Quand le rideau tombe (Channing)

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Cela faisait six jours que la police était venue sonner à la porte de la maison du clan des Sisco pour leur annoncer le décès d’Antone. Mila avait fini par leur ouvrir, après la troisième sonnerie de la part des agents, en pestant contre les autres Sisco qui n’avaient pas bougé leurs fesses soit de leur chambre, scotchés à leurs révisions, soit du canapé, scotchés à la télé. Elle jurait encore en italien quand elle avait ouvert la porte, et avait immédiatement fait un pas en arrière, calmée par l’uniforme. Car les policiers sonnaient rarement chez les gens pour annoncer de bonnes nouvelles. Et l’air fermé qu’ils affichaient ne faisait que confirmer les suppositions de la brunette : un malheur était arrivé. Pâlissant à vue d’œil, elle avait d’abord pensé à sa mère, qui faisait face à une sévère dépression contre laquelle elle n’était pas réellement décidée à se battre. Ça semblait être l’inquiétude la plus légitime à avoir. Et quand les policiers lui avaient finalement annoncé le décès d’Antone, son père, dans un accident de moto, Mila avait dû leur faire répéter plusieurs fois, incapable de comprendre. Ses oreilles avaient semblé bourdonner, et le sol avait semblé soudain moins stable.
Depuis, la vie semblait avoir été mise sur pause, pour tout ce qui concernait le domaine du privé, en tout cas. C’était étrange comme, lorsqu’un malheur arrivait, on était frappé par la capacité du monde et des gens qui nous entouraient à continuer à vivre leur vie normalement. Ainsi, Mila se rendait toujours au travail et était stupéfaite de voir que la boîte fonctionnait normalement. L’économie ne s’était pas effondrée, les projets n’avaient pas coulé, tout semblait incroyablement normal. Il n’y avait qu’elle, qui ne savait plus comment avancer correctement. Le monde continuait à tourner, et il semblait le faire sans elle, et surtout, sans Antone. Mila n’était pas réellement là. Son esprit était ailleurs, et si elle faisait au mieux pour donner le change, elle était moins enthousiaste qu’habituellement, et avait commis quelques erreurs ces derniers jours. Quant à sa vie privée, celle-ci semblait définitivement s’être mise sur pause. La demeure des Sisco était hantée par un silence effrayant que personne ne semblait vouloir perturber. Antone était un noyau, celui qui les reliait les uns aux autres. Sans lui, ils n’avaient rien à se dire, rien à partager. Et si Doumé et Maeva étaient assez proches pour partager leur peine, ce n’était pas le cas des autres membres du clan. Très rapidement, Mila s’était même rendue compte qu’elle n’avait plus rien à faire là : elle n’avait pas de liens avec ces gens, ne s’entendait même pas avec Soo. Le soir, à son retour du travail, dans un silence de mort, elle préparait ses valises, s’apprêtant à quitter la maison qu’elle n’avait rejoint qu’en décembre, faute de mieux.

Cela faisait six jours que la police était venue sonner à la porte. Cela faisait six jours que son père était mort. Cela faisait six jours que Mila était parvenue à une horrible conclusion : elle n’avait plus de parent. Sa mère était inatteignable, et son père n’était plus.

Cette après-midi-là, elle avait attendu que la maison soit vide pour charger sa voiture. Les autres Sisco étaient partis à l’église pour les derniers préparatifs avant la cérémonie. Elle devait se dépêcher si elle ne voulait pas arriver en retard. Elle se hâta de mettre ses valises dans le véhicule, et prit la direction du lieu de la cérémonie, se garant non loin du cimetière. Elle aurait pu prévenir les Sisco de son départ, mais n’avait en réalité aucune envie d’avoir une telle discussion à l’heure actuelle. Elle n’était pas prête pour ça, peu importe ce que « ça » pouvait être : des reproches, des négociations, des déclarations d’affection. Elle avait déjà suffisamment de mal à gérer ses émotions et l’absence d’Antone pour pouvoir en rajouter une couche.

Quelques minutes plus tard, elle était assise au premier rang, entre Clément et Doumé, le teint pâle, les yeux baissés, à triturer un mouchoir qu’elle tenait entre ses mains. Elle écoutait d’une oreille le prêtre, préférant laisser ses pensées vagabonder pour éviter de craquer. Bien sûr qu’elle avait pleuré. Bien sûr qu’elle allait encore pleurer. Mais pas ici, pas devant tous ces gens, ces inconnus. Elle aurait aimé que sa mère soit là pour la soutenir, mais aujourd’hui n’était pas un bon jour, alors Mila l’avait laissé dans sa maison de repos. Elle récupéra le programme posé à côté d’elle et commença à le tourner dans tous les sens pour tenter de s’occuper les mains et l’esprit, quand le prêtre la fit presque sursauter en demandant à sa plus grande fille de venir dire un mot : autrement dit, à elle. Elle releva la tête, un instant incrédule, et mit de longues secondes à se mettre en mouvement. Finalement, elle se leva et rejoignit le pupitre, refusant dans un premier temps de lever les yeux pour observer la salle : elle n’avait pas envie de voir tous ces visages qui l’observaient d’un air compatissant. Elle déglutit difficilement avant de prendre la parole.

« J’ai découvert récemment que mon père n’était pas l’homme que je pensais qu’il était … »

Elle ménagea une petite pause, tentant de stabiliser sa voix qui tremblait.

« Il était meilleur, et de loin. »

Sa gorge se serra, et elle ne savait pas si elle arriverait à parler encore longtemps.

« Je regrette que l’on n’ait pas pu passer plus d’années ensemble, qu’il ne m’ait pas vue grandir. Et je regrette ma colère, qui m’a empêché de voir ce qu’il avait fait pour moi pendant tout ce temps. Je regrette de … »

Et alors qu’elle leva enfin la tête pour ces derniers mots, son regard croisa celui de Channing, dans le fond de la salle. Elle buta sur les mots, incapable d’en prononcer ne serait-ce qu’un de plus. Elle pâlit davantage alors que ses yeux s’écarquillèrent sous le coup de la surprise : il n’avait rien à faire là. Elle avait posé un congé sans lui donner de raison particulière, alors il n’avait rien à faire ici. Il ne connaissait pas sa vie privée, n’avait pas à briser cette barrière qu’elle avait érigée entre le travail et sa vie familiale. Cette séparation était ce qui permettait qu’elle fasse semblant d’avancer au boulot. Il ne pouvait pas exposer au grand jour tous les secrets qu’elle cachait. Ses yeux papillonnèrent et vinrent se poser sur Clément, comme pour chercher de l’aide, alors que les larmes commençaient à rouler sur les joues de la brunette.

