drowning underwater, drifting to the surface

Le réveil est particulièrement lent, douloureux. Le sentiment d’avoir été sous l’eau pendant trop longtemps, puis d’être progressivement porté vers la surface à l’aide d’une force qui ne semble pas être sienne. L'obscurité qui oppresse, les eaux si profondes qu’elles semblent noires, puis un rayon de soleil tellement blanc qu’il rend l’immensité dans laquelle il se trouve plus réelle encore. Un espoir, un échappatoire et peut-être la seule issue à ce vague dans lequel il dérive depuis un certain temps, incapable de savoir si cela fait des jours ou des mois. L’impression de s’en approcher, de l’effleurer du bout des doigts… puis les ténèbres, à nouveau. Le silence dans un premier temps, impénétrable et étranger, jusqu’à être rattrapé par des sons d’ambiance indistincts. Une odeur stérile qui s’infiltre dans ses sens, son corps semblant progressivement se sortir d’un état de latence face auquel il est spectateur. Le sentiment est terrifiant, l'impuissance troublante alors qu’il ordonne à ses paupières de s’ouvrir mais qu’elles n’effectuent pas le moindre effort pour y parvenir. Ses pensées se reconnectent plus rapidement que le reste, et bientôt son rythme cardiaque s’accélère sous l’effet de stress. Il est là, mais ne l’est pas vraiment, et la sensation risque de le hanter pour les années à venir. Les sons qui parviennent à ses oreilles deviennent plus nets, semblent assourdissants, et il lui faut quelques longues minutes pour reconnaître les bips réguliers de son propre électrocardiogramme. Pour comprendre que les sons de l’appareil sont associés à ceux de son coeur, celui qui s’affole dans sa poitrine alors qu’une plainte s’échappe d’entre ses lèvres au contact rugueux et indésirable d’un tube dans sa gorge. et si ce dernier lui permet de respirer et ainsi de rester en vie, il a pourtant l’impression contraire. Celle d'étouffer, de ne plus pouvoir respirer, et ses mains ne sont pas assez fortes pour se lever et retirer le tuyau sur lequel toutes ses pensées se focalisent en un fragment de secondes. Il panique.

Jusqu’au moment où des doigts se glissent dans les siens. Il n’est pas seul, quelqu’un se tient à son chevet, et le contact le ferait sursauter s’il en était capable. Ses épaules se relâchent dans les draps et il se force à se calmer, son subconscient lui assurant que s’il était réellement entrain de mourir, la personne en question ferait quelque chose pour l’aider. Alors il cesse de lutter contre l’intubation, se persuade tant bien que mal que ne pas bouger est ce qu’on attend de lui, et une fois qu’il parvient à reprendre l’ascendant sur sa panique, Channing rassemble assez de force pour ouvrir les yeux. Pour battre des paupières, se laisser submerger par la clarté de la pièce dans laquelle il se trouve, celle qui lui donne immédiatement envie de les refermer mais qu’il se force à affronter. Sa vision est floue, les contours de ce qu’il distingue anguleux, et il doit battre plusieurs fois des cils pour retrouver un semblant de netteté dans ce qui l’entoure. et lorsqu’il y parvient, ses yeux noisettes en rencontrent une paire chocolat qui le surplombe. Gabrielle. Il voudrait prononcer son prénom, lui demander depuis combien de temps il est ici, mais aucun son ne monte dans sa gorge et il écope d’une douleur à la tentative qui suffit à le dissuader de réitérer. Tu es là. Elle est là, avec son air inquiet et ses yeux larmoyants, et il se souvient de ce même regard qui avait été penché sur lui lorsqu’il gisait sur le macadam australien. L’accident lui revient en mémoire, et il sent ses propres yeux s’humidifier au souvenir. Je suis désolé, tellement désolé. Sa main, toujours dans la sienne, parvient à la serrer d’une manière quasiment imperceptible avant qu’il ne referme les yeux une seconde. Juste une seconde, Gaby. Je suis épuisé.

