human disorder
Laila Ferrer & @Ezra Beauregard (crédit gif/sacreddonkey)

Ses doigts s’arrêtèrent nets, à la limite de se faire poncer par la force décuplée qu’elle engageait dans l’exercice, ayant délaissé ses outils pour le faire à mains nues, le plat de la gauche fiché sur un carré de papier de verre qui glissa sur le béton épais quand elle se rendit compte de l’accident prêt à arriver. Laila ferma les yeux sous ses lunettes de protection, récupérant sa main pour la frictionner avec autant de force "Putain." qu’elle murmura pour elle-même, sa voix en espagnol paraissant plus grave encore. Elle ne dérangea pas la quiétude imposée par Starway to Heaven que venait de cracher le poste de radio du garage cependant, et elle ne rouvrit pas les yeux, tournant les talons de la Bronco qu’elle retapait depuis des années maintenant, s’en éloignant lentement pour aller oser ses fesses sur le rebord crasseux d’un établi.
La boule qu’elle avait dans la gorge n’avait pas dégonflé depuis le coup foireux de Dania et le regard de Nate la suivait à peu près partout où elle foutait les pieds. Elle avait bien essayé de faire passer la pilule avec des bonnes grosses rasades de poison alcoolisé tout du long des jours qui s’étaient écoulés, mais ces retrouvailles, ça soulevait trop de choses pour qu’elle soit sereine à l’idée de s’endormir sans y penser de longues heures avant de trouver le sommeil ; elle essayait de trouver des occupations plus ou moins saines, écumant les bars à la recherche d’un ersatz, à la recherche d’une quiétude qui ne venait jamais. Il était tard, elle avait été sage ce soir, encore que les poches sous ses yeux ne racontaient pas la même histoire ; sans doute trop tard maintenant pour qu’elle soit encore au rez-de-chaussée, à poncer la carrosserie de la peinture défraîchie d’un bien qu’elle pourrait probablement revendre au triple quand il serait retapé, qu’elle garderait pourtant pour elle comme le bijoux sur lequel elle avait donné tant d’énergie, que l’analogie avec le fait de mettre un gamin au monde était toute faite. Elle arrêta ses pensées là,  aussi sûrement qu’elle avait échappé à l’accident, continuant un instant à malaxer sa paume, et rouvrant enfin les yeux tout en prenant une grande inspiration.

D’une main agressive, elle retira ses lunettes de protection, les jetant sans ménagement à ses côtés et détachant ses longs cheveux sombres. Soudain, elle aperçu une ombre boiteuse s’avancer dans la lumière des spots qu’elle avait mis en marche pour mieux voir ce qu’elle faisait. Lali ne bougea pas, sentant la boule dans sa gorge gonfler quand elle se rappela qu’il y avait des mois de ça, Ezra n’était pas capable de bouger un orteil et que désormais, il pouvait se permettre de se déplacer à béquilles. Sur le coup, elle ne se demanda pas comment il avait fait pour se rendre jusqu’ici seul, mais elle s’amusa de le voir débarquer aussi tard — peut-être avait-il du sommeil à pourchasser, lui aussi. Toujours assise sur le bord de l’établi, elle croisa les bras sur sa poitrine, délaissant ses cheveux qu’elle balaya derrière une oreille "On t’a jamais dit qu’il fallait pas sortir après minuit ?" qu’elle lui lança dans l’espoir de le dérider d’emblée, ne tenant pas à ce qu’il s’arrête sur ses propres insomnies et lui reproche de faire faire des heures supplémentaires aux charges du garage. Ce dernier se portait plutôt bien depuis qu’elle le gérait seule. Ce n’était que momentanément, mais elle faisait bien le job d’intérim, encore que son partenaire lui manquait bien trop souvent pour qu’elle s’en félicite vraiment. Elle pencha la tête sur le côté, laissant son regard triste s’arrêter sur les béquilles qui tractaient sa silhouette amaigrie "Tu me dis si t’as besoin d’aide. Loin de moi l’idée de diminuer tes efforts… et ta virilité." Elle ne pouvait pas s’en empêcher, mais tout de même, dans un élan de complicité qu’on ne pouvait pas leur enlever, elle tapota le coin laissé libre de l’établi sur lequel elle était toujours assise, le cœur aussi lourd que la blessure ravivée par la réapparition récente de son amour de jeunesse "T’es venu vérifier en douce si le garage était pas en train de couler ?" Elle préférait partir doucement qu’ouvertement lui demander ce qu’il traînait comme souci pour préférer le garage à son lit à cette heure indue de la nuit.

« On t’a jamais dit qu’il fallait pas sortir après minuit ? » Alors, étirant un petit sourire amusé, Ezra se mit à de nouveau avancer, à l’aide de ses béquilles et de ses jambes encore bien faibles, pour se rapprocher de Laila et pour entrer définitivement dans le garage.

Ce n’était pas la première fois qu’il remettait les pieds - ou presque - ici depuis son accident, mais cela lui faisait toujours bizarre de revoir l’endroit. Ici, il avait passé des heures et des journées entières à se tordre les neurones dans tous les sens, que ce soit pour des véritables problèmes de mécanique ou simplement pour trouver des solutions sur comment remettre le garage à flots. Ici, il avait connu de la joie, de la peine, et toutes sortes d’émotions qu’il n’aimait en rien analyser, même à contre coup. Le garage représentait une grosse partie de son existence sur cette terre et s’il en était la plupart du temps fier comme un paon, il devait avouer que ces derniers temps l’entreprise de gérer ça d’une main de maitre se faisait de plus en plus rude - et quelqu’un devait jouer avec sa poupée vaudou quelque-part à voir toutes les crasses qui lui tombaient dessus. Littéralement, sans mauvais jeu de mots. Pourtant, c’était toujours avec le sourire qu’il repassait les portes de la vieille bâtisse et avec des yeux remplis d’amour qu’il parlait de cet endroit. Et si un certain froid dans le dos se faisait sentir quand il laissait son regard s’égarer vers là où les choses avaient mal tourné quelques temps plus tôt, ce n’était pas pour autant qu’il arrêtait d’avancer. Pas ici, pas entre ces murs, pas aux côtés de Laila. « On t’a déjà dit qu’il fallait respecter tes ainés ? » Les pas pour le mener jusqu’aux côtés de la jeune femme avaient été quelque peu laborieux, autant parce-que l’heure avancée de la journée autant que de la nuit faisait d’Ezra un homme fatigué, que parce-que le sol du garage était jonché de bosses et de trous qui lui rendaient l’avancée périlleuse. « Tu me dis si t’as besoin d’aide. Loin de moi l’idée de diminuer tes efforts… et ta virilité » Pendant un instant alors, il lui lança un regard noir - qui ne fut qu’une façade puisque déjà, l’amusement pouvait se voir briller dans ce dernier. « Trop de fierté pour te demander de l’aide ma pauvre petite, faut pas croire que je vais te laisser une chance comme ça. » Comme si Laila avait besoin qu’il lui tente des perches de la sorte pour se moquer de lui - surtout alors que ses actions allaient en sens contraire de ses paroles, elle qui lui laissait déjà la place à ses côtés sur l’établi pour qu’il puisse poser son postérieur et arrêter de fatiguer pour rien.

« T’es venu vérifier en douce si le garage était pas en train de couler ? » Dans un petit soupire de soulagement de se trouver de nouveau assis, Ezra y glissa un petit rire par la même occasion. « Oh oui, j’étais vraiment inquiet. » S’il y avait bien une chose à travers tous les pans de sa vie qui ne l’avait pas inquiété depuis l’accident, c’était bien comment se portait le garage. Il avait une confiance aveugle en Laila et ses capacités, et savait pertinemment qu’elle faisait un travail remarquable et formidable. Il s’était senti coupable bien sur de la forcer à se retrouver dans cette position sans qu’ils aient eu le temps d’en discuter avant qu’elle se présente, mais en rien il ne s’était inquiété de l’état dans lequel il retrouverait le garage lorsqu’il y remettrait les pieds. La différence entre ses mots et le ton qui leur donnait indiquait clairement son point de vue sur la question, de toutes façons.

