me venger. Dans le sens, où je trouverais le courage de tenir tête à Lawrence, au point de lui faire du mal. Le fantasme est venu bouffer mon esprit la moitié de la nuit, quand la panique me laissait encore un peu de répit. Et désormais, plus rien ne fait réellement sens face à une Megan marqué par le coup qu’elle a reçu, mais toujours aussi douce et mesurée dans ses propos. « Entre, viens boire quelque chose. » - « D’accord. » Sans un mot, je la suis jusque dans la cuisine. L’appartement paraît étrangement calme et petit à petit, je réalise que je suis arrivée à une heure bien trop matinale. Je voudrais m’excuser, lui dire de retourner se coucher si elle est fatiguée, mais Megan s’active à nous préparer un café et égoïstement, je n’ai pas envie de la voir s’éloigner plus. « Je suis contente qu’il ait pas attendu chez toi. Même si on t’a ramenée, j’étais pas tranquille à l’idée de te laisser là-bas toute seule. » Lentement, je viens poser mon sac à main sur le comptoir de sa cuisine. J’hésite un court instant avant de l’ouvrir et de venir déposer sur le marbre, le couteau que j’avais glissé là en partant. « Je suis partie avec ça. » Voilà à quel point j’ai paniqué à l’idée même de sortir de chez moi. « Et j’ai demandé au taxi de faire deux fois le tour avant de me déposer ici. » Je ne veux pas qu’il sache où elle est. Qu’il me court après je l’avais vu venir, mais je ne me le pardonnerais réellement pas s’il arrivait quelque chose à la blonde par ma faute. « Pas de nouvelle ? De mauvaise surprise ? Trent est bien rentré t'as pas passé la nuit seule ? » Je la retrouve parfaitement mon amie de toujours dès l’instant où elle se plonge à nouveau dans son rôle de maman protectrice. « Il a essayé de m’appeler plusieurs fois quand je t’attendais à l’hôpital. » Mon téléphone était en silencieux, mais je pouvais voir l’écran s’allumer à intervalle régulier toujours avec ce même numéro masqué. « J’ai fini par l’éteindre et j’ai pas encore trouvé le courage de l’allumer de nouveau. » Je sais ce qui m’attend sur ma messagerie, probablement dans ma boîte mail également. « Et oui, Trent a fini par rentrer, mais je m’étais enfermé dans ma chambre et je l’ai pas vu. Il dormait encore quand je suis parti. » Et là-dessous se trouve l’immense sous-entendu que je ne lui dirais rien des événements de la veille. Un soupire m’échappe alors que Megan me tend une tasse de café fumant. Mon regard se bloque sur son front pour la énième fois depuis la veille. « Tu as mal ? » Elle va probablement me donner une réponse évasive et je pourrais presque m’en contenter s’il n’y avait pas cette trace sur sa peau. « Je veux pas fuir à nouveau Megan. » Hier, dans la folie du moment, je me suis vu emballer mes affaires pour quitter le pays, pour aller dans un endroit où il ne me retrouverait jamais. Mais cela voudrait dire abandonner mes proches une nouvelle fois, laisser mon travail et tout ce que j’essaye de reconstruire depuis mon retour et ce n’est plus vraiment une idée envisageable. « J’ai vraiment envie que ça s’arrête. » Une bonne fois pour toutes.

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Certains pourraient penser que c’est le monde à l’envers, que je suis celle qui devrait être traumatisée et que Shiloh devrait être l’épaule sur laquelle je pourrais me reposer. Je ne dis pas que je ne suis pas bouleversée par ce qui s’est produit la veille mais, pour la blonde, je me dois d’être la force rassurante. Je me le dois, puisqu’elle n’est pas blessée mais qu’elle a l’air bien plus remuée par ce qui s’est passé la veille et je ne lui en veux pas. Moi, j’ai écopé d’un début de nuit à l’hôpital et d’une horrible plaie sur le front, mais qui ne laissera qu’une mince cicatrice. Elle, son traumatisme est bien plus profond puisque Lawrence, son tourmenteur, l’a retrouvée et semble décidé à en découdre, à lui faire payer l’affront de l’avoir quitté et d’avoir dénoncé ses abus.

