20 juin 2022. Elle n’a pas eu le choix. Elle n’a eu d’autres choix que de prétendre être sa fiancée pour pouvoir monter à bord de l’ambulance à ses côtés. Il était impensable pour elle de ne pas l’accompagner, même si elle aurait pu se rendre à l’hôpital par elle-même. Mais conduire, dans l’état d’inquiétude dans lequel elle se trouvait, alors que ses jambes tremblaient et qu’elle parvenait à peine à rester debout, ayant vu Channing perdre connaissance devant ses yeux et ne pas revenir à lui… c’était impensable. Tout comme cet accident lui parait irréel, tout comme cet instant où elle l’a vu apparaitre sur sa moto, à le détester pour le mal qu’il lui avait fait la veille, et la minute d’après, le voir voltiger par-dessus le guidon de sa sportive et se retrouver à même le sol détrempé à ne plus pouvoir bouger. La vision est pire à l’intérieur de l’ambulance, son casque lui a été retiré et ses blessures sont beaucoup plus visible à la lumière de celle-ci. Gabrielle essaye de se concentrer sur lui, sur son visage endormi, sur cette main qu’elle tient fortement dans la sienne et les mots qu’elle prononce « don’t let me down… i’m begging you… » les mêmes mots qu’elle ne cessent de répéter en boucle depuis un moment, ceux qu’il a pu entendre avant de perdre connaissance…
Arrivés à l’hôpital, elle n’est plus autorisée à aller plus loin avec lui. Un médecin la stoppe alors qu’elle insiste et tente de la rassurer en lui disant qu’ils la tiendront au courant au plus vite. En attendant, il lui conseille d’appeler des proches, afin de ne pas être seule et s’il lui faut un certain temps pour le faire, c’est parce qu’elle a besoin d’un moment de répit pour souffler… pour réaliser… Et elle s’effondre. Encore. Assisse, sa tête entre ses mains, elle éclate en sanglots, a besoin de cet instant où elle laisse tout sortir avant de se ressaisir quelques minutes plus tard. Elle se lève, attrape son téléphone, scrolle l’écran à la recherche de la première personne qu’elle estime être la première à devoir être au courant… Lexie Walker. La sœur de Channing, celle qu’elle n’a plus côtoyé depuis Los Angeles. Son numéro est dans son téléphone suite à cette fois où Channing avait oublié le sien et avait dû appeler sa petite sœur un peu en urgence. Le connaissant par cœur, il avait passé le coup de fil avec celui de Gabrielle et l’avocate l’avait retrouvé dans son répertoire assez aisément. Son estomac se noue, elle s’est isolée dans un coin plus calme de l’hôpital et tente de prendre sur elle pour ne pas craquer dès l’instant où la jeune femme décroche. « Lexie ? » la question sort par principe « C’est Gabrielle… Gabrielle Strange » précise-t-elle, juste au cas où… « Lexie… je… je suis à l’hôpital… avec ton frère. Il a eu… il a eu un accident » l’annonce est difficile et encore, elle ne lui a pas tout dit. Elle prend une profonde inspiration, essuie une larme qui perle sur sa joue, comme si Lexie pouvait la voir à l’autre bout du fil « Il faut que tu viennes… ». Et peut-être que sa voix déraille un tant soit peu à la fin de sa phrase parce qu’elle ne sait elle-même à quel point la situation est grave pour l’héritier…
Lexie pose ses affaires dans le hall d’entrée, y abandonnant son parapluie et ses bottines trempées. Elle est glacée, a besoin d’un bon bain pour se réchauffer et oublier cette longue journée au boulot. Avant de rejoindre la salle-de-bains, elle se dirige pourtant vers la cuisine pour se servir un verre d’eau. Elle le boit à petites gorgées, tentant d’imaginer que c’est de la vodka. Elle en a assez de ses boss qui ne lui font toujours pas confiance, alors qu’elle multiplie les efforts pour qu’ils l’acceptent en qualité de journaliste. Elle n’est que très rarement en retard, quand ses nausées l’empêchent de quitter la villa de Noah à l’heure. Elle ne vient évidemment plus au boulot avec la gueule de bois, et encore moins en étant défoncée. Alors qu’attendent-ils pour lui confier de véritables missions journalistiques ? Elle a pourtant pris de nombreux jours pour former sa remplaçante pour la présentation de la météo. Elle a fait tout ce qu’ils attendaient d’elle, est presque devenue une employée irréprochable. Elle laisse échapper un soupire en regardant les gouttes de pluie qui déferlent sur les fenêtres de la cuisine. Ses ruminations sont interrompues par la sonnerie de son téléphone, posé négligemment sur le plan de travail. La brunette espère que c’est Noah qui lui annonce qu’il va bientôt rentrer du boulot, et qui appelle pour demander ce qu’elle souhaite manger pour le dîner. Elle fronce cependant les sourcils en voyant un numéro s’afficher, celui d’un interlocuteur qui n’est pas enregistré dans son répertoire.
« Allô ? », demande-t-elle d’une voix dans laquelle transparaissent toutes ses interrogations.
« Lexie ? C’est Gabrielle … Gabrielle Strange. »
Les sourcils de la brunette se froncent davantage, alors que les questions fusent dans son esprit : pourquoi est-ce que Gabrielle l’appellerait ? Elles ne se sont pas revues depuis Los Angeles, il y a des années. Elles n’ont pas non plus été en contact depuis, même si Lexie a appris à Koh Samui, en voyant le téléphone de son frère, que la californienne et le Walker se parlaient toujours.
« Oui ? »
L’incompréhension s’entend dans sa voix, alors qu’elle est à mille lieues de se douter des prochains mots de l’avocate.
« Lexie … je … je suis à l’hôpital … avec ton frère. Il a eu … il a eu un accident. Il faut que tu viennes … »
Et son monde s’écroule. Les mots se fraient un chemin dans son esprit, et le téléphone qui lui glisse des mains heurte violemment le sol. La gorge de Lexie se serre immédiatement, alors qu’elle a nettement entendu la voix de Gabrielle dérailler. Elle reste un instant sans bouger, les questions se bousculant dans sa tête, au fur et à mesure que l’inquiétude grandit. Ses mains se portent spontanément sur son ventre, dans un instinct de protection, et elle met plusieurs minutes à reprendre ses esprits. Elle se force à respirer, se rendant rapidement compte qu’elle a cessé d’effectuer ce geste automatique lorsqu’elle a entendu les mots de Gaby. Puis Lexie percute et soudain, tout se met en mouvement. Elle se baisse à la hâte pour récupérer son téléphone qui fonctionne encore, se rue dans l’entrée pour réenfiler ses bottines et sort de la maison après avoir attrapé son sac et ses clés de voiture. Elle s’engage rapidement sur le chemin de l’hôpital, ne sachant pas très bien comment elle peut encore être en état de conduire. Elle maudit Noah de ne pas être présent, alors qu’elle tremble de partout et que ses larmes brouillent sa vision. Elle profite d’un feu rouge pour pianoter sur l’écran de la voiture et débuter un appel à Elijah. Quand son frère décroche, elle tente de réunir toutes ses forces pour lui annoncer ce qu’elle a à lui dire, mais les mots restent bloqués dans sa gorge, et la seule chose qu’il peut entendre, ce sont des sanglots. Elle a conscience d’inquiéter son frère, mais a besoin de plusieurs secondes pour réussir à articuler quelques mots.