Mais en réalité, il clamait pour une raison haut et fort qu’il n’était pas inquiet pour le garage, puisque cette dernière était dirigée vers tout autre chose - et c’était d’ailleurs pour ça qu’il se trouvait ici ce soir, alors qu’i aurait pu être déjà au fin fond de son lit, prêt à côtoyer Morphée pour la dizaine d’heures qui s’annonçait. « J’étais parti diner avec mon frère, Thomas, quand on est passés par là pour qu’il me ramène chez moi. » Il précisait lequel de ses frères puisque Laila était dans le coin depuis assez longtemps pour connaître l’arbre généalogique Beauregard et que ce dernier comptait plusieurs mâles à son actif pour une même génération. Le fait que ce soit d’ailleurs Thomas qui le ramenait chez lui était une évidence même qu’il trouvait ça presque idiot de le mentionner - ce n’était pas demain la veille qu’il conduirait de nouveau, et il était tout à fait conscient de cette bien triste vérité. « On a un peu trainé, j’avoue, d’habitude je dors déjà à cette heure là. » Il y avait une touche d’amusement, un brin là, dans la façon de parler d’Ezra qui s’effaça finalement dans les paroles qu’il prononça par la suite. « Mais d’habitude toi aussi tu dors à cette heure là, Laila. » Le regard qu’il posa sur la jeune femme à ses côtés était emprunt d’une inquiétude qu’il n’aimait pas avoir, pour aucune des personnes dont il était proche. « Je sais que tu fais souvent des heures supp’ mais bon, tu devrais dormir à cette heure là. » Et parce-qu’ils n’avaient jamais pris de pincettes l’un avec l’autre, pour aucun sujet parce-que c’était perdre du temps et qu’ils avaient réussi à baser leur confiance et leur relation sur cette façon de faire, Ezra finit par ajouter: « Crache le morceau, gamine. Qu’est-ce qui va pas ? »

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Laila Ferrer & @Ezra Beauregard (crédit gif/sacreddonkey)

Parfois, elle avait le sentiment d’entretenir avec Ezra le genre de relation qu’elle aurait dû entretenir avec ses frères. Ils n’étaient pas les pires, ils étaient de bons hommes en qui elle avait confiance — sa sœur en revanche était une peste, en témoignait son dernier coup de poker, à la placer sur le chemin de Nate pour lui faire réaliser que si elle n’avait pas refait sa vie, lui avait fait tout le contraire. Mais il y avait eu un moment où ils s’étaient détournés d’elle parce que c’était ce que leurs parents voulaient qu’ils fassent ; à la juger de ne pas avoir su garder ses cuisses fermées alors qu’elle avait encore du lait au bout du nez, à la prendre pour une sale gamine qui se fourrait dans les ennuis pour recueillir de l’attention. Au moins Ezra ne la jugeait pas. Elle pouvait se permettre d’être autre chose que la honte de sa famille, encore que ce statut allait bien mieux à son propre père qu’il ne lui allait à elle, mais c’était une autre histoire qui n’avait pas besoin d’être racontée ce soir "J’ai dû louper la leçon ce jour-là, j’étais pas très assidue à l’école. Et puis c’est trop tard maintenant pour qu’on me la rentre de force." Elle les respectait, ses aînés. Elle respectait son oncle, elle respectait le jeune homme… qu’elle vit s’approcher avec une certaine aisance malgré les circonstances, alors qu’elle lui faisait déjà signe de venir s’asseoir pour partager un moment avec elle, bercés par la douceur de la mélodie de la chanson qui passait à la radio.
Un rire lui échappa quand il lui répondit qu’il était trop fier pour lui demander de l’aide, le laissant à ses petits pas comme elle constatait que dans tous les cas, il n’avait pas besoin d’elle ; ça lui remonta le moral de le voir capable de se débrouiller. Il avait toujours su remonter la pente, le rendant titulaire de l’admiration qu’elle lui portait sans qu’il ne s’en rende compte. Elle en prenait de la graine en le côtoyant, il avait cet aura d’homme courageux qui la rendait plus réfractaire à se plaindre — ce qu’elle ne faisait pas souvent, préférant anesthésier ses soucis avec de grandes rasades de liquide que d’aller chialer sur l’épaule du plus offrant "Je vois que la confiance règne. Je suis à deux doigts de mal le prendre." Absolument pas. Elle savait qu’il plaisantait, que s’il y en avait bien un qui croyait en ses capacités, c’était lui. Elle ne savait pas d’où ça lui venait, cette certitude qu’elle était taillée pour le costume de la co-gérante qu’il partageait, seulement quelque chose lui disait que ça avait à voir avec la proximité qu’il avait eu avec son oncle durant plusieurs années. Franchement, ça ne pouvait être que ça, elle ne pouvait pas admettre que c’était juste les faits qui parlaient pour elle quand il la voyait bosser comme une forcenée, ne laissant rien au hasard, toujours prête à prouver de quoi elle était faite pour qu’on ne lui reproche pas d’être une imposteur, ce qu’elle avait l’impression d’être malgré tout.

Il s’assit à côté d’elle, et elle lui sourit, lui donnant un léger coup d’épaule en guise de salut pudique. Elle lui prit ses béquilles pour les poser là où elles ne risqueraient pas de le faire trébucher, les déplaçant à ses côtés "Tu tends le bâton pour te faire battre." qu’elle lui dit quand il souligna l’heure indue, heure indue à laquelle il était supposé déjà dormir, le faisant passer pour plus âgé qu’il ne l’était tandis qu’elle retenait sa boutade à ce sujet… simplement parce qu’il prétendait qu’à cette heure-ci, elle aussi dormait d’habitude. Elle rit "Tu me prêtes une hygiène de vie plus saine que ce qu’elle est vraiment. T’as vu mes cernes ?" Non, d’habitude non plus, elle ne dormait pas. Loin d’elle l’idée de lui faire état de ses occupations nocturnes cependant, aussi elle laissa un court silence se répandre entre eux quand il reprit la parole, et que prise au dépourvu, elle tourna la tête dans sa direction. Elle fronça le nez, mal à l’aise à l’idée de rentrer dans les détails alors qu’elle savait qu’elle le pourrait avec lui, qu’il avait cette capacité d’écoute qu’elle ne connaissait pas à grand monde. Peut-être parce qu’il avait connu des épreuves lui aussi, que ça le rendait digne d’alléger celles qui tourmentaient les autres.
Mais c’était délicat, c’était dépasser une limite qui finirait de lever le voile sur ce qu’ils ne se disaient pas par commodité. Un instant, elle baissa la tête pour observer sa main qui avait failli être poncée, puis elle finit par la relever pour le regarder avec malice, et lui dire dans un murmure aussi taquin qu’il était était inutile puisqu’ils n’étaient que tous les deux — avec Page et Plant en arrière fond "Toi d’abord. Tu vas pas me faire croire que c’est juste le dîner avec Thomas qui t’a empêché de rejoindre ton lit." C’était détourner un peu la focale pour la vriller sur lui, et c’était comme ça qu’elle était le plus à l’aise Laila. Certainement qu’après lui, elle passerait aux aveux. Mais en attendant, elle ne dérogeait pas à la lâcheté qu’elle s’imputait, lui refilant la patate chaude sans hésiter.

