Appuyer sur la queue, le regard fixé sur la partie de billard qui se termine, je prie silencieusement que mon collègue rate son dernier tir afin de laisser une chance à Jonathan de reprendre le dessus. Mais rien à faire ! Drake est bien trop fort à ce jeu, si bien qu'il permet aux Américains de nous mettre, encore une fois, au tapis en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. «fuck » grognais-je, alors que notre adversaire échange quelques high five avec ses collègues de la US Air force, nous laissant, Manchester, Colibri, Hawkeye et moi-même ruminer notre nouvelle défaite.

« Bon, à qui le tour ? » Demande celui qui est surnommé Crow, s'avançant vers la table, les bras écartés en signe de défis. Attrapant ma pinte, je vide ce qui en reste d'une traite et la repose sur la table avant de m'avancer, m'essuyant la bouche du revers de la main. «Aah, encore une qui ne sait pas abandonner» roule-t-il des yeux en secouant la tête avant de planter son regard dans le mien «la fierté peu faire mal quand elle est mal placée » souffle-t-il, sourire narquois sur les lèvres « Pas plus qu'un coup de queue dans les boules » répondais-je sans me laisser démonter. Hochant doucement la tête, il me toise de haut en bas puis hausse les épaules «A toi l'honneur du coup » annonce-t-il en désignant la table sur laquelle les boules sont en triangle.

Me mettant en position, je vise le milieu de la structure avec la boule blanche et, d'un coup sec, je tire, faisant exploser les boules qui s'éparpillent dans tous les sens. Une fois que le tout s'est à nouveau immobilisé, je contourne la table, me concentre à nouveau et allait tirer au moment où mon portable se met à sonner. «Mais putain ! » m'exclamais-je en sortant le téléphone de la poche arrière de mon pantalon «c'est qui le con qui ... » je me tais brusquement en apercevant le prénom de Jackson qui s'affiche sur l'écran. «Sorry les gars, faut que je prenne cet appel » dis-je rapidement en me dirigeant vers le plus âgé de notre groupe « Manchester va prendre ma place pendant cette manche» car un appel de Jackson est bien trop précieux pour qu'on n'y réponde pas !

Décrochant, je pose l'appareil contre mon oreille et allais dire quelque chose, mais mon meilleur ami ne me laisse pas le temps et se fout de ma gueule et de ma façon de tenir les queues, ou plutôt de ne pas savoir comment les gérer. « ...hein ?» c'est tout ce que je parviens à répondre alors que mon cœur manque un battement. Quoi ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Comme se fait-il qu'il me parle de queue ? «T'es tellement en manque de sexe ou quoi ? » demandais-je en regardant autour de moi. Du coup de l’œil, j’aperçois Anthony qui m'observe et je lui lance un simple regard d'incompréhension « C'est un pari ou quoi ? Pourquoi tu m'appelles pour me dire ça ?» Demandais-je alors que je m'éloigne du groupe pour me diriger vers la sortie afin de pouvoir mieux entendre ce que mon meilleur ami a à me dire.

J'aurais bien aimé aider mes collègues Australiens à ridiculiser et à remettre à leur place les Américains, mais l'appel de Jackson est bien plus précieux que cette rivalité à la con. Ça fait un peu plus d'une semaine que nous ne nous sommes plus parlées, chacun de nous étant bien trop occupé et le décalage horaire n'aidant pas. Alors, lorsque mon meilleur ami appelle, je ne peux faire autrement que de décrocher et lui parler. C'est pour cela que je décide de sortir du bar afin de m'éloigner et de chercher le calme pour pouvoir parler en toute tranquillité.

Marchant dans le sable en direction de l'océan, je fronce les sourcils lorsque Jackson me dit que quelqu'un lui a dit qu'on se faisait ridiculiser par les Américains «Manchester... » Soufflais-je en secouant la tête « J'aurais pas dû vous présenter, vous êtes chiant séparément et les pires quand vous êtes ensemble» malgré tout, c'est un sourire qui s'affiche sur mes lèvres tant je suis quand même pas mal heureuse que mon meilleur ami et mon wing man préféré s'entendent aussi bien. «C'est pour ça qu'il a passé sa soirée sur le téléphone ? Parce qu'il te faisait un briefing en direct live, c'est ça ? »