La cérémonie se poursuivit, suivie de la partie au cimetière. Mila n’avait pas le courage de rester pour recevoir les condoléances de ces parfaits étrangers, et s’éclipsa dès qu’elle le put. Elle ne savait pas où elle irait dormir cette nuit, chez un ami sans doute, et verrait au jour le jour pour les nuits suivantes. Elle fouilla dans son sac à la recherche de ses clés pour déverrouiller sa Chevrolet Camaro convertible bleue de 1969, ne prêtant pas attention à son entourage. Finalement, c’était aussi une bonne excuse pour ne pas parler aux gens qu’elle croisait, et à qui elle n’avait rien à dire. Ce n’est que lorsqu’elle trouva enfin ses clés, à un mètre de sa voiture, qu’elle releva la tête et croisa son regard pour la deuxième fois aujourd’hui : Channing, son boss, qui n’avait pas pu louper les sièges arrières débordant de toutes les affaires de la brunette.

La vie est un prêté qu'il nous faut un jour rendre.

Richard est mort il y a maintenant seize ans et pourtant, Channing se souvient très nettement de la force avec laquelle son coeur s'est brisé quand on l'a empêché d'entrer dans la chambre d'hôpital de son père. Du regard désolé des médecins, de Mary qui fait mine de s'effondrer dans les bras de l'un d'eux, de lui qui attire Lexie contre son torse pour l'étreindre. La réalisation n'avait pris que quelques secondes, son monde avait cessé de tourner mais pas celui qui l'entourait, et chacun des sons qui avait résonné à sa proximité ce jour-là se jouait encore avec une facilité déconcertante dans son esprit. Celui de son propre coeur battant à ses oreilles, du ronflement de son nez provoqué par ses larmes, des pleurs étouffés de sa petite soeur. De la prise au vent d'un dossier que l'on ferme après y avoir griffonné une heure de décès, d'une porte qui s'ouvre puis se referme quasi définitivement, des paroles d'un médecin à un interne pour l'inciter à les emmener, la brunette et lui, ailleurs. Il se souvient avec précision des faits et gestes de chacun, si précisément que cela en est douloureux au simple songe. Il se souvient s'être débattu dans les bras d'un blond à peine plus vieux que lui, le futur chirurgien obéissant aux ordres de son supérieur en les attirant à l'écart de la chambre de Richard, puis s'être écroulé sur un fauteuil inconfortable aux côtés de sa soeur. Son père, le pilier de leur famille, celui dont l'amour servait de liens entre eux et le nom des Walker, venait de rendre son dernier souffle à quelques mètres. et plus rien ne serait pareil maintenant qu'il n'était plus là.

et de la même façon que la maladie avait arraché Richard, un accident venait de priver les Sisco de leur père. Il avait appris la nouvelle il y a quelques jours, par écrit, et avait dû s'asseoir un moment sur son sofa en contemplant les quelques lignes de texte. Antone et lui se connaissaient depuis quelques années, s'étaient rencontrés au détour d'un feu rouge sur leurs cylindrées en tous points différentes, et il n'avait pas fallu plus que quelques verres en terasse au feu tricolore suivant pour qu'ils échangent leurs prénoms ainsi que leurs numéros. Oh, le plus vieux d'eux deux avait passé l'âge de provoquer les aiguilles de son compteur, se moquait à la moindre occasion de la trottinette électrique du Walker et Channing le lui rendait bien en essayant de se faire entendre au travers du boucan provoqué par son dinosaure, mais cela ne faisait que rendre leurs virées ensemble plus dynamiques. Ils étaient au moins aussi différents que leurs motos, mais se trouvaient au milieu de ce joyeux désordre des atomes crochus qui suffisaient à leur provoquer des éclats de rire et des sourires entendus, et cela était amplement suffisant. En dehors de cela, il ne savait pas grand chose de la vie privée du cinquantenaire. Si ce n'est qu'il était père, prof et consultant pour la ABC, avec un coeur tendre derrière le sarcasme de ses paroles et le cuir de sa veste. Ils ne se confiaient pas grand chose, se voyaient surtout pour s'accorder d'un mouvement de tête et passer des heures à sillonner Brisbane, mais la façon dont leur dernière venait de s'achever avait un goût amer. Le point final à la lettre le fait déglutir difficilement, replier le papier sur ses marques puis rediriger son regard dans le vide de sa pièce à vivre. Une des choses qu'il déteste le plus en ce bas monde sont les adieux.

Sa voiture se gare au milieu d'autres sur le parking de l'église, et l'héritier attend peut-être quelques minutes afin que les personnes déjà présentes s'éloignent avant de quitter l'habitacle. Aucun visage ne lui sera familier dans la foule, et s'il sait que généralement les personnes présentes ne le sont pas assez pour s'interroger sur la présence d'un inconnu, il tient toutefois à s'épargner au mieux l'attention. Alors il attend un peu, s'ajoute à la fin de la masse qui entre dans le lieu de cérémonie, et se tient au fond de la salle en évitant prudemment les contacts visuels. Le silence ne met que quelques secondes à s'installer et les hommes de cérémonie prennent le relais pour diriger les funérailles, le brisant avant que des pleurs ne le fassent. Ses yeux noisettes s'orientent alors vers le surplomb, ses oreilles se tendent à contrecœur et Channing croise ses mains dans son dos au moment où la famille est invitée à tour de rôle à prendre la parole. Mais si son visage aborde l'air le plus inexpressif qui soit, ses paupières en chassent la neutralité en un battement lorsque Mila prend place puis la parole. Mila Valentini, son assistante, l'italienne qui travaille pour lui depuis plusieurs années et qui a demandé sans raison apparente un jour de congé il y a peu. Mila, l'une des filles de son ami. Il pense halluciner une seconde mais sait qu'il n'en est rien alors que la voix étrangement fébrile de la brune résonne entre les murs de l'église, le figeant malgré lui. Elle est sa fille, sa plus vieille fille visiblement, et il l'ignorait complètement. Comment est-ce possible ? Les mots qu'elle prononce ont du mal à faire sens à ses oreilles alors qu'il réalise, mais lorsqu'elle s'interrompt et qu'il bat à nouveau des paupières, Channing comprend qu'elle vient de le voir à son tour.