« J’ai dû louper la leçon ce jour-là, j’étais pas très assidue à l’école. Et puis c’est trop tard maintenant pour qu’on me la rentre de force. » Avec un petit sourire esquissé sur ses lèvres, il secoua la tête. Comme si Laila faisait partie de ces personnes manquant de respect à qui que ce soit - peut-être avait-elle été, effectivement, un tête de mule à l’école et de ceux qu’on avait hâte de voir terminer leur cursus, mais Ezra se refusait de croire que cela aurait été en rapport avec le respect qu’elle pouvait porter à autrui. Il la connaissait assez bien pour ne pas douter de ce point. Mais, puisqu’elle osait se moquer de lui - gentiment, comme toujours -, il s’essaya au même exercice sans rancune ou retenue. « Je vois que la confiance règne. Je suis à deux doigts de mal le prendre. » Il plissa le bout du nez, échappa un petit rire, secoua un brin la tête. Oh, comme s’il allait croire ce petit numéro qui ne fonctionnait plus avec lui depuis bien trop longtemps désormais. « Comme si j’allais te croire. » Il était plus optimiste quant à la probabilité de ses paroles lorsqu’elle disait être à deux doigts de fragiliser encore plus sa virilité en lui proposant de l’aide pour se déplacer. Il ne prendrait pas de cette dernière, parce-qu’effectivement sa fierté avait besoin d’être redorée, mais ce ne fut pas pour autant qu’il n’accepta pas en revanche la place qu’elle lui offrait à ses côtés sur l’établi - parce-que s’il n’acceptait pas ça, il ne pourrait pas tenir debout bien longtemps et il n’aurait plus aucune fierté du tout à ce stade là.

«Tu tends le bâton pour te faire battre. » Le commentaire de la brune était placé juste après qu’Ezra ait admis que d’ordinaire, à cette heure là, il dormait déjà - il avait toujours été un gros dormeur et le fait d’avoir besoin de se reposer n’aider pas à aller à contre-sens de cette idée. Cependant, il était peut-être gros dormeur mais Laila avait le droit aussi de se reposer; elle était la première à faire des heures supplémentaires et le Beauregard ne cesserait jamais de la remercier d’être autant dévouée pour la cause. Ce n’était pas pour le plaisir de faire tourner toujours de façon plus optimale qu’elle était encore debout ce soir, Laila, il y mettrait sa main à couper. « Tu me prêtes une hygiène de vie plus saine que ce qu’elle est vraiment. T’as vu mes cernes ? » Elle ajouta un rire à ses paroles, et il ne sut réfréner un petit sourire il était vrai. « Je les connais bien tes cernes oui. » Pour la côtoyer d’ordinaire quotidiennement, pour avoir fait des journées et des nuits entières de boulot avec elle, pour être à ses côtés depuis désormais des années. Il connaissait les cernes de la jeune femme mais il savait par conséquent quand elles étaient induites par une surcharge de travail ou par un problème qui ne s’y référait en rien. Et parce-qu’ils avaient toujours été honnête l’un envers l’autre, il n’y alla pas par quatre chemins et lui demanda directement de cracher le morceau. « Toi d’abord. Tu vas pas me faire croire que c’est juste le dîner avec Thomas qui t’a empêché de rejoindre ton lit. » Un fin sourire s’étira sur les lèvres du Beauregard - pas le moins du monde offensé que sa stratégie de défense soit de commencer par l’attaque. « Tu sais bien que y’a jamais que ça en fond. »

Le problème étant qu’en l’état des choses, celle qui faisait principalement du tort à Ezra ces derniers temps n’était pas de celles qu’il pouvait se permettre de mentionner - il avait promis à Lily qu’il garderait le secret de la grossesse tant qu’elle ne lui donnerait pas le feu vert pour en parler autour de lui. Bien sur que Laila serait l’une des premières personnes au courant lorsque le moment surviendrait, mais ce n’était pas encore le cas. Alors, secouant légèrement la tête, et balayant mentalement cette partie là de sa vie privée qui devait le rester encore quelques temps, il soupira légèrement: s’il fallait qu’il déballe une partie des soucis qu’il pouvait avoir en guise de musique d’arrière plan, il n’hésiterait pas à le faire si celui permettait à la demoiselle de parler également par la suite. « On a beaucoup discuté lui et moi. Sa fille est enfin sortie de l’hôpital après une longue hospitalisation, et il a pas mal de choses sur le coeur à partager je crois. » Des choses qui pesaient pour Ezra également; lorsqu’il avait appris que Clara était hospitalisée pour de nouveaux problèmes de coeur et que cette fois-ci, c’était plus sérieux que d’autres frayeurs que son frère et son ex-belle-soeur avaient eu, il n’en avait pas mené large. « Mais en vrai c’est surtout la situation avec Noah qui me pèse, ces derniers jours. » Il lui arrivait de rester les yeux ouverts, à regarder le plafond pendant de longues heures, en se demandant quand le contexte autour de sa première paternité réussirait à être plus doux, plus clément, à son égard. « Je pense que je vais devoir engager un professionnel pour qu’il puisse revenir vivre avec moi et je suis pas serein du verdict d’un procès comme ça. » Il haussa les épaules, fit une petite moue, mais ne s’épancha pas davantage sur la question: ce n’était pas de lui dont il souhaitait parler ce soir. Pour ne pas forcer ni froisser la brune à ses côtés, il ne relança pas la balle dans sa direction; Laila répondrait à sa question si elle en ressentait l’envie et le besoin, et elle le ferait comme une grande.

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Laila Ferrer & @Ezra Beauregard (crédit gif/sacreddonkey)

Un peu brutalement, Lali se frotta les yeux pour chasser ses cernes en riant tout aussi inopinément, le grain de sa voix résonnant comme une éraflure sur les murs épais du garage. C’était un geste inutile qui ne fit que creuser l’ombre qui renforçait le dessous de ses yeux, mais il était exécuté pour ne pas inquiéter davantage le jeune homme à qui elle offrit la possibilité de se confier ; sur ce qu’il voulait, elle ne s’offusquerait pas le moins du monde s’il refusait sa perche. Mais peut-être qu’elle refuserait la sienne en retour de fait, parce qu’elle ne se sentait pas d’attaque à parler de son côté.
C’était un peu lâche, elle n’avait jamais prétendu n’être rien d’autre que ça. Quelque part, c’était tout à son honneur de ne pas chercher à faire taire ce défaut qu’elle avait — de se barricader derrière la faiblesse des autres, prête à régler leurs problèmes s’il le fallait, sans avoir la conviction d’être la plus aguerrie pour le faire cependant. Au moins, parler, ça soulageait d’un poids… c’était ce qu’on disait en tout cas, alors si Ezra en avait besoin, elle serait là, à réagir, à commenter, à se taire s’il éprouvait le besoin de déverser tout ce qu’il ne disait pas à autrui sans qu’on l’interrompe. Elle ne le jugerait pas, autant qu’il ne la jugeait pas. Ça n’avait jamais été établi officiellement entre eux, cette complicité dans la tourmente, mais Laila, du moins, n’avait pas besoin de signer en bas d’une page pour certifier qu’elle ferait ce qu’il fallait pour prêter l’oreille à ce que le jeune homme avait à raconter.

