Envoler, le passé. Avancer pour trouver en moi tout les courages J'ai fini par refermer les blessures de mon passé. Appris à tourner la page. J'ai fini par oublier tous ce qui s'étais passé.
Il est 09h32 quand mon téléphone sonne, Lena et Lucy sont dans le bain, je suis assisse sur le sol trempé de ma salle de bain. J'entends qu'il sonne encore et encore mais je le laisse sonner n'attendant aucun appel urgent. Je veux profiter de mes filles et surtout m'assurer qu'il ne leurs arrive rien dans le bain. Je suis prudente avec elles, parfois un peu trop. Une maman stressée et inquiète mais mieux vaut trop que pas assez non ? Elles s'amusent, elles rient, elles se mouillent et me mouillent aussi mais même si ce moment devient de plus en plus compliqué à gérer pour moi avec ma condition actuelle, je profite encore plus de ces moments avec elles. Elles se parlent entre elles, elles se comprennent, se répondent et si j'arrive à comprendre quelques mots de leur langage encore approximatif, je suis toujours émue de regarder leur complicité et leur entente. Quand l'une rit, l'autre rit avec elle. Quand l'une pleure, l'autre pleure aussi, des vraies jumelles, physiquement semblables avec leur caractère propre mais un besoin l'une de l'autre indéniable. Elles jouent ensemble et je joue avec elles jusqu'au moment plus sportif que représente la sortie du bain. L'une après l'autre, je les sors de l'eau, l'une après l'autre je les habille et si c'est déjà fatiguant en temps normal, ça l'est encore plus avec ce ventre qui commence à devenir imposant. Caleb aurait sûrement préféré que j'attende l'arrivée de la nounou, mais le bain est un moment que j'aime particulièrement, et je veux profiter d'elles avant d'aller au travail. Ce n'est qu'une heure plus tard que je regarde mon téléphone et quand je vois le numéro de l'appelant c'est avec une certaine pression que j'écoute le message laissé sur mon répondeur. Il l'a retrouvé. Plus de six mois sans nouvelles, plus de six mois sans me tenir informé de l'avancée de ses recherches et le voilà qu'il m'annonce qu'il a retrouvé Tim. J'avais même oublié que je lui avais demandé ce service. Tout le monde a dans son répertoire un détective privé non ? Moi j'en ai un, et après quelques semaines à en vouloir à Tim pour son départ, j'ai décidé de chercher les réponses aux questions que son départ a engendré. Je ne lui en veut plus, je n'y pense plus pour être plus exacte. J'ai ma vie, il a la sienne. Il est parti, il a choisi de me laisser et je suis assez heureuse dans ma vie pour pouvoir gérer ce départ mais il y a quelques mois je n'étais pas encore prête à l'oublier et à le laisser sortir de ma vie comme ça. Sauf, que cet appel me laisse un peu sans voix et je ne sais pas comment réagir devant cette nouvelle. Il est vivant, c'est déjà bien. Et c'est tout ce que je sais par téléphone. Il veut être payé avant de me donner le reste du dossier et je le comprends. Un appel et un rendez-vous fixé, c'est en début d'après-midi que je le retrouve pour qu'il me remette en mains propres toutes les infos.
Timothy Decastel. Un nom sur une pochette cartonnée. Je survole les documents, il n'y en a pas énormément mais il y en a bien suffisamment pour répondre à mes questions. Et surtout à la plus importante. Il est en vie, pas en danger, et ils vont bien lui et les enfants. Je vois plusieurs photos de Gabriel et Willow avec leur père, avec une femme inconnue mais je n'ai pas à savoir qui elle est, ça ne m'intéresse même pas. Avant, j'aurais été curieuse, je lui aurais posé un nombre incalculable de questions, mais il est parti, il a choisit de s'enfuir sans me dire au-revoir et j'accepte son choix. Je ne lui pardonne pas mais je l'accepte et je tourne la page. Je referme ce dossier, je ressens un peu de colère, un peu de rancœur revenir. Tim a compté dans ma vie. Tim a été l'un de mes amis les plus précieux, l'une des personnes les plus importantes pour moi et le voir ainsi me fait bizarre. Je remercie celui qui a fait tout ce travail pour moi et c'est avec un dossier dont finalement je ne sais pas quoi faire que je me retrouve le reste de la journée. Je jette un coup d’œil plus poussé au contenu une fois seule, je lis les informations, j'en apprends davantage sur les enfants, je les regarde et je vois comme ils ont grandi. Ils étaient voués à devenir les meilleurs amis de Lucy et Lena, ils devaient grandir avec mes filles mais leur père en a décidé autrement. J'en apprends davantage sur les raisons qui ont poussé Tim à quitter précipitamment Brisbane et l'Australie. Je découvre ou il a choisi de s'installer, je le vois même souriant sur certaines photos et je me dis qu'au moins il a trouvé un peu de paix et c'est tout ce que je lui souhaite finalement même si son départ m'a fait du mal. Même si je lui en ai voulu. Il est parti, il a choisi de m'exclure de sa vie, c'est dur mais c'est une réalité et j'en prends encore plus conscience en voyant les photos. Je le referme pour la deuxième fois et en le déposant sur mon bureau je réalise que je connais quelqu'un qui pourrait avoir besoin de voir ce dossier. Pour tourner la page, pour aller de l'avant, pour comprendre aussi pourquoi elle a eu le cœur brisé. Je ne suis pas proche de ma belle-soeur, c'est le moins que l'on puisse dire mais je ne me vois pas lui interdire le droit d'avoir accès à ce dossier. Elle ne m'a rien demandé sur Tim, et je ne sais pas non plus si elle a eu des nouvelles du Franco-Australien, nous n'en avons pas reparlé depuis le jour ou j'ai débarqué chez lui pour trouver l'appartement vide et Prim en pleurs. Sujet tabou entre nous, faut dire que ce n'est pas difficile pour nous de ne pas en parler puisque nous évitons même de nous parler tout simplement pour le grand malheur de son frère et de mon mari, qui je le rappelle est la même personne. Mais aujourd'hui, je quitte le travail un peu plus tôt et c'est en direction de l'appartement de Primrose que je me rends. J'aurais sans doute du lui envoyer un sms avant, mais si elle n'est pas là, je lui laisserais le dossier dans la boite aux lettres, c'est même l'option que je préférerai je l'avoues. Sauf, qu'elle est là. Elle réponds quand je frappe à sa porte et je me retrouve un peu démunie alors que c'est moi qui suis venue jusqu'à son domicile. « Bonjour, je te dérange ? » Bien-sur que je la dérange, par ma simple présence, je sais que je la dérange mais si je suis là, elle se doute bien que ce n'est pas pour une visite de courtoisie. « Il y a quelques mois, j'avais fais appel à quelqu'un pour le retrouver, j'ai eu des réponses aujourd'hui, je me suis dis que tu voudrais peut-être savoir toi aussi. » Je ne suis même pas encore entrée chez elle que je lui explique les raisons qui m'ont mené jusqu'à chez elle et je lui donne le choix. Refermer la porte et me laisser derrière avec mes réponses, m'arracher des mains le dossier que je tiens devant moi et qui cache à peine mon ventre ou me laisser entrer et qu'on discute un peu de ce qu'est devenu Timothy Decastel. Un homme qui a compté pour nous deux et même si notre entente n'est pas bonne, la déception et le départ de Tim nous a fait du mal à toute les deux et nous pouvons un peu nous comprendre. Un peu seulement, parce que j'ai sans doute eu bien moins de difficulté à tourner la page qu'elle grâce à mes filles, grâce à Caleb, grâce à notre voyage de noce qui m'a permis de profiter de l'instant présent et d'être heureuse, mais je viens en paix avec ce dossier devant moi, sans agressivité et sans reproches.
