« Je… Je l'ai frappé. Je n'ai pas cherché à en savoir plus... J'avais rapidement compris les grandes lignes, je n'avais pas besoin des détails. Tout se lisait sur leurs visages. James… C'était le James qui avait embrassé Joanne, et je ne pouvais pas avaler ça. Je sais qu'il n'en savait rien à ce moment là, mais ça ne change rien à sa faute, non ? Il a embrassé une femme déjà prise, n'importe quel type le découvrant aurait réagi. Peut-être pas de cette manière… quoi que je pense qu'il y avait de grandes chances qu'il s'en prenne une quand même. Mais je ne pouvais pas rester sans rien faire, comme si tout allait bien pour moi. Peut-être que pour eux deux c'était du passé, que leur amitié s'en portait très bien, mais ça ne change rien pour moi. C'aurait été n'importe qui, j'aurais aussi mal réagi en ayant l'homme en question devant les yeux. Mais que ce soit lui, c'était trop pour moi. J'avais… L'image de ce baiser passant en boucle dans ma tête… C'était vraiment insupportable. Après… C'est un tout, qui m'a fait perdre les pédales. Lui et Hannah se connaissaient, et c'était très facile de deviner qu'ils avaient eu une aventure. Elle aime beaucoup trop montrer quand elle tient une personne à la baguette, on ne pouvait pas passer à côté. Je sais qu'Hannah est libre de faire ce qu'elle veut, de coucher avec qui elle veut, ce n'est pas le problème. C'est surtout que ça faisait deux femmes de mon entourage qu'il avait touché. Et je… Je suis assez… possessif, avec mon entourage. Je sais que c'est souvent incohérent, comme partie de moi. Bref… C'était un coup en plus à encaisser. Et puis il y a eu Gabriella. On se ressemble assez, elle et moi. On explose facilement. Ca doit être de famille. Ca fait que je lis assez facilement en elle, et ce que j'ai vu… Ca m'a suffi. Elle était en colère, elle avait de la peine, elle était vraiment brisée. Ca m'a terriblement touché de la voir ainsi. On a beau avoir d'énormes différents, elle reste ma sœur. Il est hors de question que qui que ce soit brise le coeur de ma sœur impunément. Et sûrement pas le même type qui a embrassé ma fiancée et s'est tapé mon amie, vous voyez ? C'était beaucoup trop. Beaucoup trop. J'avais eu ce voyage à Londres qui n'en finissait pas, le décalage horaire, cette soirée où je ne voulais pas être… J'étais crevé, j'avais déjà les nerfs en pelote, et je devais prendre toutes ces informations sur moi… Je n'ai pas réussi à garder mon calme. J'ai senti… Vous savez, le même poids que d'habitude, qui m'empêche de respirer. Je me suis senti trembler, je tentais vraiment de ne pas exploser, de tenir le coup. C'est un échec, lamentable. » Je suis lamentable. Je me penche en avant, appuyé sur mes genoux, et enfoui mon visage entre mes mains pendant quelques secondes, soupirant. Depuis que je suis suivi, je n'ai dérapé que deux fois. La première fois, Gabriella m'avait poussé à bout, et j'avais été des plus cruels avec elle. Mais dans le fond, ce n'était pas grand-chose. Une colère plutôt normale, malgré mon envie de frapper dans quelque chose. Pas besoin d'avoir un problème pour avoir des crises de nerfs, non ? Maintenant, la veille au soir. Cette fois, la situation m'avait échappé. Complètement. Là encore, cela n'était pas comparable à la rage noire, l'aveuglement total dont j'avais été victime à l'hôpital. De toute manière, il n'y a rien de comparable à ce soir là. Néanmoins, au gala, j'ai été au plus proche du pire état dans lequel je peux me mettre malgré le traitement. J'ai frappé. J'avais envie de frapper, besoin de frapper. Depuis, je garde en mémoire le moment où j'ai jeté un coup d'oeil à mes phalanges rougies, en me sentant mieux. En me sentant bien. Et je hais cette sensation au plus profond de moi. A cet instant, véritablement, je me hais. J'ai déchaîné ma colère sur mon ami. Mon plus vieil ami. « ...ça m'a fait du bien. Sur le moment, j'étais soulagé. Toujours fou de rage, mais soulagé. Je ne me sentais plus muselé. Je sais que nous en avons déjà parlé, que c'est une question de temps, mais j'ai toujours du mal avec tout ça. J'ai l'impression d'être dans une foutue cage. Ca fait des mois maintenant et je n'ai pas l'impression d'avancer. Je suis calme, je ne m'emporte plus, ou presque plus, mais je sais que c'est superficiel. C'est… frustrant. » Mon regard se pose sur Joanne, assise à côté de moi sur le canapé. La psychothérapeute avait demandé à ce que la jeune femme vienne avec moi cette fois. Je sais que je ne viens pas assez assidûment aux séances. Je suis souvent trop fatigué, je n'ai pas le temps, pas l'envie de venir, de parler. Hamilton ne m'en tient jamais rigueur. Elle sait que je suis très pris. L'idée, cette fois, est de faire un premier bilan après ces quelques mois avec la femme qui partage ma vie, et victime principale de mes troubles. Tout va pour le mieux depuis un long moment. Plus de crises, plus de bagarres, plus de besoin de m'en prendre à moi-même. Hamilton devait s'attendre à ce que nous disions à quel point le calme est revenu dans mon esprit. Pas à ce que lui fasse le récit de cette soirée qui a remis le compteur entre deux crises à zéro. Les événements m'ont tellement retourné que j'ai moins de mal que d'habitude à parler et dire ce que j'ai sur le coeur. J'ai besoin de tout évacuer, vider ma tête. « Je suis tellement désolé, Joanne. Tu dois être tellement… déçue. » James est aussi son ami. Et elle s'est retrouvé avec un peu de son sang sur les doigts. Déçue… Le mot doit être bien faible. Je suis dévoré par la culpabilité. Avec cette voix douce qu'ont tous les psy, et un léger sourire, Hamilton me réponds ; « Pourtant, je trouve qu'il y a de l'évolution. Quel est votre avis, Joanne ? »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne était plus que vexée, contrariée. Il y avait son incapacité à s'énerver qui l'empêchait d'extérioriser quoi que ce soit, mais il y avait une pression négative qu'elle n'avait pas l'habitude d'avoir qui gonflait en elle d'heure en heure. Il y avait beaucoup trop de choses qui n'allaient pas, ou plus, tout devenait ingérable pour son seuil de tolérance personnel. Elle était partie fâchée du gala, elle s'était réveillée le lendemain dans la même état, sinon. Parce qu'elle n'avait pas beaucoup dormis, et que les engrenages de son esprit fonctionnaient à une vitesse folle. Jamie ne s'était toujours pas justifié sur les raisons de son voyage prolongé à Londres, et ça la rongeait énormément. Il n'était pas nécessaire d'évoquer la nuit précédente, c'était une évidence. Et là, Jamie venait lui demander en plus de venir avec lui pour sa séance avec sa psychothérapeute. Certes, il était loin de faire le fier à ce moment, mais elle trouvait ça assez culotté de sa part alors qu'il savait très bien l'aversion qu'elle avait envers ce corps paramédical. Elle accepta, malgré tout. Elle aurait certainement refusé si elle avait su ce qui pouvait l'attendre là-bas. Silencieuse et le visage neutre, la jeune femme s'installa sans dire mot sur le canapé en question, bien droite. Joanne ne savait absolument quoi ressentir lorsque son fiancé commençait à parler. Elle crut halluciner. Là, étrangement, en face de sa chère et tendre psy, il n'éprouvait absolument aucune difficulté à partager ses pensées, ses émotions, absolument tout ce qui pouvait lui traverser la tête. Une liste incroyable de choses qu'il n'avait absolument jamais parlé à celle qu'il comptait épouser. Joanne ne savait pas quoi ressentir. La seule chose qui lui était des plus réelles était cette douleur insupportable au niveau de sa poitrine au fur et à mesure qu'il avançait dans son discours interminable, pour ne décrire que les événements que d'une seule soirée. Parvenait-il à chaque fois à se confier autant à cette femme ? A tout lui dire, à raconter comment ça se passait avec la belle blonde, et avec le reste ? Une certaine rage retenait ses larmes de tristesse, son visage était entièrement refermé, elle était impassible. Presque froide. Elle n'avait pas vraiment le coeur à être joviale, ce jour là. Par contre, elle restait bien attentive à ce qu'il pouvait dire, ou ne pas dire. Des choses qu'il ne lui avait jamais confié. C'était extrêmement dur à entendre pour elle. Joanne ne lui adressait pas un seul regad, même quand il s'excusa auprès d'elle. Déçue. Oui, il y avait de ça, mais le mot restait faible. Hamilton demanda enfin l'avis de Joanne. Curieuse façon de l'appeler déjà par son prénom, c'était la première fois qu'elles se voyaient. Peut-être était-ce une histoire de proximité thérapeutique, de mettre à l'aise ses patients, quelque chose comme ça. La conservatrice restait silencieuse pendant un long moment. "Je ne sais pas, est-ce que mon avis compte réellement dans cette histoire ?" Hamilton restait incrédule une toute petite fraction de seconde durant avant de réadopter son allure habituelle, et sereine. "Bien sûr, sinon, je n'aurai pas demandé à ce que vous participiez à cette séance." Joanne haussa discrètement les sourcils. Elle avait plutôt l'impression d'être face à une conseillère conjugale. "Je ne suis pas sûre de vouloir ajouter quoique ce soit." dit-elle simplement, quoiqu'un ton un peu froid. Hamilton s'éclaircit un petit peu la voix. "Vous n'aimez pas vraiment les psys, n'est-ce pas ?" Ce n'était pas si facile à deviner. "Vous savez, nous sommes tout à fait enclin à vous ai-..." "A m'aider ? Je ne suis pas sûre que dire tout simplement "ca va aller, ça va passer" alors que je venais tout juste d'être divorcée, d'avoir fait une fausse-couche à cause d'une stupide maladie génétique m'empêche tout bonnement de procréer comme n'importe quelle femme pourrait. Je ne suis pas sûre qu'une anomalie génétique soit quelque chose qui puisse "passer"." Joanne n'avait pas changé de ton, celui-ci restait posé, peut-être un peu froid. Même si au fond d'elle-même, elle ressentait une certaine colère, elle se débrouillait encore bien pour ne pas le laisser transparaître. "Mais Jamie vous en a certainement déjà parlé, il semble tellement à l'aise de se confier à vous." "A vrai dire..." "Excusez-moi, mais je ne tiens absolument pas à le savoir." Elle esquissa un très léger sourire. "Mais après tout, c'est on ne peut plus normal, vous ne faites que votre travail." Il n'y avait là aucune ironie, d'aucune sorte, juste une vérité très difficile à encaisser pour la jeune femme.