Alors, je prends sur moi et je me focalise sur elle et je l’invite à entrer et à boire quelque chose dans l’espoir que cela l’aidera à se calmer. Ce qu’elle m’avoue à peine entrée dans la pièce me prouve qu’on en est loin, de la sérinité. « Je suis partie avec ça. » Mes yeux s’écarquillent alors qu’ils se posent sur le gros couteau de cuisine qu’elle tire de son sac. « Tu devrais pas sortir avec ça. » En revanche, je comprends tout à fait son besoin de se rassurer comme elle le peut. « Tu devrais t’acheter un spray au poivre. » C’est efficace et, au moins, elle n’aura pas à répondre à des accusations de meutre si le pire devait arriver. « Et j’ai demandé au taxi de faire deux fois le tour avant de me déposer ici. » - « Je comprends. » Mieux qu’elle ne peut l’imaginer, je suppose. Je ne lui ai pas parlé de l’agression que le patriarche m’a fait subir et je n’ai pas l’intention de le faire. Les marques autour de mon cou, je les dissimule en sa présence. « On parle de prendre un chien, Damon et moi. On se dit que ça pourrait être rassurant. » Que cela pourrait me rassurer.

« Il a essayé de m’appeler plusieurs fois quand je t’attendais à l’hôpital. » Je ne suis pas surprise et me contente de faire la grimace. « J’ai fini par l’éteindre et j’ai pas encore trouvé le courage de l’allumer de nouveau. » - « T’as pas envisagé de changer de numéro ? Bloque au moins son numéro en attendant. » Il trouvera un moyen de contourner les mesures préventives de la demoiselle mais peut-être sera-t-elle tranquille pendant quelque temps. « Tu peux pas demander une injonction d'éloignement en attendant le procès ? C’est pas possible ? » Est-ce que cela prend trop de temps ? N’y-a-t’il pas un moyen pour elle de se protéger ?

« Et oui, Trent a fini par rentrer, mais je m’étais enfermé dans ma chambre et je l’ai pas vu. Il dormait encore quand je suis parti. » - « Si t’as pas envie de lui en parler, t’es pas obligée… » Le but n’est pas pas qu’elle se sente acculée. « Mais tu peux le faire sans avoir peur de sa réaction, tu sais ? Je crois qu’il s’inquiète pour toi. » Et pour cause, je l’ai croisé au petit matin lorsque j’ai dormi chez Shiloh il y a plusieurs semaines. Nous n’avons échangé que quelques mots, mais il ne m’a semblé nourrir que des intentions louables envers la jeune femme. « Tu as mal ? » - « Seulement quand je respire. » Ma tentative d’humour tombe à plat puisque je grimace à peine après avoir tenté d’étirer mes lèvres en un doux sourire. « C’est moche, mais ça va cicatriser vite tu sais. J’ai même pas eu besoin de points de sutures. » Je n’ai pas envie de lui préciser que le médecin auquel j’ai eu à faire m’a cru victime de violences conjugales. Je ne le veux pas puisque c’est bel et bien son cas à elle, et parce qu’il faudrait pour ça que je lui parle des hématomes sur mon cou. « Je veux pas fuir à nouveau Megan. J’ai vraiment envie que ça s’arrête. » Je m’approche d’elle pour l’attirer vers moi avec douceur et la serrer dans mes bras. « T’as pas besoin de fuir… » Et je ne veux qu’elle aille nulle part. Je glisse ma main dans la sienne pour la diriger vers le sofa, et je m’y assois en tailleur. « On savait que la plainte allait prendre du temps. » Et je deviens folle à l’idée de ne rien pouvoir faire pour l’aider, pour que les choses avancent plus vite. « Le procès, tu m’as dit qu’il s’ouvrait quand déjà ? Tu as une date ? »