« Bonjour, je te dérange ? » voilà des mots que je ne pensais pas entendre de la part de ma belle-sœur. Je ne pensais pas non plus la voir débarquer sur le seuil de l’appartement où j’habite, ceci dit. Pour qu’Alex vienne me voir personnellement et en face-à-face, c’est qu’il y a quelque chose. J’essaie d’être optimiste pour éloigner les mauvaises ondes qui peuvent assommer mon existence mais dans des moments pareils, c’est assez compliqué de croire que ce n’est qu’une visite de courtoisie. Il n’y a pas de courtoisie entre Alex et moi. Il y a un minimum d’entente qui s’est un peu améliorée depuis le mariage mais qui est retombé suite au départ de Tim. Notre relation est une montagne russe avec plus de descentes que de montées, il faut bien l’avouer. Nous avions partagé un beau moment à l’essayage de sa robe et j’avais nourri l’espoir que des jours meilleurs allaient nous attendre. Mais si j’ai atténué ma colère envers elle, et que j’ai compris qu’elle restera dans le périmètre de ma famille, il n’empêche que notre scène à l’appartement de Tim me reste en travers de la gorge. L’accepter est aussi autre chose et me dire que j’ai Mme Anderson en face de moi sans que ce soit ma mère, c’est étrange. D’autant que ma belle-sœur est enceinte, je le sais et ce n’est pas pour rien que mes yeux se dirigent par réflexe vers son ventre. Il est là, il gonfle, il est rond et je ne peux pas m’empêcher de me dire que Caleb a réussi l’exploit de la faire tomber enceinte trois fois en dix ans. Il va finir par l’avoir, sa belle et grande famille, et Alex semble aussi apte qu’opérationnelle pour lui faire ce plaisir. Si je rêve d’enfants moi aussi, je n’en désire pas autant d’un seul coup, ceci dit. Je déglutis légèrement en me demandant vraiment ce qu’elle me veut - ma deuxième pensée étant pour Caleb ou les filles. Et si quelque chose leur était arrivé ? Non, Alex ne serait avec moi. Elle serait avec eux et on m’aurait téléphoné.
“Salut. J’étais juste-” « Il y a quelques mois, j'avais fais appel à quelqu'un pour le retrouver, j'ai eu des réponses aujourd'hui, je me suis dis que tu voudrais peut-être savoir toi aussi. » je referme ma bouche aussitôt en la contemplant avec l’air absent qui doit me donner l’expression la plus stupide du monde. Je ne comprends rien à ce qu’elle me dit. Elle a fait appel à qui ? Pourquoi ? Pour retrouver qui ? Et en quoi ça me concerne. Je suis tentée de l’accabler de mes questions avant que mes prunelles se posent sur le dossier qu’elle tient entre ses mains. Je crois apercevoir le nom de Tim sur le devant et c’est mon coeur qui fait un bon dans ma poitrine. Je déglutis une nouvelle fois avant de racler ma gorge alors que Nutella vient se frotter à mes jambes avant de commencer à vouloir sortir de l’appartement en souhaitant sentir Alex. “Hey, Nuts, reviens ici.” j’attrape mon chat pour le faire revenir à l’intérieur avant de faire un signe de la main à ma belle-sœur tout en rentrant, et en faisant attention que Nutella ne souhaite pas ressortir. “Tu peux entrer.” elle a un dossier sur Tim. Elle a fait appel à quelqu’un pour retrouver Tim. J’ai le palpitant tout d’un coup. Est-ce que je veux vraiment savoir alors que j’ai mis des mois à m’en remettre - alors que j’éprouve toujours de la rancoeur à son égard et de la mélancolie envers notre relation ? “Tu veux quelque chose à boire ?” je suis polie mais je me distrais surtout en allant dans la cuisine dans le but de me faire un café. Ce n’est pas franchement conseillé vu que je suis naturellement anxieuse mais j’ai besoin de douceur - amère, oui. “Ou même un truc à grignoter ? Je crois qu’il me reste une part de fraisier que j’ai fait l’autre jour.” je tourne dans la cuisine comme un petit moulin - je suis complètement désabusée. Je ne m’attendais pas à ça. Elle a un dossier sur Tim. Elle sait où il est, ce qu’il fait. Avec qui. J’ai envie de savoir et en même temps… Non. Je suis confuse dans ma tête et ça se voit dans mes gestes. J’ouvre le frigo, je le referme. J’attrape un torchon pour nettoyer l’îlot qui n’a rien demandé. Je décide enfin de m’arrêter en passant mon pouce et mon index sur mes yeux, finissant par pincer mon nez. “Tu sais où il est ?”
Envoler, le passé. Avancer pour trouver en moi tout les courages J'ai fini par refermer les blessures de mon passé. Appris à tourner la page. J'ai fini par oublier tous ce qui s'étais passé.
Les quelques secondes entre le moment ou je prononce mes premières paroles et sa réponse me semblent pleines de tensions non réglées entre nous. Il faut dire que s'il y a plus de dix ans maintenant, ce fut la membre de la famille Anderson avec lequel je me suis le plus facilement entendue, ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Faut dire, qu'à l'heure actuelle, je ne suis pas vraiment en bon terme non plus avec les autres membres de cette famille dont je partage désormais le nom. Mais, Primrose compte énormément dans la vie de mon mari, dans la vie de nos filles aussi et pour eux, j'aimerai que notre relation soit plus saine, plus apaisée. Je ne suis pas naïve, je sais qu'il y a peu de chance pour qu'un jour nous retrouvions l'entente qui fut la notre et les journées shopping à lui faire découvrir les magasins de luxe avec son regard de jeune ado émerveillée. Je sais que mon caractère n'est pas simple à vivre, mais si je suis chez elle aujourd'hui, c'est une première preuve que je peux faire abstraction de nos tensions pour lui faire partager ce que j'ai appris sur un homme qui a compté dans nos vies à toutes les deux. Ce fut dur à accepter pour moi. Primrose et Tim. Et surtout le mensonge de Tim que j'avais reproché à Prim. Mais, aujourd'hui, tout ceci n'a plus vraiment de sens non ? Il est parti, sans rien nous dire, ni à l'une, ni à l'autre et sur ce point on est à égalité. Ce n'est ni sa faute, ni la mienne. Pas de mensonges entre nous à son sujet et si je tiens fermement ce dossier devant moi, c'est la preuve que je suis ici dans l'idée de ne pas avoir de nouveaux secrets.