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« Channing, hey » et contre toute attente, il n’est pas seul. La voix qui résonne à ses côtés lui est familière, réconfortante, et le contact de sa main dans la sienne lui permet de se raccrocher à une présence. Celle de la californienne, il en a la certitude à l’instant où sa voix parvient à ses oreilles, et cela semble être une raison suffisante pour lui faire occulter l’angoisse que ce tuyau dans sa gorge lui procure. Son cœur se calme progressivement, cesse d’affoler les écrans des machines, et il peut à présent se concentrer pour ouvrir les yeux. Pour battre des paupières, aussi dur que cela soit, puis éclaircir sa vue jusqu’à discerner plus ou moins nettement le visage fatigué et peiné de la demoiselle penchée au-dessus de lui. « Je suis là… Ca va aller » Elle glisse ses doigts dans ses cheveux, les lui caresse une seconde probablement dans l’espoir de l’apaiser, et s’il aimerait lui répondre qu’il irait mieux sans ce tube dans la gorge il en est toutefois incapable. Son contact lui semble étranger alors qu’elle joue une seconde dans ses cheveux, réveillant par la même occasion une certaine sensibilité sur son crâne. À quel niveau a-t-il été blessé lors de l’accident ? Ses jambes sont-elles toujours rattachées à son corps ? Ses cils battent à nouveau, la fatigue l’y forçant, et il se replonge dans l’obscurité une seconde. Son cœur résonne à ses oreilles par-dessus un bourdonnement incessant qui ne l’aide en rien à rester le plus calme possible, et il écoute d’une oreille Gabrielle héler ce qu’il devine être des médecins. Merci Gaby.

L’équipe médicale arrive peu après, et lorsqu’il réouvre les yeux le minois rassurant de la brune n’est plus. Plusieurs inconnus s’affairent autour de lui, leurs voix créant un brouhaha qui ne met qu’un fragment de seconde à refaire partir son rythme cardiaque dans les tours, et s’il le pouvait le brun les aurait supplié de se taire. Il n’est pas d’un ordinaire méfiant, ni facilement à fleur de peau, mais dans son état actuel sa vulnérabilité est telle que de se retrouver au milieu d’un groupe de médecins dont il ignore tout suffit à le placer dans un profond état de stress. Ils parlent, oui, mais entre eux et pour l’heure aucun n’a daigné lui expliquer ce qu’ils préparent en tournant ainsi autour de son lit. Probablement des batteries de tests, quelques questions, mais rien dont il n’a la certitude. « Nous sommes là pour vous aider, tout ira bien. Restez le plus calme possible. » C’est un jeune homme qui brise son inquiétude, probablement un interne, le blond plantant son regard argenté dans le sien avec un sourire. Merci. Il se reporte ensuite sur un autre membre de l’équipe, une femme cette fois, qui lui explique ce à quoi ils vont procéder. et tout le processus s’en suit, entre extubation et tests de sensibilité ainsi que de mémoire, et le Walker n’aurait jamais cru qu’inspirer une gorgée d’air puisse être si douloureux. Encore moins que de donner le mois et l’année en cours soit si fatiguant, ou que d’épeler son nom lui demande tant d’énergie. Cette même médecin fait ensuite courir ses doigts sur sa peau, s’assure de sa sensibilité, et tout semble se dérouler pour le mieux jusqu’à ce que sa jambe droite soit à son tour mise à l’épreuve. Il ne la voit pas, n’est pas en mesure de redresser la tête pour la regarder, et même si cela venait à être le cas le personnel est bien trop rodé pour lui laisser la chance d'apercevoir un segment du membre en question. Les doigts de la femme ont eu la même régularité sur tout son corps, le brun en a senti le passage avec la même intensité sans la moindre exception, mais au regard qu’elle lui adresse en continuant et à celui qu’il lui rend en synonyme d’incompréhension, l’héritier comprend que quelque chose cloche. Pourquoi ne touche t-elle pas sa jambe de la même façon qu’elle effleure l’autre ? Elle répète l’opération, et cette fois quelques sensations lui parviennent, mais une grimace douloureuse lui échappe avant que la femme ne s’arrête dans ses gestes.

