Tu détestes tout le monde.

Tu détestes cette pétasse de Stella pour t'avoir mis à la porte avec à peine cinq mois de retard sur le loyer. Quelle conne. Elle t'a vraiment pas laisser de chance. Tu détestes Arthur pour avoir quitté l'Angleterre. C'est débile l'Australie. Pourquoi il reste pas chez lui, hen ? Tu détestes Jina qui fait semblant de t'apprécier, mais qui n'est pas foutu de t'aider. Tu détestes ce débile de chat qui aurait mieux fait de se faire bouffer par un serpent. Elle préfère le chat à toi. Tous des connasses les meufs. Tu détestes Maisie d'avoir ramené Angus à un dîner de famille sans te prévenir. C'est de sa faute si tu ne peux plus retourner chez Madelyne. Le camping avec Lee, c'est pas l'idéal, mais c'est mieux que la rue. Pour conclure le tout, tu détestes surtout Angus parce qu'il baise ta soeur. Ça fait beaucoup en quelques jours seulement. Heureusement que les nuits sont chaudes, qu'il n'a pas encore trop plu ces derniers jours. Faudrait bien que tu te retrouves un nouvel appartement bientôt, ou peut-être juste trouver un hôtel minable où entrer par infraction le temps d'une douche chaude. En ce moment, l'hygiène est secondaire. T'as la dalle. T'es posté au coin d'une ruelle, ton sac à dos juste à tes côtés. Et tu attends, tout simplement. La poubelle dans ton visuel, t'attend que quelqu'un mette ses restants aux ordures. Pathétique ? Ouais à peine. Ce le serait moins de marcher sur ton orgueil et de retourner chez ta mère. Elle te laisserait jamais dehors malgré toutes les obscénités que t'as balancé dans la gueule de ta soeur. Tu fixes la poubelle depuis une trentaine de minutes lorsqu'une silhouette te bloque soudainement la vue. Dégage putain.  « Seth? » Tes yeux se plissent, aveuglé par le soleil, alors qu'ils se lèvent vers la voix qui t'interpelle. Tu mets un bon deux minutes à la replacer la nana qui se pense architecte. Son prénom ? Aucune foutue idée. T'es pas vraiment intéressé à le connaître non plus. Elle se penche vers toi. Son geste pour te redresser le visage est doux et délicat, mais il t'arrache quand même une grimace. « Merde mais il t'est arrivé quoi? T'es passé sous un bus? » Et encore, elle n'a pas vu les dégâts qui se cachent sous tes fringues. « Si on veut… » que tu réponds la mâchoire crispée alors que tu dégages d'un mouvement sec sa main de sur ton menton. T'as certainement pas besoin de sa pitié. C'est bien ce qu'il y a dans son visage, non ? De la pitié ? Bien sûr que t'en as besoin. Dommage que tu sois trop fier pour l'accepter. Peut-être que ce nuage gris qui avance vers vous au loin suffira à te convaincre. « Tu devrais pas rester là. Dans ton état, pourquoi t'es pas chez toi? » C'est pas la première fois que tu passes quelques jours à la rue. C'est souvent ce qui se passe entre deux appart. Ce n'est sûrement pas la dernière non plus. C'est temporaire. C'est toujours temporaire jusqu'à ce que tu arnaques quelqu'un d'autre en le laissant payer la totalité du loyer. « J'attends le bus. » que tu réponds parce que c'est le premier truc qui te passe par la tête. C'est complètement stupide étant donné qu'il n'y a même pas d'arrêt d'autobus à proximité, mais bon hen, espérons que la brune soit aussi peu allumé que toi (les chances sont minces). « J'vais rentrer. » Quand le bus arrivera, c'est-à-dire jamais donc. Est-ce la première fois que tu alignes trois phrases de suite sans la mépriser ? Sans doute, oui. Les anti-douleurs te rendent presque supportable dis donc. Dommage qu'ils soient bientôt terminés puisque tu ne respectes pas la posologie. « Fous-moi la paix. » Ah bah voilà qui te ressemble un peu mieux. Mais il manque encore ton cynique habituel. Ça reviendra. Faut pas s'inquiéter. Tu te redresses sur tes deux pieds non sans difficulté. Tu couines de douleur avant d'attraper ton sac que tu balances sur tes épaules. Et puis quoi ducon ? Où tu vas comme ça ?

