Elle était endormie contre lui, dans ses bras. La tête dans le creux de son épaule, une main posée sur son torse. Il avait la main posée dans le creux de ses reins. Une jambe de Billie s’était enroulée autour de la sienne. Il y avait ce genre de nuits où ils se transformaient en scoubidou, ou quelque chose de semblable. La paix régnait dans l’appartement de Dawson. Le soleil était bloqué par les épais rideaux qui le sauvaient lorsqu’il bossait de nuit et devait dormir le jour. Ils étaient dans leur petit monde, sur leur petit nuage et surtout dans les bras de Morphée. Alors, quand son téléphone se mit à vibrer, il ne l’entendit pas. Hélas. C’était sa mère qui lui précisait qu’elle passerait par la boulangerie au passage. Il ne prêta pas attention à son téléphone, il resserra au contraire son étreinte et vint poser son menton sur le dessus du crâne de celle qui partageait ses nuits, ses jours et pas mal de ses pensées. Il la serra davantage contre lui avant de s’endormir à nouveau. Le message avait été un indice … une main tendue pour le sortir de la situation dans laquelle il allait se retrouver d’ici quelques minutes. Dix heures trente. Et, la mère d’Oliver était toujours aussi ponctuelle. Derrière la porte de son appartement, elle se mit à sonner tout en affichant un de ces sourires ravis. Ouais, ils allaient partager un petit déjeuner ensemble - un samedi matin. Pour elle, une petite bénédiction. Elle adorait son fils aîné et encore plus de pouvoir découvrir sa vie privée, un petit bout de son univers. Chose tellement rare qu’il l’avait oublié. Il avait complètement oublié sa mère.
Quand on sonna une deuxième fois, ses yeux s’ouvrirent et sa main libre vint se poser sur la joue de sa binôme. « Putain - qui est-ce-qui insiste à ce point un samed matin ? je reviens …» souffla-t-il en déposant un tendre baiser sur son front, la laissant prendre une autre position. Elle, elle pouvait rester encore sous les draps. Pour l’instant. Vêtu d’un simple short, il se dirigea vers la porte pour regarder qui était là et la vision … fut un choc. Son sang se glaça. Bordel ! Un pas en arrière et sa mère sonnait de nouveau. Merde ! Un regard vers la porte de sa chambre : Billie puis vers la porte. Il pouvait courir vers Billie, lui dire que sa mère était là, qu’elle devait se conduire normalement … normalement, c’était lui qui perdait les pédales. Il allait s’apprêter à se diriger vers sa rouquine quand sa mère garda son doigt appuyé sur la sonnette et il ouvrit la porte à la volée, affichant un sourire des plus radieux et la laissant entrer.
« Oh ‘man ! J’ai complètement zappé …» Arrivant à sa hauteur, elle déposa un baiser sur sa joue tout en lui tapotant le ventre. « Le boulot ? », qu’elle demanda avant de faire comme chez elle et déposer les sachets sur le comptoir qui trônait dans la cuisine. Il croisa les bras, un regard inquiet vers la direction de sa chambre. « Euh … ouais … non, ouais si t’as raison le boulot. Oh maman» et il insista sur le mot pour que Billie puisse l’entendre. « Tu veux boire quelque chose ? » Elle leva un sourcil, surprise par le comportement de son fils et elle se fit alors suspicieuse, apercevant un perfecto qu’elle ne connaissait … tout comme deux verres sur la table du salon et elle s’approcha alors de son fils, le regard pétillant : « Tu as de la visite ? » Il allait s’apprêter à lui répondre le plus gros des mensonges quand la silhouette de Billie apparut derrière lui et que le regard de sa mère croisa le sien. Il déglutit. « Une collègue » qu’il lâcha dans un soupir de soulagement presque, se tournant vers Billie. Sa mère le regarda lui, puis elle, puis de nouveau lui alors il secoua la main pour finalement dire : « Elle a passé la nuit ici … des soucis avec son appart’. Billie Redfield, ma mère - Violet Dawson. » et alors que le petit bout de femme au chignon parfaitement discipliné se dirigea vers Bilie, il lui offrit un sourire désolé, haussant les épaules.