« Tu devrais pas sortir avec ça. » Je sais. Je sais parfaitement que je ne devrais pas avoir un couteau dans mon sac, que si je venais à m’en servir pour quelques raisons tout finirait par se retourner contre moi. J’ai parfaitement conscience de tout cela, mais c’est la seule chose qui m’a aidé à quitter mon appartement pour venir jusqu’ici. « Tu devrais t’acheter un spray au poivre. » Et l’idée ne m’était même pas venu en tête. À vouloir me défendre, je n’ai su que penser au pire, en attrapant la première chose qui me venait à l’esprit sans même penser a ce qui pourrait m’aider en restant dans le côté de la légalité. « Je vais regarder pour ça. » Un spray au poivre, c'est une idée. « On parle de prendre un chien, Damon et moi. On se dit que ça pourrait être rassurant. » Mes sourcils se froncent tandis que Megan semble soudainement préoccuper à ne surtout pas croiser mon regard. « C’est une idée. » Contre Lawrence ou n’importe qui. Je pourrais presser la question, mais les mots me manquent, la fatigue ne m’aidant pas à trouver un sens dans tout ce qui semble se tramer autour de moi.

« T’as pas envisagé de changer de numéro ? Bloque au moins son numéro en attendant. » Un soupire m’échappe tandis que je fouille mon sac pour mieux en sortir mon téléphone. « J’ai déjà changé de numéro. » Et je ne voulais pas penser au fait qu’il ait su le trouver si rapidement. Je crois savoir comment il a fait, j’avais eu la mauvaise idée de communiquer le numéro à une de mes anciennes amies à Sydney. Je ne préfère même pas réfléchir à tout cela, ce qu’il a dû faire pour l’obtenir, ce que les autres doivent vivre au quotidien avec lui depuis que je suis partie, depuis que j’ai osé porter plainte. « Tu peux pas demander une injonction d'éloignement en attendant le procès ? C’est pas possible ? » Voilà pourquoi j’ai constamment besoin de Megan à mes côtés. Elle arrive à anticiper, elle connaît les procédures mieux que moi, il semblerait et surtout elle n’hésitera jamais à chercher la moindre solution qui pourrait me protéger. « Je vais demander à mon avocat. » Je vais devoir parler de cette visite, je vais devoir raconter tout cela, encore une fois. Rappeler au monde entier que mon ex est toujours en train de me chercher, que je ne sais pas me défendre face à lui et que s’il menace encore une fois mes proches, je serais bien capable de céder à ses désirs.