Elle me regarde, elle regarde mon ventre, mais elle ne parle pas. Pas encore et ça me semble interminable comme attente alors que j'appréhende sa réaction à l'évocation de Tim. Je ne sais pas comment elle a géré son départ, l'inverse est vraie. On en a pas reparlé, on ne parle pas vraiment toutes les deux, des banalités échangées quand elle passe chez nous, mais Tim n'a pas été évoqué et aujourd'hui elle pourrait très bien me faire la porte au nez si elle décide qu'elle ne veut plus rien avoir à faire avec lui ou avec moi aussi d'ailleurs. Caleb n'est pas là, les filles ne sont pas là, ce n'est que Prim et moi. Et ce dossier dont je lui parle et elle semble totalement perdue. Perdue ou choquée ? Et si elle l'avait oublié ? Et si ma venue n'allait finalement que raviver des souvenirs passés qu'elle a oublié ? Elle va m'en vouloir de venir lui rappeler que son ex s'est barré ? Je regrette presque d'être venue et je me dis que finalement les téléphones existent pour ça et j'aurais du lui envoyer un sms pour lui demander si ça valait le coup que je passe ou si elle n'en avait plus rien à faire. Mais, je suis là. Devant elle, avec ce dossier sur lequel son regard semble se poser. Aucun mot, pas de questions, pas de réactions, autre qu'un malaise largement perceptible, et je suis toujours debout devant chez elle à attendre une réaction de sa part. Le chat est le plus prompt à réagir et mon regard se pose sur cette petite boule de poil. Le silence entre nous prends enfin fin quand Primrose s'adresse à son chat. Je déteste les silences, je déteste la tension qui se fait ressentir dans ces longs silences et l'entendre parler est presque rassurant finalement. Elle m'invite à entrer et je la suis à l'intérieur. C'est étrange d'être chez Primrose, d'être chez elle sans les filles parce que je n'ai jamais mis les pieds chez elle toute seule et je ressens une certaine gêne à envahir son espace. “Tu veux quelque chose à boire ?” « Je veux bien un thé si tu as. » Je réponds vite, peut-être trop mais ça commençait à faire bien trop longtemps que je n'avais rien dis et je profite de son questionnement pour mettre fin à cette longue période de silence imposée par la situation. En vrai, je suis sûre que le silence n'a pas été si long mais je l'ai ressentis comme étant interminable. Je n'ose pas la suivre, je n'ose pas m'assoir non plus, je suis débout à me demander si je dois aborder le sujet ou si je dois la laisser faire ? Après tout, les réponses je les connais déjà, et je ne peux pas l'obliger à s'intéresser à ce dossier si elle ne le veut pas. “Ou même un truc à grignoter ? Je crois qu’il me reste une part de fraisier que j’ai fait l’autre jour.” Je n'ai pas vraiment faim et pourtant je sais que j'ai sans doute pas assez mangé aujourd'hui, enfin c'est ce que mon mari dirait mais lui il voudrait me voir manger tout le temps je crois. Mais, même si je ne suis pas la plus grande fan de ma belle-soeur, je sais reconnaitre qu'elle a un véritable talent dans la pâtisserie. Le gâteau de notre mariage a fait l'unanimité et au delà de ce gâteau, elle a toujours su régalé les papilles de nos filles et les miennes, même si je ne lui dis sans doute pas assez. « On peut partager la part si tu veux. » Je finis par faire quelques pas vers elle, juste assez pour pouvoir la voir s'agiter dans sa cuisine et je réalise à ce moment que ce dossier a sans doute plus d'impact sur elle qu'il n'en a eu sur moi. Elle semble perdue dans sa propre cuisine, un lien dans lequel je suis certaine, elle doit passée bien trop de temps, comme son frère, pour confectionner ses pâtisseries et qu'elles soient parfaites, alors la voir perdue ainsi me fait prendre conscience que j'aurais peut-être du faire les choses autrement. Sans doute mais comment ? Ça je n'en ai aucune idée et maintenant que je suis là, c'est un peu tard pour y réfléchir. « Tu as besoin d'aide pour préparer ? » J'essaye d'être aussi agréable que possible sans pour autant rendre la situation encore plus gênante, je veux juste lui montrer qu'aujourd'hui je ne suis pas là pour me battre avec elle, pour partir dans des joutes verbales qui vont finir par nous blesser l'une et l'autre sans qu'aucunes n'en ressortent ni gagnantes, ni satisfaites. “Tu sais où il est ?” La question devait bien finir par arriver et je me retrouve avec le dossier et les réponses qu'il contient face à Primrose. « Oui je sais. » Je ne veux pas faire de suspense mais je ne veux pas non plus tout lui balancer avant d'être sûre qu'elle ait envie de tout savoir. Peut-être que juste le savoir en vie lui suffit ? Ou peut-être qu'elle va vouloir tout entendre et je réalise que je vais devoir lui annoncer qu'il a refait sa vie. Ce sera pour un peu plus tard, pour le moment je lui laisse le temps d'accepter la discussion. « Il a été s'installer en France avec Gabriel et Willow. » Il a refait sa vie sans nous. « Il a l'air d'aller bien sur les photos. » Je ne sais pas si ça compte pour elle, si cette info va la rassurer et la blesser, mais une part de moi est certaine qu'elle aussi a du s'inquiéter pour Tim, qu'elle a du se tourmenter pour essayer de savoir pourquoi il avait fuit ainsi, s'inquiéter pour lui. Cet être si fragile, si vulnérable, si anxieux, si doux qui a passé sa vie à vivre pour les autres, qui du jour au lendemain quitte tout sans un mot. L'inquiétude pour Tim et pour les enfants était grande mais ils vont bien. « Si tu veux je te laisse le dossier et tu regardes ça quand tu as envie. J'en ai plus besoin. » Du dossier ou de Tim ? Sans doute des deux, et pourtant ma voix n'est pas vraiment assurée, Timothy a beaucoup compté dans ma vie, il a été un soutien, il a été une lumière quand mon quotidien était sombre, il a été là pour moi mais aujourd'hui il n'est plus là et si j'aurais aimé partager mon bonheur avec lui, il est parti. Il est parti, voilà la seule chose qui soit très réelle, très concrète, il n'est plus là et je ne veux pas laisser son absence être une ombre au tableau. « Il a tourné la page et je me dis qu'il est peut-être temps qu'on le fasse aussi. » Moi, j'ai tourné la page, et j'espère pouvoir aider Primrose à le faire aussi. Voilà, pour une fois, je veux aider ma belle-soeur et c'est assez étrange finalement mais elle a le droit d'avancer elle aussi.
« Je veux bien un thé si tu as. » un thé, évidemment, elle est anglaise, bien sûr qu’elle veut un thé. C’est facile à faire, un thé, il suffit seulement de faire chauffer de l’eau. La bouilloire est juste là, pile quand je me tourne et d’une main qui se veut assurée, je l’attrape pour l’amener vers le lavabo. Ce n’est sûrement pas la façon la plus correcte de servir un thé mais hey, je ne suis pas anglaise et je ne bois pas de thé, je n’y connais rien, je fais du mieux que je peux. Tout comme pour l’information qu’Alex vient de me balancer sans crier garde. L’avantage est que cela m’occupe les mains mais pas suffisamment l’esprit. Rien qu’avoir ma belle-soeur seule à la colocation, sans les enfants ni mon frère me fait prier avec force et foi que Will voire même Theo débarque à ce moment. Cela pourrait briser un peu cette bulle qui a l’air de venir d’un monde parallèle dans laquelle j’ai l’impression d’être plongée. Je ne l’aime pas, cette bulle. Les surprises, l’inattendue de la sorte, je n’en suis pas friande. J’aime ma routine, mon quotidien. Prévoir les choses en avance pour m’y préparer. Alex débarque comme une anomalie de mon programme et ce qu’elle a l’air de tenir entre ses doigts encore plus. « On peut partager la part si tu veux. » je secoue la tête. “J’en ai tellement mangé que je peux plus le voir.” ce qui n’est pas faux. Mais c’est surtout un mensonge pour camoufler le nœud que j’ai à l’estomac. Je sors la petite assiette avec la dernière part trônant dessus fièrement - oui, il y a été beau et oui, il est bon, mais là n’est pas mon intention de me vanter alors que je le glisse à ma belle-sœur après avoir sorti une cuillère d’un des tiroirs. “Fais-toi plaisir.” en plus, Alex est en enceinte, il lui faut des forces, de l’énergie, toutes ces choses-là, n’est ce pas ? « Tu as besoin d'aide pour préparer ? » pile au même moment, la bouilloire a fini de s’agiter pour s’éteindre toute seule comme une grande. “Non, je-” je maitrise, c’est ce que je veux dire mais j’ai mes doigts qui font des conneries, pour ne pas changer, alors que je tente de mettre l’herbe à thé dans la petite boule à infuser. J’en fous partout à côté et je soupire. Je remets l’herbe dans le pot, je verse l’eau dans le mug et je tends le tout à Alex. “Je pense que tu es plus habituée que moi. Ce n’est pas du thé anglais mais c’est mieux que rien.” je sonne dépassée et ça ne serait pas une si mauvaise perception.