Man is not what he thinks he is, he is what he hides
Je suis bien là. Lovée entre ses draps et dans ses bras. Rêvant, comme je ne l’ai plus jamais fait auparavant. Un sourire flottant sur mes lèvres, mes songes se rapportent à mon père. Et, y’a un peu d’Oliver Dawson dedans. Par contre, mes rêves sur ce dernier, je les garde égoïstement pour moi. Bien que ça se résume souvent à la Brigade et qu’on soit en intervention sur le terrain, mais ça reste des rêves, quand même. Non ? Dans une semi-conscience, dans les bras de Morphée, je ressens son étreinte. Qu’il se serre un peu plus contre mon corps et que moi, ça m’apaise.
Dormant profondément, je n’entends réellement rien de ce qui peut se passer. Nullement consciente de la future apocalypse qui ne va pas tarder à apparaitre dans l’appartement d’Oli. Moi, tout ce dont je suis capable en ce moment même, c’est de me pelotonner encore plus contre lui. Et ce, toujours aux pays des songes, que je compte pas quitter de sitôt. Toutefois, je le sens qui se meut, mais pareil, ça me réveille pas. Quand il parle cependant, là, j’ouvre un œil. Pour le refermer aussitôt. Ayant compris dans ma torpeur, que quelqu’un vient de sonner. Et que c’est insistant pour un Samedi matin. Un peu trop même. C’est tout ce que je peux interpréter, alors que je me tourne sur le côté, entrainant la couette avec moi. Parce que c’est une bouillote Oliver et que sa peau contre la mienne, c’est parfait. Moi, j’ai juste l’un de ses grands t-shirts et ma culotte. Et, plus mon chauffage humain, du coup. C’est emmerdant.
Imperceptiblement, j’entends des bribes de conversation. Faisant alors, une moue dans mon sommeil. Une moue quelque peu contrariée, alors que je suis en train d’essayer de me rendormir. Or, toujours dans un état de sommeil plus ou moins paradoxal, je discerne la voix du brun et une autre. Mais, ça me choque pas. Ce n’est que lorsque j’entends la voix plus forte d’Oliver que je fronce les sourcils. Et, si j’ai bien compris. Y’a sa mère ? Sa mère ? Cette fois, je me lève d’un bond et faut croire que le réveil est hyper efficace. Encore mieux que la sonnerie du téléphone. Encore mieux que le réveil. C’est dire. Y’a sa mère, dans son appart’ et je sais pas quoi faire. De toute, y’a quelques indices de ma présence : mon perfecto de cuir noir, mes Dr. Martens, mon sac à dos dans un coin de la chambre. Ouais, impossible de me rater.
Haussant un sourcil, je m’assieds rapidement au bord du lit et enfile mon pantalon en jean. Plaçant le t-shirt d’Oli’ dans mon pantalon. Avant de discipliner mes boucles rousses et de jeter une œillade à la hâte au reflet que me renvoie mon téléphone. J’ai pas le temps de passer par la case salle de bain. Y’a sa mère, dans l’appart’. Dans son appart’. Mais, féline, je décide de m’approcher. Pour voir de quoi il en retourne. De toute façon, je l’ai dit : c’est mort. J’ai laissé un peu trop de trucs ici et là. Et, ce serait con de pas m’approcher. Je tente de rester sérieuse, quand je le vois peu à l’aise. Et, de me présenter comme telle : une collègue. C’est bien ça que je suis. Fondamentalement. Pour ce faire, j’entre dans le jeu de mon comparse, tendant une main élégante vers cette femme.
- Un sérieux dégât des eaux. Le voisin au-dessus de chez moi. Du coup, votre fils me dépanne. Que je dis en souriant, avant de continuer. Sur le même ton. Enchanté Madame Dawson. Avant de relâcher ma propre poignée de main, et frotter mon pantalon. Si j’ai bien compris, c’est un petit déj’, maman et fils. Alors, je vais vous laisser. Et, de me diriger vers la chambre, pour récupérer mon sac à dos et de me faire interrompre dans ma destination par la voix de sa mère. Oups. - Oh non. Ne partez pas. Pour une fois, je dis bien une fois que mon fils a de la visite et que sa chère mère tombe dessus. N’est-ce pas, mon Oliver ? - Ahah. Je veux pas déranger. Je veux pas interrompre un moment mère-fils. - Allons. Allons. Vous m’en apprendrez peut-être plus sur mon fils que mon fils lui-même.
Une grimace qui se destine à être un sourire. Mais, je scrute Oliver. C’est sa mère, et moi, je suis carrément gênée là. D’où le rire de malaise qui s’échappe de ma bouche, quand sa mère place l’une de ses mains dans mon dos pour m’exhorter à rester. Et, parler de son rejeton. Et merde.