"Je suis désolée." Pour la fille de Thomas, qu’elle ne connaissait pas personnellement, sauf qu’elle n’en avait pas vraiment besoin. Si ça nécessitait qu’Ezra se mine pour ça, c’était que c’était important pour lui — peut-être un peu moins que ce qui lui dit ensuite et qui lui fit froncer les sourcils d’indignation, son menton rentrant pour marquer la surprise qu’elle ressentit à l’entendre lui dire ça "Il est toujours chez Ginny ?" Ce n’était pas si dur à suivre, les va-et-vient dans la vie du jeune homme. Sa consommation d’alcool aurait pu faire des siennes sur sa mémoire, seulement le système de Lali n’était pas si facile à gripper. Quand ça comptait, elle se souvenait de tout : des noms, des dates, des sensations… elle connaissait Noah, pas tellement sa mère, aussi le détail n’était pas utile à souligner tant ce n’était qu’une infime partie du problème en vérité.
Encore que, elle eut un doute quand le mot procès fût prononcé et qu’elle secoua la tête pour se remettre les idées en place, puis abattre la main qu’elle avait failli blesser devant elle comme pour attraper ce qu’elle ne réussissait pas à comprendre. Avait-elle raté un épisode ? "Attends, tu veux dire qu’elle veut la garde exclusive ? Après tant d’années ?" Ça lui prenait comme une envie de pisser, c’était quoi son problème ? Ses sourcils se froncèrent de nouveau quand elle murmura un bullshit que ses bottillons raclant le sol pour lui permettre de croiser les chevilles gomma, mettant davantage en exergue ce qu’elle ajouta par la suite, sans aucune espèce d’hésitation "Si t’as besoin d’un témoin de bonne volonté, je suis là. Je t’ai vu avec lui, je sais comment tu l’éduques, comment sa vie est belle avec toi, j’aurais pas de difficulté à convaincre quelqu’un que c’est une connerie monumentale de vouloir qu’il grandisse loin de toi." Là, sa gorge se serra sans qu’elle ne l’anticipe. Elle aurait dû pourtant, le sujet était aussi délicat qu’il était proche d’elle et de son histoire.
Une histoire qu’elle ne partageait pas souvent, mais dont elle souleva un pan sans même s’en apercevoir sur le coup, brisant le silence qu’elle avait laissé s’installer quelques secondes seulement "J’ai une fille de 13 ans." Elle marqua un  nouveau temps juste pour tourner la tête vers Ezra et l’empêcher de considérer que c’était le moment pour la questionner. Elle reprit sans lui laisser le temps de le faire, faisant comme si ce n’était pas important — mais ça l’était, plus que n’importe quoi "Je l’ai pas élevée. Je l’ai eu trop jeune et… c’était compliqué." Compliqué. Le terme était pratique, mais il était douloureux… tellement au fond qu’elle sentit que si elle ne reprenait pas le courant de sa verve maintenant, elle flancherait. De ce fait, elle reprit, opinant de gauche à droite pour faire l’impasse sur ce qu’elle ressentait au fond d’elle "Peu importe, c’est pas pour faire pleurer dans les chaumières que je te le dis, c’est juste pour te faire comprendre que je sais faire la différence entre un bon et un mauvais parent." Elle était sans doute trop dure avec elle-même, mais comment ne pas l’être ? A cette question, elle refusa de répondre, ajoutant pour conclure son éloge en détournant les yeux, recalant ses reins au bord de l’établi avec une nonchalance qui lui mal au bide "Et t’es clairement dans la deuxième catégorie, il faudrait être idiot pour pas s’en rendre compte."

« Je suis désolée. » Il balaya ses excuses d’un gentil revers de la main. « Elle va bien maintenant, c’est le principal. » Bien que ça n’avait pas été une période facile, pour aucun des Beauregard, le fin mot de l’histoire était heureux et c’était tout ce qui importait désormais: Clara était rentrée chez elle auprès des siens, et ses problèmes de santé avaient été si ce n’étaient résolu au moins géré pour le moment. Assez rapidement, et sans trop se faire prier en réalité, Ezra reporta la discussion sur un autre sujet qui était plus proche de son coeur - bien qu’il porte un amour inconditionné à sa nièce sans doute aucun -: Noah. Ce petit être lui manquait, et il savait qu’afin de faire en sorte qu’il puisse de nouveau être presque quotidiennement à ses côtés, il allait devoir faire des pieds et des mains de façon légale cette fois ci: un programme qui ne l’enchantait guère, mais auquel il serait prêt à se plier pour avoir son fils à ses côtés. « Il est toujours chez Ginny ? » A la question de la jeune femme, Ezra hocha la tête pour confirmer ses dires. « Il est pas ravi d’être à Sydney, mais au moins c’est pas si loin d’ici. » Toujours plus proche que l’Angleterre, en tous cas, là où Ginny avait atterri la dernière fois qu’elle avait du prendre ses distances avec Brisbane et les habitants de cette ville - distance imposée ou de son gré.

Cependant, un autre point sembla troubler Laila puisque d’un geste de la main, elle remit le curseur lecture de cette conversation une poignée de secondes plus tôt. Ezra fronça les sourcils avant même qu’elle ne se mette à parler. « Attends, tu veux dire qu’elle veut la garde exclusive ? Après tant d’années ? » Rapidement, il se repassa en silence les paroles qu’il venait de prononcer et effectivement, la façon dont il avait apporté ça pouvait porter à confusion - ou, en l’occurence, faire monter au créneau quelqu’un avec un tempérament trempé comme celui de Laila. « Si t’as besoin d’un témoin de bonne volonté, je suis là. Je t’ai vu avec lui, je sais comment tu l’éduques, comment sa vie est belle avec toi, j’aurais pas de difficulté à convaincre quelqu’un que c’est une connerie monumentale de vouloir qu’il grandisse loin de toi. » Peut-être même plus que d’habitude, à en regarder les détails. « Laila… » Ce soudain excès de colère - car s’en était clairement un - laissa Ezra pantois un instant, ne sachant trop comment reprendre le fil de cette conversation qui divaguait vers une issue qui appartenait à une réalité parallèle. Cependant, la jeune femme à ses côtés semblait elle lancée sans moyen de l’arrêter; et s’il n’avait pas vu ce voile s’apposer sur ses prunelles l’instant juste avant, peut-être que le Beauregard aurait forcé pour ajouter ici une touche d’humour dont lui seul avait le secret. Mais par une force inconnue, il ne réussit à se résoudre à agir de la sorte, si bien que Laila eut le temps de reprendre la parole avant même qu’il n’ait le temps d’ajouter le moindre commentaire. « J’ai une fille de 13 ans. » Alors, Ezra ouvrit la bouche - pour la refermer de si tôt lorsque le regard de Laila insista auprès de lui. Ce n’était pas du tout le genre d’information qu’il s’attendait à recevoir ce soir, et clairement il n’étiat pas le plus doué pour appréhender correctement la surprise. Mais il réussit au moins à clouer son bec assez longtemps pour que la jeune femme puisse reprendre la parole sans être interrompue. « Je l’ai pas élevée. Je l’ai eu trop jeune et… c’était compliqué. » Elle laissa un instant s’écouler. « Peu importe, c’est pas pour faire pleurer dans les chaumières que je te le dis, c’est juste pour te faire comprendre que je sais faire la différence entre un bon et un mauvais parent. » Oh, Laila… « Et t’es clairement dans la deuxième catégorie, il faudrait être idiot pour pas s’en rendre compte. »