C’est pour ça que je finis par me calmer, assez pour lui demander des informations. Etrangement, il n’y a pas besoin de dire son prénom pour que l’on sache de qui on parle. Comme si, pour une fois, Alex et moi nous connections sur la même longueur d’onde. Cela n’était pas arrivé depuis… Depuis bien trop longtemps pour que je puisse m’en rappeler. « Oui je sais. » ça me fait une onde de choc. Un peu. J’essaie de ne pas en faire étalage. D’ailleurs, je me tourne pour aller me faire un café. Oui, c’est la meilleure chose à faire quand on est déjà nerveuse de nature, mais ça fait partie de mes habitudes, de mon quotidien. C’est comme un doudou que l’on tient contre soi. Seulement, le mien se boit, ce qui est encore mieux. « Il a été s'installer en France avec Gabriel et Willow. » je l’entends au-dessus de la machine à café qui fout un vacarme pas possible - ou alors ce sont les battements de mon cœur que j’entends jusqu’à mes tempes ? Il est parti en France. Si loin. Pourquoi ? Pourquoi aller si loin ? Il aurait été en Australie, j’aurai pu… J’aurai pu quoi ? Aller le voir ? Pourquoi faire ? Me faire rejeter ? Encore une fois ? « Il a l'air d'aller bien sur les photos. » c’est un petit soulagement, moi qui m’étais imaginée le pire. Mais comment le pire aurait pu arriver à cet être si bon ? Oh je sais bien que sa vie de famille n’a jamais été facile. Cependant, je ne peux pas me demander s’il n’essaie pas de fuir la mère de ses enfants. Je sais qu’elle était déjà une préoccupation à ses yeux. Comment ai-je fait pour ne pas voir, ne pas m’apercevoir qu’il s’apprêtait à prendre le large ? Est-ce que j’étais si obnubilée par le mariage de mon frère que j’en ai complètement octroyé le reste ? Est-ce que j’étais si heureuse que j’avais des oeillèrs qui m’empêchaient de voir la vérité ? « Si tu veux je te laisse le dossier et tu regardes ça quand tu as envie. J'en ai plus besoin. » je me rends compte que je suis bien silencieuse depuis quelques minutes. Mon attention est sur Alex, ou plutôt sur les mots qu’elle dit. Mon café a fini de couler depuis quelques minutes mais je reste focalisée sur ses paroles. « Il a tourné la page et je me dis qu'il est peut-être temps qu'on le fasse aussi. » je baisse la tête en déglutissant. Je sens les larmes monter. Cette phrase, cette simple phrase me bouleverse. Après tout ça. Je m’étais habituée à vivre dans l’ignorance. Il m’a fallu de longs mois pour faire mon deuil de cette relation et finalement, je me rends compte que je ne l’ai pas fini, ce deuil. Parce qu’Alex a décidé de faire des recherches. Je pourrai m’en prendre à elle pour me refoutre dans ce tourbillon que je n’ai pas demandé. Mais le fait est que je suis reconnaissante de savoir qu’il va bien. Qu’il est avec ses enfants. Même si ça me brise le cœur une nouvelle fois de comprendre qu’il refait sa vie ailleurs. Loin de moi. “On ne prévoit pas un déménagement en France comme ça. Je… Comment je n’ai pu rien voir ?” je passe une main sur mon visage. Ça ne sert à rien de ressasser tout ça. J’en ai conscience. Je pince mes yeux avec mes doigts pour retenir l’eau qui menace de s’effondrer. “Au moins il va bien. C’est déjà ça.” je tente de voir le bon côté des choses même si c’est dur et que ça fait mal. “Je me demande pourquoi. Est-ce qu’il essaie de fuir la mère des jumeaux ?” j’ouvre mes yeux sur Alex. “Tu la connaissais ?” je finis enfin par me rappeler de mon café que je vais prendre avant de m’installer sur une des chaises hautes de l’îlot central. J’ai l’air d’une automate mais j’ignore comment prendre véritablement cette nouvelle. Je ne m’attendais pas à tout ça, en me levant ce matin.
Envoler, le passé. Avancer pour trouver en moi tout les courages J'ai fini par refermer les blessures de mon passé. Appris à tourner la page. J'ai fini par oublier tous ce qui s'étais passé.
La situation n'est pas franchement la situation la plus agréable, mais au vue des circonstances, il n'y a rien d'anormal à ressentir une certaine tension, une certaine gêne entre nous. Je fais des efforts pour me montrer courtoise et pas désagréable, parce qu'aujourd'hui, ça va au delà de notre rancœur, au delà de nos petites disputes. Je fais un pas vers elle pour évoquer un sujet qui lie, même si on s'en serait bien passée toutes les deux. Mais Tim a compté pour nous, de façon différente, il a partagé nos vies. Un ami, un confident pour moi, un petit-ami pour elle, il a été une personne importante pour nous et il n'est plus. Non pas qu'il soit mort, j'ai appris qu'il était bien en vie et en bonne santé, mais il n'est plus dans nos vies aujourd'hui et c'est à moi qu’incombe la tâche d'annoncer à Primrose qu'il a refait sa vie. Rien ne m'y oblige à le faire, mais elle mérite de savoir, elle mérite d'avoir le droit à des réponses pour tourner définitivement la page. Mais avant ça, c'est avec prudence et retenue que j'avance dans son appartement. Elle évite le sujet, et je l'accepte. Je lui laisse le temps nécessaire pour se sentir prête. “J’en ai tellement mangé que je peux plus le voir.” Le gâteau est beau, parfaitement bien présenté, je reconnais bien là le travail minutieux et impeccable des Anderson en cuisine. “Fais-toi plaisir.” Je lui souris, presque amicalement, un sourire de circonstance, ni faux, ni vraiment sincère, juste un sourire de politesse. « Merci, il a l'air très bon. » Et je n'ai pas à me forcer pour dire ces mots, parce qu'il a vraiment l'air bon et le talent de Primrose n'est plus à prouver. Je prends une première cuillère du gâteau, et je la regarde s'agiter dans sa cuisine et même se débattre avec le thé. Elle refuse mon aide, avant de finir par me laisser me faire mon thé. “Je pense que tu es plus habituée que moi. Ce n’est pas du thé anglais mais c’est mieux que rien.” Mes origines Anglaises ne sont pas un secret, je ne le cache pas mais je ne suis pas non plus très attachée à la culture de mon Pays d'origine et je ne lui tiendrais pas rigueur si elle n'a pas de thé anglais. « C'est très bien, comme ça. » Voilà encore une remarque que je ne dis que pour tenter de la rassurer parce que je la sens vraiment perdue, dépassée par les évènements et je ne voudrais pas que du thé devienne un sujet de tension alors que la discussion qui nous attends est hautement plus sensible.
Elle finit par me questionner sur Tim, une seule question et je lui apporte quelques réponses. Je parle, elle écoute. Enfin elle semble écouter même si elle s'agite toujours dans sa cuisine et je suis assez bien placée pour comprendre la situation. Je suis nerveuse aussi, j'ai beaucoup de mal à gérer mes émotions et j'ai besoin d'occuper mes mains quand je suis stressée. Je ne lui en tiens pas rigueur parce que je sais que la situation est délicate, et que ce soit moi qui lui annonce tout, ça n'aide sans doute pas. “On ne prévoit pas un déménagement en France comme ça. Je… Comment je n’ai pu rien voir ?” Je sens l'émotion de Prim et je m'en veux de lui faire revivre ces moments, parce que je me doute qu'elle doit être en train de ressasser les souvenirs de leurs derniers moments ensembles. « Ne fais pas ça. » Je l'ai fais aussi. J'ai cherché à comprendre, j'ai cherché des éléments dans nos dernières discussions pour comprendre. Mais, il n'y avait rien. Il n'a jamais été bon menteur Tim, mais faut croire qu'une fois dans sa vie, il a réussi à tromper tout le monde. « Tu vas te faire du mal pour rien, personne n'a rien vu et c'est ce qu'il voulait, tu n'es pas responsable. » Pour une raison que j'ignore il a préféré nous tenir éloigné de ses problèmes, de sa vie même, mais il l'a fait par choix et ce n'est pas à Prim ou à moi-même de ressentir une culpabilité pour ne pas avoir vu, pour ne pas avoir pu l'aider. Il a refusé notre aide, il a refusé de nous intégrer à sa nouvelle vie et il a plutôt bien réussi son coup. « Son frère est avec lui sur quelques photos, je pense qu'il a du tout préparer le déménagement, il était plus doué que Tim pour ce genre de choses. » Voilà qui pourrait expliquer un peu pourquoi il a pu disparaître du jour au lendemain, pourquoi personne n'a rien vu, pourquoi Tim semblait pas occupé par autre chose même si dans sa tête ça devait être le bordel, son frère a du gérer tout ça pour eux. Et j'ai vu un Tim visiblement heureux et impliqué dans mon mariage, avant de le voir foutre le camp quelques jours après. Le témoin de mon mariage prévoyait un départ et moi je ne faisais que lui partageais mon bonheur, je m'en veux, je lui en veux aussi mais c'est la vie. Et si j'ai pleins de photos de mon mariage chez moi, je réalise que je n'en ai pas une seule avec mon témoin parce