Elle se reprend, échappe quelques larmes, puis retourne s'asseoir peu après pour laisser la place à qui en veut. La cérémonie se poursuit, se termine à l'extérieur lorsque le cercueil disparaît sous le niveau de la surface, et comme plusieurs l'héritier ne s'attarde pas davantage. Il ne veut pas échanger avec qui que ce soit si ce n'est peut-être Mila, mais la brune semble avoir déjà disparue alors qu'il s'éloigne pour regagner le parking. Ils parleront plus tard, en feront au moins mention avant de tourner la page et probablement de prétendre que cela n'est jamais arrivé, cela n'est pas une urgence. Sa main se plonge dans sa poche tandis qu'il s'approche de sa voiture, mais son regard est happé par les courbes familières d'un véhicule qui n'est pas le sien et il ralenti inconsciemment le pas. Il n'a jamais vu la précieuse Camaro de la brune être aussi chargée, et il comprend que sa propriétaire ne rentrera pas où elle en a l'habitude ce soir. A-t-elle l'intention de quitter la ville ? C'est ce qu'autant de valises entassées sur les sièges arrières présagent. et alors qu'il s'est arrêté, le bruit de pas qui s'approchent le font tourner la tête pour tomber nez à nez avec la brune, clés à la main et larmes sur les joues.

Il y a un moment de latence entre eux, un où aucun mot ne semble être juste. Ils n'auraient pas dû se retrouver ici et Channing est incapable de savoir par où commencer alors qu'il regarde la jeune femme. Aucun mot n'a d'importance dans ces instants, c'est du moins ce qu'il pense, quand rien de ce qu'on avait put lui dire à la sortie du cimetière quand son père venait d'être mis en terre n'était parvenu à ne serait-ce l'effleurer. Il ne trouve rien de pertinent à lui dire, se contente de la regarder en terminant lentement de sortir ses propres clés de voiture. Aucun mot n'a d'importance, une présence en revanche oui. Son regard quitte l'italienne pour se reporter sur le chargement de la Chevrolet, puis se reporte sur Mila. « Viens dormir à la maison. » souffle t'il à voix basse, assez forte pour être entendue, assez faible pour ne pas percer la bulle de la brune. Il ne va pas l'ennuyer de mots tous plus vides les uns que les autres, ni lui poser de questions, mais ne tient pas à la savoir seule dans ces moments. Peu importe qu'ils parlent ou non, le Walker lui offre sans condition son toit et sa présence pour l'empêcher de sombrer quand tout semble s'arrêter.

Il est monté dans sa voiture, elle dans la sienne, et quelques dizaines de minutes plus tard le duo s'engage dans Bayside puis sur le parvis de sa villa. Il se gare, quitte son habitacle et délaisse sa sportive pour aller aider la demoiselle à décharger ses affaires. Il ne tient pas à lui demander pourquoi est-ce qu'elle a décidé de partir, le comprend quand lui a fait la même chose seize ans en arrière en allant se réfugier dans un hôtel avec sa petite soeur. Il porte ses bagages à l'intérieur, lui ouvre la porte d'une chambre d'amis en y déposant ses valises. « Tu peux rester autant de temps que nécessaire, Mila. Je ne t'embêterais pas avec des questions. » précise t'il entre deux aller-retours, se tournant vers elle pour la regarder. Elle connait les lieux, et l'héritier l'invite à prendre ses aises. Il ne réfléchit pas vraiment en l'accueillant ainsi chez lui, n'attend rien en retour de sa part. Elle peut partir demain ou dans quelques semaines que cela lui importe peu, tant qu'elle a quelque part où aller ensuite. C'est probablement le fait qu'il se reconnaisse un tant soit peu dans son cas qui le pousse à agir ainsi, même s'il ignore la relation qu'elle entretenait avec Antone - sans prendre en compte le peu qu'il ait pu en déduire lors de sa prise de paroles. Il ne la prend pas en pitié, ne l'infantilise pas non plus : Channing lui apporte simplement un soutien qu'elle peut choisir ou non d'utiliser. Il s'apprête à sortir de la chambre pour la laisser s'installer lorsqu'il s'interrompt dans l'embrassure, tourne à demi la tête dans sa direction. « On faisait souvent de la moto ensemble, depuis quelques années. » lance t'il doucement pour lui éviter d'avoir à lui demander pourquoi il était là-bas. Puis il se reporte devant lui et sort posément de la pièce pour aller se changer et prendre une douche.

@mila valentini

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@Channing Walker - Mila Valentini

Mila s’éclipse de la cérémonie dédiée à Antone dès qu’elle le peut. Elle ne peut pas en supporter davantage, ne peut pas sentir sur elle le regard compatissant d’inconnus, ne peut pas entendre leurs mots emplis de sollicitude, et surtout, elle ne peut pas croiser leurs regards débordant de larmes. L’ont-ils réellement connu ? L’ont-ils connu plus qu’elle-même le connaissait ? C’est possible, et ça fait mal de penser que certains étaient plus proches du corse qu’elle ne l’était de son propre père. Alors après le cimetière, la brunette s’éloigne après un dernier regard vers ceux qui sont les seuls membres de sa famille qui lui restent, hormis sa mère, ceux qu’elle fuit pourtant, et rejoint sa voiture.
Pourtant, elle s’arrête net, à un mètre du véhicule, lorsqu’elle relève la tête de son sac après avoir trouvé ses clés. Chan est là, debout à côté de sa Camaro, et leurs regards se croisent pour la deuxième fois aujourd’hui. Le silence s’éternise entre eux, et la brunette n’est pas réellement décidée à le briser. Elle n’a rien à lui dire, et il n’a rien à faire là. Tout ce qu’elle aimerait, c’est qu’il s’éloigne de sa voiture pour qu’elle puisse y monter et aller chercher un endroit où dormir. Peut-être qu’elle ira à l’hôtel ce soir, même si ça coûte de l’argent, car elle a plutôt envie d’être seule. Ou peut-être qu’elle ira dormir sur la plage, en profitant pour observer le ciel étoilé avant de fermer les yeux. Channing sort ses propres de clés de voiture de sa poche, et elle croit qu’il va enfin s’éloigner. Pourtant, elle suit son regard qui se porte sur les sièges arrière de sa voiture, surchargés d’affaires diverses.

