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 dancing in the moonlight

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Message(#)dancing in the moonlight EmptyMar 15 Sep 2015 - 22:35

« Vous avez fait du bon travail aujourd'hui ! » La professeur de danse les félicita chaleureusement et, comme à son habitude, les applaudit avec force. Toutes les danseurs présents, hommes et femmes confondus, en firent tout autant. Le sérieux qui les animaient quelques secondes plus tôt laissa place à des sourires éreintés, mais satisfaits. Quelques accolades et chaleureuses embrassades vinrent ponctuer la fin de l’effort. Jules, qui était d'habitude si timide et réservée, accepta sans retenue les bras ouverts d'une des filles, et sourit à une autre qui levait le pouce en sa direction. Elle restait certes discrète lors des cours dispensés, consciente qu'on lui avait fait une grande faveur en l'autorisant à s'entraîner avec une troupe de professionnels. Pourtant, malgré son recul certain, Jules se sentait parfaitement intégrée et acceptée parmi ces inconnus. Elle avait, pour la première fois depuis son arrivée en Australie, osé mentionner son ancien statut d'artiste. Elle n'avait pas le même métier qu'eux, mais partageait parfois les mêmes scènes. Il n'y avait aucune rivalité entre les deux professions, et Jules avait eu tout le loisir de s'en rendre compte au cours des dernières semaines. « Demain, même heure. » Ajouta la professeur, qui leur faisait toujours face. Elle les applaudit une nouvelle fois, puis se détourna pour aller récupérer son sac, qui traînait dans un coin de la salle. La plupart des danseurs se dirigèrent vers les vestiaires, et d'autres restèrent pour effectuer quelques exercices supplémentaires. Des étirements, des mouvements à revoir, des améliorations à effectuer. Jules allait s'éclipser, lorsque l'un des danseurs l'interpella pour lui demander de remplacer sa partenaire. Il avait quelques mouvements à corriger, et il comptait sur elle pour l'aider. L'Américaine rougit quelque peu, et jugea bon de préciser que même si elle serait ravie de l'aider, elle ne faisait pas partie de la troupe. Le danseur haussa les épaules, et lui tendit une main amicale. Jules revint sur ses pas, et s'empara de cette main tendue. Elle savait ce qu'elle avait à faire. Chaque pas, chaque geste, chaque mouvement était comme gravé dans sa mémoire. Il lui suffisait de fermer les yeux, et de se laisser porter par la musique. Ce qu'elle fit, sans retenue.

Les muscles tendus par l'effort, le corps étendu par des mouvements gracieux, Jules tournoyait au rythme de la musique. Ses pas légers, presque aériens, lui donnait une grâce naturelle que les danseuses lui enviaient. Ses mouvements des bras, fluides et naturels, donnaient l'impression qu'elle n'était rien de plus qu'une poupée de chiffons. Une danseuse d'une souplesse presque parfaite, malléable à souhait, qui pourrait prétendre à quelques rôles intéressants dans des ballets de renommée. Portée par la musique, elle restait indifférente au monde qui l'entourait. Elle se savait seule sur scène – l'après-cours de danse ayant pris fin depuis une bonne vingtaine de minutes. Enfermée dans sa bulle, sans rien ni personne pour venir la perturber, Jules s'autorisait à respirer. Elle oubliait ses réserves, ses doutes, ses inquiétudes. Elle oubliait ses malheurs, ses échecs, ses incertitudes. Elle était juste elle-même, éclatante dans toute sa splendeur et sa détresse. La scène, qui avait toujours été une échappatoire pour elle, lui manquait. Mais paradoxalement, elle ne pouvait pas remonter sur les planches. Elle ne voulait pas y remonter. Son dernier opéra l'avait laissée lessivée, physiquement et mentalement. Son cœur saignait encore, et elle était convaincue que l'ombre d'Aaron la poursuivrait tant qu'elle ne serait pas guérie de lui. Elle devait se ressourcer, prendre du recul, se reposer. Elle avait refusé des contrats juteux et intéressants, pour son propre bien-être. Elle reprendrait le chemin de l'opéra lorsqu'elle se sentirait prête. Et elle espérait sincèrement qu'elle serait très vite remise sur pied. Une note plus aiguë la fit monter sur la pointe de ses pieds, et tournoyer pendant quelques instants. Ses bras grands ouverts, complètement abandonnée à la musique qui chantait et résonnait délicieusement dans la pièce, Jules sursauta d'effroi en entendant claquer une porte. Effet papillon, ses pointes l'abandonnèrent, et sa réception fut mauvaise. Elle grimaça de douleur, et s'assit pour masser sa cheville douloureuse. Elle releva la tête en direction de la porte, et vit qu'elle n'était plus seule. Choquée par cette vision à laquelle elle ne s'attendait pas, Jules entrouvrit les lèvres sans qu'aucun son n'en sorte. Ses doigts, qui massaient sa cheville, retombèrent mollement sur le sol. Elle avait visiblement trop flirté avec la scène. L'ombre de son ancien metteur en scène se tenait là, juste là, dans l'embrasure de la porte. L'apparition était irréelle, presque divine. « Aaron ? » Sa voix était hésitante. Elle se mordilla l'intérieur de la joue, comme pour se convaincre qu'elle ne rêvait pas. Elle n'arrivait pas à croire à sa présence, ici, à Brisbane. Des larmes, qui menaçaient de s'échapper de ses yeux à tout instant, trahissaient son émotion. Elle inspira et expira profondément, et espérant chasser les menaces lacrymales. « C'est bien toi ? » Demanda-t-elle, toujours assise au sol.
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Message(#)dancing in the moonlight EmptyVen 18 Sep 2015 - 15:40

Elle est juste derrière cette porte. Ma main reste figée sur la poignée, mes doigts, moites, la serrant tout d'abord si fort qu'ils en tremblaient. Puis l'appréhension me vide peu à peu de mes forces. Mes membres deviennent lourds, mes doigts retombent. Mes jambes faites de plomb s'enfoncent dans le sol, elles ne sont plus que deux masses frêles qui manquent de s'écrouler. Mon regard dans le vague, je ne suis plus qu'un coeur battant à toute allure dans une silhouette vide, comme un fantôme s'apprêtant à faire son apparition. Ma détermination, si forte lorsque je suis entré dans le théâtre, s'effiloche, s'étiole et s'enfuit par tous les pores de ma peau. Un pas, deux pas, trois pas vers cette fameuse porte, et voici que je n'ai même plus assez de volonté pour appuyer sur cette poignée. Ma respiration s'est coupée, j'en oublie complètement d'expirer l'air que je retiens dans mes poumons depuis de longues minutes. Mon cerveau finit par manquer d'air, mes pensées, déjà bien désordonnées, s'embrouillent et perdent tout leur sens. Je reprends une profonde inspiration, repose ma paume sur le levier. Les yeux fermés, j'écoute encore un peu la musique à travers la porte. Elle est juste là. C'est avec une immense délicatesse que j'appuie sur la poignée, prenant soin de ne pas faire de bruit. J'entrouvre le battant, juste assez pour que mon regard se glisse dans la salle et file droit sur la silhouette qui se trouve au fond, sur la scène. Petite, terriblement fine, je la reconnais instantanément, tant par sa chevelure brune que par ses gestes. Je dégage un peu plus mon champ de vision, sans pour autant oser mettre un pied à l'intérieur. Je la distingue un peu mieux, toujours silencieux et invisible. Pendant de longues secondes, je l'observe faire glisser ses pieds sur le plancher, laisser ses notes guider ses pas d'un bout à l'autre de l'espace, ses bras formant ses arabesques dans l'air que son corps suivent avec grâce. Je n'ai pas souvenir de l'avoir déjà vu danser auparavant. Je crois que c'est la plus agréable vision que je puisse rêver d'avoir d'elle après des mois passés à la chercher. Elle était sous mon nez, dans ce même théâtre où je donne parfois des cours. C'est la seconde fois que la scène nous mène l'un à l'autre. Ma respiration saccadée traduit ma nervosité. Happé par la gestuelle de la jeune femme, je ne fais pas un bruit, rien. Jusqu'à ce que je fasse l'erreur d'ouvrir encore plus la porte qui se met à grincer d'une manière assourdissante, mettant un terme à mes efforts de discrétion. Elle sursaute, rate sa réception, et tombe. C'est l'instant ou elle devient réelle. Où cette silhouette qui ne ressemblait qu'à un énième rêve fort cruel se révèle être une personne. Jules. Elle me reconnaît immédiatement, elle ne m'a pas rayé de son esprit comme on le fait parfois pour ces personnes que l'on pense ne jamais revoir un jour. A vrai dire, je devine une certaine émotion froisser sa gorge. Magnétisé, j'approche doucement, pas à pas dans l'allée de sièges carmin, vers la scène. Elle l'a vu, le fantôme. Et l'expression sur son visage me fait dessiner un sourire au coin des lèvres. « Je crois bien, oui. » je réponds en arrivant non loin d'elle, là où les lumières me rendent plus visible. Je n'imaginais pas vraiment qu'elle se blesse à cause de moi lors de nos retrouvailles. Le regard désolé en la voyant masser sa cheville, j'ajoute ; « Je ne voulais pas te faire peur. » J'effectue les derniers pas qui me séparent d'elle, grimpe sur les planches et m'assied face à la jeune femme. Elle toujours aussi belle, gardant cet éclat de détresse dans le regard que je lui connais bien et la rend si dramatique en toutes circonstances. Cet éclat qui change du tout au tout lorsqu'elle sourit. Le genre d'étincelle qui prend votre rythme cardiaque en otage et vous oblige à faire battre votre sœur en même temps que le sien, vous noyant dans ses émotions. C'est un contact direct avec l'âme, ce qui en fait une artiste de talent.  « Je peux ? » je demande en indiquant sa jambe d'un signe de tête, afin qu'elle la confie à mes soins. Que je puisse me faire pardonner qu'elle se soit blessée par ma faute. « Quand j'ai voulu prendre de tes nouvelles auprès de la troupe, on m'a dit que tu avais tout arrêté. C'est vrai ? » Il faut dire que la tournée avait été éprouvante, notamment pour une personne se donnant autant corps et âme dans son personnage. Tout le monde finissait épuisé chaque soir, et ce pendant un an. La jeune cantatrice a bien mérité du repos. Mais elle est si loin de chez elle. « Pourquoi venir à Brisbane ? »
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Message(#)dancing in the moonlight EmptyMar 22 Sep 2015 - 21:35