La vision de sa mère dans son appartement n’avait rien de rassurant … encore moins quand en tournant la tête, il y apercevait Billie. Les deux en même temps : catastrophe. Une véritable catastrophe. Sa mère était douée pour découvrir absolument tout. Elle aurait pu être flic, il en était convaincu. Elle était toujours parvenue à lui faire dire ce qu’il ne voulait pas dire, à lui tirer les vers du nez quand il essayait de dissimuler quelque chose. Un talent. Elle avait un sixième et un septième sens, peut-être un huitième même. Bref, la vision de ces deux femmes dans son appartement … était juste un cauchemar. Avec Billie, ils essayaient de se construire une relation. A petits pas. De minuscules pas … et voilà que sa mère débarquait sur le terrain comme une fleur, avec son large sourire et ses tonnes de sachets, prête à préparer des oeufs brouillés et du bacon ; sans aucun doute. Il avait les bras croisés, ne sachant pas vraiment si leur tourner le dos était une bonne idée. Il faisait confiance à Billie mais le petit bout de femme aux cheveux gris, beaucoup moins.
« Un sérieux dégât des eaux. Le voisin au-dessus de chez moi. Du coup, votre fils me dépanne. » Il joignit les mains devant lui pour la remercier, exagérant légèrement dans le dos de sa mère qui venait de serrer la main de la rouquine. « Enchanté Madame Dawson. » « Violet», qu’elle précisa en lui lâchant la main. « Si j’ai bien compris, c’est un petit déj’, maman et fils. Alors, je vais vous laisser. » Elle était absolument parfaite … et rallongeait la liste des services qu’il avait à lui rendre. Oups. « Oh non. Ne partez pas. Pour une fois, je dis bien une fois que mon fils a de la visite et que sa chère mère tombe dessus. N’est-ce pas, mon Oliver ?» Il s’avança vers sa mère, les sourcils froncés. « Ahah. Je veux pas déranger. Je veux pas interrompre un moment mère-fils. » « Ouais j’pense que … » « Allons, allons. Vous m’en apprendrez peut-être sur mon fils que mon fils lui même.» Il laissa les bras se décroiser et tomber le long de son corps.
« Ok. Je vais préparer un café - ça vous dit ? », qu’il dit sur le ton du type qui se voit obligé et contraint de capituler. « Tu vas aller surtout me mettre un tee-shirt » qu’elle répondit tout en lui jetant un regard hautement maternel. Elle ne l’avait pas élevé ainsi. On n'accueille pas ses invités de la sorte. Elle soutint son regard jusqu’à ce qu’il leva les épaules pour aller se chercher un tee-shirt et revenir dans les trente secondes. Trente secondes, c’était le nombre de secondes qui lui semblaient raisonnables pour laisser ces deux femmes, ensemble, sans lui. En train d’enfiler son tee-shirt, il débarqua de nouveau dans la pièce principale. « C’est quand même plus présentable.» dit-elle en lui adressant un sourire radieux tout en cherchant confirmation dans le regard voire les paroles de cette invitée qui allait être prise à part. Autant être prévenues. « Évidemment. » qu’il dit en roulant des yeux, se dirigeant vers une armoire pour en sortir trois tasses et s’occuper du café.
Violet, assise sur son haut tabouret, se tourna alors vers cette invitée surprise. « Et bien Billie, donc vous êtes la collègue d’Oliver – enquêtrice vous aussi donc ? Est-ce-que vous saviez que …» Il s’interposa aussitôt en posant une main sur l’épaule de sa mère. « Nan nan nan, tu commences pas par faire un interrogatoire tordu, ‘man. » Leurs regards se croisèrent et il ajouta un : « s’il te plaît. »
« J’crois que c’est la première personne que je rencontre qui te connaît et à qui tu ne sembles pas encore avoir briefé sur le discours à réciter. » Sourire carnassier. Sourire rouge carmin. Elle lui tapota le ventre une nouvelle fois ; un foutu reflexe qu’elle avait depuis toujours et il roula des yeux une nouvelle fois comme un gosse. A chaque fois, quand il faisait face à sa mère. « Il est un peu trop pudique … j’arrête pas de lui dire qu’il n’y a aucune raison. Il a tout pour plaire mon Oli.» Affairé à préparer le café, on le vit laisser tomber la tête en avant dans un soupir. « Mais donc … Billie … vous travaillez depuis longtemps avec Oli ? Ne soyez pas vexée s’il ne nous a jamais parlé de vous, Oli ne parle jamais de rien ni de personne …»
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Moi qui pensais entamer un week-end pour le moins reposant avec Oliver, j’étais dans le déni. Total. Parce que sa mère est apparue en ce Samedi matin, pimpante et désirant offrir à son fils chéri un petit-déj’ estampillé mère-fils. En ce qui me concerne, je comprends rapidement que je suis de trop et d’ailleurs, je souhaite même m’éclipser. Or, la matriarche ne semble pas être de cet avis. Alors qu’Oli’, lui, parait être du mien. Fronçant imperceptiblement mes sourcils, je sens bien que c’est le genre de femme qui a l’œil sur tout. Qu’à elle, rien peut lui échapper. Et surtout, c’est en riant intérieurement, que je m’aperçois des échanges qu’elle peut avoir avec son fils ‘adoré’.