« Viens dormir à la maison. »

Les sourcils de la brunette se froncent alors qu’elle le dévisage, semblant réfléchir grandement à la proposition. Avec lui, elle ne serait pas seule. Mais au final, sa villa est suffisamment grande pour qu’elle s’enferme dans une chambre si elle en a besoin. Peut-être que pour ce soir, et ce soir uniquement, c’est mieux que la plage. Alors elle finit par hocher la tête, incapable de prononcer un mot pour l’instant, tant sa gorge est serrée.

Elle le suit jusqu’à chez lui, garant sa Chevrolet dans l’allée de la villa luxueuse du Walker. Prévenant, comme à son habitude, il l’aide à décharger sa voiture et monte ses valises dans l’une des chambres d’amis. Elle ne connaît pas cette pièce, n’y a jamais dormi, mais un simple regard à cette chambre lui confirme qu’elle y sera bien, avec tout le confort qui caractérise cette maison.

« Tu peux rester autant de temps que nécessaire, Mila. Je ne t’embêterais pas avec des questions. »

Et elle lui en est reconnaissante. Elle sait qu’elle devrait lui donner des explications, se confier pour une fois un peu plus sur sa vie privée et familiale, qu’elle a gardé secrète si longtemps. Mais pour l’instant, elle n’en est pas capable. Alors elle se contente, comme précédemment, de hocher la tête pour acquiescer.
Une fois que toutes ses affaires ont été déposées en vrac dans la chambre, elle ouvre l’immense armoire murale dont plusieurs étagères sont vides. Un sourire triste s’affiche sur son visage, alors qu’elle reconnaît là la prévenance de l’héritier, qui fait toujours tout pour que les autres se sentent à l’aise. Elle imagine facilement ses invités, venus passer quelques jours à Brisbane, apprécier la simplicité et le luxe de cette villa, et se sentir rapidement comme chez eux.

« On faisait souvent de la moto ensemble, depuis quelques années. »

Elle se fige, les mains sur les portes de l’armoire, tournant le dos à Channing. Elle ne bouge pas pendant un long moment, même lorsqu’elle a senti que le Walker avait quitté la pièce, bien avant qu’elle n’entende ses pas légers s’éloigner. Il a répondu à l’une des questions qu’elle se posait intérieurement, et même si elle en a encore cinquante à poser, elle n’est pas encore prête à les verbaliser. Pas alors que la boule dans sa gorge n’est pas encore partie, et que les larmes menacent toujours de couler. Elle finit de déballer une partie de ses affaires : le minimum dont elle aurait besoin pour un jour ou deux. Elle ne compte pas s’éterniser ici, ce serait trop étrange. Et puis, elle va bien devoir trouver une solution plus pérenne. Elle enfile ensuite un maillot de bain, attrape une serviette et quitte la chambre.

« Je vais à la plage. Je reviens plus tard. »

Il est déjà tard, mais elle a besoin de se retrouver seule et, à cette époque de l’année, les gens ne sont pas nombreux à oser s’aventurer sur le sable frais, même si les températures de l’océan sont encore agréables. Mila se débarrasse de sa serviette non loin de l’eau et va se baigner. Elle nage un long moment, jusqu’à ce que la fatigue la gagne et l’oblige à aller s’allonger sur le sable, les yeux rivés sur le ciel.

Il fait déjà nuit quand Mila rejoint la villa de Chan, et elle le trouve dans la cuisine, en train de préparer le repas. Enroulée dans sa serviette, ses cheveux humides, elle attrape un couteau et se met à couper les légumes posés sur la planche à découper. Elle ne dit pas un mot pendant plusieurs minutes, puis se lance finalement, son regard bleuté obstinément fixé sur les légumes.

« Depuis combien de temps tu le connais … connaissais ? »

Elle lève finalement ses yeux tristes et les plongent dans ceux de Chan.

« Est-ce que … »

Elle se mordille la lèvre inférieure, ayant visiblement peur d’entendre la réponse à la question qu’elle s’apprête à poser.

« Est-ce qu’il t’a déjà parlé de moi ? Peut-être en m’appelant par le surnom qu’il m’avait donné avant qu’il ne quitte ma mère, quand j’avais trois ans : Bianca ? »

On sent tout l’espoir qu’elle place en cette question et pourtant, elle espère que Chan sera sincère avec elle et ne lui dira pas ce qu’elle a envie d’entendre.

« C’est stupide … J’adorais ce livre à l’époque, Bernard et Bianca … »

« Je vais à la plage. Je reviens plus tard. » Il redresse la tête en l'entendant, acquiesce sans un mot et la suit du regard alors que l'italienne disparaît par la terasse. Il ignore ce qu'elle ressent, si elle a assimilé le décès de son père ou si elle est encore en phase de déni. Il ne peut prétendre le savoir, et ce même s'il a lui aussi perdu son père. Channing considère que chacun vit la perte d'un être cher d'une façon différente et incomparable, et qu'un deuil peut se vivre de centaines de façons différentes, rendant celle de Mila difficile si ce n'est impossible à déceler. Il faut dire que la brune est assez secrète sur sa vie privée, ne lui a même jamais parlé des siens ou des liens qu'elle entretient avec eux, alors que des occasions se sont forcément présentées depuis le temps qu'ils collaborent. Mais sont-ils proches à ce point, réellement ? Ils travaillent ensemble, ont déjà partagé des moments plus intimes que d'autres, mais se connaissent-ils vraiment ? L'héritier en doute, sait au fond de lui qu'ils n'ont jamais été de ceux à parler et partager des détails sur leurs vies. Mila sait de lui ce que la presse laisse entrevoir, pense probablement - comme beaucoup, qu'il est quelqu'un de respectable et droit dans ses chaussures. Qu'il a beaucoup des qualités requises pour diriger un empire comme le Walker Group, et est un patron respectueux de ses employés. Lui sait d'elle qu'elle est une femme douée derrière son joli minois d'apparat, maladroite mais avec une envie sincère de bien faire, appliquée et avec qui il est agréable d'échanger. Mais ils ne savent l'un de l'autre que ce qu'ils veulent montrer, n'est-ce pas ?