Les émotions de Jules jouaient au yoyo, et pendant un moment, elle crut que ses yeux ne pourraient pas retenir les larmes qui menaçaient de dévaler ses joues d'un instant à l'autre. Son cœur battait fort, et la vision d'un fantôme du passé – et quel fantôme ! – l'empêchait de penser à la douleur qu'elle ressentait à la cheville. Effet placebo ? En quelque sorte. Ce constat lui faisait comprendre que les derniers mois, au cours desquels ils n'avaient eu aucune contact l'un avec l'autre, n'avaient clairement pas suffit à la guérir de lui. Elle ravala ses larmes en le voyant s'approcher. « Je... Ce n'est pas grave. » Dit-elle, ses doigts massant toujours sa cheville. De bas en haut, de haut en bas : Jules n'en était pas à son premier essai. Elle avait vécu pire, au cours de son adolesence. Sa douleur n'était pas particulièrement vive ; sa cheville avait juste pris un léger choc, puisque sa réception avait été plus que médiocre. Il faut dire que croiser le regard d'un fantôme n'aidait pas forcément à rester focalisé sur son objectif.. « Je ne m'attendais pas à te voir, et j'ai perdu ma concentration. Ce n'est rien. » Ajouta-t-elle, justifiant sa réception médiocre. Elle sentit le rouge lui monter aux joues, alors qu'Aaron se rapprochait d'elle. Elle se trouvait ridicule, d'être visible ainsi, en position de faiblesse. Elle se sentait mal à l'aise aussi ; les mois avaient passé, et elle ne savait plus très bien où se situer vis-à-vis de son ancien metteur en scène. Mais une chose était sûre : maintenant qu'il était assis face à elle, elle mourrait désormais d'envie de se jeter dans ses bras. Pour qu'il la serre fort, pour qu'elle puisse respirer son odeur, pour qu'elle prenne appui sur lui, et pour le retenir auprès d'elle un peu. Avant qu'il ne lui échappe, comme il lui avait toujours échappé. « Si tu veux. » Qu'elle murmura après une longue hésitation. Elle étendit sa jambe délicatement, et posa son talon sur le genou d'Aaron. Le contact de ses doigts sur sa cheville l'électrisa, et elle se mordilla la lèvre inférieure en l'observant, désireuse de ne pas perdre une miette des bienfaits qu'il lui prodiguait. « Tu ne te débrouilles pas si mal. » Finit-elle par dire en souriant légèrement. Progressivement, ses doutes et ses craintes se dissipaient. Elle retrouvait une certaine forme de spontanéité, parce qu'elle avait confiance en lui. « Aurais-tu d'autres talents cachés ? » Voilà qu'elle s'autorisait même une remarque taquine à son égard. Égoïstement, elle aurait voulu que ce moment dure, et dure encore. Elle aurait voulu que ces mains masculines lui fassent mille autres choses, et qu'elles lui appartiennent exclusivement. Mais Jules le savait : ces envies inavouées resteraient de l'ordre du fantasme. L'insaisissable Aaron n'était pas disponible. Son cœur manqua un battement lorsqu'il mentionna le fait qu'il avait essayé de prendre de ses nouvelles – et qu'il avait ainsi appris qu'elle avait tout abandonné, sans vraiment donner d'explication. « Oui, c'est vrai. » Confirma-t-elle, sentant poindre en elle un léger sentiment de culpabilité. Elle avait vécu une expérience formidable, avec des personnes géniales, mais elle n'avait laissé aucun moyen de la contacter. Elle avait eu l'occasion d'exercer son art dans le monde entier, sur des scènes aussi grandes que prestigieuses. Elle avait fait vibrer ses cordes vocales au moins deux soirs par semaine, raconté une histoire aussi belle que tragique pendant plus d'un an. Jules était ressortie physiquement épuisée par cette tournée, mais c'était le retour à une routine à Los Angeles, loin de sa troupe et de cette ambiance si particulière, qui l'avait abattue moralement. « Il était temps que j'essaye de faire autre chose. » Elle mentait, évidemment. Jules avait eu la chance de pouvoir vivre de son art, de sa passion. Combien de personnes sur terre espéraient pouvoir en faire autant ? Elle avait eu cette chance, mais elle l'avait sabbotée. Elle l'avait sacrifiée, au profit d'une vie moins exaltante mais plus stable. Son tempérament auto-destructeur l'avait poussée à volontairement se tirer une balle dans le pied. Et elle était partie, sur ordre de son père. Pour oublier, et essayer de panser ses plaies. « Mon père. » Déclara-t-elle en haussant les épaules. Brisbane n'avait pas été son choix, mais simplement son lieu d'atterrissage. Elle n'avait eu à s'occuper de rien ; elle aurait, de toute façon, été incapable d'organiser quoique ce soit. Elle avait passé des journées entières allongée dans son lit, le plus souvent dans un état second. Submergée par ses émotions et ses faiblesses, Jules avait tout bonnement baissé les bras. Cette léthargie aurait pu durer pendant de longs mois, si son père n'avait pas pris les devants. « Il voulait que je passe un peu de temps loin de Beverly Hills, et de tout ce qui m'était familier. » Parce que là-haut, si elle était restée barricadée dans la villa de ses parents, elle aurait fini par dépérir, puis sans doute devenir folle. Mais ça, Aaron n'avait pas besoin de le savoir. « Et toi ? » Demanda-t-elle par curiosité. « Qu'est-ce qui t'amène ici ? » Elle ne savait pas à quoi s'attendre. Naïvement, elle espérait que c'était sa présence ici qui l'avait encouragé à venir – à croire que l'on n'arrête jamais de rêver, lorsque l'on a des sentiments forts pour quelqu'un. Mais derrière cet espoir indicible, Jules demeurait terre-à-terre : Aaron avait probablement reçu une offre suffisamment intéressante pour se déplacer, et il s'évanouirait à nouveau dans la nature dès que sa troupe partirait en tournée.
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Message(#)dancing in the moonlight EmptyJeu 1 Oct 2015 - 13:12

La jeune femme étend sa jambe en ma direction ; mes doigts se posent délicatement sur sa cheville afin d'effectuer, avec une grande application et précision, quelques massages visant à soulager sa douleur. Le contact avec sa jambe me déstabilise énormément. Quelle idée j'ai eu de lui proposer mes soins alors que je ne suis même pas capable de soutenir son regard noisette plus de quelques secondes. Au moins, je peux m'en échapper ; mes yeux restent posés sur sa cheville et n'ont plus l'obligation de croiser les siens, alors que je fais mine d'être concentré sur chacune des pressions et des caresses que je fais glisser jusqu'au bas de son mollet. Je crains que mes mains deviennent moites à force de sentir mon corps se laisser envahir par la nervosité et la gêne. Mes efforts pour ne rien en laisser transparaître sont immenses, à l'heure où mon coeur ne sait plus sur quel rythme danser, mon estomac fait et défait des nœuds qui tordent mes intestins. Non, je lui souris, l'air relativement à l'aise. Je peux faire passer ma réserve sous couvert de mon éternelle timidité. « Je suis un homme plein de surprises. » je me surprends néanmoins à répondre à Jules, lui adressant rapidement un sourire aussi taquin que le sien. Je ne sais pas ce que je sous-entends par là -ni même si j'avais l'intention de sous-entendre quoi que ce soit à vrai dire, les mots se sont tout simplement échappés de ma bouche. Et maintenant, je me sens d'autant plus bête et ridicule. Je savais, me connaissant, que je serais dans cet état en la revoyant. Me faire à l'idée, prendre des mois pour lui mettre la main dessus, et avoir le temps de me faire le film de cette scène encore et encore dans ma tête ne pouvaient rien y faire. Une fois face à elle, tout est différent que dans mon imaginaire. Il était évident que je serais à deux doigts de perdre mes moyens. Il ne pouvait pas en être autrement. Surmontant ma nervosité, j'en demande plus à Jules au sujet de son arrêt du chant et sa venue à Brisbane. Je ne sais pas si je dois voir dans son installation ici un signe du destin, comme une immense flèche scintillante au-dessus de sa tête pour m'indiquer que je ne dois pas la laisser s'échapper de nouveau. « Autre chose… Tu as des projets ? » je demande, curieux de savoir si elle avait troqué l'instrument vocal pour l'utilisation de son corps comme nouveau moyen d'expression, se lançant désormais dans la danse et abandonnant le chant pour une durée indéterminée. A moins qu'elle ne se tourne vers tout autre chose. « J'espère que tu finiras par revenir à l'Opéra. » j'avoue en baissant mon regard vers sa cheville. « Ce serait cruel de priver la scène de ta présence, alors que tu est née pour elle. » Jamais je n'ai vu d'autre personne plus façonnée pour la scène que Jules, dont il est évident qu'elle appartient aux planches et aux projecteurs ; dont le corps et l'âme ont été modelés afin d'être dédiés à la transmission d'histoires intemporelles, de ce siècle ou des précédents, jusqu'au regard du public. Quelqu'un de fait pour la beauté. La jeune femme m'explique que son père l'a envoyée prendre du recul à Brisbane, la déracinant complètement pour l'implanter à quelques fuseaux horaires de lui. Une dépaysement qui ne doit pas être facile pour elle, malgré les nombreux pays que nous avons visité pendant la tournée du spectacle. Nous avions toujours la troupe comme point de repère. « Il a bien fait de t'envoyer ici alors. » dis-je en songeant que, sans cela, je ne l'aurais certainement jamais revue. « L'Australie est un très beau pays pour se ressourcer. » j'ajoute afin de ne pas trahir mes pensées. Je ne souhaite pas lui faire peur ou lui donner une mauvaise image de moi en avouant que je désirais tant la revoir, que je l'ai cherchée du mieux que je le pouvais. La pauvre demoiselle serait sûrement morte de peur à l'idée d'avoir été traquée. « Tu penses repartir bientôt ? » je demande, craignant qu'elle n'ait à faire ses valises et s'envoler à la fin de la semaine, à la fin du mois, me laissant à peine le temps de profiter de sa présence, et, sur place, seul de nouveau. Je ne nourris pas vraiment d'espoir qu'elle puisse s'installer ici définitivement. Elle  n'a pas de raison de s'installer si loin de chez elle. C'est une jeune femme qui a la vie devant elle pour parcourir de nouveau le monde entier. A vrai dire, je ne sais pas non plus quel espoir je nourris à son sujet, à propos de ces retrouvailles. Je ne sais pas ce que je fais là, ce qui m'a poussé à vouloir la voir de nouveau à tout prix, ce que j'attends d tout ceci. Je n'ai fait que suivre cette force qui me tirait inéluctablement vers elle. « Je vis ici. Ca va faire cinq ans que je suis installé à Brisbane. » je réponds, surpris que Jules ne le sache pas déjà. J'ai peut-être omis ce détail, comme beaucoup d'autres, parlant rarement de moi et de ma vie. Préférant discuter à propos du spectacle, de la musique, des arts en général. Après tout, je n'étais pas si loin de chez moi pour mieux en parler à tout le monde ; je cherchais le détachement total pour mieux revenir comme un homme neuf. « Je travaille comme professeur à l'université. Et je donne parfois des cours de théâtre ici même. » j'ajoute, désignant la salle d'un signe de tête. Un autre doigt pointé par le destin droit vers Jules. Mes doigts n'ont pas cessé d'inlassablement masser la cheville de la jeune femme qui doit désormais aller mieux. Une petite douleur reviendra lorsque ses muscles seront de nouveau froids, mais de toute manière, ce n'est rien de grave. C'est avec un pincement au coeur que je libère sa jambe et la laisse la replier vers elle. « Voilà. Encore désolé. » Désormais, je ne sais plus quoi faire de mes dix doigts. Ni quoi dire. Partir en lui disant que cela a été un plaisir ? Non, je n'ai pas fait toutes ces recherches pour la croiser, échanger deux mots, et partir comme un voleur, poussé par la peur. Si je ne sais pas ce que j'attends d'elle, ni même de moi, je sais que je ne suis pas réapparu uniquement pour ces quelques minutes puis pour fuir. « Est-ce que… » Mes mots se perdent, subitement arrêtés en chemin par une gorge trop serrée. Je ris nerveusement, passant une main sur ma nuque, plus ridicule que jamais. Puis je m'éclaircis la voix une fois mon courage éphémère retrouvé pour les quelques secondes nécessaires à l'articulation de ma question ; « Je peux t'inviter à aller boire un café ? »
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Message(#)dancing in the moonlight EmptyLun 5 Oct 2015 - 23:00