Il n'y a aucun contact entre Joanne et moi. Alors que nous sommes habituellement toujours à la recherche d'une proximité, à ce moment là, il n'y a rien pour nous lier. Nos mains e se touchent pas, et nous nous trouvons très sagement chacun dans un coin du canapé. Il est vrai que la scène ressemble plus à une séance de thérapie pour couple en crise. J'espère que ce n'est pas le cas. Que je n'ai pas de nouveau tout fait exploser. Je panique à cette idée. C'est le cycle. Ce foutu cycle qui reprend son cours. Seigneur, et si elle partait de nouveau à cause d'hier soir ? Et si sa déception était telle qu'elle en venait à penser qu'il n'y a décidément rien à attendre de moi, et si elle préférait rompre une nouvelle fois ? Mon coeur palpite à cette idée, mes os tremblent sous mes muscles crispés par l'angoisse. Joanne est si froide à cet instant, si distante. Cette fois, je ne l'ai pas blessée physiquement. Mais je l'ai blessé d'une autre manière en m'en prenant à tout le monde, dont elle. Est-ce qu'elle peut me pardonner ? Il est trop tôt pour cela. Elle ne m'adresse pas le moindre regard, ignorant complètement mes excuses. Elle n'en veut pas. Pas aujourd'hui. Elle n'en voudra peut-être jamais. Mon ventre se tord un peu plus. Je passe une main sur mon visage ; chaque mot articulé avec froideur par la jeune femme est un coup pour moi. J'ai l'impression que tous ces mois d'efforts ne signifient plus rien. Qu'un dérapage a suffit à tout foutre en l'air. Je me sens de retour à la case départ. Le ton de Joanne est dur vis à vis de la thérapeute. Elle ne veut rien entendre, elle qui déteste ce corps de métier. Je devine également sa rancune, pensant que je me confie plus facilement au Dr.Hamilton plutôt qu'à elle. Je soupire. « Joanne, tu es en colère contre moi, elle ne t'as rien fait. » lui dis-je sans la regarder, puisqu'elle refuse de poser ses yeux sur moi. Je ne cherche pas à la raisonner, lui dire que je ne viens jamais et que je parle toujours aussi peu. Il n'est rien de plus laborieux que de m'obliger à me confier. « Je t'ai proposé de venir parce qu'elle me l'a demandé, et que ça me semblait important après hier soir, mais personne ne t'oblige à être là. Si tu veux partir, alors vas-y. » j'ajoute sèchement. En l'amenant ici, je me confie autant à elle qu'à la psy, mais elle ne le voit pas. De même qu'elle se fiche de mes excuses. Je pense que j'ai affaire à un mur aujourd'hui, alors autant en être un également. « Jamie… S'il vous plaît, oublions ce qu'il s'est passé hier soir. C'est un incident, cela arrive. Vous vous rachèterez. Ce n'est pas de votre faute... » Je l'arrête tout de suite. « Je ne suis pas du genre à me chercher des excuses. Je ne vais pas minimiser mes actions sous couvert d'avoir un problème pour les justifier. C'est entièrement de ma faute. J'ai blessé absolument tout le monde hier soir. » Pas seulement le minois de James, mais aussi Hannah, Gabriella, et bien sûr Joanne. Je suis une source de déception pour eux tous. Je ne sais pas s'il en est un seul qui acceptera de me pardonner. « Je sais que vous le prenez comme un échec personnel, mais cela ne doit pas tout remette en question. Votre trouble ne disparaîtra pas du jour au lendemain, vous le savez, et vous aurez des rechutes. C'est un processus long. Si vous veniez plus souvent, peut-être que vous pourriez plus avancer et éviter ce genre d'incidents à l'avenir. » Je m'enfonce dans le canapé, comme un enfant qu'on sermonne. Néanmoins, je sais qu'elle a raison. J'attends des résultats alors que je ne fais rien pour réellement travailler sur moi. J'attends que les cachets fassent tout, alors qu'ils ne sont que des inhibiteurs. Le problème est dans mon esprit, et je refuse de m'ouvrir. Je ne veux pas me retrouver à ressasser le passé, parler d'Oliver en long, en large et en travers, raconter sa mort, la manière dont j'ai vécu suite à cela. Cela est trop difficile pour moi. Je préfère en parler à Joanne plutôt qu'à une inconnue. Mais quitte à choisir entre parler à Joanne et me taire, je préfère ne rien dire. Elle a bien assez à faire avec ses propres tracas, elle n'a pas besoin de prendre en charge les miens et jouer les psy. « C'est important, Jamie. Pour vous et votre entourage, Joanne la première. » Je le sais, ma fiancée est toujours au premier plan lorsqu'une crise survient. Qu'importe qui je roue de coups, c'est elle qui ramasse les pots cassés. Au quotidien, c'est elle la première victime. C'est d'ailleurs pour elle que je suis ici, que je me soigne, que j'effectue ce travail. Afin qu'elle n'ait plus peur de moi. A-t-elle de nouveau peur désormais ? « Joanne, je voulais simplement faire un bilan avec votre aide. Savoir comment évolue Jamie depuis qu'il a débuté son traitement, afin de savoir sur quoi nous devons travailler à l'avenir. Rien d'autre. » dit Hamilton, toujours douce, afin de faire comprendre qu'elle n'est pas ici pour analyser Joanne ni pour nous proposer une thérapie de couple. « Il peut y avoir de grandes différences de point de vue entre le peu qu'il me raconte et la manière dont vous vivez les choses. J'aimerais savoir comment vous, vous voyez votre vie avec lui. Est-ce qu'il vous arrive de parler tous les deux de son état d'esprit, de ses anciennes crises, ou est-ce qu'il lui arrive d'en faire d'autres ? » Je reste dans mon coin. J'ai envie de m'effacer, de disparaître. De remonter le temps jusqu'à hier soir et dire à Roxy d'aller se faire voir. Rentrer chez moi, retrouver ma fiancée, et passer un week-end des plus tranquilles ensemble. Que nous ne soyons pas ici, mais jouant dans le jardin avec Ben et Milo. J'ai posé mon coude sur l'accoudoir du canapé, et tiens mon visage d'une main sur mon front. J'imagine déjà le discours cinglant de Joanne, sur un ton toujours aussi glacial, me faisant sentir comme un moins que rien et me confirmant que ces derniers mois n'étaient rien. « Votre avis est le plus important qui soit Joanne. Vous êtes celle qu'il va épouser, avec qui il veut faire sa vie. Vous êtes la personne la plus impliquée qui soit dans cette histoire. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Joanne ne bougeait pas, elle ne tremblait même pas, raide comme un pic. Elle restait de marbre, malgré les propos de son fiancé, qui prenait gentiment la défense de sa psychothérapeute. Et cela ne faisait que mettre encore plus d'huile sur le feu, l'imagination de la jeune femme allait bon train. Parce qu'elle assimilait très rapidement tout ce qui était psychothérapie avec Kelya, et tous les deux savaient très bien ce qu'il s'était passé entre Kelya et lui. Ca n'avait aucun sens de faire de tels liens, quoique cela pouvait aisément être compris. Mais Joanne était dans un tel état d'esprit qu'elle pouvait croire n'importe quelle information que son esprit déformerait pour ça en devienne insupportable. Elle n'y croyait pas dur comme fer, mais l'idée restait sagement dans sa tête. Le ton qu'employait Jamie ensuite n'arrangeait rien non plus. Avec de tels propos, la jeune femme avait véritablement l'intention de partir, elle commençait même à se préparer sans dire. Ce fut juste au moment où Hamilton intervint, demandant, par un simple geste de la main, que la blonde reste encore un peu. Celle-ci soupira, écoutant malgré tout son discours. La professionnelle demandait de faire abstraction à l'événement de la veille, mais Jamie la coupa assez rapidement dans son élan. Il lui demandait même de venir plus souvent. Au fond, Joanne savait que c'était la meilleure chose à faire. De l'autre, cela signifiait à ses yeux davantage d'absence et moins de temps passé avec lui. Déjà que l'ABC le dévorait pendant cinq jours de suite, il allait devoir multiplier ses séances avec sa psy. Joanne avait baissé ses yeux depuis, toujours aussi silencieuse et le visage impassible. Elle ne les relevait que lorsqu'Halmiton lui parlait directement, prétendant qu'elle n'était là que pour aider Jamie à ce qu'il aille mieux, à ce que ses crises ne reprennent pas. Elle lui demandait à ce qu'elle parle de son ressenti vis-à-vis de tout cela, de l'impact que son état puisse avoir sur leur quotidien. Elle en demandait finalement beaucoup, et ce, juste en quelques phrases. Tout ceci était très dur à vivre pour la jeune femme, pour ne nombreuses raisons. Déjà, tous les derniers événements qui allaient dans ce sens, le fait que son fiancé ait bien plus de facilités à se confier à sa psy plutôt qu'à sa future épouse, le ton sec qu'il avait employé avec elle, le manque d'explications sur certains points, et l'autre qui venait lui demander à ce qu'elle s'ouvre en espérant que cela résolve des problèmes. Jamie savait très bien ce qu'elle pensait de ces personnes paramédicales, il savait très bien qu'elle avait une sainte horreur de se confier à de parfaits inconnus même si c'était leur boulot. Surtout que dans le domaine là, les fuites allaient bon train, le secret professionnel ne devenait plus qu'un principe. Elle savait qu'elle pouvait avoir confiance à son propre médecin, lui même pensait croire à l'une de ses consoeurs en quête de conseils, et l'information avait fuité à l'extérieur des murs de l'hôpital. Joanne avait depuis une réticence certaine de se confier à qui que ce soit, hormis les personnes qui lui étaient le plus proches. Sans qu'elle ne s'en rende compte, ses yeux s'étaient bordés de larmes. Elle hocha négativement la tête, assez discrètement, la psy la regardait d'un air interrogatif. "Je ne peux pas." dit-elle d'une voix faible. Elle passait son avant-bras dans la sangle de son sac à main, et récupéra sa veste qu'elle gardait en main. "Je ne peux pas." répéta-t-elle, un peu plus froidement. Joanne se leva du canapé, et se dirigea vers la sortie sans dire. A un mètre de la porte, Hamilton reprit calmement la parole. "Joanne, vous devez savoir que nous faisons tout ceci pour lui, pour votre couple. Et s'il a pris l'initiative de prendre ces séances, bien que ce soit compliqué pour lui, je sais qu'il le fait avant tout pour vous." Elle avait arrêté sa marche lui faisant quand même toujours dos. "Je pense savoir combien vous l'aimez et-..." "Non, vous ne savez pas." lui coupa-t-elle sèchement. "Pardon ?" Joanne retourna uniquement le haut de son corps en direction de la professionnelle. "Vous ne savez pas combien je l'aime. Je ne pense pas non plus que lui le sache vraiment non plus." La psy savait qu'elle avait déjà touché au moins deux point sensibles de la jeune femme. "Pourquoi ne pas venir en parler, dans ce cas ?" Sa voix restait toujours incroyablement posée. "Et puis, vous ne m'avez pas l'air d'être en état de rentrer seule, je vous trouve assez pâle. Venez donc vous rasseoir." Joanne resta statique pendant de très longues minutes, hésitante. Ses larmes ne s'étaient toujours pas déversées, restant bien logées au bord de ses iris bleus. Elle finit par venir s'asseoir, résignée. "Qu'est-ce qui vous fait dire tout ceci ?" demanda-t-elle calmement. Elle laissa à Joanne tout le temps dont elle avait besoin pour répondre, elle savait que ce n'était pas une épreuve facile pour elle et que son confrère n'avait pas été très professionnelle et correcte avec elle. Jamais elle n'adressa un regard à qui que ce soit, ni à Jamie, ni à la psychothérapeute. "Nous ne parlons absolument pas de ses crises, d'aucune d'entre elle. Ca ne me gênerait pas de revenir dessus s'il le fallait, mais je sais qu'il n'aime pas en parler, préférant croire que le passé appartient au passé. Il ne me parle pas trop de son ressenti non plus, il a toujours eu du mal pour ce genre de choses. Tout ce qui est d'aspect positif est un peu plus facile, mais tout le reste, il n'y arrive pas. Mis à part hier soir, il n'avait pas fait de crises, du moins, pas à ma connaissance. Mais je sais qu'il prend beaucoup sur lui." Sa voix était calme, quoiqu'un peu trop neutre en vue de la situation. "Et vous ? Comment le vivez-vous ?" Encore une fois, Joanne se braquait. "Je croyais que nous devions juste parler de Jamie." "Je pense que ça pourrait l'aider de savoir comment vous vivez réellement tout ceci. Quelles sont les pensées, les émotions qui vous traversent quand nous parlons de tout ceci ?" Son estomac se nouait, elle avait une étrange douleur dans la poitrine, et sa voix tremblait à cause l'émotion. "J'ai peur pour lui. Mais il est persuadé que j'ai peur de lui. Comme lorsque je lui dis le bon que je vois en lui, il y met systématiquement un doute, ou acquiesce sans réellement le penser. Ca se voit, dans ses yeux, quand il ne me croit pas." "Vous disiez avoir peur pour lui..." "Lors de nos premiers mois ensemble, j'avais cette peur constante que dès que j'avais un appel d'un numéro inconnu, ce soit l'hôpital pour me dire qu'il y était." Là, par contre, ses larmes commençaient à se déverser. "Quand il inflige des coups à je ne sais qui, il s'inflige tout autant de mal. Et quand il se mutile le corps et l'esprit à ce point, c'est au moins tout aussi douloureux pour moi. Et je sais qu'il en ressent parfois le besoin, que c'est plus fort que lui, qu'il est sous pression et que s'il ne fait rien, il se sentira exploser de l'intérieur. On le pousse à le faire, quelque chose le force." Elle renifla. "Ce n'était pas vraiment lui qui m'avait fait mal, ce soir-là. Je le sais." Ses mains commençaient à trembler à cause de toute cette peine qu'elle pouvait ressentir. "Cette peur s'était atténuée, puisque je ne l'ai vu s'énerver autant depuis que nous sommes à nouveau ensemble. Mais après hier soir, j'ai peur pour lui. J'ai horriblement peur pour lui. Que ce numéro inconnu ne m'appelle et qu'on me dise que c'était le coup de trop. Ou juste un coup de travers. Parfois il ne manque pas grand chose pour que..." Prise entre son chagrin et ses tremblements, Joanne fut soudainement prise par des nausées. Elle plaça l'une de ses mains devant sa bouche, pour à la fois dissimulé son malaise et sa tristesse. Son coude s'appuyait contre l'accoudoir du canapé, ses yeux regardaient ailleurs, noyés dans les larmes, à se ressasser ses pensées qu'elle était parvenue à oublier pendant quelques mois. "Joanne, est-ce que vous vous sentez bien ?" dit Hamilton, l'air un peu plus inquiet. Joanne acquiesça d'un simple signe de tête et commençait à avoir des sanglots un peu plus intenses. Les nausées passaient doucement. Après quoi, elle passa une main dans ses cheveux pour espérer se remettre de ses émotions. Qu'est-ce qu'elle avait horreur de cette séance.