« Chan a eu un accident … »
Elle tente de respirer pour réussir à se calmer, mais l’exercice paraît trop compliqué sans Channing : après tout, c’est lui qui a les mots pour la rassurer, c’est lui qui lui intime toujours de maîtriser sa respiration. Sans lui, elle est complètement perdue.
« Je ne sais pas ce qu’il a mais, je t’en supplie, rejoins-moi à l’hôpital. »
Dans un ultime moment de lucidité, elle ajoute avant de raccrocher.
« Je te laisse gérer Mary. »
Hors de question qu’elle appelle leur mère : elle n’en est pas capable. Elle a déjà du mal à la supporter en temps normal, elle ne pourrait pas tolérer d’entendre sa voix ou de supporter sa réaction dans un moment pareil. Quelques instants plus tard, Lexie déboule en trombe dans le couloir de l’hôpital dans lequel on lui a indiqué qu’elle devait se rendre. Elle est arrivée en vie jusqu’à l’établissement médical, sans réellement savoir pourquoi. Elle a ensuite couru aussi vite que son ventre de femme enceinte de six mois et demi le lui permettait, débarquant trempée jusqu’aux os dans une sorte de salle d’attente ouverte, où elle repère immédiatement la californienne.
« Gabrielle ! »
Elles ne se sont pas revues depuis des années et pourtant, à ce moment précis, Gaby est sa bouée de sauvetage. Elle est celle qui l’a prévenu, celle qui sait, celle qui peut la renseigner. Lexie continue à courir vers la jeune femme, même après avoir vu son visage et lu l’inquiétude sur ses traits. Le sang quitte le joli minois de la Walker alors qu’elle arrive à hauteur de l’avocate.
« Qu’est-ce qu’il s’est passé ?! Comment va-t-il ? »
Elle parle vite, n’a plus vraiment conscience des larmes qui roulent sur ses joues depuis trop longtemps maintenant. Tout ce qu’elle veut, c’est savoir le plus rapidement possible comment se porte son frère.
« Où est-il ? Je veux le voir ! »
Dans sa voix se mélangent la panique et la fermeté : elle a peur, elle est tétanisée, inquiète à en mourir, et mais elle doit voir son frère : elle a besoin de lui, encore plus dans un moment pareil.
20 juin 2022. « Allô ? » Gabrielle se doit de le faire. Elle est celle qui a assisté à l’accident, celle qui a été la première sur les lieux et qui est désormais présente à l’hôpital avec Channing. Elle est en panique, tient à peine debout mais tente comme elle le peut de se ressaisir pour passer ce coup de fil qui est loin d’être aisé pour elle. Mais elle ne peut laisser les proches de l’héritier dans l’ignorance et c’est donc la petite sœur de celui-ci qu’elle décide d’appeler en premier, sûrement la seule qu’elle connait un tant soit peu. « Oui ? » Evidemment qu’entendre son nom la surprend, l’interroge aussi quand elles ne se sont plus côtoyées depuis des lustres. Gabrielle ignore même si Lexie est au courant de la relation qui existe entre l’américaine et son frère et bien que ce soit le cadet de ses soucis actuellement, peut-être que cela aidera Lexie à comprendre pourquoi c’est Gabrielle qui l’appelle. Le plus dur reste à venir, lui dire ce qu’il s’est passé et lui demander de venir au plus vite à l’hôpital sans être capable d’en dire davantage. Sa voix déraille et elle comprend que la nouvelle est difficile à encaisser pour la jeune des Walker quand aucune réponse ne vient en retour et qu’un bruit assourdissant retentit dans ses oreilles « Lexie ? Lexie tu es là ? » demande-t-elle à plusieurs reprises, inquiète d’autant plus en sachant la jeune femme enceinte de six mois. Au bout d’un moment, elle reprend le combiné, lui certifie qu’elle arrive, ce à quoi elle répond « Sois prudente, Lexie », ne voulant pas qu’un deuxième accident est lieu ce soir.
Il faut peu de temps finalement à la sœur de Channing pour débarquer à l’hôpital, Gabrielle se levant de sa chaise, alors qu’elle la voit arriver en courant vers elle « Gabrielle ! » Essuyant ses yeux d’un geste rapide, l’américaine pose doucement ses mains de part et d’autre des bras de Lexie comme pour l’aider à se canaliser et à se calmer Qu’est-ce qu’il s’est passé ?! Comment va-t-il ( …) Où est-il ? Je veux le voir ! » Gaby n’a pas vraiment le temps de répondre, Lexie ne lui en laissant pas le loisir « Calme-toi Lexie, viens, assieds-toi ». Elle est mal placée pour lui demander de se calmer quand, quelques minutes plus tôt, elle était celle qui tournée en rond dans la salle d’attente et qu’elle a fait entendre son impatience auprès de la secrétaire, demandant à avoir des nouvelles de l’héritier pour la énième fois. Gaby accompagne Lexie jusqu’à deux chaises, sur lesquelles elles prennent place. Elle laisse retomber sa seule main qui était encore posé sur son bras, glissant celle-ci dans une des siennes pour commencer à lui répondre « Il a eu un accident… en moto. Un chauffard sorti de nulle part qui … elle s’interrompt car elle revoit la scène sous ses yeux et qu’elle le veuille ou non, qu’elle tente de garder contenance, sa gorge se serre et elle déglutit difficilement. Un soupir l’aide à reprendre « la renverser. Violemment. Il a perdu connaissance sur place, les médecins sont en train de s’occuper de lui en ce moment même mais… je n’en sais pas plus pour l’instant, Lexie » Et elle est désolée. Désolée d’être la porteuse de mauvaise nouvelle, désolée de ne pas être capable de lui en dire davantage sur son état. Elle est aussi inquiète qu’elle, a peur et pourtant, pour elle, elle tente de tenir « On ne peut pas le voir, j’attends toujours des nouvelles des médecins… » Son regard se plante dans celui azur de la jeune femme, se saisissant de sa deuxième main libre « Il va s’en sortir, d’accord ? Ça va aller… » les mots sont prononcés pour Lexie avant tout mais pour elle aussi, pour se rassurer. Sans l’once d’une hésitation, elle prend alors la jeune femme dans ses bras et la serre fortement contre elle, ne parvenant pas à contenir ses larmes alors que la cadette des Walker ne peut pas la voir.