« Me prends pas pour une idiote. » Ça, c'est définitivement trop t'en demander. Tu la prends pour une conne depuis le jour un et c'est pas prêt de changer. À force, elle va bien faire conne tous les autres et changer de trottoir quand elle va te croiser dans la rue. Pour le moment, sûrement que ta gueule défoncé aide beaucoup, c'est surtout de la pitié qu'elle éprouve à ton égard. Les femmes comme… Vi… Victoria ? Virginie ? Violet ? M'ouais Violet, bref les femmes comme elle sont sûrement incapable de passer par dessus un mec dans la rue sans se soucier s'il a eu sa portion de fruits et  de légumes de la journée. Spoiler alert: tu dois pas l'avoir eu depuis que t'as cinq ans, quand les menaces à deux balles de tes parents pouvaient encore faire leur effet. Tu annonces plutôt à Violet que tu vas rentrer, comme ça, elle va te foutre patience, non ? C'est difficilement que tu te redresses sur tes deux pieds. Ta cheville est encore particulièrement douloureuse. Elle te ralentit dans tous tes déplacements. Le seul poids de ton sac à dos sur tes épaules suffit à te faire geindre de douleur. À peine as-tu fais quelques pas qu'il faut qu'elle s'en mêle. Vraiment chiante la brune. « L'arrêt de bus est de l'autre côté. » Ouais, bon, maintenant que tu y penses, c'est pas faux. L'arrêt le plus près est de l'autre côté. Même pas capable de mettre un semblant d'authenticité dans tes mensonges. « Écoute bien parce que je me répéterais pas. » Sérieusement ? Pourquoi elle insiste autant ? Tu vas pas crever parce que tu passes une nuit de plus dehors. Parce que c'est pas la première fois et ce n'est malheureusement pas la dernière non plus. Pourtant, tu t'arrêtes tout de même à sa hauteur, en attendant la suite de son discours qui s'annonce particulièrement ennuyeux. « Si ça t'amuse de rester sur le trottoir avec ta gueule cassée, sous la pluie, c'est ton problème » Ça semble pas vraiment être ton problème, puisqu'elle est si entêtée à en faire son problème. Au fil de ses paroles, le ciel devient de plus en plus noir. Les chances que la pluie ne s'abattent pas dans les prochaines minutes sont, en effet, très faibles. Elle va quand même pas te proposer de passer la nuit chez elle ? T'es qu'un parfait inconnu qui pourrait dévaliser sa maison durant la nuit. Nah, t'es pas en état de cambrioler sa baraque. Pas impossible que tu repartes avec un ou deux bijoux si elle a de quoi d'intéressant chez elle. « Sinon, tu peux venir avec moi. Tu peux squatter chez moi une nuit, plutôt que de rester dehors comme un con. » Et le premier coup de tonnerre s'abat au même moment. T'as aucune envie de passer la nuit dehors. Tout comme tu as déjà fait le tour de tes contacts pour essayer de voler le canapé de quelqu'un. Il reste peut-être Leo, mais elle n'acceptera jamais. « T'as qu'à l'dire si t'as besoin de compagnie pour la nuit. » Parce que tu acceptes sa proposition simplement parce qu'elle a peur du monstre sous son lit et pas parce que tu veux pas passer la nuit dehors. « J'dors pas sur le canapé. » Ah oui parce que t'as des exigences en plus de ça. Si elle a pas de chambre d'ami, elle n'a d'autre choix que de te laisser sa chambre pour elle prendre le canapé ou elle peut aussi te laisser une place à ses côtés. Tu dis jamais non à un peu de chaleur humaine même si la personne concernée est particulièrement chiante. T'as quelques idées pour lui fermer la gueule de toute façon. Elle est sûrement plus agréable à côtoyer quand elle se la ferme. « Elle est où ta voiture ? » Parce que tu ne comptes pas marcher non plus. Elle regrette déjà sa proposition ? Probablement, oui. Dernière chance pour la reprendre.