Elle prend ses affaires, prête à s'en aller. J'ai le sentiment qu'elle me tourne le dos, qu'elle me laisse seul face à tout ceci. D'un côté, c'est ce que j'ai cherché. J'ai tout fait pour la mettre à l'écart de mon état, qu'elle n'en souffre pas, qu'elle n'en sache rien, si ce n'est que je vais mieux afin de ne pas l'inquiéter. Maintenant, qu'elle a cette montagne d'informations à assimiler, elle doit voir que tout ne va pas si bien que ce que je voulais lui faire croire. Puisque je cherche toujours à tout affronter seul, il est normal qu'elle me laisse continuer ainsi. Mais malgré tout, qu'elle veuille partir me blesse. La voir me laisser tomber, baisser les bras à mon sujet me brise le coeur. Cette ambivalence me donne mal au crâne. J'ai besoin d'elle, mais je ne veux pas l'impliquer dans mes problèmes. Alors que, comme le dit Hamilton, il n'y a pas de personne plus impliquée qu'elle. La thérapeute parviens à faire rester Joanne. Je ne parviens pas à lui adresser un regard, ni à elle, ni à l'autre femme. J'ai deviné la peine dans un tremblement de voix de ma fiancée, et je ne veux pas voir cela. La rendre triste est trop difficile à supporter. Je me contente de serrer les dents en l'écoutant parler, et en encaissant ce qui doit être encaissé. Joanne prouve qu'elle me connaît par coeur, qu'elle sait exactement de quelle manière je fonctionne. Parler m'est difficile, surtout à ce sujet. C'est quelque chose qui me fait tellement honte. Je me demande si j'arriverai enfin à être moi-même un jour, et non plus le pantin d'un fantôme ou d'une rage qui cherchent à prendre le contrôle de moi. « Est-ce qu'il y a une crise dont Joanne n'est pas au courant ? » me demande la psy, me sortant de mes pensées. Je secoue faiblement la tête. « Il n'y a que ma dispute avec ma sœur, mais je lui en avais touché un mot. Il n'y a rien eu d'autre. » Un mot. Autant dire que je lui ai simplement dit que Gabriella et moi avions haussé le ton, voilà tout. Je n'ai pas parlé de mon degré de colère, ni de cruauté envers elle. La jeune femme a simplement compris que la dispute avait été assez grave pour que je ne veuille plus entendre parler d'elle pour le moment. Hamilton reprend sa conversation avec Joanne, la poussant à exprimer ses pensées. Sa voix tremblante suffit à me retourner l'estomac. Je me force à l'écouter, mais à vrai dire, c'est une torture pour mes oreilles. Elle a peur pour moi. Peur de se retrouver à mon chevet dans une chambre d'hôpital, peur du coup de trop. Il faut dire que la dernière fois avait été particulièrement traumatisante. J'étais passé beaucoup trop près de la mort. Le corps est si fragile après tout. Un coin de table dans le crâne, et la lumière s'éteint. Il me reste toujours un souvenir de ce soir là, à la racine de mes cheveux, à côté de ma tempe. Légèrement visible, mais présente quand même. Cela est largement assez pour me rappeler les risques que ma rage me fait prendre. Une piqûre de rappel à chaque fois que je la devine, afin que je n'oublie pas pourquoi je suis ce traitement. De toute manière, comment oublier ce soir-là ? Même mon absence au moment de projeter Joanne au sol reste gravé dans ma mémoire. Ce n'était pas vraiment moi. Et cela ne doit plus jamais recommencer. La jeune femme commence à sangloter. Mon regard inquiet se pose enfin sur elle. Hésitant, je m'approche un peu d'elle et pose une main sur sa cuisse, à la recherche de ses iris bleus. « Joanne, ça n'arrivera pas. Je ne compte pas recommencer, retourner à l'hôpital ou au poste. Je ne veux pas te faire de mal, ou faire de mal à qui que ce soit. C'est pour ça que je fais tout ça. » Hamilton m'a déjà dit plusieurs fois que ce travail, je devais avant tout le faire pour moi. Sauf que je me fiche de vivre en me détruisant. J'aurais réagi bien avant si cela m'importait. Mais avant de connaître Joanne, chercher les ennuis, finir au poste, était un rituel qui me convenait très bien. Je ne voyais pas le mal que cela pouvait faire aux autres ; après tout, j'étais le seul à encaisser les coups. C'est elle qui m'a donné envie de tout arrêter. D'être meilleur, d'être quelqu'un avec qui elle aurait envie d'être. C'est elle, les fondations de la personne que je suis. « Je t'aime... » je murmure avec une implacable sincérité, glissant un pouce sous ses yeux pour sécher ses larmes. Qu'est-ce que déteste lui faire autant de peine… Souhaitant laisser Joanne reprendre ses esprits un moment, qu'elle puisse souffler, la thérapeute se concentre sur moi pendant un instant. « Vous prenez bien votre traitement ? » « Tous les soirs sans faute. » Je n'ai jamais manqué la moindre prise, je n'ai jamais décidé de l'interrompre comme la première fois. Celui-ci est bien moins lourd que le précédent. « Vous pratiquez toujours des activités canalisatrices ? » « Oui, je… Je vais la salle de sport quand j'en ai le temps, pas aussi souvent que je le voudrais, et je continue de peindre. » Ces deux éléments et le temps passé avec Joanne suffisent à soulager une bonne partie de mes troubles. Je me défoule physiquement, je m'exprime sur des toiles, je prends soin de l'être qui m'est cher. Il y a de quoi occuper mon esprit. « Vous ne devez pas hésiter à faire plus, vous défouler quand vous vous sentez agressif, peindre plus, venir parler... » Je fronce les sourcils, le regard dur. « Et à quel moment je passe du temps avec ma fiancée dans votre joli programme ? A quoi ça me sert de guérir pour elle si je ne peux pas profiter de sa présence ? » Le temps nous manque déjà bien trop, je ne vais pas laisser mon problème empiéter un peu plus sur cet espace. « Vous pouvez lui parler à elle alors, au moins. Vous dites faire ceci pour elle, et vous la tenez soigneusement à l'écart de tout votre processus de guérison. » Je me sens à deux contre un. Non, à vrai dire, depuis hier soir, je me sens seul contre le reste du monde. « Parce que je ne veux pas qu'elle s'inquiète. Elle est... » fragile. « Elle a déjà eu à surmonter tellement d'événements en si peu de temps, pas seulement son divorce et sa fausse couche, mais aussi à cause de moi. Je ne veux pas en rajouter une couche, je ne veux pas qu'elle ait ce poids sur les épaules, de devoir supporter de m'entendre dire à quels moments j'ai envie de tout détruire, la manière dont j'ai l'impression de me faire bouffer de l'intérieur par quelque chose de plus fort que moi et que je ne comprends pas. Je ne veux pas qu'elle sache les horreurs dans ma tête et qu'elle se demande à quel moment je vais exploser de nouveau. Quand je la protège de ça, j'ai l'impression de réussir à tenir ces démons à l'écart. » Je viens d'en dire beaucoup trop à mon goût. Je sens ma main se resserrer autour de la jambe de Joanne. Je me déteste de me sentir aussi faible, et ce genre de sentiments laisse toujours transparaître la colère qui se tapie là. Je m'efforce de détendre mes doigts, et les retire de la cuisse de la jeune femme. Mon regard se pose sur elle, désolé de lui faire subir tout cela. « Je… Je passe mon temps à me battre contre tout ça, et tu es mon havre de paix. Ce qu'on construit tous les deux, les rêves que nous partageons, c'est… C'est ce qui me donne le courage de tenir bon. Si je devais en parler à chaque fois, j'aurais l'impression de laisser cette partie de moi prendre le dessus sur absolument tous les aspects de ma vie. J'ai... besoin de garder cette bulle intacte. » Me confier de cette manière, à elle et à la psy, est terriblement difficile. Je dois arracher les mots à ma gorge, et chacun d'entre eux me vide de plus en plus. « Ca ne peut pas marcher comme ça Jamie. Vous ne pouvez pas lui demander de devenir votre femme, votre partenaire dans la vie, et l'en tenir à l'écart. » Je baisse le regard, perdu. Je ne sais pas quoi faire. Je n'arrive pas à l'accepter. Je ne m'attendais pas à ce que tout soit si difficile à vivre. J'étais persuadé que je pourrais tout tenir tout seul. Et maintenant, je me sens plus vulnérable que jamais. J'enfouis de nouveau mon visage dans mes mains, n'arrivant plus à penser. « Si elle est ici, aujourd'hui, avec vous, c'est en connaissance de cause. Si elle a accepté votre demande en mariage, c'est parce qu'elle sait qui vous êtes. Je me trompe Joanne ? »