Ils échangent tous un regard entendu, un de ceux dont le silence est lourd et qui suffit à provoquer une irrégularité sur l'électrocardiogramme. Foutue machine. Il les interroge du regard, cherche à comprendre ce que cela signifie, mais aucune réponse ne lui sera donnée et l’équipe se contentera de prendre congé petit à petit après l’avoir placé sous oxygène par précaution. « Tout va bien, mais vous avez besoin de repos. Nous préviendrons vos proches un peu plus tard, mais puisque votre fiancée est déjà sur place vous pouvez la voir. » Quoi ? Il acquiesce d’un battement de cils, sans comprendre pour autant, et bientôt la chambre se plonge à nouveau dans le silence. Sa fiancée ? Il se souvient pourtant de qui il est, de où il est, de ce qui s’est passé… mais il aurait oublié s’être fiancé ? Son souffle se coupe dans sa gorge au moment où quelqu’un pousse la porte de la chambre, puis Gabrielle fait son apparition sur le seuil et il n’esquisse pas le moindre geste. Son regard se pose sur sa silhouette et la brune se fige sur le seuil, le regardant d’un air qu’il lui trouve déraisonnablement triste et fatigué. Il se souvient de leur dispute de la veille - enfin, de la semaine dernière, et ne peut rien faire contre son coeur qui se serre dans sa poitrine. Il est tellement désolé, pour tout, et s’il aurait mille choses à lui dire il a toutefois conscience d’être à peine en mesure d’aligner quelques mots. « Je suis désolé… pour tout. » tellement désolé, souffle t’il d’une voix encore faible et douloureuse, chaque mot lui donnant l’impression que sa gorge s’enflamme. « Approche… s’il te plaît. » Je ne peux pas le faire - au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, ni parler bien plus fort. Sa main s’ouvre sur les draps, invitant l’avocate à s’en saisir, et l’héritier la regarde avec une émotion évidente alors qu’il tâche de se redresser légèrement dans le lit - écopant d’une grimace qu’il essaie de dissimuler alors que la morphine qui lui a été administrée ne fait pas encore tout à fait effet. La fatigue va le gagner et il doit faire vite, plusieurs mots lui brûlant les lèvres. Mais puisqu’il doit les choisir avec soin, l’héritier marque une pause avant de prendre à nouveau la parole. « Est-ce que… est-ce que Mary m’a fiancé pendant mon… » il bute sur le terme, retrouve le regard chocolaté de la demoiselle. « mon coma…? » souffle t’il d’une voix réduite à un murmure, ayant du mal à s’exprimer malgré son insistance pour y parvenir. Sa gorge le brûle à nouveau et il souffle brièvement d’un air résolu, s’accordant quelques secondes de répit. « C’est une infirmière qui m’a dit ça… que j’étais fiancé. » répète t’il, comme si ce détail était celui qui lui importait le plus. Mais il a conscience de ne pas pouvoir être assez désolé à voix haute, et plusieurs éléments demeurent encore flous dans son esprit.