Par elle ne sait quel miracle, Lexie arrive vivante à l’hôpital où son frère a été admis. Elle ne sait comment elle a réussi à rouler jusqu’ici, ne sait comment elle a eu la présence d’esprit de prévenir Elijah. Et la voilà qui se retrouve enfin dans le bon couloir et aperçoit Gabrielle. L’avocate sèche ses larmes en voyant Lexie approcher, et la brunette connait trop ce comportement : Chan fait la même chose pour tenter de la protéger et la préserver. Channing aussi cache ce qu’il ressent pour afficher un air calme, apaisé, serein, mais Lexie n’est pas dupe, pas avec Gabrielle, pas alors que celui qui la rassure habituellement n’est pas là pour remplir son rôle. L’avocate pose ses mains sur les bras de Lexie et la brunette se fige à ce contact, sans oser la repousser pour autant.
« Calme-toi Lexie, viens, assieds-toi. »
Elle n’a pas envie de s’asseoir. Elle a envie d’aller voir son frère, de parler à un médecin. Elle a envie de hurler, de courir partout. Mais elle se laisse entrainer vers des fauteuils inconfortables par la californienne et s’y installe, sur le bord de la chaise, comme si elle était prête à bondir sur ses deux jambes au moindre signal. A l’heure actuelle, cette femme est la seule qui semble pouvoir la renseigner, alors elle tente de faire preuve de patience et de sagesse, deux mots qui ne s’appliquent habituellement guère à la brunette. Gaby glisse l’une de ses mains dans les siennes, et Lexie frémit, faisant de son mieux pour ne pas retirer sa main, ne souhaitant pas la perturber alors qu’elle attend désespérément des explications.
« Il a eu un accident … en moto. Un chauffard sorti de nulle part qui … l’a renversé. Violemment. Il a perdu connaissance sur place, les médecins sont en train de s’occuper de lui en ce moment même mais … je n’en sais pas plus pour l’instant, Lexie. »
Un instant, la jeune femme observe son interlocutrice, incrédule. Elle se demande si elle est réellement avocate, si son métier consiste réellement à manier les mots avec justesse, ou si elle a simplement perdu tout sens commun parce que celui avec qui elle a vraisemblablement une relation a eu un accident. Car Gaby ne fait qu’accroitre l’inquiétude de Lexie, chaque mot qu’elle prononce renforçant la peur de la brunette. Lexie porte la main à sa bouche, sous le choc.
« Mais … quoi ? Mais quoi, Gabrielle ? »
Elle a dit « mais », laissant sa phrase en suspens, comme si le pire était à craindre.
« Et comment ça, violemment ? Il était blessé ? Il … Ho mon dieu. »
La respiration de la brunette s’accélère, et elle semble incapable de se souvenir comment respirer calmement. C’est Channing qui lui intime toujours de maîtriser sa respiration et, sans lui à ses côtés pour l’apaiser, elle ne sait pas comment elle pourrait aller mieux.
« On ne peut pas le voir, j’attends toujours des nouvelles des médecins… »
Lexie secoue la tête : elle n’est pas d’accord. Elle veut le voir, maintenant. Et elle veut savoir ce qu’il se passe. Elle ne peut pas rester dans le noir, alors que les pires pensées l’assaillent.
« Il va s’en sortir, d’accord ? Ca va aller … »
Et après ces mots particulièrement horribles, qui laissent sous-entendre que les jours de son frère sont en danger, Gaby sert Lexie dans ses bras. La brunette laisse échapper un sanglot alors que la dure réalité de la situation commence à la percuter : Channing a eu un accident, et ça semble particulièrement grave. Elle entend les pleurs de l’avocate. Elle sent ses bras autour d’elle, et ne peut plus supporter ce contact. Elle se dérobe, la repousse doucement mais fermement, se levant si soudainement qu’elle vacille un instant et doit se rattraper au dossier d’un fauteuil.
« Je peux pas … Je dois le voir ! »
Son regard bleuté empli de larmes se tourne vers l’avocate.
« A quel point … »
Sa voix se brise, et elle toussote pour réussir à articuler.
« A quel point c’est grave ? »
Soudain, elle s’éloigne, ne pouvant rester à attendre, se dirigeant vers une secrétaire derrière son bureau, à quelques mètres de là.
« Channing Walker, je suis sa sœur. Je veux le voir. Je dois le voir. »
Son ton est à la fois impératif et suppliant, et elle s’accroche au comptoir comme si c’était une bouée de sauvetage.