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Un mot. Et c'était le cas, Jamie n'avait pas donné le moindre détail sur cette prétendue dispute, et avait simplement dit qu'il ne voulait pas revoir Gabriella de sitôt. Elle n'avait pas insisté, ni cherché à savoir ce qu'il s'était passé. De toute manière, si elle avait demandé quoique ce soit, il se serait très certainement braqué au possible. Ce n'était que la veille qu'elle avait entraperçu à quel point cette altercation était loin d'être anodine, pas une de ces disputes de tous les jours. Elle ne se voyait pas les questionner sur tout ceci, ne se sentant pas réellement concernée. La belle blonde venait de sangloter, ne se sentant pas bien. Elle avait senti que Jamie s'était légèrement rapproché d'elle, posant sa main sur sa cuisse, et cherchant son regard. Elle tourna très légèrement la tête afin de le regarder, enfin. Il se faisait beaucoup de soucis pour elle, ça se voyait. La voir dans cet état, se faire une maigre idée de tout ce qu'elle pouvait ressentir. C'était plus fort que Joanne, tout ceci lui semblait bien plus grand qu'elle et tout bonnement ingérable. Elle savait qu'il était honnête, qu'il ne mentirait pas là-dessus. Jamie venait ensuite à lui dire des mots d'amour qu'elle n'avait pas semblé avoir entendu depuis des lustres. Entre Londres, et ce qu'il s'était passé la veille au soir, c'était vrai. Elle ne l'avait pas entendu le dire depuis plusieurs jours, près d'une semaine. Ces mots lui tordirent l'estomac, le nouant dans tous les sens alors que son coeur hurlait des phrases qu'elle ne comprenait pas. Il venait d'essuyer des larmes, il y en avait des nouvelles qui venaient envahir ses joues, touchée et partagée par ces émotions, les sentiments qu'il y avait derrière les mots de Jamie. Hamilton se concentra à nouveau sur le premier concerné, lui posant quelque chose. Trop secouée, la belle blonde n'écoutait qu'à moitié l'échange entre les deux autre protagonistes. Elle séchait ses larmes à plusieurs reprises, se prenant le temps de se concentrer sur sa respiration. Jamie la sortit indirectement de ses pensées lorsqu'on son ton changeait du tout au tout, contredisant les conseils donnés par sa thérapeute. Il ne voulait pas se canaliser davantage, il voulait passer du temps avec sa future épouse avant tout. Ca la touchait beaucoup beaucoup, elle le regarda l'espace de quelques secondes, voyant bien qu'il pensait chacun de ses mots. Joanne se montrait un peu plus attentive durant la suite de la conversation. Il ne voulait pas qu'elle s'inquiète pour lui, disant qu'elle avait largement assez de tracas à elle seule. Il voulait l'épargner d'un versant de sa personnalité sur lequel il n'avait aucun contrôle. "Que tu me laisses loin de tes pensées ou non, je m’inquiéterai toujours. En permanence." dit-elle en baissant les yeux. "Quand on aime, on s'inquiète, les deux vont de paire." Jamie lui dit qu'elle était son havre de paix. Le seul endroit qui l'apaisait, que l'épargnait de ses combats quotidiens. "Peut-être pas à chaque fois, mais... peut-être de temps en temps." dit-elle, de sa voix douce, en haussant les épaules. Elle ne demandait pas non plus un rapport quotidien de son ressenti, mais de temps en temps. Quand quelque chose le dépassait, le perturbait plus que de coutume. Rien que ceci serait un progrès considérable. "Elle est solide, notre bulle." dit-elle, en pensant à ce dont ils avaient déjà traversé. La thérapeute avait tout de même parfois des allures de madame-je-sais-tout, qui commençait à agacer sérieusement Joanne. Son corps de métier jouait certainement en sa défaveur. Elle chercha du soutien vers la belle blonde. Son ton devenait un peu plus sec, à nouveau contrariée. "Oui, je pense savoir qui il est." Elle fixait froidement son interlocutrice. "Je le sais suffisamment pour savoir qu'il agit après de longues réflexions, qu'il a toujours ses raisons de faire les choses de la manière dont il l'entend. Hormis lorsqu'il n'est plus lui-même. Il a ses raisons de vouloir me protéger de tous ses démons, et je le respecte, bien que je ne suis pas tous les jours d'accord avec ce principe." "Je viens de vous le dire, ça ne peut pas-..." "J'ai très bien entendu ce que vous voulez dire, et je m'en fiche bien." Elle marqua un temps de pause. "Vous avez une alliance, vous êtes donc mariée. Tout mariage a son petit lot de compromis, vous devriez le savoir autant que moi." "Je..." "Et je pense que Jamie et moi avons trouvé les nôtres depuis quelques temps déjà." "Je ne pense pas que ce soit le meilleur moyen pour vous de fonctionner." "Je ne pense que cette séance était sensée devenir une véritable thérapie de couple." répliqua-t-elle, impassible. "Joanne, je pense bien que vous êtes contrariée en vue des récents événements." "Non, vous ne le savez pas. Vous ne me connaissez pas, vous ne savez pas ce qu'il s'est passé ou non." "Je comprends bien votre réticence concernant mon travail, et peut-être à la facilité que Jamie puisse avoir ici à parler de ses pensées plutôt qu'ailleurs. C'est une étape à accepter. Il est parfois plus facile de se confier à une tierce personne extérieure à toute votre histoire plutôt qu'à la première concernée. Avoir un oeil extérieur sur la situation et vous donner les outils nécessaires pour avancer." En une seule phrase, Hamilton venait de dire les choses que Joanne haïssait le plus. Elle qui espérait peut-être devenir un jour cette personne capable d'apaiser Jamie ne serait-ce que d'un regard, d'un geste, ou d'une caresse. Voilà encore des faits qui la contrariaient et l'attristaient tout autant. Elle restait muette, de marbre, quelque peu offusquée. Joanne voulait rentrer, régler leurs problème s'il y en avait. Ce n'était certainement cette thérapeute qui allait les aider en quoi que ce soit pour tout cela.
Les larmes continuent de rouler sur les joues de Joanne. Je ne suis sûrement pas le mieux placé pour la consoler à cet instant. Mais j'espère que mes mots auront un impact. Qu'elle verra ma sincérité. Je ne la tiens pas à l'écart parce que cela me fait plaisir. Comme tout ce que je fais, et qu'elle comprend rarement, je souhaite seulement la protéger. Je la fais entrer par les petites portes pour qu'elle ne subisse pas de pression médiatique. Pour l'avoir vécu toute ma vie, je sais qu'elle nécessite des épaules solides et qu'elle n'est pas prête pour cela. Et toujours, une petite voix lui murmure que je ne veux pas être vu avec elle. Il suffit d'un regard pour le deviner, voir la déception dans ses yeux. De même, je dois la protéger de moi. Cette facette de moi qui lui a déjà fait bien assez de mal. Sa santé, son angoisse à l'idée de ne jamais avoir d'enfants, sans oublier le fait de me voir travailler toujours plus, sont bien assez de sujets d'anxiété pour elle. A ses yeux, amour et inquiétude vont de paire. Mais elle s'en fait déjà bien assez. Avec ce poids en plus, j'ai bien peur de finir à l'état de fardeau. Néanmoins, je sais que la thérapeute n'a pas tort. Si Joanne devient ma femme, cela n'aura rien d'anodin. Je ne pourrais plus l'empêcher de se retrouver sous le feu des projecteurs. Je ne pourrais plus la tenir à l'écart de ces parties de moi. Je dois m'y faire. Déléguer ce contrôle de manière à ce que nous soyons deux de front. La jeune femme n'aura jamais les épaules si je ne lâche pas du leste -ce que je tente déjà de faire depuis ce cocktail chez Jon. Elle ne sera jamais en capacité de m'aider et pleinement m'apaiser si elle ne sait pas comment fonctionne mon esprit. Oh, elle en sait déjà beaucoup et le prouve à Hamilton. Elle peut certainement entendre les engrenages de mon cerveau s'activer et faire tourner la machine pendant que mon regard s'est perdu dans le vague. C'est cette partie de moi qu'elle ne connaît pas bien, à laquelle je ne lui donne pas accès. Je veux la gérer seul. Sauf que je ne le peux pas. Je ne suis plus capable de tout faire seul. Et il n'y a rien de plus difficile que d'admettre avoir besoin d'aide. Joanne continue de se montrer dure et froide avec la thérapeute. Elle la rejette en bloc. Ma belle possède une incroyable capacité à démonter et désarmer ses interlocuteurs lorsqu'elle le veut. Comme dans un livre ouvert, il est facile de voir toute sa virulence contre l'autre femme. Elle tente, tant bien que mal, de reprendre la main sur cette séance. "Jamie vient de me raconter ce qu'il s'est passé, j'en ai une assez bonne idée. Est-ce que vous voudriez nous donner les événements de votre point de vue?" Je soupire et secoue négativement la tête. Elle ne pense pas à mal, mais elle ne fait que braquer Joanne de plus en plus. Elle qui est déjà fort contrariée par les derniers événements n'est pas du tout enclin à écouter une inconnue d'une profession qu'elle déteste. Autant mettre un terme à tout ceci."Je ne crois pas que ce soit une bonne idée." dis-je aimablement. Mon regard est désolé. Je ne voulais pas décevoir Hamilton en lui apprenant les événements d'hier soir, ni lui faire perdre son temps aujourd'hui. "Je pense que Joanne est trop réfractaire à tout ceci pour que ce soit constructif... Trop fatiguée aussi." La jeune femme est toujours aussi pâle, son état est flagrant pour tout le monde. Si je m'écoutais, je trouverais Winters dans l'hôpital pour lui dire le fond de ma pensée quant à son incapacité à formuler rapidement un diagnostic pendant que ma fiancée continue de pâlir. Cela fait partie des choses que je dois réprimer. "Ça ne sert à rien. Nous en parlerons à la maison." j'ajoute en glissant timidement ma main vers celle de Joanne. Je peux faire l'effort de lui parler plus. Je le dois. Après tout, elle a toujours été là pour moi. J'espère de tout coeur qu'elle le sera une fois encore. "Et je reviendrais la semaine prochaine." dis-je à l'intention de la psy, histoire que tout le monde soit content. Je ne sais pas ce qu'il en sera des semaines suivantes en revanche. Tenant la main de Joanne, je me lève. "Allons-y." Je l'attire hors du cabinet et nous marchons le long de quelques couloirs. Puis je m'arrête et me tourne vers elle. Sans un mot, je la prends dans mes bras. Sans un mot, je la serre tendrement, toujours dévoré par la honte vis à vis de la veille.