que Tim n'est plus rien. Plus un ami, plus le parrain de notre fille, plus mon témoin, plus qu'un souvenir d'une vie passée. “Au moins il va bien. C’est déjà ça.” Elle me sort de mes pensées et je réalise que ça fait de longues minutes que je mélange mon thé sans le boire. « C'est surtout pour ça que j'ai fais des recherches, je voulais juste être certaine qu'il n'avait pas fait de conneries. » De quelles conneries je parle ? Primrose pensera ce qu'elle veut de mes mots, mais un départ du jour au lendemain, personne ne fait ça non ? Ironique comme question venant d'Alex. Enfin personne qui va bien plutôt. Personne d'heureux ne plaque tout du jour au lendemain, personne avec une stabilité mentale et affective ne plaque tout pour se reconstruire ailleurs. Tim l'a fait et ça semble marcher pour lui, alors tant mieux. “Je me demande pourquoi. Est-ce qu’il essaie de fuir la mère des jumeaux ?” Je secoue la tête, je n'en suis pas totalement certaine mais au vue des quelques informations recueillis par ce détective privée, il semblerait que ce soit en lien avec la mère des jumeaux. « Sûrement, après ce n'est que des déductions, mais dans le dossier il y a quelques éléments datant d'avant son départ, dont une demande de garde de la part de la mère. » Et jamais Tim n'aurait laissé les enfants entre les mains d'une femme qui les a abandonné, surtout pas si cela signifiait qu'il pouvait perdre la garde de ses enfants. Il aurait du se battre, c'est ce que je me dis, ce que j'aurais aimé lui dire aussi. Lui dire qu'il n'était pas tout seul pour faire face à cette situation mais il a choisi une solution plus radicale. Pas meilleure, mais plus définitive qui pourrait lui apporter des problèmes, mais ce n'est plus de mon ressort désormais. “Tu la connaissais ?” La question me surprends, mais en voyant Prim s'asseoir, j'en fais autant. « Je l'ai vu une fois. » Le souvenir de cette rencontre me revient en mémoire. « C'était peu de temps après le départ de Tim à l'armée à cause d'elle d'ailleurs. » Un autre souvenir pas des plus agréables puisqu'à ce moment, j'avais l'impression de voir ma vie s'écrouler à nouveau. Caleb me détestait pour avoir recouché avec lui, Tim me détestait pour ce que je lui avais dis avant son départ, et j'étais seule. « Je l'ai frappé, avant d'apprendre qu'elle était enceinte de Tim. » Voilà une confidence dont je ne suis pas fière mais c'est pourtant ce qu'il s'est passé et si je ne regrette pas de l'avoir frappé, je regrette de l'avoir fait alors qu'elle était enceinte des jumeaux. « Elle lui a fait énormément de mal, il est parti à l'armée à cause d'elle, c'était la première femme dont il tombait amoureux. » Un vrai amour, pas une amourette ou un sentiment d'attirance comme il a pu avoué avoir eu pour moi. « C'est pour ça que j'ai mal réagi quand j'ai appris pour vous deux. Je suis désolée pour ça d'ailleurs. » C'est peut-être la première fois que je m'excuse pour ce moment, pour cette réaction que j'ai eu, pour avoir insinuée que peut-être elle y était pour quelque chose dans son départ. Et je suis aussi désolée pour ce que je lui apprête à lui dire maintenant. « Il a refait sa vie. » Après lui avoir dit qu'il avait tourné la page, je lui dis d'une autre façon qu'il est passé à autre chose. « Il est en couple avec une Française. Je suis désolée Prim. » Et ce ne sont pas que des mots, pour le coup, je suis vraiment désolée pour elle, désolée d'être celle qui lui apprends que son ex a refait sa vie et qu'il semble heureux avec une autre femme.
« Merci, il a l'air très bon. » il l’est, j’en suis sûre, j’ai participé aussi bien à son élaboration qu’à sa destruction. C’est si facile de se poser devant la télévision avec une part qu’on en redemande toujours plus à chaque fois. Mais là, mon estomac est trop noué pour avaler quoique ce soit. Autant qu’il soit apprécié à sa juste valeur et Alex m’a confié la confection de son gâteau de mariage, c’est qu’elle doit apprécier ce que je fais. « C'est très bien comme ça. » je fais un bref petit sourire, ne pouvant que remarquer qu’elle me laisse mon espace sans l’envahir ni chercher à pousser trop loin. Chose que j’apprécie car je ne m’attendais pas à cette entrée en matière, ni maintenant, ni jamais.
« Ne fais pas ça. » oh si, je le fais. Je ne peux pas m’en empêcher, c’est plus fort que moi. Ressasser tous les souvenirs, toutes les scènes, les conversations, les regards, les sourires. Les coins dans l’appartement, son comportement, s’il avait l’air absent ou non. Maintenant que j’y repense, Tim l’a été parfois. Ailleurs. Mais j’ai été tellement cruche. De toute façon, même si je l’avais deviné, même s’il me l’avait dit, qu’est-ce que j’aurai fait ? J’aurai pu le supplier, lui demander de rester, est-ce qu’il m’aurait écouté ? La perspective que non me blesse tout autant. Cela signifie dans un sens comme dans l’autre que je ne représentais rien à ses yeux. Qu’une passade avant de s’envoler loin d’ici pour refaire son existence ailleurs. Sans mot, sans message, sans rien. Juste un appartement vide et des questions sans réponses. « Tu vas te faire du mal pour rien, personne n'a rien vu et c'est ce qu'il voulait, tu n'es pas responsable. » Alex n’a pas tort, j’en ai conscience, mais cela n’ôte pas toute la tristesse et la colère que cette situation me fait ressentir. « Son frère est avec lui sur quelques photos, je pense qu'il a du tout préparer le déménagement, il était plus doué que Tim pour ce genre de choses. » je passe ma main sur mon front. “Il y a des chances. Mais comment Tim a réussi à nous mentir ? A nous regarder dans les yeux, à être à ton mariage, le préparer et tout ça sans rien dire ?” même si j’ai un talent particulier pour le mensonge, une fuite n’est pas anodine dans une liste des choses à faire. “A nous sourire en sachant qu’il nous abandonnerait les jours d’après ? Je n’arrive pas à… A comprendre comment il a pu être aussi lâche.” Tim était beaucoup de choses mais lâche n’en faisait pas partie. "Ça ne lui ressemble tellement pas.” « C'est surtout pour ça que j'ai fais des recherches, je voulais juste être certaine qu'il n'avait pas fait de conneries. » je fronce le front et mes sourcils en pesant ses mots. “Il n’en aurait pas été capable…” j’essaie de m’en convaincre mais j’ai l’impression que je n’ai jamais vraiment connu Tim, au final. Si je l’avais vraiment connu, je n’aurai pas pensé une seule seconde qu’il puisse m’abandonner comme il l’a fait.
« Sûrement, après ce n'est que des déductions, mais dans le dossier il y a quelques éléments datant d'avant son départ, dont une demande de garde de la part de la mère. » même pour les yeux de ses enfants. Il aurait au moins pu laisser un message ou quelque chose. Il a juste préféré nous laisser dans l’incertitude, nous faire imaginer le pire des scénarios, plutôt que de prendre ses responsabilités et nous contacter. D’une façon ou d’une autre. Tim m’a déjà parlé de la mère de ses enfants et je sais qu’il craignait qu’elle revienne dans leurs vies. Mais est-ce que ça signifiait aussi que nous devions être punies pour son acte ? « Je l'ai vu une fois. » je vais finalement pouvoir en apprendre davantage de la part de quelqu’un d’autre. Qui aurait cru que ça serait Alex qui m’en dirait plus ? « C'était peu de temps après le départ de Tim à l'armée à cause d'elle d'ailleurs. » il m’en avait parlé de ça. Elle avait sacrément dû le faire souffrir pour qu’il en vienne à prendre une telle mesure. « Je l'ai frappé, avant d'apprendre qu'elle était enceinte de Tim. » beaucoup d’informations choquantes en une phrase mais le fait qu’Alex frappe quelqu’un… Pas surprenant. Elle ne pouvait pas savoir. « Elle lui a fait énormément de mal, il est parti à l'armée à cause d'elle, c'était la première femme dont il tombait amoureux. » j’hoche lentement la tête. “Je sais, il me l’avait dit. Je me demande ce qu’elle a fait pour qu’il soit aussi brisé.” sa première femme tout court mais à l’histoire compliquée, mort dans l’oeuf dès le début. Passionné mais pas dans le bon sens. Je préfère ne pas y penser, ça va me donner envie de pleurer sinon. « C'est pour ça que j'ai mal réagi quand j'ai appris pour vous deux. Je suis désolée pour ça d'ailleurs. » j’hausse les épaules. “Lui voulait te le dire. C’est moi qui ai refusé. J’ai eu peur de… Comment tu aurais pu réagir.” je m’épate presque de réussir à le dire aussi franchement. Je passe mon doigt sur mon arcade en soupirant. “Et puis, c’était votre mariage, on ne voulait pas gâcher ça. Je pense qu’on vous l’aurait dit après.” oh bah au final, ça a été dit après. Mais pas de la façon dont j’aurai pensé.