Les paroles de la jeune femme restèrent un instant en suspension dans l’air. Ezra était peut-être un peu trop souvent idiot sur les bords, mais il n’était pas aveugle et connaissait, depuis le temps, assez bien Laila; si la jeune femme se mettait à parler d’un sujet qui était visiblement sensible, ce n’était pas pour ajouter une couche de liberté à un sujet qui n’en méritait aucune en réalité. Si ça avait été sa soeur à ses côtés, le Beauregard n’aurait pas attendu un instant de plus pour commencer en la prenant un instant dans ses bras - mais ce n’était pas ce type de relation qu’ils avaient, la brune et lui, alors il se contenta de relever son regard vers elle, alors qu’elle le fuyait des yeux désormais. « C’est quelque-chose que t’avais jamais mentionné jusque là. » Le début de la prise de paroles d’Ezra était hasardeuse, surement quelque peu maladroite, mais il ne désirait pas froisser la demoiselle plus qu’elle ne semblait le faire toute seule. Ses paroles, également, étaient dénuées de tout jugement - mais simplement une constatation d’une réalité prenant autant de place qu’un éléphant au milieu d’une pièce. « Et comme j’ai pas envie de faire de bourde ou quoi que ce soit: est-ce que tu veux que je rebondisse sur l’information que tu viens de me donner ? » Il se savait que peu à l’aise dans ce type de situation, Ezra: il devenait détenteur d’une information personnelle qu’il n’avait pas anticipé et ne savait trop comment gérer les émotions pouvant s’y associer. Cependant, il était hors de question qu’il revienne sur le sujet Noah sans voir au moins montré à Laila que la porte était ouverte et qu’elle pouvait, si elle le désirait ou avait besoin, s’épancher sur le sujet. C’était dans des moments comme ça qu’il était possible de voir comment Ezra avait muri de bien des façons: quelques années en arrière, il aurait mis les deux pieds dans le plat avant même de se rendre compte de ce qu’il était en train de faire. « En ce qui concerne Noah, en réalité j’ai pas encore regardé ce qui était possible ou quoi, mais peut-être effectivement qu’un jour j’aurais besoin de toi et de ton témoignage. » Parce-que les mots, qu’il savait pertinemment vrais si dictés par Laila, qu’elle avait avancé lui avait fait chaud au coeur. Il avait tellement eu du mal à accéder à cette paternité qui lui avait longtemps été refusée que savoir qu’il passait pour un bon père aux yeux du reste du monde était important pour lui. « Mais c’est pas Ginny le problème dans l’histoire, et elle s’oppose pas du tout à ce qu’il vienne vivre à temps plein chez moi. » Il plissa le bout du nez, cherchant la façon la plus simple d’expliquer la situation. « Mais en gros, pour te la faire courte, Noah est légalement pas reconnu comme mon fils et il vivait plus ou moins illégalement chez moi jusque maintenant. Mais j’en ai marre d’être comme un clandestin avec lui, alors j’ai prévu de réclamer mes droits en tant que père. » Presque comme s’il annonçait qu’une tempête était prévue pour le lendemain, il annonçait à la jeune femme un résumé de ce qui serait surement la bataille la plus dure et la plus longue de son existence; une bataille qu’il ne comptait cependant pas lâcher. « Mais c’est pas le sujet de la discussion, je crois. Enfin, si ça l’était, mais ça peut passer au second plan et on pourra en parler plus tard end détails si tu veux parler d’autre chose plutôt ? » Promis, si elle l’envoyait paitre, il n’insisterait pas.

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Laila Ferrer & @Ezra Beauregard (crédit gif/sacreddonkey)

"C’est pas quelque chose que tu mentionnes pour briser la glace lors d’une première rencontre. Genre, j’ai eu un enfant quand j’en étais encore une, sympa de faire ta connaissance." Peut-être que ça heurterait Ezra qu’elle fût assez bonne pour garder son secret de si longues années, et peut-être même qu’elle aurait dû avoir honte de faire une pointe d’humour alors qu’elle sentait sa gorge nouée, prête à déverser autre chose que sa colère sur le plancher du garage sur lequel il était soudain tombé un silence anormal. Oh, de la honte, elle en ressentait… en fait, c’était son mode par défaut depuis treize putains d’années, mais encore une fois, elle ne ferait pas pleurer dans les chaumières.
Quand Ezra lui demanda si elle voulait qu’il rebondisse sur l’info qu’elle venait de lui dégobiller sur les pompes, elle ne trouva rien de mieux à faire que de lever la tête pour se figurer que l’album qu’elle avait mis en route avant de commencer à bosser sur sa Bronco était terminé, et qu’il fallait le relancer pour qu’elle perde l’impression d’entendre son propre cœur battre dans sa poitrine.  Bam, bam, bam. Elle se décolla de l’établi, apposant une réponse indirecte à la question du jeune homme "Je vais relancer la musique." Ça l’aiderait à se recaler sur l’espace-temps qui les intéressait, ça l’aiderait à remettre en ordre ses émotions aussi, le temps du petit trajet qu’elle fit pour aller remettre le son et refaire le chemin inverse pour se positionner un peu plus loin du jeune homme, sur une chaise défoncée sur laquelle elle s’installa à l’envers, les bras posés sur le dossier.

Elle n’avait pas envie de parler de tout ça, même pas avec Ezra. Pas parce qu’elle ne lui faisait pas confiance, elle lui en vouait une qui le ferait passer pour un frère si elle était assez bonne pour mettre les gens qu’elle aimait dans des cases structurées à la hauteur des codes que lui imposait dans la société. C’était juste qu’elle ne s’en sentait jamais capable, et que quand elle le faisait, c’était toujours de la mauvaise façon. Comme maintenant à dire vrai, alors qu’elle prenait l’histoire du jeune homme trop à cœur en ne pouvant s’empêcher de la comparer maladroitement avec la sienne.
Pendant quelques secondes, elle se sentit idiote, la tête baissée à triturer l’ongle défoncé de son pouce qu’elle finit par venir ronger dans une attitude de gamine mal dans sa peau. Et puis, elle releva les yeux pour les poser sur Ezra qui était assez malin pour avoir compris, pour avoir décidé aussi rapidement qu’ils ne parleraient pas de ça ce soir, sans doute pas un autre soir non plus. Le sentiment de n’être qu’une idiote se renforça quand il lui expliqua mieux la situation, et qu’elle comprit qu’elle s’était trop laissée atteindre par son propre vécu, comme une conne "Merde, je me suis emportée trop vite, c’est ça ? Excuse-moi." Elle le réalisa avec un temps de retard, comprenant tout de même ce que lui disait le jeune homme à qui elle confirma "Ma proposition est faite, et elle est sincère, t’en fais ce que tu veux sur le long ou sur le court terme. Je serais toujours là." A défendre sa cause s’il en avait besoin, à le soutenir si jamais les choses finissaient par ne pas tourner comme il le voulait — encore qu’elle en doutait, comme elle le lui dit en tachant de tenir ses ardeurs à distances et de se montrer aussi pragmatique que lui permettait son statut d’adulte "Mais tu restes son père, même si t’as mis du temps à le reconnaître. J’y connais rien en droit, je reste sûre qu’il y des cas de gens reconnus par leur père bien plus tard que Noah… c’est qu’une question de procédure." Si Ginny était conciliante en plus de ça, elle ne voyait pas vraiment ce qui impliquerait de devoir lever des fonds juridiques pour coller un procès à un père qui voulait être réglo. C’était tellement rare, que c’était tout à son honneur, et que si c’était Laila en charge de tout ça, elle lui refourguerait même une médaille en or massif pour le saluer de faire ce qu'il devait faire.
Ça aurait pu s’arrêter là, continuer à bifurquer sur les soucis du jeune homme avec sa paternité, mais il décida tout de même de lui tendre une perche qu’elle repoussa d’une main leste, se sentant rassurée par la musique qui jouait en sourdine dans le garage, le rythme de son cœur retrouvant une cadence plus supportable pour elle "J’ai pas vraiment envie d’en parler." Mais il ne se contenterait pas de ça, alors elle décida de lui donner quelque chose à ronger en attendant qu’elle se sente un peu plus à l’aise à l’idée de lui faire des confidences "J’ai revu son père, récemment… à la petite, je veux dire. Ça a pas été les retrouvailles les plus heureuses de ma vie, j’arrête pas d’y penser." Au moins, elle était honnête à ce sujet. Elle l’était souvent à dire vrai, mais sur ce qui l’arrangeait. Un sourire vint fendre son visage étant donné qu’elle sentait poindre la suite, alors elle l’anticipa pour de bon en se levant lourdement de sa chaise, rassemblant ses longs cheveux dans un chignon qui ne tint pas, ses cheveux dégringolant de nouveau sur ses épaules dénudées "Ça va. Faut apprendre à vivre avec ses erreurs. Jack et Jim m’aident pas mal généralement, ils sont de bonne compagnie." Jack Daniels et Jim Beam — et le pire, c’était qu’elle se croyait spirituelle, assez en tout cas pour le bousculer très légèrement quand elle revint s’asseoir à ses côtés en lui disant, dans un soupir "T’inquiète pas pour moi, d’accord ? T’as d’autres chats à fouetter, je sais gérer tout ça." C’était exactement ça, le genre de mensonges qu’elle proférait parce que ça l’arrangeait que les autres y croient.