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Peut-être que cette Hamilton était très professionnelle. Peut-être qu'elle cherchait réellement à les aider, à leur trouver des outils pour que Jamie puisse s'échapper de ce cycle sans fin. Ou peut-être qu'elle était comme Kelya. Qu'elle avait vu en lui ce même adolescent complètement perdu, ayant une horde de sentiments refoulés, que l'on voulait aider. Puis finalement, on s'attachait à lui, on en tombait amoureuse et on faisait tout pour qu'il finisse dans son lit. Toutes les séries médicales avaient au moins une fois détailler ce complexe malsain au possible. Joanne n'aurait jamais pensé à ce que ce soit arrivé avec l'homme qu'elle avait accepté d'épouser. Ces images lui traversaient à nouveau l'esprit, et la dégoûtait. Hamilton était peut-être bienveillante, mais Joanne avait définitivement mis tous les psychothérapeutes dans le même panier. Elle en avait assez vu, elle ne voulait avoir affaire à eux, plus jamais. Avec cet air impassible, sans gêne pour se mêler de la vie des autres, à leur faire tirer les vers du nez, à trouver des solutions alors qu'elle ne connaît pas la moitié de leur histoire et de la manière dont ils le vivaient. A jouer les Madame Je-Sais-Tout. Et malgré tout cela, elle ne se laissait pas impressionner par Joanne, cherchant éternellement à ce qu'elle réponde à ses questions. La belle blonde en avait plus qu'assez. Elle lui lança un regard glacial tandis que Jamie secouait négativement la tête, sachant très bien que c'était loin d'être la meilleure chose à faire auprès de sa fiancée. Il prit la parole, de manière calme et poli. Joanne restait muette et de marbre. Le bel homme trouvait nécessaire de se justifier, alors que la réticence de Joanne s'était faite sentir par toutes les personnes qui s'étaient trouvées dans cette pièce. Il espérait qu'ils finissent à en parler lorsqu'il serait chez eux. Elle attendait de lui des explications sur de nombreux sujets, tout ce qui l'avait en fait contrarié ces derniers jours. Cela allait épuiser Jamie, certainement, mais elle pensait qu'elle avait le droit de savoir certaines choses. Il y en avait qu'elle ne lui pardonnait pas encore, aussi. Elle était soulagée qu'il mette un terme à cette séance qui devenait tout bonnement interminable. Il lui prit sa main avant de se lever, l'incitant à ce qu'elle fasse de même -il n'était pas nécessaire de la forcer. Elle laissait sa main dans la sienne, sans trop l'étreindre, pendant qu'ils marchaient dans le couloir. Joanne restait silencieuse, ne s'attendant certainement pas à ce qu'il s'arrête afin de l'enlacer. Elle acceptait son étreinte, y répondant en posant juste ses mains dans son dos. Pendant de longues minutes, ils restaient ainsi. Pendant tout ce temps, Joanne gardait les yeux ouverts, plongée dans ses pensées et dévorée par ses émotions. Elle décidé de rompre le silence, mais à voix basse, douce et froide à la fois. "J'ose espérer que j'aurai droit à quelques explications." Peut-être froid, mais certainement pas un ton désinvolte. "Et pas seulement concernant hier soir." ajouta-t-elle en se détachant de lui et en cherchant son regard très certainement éhonté. Jamie devait certainement craindre qu'elle ne le délaisse. Qu'elle le laisse seul. Il n'avait jamais été question de cela. Elle avait toujours un peu essayé de se rapprocher de lui en lui posant des questions plus personnelles, bien qu'elle se soit rapidement rendue compte que c'était une chose très difficile pour elle. Il se braquait avec elle, mais crachait absolument tout devant sa psy - une idée qui la mettait hors d'elle. Joanne avait fini par abandonner, à force, et cette séance l'avait certainement achevée. "Mais pas ici, il y a beaucoup trop d'oreilles indiscrètes." Le mauvais penchant des hôpitaux, malheureusement. Sans en dire davantage, elle l'incita à reprendre la marche afin qu'ils rejoignent leur voiture. Le trajet était silencieux. Où qu'ils aillent, l'air était pesant. Une fois chez eux, Joanne se défit rapidement de sa veste, de son sac à main et de ses chaussures. Si ça ne tenait qu'à elle, elle irait dormir, elle était épuisée. Elle n'avait que très peu dormi, même si ses yeux était clos durant toute la nuit. Faisant quelques pas dans le séjour, elle passait ses doigts dans ses cheveux, se préparant à la suite des événements si cela était possible. Elle voulait des explications de sa part, même si elle n'aimait pas du tout les confrontations. Celle-ci était certainement inévitable pour qu'ils puissent tous les deux passer à autre chose. Joanne avait tellement de questions à lui poser qu'elle ne savait même pas par où commencer. Elle finit par s'asseoir sur le canapé, ses coudes appuyés sur ses genoux, ses paumes soutenant son visage. Son regard restait vague. Joanne ne savait même pas quoi dire, les mots lui manquaient. Certainement à cause de la fatigue, se disait-elle.
Cela fait quasiment une semaine que nous n'avons pas eu de contact physique de la sorte. Juste une étreinte. Une longue étreinte avec juste assez de tendresse. Joanne pose ses mains dans mon dos, sans en faire plus. Mais qu'elle ne me rejette pas me suffit déjà. A moins que cela ne soit parce qu'elle n'ose pas le faire en public. Sur le moment, je me fiche du passage autour de nous. Serrer sa petite silhouette contre mon corps m'avait trop manqué, et je ne demande pas plus que quelques minutes ainsi tranquilles. Sauf qu'il n'y a pas de bulle. Rien ne se crée pour nous isoler du monde. Notre environnement est bien là, je le sens. Les gens, les murs, l'air, tout est oppressant. Une fois détachés l'un de l'autre, même de couloir en couloir, même à l'extérieur, même dans la voiture ; tout est froid, tout est lourd, tout pèse sur ma cage thoracique, faisant paniquer mon rythme cardiaque et m'empêchant de respirer. Cette ambiance parvient peu à peu à me vider de toutes mes forces. Pourtant, il est encore tôt dans l'après-midi. Ce n'est pas de la fatigue, quoi que je ressens encore lourdement les effets du décalage horaire dont la nuit, courte et agitée, ne m'a pas permis de me remettre. L'épuisement est avant tout nerveux. La soirée a été éprouvante, la nuit dénuée de sommeil. Et puis, je ne sais pas ce qu'il se trame dans l'esprit de Joanne, silencieuse, froide et distante à la fois. Je ne me doutais pas qu'il y avait plus que le gala. Et j'avoue avoir vraiment peur de ces questions qu'elle souhaite me poser. Mes bras, faibles, peinent à maintenir mes mains sur le volant. Mes membres sont lourds, et mes pieds sur les pédales me donnent du fil à retordre. Mon attention n'est pas complètement fixée sur la route. Du coin de l'oeil, je devine parfois Joanne, restant dans son coin à observer les rues de Brisbane défiler sans rien dire. Nous respirons un air bourré de rancoeur, c'en est étouffant. Mon coeur se serre de plus en plus à mesure que nous nous approchons de la maison. Plus que quelques virages dans les petites rues du quartier avant d'arriver au quarante-deux. Je gare rapidement la voiture dans l'allée et descends, toujours sans un mot. Je ferme la porte de l'entrée derrière nous ; tous mes gestes me semblent lents, presque douloureux. Mes jambes refusent quelques secondes d'avancer dans la maison, tant elles veulent éviter la confrontation. Mais j'effectue quelques pas quand même, retirant ma veste rapidement. Quand je m'enfonce dans le salon, je vois Joanne, assise sur le canapé, le visage entre les mains. Toujours silencieuse. Celle qui a tant de questions à poser ne dit rien. Je me demande si cela veut dire qu'elle ne veut tout simplement pas me parler. J'avoue que le moindre de ses souffles m'angoisse à ce stade. Mes nerfs sont tellement mis à rude épreuve par la peur de l'entendre m'abandonner de nouveau que j'en tremble presque. Je finis par m'asseoir à côté d'elle, à une certaine distance, ne sachant pas jusqu'où elle accepterait que je m'approche. Le silence dure encore un long moment. « Je... » Mon coeur bat à toute vitesse. La crainte embrouille mon esprit et m'empêche de trouver facilement mes mots. Je n'ai aucune idée de ce qu'elle veut entendre. « Concernant hier soir… J'ai tout dit là-bas. Je ne sais pas ce que je peux ajouter, ce que tu veux savoir de plus… » Je me suis laissé emporté, craquant sous la pression d'un trop plein d'informations, déboussolé, et voilà. Je n'ai pas seulement abîmé le visage de James, mais aussi toutes mes relations avec les femmes présentes. « Et je sais que tu ne veux pas l'entendre, mais je suis profondément désolé. Je… J'ai vraiment honte. » Je ne m'attends pas à une réaction de la part de Joanne. Elle va certainement s'abstenir de tout commentaire, de toute expression sur son visage. J'ose à peine la regarder, pourtant je m'y force. Qu'importe si elle ne me regarde pas en retour, je garde mes yeux posés sur elle, ce qui rend chaque mot plus difficile à articuler. « Je veux vraiment trouver le moyen que ça n'arrive plus. Réussir à solutionner ça. » Elle le sait déjà, je lui avais promis de me faire aider, et c'est de ce que je fais. Je suppose que je n'ai bel et bien pas de vrai pouvoir sur ces rechutes momentanées, mais au moins, mon comportement n'a rien à voir avec celui d'avant. Ce n'est pas encore assez. Si je n'accepte pas plus d'aide, je n'avancerai jamais vraiment. Implorant véritablement le pardon de la jeune femme, demandant et acceptant cette fois toute l'aide qu'elle peut m'apporter, je prends énormément sur moi pour avouer ; « Je… Je n'y arriverai pas tout seul… » Ma gorge se serre. Ca y est, je suis un fardeau. Je déglutis difficilement, ne sachant pas quoi dire d'autre. Elle souhaitait m'interroger, je n'ai plus qu'à la laisser m'assener une montagne de questions qui seront, je n'en doute pas, autant de coups que je vais recevoir en retour de ceux donnés à James. « En dehors de ça, je ne sais pas à quel sujet tu veux me questionner. Mais tu peux tout me demander. »
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Ils détestaient tous les deux ces moments-là. Ces moments où aimer devenait synonyme de confronter, avouer, contrarier ou même décevoir. Parfois, ils parvenaient à l'esquiver, parfois il était impossible de passer à côté. Jamie s'installa à côté d'elle sur le canapé, maintenant une certaine distance. Il s'attendait certainement à ce qu'elle le repousse s'il était trop près d'elle. Elle n'aurait certainement pas réagi. Joanne serait restée comme elle était à cet instant là. Le regard vide, le visage de marbre, aucune expression qui indiquait qu'elle l'écouter. Et pourtant, la jeune femme était attentive au moindre de ses propos. Ses excuses, son ressenti, sa volonté d'être plus fort que cette chose qui le rongeait quotidiennement. En même temps, elle cherchait à mettre un peu d'ordre dans sa tête, constituer mot par mot ces questions qui l'enquiquinaient tant. Joanne restait longuement silencieuse, après qu'il ait dit qu'il était prêt à entendre n'importe quelle question. Après encore une bonne minute de réflexion, elle se redressa, prenant une grande inspiration. "Bien sûr que tu n'y arriveras pas seul." dit-elle de sa voix douce, sans le regarder. Ce n'est qu'au moment où elle posait sa première question que ses iris bleus daignèrent enfin revoir les yeux de son fiancé. "Alors pourquoi continues-tu de prétendre que ce n'est pas le cas avec moi ?" Elle ne savait pas comment ça se passait avec Hannah ou d'autres connaissances qu'il pouvait avoir. "Je n'attends pas de toi que tu sois celui qui parvienne à tout maintenir de notre relation. Je ne veux pas que tu cherches à me montrer la force d'esprit que tu puisses avoir, toute ta volonté, ta détermination en ne me parlant pas de ce qui te tracasse, de tes faiblesses, disant que ce n'est que pour me protéger." Elle soupira. "Je le sais déjà, tout ça, Jamie. Je le sais depuis bien longtemps." Ses mains étaient calmes posées sur ses genoux. Etrangement, elles ne se torturaient pas l'une l'autre pour une fois. "Je sais que je ne suis pas quelqu'un de solide, et je me doute que tout ce que tu fais, tu le fais d'une manière ou d'une autre pour moi, même si je ne comprends absolument pas certaines de tes actions et me laissent croire des choses qui me sont insupportables à penser." Elle pensait avoir vu beaucoup du monde dans lequel avait vécu Jamie, mais elle avait vite compris la désillusion. La manière dont avait parlé Hannah juste avant que la petite blonde ne fuit le gala en faisait partie. "Je pense bien que ça part d'une profonde bienveillance. Mais de me tenir à l'écart comme ça, ça ne fait que... Ca me rend triste de ne pas savoir ce qui te passe réellement par la tête, et d'être tout bonnement incapable de remédier à quoi que ce soit." Joanne avait quitté ses yeux depuis un bon moment, ne laissant parler que le fond de ses pensées, le regard brillant d'un léger voile de larmes. Une tristesse mêlée à une certaine colère. "Et le pire... Le pire... c'est de voir la manière dont tu arrives à t'ouvrir à une parfaite inconnue, alors que moi, j'ai eu beau chercher à savoir ce qui te travaillait, à chercher à mieux te cerner pour pouvoir t'aider, mais rien." Et voilà que sa voix se mit à trembler et les larmes border ses paupières. "Je sais que tu as des problèmes à trouver tes mots, à partager tes ressentis. Mais là, tu viens de parfaitement y arriver avec ta psy. Et ça me fait mal." Joanne ne tenait pas à savoir tout ce qu'il avait pu lui confier le concernant ou concernant son couple. Ce serait d'autant plus de choses qu'il n'aurait certainement pas dit à Joanne. Et elle n'avait pas besoin de souffrance supplémentaire pour le moment. "Et je voudrais tellement... tellement être celle en qui tu as entièrement confiance. Etre celle qui puisse apaiser tes colères d'un regard, d'un geste. Celle à qui tu te sens le plus prêt à te confier." Elle avait l'impression qu'il n'y avait strictement rien de tout cela pour le moment. "Et si tu me laisses dans l'ignorance, ça n'arrivera jamais. Si je ne connais pas la manière dont tu vis les choses, dont tu les ressens, je ne saurai jamais quoi faire." La jeune femme déglutit difficilement, se permettant quelques secondes de pause. "Alors oui, j'ai énormément de questions. Pourquoi refuses-tu toujours que je vienne avec toi par les grandes portes de tel ou tel événement ? Je sais que tu crains pour moi, je n'ai moi-même aucune idée de comment je gérerai tout ça. Si ça ne va pas, alors, je ne sais pas, je ferai peut-être un malaise, certes. Si ça se passe un peu mieux, je serai peut-être cette fameuse fille de la radio qui s'avère être la promise d'un des Lords plus que convoité par d'autres dames. Je ne veux pas que tu aies honte de moi. Et ça pourrait aussi très bien se passer." Elle aurait pu poser des questions concernant le trio James, Hannah et Gabriella parce qu'elle n'avait définitivement pas compris ce qu'il s'était passé la veille. Elle avait juste bien compris qu'ils semblaient tous se connaître et savoir des choses que Joanne ignorait parfaitement. La jeune femme avait encore bien des questions, mas tout s'était à nouveau mélangé. La seule qui sortait encore de ce méli-mélo était. "Et Londres ? Qu'est-ce qui a fait que tu aies du passer un jour supplémentaire à Londres ? Que s'est-il passé ?" Elle reviendrait certainement sur ce qu'il s'était passé la veille un peu plus tard.