« Il semblerait. » Répondit-elle, un petit sourire aux lèvres. Ils partagèrent un regard, avant que tous deux ne reportent leur attention sur la cheville de Jules. Elle le regardait faire, presque fascinée. Ses mains qui se mouvaient avec délicatesse et fermeté à la fois. Elles glissaient subtilement sur la moindre parcelle de sa peau, et la cantatrice ferma les yeux pendant une seconde. Une seconde au cours de laquelle elle se surprit à rêver et à espérer qu'Aaron outrepasserait les règles qu'il s'était fixé. Une seconde au cours de laquelle ses mains abandonneraient ses chevilles, pour remonter sensuellement le long de ses jambes dénudées. Elle fut rapidement ramenée à la réalité, alors qu'Aaron lui demandait si elle avait des projets. « Je travaille au journal de Brisbane. » Avoua-t-elle, tout en sachant pertinemment que ce n'était pas le genre de réponse à laquelle son ancien metteur en scène s'attendait. Ils s'étaient connus sur les planches. L'art était pour eux une passion, pas juste un passe-temps. Mais Jules essayait de combattre ceci, et de toutes ses forces. « J'écris dans les pages culturelles. » A défaut de les remplir par ses propres talents artistiques. Un poste qui lui convenait plutôt bien, sans pour autant pleinement la combler. « Non. » Déclara-t-elle avec empressement. Non, elle ne reviendrait pas à l'Opéra. Sa dernière sortie de scène avait été bien trop douloureuse, bien trop destructrice. Elle s'était impliquée dans son rôle, vivant avec force les émotions de son personnage. Elle s'était beaucoup reposée sur Aaron pour garder les pieds sur terre et pour ne pas sombrer. Et lorsqu'il avait déserté son quotidien, l'inévitable s'était produit : Jules s'était écroulée, effondrée, et n'avait pas eu la force ou la foi de sortir la tête de l'eau pour respirer. « Je crois que l'Opéra, c'est fini pour moi. » Murmura-t-elle, alors que ses yeux se perdaient sur le reflet que lui renvoyait le miroir en face d'eux. Elle voyait Aaron relever la tête, sans doute sous le coup de la surprise. Elle voyait sa propre expression, vide et désertique. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, et n'avait aucunement envie de se justifier. « La scène trouvera d'autres talents. Ce n'est pas ce qui manque, et tu es bien placé pour le savoir. » Elle déglutit, la gorge nouée. Aaron savait dénicher les talents, et les faire éclore. Il savait les sublimer, comme il avait sublimé Jules. Et rien que l'idée qu'une autre profiterait de lui et de ses conseils avisés la tuait à petit feu. Mais elle devait se rendre à l'évidence : elle ne serait jamais sienne. Il valait mieux qu'elle prenne toutes les distances possibles et imaginables avant de sombrer complètement et définitivement. « Il l'a fait par hasard, je crois. Je ne connais personne ici. » Dit-elle en haussant les épaules. Son père lui avait laissé une seule commodité – un pays dont elle maîtrisait la langue. Pour le reste, elle se retrouvait seule et livrée à elle-même. Elle faisait tous les jours des progrès, mais elle était encore bien loin de ce que son père attendait d'elle. « Je n'ai pas encore eu l'occasion de voyager, à vrai dire. Je préférais me familiariser avec la ville et ses environs avant de me projeter plus loin. » En sachant qu'elle ne s'était décidée à mettre le nez dehors deux bons mois après son arrivée, il avait été impensable pour Jules d'envisager d'aller gambader ailleurs. « Je ne sais pas. Je ne pense pas. » Finit-elle par dire, sans pour autant se montrer sûre d'elle. L'ancienne cantatrice savait mieux que quiconque que rien n'était certain, et que l'aube d'un nouveau jour pouvait annoncer des changements considérables. « Pas dans l'immédiat, en tout cas. » Ça, en revanche, elle pouvait l'affirmer. Et ses certitudes ne firent que se renforcer lorsqu'elle apprit que son metteur en scène fétiche habitait la ville. Elle se redressa brusquement, les yeux écarquillés. « Tu... Tu vis à Brisbane ? » Oui, décidément, Aaron était un homme plein de surprises. Mais cette révélation la laissait stupéfaite, voire même carrément ébahie. Elle ne savait comment elle devait réagir ; sauter de joie, ou pleurer de désespoir ? Son père l'avait forcée à l'exil dans une contrée lointaine et étrangère pour l'éloigner de ses problèmes, de ses doutes, de ses angoisses. Et voilà qu'elle se retrouvait face à son passé, et à l'homme pour qui elle éprouvait de forts sentiments. Elle se mordilla l'intérieur de la joue, comprenant qu'ils risquaient de se recroiser assez régulièrement. Comment était-elle supposée l'oublier, dans de pareilles conditions ? « Ça se passe bien ? » Elle se flagella mentalement pour avoir posé cette question. Aaron était un grand garçon ; si ce qu'il faisait ne lui plaisait pas, il aurait arrêté. « Ce n'est rien, je t'assure. » Dit-elle en repliant sa jambe. Le choc n'avait pas été violent, heureusement. Elle aurait peut-être quelques légères douleurs pendant quelques jours, tout au plus. « Je manquais de concentration, voilà tout. » Et elle manquait surtout de discernement, quand Aaron Wyler entrait dans l'équation. « D'accord pour un café. » Acquiesça-t-elle. Elle se dirigea avec prudence jusqu'à son sac, et prit conscience de son apparence. Body bicolore, cheveux en bataille, et une mèche collée dans son cou... Pas franchement le tableau idéal pour une sortie, même sans ambiguité. « Je... Il faut juste que je repasse par les vestiaires pour prendre une douche. Tu peux venir si tu veux. » Elle se pencha pour ramasser son sac, et comprit trop tard que sa phrase précédente pouvait être mal interprétée. Le rouge aux joues, elle se retourna vers Aaron. « Enfin, tu peux m'attendre dans les vestiaires, ou ici, ou aller dans un café et je te retrouverai là-bas, ou... Bref, tu m'as comprise. » Elle se tut et finit par baisser les yeux, les joues cramoisies et morte de honte. Elle n'en loupait pas une. « Je n'en ai pas pour longtemps. » Assura-t-elle avant de s'éloigner en direction des vestiaires, esquivant volontairement le regard d'Aaron. Elle avait envie de s'enterrer – ou de se noyer sous sa douche, au choix – pour ne pas avoir à subir son regard inquisiteur. Mais en même temps, elle crevait d'envie de le revoir et de passer un peu plus de temps avec lui. Elle se hâta donc ; elle prit une douche, noua ses cheveux mouillés en un chignon relâché duquel s'échappaient quelques mèches rebelles, et enfila le jean et la chemise blanche qu'elle portait avant son entraînement. Elle se regarda dans le miroir et se trouva follement insipide et quelconque. Elle s'empara de son sac, et fila à nouveau en direction de la scène. « Je suis désolée de t'avoir fait attendre. » Déclara-t-elle en marchant vers lui. « Où vas-tu m'amener ? »
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Message(#)dancing in the moonlight EmptyJeu 15 Oct 2015 - 2:25