20 juin 2022. La situation est délicate pour Gabrielle. Elle n’a plus eu de contact avec la cadette des Walker depuis des années et voilà que ce soir, elle se doit d’être la porteuse de mauvaise nouvelle, quand elle n’a aucune légitimité à le faire. La seule qu’elle ait actuellement est d’avoir été présente sur les lieux de l’accident et d’être la plus à même d’en parler. C’est ce qu’elle fait alors, tentant de dépeindre le tableau à la jeune femme d’une manière la moins abrupte possible. Peut-être n’est-t-elle pas la plus habile à cet instant quand elle est elle-même chamboulée par l’accident qui s’est déroulé sous ses yeux et qu’elle a vu Channing perdre connaissance sous ses yeux, mais elle fait de son mieux « Mais … quoi ? Mais quoi, Gabrielle ? » Elle sent l’énervement de la brune et Gaby se sent quelque peu démunie face à cette réaction. Une réaction face à laquelle elle n’a pas le temps de répondre, Lexie reprenant de plus belle « Et comment ça, violemment ? Il était blessé ? Il … Ho mon dieu. » Gabrielle a son regard fixé dans celui azur de la jeune femme et laisse se passer un millième de secondes de silence avant de reprendre, du mieux qu’elle le peut. Parce qu’elle la pousse à lui en dire plus, ce qu’elle aimerait pourtant lui épargner « Regarde-moi dit-t-elle dans un premier temps Je ne veux pas te raconter les détails de l’accident, il n’y a aucun intérêt à ce que je le fasse, Lexie. Je préfère te les épargner… » elle est désolée mais ne lui contera pas le déroulé exact de l’accident. Ce qu’elle lui a dit est suffisant à ses yeux sans qu’elle n’en rajoute davantage. Tout ce qui compte c’est l’état de Channing mais, comme le précise Gabrielle à Lexie, elle attend toujours des nouvelles des médecins. Et sentant la cadette des Walker perdre pied, elle tente de la rassurer en lui disant qu’il ira bien mais en réalité… elle n’en sait rien. « Je peux pas … Je dois le voir ! » « Lexie… laisse-t-elle échapper dans un soupir, son ton se voulant toujours aussi calme je sais que c’est dur mais on ne peut pas pour le moment » Elle tente de la canaliser au mieux mais à l’impression d’échouer lamentablement « A quel point … (…) A quel point c’est grave ? » La gorge de Gabrielle se serre davantage en croisant le regard embuée de Lexie, s’obligeant à ne pas craquer à son tour « Je l’ignore… » Elle l’ignore en partie. Elle était avec lui dans l’ambulance, a pu voir à la lumière de celle-ci l’étendue de ses blessures, tout comme elle a pu voir l’agitation et l’inquiétude dans le regard des secouristes autour de l’héritier. Elle sait, au fond que c’est grave, mais en ne le disant pas à voix haute, elle épargne à la fois Lexie mais elle aussi par la même occasion. « Channing Walker, je suis sa sœur. Je veux le voir. Je dois le voir. » Gabrielle se lève au même moment que la brune le fait, la suivant jusqu’au comptoir, n’ayant pas réellement le temps de réagir « Il est toujours entre les mains des médecins. Et comme je l’ai dit à sa fiancée, nous ne pouvons rien vous dire pour le moment et il vous faut attendre que les médecins viennent vous parler ». « Viens, Lexie… » lui murmure-t-elle en l’attrapant doucement par le coude afin de l’amener un peu plus loin avec elle « Est-ce que tu as prévenu Elijah ? Et ta mère ? »
Lexie sent qu’elle perd pied. Peu à peu, elle se noie. Elle a besoin de Chan pour la rassurer. Elle a besoin de Chan pour lui dire que tout ira bien, et pour la forcer à respirer calmement. Elle a besoin de son frère qui est actuellement allongée sur une table d’opération, entre les mains de chirurgien qui s’efforcent de le garder en vie. Et ça devient dur de respirer et de penser calmement. Si Lexie faisait un effort, elle verrait bien que Gabrielle fait de son mieux pour la tranquilliser et l’apaiser. Mais Gabrielle n’est pas Channing, et Gabrielle ne la connait pas. Elle ne sait pas comment faire pour calmer la plus jeune des Walker, à deux doigts de faire un malaise.
« Regarde-moi. »
La brunette tente de se concentrer un instant et obéit, plongeant son regard bleuté dans les iris noisette de la Strange.
« Je ne veux pas te raconter les détails de l’accident, il n’y a aucun intérêt à ce que je le fasse, Lexie. Je préfère te les épargner … »
L’avocate n’a même pas encore fini sa phrase que Lexie secoue déjà la tête. Si cette dernière était dotée de plus d’empathie, et si elle était en état de réfléchir, elle comprendrait que Gabrielle souhaite la préserver. Mais sa manière de tourner autour du pot et de refuser de vouloir répondre à ses questions l’inquiètent davantage.
« Non … J’ai besoin de savoir, Gabrielle. »
Sa voix se veut plus ferme, plus affirmative.
« C’est mon frère, Gabrielle. Je ne suis pas une petite midinette qui s’est amourachée de lui et qui veut des détails croustillants. C’est ma famille ! C’est la personne la plus importante au monde pour moi ! »
La brunette est loin de mesurer l’impact que pourraient avoir ses paroles. Elle n’en a que faire en temps normal, et encore moins maintenant, alors qu’elle désespère d’obtenir des nouvelles de son frère. Devant le refus de la Strange de lui communiquer des informations, elle se lève, bien destinée à obtenir des réponses de la part de la secrétaire. Elle met en avant leur lien fraternel pour tenter de franchir une limite invisible.
« Il est toujours entre les mains des médecins. Et comme je l’ai dit à sa fiancée, nous ne pouvons rien vous dire pour le moment et il vous faut attendre que les médecins viennent vous parler. »
Un nouveau mur auquel elle se heurte, de nouvelles rétentions d’informations, une nouvelle attente qu’on lui impose. La seule chose dont elle retire de cet échange, c’est que Chan a une fiancée, et son regard interloqué se pose un instant sur Gabrielle avant de se reporter sur la secrétaire. Elle est prête à attaquer, à menacer, et même à supplier s’il le faut, mais déjà, l’avocate l’attrape par le coude pour l’entraîner à l’écart.
« Viens, Lexie … »
Elle lance un regard noir à Gabrielle. Elle se libère de sa main et c’est à son tour de se saisir du poignet de l’avocate pour la faire s’asseoir sur une chaise, juste à côté d’elle. Elle plonge son regard inquisiteur dans les yeux noisette de la jeune femme, bien décidée à enfin obtenir toutes les réponses à ses questions. Son visage est fermé, et il ne fait aucun doute qu’elle est en train de bouillir intérieurement. Pourtant, lorsqu’elle reprend la parole, sa voix est calme, posée, presque sympathique.
« Est-ce que j’ai loupé un épisode ? Parce qu’il me semble avoir entendu la secrétaire te qualifier de « fiancée ». »
Et Lexie n’a aucun doute à ce sujet : Chan le lui aurait dit s’ils s’étaient fiancés. Il lui aurait certainement fait part de ses projets avant de faire sa demande, du moins elle l’espérait. Et elle doutait qu’il prenne ce genre de décisions capitales sur un coup de tête. Elle ne savait pas réellement où en était la relation entre Chan et Gabrielle, s’ils étaient en couple ou non, mais ils n’étaient certainement pas fiancés.
« Maintenant, tu vas répondre à toutes mes questions et me raconter dans les détails ce qu’il s’est passé et ce que tu sais de l’état de mon frère, sinon je dis à tous que tu n’es pas sa fiancée et j’exige qu’on te fiche à la porte. »
Sa voix est étrangement toujours aussi calme, et un sourire se dessine même sur ses lèvres. Pourtant, ses yeux trahissent sa détermination et nul doute qu’elle n’acceptera pas un nouveau refus de l’avocate.
« Est-ce que tu as prévenu Elijah ? Et ta mère ? »
Lexie cille un instant à l’évocation des siens, et de Mary qui ne devrait pas tarder à débarquer.