Je laisse échapper un rire amusé et m'immobilise lorsque Jackson me demande ce que je raconte de beau. « C'est l'éclate» dis-je avec un doux sourire sur les lèvres « Les pilotes américains sont vraiment incroyables. Nous avons chacun nos qualités et des techniques et tactiques de vols bien à nous et c'est vraiment un réel bonheur d'échanger, de montrer, de tester et de s'entraîner tous ensemble. J'avoue que j'avais quelques appréhensions au début mais au final plus ça va moins j'ai envie de rentrer» je rigole à nouveau alors que je me laisse doucement glisser au sol « Ces deux semaines étaient hyper enrichissantes, autant sur le plan militaire que sur le plan camaraderie» je souris et retire mes chaussures, laissant mes pieds s'enfoncer dans le sable « Là on a deux jours de permissions, avant qu'on ne nous brief réellement sur la mission et qu'on ne commence le vrai entraînement» expliquais-je, mon regard se perdant dans les vagues qui viennent s'échouer sur la plage.

Entendre la voix de mon meilleur ami a quelque chose d'extrêmement réconfortant. Même si je me plais ici, même si j'adore cette aventure que je suis en train de vivre, il y a des choses qui me manquent en Australie et Jackson est là pour me le rappeler. Même s'il ne réagit pas à mes paroles, je sais qu'il m'écoute et je sais qu'il doit sûrement être en train de réfléchir à la prochaine connerie qu'il va me sortir.

Je ne pensais pas si bien dire ! A peine ai-je dit que j'étais en permission, qu'une présence derrière moi me souffle à l'oreille que « nous devons en profiter ». M'effrayant brillamment, je sursaute et étouffe un cri de surprise. Mais alors que j'étais en train de me redresser pour m'éloigner, deux bras m'agrippent la taille et me soulèvent en l'air pour m'entraîner dans une toupie infernale. J'ai à peine le temps de reconnaître l'agent fédéral et son rire si distinct, que déjà mon corps rencontre l'eau salée de la mer. Gigotant dans la panique, je réussis à m'extirper des vagues et me redresse face à un Jackson toujours aussi hilare « Mais t'es un vrai connard !» m'exclamais-je en le fixant, ahurie, avant de lever les yeux au ciel et de me joindre à son rire.

M'avançant vers lui, je lui envoie une trombe d'eau dessus avant de le rejoindre sur la plage « Mais qu'est-ce tu fous là ? » demandais-je, large sourire se dessinant sur mes lèvres alors que mon regard, lui, se fixe sur celui de Jackson, la joie, que nous ne pouvons et ne voulons cachée, se lisant sur chacun de nos visages.

Je savais que Jackson me manquait. Mais je ne savais pas que c'était à ce point avant que mon rire ne fasse écho au sien. Le voir là, devant moi, sur cette plage de Santa Barbara à des milliers de kilomètres de là où nous nous étions quittés quelques semaines plus tôt, me semble presque irréel. Et pourtant, il est bel et bien là, en chair et en os lorsque je m'avance vers lui et que je le prends dans mes bras pour le serrer contre moi alors qu'il me dit qu'il me surveille. « Chacun son tour hein» haussais-je les épaules avant de le relâcher et de le rejoindre sur le sable.

M'installant à ses côtés, j'apprends qu'il est aux USA en tant que garde du corps d'un acteur. À ce nom, j'arque un sourcil « T'es sérieux ? Livingstone genre… Andrew Livingstone ? Un peu, que je le connais !» m'exclamais-je « Enfin connaître… Je connais ses films, quoi» haussais-je les épaules « je ne savais pas que tu fréquentais des acteurs toi ! » Le charriais-je en lui donnant un petit coup de coude dans les côtes « Alors  dis moi, il est comment ce job ? T'es grassement payé, je suppose non ? Est-ce qu'il est autant une diva qu'il en a l'air ? » demandais-je, curieuse d'en connaître plus sur ce job pour lequel Jackson a parcouru le globe.

Je n'ai pas le temps d'ajouter quoi que ce soit, qu'il tend un petit paquet, précisant qu'il vient de la part d'Erika. Inclinant légèrement la tête sur le côté, je l'interroge silencieusement du regard alors que j'attrape le cadeau « T'es enfin allez te présenter à ma copine ? » Demandais-je, demi-sourire sur les lèvres « Tu sait que tu ne lui a pas laissé une bonne première impression ? Elle était terrorisée à l'idée que tu puisses me faire quelque chose» et dans le fond, je suis, mine de rien, persuadé que la situation aurait facilement pu dégénérer si je n'avais pas une confiance aveugle en Jackson. En attendant sa réponse, je commence à déballer une petite boîte dans laquelle je trouve une bague argenté, fine et simple et pourtant si jolie « Tu crois que c'est une demande en mariage camouflée ?» Demandais-je en laissant échapper un rire alors que je glisse la bague à mon doigt.