« Si t’as pas envie de lui en parler, t’es pas obligée… » Parler à Megan, c’est une chose, parler à Trent est un exercice bien différent. Jamais il ne juge, il m’a toujours écouté depuis que je suis rentré, mais il reste un homme et parfois, j’ai peur qu’il me trouve capricieuse et que sa patience s’effiloche au point de me foutre dehors. « Mais tu peux le faire sans avoir peur de sa réaction, tu sais ? Je crois qu’il s’inquiète pour toi. » Je ne peux m’empêcher de sourire lorsqu’elle confirme ce que je sais déjà. Il s’inquiète de trop Trent, tout le temps. « Je sais. » Il a repris son rôle de grand frère protecteur en moins d’une seconde à mes côtés et je sais que je vais devoir lui parler de tout ça. « J’aimerais juste pouvoir parler d’autre chose parfois. » Arrêter d’avoir peur pour simplement vivre ma vie comme je l’entends. Les regrets viennent sans cesse obscurcir mes journées et c’est bien pire encore lorsque les marques de Lawrence sont si visibles sur la peau blême de mon amie. « Seulement quand je respire. » - « C’est pas drôle Megan. » Elle ne pense pas à mal, quand elle a toujours voulu dédramatiser chaque événement de sa vie, mais mon cœur se serre de savoir qu’elle a souffert par ma faute. « C’est moche, mais ça va cicatriser vite tu sais. J’ai même pas eu besoin de points de sutures. » - « Je suis désolée. » Une nouvelle fois, ma main vient chercher la sienne pour mieux enserrer sa paume avec force. « Merci… D’avoir été là. » Ce n’était qu’un pur concours de circonstances, mais je ne sais pas ce qui serait arrivé, si je m’étais retrouvé seule face à lui. Et je ne peux m’empêcher de penser au fait qu’il ait su me retrouver jusqu’à l’appartement dans lequel je vis. Depuis la veille, je me pose mille et une question à savoir si je ne devrais pas encore une fois décider de partir, changer de ville, disparaître des radars loin de Brisbane. C’est une solution que je ne veux pas envisager, je suis bien ici, je commence seulement à retrouver mon équilibre. « T’as pas besoin de fuir… » - « Il sait où j’habite Megan. » Il serait capable de revenir et si les jumeaux sont là cette fois ? Est-ce qu’il serait capable de s’en prendre à eux ? Je ne peux pas envisager cela. « On savait que la plainte allait prendre du temps. » On savait surtout que cela allait le faire réagir… « Le procès, tu m’as dit qu’il s’ouvrait quand déjà ? Tu as une date ? » - « Pas avant le début de l’année prochaine. » que je souffle lentement. « D'ailleurs, j'ai eu Lucia au téléphone, elle va revenir pour témoigner. » Il ne m'a pas fallut longtemps pour la convaincre, elle a même offert l'idée d'elle même et je lui en suis tellement reconnaissante. « A deux cela aura déjà bien plus de poids... » Ou tout du moins, je l'espère sincèrement. Le processus est long, beaucoup trop long lorsque Lawrence semble déterminé à me faire payer chacune de mes actions. « Peut-être que ce sera un peu accélérer avec cette visite surprise. » Je dois appeler mon avocat, peut-être qu’il faut que je retourne porter plainte également. Je ne sais plus vraiment. Je suis fatiguée de tout cela. « Tu dois faire attention à toi maintenant. » Parce qu’elle lui a tenu tête et parce qu’elle a toujours été la bête noire de Lawrence, quand elle a toujours été la seule à savoir me faire sortir de ma carapace. « Peut-être que je devrais prendre des cours de self-defense. » Juste pour savoir appréhender les choses. « On pourrait faire ça ensemble? »

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« Je vais demander à mon avocat. » - « Tu en as trouvé un de bon ? Via tes parents ? » Je ne sais pas à quel point la blonde a accepté l’idée d’être soutenue par sa famille; mais je la trouverais idiote de ne pas profiter de les avoir à ses côtés. Mon esprit étriqué ne voit pas plus loin que ma douleur enfouie de ne pas avoir la moindre figure parentale sur laquelle me reposer et je ne conçois pas que cela puisse être compliqué de parler de ces gens de choses avec ceux qui sont prêts à tout pour elle. Comment le pourrais-je ? Les seules relations parent enfant que je connais je les ai fantasmées, idéalisées. Damon est l’exception qui me fait revoir ma façon de pensée, mais ce genre de processus prend du temps. « Je sais. J’aimerais juste pouvoir parler d’autre chose parfois. » - « Avec Trent ? » Ils vivent ensemble depuis plusieurs mois, je doute qu’ils ne parlent que de ça. Si bien que je ne crois pas à ses justifications, je me doute qu’il s’agit une fois de plus de la peur de s’ouvrir et de parler de ce qu’elle a vécu. « Je suis certaine que vous passez assez de temps ensemble pour qu’il te reproche pas une seule seconde de parler que de ça. » Me suis-je déjà fait la réflexion que c’est étrange, une colocation avec un homme et ses deux enfants ? Bien sûr que oui, mais je suis soulagée de ne pas la savoir seule et ça prime sur tout le reste, ma curiosité incluse.