« C’est pas quelque chose que tu mentionnes pour briser la glace lors d’une première rencontre. Genre, j’ai eu un enfant quand j’en étais encore une, sympa de faire ta connaissance. » Les lèvres du Beauregard se pincèrent quelque peu, mais il ne fit aucun commentaire. Il comprenait parfaitement à quel point ce type de sujets pouvait être particulièrement délicat, à quel point ce n’était pas le genre de chose que l’on désirait particulièrement mettre en avant, et tout autant que même avec le temps c’était toujours difficile d’en parler. Il ne blâmait rien ni personne en cet instant, Ezra; simplement ce n’était pas l type de conversation à laquelle il s’attendait en faisant un détour par le garage à une heure aussi avancée de la soirée - voire de la nuit. Etant déjà assez maladroit de la sorte, il préféra alors demander à haute voix à Laila, pour ne pas commettre de vrai impaire, si elle désirait qu’il rebondisse sur le sujet ou si elle préférait passer à autre chose, comme si de rien n’était. « Je vais relancer la musique. » Alors, il se contenta d’hocher brièvement la tête. La réponse - ou plutôt l’absence de réponse ? Il n’aurait su dire avec exactitude - de la part de la Ferrer était assez explicite pour que même lui comprenne le message: il ne relancerait pas la discussion dans cette direction. Elle avait partagé un morceau, une entrevue, d’une partie de sa vie qu’elle ne comptait pas mettre en avant davantage désormais et il n’était pas question qu’Ezra trépasse la ligne qui était tracée devant lui devant des années sans qu’il ne s’en aperçoive.

Alors, peut-être que redémarrer la conversation en apportant quelques détails sur la situation Noah n’était pas l’idée du siècle, mais elle aurait au moins l’avantage de détourner l’attention des mots qui avaient été dits et peut-être de manière un peu trop rapide - ce n’était pas quelque-chose qui dérangeait Ezra, lui qui voyait en la réaction de Laila qu’une marque d’affection de la part de la brune envers Noah et lui-même. « Merde, je me suis emportée trop vite, c’est ça ? Excuse-moi. » Il haussa légèrement des épaules, un sourire attendri bien sur accroché à ses lèvres. « T’as pas à t’excuser. C’est une situation compliquée à comprendre. » Une situation compliquée tout court, en réalité; mais cela se marquait d’autant plus lorsqu’il fallait l’exposer à d’autres personnes, qui n’avaient pas forcément une vision aussi claire des détails de cette dernière. « Ma proposition est faite, et elle est sincère, t’en fais ce que tu veux sur le long ou sur le court terme. Je serais toujours là. » Il hocha la tête. « Je sais. Je sais que je peux compter sur toi. » Il n’avait jamais douté un seul instant de ce point là, qu’importe le contexte où il avait besoin de l’appliquer. « Mais tu restes son père, même si t’as mis du temps à le reconnaître. J’y connais rien en droit, je reste sûre qu’il y des cas de gens reconnus par leur père bien plus tard que Noah… c’est qu’une question de procédure. » Ce n’était qu’une question de procédures, affectivement; ces derniers semblant toutes plus complexes les unes que les autres, toujours plus à même de ruiner le moindre effort qu’Ezra pourrait faire sur le chemin. « Le problème, c’est qu’officiellement, il a déjà un père. » Le regard du mécanicien se perdit un instant sur la clef qu’il avait attrapé entre ses mains, et avec laquelle il jouait désormais, un brin nerveusement même s’il ne l’admettrait pas. Les détails de la relation officielle qu’il entretenait avec Noah, peu de personnes les connaissaient parce-que c’était plus facile ainsi. Mais il était néanmoins toujours vrai qu’officiellement, justement, Noah avait déjà deux parents; aucun d’eux n’étant Ezra pour autant. « Lorsqu’il est né, Ginny était sur le point de se marier alors il a été déclaré que son ex-mari était le père de l’enfant. Un problème de moins à gérer. » Pour les parents de la jeune femme à l’époque - un problème se répercutant de plus pour Ezra dans le présent.

Parler de ses problèmes n’était pas une procédure avec laquelle le Beauregard était très à l’aise. Tout ce qui touchait à ses émotions, de toutes façons, se trouvait mieux rangé au placard qu’étaler sur la table du salon. Il n’était pas le plus doué pour servir d’oreille attentive et surtout de bien faiseur en solutions lorsqu’il s’agissait des problèmes des autres, mais il pouvait toujours essayer. Pour les personnes comme Laila - lire ici à qui il tenait -, il le ferait sans une once d’hésitation, d’être disponible pour elle. « J’ai pas vraiment envie d’en parler. » Il tentait, tendait une perche; elle n’était en rien obligée de la saisir mais si elle le désirait, elle savait parfaitement qu’elle était déjà en place. Et comme il l’avait promis - en silence, certes, mais cela restait une promesse tout de même -, il n’insista alors pas lorsqu’elle lui indiqua pour la seconde fois ne pas désirer en discuter. Vraiment, il comprenait. Même s’il aurait aimé pouvoir faire bien plus pour elle, il n’était pas idiot au point de ne pas s’apercevoir que cette histoire était lourde pour elle. Ce fut donc de son plein gré qu’elle reprit la parole, ce qui laissa un instant une marque de surprise sur les traits du Beauregard. « J’ai revu son père, récemment… à la petite, je veux dire. Ça a pas été les retrouvailles les plus heureuses de ma vie, j’arrête pas d’y penser. » Il hocha lentement la tête. « J’ai pas l’air vaillant là, mais si un jour t’as besoin de quelqu’un pour t’aider à t’en débarrasser ou j’en sais rien du tout, hein… » Peut-être était-ce là une remarque idiote, un brin déplacée par rapport au peu d’éléments qui lui avaient été présentés concernant cette histoire; mais il n’aurait su ne pas rebondir d’aucune façon aux paroles de la jeune femme, et y mettre une légère touche d’humour était ce qu’il savait faire de mieux. « Ça va. Faut apprendre à vivre avec ses erreurs. Jack et Jim m’aident pas mal généralement, ils sont de bonne compagnie. » Elle s’était relevée, était revenue à ses côtés en le bousculant légèrement en s’asseyent comme si elle souhaitait marquer la boutade - ce qui n’empêcha pas Ezra d’être dupe et d’écarquiller les yeux de mauvaise surprise, cette fois ci. « Laila ! » - « T’inquiète pas pour moi, d’accord ? T’as d’autres chats à fouetter, je sais gérer tout ça. » Il échappa un soupire. Ce n’était pas comme ça que les choses fonctionnaient, malheureusement; il pensait qu’elle aurait compris depuis le temps, pourtant. « Je m’inquiète pour toi depuis que j’ai eu le malheur de croiser ta route, gamine, je te rappelle. » Il ajoutait là une petite touche d’innocence, d’infantilisation peut-être effectivement, mais c’était de cette façon que l’oncle de la demoiselle se comportait avec lui lorsqu’ils bossaient encore main dans la main, et c’était quelque-chose qui avait fonctionné en agissant en miroir avec Laila jusque là aussi. Alors, bien sur qu’il allait agir de cette sorte encore aujourd’hui. « Jack et Jim ne sont pas que des bons copains, alors fais pas l’idiote s’il te plait. »

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Laila Ferrer & @Ezra Beauregard (crédit gif/sacreddonkey)