« C'est certain. » Voilà une bonne chose de réglée. Vous étiez sur la même longueur d'onde là-dessus. Elle t'offre un endroit où dormir et tu assures un peu de chaleur dans son lit. Ça semble être un bon compromis - surtout que t'es doublement gagnant. Elle n'a même pas à s'inquiéter que tu aies les mains baladeuses, t'es bien loin d'être en état de baiser avec qui que ce soit. Tu ne comptes même pas t'essayer - une grande première. Bon, elle est où sa bagnole histoire que vous puissiez dégager d'ici le plus rapidement possible ? Violet t'indique le chemin et tu la suis sans trop broncher. À peine installée dans sa voiture, la pluie s'abat brutalement contre les fenêtres. Le bruit est relaxant quand les gouttes d'eau ne t'arrivent pas en pleine tronche. Les bancs sont plutôt confortables. La chaleur a un petit quelque chose de (presque) réconfortant. Et au vu de la longueur de la ballade, honnêtement, peut-être que tu t'es assoupie quelques minutes. Les nuits sont difficiles dans la rue. Le sommeil est souvent agité et interrompu. T'es complètement crevé, voilà tout. Tu as l'impression que de n'avoir cligné des yeux lorsqu'une maison apparaît devant tes yeux. Tu reconnais facilement le quartier de Bayside sans pouvoir exactement te situer. Tant mieux pour elle, tu n'arriverais jamais à te souvenir de l'endroit où elle vit. La pluie est encore bien présente alors que Violet court jusqu'à la porte d'entrée pour éviter d'être détrempée. Et merde, t'arrivera jamais à faire pareil. Tu dois déjà te préparer mentalement à la douleur que tu ressentiras en sortant de cette voiture. « T'attends quoi, que je t'ouvre la portière? Ou tu préfères dormir dans la voiture? » Dormir dans la voiture semble quand même une option envisageable. T'aurais aucun problème à bien y dormir. C'est toutefois un doigt d'honneur que t'envoies en sa direction alors que tu prends ton courage à deux mains pour sortir ta carcasse d'ici et t'aventurer à ton tour sous la pluie. La course jusqu'à la porte est inexistante de ton côté. Ta cheville ne veut toujours pas coopérer. Faut pas trop lui en demander. De toute façon, le timing est parfait, puisqu'elle ouvre la porte à la même seconde où tu arrives à ses côtés. Il ne t'en faut pas plus pour te faufiler à l'intérieur bien avant elle. C'est grand. Très très grand. C'est aussi très luxueux. Tu dormiras sans doute dans des draps de soie. Tu pourras sûrement prendre la douche chaude la plus longue de toute ta vie. Aucune chance pour que t'es envie de partir d'ici un jour… oh si Violet est chiante. Il a des limites à devoir la supporter. « Je pense pouvoir t'assurer que tu ne dormiras pas sur le canapé ce soir. » Qu'elle arrogante à se vanter de sa richesse et de son palace. Elle a sûrement hérité d'une petite fortune comme elle est carrément nulle dans son boulot. C'est pas avec ça qu'elle fait sa thune hen. Sauf s'ils la payent pour son joli petit cul, là, ouais, elle peut bien vivre dans un palace. Tu devrais sans doute la remercier pour son hospitalité, mais tu préfères encore démontrer ton mécontentement en levant les yeux au ciel. « T'as pas plutôt de la bière ? » Ou n'importe quoi qui comporte de l'alcool. L'état d'ivresse diminue les douleurs. Incapable d'être debout une seconde de plus, tu t'avances vers le salon où tu te laisses tomber maladroitement sur le canapé. La chute te fait gémir de douleur. Tu tuerais pour une douche, mais t'es presque sûr de plus pouvoir te relever d'ici. Juste de te débarrasser de tes fringues ça risque d'être compliqué. « C'est laquelle ta chambre ? » Parce que t'as compris que t'aurais pas la chance d'aller te blottir contre elle. Tu regardes autour de toi, les portes fermées ne t'aident pas à savoir ce qui est une chambre ou une salle de bain. « Au cas où j'fasse un mauvais rêve. » que tu ajoutes avec le sourire du parfait imbécile bien étampé dans ton visage. Aucune chance pour que tu ressortes de ton lit si jamais tu te rends jusque là. Elle peut dormir tranquille Violet.