« Elijah est en route, je lui ai demandé d’appeler Mary. »
La brunette ne se laissera cependant pas distraire par la mention de son dragon de mère, et son arrivée imminente.
« Tu as une minute pour te décider, sinon je te fais jeter dehors. »
Et ses doigts commencent à pianoter sur le dossier de la chaise qui les sépare, comme pour décompter le temps qui passe.
20 juin 2022. « Non … J’ai besoin de savoir, Gabrielle. » Elle s’obstine. Lexie ne veut pas entendre raison et montre une détermination telle que Gabrielle ne sait plus comment réagir. Elle n’est pas Channing pour savoir comment apaiser sa sœur, mais Lexie n’est pas non plus Meryl que Gabrielle a toujours parvenu à apaiser, même dans les pires moments – et dieu sait à quel point les Strange en ont connu de sales moments dans leur vie… « C’est mon frère, Gabrielle. Je ne suis pas une petite midinette qui s’est amourachée de lui et qui veut des détails croustillants. C’est ma famille ! C’est la personne la plus importante au monde pour moi ! » Gabrielle prend une profonde inspiration, s’apprête à reprendre les mains de Lexie entre les siennes, mais se ravisse, se contentant de dire sur un ton qui se veut calme et rassurant « C’est pour cette raison que je préfère te les épargner, Lexie » réitère-t-elle. Il n’y a pas besoin d’en savoir plus quand, tout ce qui compte désormais, et de savoir s’il va s’en sortir ou non. Et ça, même Gabrielle n’en a pas la réponse. L’attente est longue et chaque minute qui passe semble interminable. Interminable au point de mettre à rude épreuve la patience de la dernière des Walker qui se dirige vers la secrétaire dans l’espoir d’obtenir des réponses… et c’est à nouveau face à un mur qu’elle se trouve. A un détail près.
Gabrielle aurait préféré que la secrétaire omette ce détail, celui lui collant l’étiquette de fiancée, qu’elle s’est elle-même attribuée et qui n’est pas sienne. C’est peut-être ce qui explique qu’elle demande à Lexie de venir se rassoir et qu’elle espère que la jeune femme n’a pas retenu cette précision sans importance. Mais la poigne de la cadette des Walker autour de son poignet, qui l’incite à prendre place à son tour sur ces chaises inconfortables lui prouve le contraire « Est-ce que j’ai loupé un épisode ? Parce qu’il me semble avoir entendu la secrétaire te qualifier de « fiancée ». » Gabrielle se détache de l’emprise de Lexie fermement et laisse échapper un soupir « Tu n’as loupé aucun épisode, c’est juste un mensonge inventé de toute pièce de ma part dit-t-elle en toute transparence, ne cherchant pas à inventer un quelconque mensonge de plus à ce sujet j’ai paniqué en voyant ton frère partir avec les médecins. Je ne pouvais pas… elle marque une pause, nécessaire quand les images lui reviennent tout en narrant son récit je ne pouvais pas le voir partir seul dans cette ambulance. J’ai prétexté être sa fiancée pour être certaine de pouvoir rester avec lui… » Son regard n’a pas flanchée sur ces derniers mots, assumant totalement ce qu’elle a pu dire. En revanche, elle ne s’attendait pas à ce qui s’en suit « Maintenant, tu vas répondre à toutes mes questions et me raconter dans les détails ce qu’il s’est passé et ce que tu sais de l’état de mon frère, sinon je dis à tous que tu n’es pas sa fiancée et j’exige qu’on te fiche à la porte. » Gabrielle a ce mouvement de recul de la tête, prise au dépourvu par cette menace que vient à lui faire Lexie « Sérieusement, Lexie ? » A quoi joue-t-elle au juste ? Elle peut comprendre qu’elle est totalement chamboulée mais cela ne justifie en rien la manière qu’elle a de lui parler ou de la menacer de la sorte. Elle laisse échapper un soupir, préfère contourner à nouveau le sujet en demandant si elle a pris la peine d’avertir Elijah et sa mère « Elijah est en route, je lui ai demandé d’appeler Mary. » Mary. Gabrielle s’est accoutumée à cette façon qu’elle et Channing avaient – et ont toujours – d’appeler leur propre mère, connaissant très bien le personnage que l’héritier lui a plusieurs fois dépeint. « Tu as une minute pour te décider, sinon je te fais jeter dehors. » Et voilà qu’elle recommence. Gaby sent qu’elle joue avec sa patience, n’a pas le temps à entrer dans son jeu et même si cela l’agace, elle tente de garder son calme. Elles sont toutes deux à fleur de peau et morte d’inquiétude pour Channing, se disputer maintenant ne servirait strictement à rien. « Tout s’est passé très vite, Lexie. Le feu est passé au vert, Channing a démarré à ce moment-là mais un véhicule, qui aurait dû s’arrêter, l’a renversé de plein fouet. Il… les images se jouent à nouveau devant ses yeux et la jeune femme sent indéniablement sa gorge se serrer Il est passé par-dessus sa moto et s’est retrouvé au sol. J’ai… je n’ai pas réagi tout de suite du fait de la violence du choc mais… je me suis précipité vers lui ensuite, et il était encore conscient. J’ai pu… j’ai pu lui parler Lexie en a sûrement rien à faire mais faire revivre ce moment à Gabrielle lui est pénible, ravalant difficilement un sanglot quand elle repense aux derniers mots de Channing à son encontre Je l’ai supplié de rester éveillé, il m’a dit… il m’a dit qu’il ne pouvait pas, il s’est excusé et après ça… il a perdu connaissance » Mais avant, il lui a dit qu’il l’aimait, un détail qu’elle préfère garder pour elle pour diverses raisons. Les souvenirs relatés la rendent incapable de rester de marbre une seconde de plus, une larme, puis une deuxième s’ensuivant sur ses joues qu’elle intercepte en vain, du bout des doigts.
Gabrielle est bornée, elle refuse d’expliquer à Lexie ce qu’il s’est passé. Tout ce que la jeune Walker sait, c’est que Chan a eu un accident de moto, et que les médecins sont en train de s’occuper de lui. Et c’est insuffisant. Elle a besoin de savoir, elle a besoin de visualiser la scène, comme si elle était là, pour apprécier l’ampleur des dégâts. Gabrielle est bornée, mais Lexie l’est davantage, et lorsque la secrétaire lui révèle que la Strange s’est fait passer pour la fiancée de Chan, la brunette y voit une opportunité. Si les supplications ne marchent pas, les menaces marcheront sans doute.