Laila ne pleurerait pas sur son sort ce soir, elle le faisait suffisamment quand elle était seule. C’était un tantinet hypocrite de compter sur les problèmes d’Ezra pour la détourner des siens, mais jusqu’à preuve du contraire, c’était une tactique qui avait fait des miracles pour elle. Cela dit, elle ne faisait pas semblant de s’intéresser à ce qui se passait dans la vie de son ami de longue date, et même si elle apprenait des choses en léger différé, les acceptant avec une élégance rare quand on la connaissait, se figurant au fur et à mesure que, si la situation lui paraissait simple de prime abord, elle était en fait plus que compliquée, elle ne se déroberait pas si jamais il avait besoin d’aide, ne serait-ce que pour en parler. Elle apprit donc qu’officiellement, Noah avait déjà un père — un autre père, celui sur qui Ginny avait jeté son dévolu à l’époque, et ça lui brisa le coeur de le savoir, sincèrement. Parce qu’elle savait Lali, ce que ça faisait d’être la victime de ce genre de hold-up, elle qui avait été forcée de placer sa fille à l’adoption sans même avoir véritablement son mot à dire. Elle était lucide cependant, elle savait qu’elle n’aurait pas été capable de s’occuper d’elle, qu’elle n’aurait pas été capable de faire les choses aussi bien qu’Ezra qui, à ses yeux, était le père de Noah. Dans les faits, il l’était… mais la loi restait la loi, et une signature sur un papier avait plus d’impact qu’autre chose, n’en déplaise à l’ADN. C’était des conneries, des conneries qu’elle ne releva pas autrement qu’en laissant un léger soupir lui échapper, expulsé par le nez tandis qu’elle secouait la tête en se demandant comment il se dépatouillerait, ce qu’elle pouvait faire pour qu’il gère mieux les procédures qui l’attendait. C’était humain de se sentir responsable du bonheur, ou du malheur des autres, et ça lui tordait le ventre de se rendre compte que dans cette situation-ci, elle ne pourrait en vérité pas faire grand-chose. Il y avait trop de facteurs à prendre en compte, trop de subtilités dont elle n’était sans doute pas au courant non plus… c’était des conneries, ouais, définitivement. Elle se leva de sa chaise pour le rejoindre, se sentant responsable, effectivement, au point de vouloir alléger l’atmosphère, et de lui répondre à sa proposition.

"Est-ce que c’est ta version de s’il y a un cadavre à déplacer, appelle-moi ? Parce que ça tombe pas dans l’oreille d’une sourde, et tu peux pas te permettre ce genre de problèmes." Elle lui sourit, se retenant de lui dire qu’elle ne l’appellerait jamais si Nate refaisait encore une fois son apparition. Elle ne le détestait pas, c’était bien ça son problème. Ça aurait été plus simple si elle lui en avait voulu de continuer sa vie sans se soucier de ce qu’elle était devenu, prenant à peine part à l’expérience traumatisante qu’elle avait vécue lorsqu’elle était enceinte et recluse. Il était plus âgé qu’elle, elle avait été appâté par l’expectative d’une vie simple avec lui, d’autant qu’à l’époque ses parents lui vouaient une affection sans limite… jusqu’à ce qu’ils se rendent compte de ce qu’il se passait entre eux, et qu’ils décident que ce n’était pas une bonne idée de le garder dans le sillage de leur famille. Ils n’avaient sans doute pas tort. L’histoire entre elle et Nate serait perçue différemment aujourd’hui, et c’était un sentiment de gêne qui la forçait à ne pas beaucoup parler de lui non plus, malgré le souvenir qu’il lui avait laissé, malgré les névroses qu’elle avait gagné en se rendant compte qu’elle tapait toujours dans une catégorie d’âge qui se rapprochait dangereusement de la sienne.
Après une légère bascule censée détendre l’atmosphère, là encore, Laila emprunta la mine offusquée d’Ezra "Ezra !" Oui, elle buvait pour oublier, elle ne réussissait pas à croire qu’il puisse penser qu’elle n’était pas de ce genre-là. Seulement elle comprenait sa réaction, elle comprenait aussi que l’avoir connue jeune faisait d’elle une éternelle adolescente dont il se sentait responsable, et quelque part, elle qui avait été à la limite de la répudiation, ça la touchait que quelqu’un d’autre que son oncle avait assez d’affection pour elle pour s’inquiéter de son sort et le prendre à cœur "Tu parles tellement comme un vieil homme. Je suis à deux doigts de te commander un déambulateur, ce sera mieux que tes béquilles pour te déplacer, papy." Elle lui subtilisa ses béquilles d’ailleurs, en faisant tourner une devant son nez comme un bâton de majorette pour ne pas s’arrêter sur l’envie qu’elle avait à ce moment-là de le prendre dans ses bras pour le remercier de tout ce qu’il faisait pour elle, même s’il statuerait que ce n’était pas grand-chose ; bien sûr que si, il était là, c’était déjà ça, même s’il ne pouvait s’empêcher de jouer au papa de substitution, ce qu’elle ne trouvait pas si pire au demeurant. On dit merci les daddy issues.
Elle lui rit au nez, fronça le haut de celui qu’elle tourna dans sa direction pour lui rétorquer "Je sais ce que je fais. Je te promets pas de pas prendre le volant quand j’ai consommé… je connais trop de raccourcis pour m’empêcher de me faire prendre quand j’ai plus de 0,5 dans le sang et j’aime le danger." Déso, semblait dire l’expression qu’elle lui renvoya, qui se termina par un rire plus léger. Et elle se croyait maline, assez pour ajouter doucement, plus sérieusement cependant "T’en fais pas pour moi. Je vais à l’église tous les dimanche, j’assure ma place si jamais il m’arrive un truc." Et d’un bond, elle se recula du coin qu’ils avaient investi. En lui tendant sa béquille, elle lui demanda avec plus d’entrain "Je te ramène, ou t’as encore l’intention de me tirer les vers du nez ? Pas que je trouve ça désagréable, mais y a des gens qui bossent, demain matin." Il savait très bien qu’elle n’irait pas se coucher sitôt qu’ils se quitteraient, mais c’était bien tenté comme technique pour noyer le poisson, non ?

« Est-ce que c’est ta version de s’il y a un cadavre à déplacer, appelle-moi ? Parce que ça tombe pas dans l’oreille d’une sourde, et tu peux pas te permettre ce genre de problèmes. » Le sourire que la jeune femme ajouta à ses paroles réussit à en tirer un petit du côté Beauregard également. « Je peux pas me permettre ce genre de problème mais faut être pris la main dans le sac pour avoir des problèmes. » C’était une bonne façon, à ses yeux, de dire qu’effectivement elle avait vu juste et compris ce qu’il y avait à comprendre dans les paroles d’Ezra. Bien sur qu’à tout moment, il serait disponible pour elle si le besoin se faisait ressentir; il ne connaissait pas l’histoire complète qu’elle partageait avec cet homme, le père de sa fille pour le coup - cette partie là, il l’avait quelque peu rattrapé avec les informations qu’elle lui avait donné dans les poignées de minutes écoulées précédemment -, mais qu’importe le contexte, pour lui il n’étiat pas nécessaire d’avoir tous les détails pour se montrer présent pour elle.