Évidemment, je n’en montre strictement rien. Gardant l’uniforme pur et dur du binôme qui a eu une merde pas possible dans son appartement. Même, si j’ai une envie de saluer Oli’ convenablement par un baiser, il est hors de question que je succombe à cette envie. Clairement pas. Déjà, que je tente d’être à l’aise face à mon interlocutrice qui me recadre d’un ‘Violet’, je vais m’abstenir d’embrasser son rejeton sous ses yeux. Merci bien. Alors, bah, j’obéis à l’injonction de rester de cette dame. Et, de venir me placer sur un tabouret haut, pas à côté d’elle, mais en face. Tapotant du bout de mes ongles le comptoir de l’îlot central avec une hâte certaine d’avoir une tasse de café entre les mains. Pinçant mes lèvres, je jette une œillade grise à la dérobée, au brun qui est en train de se soustraire à la préparation du café. Pour essayer de ne pas pouffer de rire, vu les paroles de sa mère.
Je le vois alors s’éclipser et se vêtir d’un t-shirt. Afin de le rendre présentable. Je dois avouer que la vue que j’ai eue jusqu’à présent, n’a pas été pour me déplaire. Bien au contraire. Or, au moment où je suis prise à partie par sa génitrice, j’hausse un sourcil. Sa phrase, me laisse entendre qu’elle cherche mon approbation. Que j’offre par un discret hochement de tête rousse. Si je verbalise ma pensée, c’est clair que je foire. Que je ‘nous’ foire. Alors, baaaaah, pour ne pas être celle qui va lâcher une grenade en plein dans cette cuisine : motus et bouche cousue. C’est peut-être plus safe, même si, elle insiste. Et, qu’elle continue de me parler et que moi, je commence doucement à tomber dans les abîmes du malaise.
- Oui. Oui. C’est bien ça. Que je réponds à sa question avec un sourire engageant, avant d’hausser mes sourcils, quand Oli’ se met en tête de l’arrêter sur sa lancée. Là, je peux pas m’empêcher de lui jeter un regard rempli d’interrogation. En espérant que Violet, le capte pas. Mais, elle ne continue pas. Et du coup, bah je sais pas ce qu’elle a voulu dire. Ah ? Y’a tout un discours à apprendre, c’est ça ? Je le dis en riant. Avant de me stopper progressivement, voyant l’échange maternel. Madame Dawson, c’est la mère louve, là. Et, là, je fais mine de toussoter dans ma main, pour cacher un petit rire. Il a donc tout pour plaire. Je peux pas vraiment dire le contraire, pour le coup. Oui. Si vous le dites.
Et, d’envisager de rester la plus neutre possible. La plus neutre. Avant que la question de mon interlocutrice ne me fasse froncer les sourcils de nouveau. Sachant pertinemment que mon partenaire ne s’épanche pas. Ne dit rien, sur ce qui peut se passer dans son taf. Soit, qu’il n’a pas parlé de moi, ne me vexe pas. Pas du tout. Ça me dérange pas en fait, je dois dire. Lorsqu’une tasse de café glisse enfin devant moi, je m’en empare. Pour en boire une gorgée, même si le breuvage est brûlant. Mais comme ça, ça m’occupe les mains.