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Les sensations sont lentes et progressives à lui revenir. Car s’il sent les pressions exercées par la médecin, il a toutefois conscience d’être bandé à de multiples endroits et ainsi de ne pas permettre à l’équipe de s’assurer pleinement de sa sensibilité. Il ignore à quel point ses blessures étaient moches et profondes lorsqu’il a été admis au service, n’a pas idée du petit miracle qu’il incarne aux yeux de l’équipe qui s’assure qu’il ne se soit pas uniquement contenté d’ouvrir les yeux. Cela aurait pu être le cas, cela l’est plus souvent qu’on ne le croit, et l’héritier aurait pu revenir à lui un bref instant avant de replonger aussitôt, ou même d’entrer dans un état de mort cérébrale. C’est peut-être pour cette raison que les médecins ne lui parlent pas beaucoup, s’affairent rapidement autour de son lit afin de définir ce que signifie son retour parmi les vivants, avant de faire de faux espoirs à ses proches. Mais une fois les tests effectués et les résultats penchant du bon côté de la balance, on accorde un peu davantage de considération à celui qui fixe ce groupe d’inconnus avec détresse. On lui accorde quelques réponses, mais pas trop d’un coup non plus pour ne pas lui provoquer un choc. Car un choc, il pourrait bien en avoir un en comprenant l’état dans lequel se trouve l’une de ses jambes, ou même en entendant la liste à rallonge de toutes ses blessures plus ou moins impressionnantes.

Mais avant de trop l’effrayer, les médecins prennent congé en lui conseillant de se reposer, autorisant une seule personne à entrer de nouveau dans la chambre. Une dose d’anti-douleurs lui est admise avant que son corps ne se réveille complètement et lui fasse prendre conscience de ses moindres blessures, et le voilà qui se retrouve en seul à seul avec l’avocate. Avec celle qui l’a surprise en charmante compagnie, n’a rien voulu entendre de ce qu’il pouvait bien avoir à lui dire, et qu’il n’a pas revu depuis ce dernier échange houleux. Elle lui a assuré en avoir fini avec lui, ils se sont croisés le lendemain et voilà qu’elle le regarde à présent sans un mot au travers de ses yeux larmoyants. et l’héritier se sent coupable, tellement coupable qu’il voudrait remonter le temps pour ne pas lui provoquer toute cette peine. La voir ainsi lui rend sa respiration plus difficile qu’elle ne l’est déjà, et ne pas avoir ne serait-ce la force de caresser sa joue lui fait baisser les yeux un instant. Il l’invite à s’approcher et la brune s'exécute, s’installant au bord du lit. « Ne bouge pas… » Il ne le peut pas vraiment de toute façon, s’en rend bien assez vite compte alors que tout son être s’étire douloureusement au mouvement. S’en suit un long regard entre les deux amants alors qu’il ne prend pas le courage de la contredire, préfère l’interroger sur un autre sujet qu’elle évite tout aussi agilement à son tour. « Je suis désolé aussi. Tellement désolé… » Elle pose sa main sur sa joue et Channing ferme les yeux sous le contact, y fondant sans se poser de question. Ce simple geste suffit à l’apaiser bien plus que Gabrielle ne peut l’imaginer, et il appuie doucement sa mâchoire dans sa paume, rouvrant les yeux une seconde avant de les refermer lorsqu’elle presse délicatement ses lèvres sur les siennes. Ses paupières se ferment plus que nécessaire et le brun parvient à poser sa main sur son épaule, ses doigts agrippant mollement son haut pour ne pas glisser tandis qu’elle vient par la suite enfouir son visage dans son cou. Il se presse tout contre elle du mieux qu’il le peut, inspire son parfum sans jamais vouloir la laisser s’éloigner à nouveau. she feels like home. « J’ai cru… j’ai cru t’avoir perdu pour de bon cette fois… » il secoue lentement et précautionneusement la tête de gauche à droite, tâchant tant bien que mal de ne pas se laisser submerger par l’émotion à son tour. « Je t’en supplie, ne recommence plus… Promets moi que ça n’arrivera plus » Leurs regards se retrouvent et Channing a bien du mal à soutenir celui de la californienne. Comment pourrait-il lui promettre une telle chose ? Il n’avait pas été en tord ce soir-là, ne prenait pas même part à une course. Il n’aurait pas pu esquiver le chauffard, et cela n’avait pas été une question d’imprudence mais bien de malheureux hasard. Il avait été au mauvais endroit au mauvais moment, et cela aurait pu arriver à n’importe qui. « Gabrielle… » souffle t’il d’une voix meurtrie, ses sourcils s’affaissant. Il laisse glisser sa main sur son épaule, pose doucement cette dernière dans le cou de la demoiselle en esquissant un maigre sourire. « Je suis en vie. Tout va bien. » lui assure t’il, ne voulant pas lui faire cette promesse ni entrer en conflit avec elle pour autant.