Journaliste. Ainsi, Jules avait décidé de passer de cantatrice à auteure d'articles pour un journal. « C'est un sacré changement de cap. » je commente tout bas, trouvant le virage presque trop brusque. L'écriture est une autre forme d'art, mais l'écriture journalistique l'est beaucoup moins. Quoi que les pages culturelles laissent plus de libertés. C'est étrange, je ne voyais pas la jeune femme endosser un rôle pareil. Mais il semblerait que, elle aussi, entre la danse et le journalisme, soit pleine de surprises. Je me demande s'il ne s'agit que d'un rôle alimentaire, visant uniquement à lui permettre de faire quelque chose de ses dix doigts le temps de se reposer. Si elle reviendra à l'Opéra. Non, répond-t-elle. Elle en a terminé avec ça. J'ouvre de grands yeux surpris, au moins autant que si l'on venait de commettre un assassinat sous mes yeux. La surprise se transforme en peine, puis je reviens au calme. « C'est vrai. » je murmure. La scène trouve toujours de nouveaux talents à faire fleurir, à forger, à détruire, à sublimer. Néanmoins je maintiens que Jules n'a pas fait son temps. « Mais toi… Tu y reviendras forcément. » dis-je avec conviction. « La scène n'est pas un endroit dont on peut s'échapper. On peut s'éloigner, prendre une pause, mais elle nous ramène toujours à elle. Toujours. On croit avoir la main sur la scène, mais c'est elle qui nous tient fermement. Et toi, tu es l'un de ses enfants. Elle ne te laissera pas la quitter de si tôt. Tu lui reviendras, parce que tu lui appartiens. » Comme moi, comme tous ceux qui dépérissent sans avoir un rôle à jouer, une matière à travailler, une œuvre à créer. Nous sommes tous artistes dans le fond, mais certains ont besoin de la création comme oxygène et de l'imagination comme moteur de leur vie. Prétendre l'inverse est contre-nature. Je dois le cacher, mais je suis réellement ravi d'apprendre que la jeune femme ne compte pas partir dans l'immédiat. J'en viens à lui dire que je vis moi-même à Brisbane, dans la ville où son père m'a envoyée se ressourcer, depuis quelques années. « Je pensais te l'avoir dit. » dis-je avec un air désolé. Puis j'hausse les épaules ; « Ca se passe plutôt bien. J'ai repris mon travail à l'université depuis peu de temps. J'ai passé quelques semaines à Rome après la tournée pour me reposer, et je suis revenu pour le nouveau semestre. C'est assez difficile de reprendre le rythme. » Mais j'y parviens peu à peu. Je remets les pieds sur terre après une année passée dans les avions, à aller de pays en pays avec la troupe. Je retrouve la stabilité et la solitude après des mois de voyages avec une autre famille. « Il faut de nouveau s’acclimater à la vie normale, après une année à vivre dans ce monde parallèle, tu ne trouves pas ? » Ce sont des rêves imbriqués les uns dans les autres. La tournée est un songe en soi, avoir la chance de parcourir le globe est assez incroyable. Et puis, il y a le spectacle, une autre illusion. Un rêve dans un rêve. Je libère la cheville de Jules et, non sans devoir réunir tout le courage que je possède, l'invite à boire un café. Ce qu'elle accepte, faisant subir à mon coeur plusieurs soubresauts. « Je t'attends ici. » dis-je alors qu'elle file aux vestiaires pour prendre une douche et se changer. Pendant ces longues minutes, à plusieurs reprises, je dois me faire violence pour rester. Ma timidité reprends le dessus, ma peur de l'inconnu aussi -et ce que je ressens pour Jules est actuellement la plus grand inconnue dans l’équation de ma vie actuellement. Je parviens à tenir jusqu'à ce qu'elle réapparaisse. Mourant de nervosité, je fais de mon mieux pour paraître à l'aise, ou juste assez gêné pour que la jeune femme ne vois pas plus en moi que les manies du Aaron réservé qu'elle connaît bien. « La plage n'est pas très loin. Je connais un endroit plutôt petit et tranquille avec une terrasse donnant sur l'océan. » Et il ne faut qu'une dizaine de minutes à pied pour s'y rendre. Autant de temps plongés dans le silence. Je ne sais pas quoi dire, et me sens comme le pire des imbéciles. Ridicule. Stupide. Vieux. Nous prenons une table en terrasse, là où la vue est des plus agréables à cette heure de la journée où le ciel devient tantôt rose, tantôt doré, où les nuages sont parsemés de bleu, le soleil se noie doucement à l'horizon, et l'air iodé, revigorant, dépose un peu de sel dans nos poumons. « Je... » Mon regard quitte enfin le ciel pour se poser sur Jules. « Je suis content de te retrouver ici. Je pensais vraiment que nos chemins étaient séparés pour de bon, et... » Ma sincérité finira par me trahir, c'est certain ; elle me conduira tout droit au bûcher, où l'on coupera ma tête avant de faire brûler le tout pour s'assurer que je ne revienne pas. « Ca m’attristait beaucoup de… perdre de vue une artiste telle que toi. » Feinte pitoyable pour ne pas dire que je suis revenu d'Italie pour elle, pour la chercher, la retrouver, et me retrouver à cet instant précis, incapable de dire quoi que ce soit de cohérent, mort de nervosité, de peur, de honte, espérant tout et rien à la fois ; les deux pieds au bord d'un précipice finalement, et hésitant entre le pas en avant et le pas en arrière. « Je vais me mettre à lire le journal maintenant, alors. »
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Message(#)dancing in the moonlight EmptyDim 18 Oct 2015 - 0:11

« Oui et non. En parallèle de ma carrière, j'ai suivi des études de journalisme. Il était temps que je passe de la théorie à la pratique. » Argumenta-t-elle, presque convaincue par ses dires. Ce n'était pas tout à fait faux – un peu d'expérience dans le domaine journalistique lui permettait de se maintenir à flot, mais aussi d'exercer dans une voie bien différente que celle qu'elle avait daigné suivre jusqu'à maintenant. Pour le moment, la variété de son travail lui plaisait. Elle n'était pas aussi stimulée qu'elle l'avait autrefois été sur scène, mais elle s'en contentait. Naïvement peut-être, elle s'imaginait que cela suffirait. Mais pour combien de temps ? Elle préférait ne pas y songer pour l'instant. Aaron lui-même ne semblait pas croire à sa reconversion professionnelle – et ses mots ne la laissèrent pas de marbre. « Honnêtement ? » Commença-t-elle, pleine de convictions. L'Américaine était sujette aux doutes, elle l'avait toujours été, et le serait certainement toujours.  D'une certaine façon, si elle se trouvait ici, c'était justement pour les dissiper au maximum – c'était en tout cas un argument de son père, lorsqu'il lui avait fait part de sa volonté de la voir partir pour une contrée lointaine. Le temps qu'elle se remette de ses douleurs, avait-il subtilement glissé. « Je ne pense pas. » Elle réfutait l'idée d'Aaron, inquiète à l'idée d'y voir transparaître un brin de vérité. La scène était pour elle une source d'émotions considérables. Mais elle sortait littéralement épuisée de chacune de ses prestations. La scène lui procurait certes une satisfaction immense, mais ses rôles la plongeait, la plupart du temps, dans la douleur et l'angoisse. Elle avait toujours eu des rôles dramatiques, de figures historiques plus ou moins profondes, plus ou moins lourdes. Mais cette fois-ci avait été différente. Le coup de grâce, ça avait été lui. Lui, sa présence, son charisme, le bien-être qu'il lui apportait. Et puis, du jour au lendemain, plus rien. « Tu as peut-être raison. Mais Aaron... Je suis fatiguée. » Avoua-t-elle, avant de baisser les yeux. Elle ne pouvait pas se confronter à lui ; c'était au-dessus de ses forces. Il était soudainement parti, la laissant triste et sans repère. Elle avait sombré, et n'avait jamais trouvé la force d'essayer de se relever. Elle s'était laissée submerger, et serait surement encore alitée si son père ne l'avait pas contrainte à bouger. « Jamais. J'en suis restée au fait que tu vivais en Italie. » Déclara-t-elle, surprise d'apprendre qu'Aaron vivait en réalité à Brisbane. Elle ne savait pas très bien si elle devait s'en réjouir ou non ; maintenant qu'elle le savait dans les parages, saurait-elle composer sans lui ? Saurait-elle faire abstraction de sa présence, et avancer sans essayer d'agripper sa main ? Elle déglutit, consciente que de nouveaux défis l'attendait. « J'imagine. Tu dois assurer beaucoup d'heures par semaine ? » Demanda-t-elle. Elle se demanda si les étudiantes du professeur étaient aussi sensibles à son charme qu'elle même pouvait l'être. Elle aurait aimé vérifier, mais savait que cela s'apparentait à de la torture pure et simple. « C'est vrai. » Acquiesça-t-elle. La fin de l'opéra commençait à dater un peu – quelques semaines déjà. Mais Jules savait mieux que personne qu'il était difficile que changer des habitudes bien définies et devenues, par définition, rassurantes. « D'ailleurs, tu le gères bien ? » L'interrogea-t-elle, curieuse. Elle n'avait eu que peu de contacts avec son ancienne troupe – mais les réseaux sociaux l'avaient bien renseignée. Elle savait que la plupart avait rebondi, et s'était engagée dans d'autres projets. Elle était la seule à avoir pris la décision de prendre le large, et de couper ses liens forts avec le monde artistique. Elle eut un sourire timide lorsqu'il lui proposa d'aller boire un café, et elle accepta aussitôt, trop ravie de voir la tournure que prenait les événements. Si elle avait été honnête avec elle-même, elle aurait compris que cette étape serait essentiel pour le futur ; rester aux côtés d'Aaron ne l'aiderait pas à prendre son envol, son indépendance. Mais en avait-elle réellement envie ? Là était toute la question. C'est la tête pleine de questions qu'elle se dirigea vers les vestiaires, pour prendre une douche. Elle fit vite ; elle ne voulait pas perdre plus de temps que nécessaire. Aaron l'attendait. Sa vie l'attendait. « Je te suis. » Murmura-t-elle, les yeux pétillants de malice. Elle détourna bien vite le regard, de peur d'être démasquée par son ancien metteur en scène. Après tout, qui mieux que lui pouvait savoir quand elle jouait, et quand elle était sincère ? « Vu la description, ça m'a l'air d'être une excellente adresse. » Déclara-t-elle, enjouée. Elle passa une écharpe autour de son cou, et durant le trajet, s'accommoda du silence. Elle ne voulait faire aucun pas de travers. Jules ne voulait pas décevoir Aaron. « Tu viens souvent ici ? » Demanda-t-elle en s'installant d'un côté de la table. Le professeur prit place en face d'elle, et le serveur vint rapidement prendre leur commande. Elle opta pour un soda, et se concentra sur les propos de son ami. Elle se mordilla l'intérieur de la joue, et fut soulagée de voir que le coucher de soleil parvenait à masquer la rougeur de ses joues. « Moi aussi, je le pensais. Vraiment. » Elle optait pour la franchise. Si ils ne s'étaient pas recroisés, elle ne l'aurait jamais rappelé. Il fallait qu'elle se désintoxique – c'était les mots que son père avait employé. Son cœur se serra, égoïstement, lorsqu'Aaron poursuivit. Alors elle se flagella – un peu plus fort que d'habitude. « On en a déjà parlé tout à l'heure ; les artistes, ce n'est pas ce qui manque... » Elle adressa un sourire au serveur, qui venait de les interrompre pour déposer leur commande sur la table. Elle tressaillit en l'entendant dire qu'il allait se mettre à lire le journal, et secoua négativement la tête. « Ne le fais pas, s'il te plait. Ce n'est pas important, et ma contribution est faible. » Pour le moment, en tout cas. Son regard divagua vers la plage, et se perdit dans les reflets bleutés et rosés qu'offraient le coucher de soleil. « J'adore les paysages et les couleurs de la ville. » Se justifia-t-elle simplement, pointant le ciel du doigt. « Ça m'inspire. » Avoua-t-elle, restant quelque peu énigmatique.
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Message(#)dancing in the moonlight EmptyDim 25 Oct 2015 - 23:22