« Il a refait sa vie. » je relève les yeux vers elle avec une expression interrogative. “Oui, j’avais compris. En France.” est-ce qu’elle a besoin de le répéter pour réussir à s’en convaincre ? Si elle pouvait le faire à voix basse, ça serait mieux quand même. « Il est en couple avec une Française. Je suis désolée Prim. » oh. Mon visage se décompose. J’essaie de faire bonne figure mais c’est brutal à apprendre. Ce n’est pas de la faute d’Alex, car elle aurait pu prendre toutes les pincettes du monde que le fond n’aurait pas changé. Tim a refait sa vie. Je n’étais rien pour lui. Que le néant. Un passe-temps. Ça fait mal. Ça fait très mal. “Très bien. Cool pour lui.” je mords mes lèvres et je papillonne mes paupières avant de lever mes doigts dessus pour bloquer. Mais ça ne suffit pas car les larmes finissent quand même par sortir et rouler le long de mes joues. Je sais qu’il y a Alex juste à côté de moi mais franchement, je m’en fous. Elle peut comprendre. Je suis pathétique. “Je pensais que j’étais passée outre mais ça fait toujours mal.” que je bredouille au milieu de tout ça en camouflant mes yeux avec la paume de ma main. C’est bien la première fois que je me montre aussi abattue devant ma belle-soeur. Il y a une première à tout, il paraît. Je m’en serai bien passée, de celle-là.
Envoler, le passé. Avancer pour trouver en moi tout les courages J'ai fini par refermer les blessures de mon passé. Appris à tourner la page. J'ai fini par oublier tous ce qui s'étais passé.
Ils sont rares les moments que Prim et moi, nous passons toutes les deux. Très très rares parce que c'est pas vraiment la grande entente entre nous mais aujourd'hui je mets de côté nos derniers échanges, nos dernières disputes et les tensions entre nous pour lui parler de Tim. Voilà au moins un sujet sur lequel nous pouvons nous entendre ou plutôt nous comprendre un peu. Il est parti sans un mot et on s'est retrouvées, elle et moi, avec des questions sans réponses et la sensation d'avoir été abandonné. Elle n'a rien vu, je n'ai rien vu, et c'était sans doute le choix de Tim. Ce qu'il voulait même si ça n'a pas de sens, même si ça ne lui ressemble pas, c'est lui qui a décidé de nous quitter, de préparer tout ça dans notre dos. “Il y a des chances. Mais comment Tim a réussi à nous mentir ? A nous regarder dans les yeux, à être à ton mariage, le préparer et tout ça sans rien dire ? A nous sourire en sachant qu’il nous abandonnerait les jours d’après ? Je n’arrive pas à… A comprendre comment il a pu être aussi lâche” Ces questions je me les suis posée aussi, je lui en ai voulu, je m'en suis voulu aussi d'avoir été trop aveuglée par mon propre bonheur pour ne pas voir qu'il n'allait pas bien. Mais, il était là, il était souriant, il était investi et jusqu'au bout il a assuré son rôle de témoin et je me demande comment il a pu tout gérer sans rien laisser paraître, partager mon bonheur, me féliciter tout en sachant qu'il allait me laisser. « J'ai regardé les photos de mariages, j'ai regardé les vidéos, j'ai essayé de comprendre, mais je ne sais pas, vraiment je sais pas comment il a pu s'investir autant pour le mariage tout en sachant que je ne ferai plus partie de sa vie quelques jours plus tard. » J'ai du mal à cacher ma rancœur, du mal à cacher ma déception aussi mais c'est la vie et j'ai tourné la page. J'ai accepté son départ, bien aidé par la présence dans ma vie de mon mari et de mes filles. "Ça ne lui ressemble tellement pas.” Je ne suis pas totalement d'accord avec Primrose à ce sujet, Tim n'est pas lâche mais Tim était le pro pour faire passer le bonheur des autres avec le sien, pour faire passer l'intérêt des autres avec le sien aussi et c'est bien ce qu'il a fait finalement, je dois lui reconnaître au moins ça. « Je pense qu'il voulait juste éviter de tout gâcher, il a souvent fait ça. » Et puis quand on y pense, il a prouvé par le passé qu'il était capable de fuir puisqu'il l'avait fait en s'engageant à l'armée et en quittant Brisbane du jour au lendemain, sauf que cette fois là il avait prévenu même si je n'avais pas mieux accepté son départ. “Il n’en aurait pas été capable…” J'aimerais pouvoir le certifier, pouvoir le dire avec aucun doute dans la voix qu'il n'aurait pas été capable de faire une connerie, mais j'en ai douté, j'ai eu peur parce qu'il a pu me surprendre par le passé Tim, et il nous a bien surprit en disparaissant du jour au lendemain.
Mais, dans tout les cas, j'ai mes réponses, ou une partie du moins, les plus importantes et il va bien, il n'a pas fait de conneries de quelques sortes que ce soit, il n'a pas décidé de s'engager à nouveau dans une carrière pouvant potentiellement le mener à la mort, il n'a pas non plus commit l'irréparable. “Je sais, il me l’avait dit. Je me demande ce qu’elle a fait pour qu’il soit aussi brisé.” Je lève les épaules, j'aimerais lui donner une réponse plus claire, plus précise mais je n'en ai aucune. « Je n'ai jamais réellement su les raisons précises, j'ai eu un sms de Tim un soir pour me dire au-revoir, on s'est disputé, il est parti et je n'ai jamais eu de réelles explications, juste qu'il avait le cœur brisé. » Je n'aime pas repenser à ce jour, à cette période puis-qu’après cette dispute, j'ai bu, j'ai repris de la drogue, j'ai fait des conneries. J'étais seule, tellement seule, détestée par Caleb et Tim. Je me suis retrouvée face à cette femme qui souhaitait le mal de Tim et j'ai de nouveau mal agit. Je ne suis pas fière de tout ça, mais si c'était mon unique erreur et unique moment de honte je pense que je pourrais bien le vivre. J'ai fais beaucoup de conneries, fais beaucoup de mauvais choix, et je me suis jamais assez excusés, et si j'ai appris un peu au contact de Caleb, c'est l'importance des excuses. Des excuses que je fais pour la première fois à Primrose au sujet de ma réaction quand j'ai appris pour son histoire avec Tim. “Lui voulait te le dire. C’est moi qui ai refusé. J’ai eu peur de… Comment tu aurais pu réagir.” Une pointe de moi est soulagée, soulagée d'apprendre que Tim n'avait pas envie de me cacher sa relation, mais finalement il m'a caché bien pire alors c'est qu'une bien maigre consolation. Primrose m'a déjà dit avoir peur de ma réaction mais la dernière fois je passais presque pour un tyran, aujourd'hui elle est juste sincère et honnête et je ne prends pas mal sa réaction, dans un sens elle avait raison. J'aurais sûrement mal réagit, par méfiance sûrement, par peur qu'elle l'éloigne de moi, mais tout ça, ça n'a plus de valeur aujourd'hui. “Et puis, c’était votre mariage, on ne voulait pas gâcher ça. Je pense qu’on vous l’aurait dit après.” C'est un élément que j'apprécie, qu'ils aient décidé de penser à notre mariage, à notre bonheur aussi. Elle était la témoin de Caleb, Tim le mien et nous fâcher avec nos témoins à quelques jours du mariage, il y a mieux pour être serein non ? « Vous avez bien fait de ne rien dire finalement, je pense que j'aurais mal réagit et pour le mariage c'était mieux comme ça. » Non pas que je donne raison totalement à Primrose, mais je lui concède qu'avec du recul et les circonstances passées, son mensonge a eu plus de côté bénéfique que négatif pour mon mariage et pour moi aussi.