Puis après une brève pause, Gabrielle apporte finalement réponse à son interrogation, et sa réponse le rassure autant qu’elle le surprend. « Non… ta mère ne t’a pas fiancé (...) tu n’es pas fiancé… j’ai… j’ai paniqué. C’était le seul moyen de monter avec toi dans l’ambulance… » L’héritier bat lentement des paupières en parcourant son regard, comprenant avec peine ce qu’elle sous-entend. Il faut dire qu’il n’est pas vraiment en mesure de réfléchir, et c’est pourquoi sa tête se réappuie dans l’oreiller après que la brune se soit reculée et ait fuit son regard. « Tu… tu as dis que tu étais ma fiancée ? » demande t’il à voix haute pour s’assurer avoir compris, l’ombre d’un sourire amusé essayant de se faire une place sur son visage. « Désolé… » Il cherche son regard avec douceur, sa main ayant glissé à nouveau sur les draps, venant s’enrouler autour de la sienne. « Je comprends, et je suis rassuré. » souffle t’il d’une voix sincère, refermant les yeux une seconde avant de les rouvrir pour regarder la demoiselle qui ne quitte pas son chevet. « Enfin… si tu veux te faire pardonner… » commence t’il, usant de cette excuse pour parvenir à ses fins sur l’américaine, poursuivant. « Tu pourrais te reposer et manger un peu. Parce-que j’ignore depuis combien de temps tu es ici, mais… tu as mauvaise mine. » murmure t’il à voix basse, sincère et doux, prenant le temps nécessaire pour articuler et se faire comprendre. et tandis qu'il attend sa réponse, espérant qu'elle n'émettra pas de résistance, il caresse ses doigts à l’aide des siens sans la quitter des yeux.

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Il n'a pas encore réalisé. Cela se devine à la façon dont il ne s'inquiète pas des conséquences de l'accident, ne pose pas de question sur son état ni ne cherche à ausculter son corps pour prendre conscience de l'ampleur de ses blessures. Il est encore dans un état second, celui qui lui donne l'impression de sortir d'un mauvais rêve. Que tout cela n'est qu'à moitié réel, qu'il sortira de cette chambre d'ici quelques jours et retournera travailler normalement tout au plus la semaine prochaine. Il se soucie de petites choses, questionne la brune sur cette histoire de fiançailles car cela semble, à ses yeux, être le plus important à faire quand il n'en est rien. Mais il n'est pas complètement lui-même, est fatigué, et la morphine qui s'installe petit à petit dans son organisme ne l'aide en rien à avoir les idées claires ou à poser les bonnes questions. Cet accident de moto n'est pas son premier, mais il est en réalité le plus grave qu'il ait subi. Pas même sa perte de contrôle datant à présent d'environ six ans n'avait été aussi mauvaise, l'habitacle de sa voiture l'ayant préservé de maux trop graves. Mais seul dans sa combinaison, il n'avait pas été autant préservé qu'il avait eu la chance de l'être à l'époque, et son corps en payait les frais. Seulement un an et demi après sa dernière chute, Channing était forcé de reconnaître que son ange gardien semblait avoir déserté son épaule. « Oui, Chan’… » Son regard noisette parcourt le sien, et il est sincèrement soulagé que la matriarche ne l'ait pas promis pendant son sommeil dans le cas où il ne se serait pas réveillé. Il ignore si Mary en aurait été capable, ni même quel aurait été sa prise de position dans le cas où le choix de le maintenir en vie ou de le laisser partir aurait dû être fait au bout d'un certain temps. « Je ne le serai pas nécessairement à ta place… » poursuit-elle, attirant son attention alors qu'il fronce légèrement les sourcils - ses expressions toujours relatives à son état. « Tout le monde est au courant… et certains y ont cru… d’autres se feront sûrement un plaisir de te chambrer à ce sujet » Qui désigne t-elle par... tout le monde ? Il se contente toutefois d'une petite moue en tant que réponse, peu enclin à lui demander davantage de détails qu'il n'est pas sûr de vouloir connaître. Pas tout de suite du moins. « Je m'occuperais de tout ça plus tard... » souffle t'il à voix basse avant essayant de réajuster sa position dans le lit, se résignant à ne plus bouger sous les douleurs que le moindre geste lui provoque.