Je roule des yeux lorsque Jackson fait preuve de bien trop de bon sens pour me révéler quelques secrets un peu croustillants concernant l'acteur. «bon » dis-je en me redressant « J'espère qu'il est au moins gentil et que t'es traité avec respect» c'est la moindre des choses en vrai.

Toutefois, même si je le voulais, on n'aurait pas continué sur la lancée de cette conversation, celle-ci étant détournée par Jackson qui me donne un cadeau venant d'Erika. Me moquant gentiment du fait qu'il ait enfin osé se présenter, j'ouvre doucement le paquet, jetant un coup d'œil en biais au jeune homme lorsqu'il me répond que ça lui convient bien qu'elle souhaite rester loin de lui. Je sais exactement à quoi il fait référence et je hausse les épaules « Erika est 100% Lesbienne. Même avec de l'alcool, tu n'arriveras pas à l'avoir dans ton lit» répondais-je avec un sourire mutin, essayant d'ainsi balayer les doutes qui pourraient s'immiscer dans son esprit.

Une fois le paquet ouvert, je découvre une jolie bague et m'étonne un instant du cadeau n'ayant absolument pas l'habitude de me voir offrir des bijoux, même si, au final, ça ne m'étonne en rien avec Erika. Lorsqu'en plus Jackson répond à mon questionnement par le fait que rien ne l'empêchera d'être témoin, je laisse échapper un rire « Tu seras témoin et flower boy » répondais-je du tac au tac «J'espère que t'as gardé ton costume de sailor moon que t'avais mis à la pride l'année dernière ! Parce que t'en auras besoin »

Je lui adresse un clin d’œil amusé avant de lancer un coup d’œil au-dessus de mon épaule lorsqu'il me donne deux options pour la suite de notre soirée. «Allez go, on ne laisse pas un soldat derrière nous !» m'exclamais-je en me levant. M'époussetant le short et les mains, j'attrape mes chaussures et retourne vers le bar.

Lorsque je pousse la porte, de nombreux paires d'yeux se tournent vers nous, nous dévisageant. Me doutant parfaitement que ce n'est que parce que je suis trempé à cause du bain non-volontaire, je les ignore royalement et m'avance vers la table de billard « Le renfort est là !» annonçais-je en arrivant derrière Manchester qui était sur le point de se concentrer. Le pilote se redresse et son large sourire, lorsqu'il reconnaît Jackson n'a d'égal que l'ennui qui se lit sur le visage de Trooper contre qui mon ailier jouait. « Jackson m'a dit qu'il prenait la relève maintenant» « C'est de la triche» s'offusque l'américain, tel le gamin qu'il est « Eh qu'est-ce que tu vas faire Troopi, hein ? Tu vas aller pleurer et te plaindre à ton supérieur ?» Demandais-je, fausse moue compatissante sur le visage. Le voir relever le menton sans savoir quoi répondre de plus me ferait presque jouir, alors que j'attrape une queue que je tends à Jackson. «Trooper va casser en premier et ensuite, c'est du dog fight jusqu'au bout» dis-je avec un sourire en coin, persuadé qu'avec Jackson à nos côtés la réussite est assurée.

C'est avec un sourire amusé et en secouant la tête que j'observe le bref l'échange fraternel entre Manchester et Jackson. C'est ainsi que mon meilleur me confirme à nouveau que mon binôme est dans le coup et je me note mentalement de le remercier le plus chaleureusement possible lorsque le temps nous le permettra. Mais pas tout de suite ! Car pour l'instant, tout ce qui compte c'est de mettre l'ennemie hors d'état de nuire afin de restaurer notre honneur australien.

Lorsque mon meilleur ami se penche en avant, j'ignore les quelques gloussement féminin qui s'élèvent discrètement dans les airs et l'observe, grimaçant lorsqu'il ne parvient à n'en faire rentrer qu'une seule. Pinçant les lèvres, je lance un coup d’œil vers Manchester avant de m'avancer vers à mon tour vers la table. La contournant légèrement, je trouve le meilleur placement possible avant de me pencher à mon tour et, avec un mouvement habile de queue, je met la boule rouge dans le trou. Jubilant intérieurement mais gardant au maximum une poker face, sachant parfaitement que tout cela peut se retourner contre nous, je me redresse et laisse la place à Manchester.