Et ce qui arrive après n'est pas le moment le plus agréable, il est même de loin celui que je redoute. J'aurais pu la laisser découvrir par elle même les photos, la laisser prendre conscience que son ex l'a oublié et a refait sa vie, mais je prends la responsabilité de lui annoncer. “Oui, j’avais compris. En France.” Elle n'a visiblement pas compris exactement ce que je lui annonce, et je dois être plus précise, dire les mots qui font mal et c'est beaucoup de retenue que je lui annonce que Tim est en couple avec une Française. Je vois le visage de ma belle-sœur changer, je sens qu'elle encaisse la nouvelle et je sens qu'elle ne le gère pas vraiment très bien. Je ne peux que la comprendre même si son couple a prit fin le jour ou Tim est parti, apprendre qu'il a refait sa vie, qu'il a tourné la page c'est douloureux pour elle et je compatis sincèrement à son émotion. “Très bien. Cool pour lui.” Voilà des mots que j'aurais pu prononcer moi aussi dans un cas similaire. Une forme de détachement qui n'est qu'une parade pour éviter de montrer ses émotions. Des émotions qui finissent par prendre le dessus et par s'exprimer, je la vois pleurer. Ce n'est pas une situation habituelle, et si je comprends ses larmes, sa douleur, c'est difficile pour moi de savoir comment réagir face à la peine de ma belle-soeur. Avec d'autres personnes j'aurais trouvé les mots, les gestes, ou j'aurais essayé mais avec Primrose la situation est plus compliquée et je n'ose pas bouger comme si je voulais faire oublier ma présence pour rendre ce moment moins gênant et difficile pour nous deux. « Je suis désolée. » C'est tout ce que je trouve à dire, je l'ai déjà dit pourtant, mais la voir comme ça me rends légèrement mal à l'aise parce que je la comprends mais je ne peux rien faire. “Je pensais que j’étais passée outre mais ça fait toujours mal.” Je détourne le regard en voyant Prim se cacher les yeux. Je ne sais pas pourquoi, peut-être que c'est un moyen de gérer la situation, de respecter son émotion aussi. Ou un moyen de mettre un peu de distance entre elle et moi, parce que je me sens de plus en plus émue par les émotions de Primrose qui commence à m'envahir. « Je ne savais pas comment te le dire, mais je me suis dis que tu méritais de le savoir pour tourner la page. » Je ne sais pas si vraiment elle méritait d'apprendre que son ex à refait sa vie, ça semble étrange dit comme ça non ? « Tu l'aimes toujours ? » Elle pensait avoir passée outre, mais si elle le dit ainsi c'est que ce n'est pas forcément le cas non ? Je ne sais pas si j'ai le droit de lui poser cette question, je ne sais même pas si elle l'aimait vraiment, ils n'étaient qu'au début de leur relation non ? Mais son émotion est sincère, sa douleur aussi et je ne peux pas lui annoncer ça et partir en la laissant seule. Peut-être que c'est ce qu'elle voudrait pourtant, mais je ne sais pas comment me comporter avec elle. Je ne sais pas ce dont elle a besoin Prim, après tout on a passé ces dernières années à s'ignorer au mieux, à s'attaquer au pire et aujourd'hui c'est assez nouveau et si Tim aura réussi quelque chose dans son départ c'est de nous rapprocher, au moins pour aujourd'hui.
@Primrose Anderson (remercie Alicia pour avoir réussi à réduire et éviter un pavé interminable )
« J'ai regardé les photos de mariages, j'ai regardé les vidéos, j'ai essayé de comprendre, mais je ne sais pas, vraiment je sais pas comment il a pu s'investir autant pour le mariage tout en sachant que je ne ferai plus partie de sa vie quelques jours plus tard. » c’est juste incensé. Tim m’a toujours dit qu’il ne savait pas mentir. Qu’il était nul pour camoufler la vérité, pour inventer une histoire, pour regarder les autres en leur disant noir tout en pensant blanc. Comment est-ce qu’il a pu être si doué aussi longtemps sans que personne ne remarque rien ? Je ne comprends toujours pas et je n’aurai sûrement jamais assez de réponses satisfaisantes. Je suis persuadée que même si Tim revient, la bouche remplie d’explications, ça ne me conviendra pas. J’ai été si bête, si naïve. C’est tout moi, de toute façon. A me lancer dans quelque chose, espérer et me manger le sol juste après. On pourrait croire que j’apprends de mes erreurs mais ce n’est visiblement pas le cas quand je considère le trou béant que ça continue de creuser en moi. « Je pense qu'il voulait juste éviter de tout gâcher, il a souvent fait ça. » j’ai presque un sourire mélancolique, mais qui est plutôt moqueur au final. “Il a toujours su laisser passer les autres avant lui sauf quand il aurait fallu.” je ne peux pas prétendre le connaître aussi bien qu’Alex le connait. Mais si ma relation avec Tim n’a pas duré un an, j’ai été réellement amoureuse. Je le suis encore, et je le serai toujours un peu quelque part. Cette histoire a été si honnête, si profonde, si douce… Une jolie parenthèse dans ma vie chaotique qui a su m’apaiser. Mais qui est bien finie, à présent. Retour à la réalité, ma grande.
« Je n'ai jamais réellement su les raisons précises, j'ai eu un sms de Tim un soir pour me dire au-revoir, on s'est disputé, il est parti et je n'ai jamais eu de réelles explications, juste qu'il avait le cœur brisé. » et qui a le coeur brisé, maintenant ? Incroyable cette capacité à pouvoir juste agir aussi spontanément sans rien dire à personne. A croire qu’il pense nous protéger en ne nous disant rien, c’est totalement l’inverse. Au moins, dans ce malheur, il y a un côté positif ; c’est bien la première fois depuis trop longtemps que je me retrouve seule avec Alex et que l’entente semble être cordiale. Voire même triste et sous l’émotion, à juste titre. Parce que personnellement, je ne peux pas me voiler la face tout le temps. Devant ma belle-sœur qui peut me comprendre sur ce point-là mieux que personne, j’en suis incapable. Je ne suis pas si froide que je peux donner l’impression d’être. D’ailleurs, quand j’avoue que c’est moi qui voulais garder notre histoire secrète, j’ai cru qu’Alex allait tempêter. On ne sait jamais, encore plus avec une Alex avec les hormones en confettis d’une grossesse qui se voit de plus en plus. Mais non, elle ne donne pas de signe avant coureur de celle qui commence à avoir les narines qui sifflent et la fumée qui sort. C’est bon signe. « Vous avez bien fait de ne rien dire finalement, je pense que j'aurais mal réagi et pour le mariage c'était mieux comme ça. » et en plus elle avoue d’elle-même que sa réaction n’aurait pas été la meilleure. J’ai là un petit sourire qui s’affiche, celui qui veut dire de rien. Le mariage de Caleb et Alex a été la bonne excuse pour camoufler que je n’étais pas prête. Mais ceci dit, on a été doués pour se cacher pendant les préparatifs aussi. Je ne regrette pas.