« Tu es plutôt mal placée pour parler de ma mauvaise mine… Ce n’est pas de moi que tu dois te soucier… » Il la regarde sans mot dire, laissant ses doigts se glisser entre les siens et serrant doucement - aussi fort qu'il le peut, sa main. L'héritier ne se voit pas, mais peut constater en lisant les traits de la californienne qu'elle est fatiguée et qu'elle a besoin de prendre soin d'elle une minute. et, comme à son habitude, son état l'inquiète plus que le sien sur lequel il n'a pas encore réalisé l'ampleur des dégâts. « Tu as eu de la chance, Chan’… énormément de chance » Elle a eu peur. Comme, il n'en doute pas, ses proches qui ont dû s'imaginer le pire et croire qu'il ne se réveillerait jamais. Il ignore les états qu'elle a traversé durant son coma ou la quantité de pleurs qu'elle a versé, mais à en juger par sa fragilité inhabituelle Gabrielle est à fleur de peau. et cela l'attriste profondément, alors qu'il ne peut rien faire de plus que serrer ses doigts dans les siens. « tu aurais pu… (...) sept jours » « Eh... regarde moi. » murmure t'il en plongeant son regard dans le sien, attendant de le trouver avant de poursuivre. Sa main qui caresse ses doigts saisit la sienne et il la porte à l'emplacement de son coeur, appuyant délicatement la paume de l'avocate sur sa poitrine. « Je suis en vie. Mon coeur bat, je te parle et ça va. » Il marque une pause, comme pour lui laisser le temps de réaliser. « Mais si ça fait vraiment sept jours que tu es assise sur ce fauteuil... tu ferais mieux d'aller te reposer. Je ne vais nul part, c'est promis. » Il esquisse courageusement un sourire, essaie de la rassurer par tous les moyens en sa possession. « Je suis sous bonne garde, et les médecins vont probablement repasser un peu plus tard. Repose toi, s'il te plaît. Fais le pour moi. »      

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« Je ne partirai pas… Je ne te laisserai pas » et s'il est touché, ses yeux noisettes papillonnant faiblement alors qu'il est évident qu'il ne lui tiendra pas tête comme il l'aurait fait en temps normal, Channing avait toutefois espéré qu'elle accède à sa requête et s'accorde une véritable nuit dans un lit. Mais il n'a pas l'énergie de réitérer sa demande, de s'exprimer à nouveau pour la convaincre de s'exécuter, et préfère battre des paupières d'un air fatigué sans chercher à insister. S'il avait été certain d'avoir assez de force pour user de ses bras afin de se décaler pour offrir à la brune une place à ses côtés, le brun l'aurait fait. Mais il se sent assez faible sans avoir besoin de s'y essayer pour comprendre qu'il en est incapable, et la demoiselle poursuit dans sa lancée. « Je vais me reposer… mais à tes côtés » et sur ces mots, elle désigne du regard le fauteuil auquel elle tourne le dos pour le moment. « Il n’est pas si inconfortable qu’il n’y paraît » lui assure t-elle même si, à en juger par l'aspect abîmé du cuir, ce sofa n'est plus confortable depuis longtemps. Il est septique, soupire d'un air las alors qu'elle continue de le regarder de cet air inquiet qui lui brise le coeur. « Tu es têtue Gaby... » murmure t'il mollement, la morphine lui montant, avant que l'américaine ne vienne poser sa main sur sa joue. Il ferme les yeux sous le contact, entend à peine ce qu'elle ajoute. « Repose-toi, Channing… Tu en as besoin plus que moi. Je vais m’installer sur ce fauteuil et dormir aussi, je te le promets… » et il ne faut que quelques minutes supplémentaires à l'héritier pour sombrer, ne résistant pas une seconde de plus aux doses d'anti-douleurs qui lui ont été administrées.