Et cela n’était pas le genre d’engagement qu’il prenait uniquement pour la protéger du monde extérieur, c’était quelque-chose qu’il était prêt à appliquer également si elle en venait à être dangereuse pour elle-même. Et ce fut exactement pour cette raison qu’il laissa sa réaction au plus vraie, ne rayait pas de la carte la mauvaise surprise qu’il ressentit en l’entendant dire qu’elle préférait la compagnie de Jack et Jim les mauvais soirs. « Ezra ! » Ce fut carrément un regard noir qu’il lui lança en cet instant. « Tu parles tellement comme un vieil homme. Je suis à deux doigts de te commander un déambulateur, ce sera mieux que tes béquilles pour te déplacer, papy. » Il n’eut en aucun cas le temps de dire quoi que ce soit, qu’elle lui volait - c’était du vol à cette allure là - ses béquilles pour s’amuser avec. Et s’il savait se montrer grognon de temps à autres, il avait surtout tendance à se laisser facilement distraire et malgré le désaccord qu’il manifestait en cet instant quant au comportement de Laila - les bras croisés sur son torse désormais en guise de témoins -, il ne sut retenir un maigre sourire en coin, un brin amusé. « Tu mérites des claques, Laila, tu le sais ça ? » C’était sa version polie, construire exprès pour elle, de lui dire d’aller se faire foutre. Cependant, à d’autres il se serait permis, avec elle il était bien plus poli tout de même. Mais l’idée était là, à ne pas se méprendre. « Je sais ce que je fais. Je te promets pas de pas prendre le volant quand j’ai consommé… je connais trop de raccourcis pour m’empêcher de me faire prendre quand j’ai plus de 0,5 dans le sang et j’aime le danger. » Il leva les yeux au ciel, les bras au ciel, et ne sut réprimer quelques mots prononcés dans sa barbe, tellement mâchonnés, que même lui se trouvait incapable de savoir précisément ce que les sons émis formaient comme mots. Surement des choses pas très jolies à entendre, alors autant ne pas les répéter. L’air qu’elle affichait fièrement sur son visage lui donnait plus envie de lui mettre un coup de béquille que de la prendre dans ses bras. « Tu sais que ça me fait pas rire moi, hein ? » Et même s’il jouait davantage sur l’humour, sur des paroles sous entendues ou quoi que ce soit d’autre parce-que dire clairement les choses en face sans artifices n’était pas dans ses cordes, il savait qu’elle comprenait parfaitement à son attitude à lui ce qu’il voulait transmettre réellement. Laila avait cependant décidé qu’il était plus simple de prendre la tangente, de rester sur l’humour. « T’en fais pas pour moi. Je vais à l’église tous les dimanche, j’assure ma place si jamais il m’arrive un truc. »

Ezra n’eut en aucun cas le temps de répondre quoi que ce soit à cette nouvelle slave de provocation qu’elle revenait vers lui, lui rendant sa béquille au passage. « Je te ramène, ou t’as encore l’intention de me tirer les vers du nez ? Pas que je trouve ça désagréable, mais y a des gens qui bossent, demain matin. » Oh, dans d’autres circonstances - celles où ses jambes fonctionnaient parfaitement, ce qui n’était en rien le cas présentement -, il lui aurait fait un pied de nez et aurait proclamé rentrer à pieds. Chose qu’il ne pouvait se permettre aujourd’hui, alors il se contenta d’attraper sa béquille avec un peu trop d’engouement. « Etant donné que mon frère m’a juste déposé, je veux bien que tu me ramènes oui. » Il hésita un instant, et puis se dit qu’il était idiot d’hésiter. « Seulement si t’as pas bu, sinon je te fais dormir sur ton propre canapé et je reste là. » Parce-que dans son état, il ne pouvait jouer aux gentlemen voyons. Il aurait pu continuer à lui tirer les vers du nez, mais ce n’était pas là la manière dont il avait envie de se comporter avec elle. Depuis qu’ils se connaissaient, une relation de confiance avait été installée entre Laila et Ezra, et il ne comptait pas la briser - pas aujourd’hui, et même en n’importe quel temps -; elle lui parlerait davantage un jour si l’envie lui prenait, si le besoin se faisait ressentir. « Oublie pas d’éteindre le poste de musique pendant que tu me ramènes: c’est moi qui fais les chèques, j’ai pas envie de payer de surplus d’électricité. » Il lui tournait déjà le dos, prenant de l’avance pour monter à bord de la voiture de la jeune femme.

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Laila Ferrer & @Ezra Beauregard (crédit gif/sacreddonkey)

Elle méritait des claques. Elle aurait bien pu lui répondre que c’était vrai, mais qu’il ne devait pas s’inquiéter : elle en avait reçu assez tout au long de sa vie pour être vaccinée des effets que procuraient une bonne paire de gifles, immunisée contre les coups de ceinture aussi, tant qu’on y était. Seulement, c’était pousser trop loin dans les rapports qu’elle entretenait avec ses parents, et admettre que si elle avait élu domicile chez Andrea fût un temps, ce n’était pas parce qu’elle voulait lui tenir compagnie, qu’il y avait autre chose de plus profond que ça. Ezra n’avait pas besoin de tout savoir ce soir, alors elle rit, Laila, parce qu’elle aimait bien, finalement, s’attirer des regards noirs en agissant comme la sale gosse qu’elle n’avait jamais vraiment été ; il avait fallu une mauvaise décision pour la placer dans la case des infréquentables, autrement elle avait été une enfant sage… ça avait bien changé, elle ne pouvait pas prétendre être raisonnable et raisonnée aujourd’hui, mais chacun voyait midi à sa porte, et à la sienne, elle voyait le salut quand elle songeait à ce que ça lui permettait d’oublier quand elle se noyait dans le verre de trop. Ce n’était probablement pas la meilleure solution à apporter à tous ses problèmes, c’était une évidence, mais pour l’heure, c’était celle qui fonctionnait le mieux sur elle. Elle était jeune, elle avait le temps de prendre soin d’elle et de décider ce qui était bon pour elle ou non.
Et ça ne faisait pas rire Ezra, qu’elle soit aussi désinvolte avec sa propre vie. Elle pouvait le comprendre, toutefois ça ne l’empêcha pas de rire de plus belle, quand bien même ça la touchait qu’il puisse prendre son bien-être autant à coeur. C’était réciproque, alors qui sait, peut-être qu’elle ferait un effort pour lui, et qu’elle essayerait de limiter ses conneries pour qu’il ne soit pas obligé de venir faire le boulot de ramassage quand elle abuserait. Ce n’était pas une position dans laquelle elle voulait le placer, elle tenait trop à lui pour lui imposer son mal être, et le forcer à la voir telle qu’elle était vraiment : une épave, rien de moins.

Graduellement, elle s’arrêta de rire, et elle prit sens de combien la présence de son acolyte lui manquait ici, dans ce vieux garage où elle se sentait chez elle. Elle aurait pu pousser son avantage, lui demander dans combien de temps il reviendrait bosser parce que, si elle lui disait qu’elle gérait pour ne pas l’inquiéter, elle se sentait plus en confiance quand il était à ses côtés. Mais si elle était inconsciente la plupart du temps, Laila, elle n’était pas égoïste pour autant, et elle décida de lui retirer des épaules le poids de son absence ; il avait besoin de temps pour aller mieux, et elle ne lui retirerait pas la possibilité de se remettre complètement de son accident en le pressant à revenir.
Elle pouvait seulement continuer à prendre soin de lui de loin, ou de près, quand ils se voyaient. Ça, c’était quelque chose qu’elle se sentait capable de faire, alors comme le dialogue se tarissait, et qu’il était tard, elle décida qu'il était l’heure pour lui de rentrer. Le frère du jeune homme n’avait fait que le déposer, elle était donc la conductrice toute désignée missionnée pour le ramener sain et sauf, étant aussi sobre qu’elle pouvait l’être quand elle décidait de ne pas passer sa soirée à écumer les bars, à la recherche de tout et son contraire. Sous les recommandations pas si sévères que ça de son associé, le renseignant silencieusement du statut de sa sobriété quand il la remit en doute, et faisant semblant de marcher de biais, elle le laissa seul un instant pour aller éteindre le poste de radio ainsi que les éclairages du garage. Elle se trouvait maline, et ça la fit rire de plus belle quand elle le rejoignit dans son véhicule dans lequel elle ne l’aida pas à monter, ne tenant pas à le vexer quant à ses capacités, et démarra le moteur ronflant de sa coccinelle qui traversa la ville par les raccourcis qu’elle lui avait dit connaître, simplement pour profiter encore un peu de l’instant, et s’exempter de la corvée de retrouver ses problèmes et ses pensées les plus sombres une fois qu’elle serait de nouveau seule.

rp terminé.