La nuit tombe peu à peu sur Bayside, et après avoir fait un peu de paperasse dans son bureau dans l'espoir de voir réapparaître la brune à un moment ou à un autre, Channing s'est finalement résolu à aller prendre une douche puis se mettre aux fourneaux. Il ne pense pas que la brune ait très faim, mais tient à lui préparer quelque chose le cas échéant. C'est donc dans une tenue décontractée, un jogging confortable sur les hanches et un débardeur sur le dos, qu'il commence à préparer un plat tout en guettant du coin de l'oeil sa terasse. Si le soleil disparaît entièrement et qu'elle n'est pas remontée, il ira la chercher - que ce soit pour lui proposer un plaid et un oreiller si elle préfère s'isoler sur la plage pour la nuit, ou lui indiquer le chemin à suivre pour rejoindre la villa. Mais il n'aura pas à se donner cette peine, puisqu'il ne faut qu'une dizaine de minutes supplémentaires à son assistante pour refaire surface, enveloppée dans une serviette de plage, ses boucles brunes perlant sur cette dernière. Il est rassuré même s'il ne le montre pas, et se contente de la regarder un instant lorsqu'elle décide de l'aider avec les légumes.

« Depuis combien de temps tu le connais … connaissais ? » Il met à bouillir les pâtes, baisse un peu le regard à sa question. Il se doute que Mila s'en pose plusieurs, toutes tout à fait légitimes, mais Channing a peur de la décevoir en lui avouant ne pas l'avoir connu plus que ça. Il avait rencontré Antone par hasard il y a quelques années, est incapable de dire avec certitude combien exactement, et s'ils avaient noué une amitié ils n'étaient pas pour autant fourrés ensemble tous les week-ends. Ils passaient davantage de temps sur leurs cylindrées, à ne pas pouvoir se parler dû au vacarme notamment de celle du plus vieux d'eux deux, qu'à discuter en terasse de la pluie et du beau temps. Ils échangeaient parfois à peine quelques mots en une après-midi entière de promenade, et cela leur convenait amplement. Channing pourrait dire à Mila à quel point sa moto était bruyante et nonchalante, lui décrire la façon dont ils se critiquaient à tour de rôle d'un ton plaisantin, mais risquait de la décevoir si elle attendait de lui qu'il lui parle de la personne qu'il était derrière ses vestes en cuir. et n'était-ce pas ce qu'elle voulait, savoir qui il était ? Lorsqu'il se tourne vers elle, l'italienne plante ses billes bleues dans les siennes noisettes et il soutient son regard. « Est-ce que … » Il lui laisse le temps de choisir ses mots, d'empêcher sa lèvre de trembler et de poursuivre lorsqu'elle se sent prête. Pendant ce laps de temps, il en profite pour leur servir deux verres de vin, les jugeant les bienvenus. « Est-ce qu’il t’a déjà parlé de moi ? Peut-être en m’appelant par le surnom qu’il m’avait donné avant qu’il ne quitte ma mère, quand j’avais trois ans : Bianca ? » La confession le fait frémir, et l'héritier déglutit en silence avant de tendre son verre à la demoiselle et de garder le sien entre ses doigts. « C’est stupide … J’adorais ce livre à l’époque, Bernard et Bianca … » Elle est triste. Perdue, aimerait être rassurée. Aimerait que Channing lui dise qu'il ne s'agit que d'un cauchemar, qu'elle va se réveiller demain dans un monde où son père respirera toujours. Mais il ne peut pas lui mentir, ni lui dire ce qu'elle veut entendre, et ils le savent tous les deux. « Ce n'est pas stupide... pas du tout. » Il s'appuie distraitement au meuble auquel il tourne le dos, se plonge dans ses souvenirs pour trouver les propos les plus justes afin de répondre aux interrogations de la brune, puis redresse le regard vers elle après l'avoir baissé une seconde. « Cela devait faire deux ou trois ans, je ne sais plus exactement. On s'est rencontrés par hasard en ville, et le contraste de nos motos ainsi que de nos personnes nous a amusé. Le père de famille sur sa grosse Harley, le gamin sur sa sportive. » Gamin est un bien grand mot, mais il souhaite que Mila comprenne où il veut en venir. Channing se laisse envahir par les souvenirs agréables de leurs sorties, l'air éternellement taquin de l'homme qu'il aurait aimé mieux connaître, et l'abominable son de sa moto avant de poursuivre. « Je le connaissais peu, malheureusement. On passait plus de temps à se suivre lors de nos balades qu'à papoter en terasse autour d'une bière, mais je savais qu'il était père. De deux filles et un garçon. » Il marque une pause, son regard parcourant celui de la brune qui semble pendue à ses lèvres. L'héritier esquisse alors un sourire qui se veut aussi doux que timide, avant de poursuivre. « et le prénom de Bianca m'a marqué, parcequ'il n'est pas courant ici en Australie. Je le connaissais peu, on parlait peu, mais il m'a bien parlé de toi Mila. » Si cela n'aurait pas été le cas, il aurait secoué la tête par la négative au risque de décevoir la demoiselle. Mais, peut-être par signe du destin ou preuve d'amour du père Sisco, Antone lui avait bien déjà parlé de sa plus grande fille. « Je... je suis incapable de te dire ce qu'il m'a dit mot pour mot à ton sujet, cela fait trop longtemps. Mais il t'aimait, et regrettait de ne pas t'avoir vue grandir comme il l'aurait aimé. » et ce détail, même si cela fait longtemps que Antone le lui a partagé, Channing ne l'a pas oublié. Il ne l'a pas oublié car l'amour d'un père pour ses enfants est une chose qui le touche et le marque, et il se souvient avec une netteté déconcertante du visage du motard à l'évocation du regret.