- Ah mais Violet, je suis pas vexée. Il m’en faut carrément plus pour que je le sois. Que je dis avec un tendre sourire, plus destiné au fils qu’à la mère. Aloooors, ça fait un petit temps. Depuis qu’on est sortis diplômés de l’Académie de Police, en fait. Nos noms de famille n’étaient pourtant pas proches sur le feuillet mais ça a matché. Un silence. Et, je crois que je comprends sa démarche de ne parler de rien ni de personne. On est tellement confrontés aux horreurs de la vie, qu’on a pas envie qu’elles empoisonnent nos proches. Y’a un instinct de préservation, je pense. - Ah ? Tu veux donc préserver ta mère, en ne lui partageant plus rien, Oli ? C’est bien ce que je suis en mesure de comprendre ?
Oups. Merde. La. BOULETTE.
AVENGEDINCHAINS
Dernière édition par Billie Redfield le Ven 24 Juin 2022 - 11:39, édité 2 fois
« Ah ? Y’a tout un discours à apprendre, c’est ça ? » Il mima un écart entre son pouce et son index pour mentionner un potentiel discours, le potentiel discours que devaient, selon sa mère, apprendre les autres. Il avait évidemment ajouté un petit sourire à ce mime qui était surtout destiné à Billie. Il avait toujours veillé à dresser un rempart entre sa vie privée et sa vie professionnelle. Deux mondes distincts qui ne devaient pas se bousculer, se rencontrer. Oliver Dawson, aîné de la fratrie Dawson. Gosse de riche. Famille aisée et bien propre sur elle. Il ne voulait pas être associé aux idées radicales de son défunt père, à ses idéaux précaires et ô combien radicale. Non, il fallait garder ses distances, passer incognito … même si sa mère méritait d’être connue. C’était pas quelqu’un de foncièrement méchant, juste de très encombrant.
Il déposa les trois tasses de café sur l’îlot pour finalement se saisir de l’une d’entre elles. « Ah mais Violet, je suis pas vexée. Il m’en faut carrément plus pour que je le sois. Aloooors, ça fait un petit temps. Depuis qu’on est sortis diplômes de l’Académie de Police, en fait. Nos noms de famille n’étaient pourtant pas proches sur le feuillet mais ça a matché. Et, je crois que je comprends sa démarche de ne parler de rien ni de personne. On est tellement confrontés aux horreurs de la vie, qu’on a pas envie qu’elles empoisonnent nos proches. Y’a un instinct de préservation, je pense.» Il avait porté sa tasse à ses lèvres tout en ayant pris place aux côtés de sa mère sur un des tabourets de la cuisine. « Ah ? Tu veux donc préserver ta mère, en ne lui partageant plus rien, Oli ? C’est bien ce que je suis en mesure de comprendre ?» Le jeune homme soupira, un lourd soupir alors qu’il reposait sa tasse devant lui. « Je me souviens pas de papa te parler de toutes ses affaires en rentrant du boulot, si ? », qu’il répondit légèrement agacé. Il était bien trop tôt pour venir lui casser les couilles. Il n’avait pas assez dormi et il avait imaginé son réveil autrement. L’air offusqué de sa mère lui donna mauvaise conscience alors il ajouta avant qu’elle ne s’exclame. « C’est toi qui l’a dit, je suis un mec pudique. Mais tu vois, là, maintenant, t’as Billie devant toi et elle te confirme que je bosse dans la police. C’est un bon début. », et il vint la bousculer doucement tout en essayant d’échanger un regard complice.
« Hm. », marmonna-t-elle. « J’espère que vous ne fonctionnez pas comme ça, Billie. Il ne faut pas garder toutes ces horreurs pour soi, il faut se trouver une épaule sur laquelle se reposer et s’épancher. Un partenaire. » et elle insista sur le mot en lancant un regard plein de sous-entendus à son fils qui laissa tomber les mains à plat sur la table, las. « Et ca recommence … toi et ton envie à tout prix de me caser. Ton second fils te donne déjà tout ce que tu veux, laisse-moi vivre ma vie … et on devrait plutôt commencer à préparer le repas. Histoire de pas perdre de temps.» « C’est pas à quarante ans que tu devras te réveiller, Oli. Vous avez trouvé cette personne, vous ?», qu’elle demanda à Billie, espérant trouver une alliée, un argument supplémentaire pour caser son fils. Si elle savait ...