C'est étrange de remarquer qu'après toute une année passée l'un auprès de l'autre, dans cette troupe devenue notre famille de substitution pendant des mois, il y a des choses que nous ne savons pas. Jules était persuadée que je vivais en Italie, et lui dire que je retournais à Rome après la tournée avait du la conforter dans cette idée. Je ne lui ai peut-être jamais parlé de Brisbane, ni de Sydney, alors que je vis en Australie depuis plus de dix ans maintenant. Il faut dire que j'ai toujours préféré le vieux continent, et la ville de Rome qui m'a vu grandir et naître l'amour entre moi et Ella. C'est mon berceau, mon vrai chez-moi. Avec ma femme, nous avons souvent voyagé à travers le monde -sûrement Jules le sait-elle, j'aime tant raconter mes périples d'un pays à l'autre et toutes les anecdotes folkloriques qui ont eu lieu au Tibet ou en Amérique du Sud. Nous revenions à chaque fois à Sydney, où nous étions installés. Mais c'est à Rome que je me ressourçais. Cette fois, c'est seul que je suis rentrée à Brisbane, espérant trouver la jeune chanteuse, et retrouvant en même temps la petite vie que je me suis construit ici. Professeur est un métier qui me correspond bien, même si l'on pourrait penser que ma timidité peut être une obstacle lorsqu'il s'agit de parler devant une centaine d'élèves dans un amphithéâtre. Une fois l'habitude prise, le trac naturel ne dure que quelques secondes. Depuis mon retour, l'université me ménage. Je reviens en cours d'année, comme une fleur, après des mois sur les routes, devant complètement changer de mode de vie à nouveau. « Une vingtaine d'heures. Rien de trop fatiguant. » je réponds à Jules. « Cela me laisse le temps pour mes autres activités, le théâtre, les cours de piano, l'écriture, et surtout la sculpture. » Je garde mon esprit occupé et ma vie bien remplie afin de ne jamais perdre de temps à me replonger dans un passé où je n'étais pas si seul. Multiplier les activités, c'est également multiplier les rencontres, et ne pas rester dans son coin. Il y a toujours quelqu'un pour venir vers moi, engager la conversation, se montrer amical. Car maintenant que la troupe s'est éclatée aux quatre coins du globe, il faut de nouveau s'ouvrir au monde, aux autres. C'est fou à quel point on passe d'une habitude à l'autre ; les débuts sont difficiles, puis l'on s'y fait, et lorsqu'il faut passer à autre chose, le cycle reprend, la nouvelle habitude est un choc. « Je n'en sais rien. Parfois, le nomadisme me manque. J'ai envie de sauter dans un avion pour aller n'importe où. Je me dis que je pourrais facilement retrouver un emploi comme metteur en scène, mais j'ai aussi besoin d'un période de stabilité. » Je ne suis pas du genre à m'imposer quoi que ce soit ; si un jour je veux plaquer Brisbane, l'université, tout ce qui se trouve ici pour tout recommencer ailleurs, je le ferais. C'est ainsi qu'Ella et moi avons toujours fonctionné : sans regrets. Mais mon besoin actuel est de retrouver une routine. Et surtout, retrouver Jules. Nous nous rendons dans ce café dont je lui fais une brève description. Il faut dire que la vue sur la mer suffit à faire comprendre tout le charme de l'endroit. « Toutes les adresses que je connais sont excellentes, voyons. » dis-je avec un sourire pour plaisanter. Mais le silence reprend bien vite ses droits jusqu'à ce que nous arrivions et que nous nous installions. « C'est un endroit où nous venons parfois entre professeurs, mais j'y viens souvent seul. Je m'installe avec un carnet à dessin, et je fais quelques croquis des clients qui vont et viennent, ou des personnes sur la plage. » je réponds à Jules, observant ça et là les personnes autour de nous, comme pour illustrer mon propos. Un serveur s'approche pour prendre nos commandes ; un soda pour la jeune femme, un café pour moi -quelle originalité pour un Italien. C'est avec une grande nervosité et autant de sincérité que j'avoue à Jules ma crainte de ne jamais la revoir. Elle aussi pensait que nous nous étions définitivement perdus de vue. « Tu n'aurais jamais cherché à garder contact avec... » moi. « ...avec aucun des membres de la troupe, n'est-ce pas ? » je demande sans oser la regarder, sachant très bien que la réponse sera positive ; si elle souhait tourner la page, se couper du monde du spectacle, elle ne serait jamais allée jusqu'à demander de mes nouvelles -des miennes, ou de n'importe qui d'autre, se résignant à simplement couper les ponts, qu'importe les liens qui se sont tissés, s'il en est. Encore une fois, je ne sais pas pourquoi, la jeune femme se déprécie et se banalise, comme une artiste aux milieu des autres, sans plus d'importance, sans plus de talent. Je secoue négativement la tête, un sourire en coin. « Pourtant, je ne connais qu'une seule voix en or qui s'appelle Jules. Pas toi ? » Sur ce, je porte mon café à mes lèvres ; il est encore brûlant et noir, mais c'est ainsi que je l'aime. C'est surtout par envie de la taquiner que je lui dis que je compte lire ses articles dans le journal à partir de maintenant. Et mon sourire s'agrandit en voyant que je parviens à l'embêter un peu, pas méchamment. Elle ne veut pas que je la lise, sans que je sache pourquoi. Sûrement parce qu'elle débute et trouve ses papiers bourrés d'amateurisme. Pourtant, je suis curieux de savoir sur quels sujets elle se penche, sa plume, cette facette d'elle dont je n'avais pas idée. « Tu sais bien que je le ferais quand même. » dis-je en haussant les épaules. Je ne me vois pas résister à la curiosité de la lire ; même si je le voulais, je finirais par craquer. C'est un mécanisme logique de l'esprit malheureusement ; si je vous dit de ne pas penser à un éléphant, à quoi pensez-vous ? Sur le même modèle, me dire de ne pas lire ses articles ne peut que m'inciter un peu plus à me pencher dessus. Rêveuse, Jules regarde le paysage. Brisbane a pour elle ses magnifiques couchers de soleil sur la plage. J'avoue profiter de son moment d’inattention pour l'observer. Mon regard glisse sur sa peau porcelaine, ses adorables pommettes, la perfection du trait de sa mâchoire et son cou, ainsi en torsion, mettant en valeur la finesse de sa courbe et sa chute jusqu'à ses fines épaules et ses clavicules. « Et qu'est-ce que cela t'inspire ? » je demande, espérant secrètement que son regard restera en direction du rivage, afin de me laisser encore un peu le loisir de la contempler.
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Message(#)dancing in the moonlight EmptyMer 28 Oct 2015 - 16:57