@mila valentini

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@Channing Walker - Mila Valentini

Après plusieurs heures passées sur la plage, à s’isoler, réfléchir, ressasser ses maigres souvenirs, observer le ciel, Mila rejoint finalement la villa de Channing, qui a offert de l’héberger aussi longtemps qu’elle le souhaitait. Dans la tête de la brunette, ça veut dire une seule nuit, et elle promet de réfléchir dès demain à l’endroit qu’elle pourrait aller occuper. Mais pas ce soir. Ce soir, trop de pensées occupent son esprit. Elle met pourtant longtemps à verbaliser certaines des questions qui l’obsèdent, restant un long moment silencieuse, enroulée dans une serviette de plage, dans la cuisine de son boss, à couper des légumes. Mais finalement, elle se lance, et l’interroge, l’observant, suspendue à ses lèvres. Elle espère qu’il pourra lui répondre, et qu’elle ne sera pas déçue. Mais elle espère aussi qu’il sera sincère, car elle sait qu’il peut lire sur son visage tout l’espoir qu’elle place dans les réponses du Walker.

« Ce n’est pas stupide … pas du tout. Cela devait faire deux ou trois ans, je ne sais plus exactement. On s’est rencontrés par hasard en ville, le contraste de nos motos ainsi que de nos personnes nous a amusé. Le père de famille sur sa grosse Harley, le gamin sur sa sportive. »

Un sourire triste se dessine sur le visage de la brunette, alors qu’elle imagine parfaitement la scène. Elle voit clairement dans son esprit Antone taquiner Channing alors qu’ils se croisent sur la route, revoit son sourire et son air malicieux.

« Je le connaissais peu, malheureusement. On passait plus de temps à se suivre lors de nos balades qu’à papoter en terrasse autour d’une bière, mais je savais qu’il était père. De deux filles et un garçon. »

Mila ne sait pas si, à cet aveu, elle est déçue ou soulagée. Sans doute un peu des deux. Déçue que Chan ne l’ait pas plus connu, n’ait pas cent anecdotes rigolotes à lui raconter, ne puisse pas combler les vides qui demeurent dans l’histoire familiale de la brunette. Mais soulagée qu’il ne le connaisse pas plus qu’elle ne le connaissait. Car s’il était son père, ils n’étaient pas proches, apprenaient simplement à s’apprivoiser. Le temps leur a pourtant manqué, et elle aurait sans aucun doute souffert que Chan connaisse par cœur son père, alors qu’elle avait elle-même tant de lacunes. Alors elle se contente de hocher la tête pour confirmer qu’elle écoute toujours, suspendue à ses lèvres.

« Et le prénom de Bianca m’a marqué, parce qu’il n’est pas courant ici en Australie. Je le connaissais peu, on parlait peu, mais il m’a bien parlé de toi Mila. »

Elle encaisse les révélations, hoche une nouvelle fois la tête, la gorge serrée : elle est cette fois-ci terriblement soulagée, et émue. Ses yeux bleus se mettent à briller alors qu’elle en attend plus, toujours plus : plus d’informations, plus de révélations.

« Je … je suis incapable de te dire ce qu’il m’a dit mot pour mot à ton sujet, cela fait trop longtemps. Mais il t’aimait, et regrettait de ne pas t’avoir vue grandir comme il l’aurait aimé. »

Mila boit une gorgée du verre de vin que l’héritier Walker lui a tendu il y a quelques minutes, et qu’elle a attrapé machinalement. Mais elle a du mal à avaler, tant sa gorge est serrée alors qu’elle lutte contre les larmes. En vain. Voilà les traitresses qui roulent silencieusement sur ses joues alors que la brunette détourne le regard et repose le verre sur le plan de travail. Pour s’occuper les mains et l’esprit, elle recommence à découper les légumes, s’appliquant plus que nécessaire sur sa tâche, et essayant au passage de ne pas se couper un doigt, alors que les larmes brouillent sa vision. Au bout de plusieurs minutes, elle laisse échapper un soupire et murmure.

« Merci. »

Elle inspire calmement pour stabiliser sa voix et commence, hésitante, à se confier, comme elle ne l’a jamais fait avec Chan, ni avec personne.

« Mes parents ont divorcé quand j’avais trois ans. Je suis restée à Florence avec ma mère. J’ai cru jusqu’à ce qu’Antone m’apporte des preuves, il y a quelques semaines, qu’il m’avait abandonné en même temps qu’il l’avait abandonné elle. Mais c’était faux … »

Elle secoue la tête, toujours concentrée sur sa tâche.

« Ma mère m’a fait croire cela, a empêché mon père d’approcher, de me parler, ne m’a pas remis ses lettres ou ses cadeaux. »

Elle relève la tête vers Channing, ses yeux bleus reflétant toute la tristesse et les regrets qu’elle ressent.

« Je lui en ai tellement voulu, pendant toutes ces années, pour rien … »

Mila fait glisser les légumes de la planche en bois dans une poêle, et prend une nouvelle gorgée de vin, qui cette fois-ci descend plus facilement que la précédente.

« Ensuite, pour résumer : ma mère est venue à Brisbane pour le boulot quand j’avais dix ans, s’est mariée avec le proprio de la chaîne d’hôtels Sharp, avec qui on a vécu jusqu’à ce qu’il demande le divorce en 2020. Il a brisé le cœur de ma mère, et lui a tout pris. Tout. »

La brunette se hisse sur le plan de travail, s’installant sur le comptoir, ses jambes battant dans le vide, alors qu’elle plonge son regard bleuté dans celui de Chan.

« J’ai vécu dans le grand luxe, et je me retrouve avec rien. Ma mère est dans une maison de repos : dépression. Et presque tout mon salaire passe dans ce centre. C’est pour ça que j’étais retournée chez Antone à Noël, pour avoir un toit. »

Elle hausse les épaules, finit son verre de vin d’une traite et le tend à Chan sans un mot sur la boisson.

« Finalement, moi aussi je le connaissais peu. On a passé ces derniers mois à se disputer, moi pour lui reprocher son absence et son abandon, lui croyant que j’avais encaissé ses chèques et profité de ses cadeaux sans jamais le remercier ou dénier le contacter. »

Mila saute du plan de travail, rougissant légèrement.