La manière dont Joanne se montre si sûre que je ne pouvais pas réussir à affronter mes problèmes seul est un coup au coeur dès le départ. De quoi rabaisser encore un peu plus l'estime de moi-même, qui était déjà fort basse ce jour. Même ma fiancée pense que je suis trop faible pour cela. Déjà cassé par ces premiers mots, j'écoute le reste dans un état semi-léthargique. Je passe régulièrement une main sur mon visage, masque de ci et là quelques expressions de douleur, de frustration, d'incompréhension. J'ai beau être borné, je pense comprendre la majorité des choses que Joanne me dit, et concevoir son point de vue, la légitimité de ses paroles. Elles me désespèrent parfois, me contrarient. Mais j'attends patiemment la fin, le moment où je pourrais lui répondre, continuant d'enregistrer et encaisser parfois certains coups collés droit dans ma fierté. J'essaye également de construire mes réponses, songer aux mots que je vais devoir employer et réussir à articuler. Elle se trompe, je n'ai pas plus de facilités avec Hamilton, au contraire. Mais ça, elle n'en sait rien. « Le problème, Joanne, c'est que tu refuses de voir tout ce que tu as déjà fait pour moi, tout ce que tu as déjà remédié. » je débute. J'ai beau lui avoir répété je ne sais plus combien de fois toutes les choses qu'elle a fait, elle persiste à rester aveugle. « Je ne veux pas... être le type qui a constamment besoin d'être sauvé. Tu l'as déjà fait, à plusieurs reprises. Cette fois, je devais tenir... réussir à m'en sortir tout seul. » Je n'y suis jamais arrivé, et on dirait que je n'y arriverait jamais. Avant, j'avais besoin de Kelya. Aujourd'hui, j'ai besoin de Joanne. J'ai l'impression d'être une sangsue allant d'hôte en hôte. Hamilton aide un peu, pour les quelques séances où nous nous sommes vus. Il est toujours tellement difficile d'emprunter le chemin de son cabinet sans voir nos rendez-vous comme autant d'échecs personnels. « Rien que de devoir recommencer à voir une psy m'a vraiment fait sentir tellement… faible, et misérable. Mais cela fait partie du traitement, alors j'y vais, de temps en temps. Je lui parle très peu, je n'ai jamais envie d'être là. Je préférerais te parler à toi, mais je ne le faisais pas, justement pour te protéger. » La jeune femme est bien celle en qui j'ai confiance. « Souviens-toi, hier soir, le moment où tu as pris ma main quand je tenais James. » La manière dont mes doigts se sont instantanément relâchés. Elle a de l'influence sur moi. Ce soir là, j'ai refusé d'être apaisé. Mais elle n'a pas idée de son action sur moi. « Tu as déjà largement assez de matière à te ronger les sangs avec ta propre maladie. Je ne voulais pas être une pression supplémentaire sur tes épaules alors que tu en supporte déjà tellement à cause de moi. Comment est-ce que tu pourrais être fière d'être avec quelqu'un qui a toujours besoin d'aide, qui a toujours besoin de toi, comme un gosse ? Comment est-ce que je pourrais être fier de moi si je ne suis pas capable de faire quoi que ce soit seul ? » Elle qui prétend qu'elle serait fier d'avoir des enfants avec moi. Il faut se rendre à l'évidence, il n'y a aucune fierté à fonder une famille avec un homme qui ne peut pas s'assumer seul, qui lui suce le sang pour tenir bon. « Mais voilà, il est clair que je suis bon à rien seul. » Cela est déjà si difficile pour moi d'avouer avoir besoin d'une aide supplémentaire que j'espère sincèrement qu'elle ne me blâmera pas plus longtemps pour le temps que j'ai mis avant de l'accepter. Je devais faire mon chemin de croix vers la guérison seul. J'ai tenu aussi longtemps que j'ai pu, avançant en épargnant ce poids à Joanne, et maintenant, la croix est trop lourde. J'ai besoin d'elle. Je soupire, laissant tomber mon dos dans le canapé. D'autres questions tombent. De celles qu'elle n'a jamais osé poser, mais que je devinais toujours aisément dans son regard. Je ne sais pas comment lui répondre sans me montrer trop sec. J'ai l'impression qu'elle n'a pas confiance dans les décisions que je prends pour la protéger, remettant toujours tout en question. La jeune femme ne peut pas apprécier ce que je lui donne ainsi. Elle ne le saura que lorsqu'elle l'aura perdu. L'anonymat. « Je ne sais pas quoi faire pour que tu sois satisfaite, Joanne. Quand j'essaye de te préserver et te protéger, ça ne te convient pas, parce que tu te montes la tête ou bien tu es déçue que je ne fasse pas et ne dise pas certaines choses. Et quand je te mets en face de tout ce que tu me demandes, ça ne va pas non plus, parce que tu paniques ou tu comprends que c'est trop pour toi, comme chez Jon ou hier soir. » C'est exactement les mots qu'elle a employé hier soir. C'était trop. Et sa réaction a été sans appel ; elle est partie, elle a fui. « Qu'est-ce que je suis supposé faire ? » je demande, haussant les épaules. Elle n'a tellement aucune idée de ce dont elle parle. Ce qu'elle réclame. « Je n'ai pas honte de toi, et je n'aurais jamais honte de toi. Mais je ne peux pas me permettre que tu fasses un malaise devant une hors de photographes comme au gala. Tu ne te rends pas compte, Joanne... tu ne sais pas ce que c'est. C'est ta tête dans des magasines, sur internet, c'est des articles se moquant de toi, de ton malaise, de ta tenue, lus par des milliers de gens, à la portée du monde entier. C'est des inconnus qui te reconnaissent dans la rue, t'aiment ou te haïssent sans te connaître. Je baigne là-dedans depuis toujours, Joanne. Ca a tué mon frère. » Ma voix dérape un peu en évoquant Oliver. Finalement, être le fils préféré a été son plus grand malheur. Il était bien trop bon pour tenir toute cette pression. Et sur ce point, lui et Joanne se ressemblent beaucoup trop. « Alors ce n'est pas pour rien que je t'en tiens aussi éloignée que possible tant que je ne pense pas que tu sois prête. » Elle le sera peut-être un jour, à force de petits événements, comme des entraînements que je m'efforçais de lui faire faire avant de pouvoir tenir tête aux flashs d'hier soir. Mais il est hors de question pour moi de la lâcher immédiatement dans la fosse aux lions. Elle n'a pas d'autre choix que de comprendre ça, d'ouvrir les yeux, et je sais que cela ne va pas lui plaire. Être la fille de la radio fiancée à un Lord n'est un conte de fée que sur le papier. En dehors, le monde n'est pas bienveillant avec les gens comme nous. Joanne m'interroge finalement au sujet de Londres. Mon voyage prolongé. Ce n'était qu'un jour de plus, mais une promesse brisée, ce qui me culpabilise déjà bien assez comme ça. Je mordille ma lèvre. Depuis que j'ai commencé à prendre la parole pour répondre à toutes les questions de la jeune femme, ma nervosité est palpable. Je commence à avoir une belle migraine, alors je loge mon visage entre mes mains quelques secondes pour leur épargner la lumière du jour. Puis je reprends ; « Ma mère a pris sa retraite. Elle a été poussée vers la sortie. Elle s'y attendait, elle était devenue trop vieille. Ca la met quand même dans un sale état. Elle a passé sa vie sur des plateaux de télévision… Alors je suis resté prendre soin d'elle, passer du temps avec elle. » Mon père s'en charge assez bien. En dehors de ses aventures, il a toujours été présent pour elle. Néanmoins, sans son travail, elle se sent un peu moins elle-même. Cela m'avait fait tant de peine que j'avais ressenti le besoin de rester un peu. A mes yeux, cela est suffisant comme excuse pour briser une promesse.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il disait qu'elle ne voyait pas tout ce qu'elle avait déjà fait chez lui, pour lui. Il avait très certainement raison. Pour elle, ce n'était jamais assez, jamais satisfaisant. Elle avait peut-être réussi à accomplir certains de ses objectifs personnels sans s'en rendre compte. Jamie tenait à savoir se débrouiller, à résoudre ses problèmes de par lui-même, mais il n'y était jamais parvenu. Le problème venait de chacun d'eux. La jeune femme avait depuis baissé ses yeux depuis, écoutant tout ce qu'il avait à dire. C'était dur à écouter et à parler pour tous les deux, elle le savait bien. Tout ce que Jamie voulait était de conserver sa belle du monde d'où il venait. Un univers beaucoup trop dur pour elle. Joanne ne voulait pas l'admettre. Il précisait qu'il ne parlait que très peu à sa psy, qu'il préférait se confier à celle qu'il allait épouser. Le bel homme lui rappelait l'épisode d'hier soir, le seul moment où Joanne avait cru qu'elle arriverait peut-être à sauver les meubles. Mais il avait lutter contre sa tendresse, refusant d'apaiser son âme par la présence et le toucher de sa belle. C'était bien à ce moment précis que Joanne avait cette impression d'être inutile. Il pensait judicieux de ne pas parler de ses propres soucis, étant donné qu'elle en avait déjà bien assez. Jamie se qualifiait très rapidement de bon à rien. "Ce n'est pas vrai." répliqua-t-elle, presque sèchement. "En trois ans, tu as su reconstruire toute ta vie ici. Tu t'es permis d'acheter une maison qui te correspond, de trouver la maison qui te plaît, refonder tout un entourage." Elle haussa les épaules, la mine triste. "A côté, moi, j'ai tout simplement perdu toute une année de ma vie, parce que j'étais incapable d'accepter ce qui a pu m'arriver." Surtout sa fausse-couche, et cette fichue anomalie génétique. Joanne se maudissait d'être ainsi, faible et fragile. Elle ne se sentait pas capable de grand chose, mais rêvait toujours de faire le maximum toléré par son organisme. "Et je suis fière de toi. De la personne que tu es. De ces derniers mois. Ce n'est pas qu'une histoire de comprimés qu'il y a derrière. Tu es volontaire et tu fais toujours de ton mieux. Et il en faut, de la volonté et de la détermination, pour ce genre de choses." Joanne s'éclaircit la gorge. "Et pendant un mois, tu as du géré ça tout seul." Jamie retrouvait un peu de son frère en Joanne. Une fragilité certaine, quelque chose de précieux à conserver loin de toutes ces âmes perverties. C'était dur de parler de lui, ainsi. "C'est un sacrifice que je suis prête à faire." dit-elle, sans le regarder. "Si c'est le seul moyen pour que tu saches que tu n'es pas seul à garder et à supporter tout cela, que le désagréable puisse devenir agréable pour nous deux, alors je le ferai." Elle avait une idée assez fixe là-dessus. La seule option qui pourrait convenir aux deux. Rester seule à la maison lui était difficilement supportable. Une certaine jalousie y contribuait également. "Mais à