« Il est grand temps qu'un jour, nous nous essayions à un quatre-mains. » Suggéra-t-elle, les yeux pétillants de malice. Née dans une famille d'artistes, Jules avait hérité de cette fibre si particulière qui lui faisait toucher du bout des doigts le monde artistique. Ses parents l'avaient initiée à la musique dès son plus jeune âge, l'encourageant vivement à apprendre à jouer d'un instrument. Elle avait choisi le piano, impressionnée par l'instrument imposant qui trônait dans le salon de ses parents et auquel elle avait l'interdiction formelle de toucher. Et puis le virus avait pris, et elle avait jeté son dévolu sur la harpe et la flûte traversière. Avant qu'on ne lui découvre un talent inné pour le chant, qui avait tout ravagé sur son passage. « Quand vas-tu te décider à me montrer ce que tu produis ? » Demanda-t-elle, curieuse. « J'ai entendu parler de tes écrits et de ta sculpture pendant un an, mais tu n'as jamais voulu me dévoiler ton univers. Aurais-tu des choses à cacher ? » Plaisanta-t-elle. En aucun cas, elle ne lui forcerait la main. Le jour où il serait prêt à lui ouvrir la porte de son monde, elle l'y suivrait sans réfléchir et en écoutant attentivement les explications qu'il voudrait bien lui donner. Elle était patiente, Jules. Elle savait aussi que les artistes avaient parfois besoin de temps pour s'ouvrir, et se faire confiance. Sans surprise, leur conversation dévia vers ce qu'ils avaient partagé, avec le reste de la troupe. « Donc tu n'exclues pas la possibilité de repartir un jour, toi ? » Elle l'avait deviné, en interprêtant ses mots. Mais elle en voulait la confirmation – sans savoir si un tel aveu la rassurerait ou la plongerait dans la peine et la désolation. « Je comprends. Je pense qu'à un moment, on a tous besoin de se ressourcer. » La tournée avait été longue et épuisante. Ils avaient tous ressenti le besoin de prendre un peu de temps pour eux – mais les anciens collègues de Jules avaient vite repris le chemin du nomadisme, comme le disait si bien Aaron. « Si jamais un jour tu as besoin... » Elle laissa ses propos en suspens ; le metteur en scène avait très bien compris où elle voulait en venir. L'avantage d'avoir vécu et évolué dans un monde artistique, c'est que l'on finit par se faire des contacts dans tous les domaines possibles et imaginables. Ils se dirigèrent vers le café qu'Aaron voulait lui faire découvrir, et Jules ne put s'empêcher de se remémorer quelques souvenirs communs. « Il semblerait. Mes papilles se souviennent encore des plats merveilleux de ce petit restaurant dans lequel nous sommes allés, à Rome. » La troupe n'était pas restée longtemps en Italie. Deux semaines au total, dans plusieurs villes. Rome, Naples, Florence et Venise pour terminer. Au cours des jours de repos qui avaient été accordés à la troupe, Aaron s'était improvisé guide touristique et interprête. « Le dernier jour, j'ai bien cru que la maquilleuse ne pourrait jamais fermer mon costume de scène. » Et elle exagérait à peine. Elle s'était sentie à l'étroit dans son costume – qui avait été fait sur mesure, afin d'épouser ses légères courbes féminines à la perfection. La faute à son côté gourmand et aux bonnes adresses de son metteur en scène. « Mais je peux m'autoriser un écart aujourd'hui. J'ai de la marge. » Assura-t-elle, amusée, en tirant légèrement sur son tee-shirt. Jules n'avait jamais été très épaisse, mais elle était aujourd'hui plus mince que jamais. Il n'était pas rare qu'elle se contente d'un repas par jour, puisqu'elle ne mangeait que lorsqu'elle avait faim. Un état qui avait alarmé son frère aîné, à tel point qu'il en était arrivé à un stade où lui faire la morale quotidiennement était devenu une sorte de rituel.  Ils arrivèrent bien vite à ce petit café en bord de plage. Jules appréciait ce genre d'endroit, pour le calme et le paysage qu'ils offraient. Elle était bien loin des lieux tapageurs et électriques de Los Angeles – ce qui, évidemment, n'était pas pour lui déplaire. Elle fouina dans son sac et en ressortit un petit carnet, qu'elle ne quittait jamais. Réflexe purement journalistique – sait-on jamais, si quelqu'un se décidait à lui confier un secret d'état à l'angle d'une rue. « Tiens. » Dit-elle en le faisant glisser vers Aaron. « Si jamais quelque chose t'inspire, aujourd'hui. » La situation lui paraissait presque irréelle. Mais lorsque le serveur revint à leur table avec leur commande, et qu'elle huma l'odeur du café noir d'Aaron, elle sut que tout cela était bien réel. « Non. » Mais elle se sentit obligée de s'expliquer, de se justifier, de le rassurer. « Ce n'est pas contre eux, ou contre toi. C'est juste... Quand tu veux rompre de manière définitive avec quelque chose, je pense qu'il est mieux d'éviter tout ce qui pourrait te ramener à ça. Parce que ça te torture inutilement. Tu comprends ? » Elle espérait sincèrement qu'il répondrait positivement. Elle ne voulait pas en dévoiler plus, consciente que ça lui mettrait le cœur à nu devant Aaron. Mais il lui paraissait essentiel de faire comprendre à Aaron que ce n'était pas par ingratitude à l'égard de la troupe qu'elle restait volontairement à distance. Elle fit la moue et secoua la tête, alors qu'il lui rappelait son talent pour le chant. Alors, d'humeur taquine, elle corrigea ses propos précédents. « En fait, j'ai un peu menti. Je chante encore, parfois. Quand je prends ma douche par exemple. Ou quand Kate Bush passe à la radio. Je ne résiste jamais à Kate Bush. » Avoua-t-elle, souriant largement. La chanteuse anglaise, son univers particulier et ses performances vocales de soprano avaient immédiatement conquis Jules. « T'es chiant. » Elle capitulait, sachant très bien qu'elle n'aurait de toute façon aucune emprise sur lui. Mais de bon cœur, puisqu'un léger sourire naquit sur ses lèvres. Elle avait l'impression de retrouver, tout doucement, cette agréable complicité qu'ils avaient partagé au cours de leur année passée sur les routes. Elle prit une gorgée de son soda, et contempla le paysage rougeoyant du coucher de soleil. « Plein de choses. Une séance de méditation, de la danse contemporaine, une baignade nocturne, un voyage dans une contrée lointaine et perdue. » Avoua-t-elle. Elle ferma les yeux une seconde, s'imaginant dans la dernière des situations qu'elle avait évoqué. Plus le temps avançait, plus elle réalisait que sa vie tournait autour de la scène, qu'elle le veuille ou non. Elle avait décidé de mettre sa carrière de cantatrice entre parenthèses ? Elle dansait pour oublier. Et quand elle rentrait chez elle et qu'elle se sentait triste, quelle était sa première idée ? Aller s'asseoir derrière le piano à queue de ses parents, pour jouer sa peine jusqu'à ce qu'elle s'estompe. Et aujourd'hui ? Éloignée de presque tout, elle tombait par hasard sur son ancien metteur en scène, lui-même plongé jusqu'au cou dans des arts divers et variés. Et il la stimulait. Volontairement ou pas, elle n'en savait rien, mais le résultat était là : elle était stimulée, et en oubliait tout. Il n'y avait pas de hasard.
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Message(#)dancing in the moonlight EmptyJeu 5 Nov 2015 - 16:41

Réservé, je le suis à propos de mes sculptures depuis que j'ai quitté l'Italie. Là-bas, à Rome ou ailleurs, j'étais connu pour mes œuvres, elles étaient de précieuses acquisitions pour les membres des hautes sphères de la société, prisées plus que je n'aurais pu espérer qu'elles le soient un jour. Et puis, en quittant les frontières de la botte, je me sens rendu compte que mon talent s'arrêtait là où la Méditerranée commençait. Ici, en Australie, je ne suis plus personne. Même si j'expose toujours, le succès n'est pas le même. L'Italie est un monde plus petit. Partir et découvrir l'autre hémisphère force la modestie. Je suis bien lus humble à ce sujet désormais, mais je n'ai rien à cacher pour autant. « J'avais sûrement peur que ça ne te plaise pas. » dis-je pour justifier ma discrétion à propos de mes sculptures. J'aurais sûrement un peu de peine si Jules venait à ne pas les trouver à son goût, alors que j'aime le moindre de ses gestes et de ses mots. Les goûts et les couleurs. Je le sais. « Mais tu pourras passer chez moi un jour pour voir certaines œuvres. » j'ajoute avant de réaliser ce que je viens de dire, laissant la gêne me pétrifier pendant un instant et me faire bredouiller. « ...ou j-je te montrerai des photos. » Oui, cela sera sûrement bien mieux. Des photos. L'inviter chez moi, quelle idée. De toute manière, elle n'aurait pas accepté. Malgré une année sur les routes ensemble, ce n'est pas le genre de proposition qui me semble correcte à faire à une jeune femme. Les intentions peuvent être si mal interprétées. Parlant de la troupe et de la fin du spectacle, j'avoue que cette vie d'itinérance me manque parfois. Dur retour à la réalité. Repartir ? « Je n'en sais rien. J'ai souvent été en voyage. J'alterne les périodes de calme et les périodes sur les routes. Mais je n'ai plus vingt ans. » Oh ça, non, je n'ai plus vingt ans. Je suis toujours en forme, plein de vie, et certainement pas prêt à me laisser dépérir. Néanmoins, les voyages aussi longs sont parfois très fatigants. Et puis, il serait temps pour moi d'essayer de reconstruire quelque chose de solide, sans Ella. La page se tourne doucement, et se prépare un nouveau chapitre. Une partie de moi veut que Jules en fasse partie. Malgré son spleen éternel, la jeune femme m'inspire. Sa présence exalte mon coeur, autant qu'elle le torture. Je ne sais pas pourquoi je redemande de cette douleur. Ces délicieux picotements dans la poitrine, ces nœuds au ventre. Cette envie de sourire, tout le temps, et de la faire sourire. De prendre sa main et de ne plus la lâcher. Sur le chemin vers le café, Jules se remémore notre saut à Rome. J'avais été si heureux de pouvoir montrer à la jeune femme et au reste de la troupe toute la beauté de cette ville où j'ai grandi. Ces coins que les touristes ne connaissent pas, ces adresses nichées dans des rues annexes aux magnifiques fontaines qui ponctuent la cité. Je m'amusais de voir que mes cours d'italien avaient porté leurs fruits, et que Jules arrivait à se faire parfaitement comprendre sans mon aide. J'étais si fier d'elle. « Tu devrais t'autoriser un écart tous les jours. Tu pourrais t'envoler au moindre coup de vent. » je fais remarquer sans reproche, constatant simplement qu'elle était toujours aussi menue. Je pense que sa physionomie est ainsi, et que même en ne se nourrissant que de pizzas, elle serait bien incapable de prendre un gramme. A la terrasse du café, elle me tend un carnet qu'elle avait sur elle, ainsi qu'un crayon. Surpris, j'arque un sourcil, mais je la remercie avec un sourire en coin. J'ouvre une page blanche sans me permettre de fouiller dans les notes qui noircissent les autres. Quoique le carnet semble neuf, il n'y a pas grand-chose à l'intérieur. Jules m'avoue qu'elle ne comptait absolument pas garder contact avec qui que ce soit de la troupe. Ni moi, ni personne. Je prends sur moi pour cacher ma déception. Si je ne l'avais pas cherchée, je l'aurais tout simplement perdue à jamais, quelque part dans la nature. « Je comprends, oui. » dis-je tout bas. « Il y a des choses si puissantes qu'il est nécessaire de couper tous les liens pour réussir à s'en défaire. » C'est ce que j'avais tenté de faire en quittant Sydney pour Brisbane à la mort de ma femme. Sans grande volonté en réalité. Pour réellement mettre fin à ce chapitre, j'aurais du quitter l'Australie, et non rester à deux heures d'avion de sa tombe. Dans un registre plus joyeux, Jules m'avoue pour plaisanter qu'elle continue de chanter. Sous la douche. Ce qui me fait doucement rire, avant de prendre une petite gorgée de café. « Kate Bush ? C'est particulier. » Mais j'aurais du m'attendre à ce que la jeune femme ait des goûts de ce genre, outrepassant ceux de sa génération. « J'ai découvert une musicienne vraiment impressionnante il n'y a pas longtemps, Lindsey Stirling je crois. Pas mon genre de musique, du tout. Mais il faut avouer qu'elle a un talent fou. » La demoiselle fait du violon en dansant, effectuant souvent des pas de danse classique particulièrement difficiles. Une véritable pile électrique. Elle a su m'épater. Laissant Jules à sa contemplation de la plage, je profite de sa divagation pour griffonner sur le carnet qu'elle m'a donné. Mon regard passe d'elle à la feuille rapidement. En deux ou trois minutes, et quelques coups de crayon précis, le profil rêveur de la jeune femme prend forme. Le croquis rapidement terminé, je fais glisser le carnet jusqu'à elle. « Tiens. J'étais inspiré également. » dis-je, nerveux, avant de me cacher derrière une gorgée de café. Mon coeur recommence à battre à toute allure. Le regard baissé, j'avoue à voix basse ; « Tu m'as manqué. » Puis je prends une grande inspiration, termine mon café d'une traite et tente de retrouver consistance. Je m'éclaircis la voix, pour dénouer ma gorge, et faisant comme si de rien n'était du mieux que je le peux, je passe du coq à l'âne ; « Come è il tuo italiano? Sei stato a praticare? » Je me doute que non, ce n'est pas à Brisbane que l'on a souvent l'occasion de pratiquer son italien. Je me souviens toujours avec tendresse de nos longues heures passées à parler italien.
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Message(#)dancing in the moonlight EmptyLun 9 Nov 2015 - 22:00