« C’est pas drôle Megan. » C’est mon visage, le droit d’en rire m’appartient encore. J’allais lui rétorquer ça, avant de voir la tristesse dans ses yeux. C’est moi qui ait le visage en miette, mais c’est elle qui souffre le plus, et je n’ai pas le droit de nier ça. « Je suis désolée. Merci… D’avoir été là. » - « Si tu avais vu la tête de Damon quand je lui ai dit que le médecin qui s’est occupé de moi a cru qu’il me battait, toi aussi tu trouverais ça drôle. » Ou peut-être pas. Peut-être qu’elle ne tolère pas la moindre plaisanterie concernant ces sujets-là. Elle ne comprendrait pas parce qu’elle ignore que je suis concernée aussi - elle ne sait rien concernant Saül Williams - et elle ne comprendra certainement pas que c’est ma façon de m’approprier ce qu’il m’arrive et de l’affronter sans que cela me détruise. J’ajoute donc rapidement. « Shiloh, je plaisantais pas quand j’ai dis que je serai toujours là pour toi. Et je le prends pas à la légère. T’as pas à être désolée. » Ce n’est pas elle qui m’a cognée. Elle est encore plus horrifiée que je ne le suis.

« Il sait où j’habite Megan. On savait que la plainte allait prendre du temps. » - « Raison de plus pour que tu demandes une injonction d'éloignement, et vite. Il pourra pas l’enfreindre sans que ce soit très mauvais pour sa défense pendant le procès. » Peut-être sera-t-elle ainsi un peu mieux protégée par un système qui devrait à mon sens déjà avoir foutu son ex en prison. « Pas avant le début de l’année prochaine. D'ailleurs, j'ai eu Lucia au téléphone, elle va revenir pour témoigner. A deux cela aura déjà bien plus de poids... » Je hoche la tête doucement. De la jeune femme dont il est question, je ne sais que ce que Shiloh m’a dit. Mais elle n’a pas tort, deux témoignages valent plus qu’un seul, aux yeux de la justice. C’est triste puisqu’à mon sens nos institutions devraient empêcher qu’il existe une deuxième, mais c’est la réalité. « Peut-être que ce sera un peu accéléré avec cette visite surprise. » Je ne veux pas que la blonde se fasse trop d’espoirs. Elle a raison : nous savions que ça prendrait du temps. « Peut-être, mais je parierais pas là-dessus. Appelle ton avocate. Je l’appelle avec toi, si tu veux. » Tout pour ne pas la laisser repousser ça plus longtemps.

« Tu dois faire attention à toi maintenant. » Je penche la tête sur le côté, en fronçant les sourcils. « Je n’ai pas peur de Lawrence, Shiloh. » Cette agression a renforcé mes angoisses, mais elles sont catalysées par une seule personne : Saül Williams. J’ai peur de ce que lui serait capable de me faire pour libérer son fils de l’emprise de la diablesse et traînée qu’il a pourtant choisie. « Peut-être que je devrais prendre des cours de self-défense. On pourrait faire ça ensemble? » - « Tu sais quoi, c’est une excellente idée. » Je me dis que, me concernant, cela pourra peut-être me rassurer. La prochaine fois que Saül tentera de m’écraser contre le mur, peut-être serais-je capable de lui faire une clé de bras. « Je vais me renseigner et nous inscrire, d’accord ? » J’ai beaucoup de temps libre et un compte en banque - commun - qui déborde d’argent à ne plus savoir qu’en faire. « Appelle ton avocat. Fais-le aujourd’hui. Je sais que c’est difficile, mais attends pas, okay ? »

« Tu en as trouvé un de bon ? Via tes parents ? » Megan ne serait pas mon amie, si elle ne profitait pas de la conversation pour s’assurer que j’ai bien mis en place tout ce dont on a pu parler. « Ma sœur m’a aidé à trouver quelqu’un. » Je n’ai toujours pas parlé de cette situation à mes parents et le sujet est bien trop tendu avec mon jumeau pour que je ne veuille l’impliquer davantage. « C’est une femme bien, elle a déjà eu plusieurs affaires de ce genre. » Dès la première rencontre elle a été à mon écoute, sans jamais dénigrer ce que je pouvais ressentir et en cherchant immédiatement à mettre en place un bon nombre de choses pour que je sois tranquille. Il ne me reste plus qu’à lui parler de cette nouvelle visite et elle souhaitera sûrement que je retourne porter plainte, une fois encore, en attendant le procès. Tout me paraît sans fin, l’audience n’aura pas lieu avant le début de l’année prochaine et c’est bien ce qui m’inquiète le plus, car en attendant, Lawrence semble pouvoir circuler librement et mon quotidien ne s’entoure que de conversation à son sujet. « Je suis certaine que vous passez assez de temps ensemble pour qu’il te reproche pas une seule seconde de parler que de ça. » Trent ne me reproche rien, mais c’est moi qui aimerais que le sujet de nos discussions n’en revienne pas toujours au même point. « Je sais qu’il m’écoutera toujours. » Je voudrais juste être plus que celle qui est revenue parce que son ex lui tapait dessus.