« J'en ai. Mais t'as pas l'air en état de supporter quoique ce soit dans ce genre. » Ouais bah c'est qu'elle te connaît bien mal. Ça te ferait plutôt du bien d'avaler une bière. Y'a trop longtemps depuis la dernière fois où t'en a bu une. Les tremblements ne devraient pas trop tarder à arriver. Le manque tout ça. Ta tête tomber lourdement à la renverse contre le dossier du sofa. Tes yeux se referment tout seul. Honnête, tu pourrais pioncer ici sans problème même si y'a deux minutes tu refusais le canapé. C'est très bien le canapé finalement. « C'est open bar sur les bières si tu parviens à te lever pour aller t'en chercher une toi-même. » Tu n'ouvres un oeil que pour regarder la distance qui te sépare du frigo. Bien trop loin. Et si ça se trouve, elle tient ça au sous-sol pour pas encombrer son réfrigérateur. Juste à penser à te lever d'ici, t'as déjà mal partout. Elle aurait pu le dire avant que tu ne te laisses échoir ici. « Tu fais chier. » - « C'est bien ce que je pensais. » Ouais, c'est ça, ta gueule.

« Un cauchemar te tuera pas, Seth. Moi si, si jamais je te vois débarquer dans ma chambre. » Tu ricanes. La douleur à tes côtes te rappelle qu'elles sont péter. La toux qui suit te rappelle que t'as le poumon aussi amoché que le reste. T'en a sûrement pour plusieurs semaines à essayer de pas crever. Ce serait un miracle que ça tourne pas en infection d'ailleurs vu que tu t'es pas vraiment fait soigner comme il le faut. « Relaxe Violet, j'vais garder mes mains sagement de mon côté. Ce serait bien trop chiant pour toi de réaliser que j'te fais de l'effet. » Sauf si elle insiste bien sûr, mais bon, c'est pas comme si t'étais vraiment en état pour quelques caresses… peut-être juste ça, mais clairement pas pour plus. Désolé Violet, ce sera solo si elle veut un orgasme ce soir. Meilleur chance la prochaine fois - pour elle ou pour toi hm ? « Putain, mais qu'est-ce que t'as foutu... » Elle te fais lever les yeux au ciel. Comme si t'allais lui raconter ton histoire dans les moindres détails. Qu'est-ce que ça peut bien lui foutre de toute façon de connaître le pourquoi du comment ? Tu t'es fait cassé la gueule. Ça prend pas un doctorat pour le comprendre. Elle a presque l'air d'avoir pitié de toi. Elle risque de perdre ça si elle connaît l'histoire complète. C'est quand même pas ta faute si la mère d'Arthur est mal baisée. « J'imagine que tu rêves de t'allonger pour pioncer, mais une douche, ce serait peut-être une bonne idée. Si tu t'en sens capable. » Oh non que tu n'as pas envie de bouger d'ici d'un seul centimètre, mais comme tu sais pas ce seras la prochaine fois que tu auras accès à une douche, ouais, c'est maintenant ou jamais. Et puis, tu pourras sans doute en profiter pour partir une lessive avec tout le contenu de ton sac à dos - ouais toutes tes fringues sont dégueulasses. « Faudrait pas salir tes draps de princesses hen. » Surtout pas. Elle doit dormir dans des trucs de satin. Son matelas doit être aussi douillet qu'un nuage. Tu risques d'être vraiment déçu si c'est pas le cas. Allez, un, deux et… tu t'accroches fermement à l'appui bras du sofa pour te donner un élan et te mettre sur tes deux jambes. Trois. Nouveau gémissement de douleur et te voilà debout. Un miracle presque. « Si tu m'dis que c'est à l'étage, je préfère encore la pluie dehors. » Tu vas crever s'il faut que tu montes les escaliers qui semblent ne jamais se terminer. Un peu de pluie et de savon, ça va le faire. Elle s'occupera de monter toute seule à l'étage pour laver tes fringues vu qu'elle à l'air de vouloir faire sa bonne action. Qu'elle se gêne surtout pas. Et merde pourvu que le lit ne soit pas là haut non plus. C'est sûr que oui. Putain de merde.