« Tu n’as loupé aucun épisode, c’est juste un mensonge inventé de toute pièce de ma part. »
Lexie secoue la tête en esquissant un sourire mauvais.
« Je savais bien que les avocats étaient tous des menteurs. »
Gabrielle continue de se justifier, face à une Lexie qui reste de marbre.
« J’ai paniqué en voyant ton frère partir avec les médecins. Je ne pouvais pas … je ne pouvais pas le voir partir seul dans cette ambulance. J’ai prétexté être sa fiancée pour être certaine de pouvoir rester avec lui … »
Lexie pourrait comprendre, sans aucun doute, si elle en avait l’envie et la patience. Mais ce soir, elle n’est pas dotée de ces qualités, ni d’aucune compassion. Alors Gabrielle a beau souffrir, avoir du mal à se remémorer les événements de la soirée, Lexie n’en a que faire. Et la voilà qui insiste, l’avocate finissant par se plier aux désirs de la jeune Walker. Elle lui révèle tout ce que Lexie voulait savoir, la priorité refusée à son frère, la chute, le vol par-dessus sa moto. Elle semble n’omettre aucun détail, et le visage de la brunette se vide de tout son sang au fur et à mesure du récit de Gabrielle.
« Je l’ai supplié de rester éveillé, il m’a dit … il m’a dit qu’il ne pouvait pas, il s’est excusé et après ça … il a perdu connaissance. »
Lexie plaque les mains sur sa bouche en laissant échapper un sanglot, détournant les yeux pour tenter de cacher ses larmes. Elle est reconnaissante à Gabrielle de lui avoir expliqué, même si ça fait mal, car elle comprend maintenant l’ampleur de la situation : c’est grave, très grave. Si Chan lui a avoué ne pas pouvoir se battre et lui a présenté ses excuses, c’est qu’il devait être au bout, réellement. Et ça, ce n’est pas bon du tout. Lexie a soudain la nausée. Elle se lève et se met à faire les cent pas dans le couloir, tentant de s’éventer avec sa main droite, la gauche étant posée sur son ventre arrondi. Une voix dans son dos la fait cependant rapidement tressaillir.
« Lexie, ma chérie ! »
La brunette se stoppe nette, ses yeux trahissant son affolement : elle ne peut ni gérer ni supporter sa mère dans un tel moment. Bon sang, que fait Elijah ?! Finalement, elle se retourne vers Mary, joliment pouponnée, comme si elle se rendait à une soirée mondaine. Son visage est cependant légèrement déformé par l’inquiétude : Channing a toujours eu une place particulière dans son cœur, même si Elijah demeurera toujours le préféré.
« Bien, où est mon fils chéri ? »
Si la situation n’était pas aussi dramatique, Lexie lèverait les yeux au ciel, agacée par ces « chéris » hypocrites qu’elle sort à toutes les sauces. Pourtant, si Mary semble inquiète, elle ne semble pas mesurer la gravité de la situation, alors qu’elle enchaîne déjà avec une grimace.
« Bonté divine, tu as encore grossi ! Tu devrais vraiment faire attention à ce que tu manges, tu vas bientôt ressembler à une baleine échouée sur nos côtes … »
Son regard se porte finalement sur Gabrielle, et Lexie est même surprise de voir qu’elle l’a remarqué. Habituellement, Mary ne prête pas réellement attention au monde qui l’entoure, sauf si elle a la certitude d’être dans un lieu où elle peut rencontrer du beau monde.
« Ha, vous devez travailler ici ! »
Elle se penche pour murmurer à l’oreille de Lexie, assez fort pour que tout le monde l’entende.
« C’est terrible, ces bas salaires dans le domaine hospitalier, regarde cette pauvre jeune femme qui n’a pas de quoi s’habiller correctement … »
Elle lance un regard empli de pitié à l’avocate, la dévisageant de haut en bas, avant reprendre sur un ton condescendant, débordante de confiance en elle.
« Je suis Mary Walker, j’aimerais voir mon fils. »
Lexie lève les yeux au ciel, priant pour une arrivée rapide d’Elijah. Elle laisse cependant à Gabrielle le soin de se présenter, ne sachant pas ce qu’elle désire lui dire. Elle, pour sa part, a cessé de tourmenter l’avocate dès que sa mère a débarqué : on ne se fait pas d’ennemis quand on peut affronter ensemble le dragon.
20 juin 2022. « Je savais bien que les avocats étaient tous des menteurs. » Gaby n’apprécie pas la manière dont use Lexie pour s’adresser à elle, tout comme elle n’apprécie pas le fait qu’elle use de menaces pour pouvoir obtenir cette vérité qu’elle veut pourtant lui épargner pour son bien. Mais Gabrielle est incapable de lui en vouloir en réalité quand elle s’imagine à sa place que ce soit pour Channing ou pour un de ses frères où elle aurait sûrement demandé à connaitre toute l’histoire. L’intérêt dans tout ça n’existe pas, si ce n’est pour se faire plus de mal, même si elle y voit, elle, un besoin de mieux comprendre la situation. L’américaine se résigne alors à lui raconter les détails de l’accident, s’en veut de céder aussi stupidement, alors qu’en temps normal, elle n’aurait pas hésité à tenir tête à Lexie, et serait sûrement partie même de son propre chef avant qu’elle n’intente quoi que ce soit pour la faire déguerpir. Mais il est hors de question pour la jeune femme de quitter cet hôpital quand elle sait Channing entre la vie et la mort. Il est impensable pour elle de ne pas être là pour lui, même si actuellement, elle est juste impuissante et inutile pour lui venir en aide. Elle livre alors ces détails, sans en omettre aucun de la violence du choc jusqu’à la perte de connaissance de l’héritier. Ce dernier détail amène alors Lexie a étouffé un sanglot et la culpabilité prenne place sur les traits de l’avocate, qui tente de se saisir de la main de Lexie, sans réel succès alors que cette dernière se lève de son fauteuil « Je suis désolée, Lexie… » Elle s’excuse bien que ce soit la jeune femme elle-même qui lui en a fait la demande.