« Je suis désolée, je n’aurais pas dû t’embêter avec tout ça. Je … Désolée. »

Après tout, il n’est que son patron. Mais il est là, lui. Et pour une fois, elle a envie de dire la vérité à quelqu’un sur ce qu’elle a vécu. Ca aurait pu être à Freddy. Ca aurait dû être à Freddy, mais l’acteur s’est enfui à l’autre bout du monde, laissant sa femme affronter seule les épreuves de la vie.

Ils travaillent ensemble depuis plusieurs années, ont déjà partagé des moments plus intimes que d'autres, pour autant Channing ne connait pas vraiment la personne qui se cache derrière ces beaux yeux bleus. Il voit en Mila ce qu'elle accepte de lui montrer, soit pas davantage que n'importe qui entre les murs du Walker Group. Elle est son assistante, une employée douée et qu'il affectionne, mais si leur relation a connu quelques écarts elle n'est pour autant pas une que l'on peut qualifier de proche. et voir ainsi l'italienne baisser ses murs, échapper quelques larmes et s'appliquer à découper des légumes avec bien plus de minutie que nécessaire, l'attriste un tant soit peu. Lui-même est bien placer pour savoir que les façades ne se fragilisent qu'en cas d'urgence, et il est désolé d'assister à la scène sans pouvoir rassurer la brune davantage. Antone et lui ne se côtoyaient qu'à d'irrégulières occasions, n'étaient pas des confidents et à peine des amis, et il n'avait par conséquent pas beaucoup d'anecdotes à partager à la demoiselle même s'il devinait sa curiosité tout à fait justifiée. « Merci. » Il guette ses réactions, les courbes de son visage, cherche à deviner quelles émotions la traversent : le soulagement, la déception, la nostalgie, les regrets ? Il a du mal à lire en elle, se contente de plisser les lèvres dans une moue avant de reprendre une gorgée de vin. et la suite est assez inattendue.

Mila entreprend un long monologue sans pour autant retrouver son regard, des larmes silencieuses roulant sur ses joues, tandis qu'elle se plonge dans des souvenirs vraisemblablement douloureux à la façon dont sa voix vacille de temps à autre. Elle s'ouvre à lui sur son passé, lui partage des détails de sa vie d'enfant, celle ayant influencée sa vie d'adulte. Elle se confie sur ses remords, l'état de sa mère, ses difficultés financières, les quiproquos qui lui ont causé et lui causent encore aujourd'hui beaucoup de peine alors qu'elle s'en veut ne pas avoir profité de son père de son vivant. et maintenant qu'il est trop tard, le couteau entaille plus profondément la plaie quand plus rien ne pourra changer ce qui a été fait. Il s'approche sans un mot des fourneaux lorsqu'elle se hisse sur le plan de travail, prenant le relais pour poêler les légumes. « Je suis désolée, je n’aurais pas dû t’embêter avec tout ça. Je … Désolée. » Il secoue la tête, termine de préparer le repas sensiblement au moment où elle termine son récit, et Channing la regarde après avoir rempli à nouveau leurs verres de vin. « Ne le sois pas. Vraiment pas. » Il lui fait signe de prendre son assiette après les avoir servi et emboîte le pas en se dirigeant vers le salon, jouant les équilibristes pour y emmener son assiette, son verre et la bouteille. Il s'assoit, invite Mila d'un regard à s'installer sur un sofa, et l'héritier reprend après une pause. « Je ne te juge pas, et ce que je vais dire à pour seul but de t'aider. » avoue t'il dans une confidence, relevant ses yeux noisettes vers elle en usant d'une voix douce. « Ne t'en veux pas plus que de raison. Tu n'as fais que payer les frais de mensonges qui n'étaient pas les tiens. Ce n'est pas de ta faute. » et sur ces paroles, sa main se pose un instant sur l'épaule de la brunette pour la lui serrer, déviant dans son dos qu'il lui frotte un instant sans trop s'y attarder pour autant. Il ne veut pas la faire pleurer à nouveau, ni la mettre mal à l'aise, mais tient à lui apporter son soutient. « Vous avez peut-être passé ces derniers mois à vous chamailler, mais cela ne remet pas en doute l'amour que vous vous portiez. Sois en sûre. » Sa main quitte son dos, et il esquisse un sourire avant d'entamer son repas pour encourager Mila à en faire de même. Lui non plus n'a pas faim, mais ils doivent avaler quelque chose.

@mila valentini

why does my heart cry ☽ you fooled me from the star when you let me start to love you. its like a bunch of broken picture frames, but the photo still remains the same. and i, i thought it'd be easy to run but my legs are broken. all alone, all we know, its hauting me. making it harder to breathe

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@Channing Walker - Mila Valentini

Les vannes sont ouvertes, et Mila ne s’y attendait pas. Chan lui a entrouvert une brèche qui laisse s’échapper un flot de paroles incontrôlable. La brunette ne pensait pas se confier à quelqu’un, et surtout pas à Channing. Elle est plutôt réservée sur sa vie privée, et rare sont ceux qui connaissent la vérité. Même ses plus proches amis ne savent pas, en principe, qu’elle est maintenant sans un sous et que sa mère souffre de dépression. Mila est secrète, et elle ne pensait en tout cas pas que ce serait auprès de son boss qu’elle s’épancherait. Ils ne sont pas amis. Et s’ils ont, par le passé, déjà franchi des limites en termes d’intimité, ils ne sont pas proches. Ils ne sont unis que par un lien de subordination. Mila apprécie Chan, et il lui plait même beaucoup. Néanmoins, elle n’est pas certaine que si leur relation professionnelle prenait fin, ils garderaient contact. Peut-être se croiseraient-ils occasionnellement à des galas où elle réussirait à entrer, mais c’est tout.
La brunette finit son récit en même temps que Chan termine de préparer le repas et, même si son plat sent bon, l’odeur retourne l’estomac de Mila. Elle n’a pas faim, n’a rien envie d’avaler. Elle le suit pourtant docilement dans le salon et s’installe dans un canapé non loin de lui, déposant son assiette sur la table basse.

« Je ne te juge pas, et ce que je vais dire à pour seul but de t’aider. »

Elle se crispe en l’observant, parce qu’en général, quand une phrase commence ainsi, il est presque certain que la fin ne fera pas plaisir.