« N'inverse pas les rôles, Sam. C'est toi qui pourrait pas le supporter. » Tu ricanes de nouveau. Ouais, y'a peu de chance là dessus. C'est pas qu'elle soit désagréable à regarder. C'est sûrement même bien mieux un coup ses fringues enlever. La beauté, c'est pas tout. Elle a l'air chiante à mourir au pieu. Violet, c'est clairement le genre de nana que tu baises et que tu ne rappelles jamais. Sauf, que, ouais, pas ce soir. À moins qu'elle tienne absolument à faire tout le boulot. « T'es fatiguant avec tes remarques à la con, tu sais ça? » Ouais ? T'es pas là pour lui plaire non plus. Elle n'avait juste à pas te demander de venir pioncer chez elle si t'es si fatiguant. Remarque à la con ou non, c'est pas faux qu'une douche soit plus que nécessaire. Ce soir ou demain matin, t'auras pas plus envie de faire l'effort de te rendre jusque là - parce que non, même une nuit dans un lit bien confortable ne te fera pas repartir d'ici en pleine forme sur tes deux jambes. Tu te relèves donc de peine et de misère du sofa. À peine es-tu debout que tu regrettes déjà ton semblant de motivation. Un rapide coup d'œil dans sa maison t'inquiète sur l'emplacement de la fameuse douche. Pourvu qu'elle ne soit pas à l'étage…. « Y a que mon bureau à cet étage, si tu veux un lit ou une vrai douche, bingo, c'est en haut. » Et à cette seconde précise, Violet est la personne que tu détestes le plus dans ce bas monde. « Après, si tu préfères dormir sur le canapé et profiter de la pluie dehors... Je ne t'en prive pas. » Ouais bah c'est presque tentant. Avoir su toutes ses informations avant même de te lever, tu n'aurais pas bouger d'un seul poil. Le canapé, c'est très bien finalement - malgré tes caprices dans la rue toute à l'heure. « Ça t'ferait bien trop plaisir. » que tu grognes les dents serrés. À quel point t'aurais l'air con d'aller te savonner sous la pluie hm ? Faut pas prendre tout ce que tu dis au sérieux hen. « Va falloir que je te porte comme une princesse? » - « Va t'faire foutre. » Ah, on dirait que ton arrogance du parfait petit con vient de prendre le bord pour laisser place à ta charmante mauvaise humeur. Heureusement pour toi, même avec ton humeur de chien, l'empathie de Vivian est toujours bien présente. Tu restes silencieux quand elle vient passer ton bras autour de ses épaules pour t'aider à traîner ta carcasse jusqu'à l'étage. Enfin, silencieux, les gémissements de douleur sortent tout seul même si tu voudrais les retenir. Ouais, ton égo en prend un sacré coup. « Y a vingt-deux marches. Courage. » Les noms d'oiseaux y passent au grand complet dans ta tête alors que vous commencez à monter les marches une à une. C'est clair que ta cheville tient pas le coup. Elle va craquer avant d'arriver en haut. « Pas trop vite putain !! » C'est peut-être ton souffle qui va lâcher avant ta cheville finalement. Elle ralentit la cadence - comme si c'était vraiment possible d'être plus lent. Et t'es déjà en train de penser que tu devras faire le chemin inverse demain pour te tirer d'ici. Encore quelques pas et vous faites enfin votre entrée dans la salle de bain - pas trop tôt. Tu te laisses lamentablement tomber contre le bord du bain et prends quelques secondes pour te remettre de tes émotions. C'est la douleur ou le manque d'oxygène qui te donne autant le vertige. Dans une lenteur et un mouvement saccadés, tu réussis à retirer ton tee-shirt crasseux que tu laisses tomber à même le sol. Et voilà Vivian aux premières loges pour voir l'étendue de tes blessures. « T'attend quoi ? Tu comptes me laver en plus ? » Ça va. T'es rendu à destination. Elle peut se tirer. Tu n'iras certainement pas avouer que tu te laisserais faire, si elle insisterait le moindrement - et ça n'a absolument aucune connotation sexuelle pour une fois. T'es juste minable et incapable d'accepter qu'une parfaite inconnue s'occupe de toi alors que c'est tout ce dont tu aurais besoin. Être vulnérable, juste le temps d'une soirée, c'est déjà trop te demander.