TW accident, médical later that night... Il les entend, sent la précipitation de leurs gestes, le mouvement du véhicule dans lequel il se trouve. Les ambulanciers s'affairent rapidement autour de lui, leurs paroles sont troubles à ses oreilles, leurs gestes désordonnés et inquiets. Car il la sent, la tension qui flotte dans l'atmosphère, ne peut passer à côté des respirations saccadées qui résonnent dans l'habitacle. Il ne revient à lui qu'un fragment de secondes, du moins c'est l'impression qu'il a, bat si faiblement des paupières qu'il est incapable de discerner quoique ce soit d'autre qu'une aveuglante lumière blanche. Mais cela est suffisant. Suffisant pour qu'il sente les aiguilles sous sa peau, ses plaies bandées grossièrement pour lui éviter de se vider de son sang, mais surtout pour qu'il sente sa jambe. Celle qui, sans qu'il ne sache comment, semble toujours rattachée au reste de son corps. La douleur est lancinante, si forte et puissante qu'il comprend qu'elle va le refaire plonger d'une seconde à l'autre, et ce pour le mieux puisqu'il ne parvient pas à reprendre son souffle tant l'étendue de la blessure le lui coupe. et même s'il reconnaît une voix familière dans ce brouhaha, cela ne suffit pas à son cerveau pour tenir le choc, et le noir l'enveloppe à nouveau.

Puis le calme. Un matelas plus moelleux qu'une civière, un calme plus apaisant que celui de l'écho des sirènes. Ses paupières battent mollement, s'ouvrent sur l'obscurité d'une chambre qui n'est pas la sienne et une seconde durant, Channing ne remet pas l'endroit. Où est-il ? Il déglutit, cela lui provoque une douleur à sa gorge et il ne comprend pas pourquoi. Il essaie de se redresser, de prendre appui sur ses bras pour mieux pouvoir regarder autour de lui, mais ses muscles ne répondent pas. Il insiste, grimace sans un son avant de laisser son dos se renfoncer de tout son poids en arrière. Sa vision s'éclaircit petit à petit, et les bips réguliers de l'écran à proximité attirent son attention. Non. Il fixe l'ordinateur, sent son coeur s'accélérer et remarque immédiatement le changement sur les courbes. Non non non... Combien de temps va durer ce cauchemar ? Il regarde ses bras, se fige un peu davantage en découvrant les diverses aiguilles logées sous sa peau, fait courir son regard sur son corps et soulève les draps en ignorant la douleur qui se répand dans ses muscles au moment où il s'agite. Il ne lui faut qu'une seconde pour déboutonner rapidement sa chemise d'hôpital, et une supplémentaire pour réaliser que son torse est enveloppé dans un large bandage. « C'est pas possible... » L'adrénaline s'immisce dans son corps et il continue son inspection en trouvant brutalement la force d'y parvenir, ignorant la douleur, soulevant les draps de ses jambes et se figeant cette fois-ci pour de bon. Plusieurs broches immobilisent l'une d'elles, et les tissus de sa peau sont méconnaissables. Son souffle s'accélère, puis l'héritier sursaute brusquement en sentant une main se poser sur lui. « Gabrielle ? » Ses yeux s'emplissent de larmes alors qu'il relâche négligemment le drap, prenant conscience de la violence de l'accident et de son état. Prenant conscience, brusquement et sans pouvoir s'empêcher de paniquer, que tout cela était réel. « Dis moi que c'est un cauchemar... » bégaye t-il, absolument terrifié et vulnérable. 