Gabrielle se lève à son tour, bien incapable elle aussi de rester assisse, tentant de garder la face alors que la situation est tout autant compliquée pour elle. Son regard fixe une gouttelette de pluie qui s’écoule le long de la vitre, la pluie continuant à s’abattre sur la ville. Un silence a à peine le temps de s’installer entre les deux jeunes femmes qu’une voix se fait entendre derrière elle. Et cette même voix n’a pas besoin de se présenter à Gabrielle pour qu’elle sache de qui il s’agit « Lexie, ma chérie ! (…) Bien, où est mon fils chéri ? » La mère de Channing, Mary Walker. Une personne qu’elle n’a jamais rencontré et qu’au fond, l’avocate aurait préféré ne pas rencontrer, du moins pas ce soir. Parce qu’elle est consciente de la personne qu’elle est, son portrait dépeint par ses propres enfants loin d’être glorieux… Et malheureusement, Gabrielle assiste, quelque peu impuissante, à sa grandiosité « Bonté divine, tu as encore grossi ! Tu devrais vraiment faire attention à ce que tu manges, tu vas bientôt ressembler à une baleine échouée sur nos côtes … » Gaby est outrée par les propos que celle-ci peut tenir à l’encontre d’une Lexie qui reste totalement de marbre. Ses sourcils se froncent d’ailleurs alors qu’elle vient à croiser les bras et que son air devient soudainement plus fermé et glacial « Ha, vous devez travailler ici ! » Et c’est un sourcil qui se arque alors, sans pour autant que Gabrielle y réagisse tout de suite « C’est terrible, ces bas salaires dans le domaine hospitalier, regarde cette pauvre jeune femme qui n’a pas de quoi s’habiller correctement … » La californienne reste de marbre mais n’en pense pas moins quand elle a l’impression d’avoir devant elle une des pires personnes qu’il soit, une personne insensible, pédante et… tout bonnement détestable. « Je suis Mary Walker, j’aimerais voir mon fils. » « Je sais qui vous êtes répond-t-elle alors sur un ton froid Gabrielle Strange, je suis la fiancée de votre fils » A-t-elle osé ? Oui. Va-t-elle le regretter ? Certainement, peut-être même que Lexie va la contredire sur le champ, peut-être que Channing va la détester d’avoir dit cela mais il n’y a pas une once d’hésitation chez Gabrielle quand elle se présente de la sorte auprès de la mère des Walker. Et puis, au vu de la cadette et ses précédentes menaces, en servant le même mensonge qu’elle a pu servir auprès de l’équipe hospitalière, Gaby se donne la garantie de ne pas avoir à affronter celle qui, elle n’en doute pas une seconde, n’aura aucun scrupule à la faire déguerpir, tout comme elle n’en doute pas un seul instant, n’aura aucun mal à croire ce même mensonge. Mais cette colère aussitôt apparue face à cette femme tant à disparaitre quand Gabrielle repense alors aux raisons qui les poussent ce soir à se rencontrer pour la première fois « J’étais présente sur les lieux de l’accident… Vous ne pourrez pas voir Channing dans l’immédiat… il… son ton s’est adoucit, son regard fuyant alors qu’elle doit une deuxième fois expliquer ce qu’il s’est passé. il a perdu connaissance sur les lieux, les médecins sont actuellement entrain de s’occuper de lui, on ne sait pas… on ne sait pas ce qu’il en est encore… . Elle déglutit difficilement, cherchant alors le regard de Lexie, comme pour trouver à son tour une part de réconfort et de soutien. Et avant que vous ne me demandiez, je préfère vous épargner les détails de l’accident ». Elle s’y refuse.
Gabrielle a cédé. Evidemment que Gabrielle a cédé. Elle a beau être une femme forte, une avocate douée, elle a fini par accéder à la requête irrationnelle de Lexie et par lui raconter tous les détails de l’accident de Channing. La demande de la jeune femme femme ne fait pas appel à la logique. Toute cette situation ne fait pas appel à la logique. Dans ces moments terribles, les émotions prennent le dessus, s’intensifient, se mélangent, et tout devient confus dans un bruyant concert de sentiments.
« Je suis désolée, Lexie … »
Elle peut. Elle n’a rien à se reprocher, n’est pas responsable de l’accident, et pourtant. S’il faut que Lexie passe ses nerfs sur quelqu’un pour se calmer, ce sera Gabrielle, à défaut d’une infirmière qui pourrait la renseigner – ou refuser de la renseigner. Elle n’a cependant pas le temps de lui lancer une réplique cinglante que sa mère, Mary, fait une entrée en fanfare. Et c’est la matriarche des Walker qui remporte la palme des remarques déplacées et de la méchanceté gratuite – rien de pire que d’habitude. Elle est le summum de la supériorité, hautaine et emplie de jugements. En temps normal, Lexie aurait réagi à cette agression. Elle aurait surenchéri, se serait lancée dans une passe d’armes avec sa mère. Mais la situation actuelle n’a rien de normal, et il importe de choisir ses combats. Et aujourd’hui, Lexie n’a pas l’énergie de s’inquiéter pour son frère et de remettre Mary à sa place. Alors elle la laisse lancer ses piques à tout va, et l’écoute finalement s’adresser avec dédain à Gabrielle, qu’elle prend pour un membre du personnel hospitalier. L’avocate ne se laisse cependant pas impressionnée et répond sur un ton froid.
« Je sais qui vous êtes. Gabrielle Strange, je suis la fiancée de votre fils. »
Ho my God. Lexie la dévisage, la bouche entrouverte sous le coup de la surprise, stupéfaite qu’elle ait osé renouveler son mensonge, et ce devant la matriarche des Walker. Soudain, l’avocate gagne des points dans l’estime de Lexie, pour oser tenir tête à Mary. Peu de gens se comportent ainsi, préférant courber l’échine et multiplier les courbettes pour plaire à la matriarche. Lexie bat des cils un instant, et si le fait de contredire Gaby lui traverse l’esprit, cette idée ne fait que l’effleurer et s’efface aussitôt devant l’air outré de Mary. Le moment est bien trop jouissif pour que Lexie ait envie d’intervenir, et trouver une seconde de bonheur dans ces moments de malheur dépasse toutes ses espérances.
« Vous … quoi ? »
La matriarche dévisage une nouvelle fois Gabrielle, l’analyse dans les moindres détails, la juge à sa tenue et à son maquillage.
« Channing ne m’a jamais parlé de vous. »
Elle affirme avec aplomb, sûre que cette remarque blessera la jeune femme. Car quel fils ne mentionnerait pas sa fiancée à sa mère ? Sans doute un homme qui a pour génitrice une personne aussi horrible que Mary Walker. Lexie hausse les sourcils, son regard passant de sa mère à l’avocate, et si elle n’était pas morte d’inquiétude par rapport à l’état dans lequel se trouve Channing, un sourire amusé danserait sur son visage. Parce qu’elle adore voir Mary ainsi décontenancée, et qu’elle apprécie au plus haut point voir quelqu’un lui tenir tête. Elle aimerait que la joute verbale se poursuive et réussisse à la distraire du lieu dans lequel elles se trouvent, en vain, car Gabrielle semble être la première à recouvrer ses esprits et à se souvenir des raisons de leur présence ici : Channing. Et voilà déjà l’avocate qui s’adoucit.