t'entendre, j'ai bien l'impression que ça n'arrivera jamais." Joanne baissa les yeux, regardant ses doigts commencer à se tortiller entre eux. Il craignait certainement qu'elle finisse comme Oliver, que cet univers finisse par la tuer -ce qui, en soi, ne serait pas impossible. Mais elle voulait croire qu'elle en était capable, qu'elle voulait se donner les moyens d'y parvenir. "C'est en quelque sorte l'un des engagements que j'ai pris en acceptant de t'épouser, Jamie." Il le savait tout autant qu'elle. Il y aurait bien un jour où il fallait qu'on sache qui était cette Lady Joanne Keynes. "Le jour où je remplacerai mon nom de famille par le tien, il faudra bien que j'y plonge totalement un jour ou l'autre, non ?" Et dieux sait combien ce jour sera certainement le plus fatidique une fois qu'ils seront mariés. Peut-être même avant le mariage. Son ton devint ensuite un peu plus sec. "Hier était différent. Hier soir, il y avait James en sang, une lueur dans ton regard que je n'avais pas vu depuis longtemps et pour lequel je me fais énormément de soucis, Hannah qui dit que nous la faisons bien "rire" avec ce ton plus que désinvolte..." Ce dernier point avait touché Joanne bien plus que l'on ne pourrait le croire. Elle lui avait vaguement parlé de leur rencontre. La belle blonde s'était malgré elle très vite attachée à la mannequin. "Ca aussi, ça m'a beaucoup blessée. Apprécier une personne et penser que tout pourrait aller bien, et je me retrouve à être la dernière des idiotes à pouvoir croire que c'était peut-être réciproque. Je suis d'une stupidité..." Joanne avait toujours attaché énormément d'importance en l'amitié et ses valeurs. Elle avait pensé croire que cela pouvait fonctionner, elle regrettait d'y avoir si fermement cru. Quelques larmes coulaient sur ses joues de porcelaine. Ses mains se torturaient de plus en plus entre elles. A vrai dire, elle commençait même à se faire mal sans s'en rendre compte. "Et moi, qu'est-ce que je suis sensée faire ?" finit-elle par lui demander. Cela ne voulait pas dire qu'elle lui pardonnait quoi que ce soit, c'était encore une autre histoire. Jamie finit enfin par justifier son absence prolongé à Londres, qui était en fait plus que justifié. "Tu as bien fait." dit-elle d'une voix étouffée. "Et... comment a-t-elle réagi, quand tu lui as parlé de nos fiançailles ?" A vrai dire, son avis était plus important pour elle qu'on ne pourrait le croire. Si elle la mère de Jamie s'y opposait fermement, ce serait un élément qu'elle prendrait forcément en compte et qui aurait son importance, malgré elle, sur leur mariage.
Je sais que je suis loin d'être pardonné. Néanmoins, j'ai l'impression de réussir, peu à peu, à apaiser l'atmosphère entre nous. Il semble y avoir moins de colère dans l'air, ce qui le rend plus supportable. J'espère que Joanne comprend mes paroles, qu'elle sait maintenant pour quelles raisons je la maintenais hors de certaines choses. Hors de ma tête, et hors de certaines parties de ma vie. Je ne sais pas vraiment quoi penser. J'espère juste. La jeune femme n'hésite pas à me contredire lorsque je me qualifie de bon à rien -une doctrine bien enfoncée dans mon crâne par ma famille. Je sais qu'elle ne supporte pas lorsqu'ils me traitent de la sorte. Mais cela a été le cas tellement d'années que les dégâts sont bien là. La belle ma rappelle alors tout ce que j'ai réussi à accomplir en quelques années. Sauf qu'être seul, après toutes ces années, avait bien failli me faire repartir à Londres. Si elle n'était pas apparue, je serais en Angleterre. Parce que je ne peux pas être seul. Je ne dis rien, je ne veux pas la peiner avec ce genre de pensées. Je me contente de glisser tendrement ma main dans la sienne lorsqu'elle évoque son année passée. Elle est toujours trop dure avec elle-même. Beaucoup trop dure. A mes yeux, une année était au moins le temps nécessaire pour accepter tout ce qui lui était tombé dessus. Ce n'est pas un délai dont elle doit avoir honte. Ce qu'elle ajoute me touche profondément. Je baisse les yeux pour masquer mon trouble, mais j'avoue que je ne m'attendais pas à ce qu'elle se dise fière de moi après tout cela. J'ai toujours l'impression de recommencer à zéro, mais au moins, je sais que ce ne sont pas des efforts vains. « Je… Merci, Joanne. » je murmure en serrant un peu plus sa main. « C'est important, pour moi, ce que tu dis. » Je crois qu'il y a rarement eu plus important à mes yeux, me concernant ; que mon entourage puisse être un peu fier de moi. Voir enfin un résultat à tout ce que je fais. Je réfléchis un instant, puis j'ajoute ; « Je veux bien t'en parler plus souvent, mais tu dois promettre. Tu dois promettre que notre vie ne tournera pas toujours autour de l'inquiétude l'un pour l'autre. Moi pour ta maladie, toi pour mes crises. Ce n'est pas comme ça que je veux vivre, je ne veux pas que ça nous bouffe. » Même si amour et inquiétude vont de paire à ses yeux, il est hors de question que je devine en elle une peur constante du moment où je pourrais basculer d'un extrême à l'autre. Tout comme je m'efforce de ne pas penser à sa maladie au quotidien, je refuse d'être un sujet de craintes permanentes. Je veux que nous vivions normalement. Même si notre vie n'a rien de normal. Nous le savons tout les deux. Joanne m'a déjà répété son vœu d'être un peu plus sous le feu des projecteurs, afin de m'épauler. Et je sais qu'une fois mariés, ou bien avant, il sera nécessaire qu'elle plonge dans le grand bain -et que tout se passe bien. « Je n'ai pas dit que ça n'arrivera jamais. J'ai dis que j'attends le moment où tu seras prête. » je réponds en essayant d'être aussi doux que possible, malgré la fermeté de mes mots. Mon regard se plante dans le sien et ne le lâche pas afin qu'elle comprenne l'importance -et la bienveillance- de mes paroles. « J'ai parfaitement conscience que je ne pourrais pas toujours te cacher, même si je le voudrais, pour ton bien. Un jour, oui, tu plongeras là-dedans. C'est pour ça que je mets tout en œuvre pour que cela se fasse doucement. Etape par étape. » Et tant qu'elle ne tiendra pas le coup lors d'un cocktail en petit comité, il est hors de question qu'elle passe par la grande porte lors de soirées comme celles d'hier. Joanne m'avoue avoir été blessée par les paroles d'Hannah, avant qu'elle ne s'en aille après le désastre. J'ai moi-même du mal à digérer l'attitude qu'elle a eu. Je me demande si j'ai bien fait de lui confier une amitié aussi totale que celle que je voulais lui donner. « Tu n'es pas stupide. » je réponds en essuyant les larmes qui roulent sur les joues de la jeune femme. D'une main sous son menton, je garde son visage tourné vers le mien. « C'est… Hannah. Elle est comme ça. Ce n'était pas contre toi, ou contre vous. Elle préfère survoler le monde plutôt que de s'impliquer émotionnellement dedans. » Cela peut la rendre cruelle. Mais elle ne fait que se protéger. La désinvolture, les sourires de toutes circonstances, ce sont ses chiffres. « Ce qui n'empêche pas les autres de s'attacher à elle, puis de souffrir en comprenant que l'on est… qu'un spectateur de plus dans le grand théâtre de la vie d'Hannah. » Ce que j'ai sûrement été aussi, au final. Je continue inlassablement d'essuyer chaque larme qui s'échappe des yeux de Joanne, toujours avec la même délicatesse. Je pose mes deux mains sur son visage, faisant glisser mes pouces sur ses joues. « Tu dois avoir confiance en moi. » dis-je d'une voix douce. « Tout ce que je fais, je le fais en connaissance de cause, et je le fais pour ton bien. Pour notre bien à tous les deux. C'est aussi difficile pour moi, de te tenir à l'écart de certaines choses. Maintenant, je sais que je ne peux pas tout tenir... » Je m'écroule sous le poids du travail, de la fatigue, des tracas quotidiens et des combats intérieurs. J'en demande trop à mes nerfs. « Si je t'ai demandé de m'épouser, c'est bien parce que je veux que nous vivions pleinement tous les deux, ensemble. Alors nous allons continuer de trouver les clés pour ça. Je me confie à propos de mon problème, et tu me fais confiance à propos de ton exposition quand nous sortons. D'accord ? » Ce n'est sûrement pas ce soir que j'aurais son pardon. Mais j'espère avoir réussi à réparer quelques pots cassés, et que les autres, le temps s'occupera que leur faire reprendre forme. Je prends la main gauche de Joanne entre les miennes, tandis qu'elle me demande ce qu'a pensé ma mère de nos fiançailles. Avant de répondre, je dépose un léger baiser sur ses doigts, à côté de sa bague. « Elle… Elle n'a rien dit. Elle n'a pas vraiment réagi. Elle a acquiescé pour dire qu'elle avait compris, et c'est tout. Elle est comme ça. Je n'ai jamais réussi à savoir ce qu'il y a dans sa tête. » Me laissant souvent penser que elle, comme mon père, ne voulait pas de moi.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Il était surprenant que Jamie accepte ainsi des compliments venant de sa belle. Souvent il ne disait rien, parfois, il riait juste nerveusement, il rougissait ou fuyait le regard. Peut-être qu'ils n'avaient pas le coeur à réagir comme ils le feraient d'habitude, l'un comme l'autre. Certes, l'ambiance était beaucoup moins tendue que la veille, qu'il y avait quelques minutes de cela, mais un certain malaise planait tout de même. Il manquait surtout le pardon. Quelque chose que Joanne ne savait pas encore et quand il fallait le donner. Elle aura certainement besoin d'un peu plus de temps pour cela, peut-être pas. Elle même n'en avait vraiment aucune idée. Mais elle sentait que Jamie faisait beaucoup d'effort afin de se rattraper, y donnant énormément du sien. Au moment où la jeune femme parlait de son année de solitude, il avait délicatement glisser sa main dans la sienne, la serrant tendrement un peu plus tard. Il avait sa main tellement chaude par rapport à la sienne, c'était une sensation bien agréable. Une promesse. C'était ce qu'il exigeait. Joanne savait à quel point une promesse était quelque chose de sacré, d'inviolable aux yeux de son futur époux. Elle le regarda longuement, étudiait son regard. Jamie semblait beaucoup à ce qu'il disait. A ce que leur relation ne se résume pas à une inquiétude permanente pour l'autre. "Je te le promets." dit-elle doucement. Elle avait envie de l'embrasser, de lui caresser tendrement le visage. Mais une certaine rancoeur due aux récents événements l'en empêchait, cet instant la déchirait un peu. Elle qui était si dépendante à son affection. D'une