« Ne t’en veux pas plus que de raison. Tu n’as fait que payer les frais de mensonges qui n’étaient pas les tiens. Ce n’est pas de ta faute. »

Elle pince les lèvres et boit une gorgée de vin pour essayer de se donner une contenance. Finalement, elle hausse les épaules, ne sachant pas quoi lui répondre, et n’ayant pas la capacité, à l’heure actuelle, de réfléchir assez posément à cette affirmation. Peut-être a-t-il raison, sans doute même, mais elle n’est pas en état de le savoir. Elle n’est pas dans une optique où elle peut laisser le rationnel prendre le pas sur l’émotionnel, pas maintenant.

« Vous avez peut-être passé ces derniers mois à vous chamailler, mais cela ne remet pas en doute l’amour que vous vous portiez. Sois en sûre. »

Elle esquisse un faible sourire en guise de « merci », un « merci » qu’elle n’arrivera cette fois-ci pas à prononcer. Elle chipote dans son assiette, tourne distraitement ses pâtes avec sa fourchette. Elle enfourne un légume dans sa bouche, le mâche beaucoup trop longuement et termine son verre de vin pour l’avaler. Son estomac est noué, et elle est incapable de faire mieux à l’heure actuelle. Son regard passe un instant de son verre vide à Channing.

« Est-ce que tu aurais quelque chose de plus fort ? »

Parce qu’elle a besoin d’oublier, d’anesthésier la douleur et les remords. Et peu importe l’alcool qu’il finit par lui servir, elle en descend plusieurs verres. Malheureusement, à la fin de la soirée, elle ne se sent pas mieux, simplement plus fatiguée et moins alerte. Elle finit par rejoindre la chambre prêtée par Channing, ôte simplement la serviette de plage qui la couvrait toujours depuis le début de soirée et se glisse entre les draps. Là, elle fixe longuement le plafond, incapable de faire quoi que ce soit : elle n'est pas capable de dormir, ni même de pleurer. Son esprit vagabonde, tout simplement, et lui laisse un arrière-goût amer dans la bouche, alors qu’elle se remémore très peu de souvenirs, et pas toujours des bons. Après près de deux heures à se retourner encore et encore, elle finit par se lever et rejoindre la chambre de Channing, dont elle connait parfaitement l’emplacement, pour y avoir déjà dormi il y a plusieurs années. Elle toque doucement avant d’ouvrir la porte, frissonnant dans son maillot de bain dans l’embrasure de la porte. Et elle demande d’une voix hésitante.

« Est-ce que … est-ce que je peux rester avec toi ? »

Rien de sexuel, pour une fois, juste le besoin d’une présence avec elle, de bras autour d’elle pour la réconforter et lui éviter de se briser en mille morceaux.

Ils ne se sont jamais comportés ainsi l'un avec l'autre. Leurs rapports ont toujours été ou professionnels ou intimes, mais jamais Channing n'a un jour interagi avec une Mila à fleur de peau. Leur relation ne les a jamais orienté sur cette voie, et s'ils ont déjà commis quelques écarts en terme de professionnalisme jamais leur lien ne les avait incité à se comporter d'une manière à ce point bienveillante l'un auprès de l'autre. Il l'écoute avec soin, lui répond avec tout autant de minutie et l'italienne semble trouver un certain réconfort dans les paroles qu'il lui adresse. Pudiquement, certes, mais la glace semble se briser alors qu'il espère, ne serait-ce un peu, l'aider à affronter cette soirée et les jours qui vont suivre. Il n'a pas perdu son propre père d'un accident de la route, c'est un fait, mais la nouvelle avait été à l'époque aussi soudaine qu'elle l'a été pour son assistante. Un cancer caché à ses enfants qui l'idolâtraient, qui ont perdu leur seule figure parentale en un coup du destin auquel ils n'avaient été nullement préparé. Les circonstances avaient été différentes, mais la peine demeurait encore bien réelle dans sa poitrine malgré les années. et s'il n'oserait prétendre pouvoir compatir exactement à celle de la brune, Channing pouvait malgré tout essayer de l'aider du mieux qu'il le pouvait. « Est-ce que tu aurais quelque chose de plus fort ? » Son regard croise le sien, et l'héritier se lève lentement en acquiesçant avant d'aller se saisir d'une bouteille de whisky dans sa réserve. Il se saisit de deux verres de circonstances, puis vient les poser devant eux avant d'en remplir généreusement le contenu. Lui se contente d'un seul, Mila quant à elle se ressert jusqu'à se satisfaire de la façon dont l'alcool endolorit sa peine, et le duo finit par se séparer pour aller se coucher.

Un peu de vaisselle pour se distraire, et l'héritier ne tarde pas après un dernier tour sur sa terasse à aller se glisser dans ses draps. Il est fatigué, et espère trouver le sommeil au plus tôt pour que cette journée puisse se terminer. Ce qui semble être en mesure de lui être accordé, à la façon dont son corps s'enfonce dans le matelas et dont ses yeux se mettent à papillonner. Un trop plein d'émotions, et il ne tarde pas à trouver le sommeil en une poignée de minutes, seulement pour en être tiré environ deux heures plus tard. Sensible aux sons inhabituels depuis son cambriolage, le chant des mouettes et le bruit des vagues ne le perturbe plus, mais celui de la poignée de sa porte suffit à lui faire ouvrir l'oeil. Il bat des paupières, immobile un instant, avant de reconnaître la silhouette en bikini de son assistante. « Est-ce que … est-ce que je peux rester avec toi ? » Sa voix sonne comme lointaine et hésitante, et l'héritier marque une petite pause le temps de rassembler ses idées. Il hoche d'un mouvement de tête à peine perceptible dans l'obscurité, dégageant les draps pour libérer la place à ses côtés. « Si tu veux prendre un t-shirt dans mon armoire, sers toi.. » lance t'il d'une voix rauque par la fatigue, attendant patiemment en refermant les yeux de sentir le corps de la brune s'installer près du sien. Il rabat les couvertures sur l'italienne une fois celle-ci allongée, et son bras s'enroule délicatement autour de sa taille d'une façon tout ce qu'il a de plus simple et protecteur. « Essaie de dormir un peu, Mila. » murmure t-il avant de, dans les minutes qui suivent, retrouver le sommeil aussi facilement qu'il l'a délaissé.

@mila valentini

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