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Je fais mine de ne pas rire à sa petite intervention là. Son petit mime, qui me fait encore rire intérieurement. Et auquel, imperceptiblement, je souris. Mais pas trop quand même, pour pas nous faire nous griller par l’œil de lynx que semble avoir sa mère. Violet Dawson, elle me donne l’impression d’être une flic sous couverture. Et moi, de me retrouver sur la chaise de la suspecte et elle, en face. Dans le costume de la super enquêtrice qui laisse rien filer. Glanant chaque micro-expression, ou petites paroles distillées çà et là, comme un potentiel indice. Et ça, je peux pas me permettre.
Lorsque j’ai ma tasse entre mes doigts, j’ai cette sensation monumentale d’avoir fait la boulette du siècle. Celle qui est irrattrapable. Celle, contre laquelle je peux pas lutter. Vu la manière dont son fils lui répond, je transforme mon sourire en une grimace contrite. Avant que je n’entende à nouveau mon prénom. Mais, dans la bouche d’Oli’ cette fois-ci. Et que je confirme ses propos, en hochant ma tête rousse. Confirmant allègrement que ouais, il bosse bien avec moi, qu’il est mon équipier le plus proche et un soutien indéfectible. Avant que la matriarche Dawson ne poursuive sur sa lancée, ce qui me fait automatiquement boire une gorgée du café. Là, ce qu’elle me balance en pleine figure, c’est pas clairement prêcher le faux pour savoir le vrai ? Si je réponds trop vite : ça passe pas. Si je mets trop de temps à formuler une réponse : ça ira pas non plus. Bon, baaaaah.
- Hum. Que je commence, en reposant ma tasse de café devant moi. Je comprends tout à fait cette vision. Celle du partenaire. Avant d’entendre ce pauvre Oliver, se mettre allègrement à soupirer. Ça lui vaut d’ailleurs un petit gloussement, que je camoufle assez rapidement. Eeeeet … d’être prise à partie à nouveau. Et merde. Alors … Bon, en espérant qu’Oli’ va comprendre que je parle de lui, sans VRAIMENT parler de lui. Histoire de contourner la tornade-mère-d’Oliver-Dawson, sans me prendre une rafale en pleine figure. Ouais. J’ai trouvé une épaule forte sur laquelle compter. Quand ça va. Et quand ça va pas. Mais cette personne sait aussi, qu’elle peut compter sur moi. C’est réciproque. Une personne qui sait comment je peux fonctionner et qui me jugera jamais. Et, que je jugerais jamais. Parce que ouais, on se comprend. Un sourire tendre apparait sur mes lèvres, mais que je n’offre pas à Oli’. Pas d’indice. Pas de prise en flag’. Ah et je serais pas contre d’entamer le repas, parce que j’ai promis à une amie, que j’irais me dépenser avec elle, en allant courir.
C’est faux. C’est entièrement faux. Oliver sachant que je lui dédie mon week-end entier. Qu’il n’y a pas l’excuse de Cass’ avec qui aller courir. Quoique ça pourrait. Il suffirait juste que je m’éclipse pour aller écrire un message rapidement sur mon téléphone qui est resté dans la chambre. Mais, je peux pas. J’ai l’impression que chacune de mes actions va être scrutée. Ou jugée. Et, je suis presque à la limite de dire que je vais aller prendre une douche chez moi, mais non, j’ai un sérieux dégât des eaux. Elle me met mal à l’aise, parce que je l’ai dit : je me suis imaginée être réveillée totalement autrement. Pas avec la mère de mon binôme en plein milieu de son salon. Mais, comme quoi, tout peut arriver.
- Je vais vite aller prendre une douche, histoire que je sois prête en temps et en heure. Un long souffle, car je sens un regard planer sur moi. - Allez-y. Allez-y. On va s’occuper de tout ça, avec Oli’. Faites. Elle m’autorise à y aller d’un geste désinvolte de la main. Et, je me surprends à l’écouter et à obéir -surtout-, bien plus que ma propre mère. Okay. C’est perturbant.
À la vitesse de l’éclair, je déserte ce champ de mines, où j’ai l’impression de marcher à tâtons depuis qu’elle est arrivée. Ôtant tout ce que j’ai sur le dos, je me glisse sous une eau chaude et revigorante et y reste durant de longues, voire de très longues minutes. Avant d’en sortir et d’opter pour des vêtements de rechange, -heureusement que je les ai mis dans mon sac à dos-, un ensemble de sport vert émeraude. Composé d’une brassière, d’un legging moulant et d’un sweat large à capuche court. Tout dans cette même couleur uniforme. Et, d’attacher et de discipliner mes longues boucles rousses.