« Relaxe, je m’en vais. » Évidemment, même son empathie et son grand coeur avait des limites. Et c'était tant mieux. Ça aurait été le comble de l'humiliation qu'elle le fasse. « Si jamais, là derrière le mur, c’est une douche à l’italienne. Pas de rebords. Ce sera sûrement plus simple que de grimper dans la baignoire. Mais tu gères. » Ton regard suit l'endroit qu'elle parle. M'ouais, en effet, ça risque d'être bien moins chiant. Après avoir mis une serviette à disposition, elle s'arrêta une seconde dans l'embrasure de la porte, mais faut croire que le regard que tu lui a lancé l'a convaincue à se la fermer et de te laisser tout seul dans ta crasse. Si retirer ton tee-shirt était tout un combat, c'est encore pire de retirer tout le bas. Toujours aussi incapable de tenir sur tes deux pieds, c'est écraser dans le fond de la douche que tu laisses l'eau chaude couler sur toi. L'eau est dégueulasse. Elle doit mettre un bon cinq minutes avant de se mettre à couler claire de nouveau. Ouais, on peut dire que cette douche était plus que nécessaire. Le savon et le shampoing y sont passés par trois fois. Ouais, ça fait du bien. Vraiment.

C'est après de longues minutes, plus que ça t'aurais à l'habitude, que tu refermes l'eau. Tes fringues sont encore plus crasseuses que le reste de ton corps, donc, ouais, pas de chance pour que tu les remettes. Faudra que tu passes l'entièreté de ton sac à dos dans la machine à laver. Tu pourras faire quelques jours sans trop puer - charmant. Après t'être séché, tu glisses la serviette autour de ta taille et ouvre la porte de la salle de bain. Un regard à droite et puis à gauche. « Par ici, Seth. » À droite donc. Tu souffles un coup pour te donner du courage pour la suite. À te voir aller, elle doit vraiment se demander comment t'as fait pour survivre dans la rue pendant quelques jours. Ouais, toi aussi tu te poses la même question. « T’as besoin d’un coup de main? » Tu lèves les yeux au ciel. Réalisant soudainement que tu mettais bien trop de temps à te rendre jusqu'à la chambre, tu presses un peu le pas. Juste un peu. Et te voilà enfin arrivé à destination et Vivian s'était rapproché de toi. « Ta chambre pour la nuit. Par contre désolée, j’ai pas d’aspirine. » Okay et elle fait comment pour survivre d'un mal de bloque lorsqu'elle a un peu trop picolé ? Qui n'a pas d'aspirine chez lui ? C'est n'importe quoi. Tu fais quelques pas supplémentaires pour venir t'asseoir sur le pied du lit. Tu finis par hausser les épaules. « J'ai c'qui faut. Dans mon sac. » Sac dont ça ne t'a pas passé par l'esprit une seule seconde de faire suivre jusqu'ici, mais à force de regarder la brune, elle va bien finir par comprendre qu'elle doit aller le chercher pour que tu puisses faire ton traditionnel mixte médoc et herbe - elle est pas obligé de savoir que tu comptes fumer dans ses draps propres. « À qui c'est ? » que tu demandes en désignant d'un coup de tête les fringues placées soigneusement sur le lit. Tu te feras sans doute pas chier à t'habiller, mais pour avoir l'air un peu moins vulnérable. Tu attrapes un caleçon où tu passes tes jambes. Tu te redresses un peu juste pour arriver à les monter jusqu'à ta taille. Un coup le tout en place, tu vires la serviette. « J'vais pas avoir d'ennuie hen ? » que tu lui demandes ensuite. Parce que si son mec débarque en furie demain matin. T'es pas assez en forme pour te sauver par la fenêtre. Surtout si c'est pour te sauver de quelque chose que t'as pas fait. En d'autres circonstances… ouais, ç'aurait été marrant. Sans vraiment attendre la réponse, tu t'allonges difficilement dans le lit en couinant un peu. Ça ou s'étendre dans un nuage, c'est pareil. « Merci. » que tu souffles, à peine perceptible. Tu espères même qu'elle l'a pas vraiment attendue. Les remerciements et les excuses, ce ne sont vraiment pas ta spécialité.