« Si tu avais vu la tête de Damon quand je lui ai dit que le médecin qui s’est occupé de moi a cru qu’il me battait, toi aussi, tu trouverais ça drôle. » - « Quoi ? » Elle plaisante et je ne sais comment le prendre. Au moins, le médecin s’était inquiété. C’est plus que ce que la moitié d’entre eux font au quotidien. Je ne vais pas reprocher à Megan de trouver la situation complètement loufoque quand Damon passe son temps à être véritablement attentionné envers elle. « Shiloh, je plaisantais pas quand j’ai dis que je serai toujours là pour toi. Et je le prends pas à la légère. T’as pas à être désolée. » - « Je sais, je sais. » Je ne dois pas être désolée pour les actes d’un autre, mais personne ne pourra réellement venir apaiser cette culpabilité que je ressens à chaque instant. Elle a pris un coup en voulant me protéger et je me sens responsable sans réellement pouvoir l’expliquer. « Raison de plus pour que tu demandes une injonction d'éloignement, et vite. Il pourra pas l’enfreindre sans que ce soit très mauvais pour sa défense pendant le procès. » Mais il pourra tout de même l’enfreindre si l’idée lui vient en tête. Je ne sais même plus ce qui pourrait l’arrêter désormais. Il est loin le gentil garçon dont je suis bêtement tombé amoureuse. « Peut-être, mais je parierais pas là-dessus. Appelle ton avocate. Je l’appelle avec toi, si tu veux. » Les mots de Lucia ne viendront que valider mes propos, mais chaque faux pas de Lawrence se doit d’être inscrit à mon dossier, je le sais. « Je l’appelle tout à l’heure, c’est promis. » Cette fois, je ne vais pas reculer ou aller me cacher. Il doit payer pour tout ce qu’il me fait subir depuis que j’ai décidé de partir.

« Je n’ai pas peur de Lawrence, Shiloh. » C’est bien ce qui m’inquiète le plus dans le fond. « Moi, j’ai peur de lui. » Je n’ai plus honte de le dire. Lawrence me fait peur, au point de me tenir éveiller la nuit et de réveiller à chaque jour qui passe une angoisse qui me colle à la peau telle une sangsue. J’ai peur de ce qu’il serait capable de faire pour m’atteindre et désormais, je suis terrorisé à l’idée qu’il veuille faire payer son affront à Megan. Mais elle ne l’entendra pas ainsi la blonde, qu’importe ce que je pourrais dire. Il ne nous reste plus qu’à nous défendre désormais. « Tu sais quoi, c’est une excellente idée. Je vais me renseigner et nous inscrire, d’accord ? » Cela fait un moment que j’envisage de m’inscrire dans ce genre de cours, mais je sais qu’avec Megan, je serais toujours plus à l’aise. « Appelle ton avocat. Fais-le aujourd’hui. Je sais que c’est difficile, mais attends pas, okay ? » Doucement, je hoche la tête. « J’appelle mon avocate et toi, tu nous trouves un cours où on peut aller ensemble. » La promesse est entre nous, je ne vais pas reculer. Je n’en ai plus envie. « Mais avant ça, on va aller se caler dans ton canapé. » que j’annonce avec le sourire. « J’ai besoin d’un câlin et toi, tu dois te reposer. » Et la décision est sans appel.