     

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« Chan… » Le moment lui semble irréel. La lumière lunaire qui pénètre dans la chambre par l'entrebâillement des rideaux se reflète sur l'avocate, illumine ses traits d'une teinte pâle qui amplifie l'illusion surréaliste de la scène, et le brun se fige. Cela ne peut pas être. Ses blessures, ce lit d'hôpital, la californienne assise à ses côtés, la douleur qui brûle son corps. Sa respiration s'accélère et son regard, une seconde après avoir trouvé refuge dans celui de la demoiselle, s'égare à nouveau sur ce qui les entoure. Sa vision se trouble, s'éclaircie lorsque des larmes dévalent ses joues, et il contemple avec horreur les différentes machines reliées à des électrodes sur son torse. Celles-ci, leurs écrans, tout ce qui semble maintenir son corps en un seul morceau, ces énormes bandages qui enveloppent son torse et lui donnent l'impression d'étouffer. Channing n'a pas tendance à se sentir facilement oppressé, pourtant l'air lui manque alors qu'il pose ses mains sur ce qui couvre ses plaies. « Je suis désolé… Ne le sois pas, dis moi que je vais me réveiller. Ses yeux retrouvent les siens et il ne sent pas les doigts de la brune qui sèchent ses joues, caressent ses cheveux et tentent désespérément de le réconforter. Son attention est focalisée sur la façon dont son torse se soulève difficilement sous sa respiration, sur les fils de suture dont il devine la présence tant son esprit divague, sur sa chair à vif pour laisser les broches pénétrer sous sa peau. Il sent à quel point son corps a été et est toujours torturé par la douleur, et loin de se calmer son coeur s'affole au fil des secondes. « Ca va aller, je te le promets. Tu ne seras pas seul… je serai là… on sera tous là pour t’aider à remonter la pente » Ses cils humides se tournent vers la brune, et il recule son visage lorsqu'elle cherche à en approcher à nouveau sa main. Ses sourcils anormalement froncés témoignent de son égarement, et il la regarde de cet air terrifié comme s'il pouvait sortir de cette chambre et se réveiller dans son lit à Bayside au moment où il parviendrait à en gagner la sortie. Ce n'est pas réel, tout ça n'est pas réel. Elle l'incite à s'allonger, il y cède sans trop de résistance et tâche de reprendre son souffle alors que les bras de la demoiselle s'enroulent autour de lui. « Tu ne devrais pas être ici Gaby... et moi non plus. » murmure t'il alors qu'il se calme finalement un tant soit peu grâce à sa présence, battant faiblement des paupières en sentant ses lèvres sur sa tempe. « Tu es en vie, remember that… » Elle ne m'est pas précieuse à ce point, Gabrielle. Il voudrait le lui dire. Lui dire qu'il préfèrerait être mort ce soir là plutôt que d'envisager un avenir sans ses jambes, un où pour le restant de ses jours tous les regards lui seraient compatissants ou fuyants sans juste mesure. Il aurait préféré une mort digne plutôt qu'être condamné à un avenir plus morose encore que celui auquel il se destinait déjà, mais le choix ne lui avait pas été offert. Elle pose sa main sur son coeur et ses yeux se ferment à la symbolique du geste, sa mâchoire se serrant avant qu'il n'essaie de s'apaiser pour espérer retrouver le sommeil. Avant qu'il n'entreprenne d'implorer Morphée, et d'espérer que la réalité ne soit pas celle qu'il vient de découvrir.

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