« À mon ex. » Ah, tiens donc. Tu supposes que cette rupture est assez récente comme elle a encore des fringues à lui sous la main. Elle a pas l'air d'une fille qui espère qu'il vienne les récupérer. Elle a l'air de carrément s'en foutre. C'est elle qui a rompu. Sans doute. T'es bien loin d'être un expert des relations amoureuses. Tu sais juste que les femmes ont tendance à bien trop pleurnicher lorsqu'elles parlent de leurs exs. Et c'est pas le cas de Violet. Et t'en a non plus rien à foutre d'enfiler le caleçon de son ex. Surtout après qu'elle t'est assuré que t'aurais pas de problème. Ça veut aussi dire qu'il ne compte pas revenir ici pour essayer de la récupérer. Elle a le regard bien fixé sur toi lorsque tu enfiles maladroitement le sous-vêtement tout en préservant un minimum d'intimité. Pas que tu sois pudique. Loin de là. Tu ne veux pas l'offusquer plutôt. Ce serait con de perdre ton toit pour la nuit juste pour avoir montrer un peu trop de peau. « La vue est à ton goût ? » Peut-être qu'elle a envie que la serviette tombe finalement. Elle tombe, oui, mais hop, tour de magie, le caleçon est bien en place. Tu sais bien ce qu'elle regarde comme ça. C'est pas toi. « Quatre ou cinq côtes de fracturés, j'sais plus. Poumon droit perforé. Ça, c'est moins cool. La cheville est pas mal amoché. L'nez aussi. Même ça, c'est fracturé. » Tu désignes d'un doigt l'os en dessous de ton oeil gauche. Elle crève d'envie d'avoir un compte rendu. Là voilà maintenant renseignée. C'est pas impossible qu'il y est d'autre chose que tu te souviens pas. Quand le doc t'a parlé, la seule chose à laquelle tu pensais, c'était de te tirer de là. « Tu pourras les garder, si tu veux. » De quoi ça ? Les fringues de son ex ? « C'est pas de la pitié, simplement, je sais pas si tes vêtements seront secs demain matin. » - « Hm. » Ou elle veut juste s'en débarrasser et elle a l'occasion de rendre service à quelqu'un en plus de se débarrasser de ses mauvais souvenirs. De toute façon, que tes fringues soient sèches ou non demain matin, tu vas remballer toutes tes affaires et t'en aller même si ça veut dire de foutre des vêtements humides dans ton sac et qu'ils finissent par puer encore plus qu'à ton arrivée. Tu finis par aller t'allonger lentement dans le lit. C'est bon de retrouver le confort d'une chambre après des jours dans la rue. Y'a peut-être un merci qui t'échappe. Une vraie nuit de repos avant de retourner dans le chaos, c'est pas de refus. « Je t'en prie. » Elle disparaît de la chambre et puis… plus rien. Tu t'endors en moins de deux secondes.

Quand tu te réveilles, il fait nuit dehors. T'as fait le tour de l'horloge. Une fois ? Deux fois ? Aucune idée. Tu serais pas si surpris d'avoir dormi pendant trois jours. T'es tout ankylosé de ne pas avoir bougé depuis trop longtemps quand tu te redresses du lit. Ton sac au pied du lit te permet de prendre une petite pilule (ok trois) de courage pour affronter la suite des choses. Tu enfiles les fringues de son mec. Le cœur sur la main, tu lui laisseras pas ses fringues du mec qui lui a brisé le cœur (aucune idée, tu dis n'importe quoi.) C'est tout en discrétion que tu sors de la pièce après avoir réussi à rassembler toutes tes affaires. Aucune idée s'il est vingt-deux heures ou deux heures du matin. Les deux sont possibles, mais le bruit que tu entends au loin te fait opter pour la première proposition. Heureusement que sa maison parfaite ne craque pas - et que tu ne te plains pas de la douleur à voix haute. Ouais, tu comptes te casser sans rien dire. T'as déjà dit merci hier faut pas abuser non plus. Encore surprenant qu'elle ne t'es pas réveillé pour être sûre que t'étais pas mort dans son lit. Bon, t'as du ronfler comme jamais. C'est un excellent indice d'une personne bien en vie - et épuisé. Mais, ouais, en quelques minutes seulement, tu réussis à rejoindre le premier plancher. T'es quand même plus en forme que lors de ton arrivée. C'est déjà ça de gagner. Tu balances ton sac à dos sur tes épaules, ton capuchon sur ta tête. Et te voilà happé par la fraîcheur de la nuit. Parti comme un voleur. Comme ce que tu es finalement hm.