Ce petit jeu continue pendant encore de longues minutes, jusqu'à ce que, finalement, Jackson mette la boule noire dans un trou, scellant ainsi notre victoire ! Les américains sont dépités tandis que nous autre australiens célébrons notre victoire comme il se doit. Je fini toutefois par revenir vers mes collègues et tend la main vers Trooper  « Bon jeu» dis-je en souriant. Après quelques secondes d'hésitation, le jeune homme soupire et, affichant à son tour un sourire, attrape ma main et la sers fermement dans la sienne  « Vous vous joignez à nous encore pour une tournée ? C'est nous qui offrons» Haussant les épaules, je me tourne vers mes collègues et les interroge du regards avant de hocher la tête lorsqu'ils acquiescent.

Quelques minutes plus tard, nous nous retrouvons tous attablé et sommes, tous les 6, rejoint par 3 autres collègues de USAF et de la RAAF. Tandis que nous attendons que nos bières arrivent, Trooper se tourne vers Jackson  « Et toi, du coup, t'es qui exactement? Et c'est quoi ta fonction pour être habillé comme ça ?» son ton est certes, un peu moqueur et peut-être même un peu hautain, mais, commençant à le connaître, je sais que c'est juste sa façon de parler et sa façon d'être générale.

Revoir Jackson dans ces conditions me fait grandement plaisir. Encore plus après qu'il soit la raison de notre victoire ! Je ne sais pas si sans lui on aurait réussi à finir la partie en la gagnant, mais fait est qu'avec lui tout est plus simple. Et au final, je remarque bien que l'équipe des Américains remarquent bien que Jackson est un adversaire de taille et, mettant leur fierté de côté, ils nous invitent à prendre un verre qu'ils payeront. Mon meilleur ami n'a pas besoin de longtemps avant d'accepter et s'installe à mes côtés. Très rapidement, je me détourne de Trooper et Jackson pour les laisser parler entre eux, n'écoutant que d'une oreille distraite quelques bribes de leur conversation. Leur ton, lorsqu'ils se répondent, sont dédaigneux et presque hautain, mais leur échange restent cordial. Connaissant le passif de Jackson et surtout son caractère caustique, je reste quand même un peu sur mes gardes, encore plus lorsque Trooper lui répond avec un  « ah» des plus hautain lorsque l'agent lui apprend à faire de garde rapproché.  «Et du coup t'as déserté ta place auprès de l'autre pour être auprès de Louisa ? Je vois ...  » Qu'il annonce sur un ton doucereux et plein de sous-entendu.

Je cesse un instant ma conversation avec mon collègue pour fusiller Trooper du regard avant de lever les yeux au ciel et de secouer la tête, décidant d'ignorer encore une fois les sous-entendus qu'il ne cesse de faire à mon égard. Un jour, il comprendra que jamais il ne pourra m'avoir dans son lit, encore moins en faisant autant d'allusions.

Fort heureusement, Jackson a tôt fait de se détourner, sans doute a-t-il compris qu'il ne servait à rien de discuter avec cet individu. C'est donc avec Manchester qu'il décide d'engager la conversation et je sens que l'ambiance devient tout de suite moins tendue.  «C'est vraiment sympas » répond-t-il en prenant une gorgé de sa bière lorsque Jackson lui demande comment se passe le training  « On peut dire ce qu'on veut des américains, fait est qu'ils sont vraiment à la pointe de la technologie et qu'ils ont des techniques de vols assez ouf» explique-t-il  « La coopération se passe bien aussi, même si ce n'était pas gagné au début, la rivalité ayant eu du mal à se faire oublier, mais maintenant ça va beaucoup mieux» Manchester me lance un coup d’œil, remarquant que mon collègue et moi-même avons cesser notre conversation  «Y a eu quelques situations assez dangereuse parce qu'il y en a ici qui ne connaissent pas leurs limites » reprend-t-il avec un regard appuyé sur moi-même auquel je répond avec la moue la plus innocente que je peux afficher  «on fait tous des erreurs hein » répondais-je en haussant des épaules  « ouais, mais pas forcément des erreurs qui coûtent une vie et 34 000 000 de dollars» répond-t-il du tac au tac. Pour toute réponse, je soupire et roule à nouveau des yeux avant de reporter mon attention sur mon collègue et de reprendre notre conversation, blessée dans mon ego et dans ma fierté.

Manchester, quant à lui, se tourne à nouveau vers Jackson avec un sourire en coin puis reprend sa bière  « Bon, et toi alors ? Ça, c'est bien passé cette première semaine ? Pas trop compliqué de retenir les fangirl ?» Qu'il demande, amusé.