- J’ai pas été trop longue ? Que je questionne en arrivant, voyant déjà que tout est presque fini d’être préparé et que malgré tout, je me suis sentie coupable d’avoir abandonné les troupes en présence. Merci, pour tout ça, Violet. Que je dis en plantant ma fourchette dans mon assiette où trônent œufs brouillés et bacon. - J’aurais juste préféré que mon fils me prévienne, car je ne suis pas coutumière des imprévus. Ne vous vexez pas. Ce n’est pas contre vous.
Je me rends compte qu’à force de me dire de pas me vexer, je vais finir par l’être.
« Hum. Je comprends tout à fait cette vision. Celle du partenaire. Alors … ouais, j’ai trouvé une épaule forte sur laquelle compter. Quand ca va. Et quand ca va pas. Mais cette personne sait aussi, qu’elle peut compter sur moi. C’est réciproque. Une personne qui sait comment je peux fonctionner et qui me jugera jamais. Et, que je jugerais jamais. Parce que ouais, on se comprend. Ah et je serais pas contre d’entamer le repas, parce que j’ai promis à une amie, que j’irais me dépenser avec elle, en allant courir. » Oliver l’avait écouté tout en feignant de garder ses distances. Il était important de ne rien laisser transparaitre, surtout pas devant sa sociopathe de mère. Mais, Billie décrivait ce qu’il ressentait, en réalité. Elle était pour lui la personne qui le connaissait le mieux, qui connaissait ses défauts et ses qualités, ses démons. Elle n’essayait pas de les amadouer, de les diminuer, de les dompter. Elle le prenait lui et ses démons comme il l’était. Ils étaient partenaires avant d’être amis. Ils étaient amis avant d’être amants ; peut-être que le secret était la manière dont ils construisaient leur « relation ». Il avala une gorgée de son café alors que Billie s’apprêtait à disparaitre pour prendre sa douche. « Je vais vire aller prendre une douce, histoire que je sois prête en temps et en heure. » « Fais comme chez toi. » dit-il en agitant la main comme si c’était la première fois qu’elle passait la soirée chez lui et avait à prendre sa douche au petit matin. « Allez-y. Allez-y. On va s’occuper de tout ça, avec Oli’. Faites. » Il jeta un coup d’œil vers sa mère pour essayer de voir ce qui se cachait dans un coin de sa tête. Elle avait toujours deux coups d’avance.
Il la suivit du regard avant de se faire surprendre par sa mère qui s’agite pour aller ouvrir les armoires et faire comme si elle habitait ici. « Et, c’est donc une amie ? » « Une amie ? Nan, plutôt une collègue, ma partenaire au boulot … essaie pas de nous l’inviter pour un repas de famille, je te vois venir à vouloir la prendre à partie. » « J’savais pas que ton partenaire au boulot était en réalité une partenaire. » Haussement d’épaules. Il n’avait jamais eu le sentiment que ce détail était essentiel. « Pendant quelques minutes, j’ai cru que tu avais complétement oublié que nous nous étions donné rendez-vous et que j’allais te surprendre avec une petite-amie. » Eclat de rires. « Imagine ma déception … » Nouvel haussement d’épaules. « quand j’ai vu que c’était que ta partenaire. Un petit garcon manqué quand même, non ? »
Et, après de longues minutes de discussion et d’évitement de sujets sérieux, elle réapparait Billie. « J’ai pas été trop longue ? Merci, pour tout ca, Violet. » « J’aurais juste préféré que mon fils me prévienne, car je ne suis pas coutumière des imprévus. Ne vous vexez pas. Ce n’est pas contre vous. » « C’est trois fois rien, chez les Dawson, on aime bien avoir plein de monde à table … » dit-il en posant la main sur l’avant-bras de Billie, lui lançant un regard qui se voulait rassurant et rassuré peut-être.
Et, le repas se passa dans la plus grande politesse. Échanges anodins … inutiles, futiles. Les plus longues heures de la vie d’Oli, il en était convaincu. Et ce fut le regard lourd de sa mère qui fit comprendre au duo que c’était à Billie de prendre la poudre d’escampette pour laisser l’ainé et sa mère à deux. Quelques heures plus tard, il avait hésité à lui envoyer un message mais ne trouvant pas les mots justes, il avait abandonné et s’était dit qu’il ferait comme si de rien était le lendemain, à la brigade.