manière qui lui était propre, Jamie parvenait à capter le regard de Joanne indéfiniment. Il y avait ce magnétisme, ce point d'accroche qui faisait qu'elle était incapable de s'en détacher une fois qu'il l'avait saisi. Elle notait en premier lieu la fermeté qu'il impliquait dans ses paroles. Il voulait décider de lui-même du moment le plus opportun pour la présenter au monde entier. En soi, Joanne restait totalement ignorante quant à ces histoires people, ces couvertures de magasines et ces commérages. La seule chose qu'elle savait, c'est que tout irait bien tant qu'elle resterait à son bras. Elle se demandait s'il comptait un jour la lâcher dans ce nid de vipères une fois qu'elle aura gagné en assurance afin de voir comment elle s'en sort. Ce serait cruel, mais aussi une certaine preuve de confiance. Pour son bien. C'était son principal argument. Jamie tenait à orchestrer avec brio son intégration dans ce monde de dingues. "J'ai l'impression que ce ne sera pas avant des années." dit-elle, pensive, se connaissant. Elle ne savait pas si Jamie se fixait une date butoire, des objectifs particuliers. "Et tu le vivrais comment, toi, si, un beau jour, tout se passera bien ?" Il n'apprécierait peut-être pas de devoir plus ou moins la partager avec le reste du monde, bien qu'il serait éternellement le seul à coucher avec elle. En parlant d'Hannah, il tenait à continuer à avoir l'attention de sa belle, alors qu'il essuyait avec précaution les larmes qui se déferlaient sur ses joues. Elle était certainement tout aussi en colère avec elle, au point d'en devenir quelque peu rancunière. "Et bien, dans ce cas, je ne m'impliquerai plus émotionnellement dans notre relation." dit-elle en fronçant légèrement les sourcils. "Nous serons peut-être d'égal à égal à ce moment-là." A chercher ce complexe de supériorité en ne faisant que prétendre. Joanne ressentait pas mal de rancoeur. Il prit ensuite le visage de sa belle entre ses deux mains, la couvrant de tendresse à l'aide de ses pouces et afin de s'assurer qu'il ait bien toute son attention. Bien sûr qu'elle avait confiance en lui, même si le temps et ses absences multiples l'éreintaient un peu. C'était loin d'être facile pour elle, de gérer ses absences seules, elle n'avait pas autant de connaissances et de relations que lui pour pouvoir les combler et s'occuper un peu l'esprit. Il y avait bien évidemment Sophia, mais elle avait aussi ses propres amis, Joanne ne pouvait pas la garder pour elle et réclamer constamment sa présence. Elle ne s'en plaignait, et s'occupait comme elle le pouvait. Bien qu'elle débordait de gentillesse, Joanne avait toujours une difficulté certaine de faire de nouvelles rencontres, de s'ouvrir à des inconnus, d'élargir son champ d'amis. Avoir confiance en quelqu'un de nouveau était loin d'être une tâche aisée pour elle. Alors elle se contentait de ce qu'elle avait, prenant son mal en patience. "D'accord." dit-elle à voix basse, encore très émue. Il embrassa tendrement ses doigts, juste à côté de sa bague, disant ensuite que sa mère n'avait que très peu réagir par rapport à la nouvelle. Pas le moindre enthousiasme, rien. C'était très triste à entendre. Joanne acquiesça d'un simple de tête, embêtée de lui avoir posé cette question. Un très lourd silence régna ensuite dans la pièce, laissant sous-entendre que beaucoup de choses n'étaient pas encore réglés. Mais elle était épuisée, lessivée, vidée. "Tu m'as manquée." dit-elle alors, l'air triste et coupable. Ces quatre jours étaient synonymes d'éternité pour elle. "Tu me manques." rectifia-t-elle ensuite. Elle vivait bien plus mal les longues journées de travail de Jamie qu'elle ne le prétendait. Joanne savait prendre énormément sur elle, et c'était ce qu'elle faisait notamment avec l'après-coup de l'émission qu'il animait. Elle préférait profiter des instants où il était là avec lui - d'où son insistance pour l'accompagner n'importe où, quitte à mettre en danger sa propre santé- plutôt que de se plaindre de sa solitude et se morfondre dans son coin. Cela n'avancerait rien les choses, mis à part de rendre plus coupable Jamie, alors qu'il l'était déjà suffisamment. Il n'était pas nécessaire que Joanne aurait certainement besoin d'un peu plus de temps pour lui pardonner son absence prolongée, ce gala imprévu, la séance chez le psy. Mais cela ne l'empêchait pas pour autant de l'aimer comme il se doit, ce serait invivable pour elle, sinon.
Elle scelle la promesse que je lui demande de me faire, sans objecter. Joanne sait quelle importance je donne à ces quelques mots, à quel point la parole a une valeur bien au dessus du matériel à mes yeux -raison pour laquelle je me sens si coupable d'être rentré plus tard que prévu de Londres. Elle ne promettrait pas si elle ne le pensait pas. Elle n'oserait pas me faire une promesse dans le vent, je l'espère. Et je compte sur elle pour la tenir. Cela pourrait être difficile, vu son naturel angoissé. Constamment à s'inquiéter pour de petites choses autant que pour les enjeux plus importants. Capable de se noyer dans un verre d'eau. Loin de toujours être capable de faire preuve d'optimisme. Je me demande si elle a foi en moi. Assez pour croire que je suis capable d'arriver à un stade où, un jour, mes crises seront si espacées que nous ne nous souviendrons plus de la précédente lorsque la suivante surviendra. Je me demande à quel point elle croit en moi. Quoi qu'il en soit, désormais, elle n'a plus le choix. Elle devra affronter son anxiété, se détacher de sa peur pour moi et avoir confiance. Tout comme je lui assure que nous aurons notre famille un jour, refusant que notre quotidien présent et à venir soit dévoré par sa maladie génétique, j'espère qu'elle tiendra parole en sachant vivre chacun de mes bons jours pour ce qu'ils sont, et ne s'inquiéter que des moments où elle me sent partir sur une pente glissante. Je ne doute pas que si je m'ouvre plus à elle, si je lui parle, elle trouvera des clés, comme elle l'a toujours fait, et saura réagir. Elle trouve toujours. Elle finit toujours par comprendre mes travers et les dompter. Elle est tellement plus forte que ce qu'elle veut bien croire, seulement… à sa manière. A condition d'avoir tous les éléments, les armes. Pour plonger tête la première dans mon monde, ce n'est pas encore le cas. Néanmoins, je mets tout en œuvre pour pouvoir m'afficher avec elle en toute confiance avant que nous soyons mariés. Ce qui laisse, en réalité, autant de temps que nous le souhaitons. « Ca ne dépend pas de moi. » je réponds, toujours avec douceur, tandis que Joanne pense qu'elle ne parviendra pas à être à la hauteur avant longtemps. Cela ne dépend que d'elle. Moi, je me contenterai de la guider, au fur et à mesure de son avancement, jusqu'à ce qu'elle s'en sorte seule. Je suis assez surpris par sa question ; comment me sentirais-je, quand ce jour viendra ? Un court rire nerveux m'échappe -ce qui semble inapproprié vu le malaise qui persiste dans l'air. Je sais déjà que cela très difficile pour moi. « Je… Je vais devoir prendre sur moi le fait que n'importe qui, ici ou à l'autre bout du pays, puisse être en train de lorgner sur une photo de toi. » je réponds avec un vrai sourire -le premier de la journée, semble-t-il. Ma jalousie et ma possessivité en prendront un coup, j'aurais intérêt à être également prêt de mon côté -si cela est possible. Mon sourire s'efface un peu tandis que je soupire. Malgré cela, je serais des plus heureux de pouvoir m'afficher avec elle, pouvoir montrer quelle belle et merveilleuse femme partage ma vie et sait me combler. Ma fiancée, puis mon épouse, l'amour de ma vie. Ce n'est pas qu'une question d'orgueil, de rendre le reste du monde jaloux de moi. C'est plus que cela. « Et je… Je serais vraiment… fier de toi. » j'ajoute avec sincérité. On ne pourra pas faire plus fier et chanceux que moi ce jour-là. Nous scellons un nouvel accord de confiance. Je sais que nous nous y tiendrons. Nous le faisons toujours, sachant très bien que cela a toujours fait avancer notre couple. C'est ainsi que nous trouvons des solutions. Oh, d'habitude, ce genre de prise de tête et de longue mise au point se termine par des réconciliations sur l'oreiller. Mais quelque chose me dit que cette fois fera une exception à la règle. Je garde une main sur sa joue, l'autre proche de mes lèvres. Elle dit que je lui manque. Et elle me manque aussi, d'une certaine manière. A Londres, puis maintenant. Dans des moments pareils, lorsqu'une rancoeur nous éloigne de cette manière, elle me manque toujours, qu'importe qu'elle soit à côté de moi. Je lui adresse un regard désolé. Je suis fautif, et je n'ai plus qu'à me racheter, attendre qu'elle me pardonne. « Viens là. » je murmure en lui faisant signe de s'approcher. Je passe un bras autour de ses épaules et laisse sa tête se poser sur le haut de mon torse, une main entre ses mèches blondes. Je la serre juste assez fortement pour qu'elle comprenne que je suis bien là. Je le suis toujours, et je le serais toujours. J'appose mon visage au haut de son crâne, les yeux fermés. Je respire tranquillement son parfum, me concentre sur sa respiration, caressant tendrement ses cheveux, sa joue. Je dépose un baiser sur son front, puis relève doucement son visage afin de capter son regard. « Je suis désolé, pour tout… » Même si elle le sait déjà, je n'hésite pas à le lui répéter. A mes yeux, ce n'est jamais trop. Hésitant, sans savoir si la permission m'en est donnée, j'approche un peu plus mon visage du sien, jusqu'à atteindre ses lèves. Je lui donne un baiser tendre, puis laisse mon front contre le sien. « Je t'aime… » je murmure. Epuisé, cette fois autant physiquement que moralement, mon corps réclame la récupération du décalage horaire dont il a été privé hier. Je dépose une nouvelle fois, légèrement, mes lèvres sur le front de Joanne puis l'invite à se lever et à me suivre à l'étage. « Viens. La nuit a été courte, tu as l'air épuisée. Allons récupérer quelques heures de sommeil. » Vu ses petits yeux, elle ne refusera pas l'idée. Nous pouvons bien nous accorder une ou deux heures de repos sans perdre ce qu'il reste de la journée. En haut des escaliers, suivant le couloir, je remarque que les chiens sont aussi assoupis dans la chambre d'amis. Je troque rapidement mes habits pour quelque chose de plus confortable ; le bas qui me sert habituellement pour dormir et un simple t-shirt. Puis je m'allonge sur le lit, prenant immédiatement Joanne contre moi.