« Je ne te jugerai pas. » Ce n'était pas son genre, de toute façon. L'Américaine regardait, contemplait, acquiesçait, mais ne jugeait jamais – et encore moins dès que le domaine artistique était en jeu. Elle savait que les artistes, les vrais, s'impliquaient à cent pour cent dans leur art. Ils se donnaient à fond. Corps et âmes. Et y laissaient parfois quelques plumes. « Promis. » Ajouta-t-elle, l'air mutin, comme pour le convaincre de céder à ses envies. Elle sourit en entendant qu'il cédait et, mieux encore, lui proposait de se rendre chez lui pour découvrir son univers. Il fit cependant rapidement marche arrière, et Jules tenta de masquer sa déception derrière un hochement de tête. « Des photos, ce serait super. » Concéda-t-elle. Elle ne voulait pas lui forcer la main plus qu'elle ne l'avait déjà fait. Elle saurait se montrer patiente, comme lui avait pu l'être avec elle lorsqu'il la conseillait et dirigeait sur les planches. Et elle se promit mentalement de regarder l'actualité du professeur – au cas où il lui prenne l'envie d'exposer à Brisbane sans l'en avertir. Elle pourrait toujours justifier sa présence avec son statut de journaliste, au pire. « Je crois qu'une partie de moi envie ta vie. Tu as eu l'occasion de vivre tellement d'aventures, de rencontrer tellement de gens, et d'apprendre de tellement de choses. C'est une chance inouïe. » Affirma-t-elle, absolument convaincue. Elle avait écouté les récits de ses voyages au cours de l'année passée, et avait quasiment bu ses paroles. Il avait un don d'orateur certain, et une présence physique et charismatique qui achevaient de parfaire le tableau. « C'est comme si tu avais vécu plusieurs vies différentes dans une seule. Personnellement, je trouve ça absolument génial. » Avoua-t-elle, presque admiratrice. Il avait voyagé, vécu de son art, et touché à mille domaines différents. Il avait relevé des défis, avait vécu des expériences uniques. Jules le trouvait courageux, et l'admirait pour cela. « Je compte sur toi pour me rattraper si jamais ça m'arrive ce soir. » Plaisanta-t-elle, amusée. Elle fut soulagée de voir qu'Aaron ne la sermonnait pas sur son poids – chose que ses proches avaient tendance à faire dès qu'ils en avaient l'occasion.  

Ils furent rapidement installés et servis, et la conversation continua comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. « Honnêtement, je ne suis pas certaine que la méthode porte ses fruits. » Murmura-t-elle. Elle n'avait jamais très bien compris comment les gens pouvaient s'imaginer que des milliers de kilomètres mis entre eux et leurs problèmes seraient salvateurs. « Je pense que seule la volonté triomphe. »  Conclue-t-elle à voix basse. « Je crois que je me reconnais en elle. » Avoua-t-elle en haussant les épaules. Elle ne pouvait pas nier que Kate Bush était une artiste aussi géniale que particulière. Talentueuse, aussi bien douée en chant qu'en danse. Avec une voix exceptionnelle, et une aura bien singulière. Pour Jules, cette Britannique était devenue un véritable modèle, et elle l'admirait sincèrement. « Ça ne me dit rien. » Déclara-t-elle. « C'est quel genre ? » Elle se renseignerait plus précisément sur l'artiste dès qu'elle rentrerait chez elle, c'était évident. Tout ce que disait Aaron était pour elle parole d'évangile – à peu de chose près. Elle savait aussi qu'il avait un goût raffiné en matière d'art, et que s'il prenait la peine de lui mentionner cette personne là, c'était parce qu'elle devait avoir un talent fou. Elle s'empara du carnet qu'elle lui avait passé, et l'ouvrit à la dernière page qui avait été noircie. Elle s'apprêtait à boire une gorgée de son soda, mais l'oublia momentanément en observant son propre profil. De ses longs cils qui se perdaient dans la contemplation de la ligne d'horizon, à ses mèches de cheveux rebelles qui sortaient anarchiquement de son chignon fait à la va-vite, tout était fidèlement reproduit sur son petit carnet. Elle s'arracha à la contemplation du dessin, et releva les yeux vers son ancien metteur en scène. « Aaron... » Elle l'interpellait, presque interloquée. Elle n'avait jamais douté du talent de son ami ; mais la matérialisation de ce talent la laissait sans voix. Ça allait bien au-delà de tout ce qu'elle avait pu imaginer – bien au-delà de tout ce qu'Aaron avait pu dire et décrire. « C'est magnifique. » Finit-elle par déclarer, l'émotion faisant trembler sa voix. « Tu veux le garder ? » Demanda-t-elle, prête à arracher la page de son carnet, pour rendre à l'artiste ce qui lui appartenait. Son cœur manqua un battement lorsqu'il lui avoua qu'elle lui avait manqué. L'émotion la submergea une nouvelle fois, et elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle laissa sa timidité de côté pendant un moment, le temps de faire glisser sa main droite jusqu'à celle d'Aaron. Elle s'en empara, et serra doucement ses doigts. « Tu m'as manqué aussi. » Elle aurait voulu se lever et aller se pendre à son cou pour le serrer contre elle jusqu'à ce que ses maigres forces ne le lui permettent plus. Elle aurait voulu lui dire qu'à partir de maintenant, leurs relations redeviendraient comme avant et qu'ils ne se quitteraient plus. Mais elle crevait de timidité, et il n'était pas disponible. Elle n'avait aucun droit. Pourtant, elle osa faire un premier pas vers lui. « On pourra se voir un peu plus régulièrement, si tu veux. » Pendant une seconde, elle se demanda si cette idée était raisonnable ; n'allait-elle pas s'infliger elle-même des souffrances sincères en le côtoyant sans pour autant être capable de l'aimer librement ? Probablement. Mais maintenant qu'elle le savait dans les parages, elle ne pourrait plus l'ignorer. Sa main délaissa celle du metteur en scène, et elle plongea le nez dans son soda pour effacer la gêne qu'elle commençait à ressentir. Elle esquissa un léger sourire en entendant les sons mélodieux qui sortaient de la bouche d'Aaron, mais elle secoua négativement la tête. « Non. Les italiens ne courent pas les rues, ici. » Se justifia-t-elle. Et puis elle sortait bien trop peu pour en rencontrer, de toute manière. Elle joua avec la paille de son verre après avoir terminé son soda, et sentit son cœur se serrer. Elle savait que, tôt ou tard, ils devraient se séparer. Et elle devrait reprendre sa vie, seule.