« J’étais présente sur les lieux de l’accident … Vous ne pourrez pas voir Channing dans l’immédiat. Il a perdu connaissance sur les lieux, les médecins sont actuellement en train de s’occuper de lui, on ne sait pas … on ne sait pas ce qu’il en est encore … »
Les larmes emplissent les yeux de Lexie et quand Gabrielle croise son regard, comme à la recherche de réconfort, elle n’est pas en mesure de le lui apporter. Elle se contente de détourner le regard, fixant obstinément un point sur le mur et refoulant autant que se peut les larmes qui menacent à nouveau de couler. Non, elle ne pleurera pas devant Mary, elle s’y refuse, du moins, tant qu’elle en est capable.
« Et avant que vous ne me demandiez, je préfère vous épargner les détails de l’accident. »
Lexie hausse un sourcil face au mur, et la main de sa mère qui vient se poser sur son épaule la fait tressaillir. Elle se retourne vers la matriarche et hoche la tête, comme pour confirmer les dires de Gabrielle, et se dérobe à ce contact non désiré. Sa solitude la frappe de plein fouet : elle n’est pas seule dans ce couloir, et pourtant, elle se sent plus seule que jamais. Elle aurait besoin de réconfort, d’une épaule sur laquelle pleurer, de bras solides pour la consoler. Elle aurait besoin de Channing, mais il n’est pas en mesure de jouer le rôle de grand frère protecteur qu’il a toujours assumé. Il n’est pas là pour l’aider, et la brunette se sent perdue. Soudain, elle étouffe, et elle a besoin de prendre l’air. Mais elle ne peut décemment pas laisser Gabrielle seule avec Mary. Alors, après avoir laissé échapper un soupire résigné, elle se tourne vers les deux femmes.
« On va te chercher un café, Mary. Tu devrais rester là, au cas où les médecins viendraient donner des nouvelles. »
Son regard bleuté tourmenté se plonge dans celui de Gaby à qui elle adresse un hochement de tête presque imperceptible.
« On ne sera pas longues. »
Et ce n’est pas Mary qu’elle rassure, mais l’avocate, à qui elle affirme qu’elles ne s’absenteront pas longtemps. La présence de la matriarche a cependant augmenté d’un cran le côté insupportable de cette situation, et Lexie ne peut rester plus longtemps dans ce couloir étroit avec elle, pas sans un allié avec elle, pas sans une présence réconfortante. Les deux femmes se sont à peine éloignées que Lexie sort son téléphone de son sac, jetant un coup d’œil désespéré à l’écran qui n’affiche aucune nouvelle notification. Elle jure entre ses dents à l’encontre de l’aîné de la fratrie.
20 juin 2022. La colère s’est emparée d’elle et elle se laisse submerger peut-être par tout ça. L’accident, les images qui continuent à défiler dans sa tête, l’inquiétude incommensurable qu’elle peut se faire à cet instant pour Channing explique pourquoi Gabrielle finit par exploser, à sa façon. Cela explique pourquoi elle perd patience devant une femme aussi méprisante que peut être la matriarche des Walker qu’elle rencontre pour la première fois mais dont elle a déjà vaguement entendu parler pour savoir qui elle est. « Vous … quoi ? (…) Channing ne m’a jamais parlé de vous. » Un sourcil se hausse sur le visage de l’avocate alors qu’à son tour, elle adopte une sorte d’air hautain car elle n’est pas surprise que son fils n’est jamais mentionnée son existence. En dehors de leur relation particulière, que ce soit par le passé ou dans le présent, c’est surtout la soi-disant mère qu’elle peut être qui explique à ses yeux pourquoi l’héritier ne soit pas du genre à se confier à sa mère sur ses relations amoureuses ou autres. « Ca n’a pas d’importance » laisse-t-elle échapper sur un ton sec et quelque peu catégorique, quand pourtant elle semble aussi s’adoucir. Elle n’est pas là pour faire une scène, elle n’est pas là non plus pour continuer à prétendre quand tout ce qui l’intéresse est l’état de Channing. C’est pour cette raison qu’elle narre alors à la matriarche les circonstances de l’accident et surtout souligne qu’elle ignore totalement comment il va. Celle-ci ne réagit pas réellement quand Lexie, un peu plus loin, fuit le regard de la californienne, sûrement pour ne pas camoufler ses émotions. Et lorsque sa mère tente une approche, Lexie la fuit également. Gaby devine sans difficulté la complexité de la relation entre la mère et la fille mais ne se permettra aucun commentaire à ce sujet. « On va te chercher un café, Mary. Tu devrais rester là, au cas où les médecins viendraient donner des nouvelles. » Gaby est étonnée que Lexie semble lui offrir à elle aussi un échappatoire, surtout quand elle ressent le besoin de s’éloigner. Non seulement de madame Walker mais sûrement de tout le monde, ne supportant pas les regards que l’on peut lui porter et ce soutien qu’elle ne trouvera pas en ces personnes. Elle ne peut en blâmer Lexie, ne lui reproche pas d’ailleurs mais accepte volontiers le peu qu’elle lui offre « On ne sera pas longues. ». Gaby acquiesce mollement et suit alors Lexie dans le couloir de l’hôpital, s’approchant d’une machine à café qu’elle fixe sans réel intérêt. « Putain, Elijah, t’es où … » Gaby ne peut ignorer le commentaire de la cadette des Walker, tournant doucement son regard vers elle « Tu souhaites quelque chose ? » demande-t-elle doucement avant qu’elle ne commence à chercher dans son sac quelques pièces, tremblante. Elle marque une pause alors, se ressaisit en inspirant profondément « Il ne va sûrement pas tarder à arriver. Dès qu’il sera là, je vous laisserai tranquille » Non seulement elle ne se sent pas à sa place, ni légitime auprès des Walker mais elle a besoin aussi de se retrouver seule. Le besoin aussi de prévenir sa petite sœur ou encore Caelan, le meilleur ami de Channing, qu’elle estime être en droit d’être au courant. Une manière ainsi pour elle d’avoir son propre soutien quand elle ignore encore comment elle tient debout après la violence du choc, les dernières paroles de Channing qui ne cessent de faire écho dans sa tête et l’incertitude quant à son sort. Elle déglutit difficilement, insère quelques pièces de monnaie pour offrir ce café à la mère de Channing, Elijah et Lexie, ayant, quant à elle, pas le goût à avaler quoi que ce soit.