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Message(#)dancing in the moonlight EmptyVen 13 Nov 2015 - 11:59

« Je suis sûrement égoïste, mais j'espère que tu ne garderas pas la volonté de couper les ponts avec moi. » dis-je à voix basse, hésitant, et me surprenant à faire preuve de ce genre d'audace dans mes paroles -quoi qu'on puisse penser que ce n'est pas grand-chose de formuler pareille confession, mais de ma part, c'est tout autre chose. Jules pourrait, après ces retrouvailles, changer subitement d'avis. Décider que cette entrevue n'était qu'un pas de travers dans son envie de se couper du monde de la scène, une déviance à corriger dans sa trajectoire en cessant immédiatement de me voir. Mes recherches afin de la retrouver auront alors été vaines, ou du moins, ne m'auront permis de ne la revoir qu'une fois. Mais je comprendrai, et respecterai sa volonté. Je n'aurais pas d'autre choix à vrai dire. Je me demande ce qu'il adviendra de moi sans cette quête. Elle a occupé quelques mois de ma vie, et m'a donné comme un but, un objectif à remplir. Si Jules n'était plus là, ne voulait pas de moi dans sa vie ? Il me faudra trouver un autre horizon à atteindre. Je ne devrais pas être aussi pessimiste. Mais elle est si jeune, si libre, avec tant de choix et d'opportunités devant elle ; que voudrait-elle de moi qui ne suis pour elle plus que l'ombre de l'année passée et qu'elle cherche à fuir ? Elle me fuira aussi, je le pense. Je n'ai plus à profiter et chérir ce petit moment qu'elle m'accorde. « C'est une demoiselle qui joue parfaitement du violon en faisant de la danse classique, en même temps. Le tout sur de la musique électronique. C'est… intéressant. » je réponds à propos de la jeune Stirling, haussant les épaules. Définitivement pas le genre de choses que j'écoute, mais je salue la performance pour ce qu'elle est. Je pense que Jules le fera aussi. Elle a la sensibilité nécessaire à cela. La même qui lui fait apprécier le croquis effectué à la va vite sur le petit carnet qu'elle m'avait prêté. A mes yeux, ce ne sont que quelques traits griffonnés rapidement, mais je suis ravi qu'il lui plaise. « Merci. » je murmure à son compliment. « Gardes-le. C'est pour toi. » Je ne me vois pas lui faire arracher une page de son carnet. Et peut-être que, me dis-je encore égoïstement, cela lui fera un souvenir palpable. Je ne sais pas si elle le gardera. Je l'espère. Je lui avoue qu'elle m'a manqué sans m'attendre à une réponse, souhaitant simplement faire preuve de sincérité. Je ne m'aurais jamais pensé deviner autant d'émotion dans le regard de la jeune femme, et encore moins sentir sa main rejoindre la mienne, faisant partir mon rythme cardiaque au galop. J'ai envie de la saisir, caresser sa peau douce et tiède, déposer un baiser dessus pour laisser une léger marque de mon affection sur elle. Mais je me contente d'un sourire en coin, touché. Un sourire qui s'élargit un peu plus lorsqu'elle propose que nous nous revoyions. A vrai dire, mon coeur explose et laisse, toutes valves ouvertes, un flot d'euphorie se déverser dans mes veines. Mes poumons s'emplissent d'un air gavé de joie et d'exaltation. « Ca serait un vrai plaisir. » dis-je en essayant de modérer toutes ces ardeurs, mais j'ai bien du mal à dissimuler le plaisir que je ressens à l'idée que nous puissions nous côtoyer comme avant. Quand elle m'avoue qu'elle n'a pas pu pratiquer l'italien que je lui prodiguais pendant la tournée, je vois là une bonne excuse de se voir en dehors de la scène, tout en gardant cette nostalgie de ces moments où nous étions si complices. « Nous allons devoir reprendre les cours alors. » Et tout ceci sonne finalement que le prélude des au revoir. Nos verres sont vides, et la conversation tend vers sa fin. Nous ne pourrons pas rester ici éternellement, quoi que nous pourrions commander autant de cafés et de sodas que nous le voudrions pour faire durer ce moment éternellement. Je mordille ma lèvre, nerveux. Non, je ne peux pas la garder pour moi. « Je suppose que je vais devoir te laisser rentrer chez toi, à un moment. » dis-je avec un petit sourire se voulant léger et non sans une pointe d'amertume. Rapidement, je récupère le crayon de Jules et note au dos de mon croquis une suite de chiffres. « Tiens, voilà mon numéro. Si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, tu n'hésites pas à m'appeler. Et il suffira de m'envoyer un message quand… si tu veux qu'on se revoie. » J'abandonne quelques billets sur la table pour payer sa consommation et la mienne. Puis, à l'extérieur du café, je me retrouve bien bête, à ne pas savoir quoi dire, comment se saluer pour se séparer. Je soupire, lassé de ma propre maladresse. « C'était bon de te retrouver… » je murmure finalement, avant de me pencher sur la petite silhouette de Jules pour déposer un léger baiser sur sa joue.
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Message(#)dancing in the moonlight EmptyLun 16 Nov 2015 - 23:00


« Je ne sais pas si c'est égoïste. Ma réaction l'était, c'est une évidence. Mais la tienne... Non, elle est légitime. Je veux dire, tu n'as rien fait pour mériter un tel traitement. » Personne n'avait rien fait, en vérité. Elle avait juste pensé que c'était la meilleure des idées, la meilleure des choses à faire. Ou, plus exactement, son père l'en avait convaincue. Elle le voyait encore, un peu recroquevillé sur lui-même en s'avançant vers elle. S'asseoir sur le bord du lit, à ses côtés. Prendre sa main avec une tendresse infinie, et lui expliquer qu'elle ne pouvait plus rester ainsi. Alors elle l'avait écoutée, et avait suivi ses ordres. « Il n'y a pas de raison que l'on coupe les ponts, maintenant que je te sais dans les parages. » Finit-elle par admettre. Parce qu'elle savait qu'ils auraient l'occasion de se revoir, et que leurs échanges ne se limiteraient pas à un coup de téléphone passé à la va-vite entre deux avions, ou parce que le décalage horaire ne leur permettrait pas d'échanger plus longuement. « C'est la séparation physique qui me pose problème. Je trouve cela frustrant. » Et celle d'Aaron avait été particulièrement difficile à surmonter. Elle l'avait eu à ses côtés pendant une année entière, presque jour et nuit. Ils avaient passé des heures entières à travailler, à parler, à apprendre à se connaître. Des heures entières à se confier, à rire, à partager. Et soudainement, elle aurait dû composer sans lui ? La fragile Jules en avait été bien incapable. « Intéressant, c'est le mot. » Approuva-t-elle. « Et ça éveille ma curiosité. » Ajouta-t-elle, convaincue que ce mélange atypique, s'il était réalisé avec soin et talent, pouvait donner un résultat prodigieux. Elle était, de toute façon, très ouverte dès qu'il s'agissait d'art et d'originalité. Elle n'appréciait pas forcément tout, mais saluait volontiers chacune des tentatives effectuées. Et, avec admiration, elle salua le dessin d'Aaron après l'avoir contemplé pendant de longues secondes. « Tu peux être sûr que j'aurais une pensée pour toi dès que je vais voir ce dessin. » Assura-t-elle avec douceur et amusement. Ce qui devrait arriver assez souvent, puisque son petit carnet lui servait quasiment quotidiennement. « Tu es sûr que tu ne veux pas le récupérer ? » Demanda-t-elle en fronçant les sourcils. Après tout, c'était son droit – c'était lui l'artiste. Mais il réitéra son envie de lui offrir. « Merci beaucoup. » Finit-elle par dire, reposant finalement son carnet sur la table. Elle passerait sans doute des heures à contempler son portrait, suivant du bout des doigts les tracés aériens d'Aaron. Elle le garderait précieusement, comme tout cadeau qu'on lui faisait. Mais celui-ci avait quelque chose en plus. De la rareté. Un sens. De l'espoir. « Tant que tu ne me donnes pas de devoirs à faire à la maison, ça ne me gêne pas. » Plaisanta-t-elle, faisant implicement référence à son statut de professeur d'université. Un lieu que Jules n'avait jamais fréquenté, puisqu'elle avait immédiatement bifurqué vers le monde de la musique après avoir obtenu son diplôme de fin de lycée. Elle avait pourtant validé quelques années, toujours par correspondance. Une aubaine, pour cette femme qui avait toujours eu peur de se confronter au monde extérieur, par crainte d'être jugée. Elle termina son verre, et comprit que cela signifierait sans doute la fin de leur entrevue. « Il faudra bien. » Répondit-elle maladroitement. Il avait des obligations, et elle ne faisait aucunement partie de ses plans – ce n'était pas du pessimisme, mais juste une touche de bon sens : leur rencontre avait été fortuite, mais Jules aimait l'idée que Dieu ait pu, pour une fois, intervenir en sa faveur. « Je suis sûre que tu as mille choses à faire, de toute façon. » Mille choses qui, évidemment, ne la concernaient pas. Leurs vies respectives étaient bien distinctes, et ne s'entremêleraient qu'en de rares occasions. Elle frémit en voyant le metteur en scène reprendre son croquis, pour y noter au dos son numéro de portable. Elle prit ensuite le carnet qu'il lui tendit, et le rangea précieusement dans une poche de son sac à main. « Quant à toi, tu sais de quel côté chercher si tu veux me trouver. » Il avait l'embarras du choix, maintenant qu'il savait qu'elle dansait et qu'elle écrivait pour le journal de Brisbane. Tous deux n'avaient plus d'excuse. « On se reverra. » Assura-t-elle à voix basse – une promesse qu'elle comptait bien respecter. Elle mettrait sa timidité maladive de côté une fois de plus, si cela était nécessaire. Comme en ce moment, alors qu'elle posait une main délicate sur son avant-bras, et qu'elle se mettait sur la pointe des pieds pour accueillir avec douceur les lèvres d'Aaron sur sa joue. Elle ferma les yeux pendant une seconde, profitant de leur proximité culturelle. Elle huma son parfum aux touches agréablement masculines, et réalisa que cette odeur familière lui avait cruellement manqué. Alors, sans réellement réfléchir à ce qu'elle faisait – et à quel point cela pouvait la compromettre auprès d'Aaron – elle passa une main autour de son cou et se rapprocha sensiblement de lui. Elle le serra dans ses bras, comme pour mieux se rendre compte de sa présence à ses côtés. Elle en profita largement, consciente que ce moment ne se reproduirait sans doute pas de si tôt. « Pour moi aussi. » Murmura-t-elle avant de se détacher de lui. Elle lui rendait sa liberté, le cœur gros. Elle avait envie de pleurer de devoir déjà le quitter, mais elle savait aussi qu'elle aurait, tôt ou tard, l'occasion de le recroiser. Il était là, plus proche d'elle qu'elle n'aurait pu l'imaginer ou l'espérer. Elle héla un taxi qui passait sous ses yeux, s'y engouffra rapidement, et donna son adresse au chauffeur. Elle eut un dernier regard bienveillant pour Aaron, alors qu'un timide sourire étirait ses lèvres. Et cela lui mit un peu de baume au cœur, tout en éveillant, au plus profond d'elle-même, une délicieuse touche d'espoir.
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