Par contre, ce que je regrette, c’est l’annonce qui suit. Tim a refait sa vie. Tim est avec une autre. Tim est en couple. Tim a su tourner la page. Contrairement à moi. Moi, je stagne. Je reste au point mort, au point zéro. Non, pire, je recule. Ma main sur mon front, la tête repliée, je ne peux pas retenir les larmes qui coulent. C’est vraiment humiliant. Offensant. J’aurai pensé qu’il serait en train de faire son deuil, de se languir… Mais non. Il a refait sa vie. Là-bas, en France. « Je suis désolée. » je me rappelle de la présence d’Alex et c’est encore pire. Je n’aime pas pleurer, me laisser aller avec du public. Je tente de ravaler mes larmes avant de me lever pour aller chercher un mouchoir. “C’est pas de ta faute.” ça, au moins, je ne peux pas le lui reprocher. J’essuie mes yeux, mes joues et mon nez en priant pour que le reste se retienne jusqu’au départ d’Alex. « Je ne savais pas comment te le dire, mais je me suis dis que tu méritais de le savoir pour tourner la page. » si seulement c’était aussi simple… « Tu l'aimes toujours ? » je passe ma langue sur mes lèvres en faisant face à Alex. Tant pis si mes yeux sont un peu rouges et que j’ai perdu de ma superbe. “Je pense qu’une partie de moi l’aimera toujours. Même si notre histoire n’a pas duré longtemps, je… J’y ai cru. Il m’a…” je soupire légèrement en levant les yeux pour trouver les mots sur ce que je veux dire - c’est compliqué. “Il a été un moteur puissant pour que je devienne une meilleure personne. Sans rien faire d’autre que d’être là pour moi.” je retourne lentement vers mon siège pour me rasseoir, mon mouchoir toujours dans les mains. Je joue avec et je me regarde faire pour éviter de porter le regard de ma belle-sœur sur moi. “J’ai eu l’impression d’avoir été une meilleure personne grâce à lui. Depuis qu’il est plus là… Je réalise que je suis toujours moi. Et Primrose sans lui, c’est nul.” c’est nul, autant dire que c’est pire que ça. Je ne suis rien, je n’ai jamais été quelqu’un, je ne le serai jamais. Je suis misérable, pitoyable, je mens, je cache. Je ne fais rien de correct, je suis lâche, je choisis la facilité. Je me prends pour ce que je ne suis pas mais j’ai conscience aussi de ce que je suis ; un être totalement insignifiant qui ne marquera pas la terre de son existence et qui n’aimera jamais quelque chose de bien dans son sillage. “C’est un peu comme toi avec Caleb, au final.” je réalise en relevant la tête vers elle. “Caleb a fait de toi une meilleure personne, n’est-ce pas ?” sûrement qu’on se ressemble beaucoup plus, Alex et moi, que je veux l’admettre. Après tout, il n’y a qu’à me voir avec une bouteille de vin que je siffle bien trop rapidement ces derniers jours.
Envoler, le passé. Avancer pour trouver en moi tout les courages J'ai fini par refermer les blessures de mon passé. Appris à tourner la page. J'ai fini par oublier tous ce qui s'étais passé.
“Il a toujours su laisser passer les autres avant lui sauf quand il aurait fallu.” Je ne peux que comprendre la remarque de Primrose. Ce départ, cette fuite de sa part, c'est peut-être aussi pour ça que c'est si dur, si incompréhensible, parce qu'on le connaît toutes les deux et on sait ô combien il a toujours voulu prendre soin des autres et leur éviter des souffrances. Mais c'est peut-être en un sens ce qu'il a fait. Pas pour nous, mais pour ses enfants et si c'est dur de lui trouver des excuses parce que je l'aurais préféré dans ma vie que loin, la maman en moi peut essayer de comprendre. « Peut-être qu'il a fait passer ses enfants avant lui, qu'il a voulu les protéger au détriment de son propre bonheur. » Il aurait du nous demander de l'aide, il aurait du se battre sans fuir mais si ce que les documents montrent, disent vrais, il a fuit pour protéger ses enfants de leur mère, il a fuit pour pas qu'on lui retire ses enfants et c'est quelque chose que je peux comprendre au fond de moi. Je ferais n'importe quoi pour mes filles, mais ça Primrose ne peut pas le comprendre et je ne peux pas lui demander de le comprendre non plus. Elle souffre, elle a souffert à cause de ce départ et la façon dont Tim s'est enfuit ne rends son absence que plus douloureuse encore et elle a toutes les raisons de lui en vouloir. Même si je peux comprendre, je lui en veux aussi alors je serais bien hypocrite de juger Primrose la dessus non ?
Ce sur quoi je ne la juge pas non plus, c'est quand elle m'avoue avoir été celle qui voulait garder leur histoire secrète. Je m'en doutais sans doute déjà un peu, mais est-ce que ça a encore de l'importance aujourd'hui ? Leur histoire n'a pas joué dans le départ de Tim, il n'est pas parti à cause d'elle alors à quoi bon rappeler les sujets qui fâchent ? J'aurais aimé que Tim m'en parle oui, parce qu'il était mon confident et l'un de mes plus proches amis, mais il ne l'a pas fait et c'est une histoire passée non ? J'aurais sans doute mal réagit et à cette époque, pour le mariage, Prim et moi, nous nous voyons assez souvent alors ça aurait été sans doute une épine dans nos chaussures qu'aucunes de nous auraient aimé avoir au quotidien. A la place de ça, ils ont vécu leur histoire cachée de tous, et j'ai eu mon mariage de rêve alors à la vue des événements passés, le choix de Primrose fut sans doute le bon même si ça a entraîné une confrontation plus tard entre nous deux mais ça aussi c'est du passé non ? Sans doute que ce n'est pas aussi simple que ça, mais aujourd'hui, si la hache de guerre n'est pas enterrée, la trêve est presque proclamée, au moins le temps de cette discussion, de cet échange de ressentis au sujet de Tim. Et je suis sûre qu'une partie de lui serait heureux de nous voir parler ainsi elle et moi, je suis certaine qu'il aurait essayé de nous rapprocher mais c'est son départ qui a cet effet, aujourd'hui au moins. C'est assez triste et assez ironique finalement mais c'est dans l'absence d'un même homme et une tristesse semblable que nous trouvons un terrain d'entente.
La nouvelle qui arrive, pourrait de nouveau tout faire basculer, et quand je vois les larmes de Primrose, je me sens coupable d'être celle qui lui annonce ça. Je me sens mal de voir sa peine, incapable de retenir ses larmes, je sais ma belle-soeur sensible, mais la voir pleurer, la voir se montrer vulnérable devant moi c'est assez rare comme situation et je ne sais pas si c'est les hormones ou juste ma sensibilité habituelle, mais je suis touchée par ses larmes et par sa tristesse visible. “C’est pas de ta faute.” Non c'est vrai, c'est pas de ma faute, mais peut-être aurait-elle préféré ne pas le savoir ? Vivre dans le déni, c'est parfois plus facile même si ça n'aide pas à avancer, mais est-ce que savoir ça va l'aider ? Seule Primrose pourra le savoir et seul le temps pourra le dire. “Je pense qu’une partie de moi l’aimera toujours. Même si notre histoire n’a pas duré longtemps, je… J’y ai cru. Il m’a…” Je suis un peu surprise de la réponse de Primrose, de son honnêteté surtout parce que je ne suis pas la première personne (ni même la deuxième ou la centième d'ailleurs) avec qui elle doit vouloir parler de ses peines de cœur. Mais, elle le fait et je l'écoute avec attention et en prenant garde à ne pas trop la fixer pour ne pas la mettre mal à l'aise parce que j'imagine que ça ne doit pas être simple comme situation pour elle, alors je joue avec la cuillère et je lui laisse le temps nécessaire pour qu'elle puisse trouver ses mots et se confier à moi. “Il a été un moteur puissant pour que je devienne une meilleure personne. Sans rien faire d’autre que d’être là pour moi.” Et s'il y a bien une personne qui peut comprendre les mots de Prim, je crois que j'en fais partie. Devenir une meilleure personne par amour, devenir une meilleure personne juste grâce à la présence dans sa vie d'un homme bon, d'un homme aimant, d'un homme qui te donne la confiance nécessaire pour devenir une personne dont tu peux être fière. Oui je crois que je comprends parfaitement chaque mots, chaque émotions que Prim ait en train de dire et ressentir. J'ai arrêté de jouer avec ma cuillère, je fixe un point sur le mur devant moi, l'émotion de Prim, l'émotion dans la pièce est forte et ça commence à être dur à gérer pour moi. “J’ai eu l’impression d’avoir été une meilleure personne grâce à lui. Depuis qu’il est plus là… Je réalise que je suis toujours moi. Et Primrose sans lui, c’est nul.” Les mots peuvent paraître violents, et ils le sont. Mais, je comprends chacun d'eux. Je comprends cette sensation de vide, cette sensation d'être perdue, cette sensation d'avoir tout perdu, et de s'être perdue aussi. « Tu n'es pas nul Prim. » Et là encore, je suis sans doute la dernière personne dont l'avis doit compter pour Primrose. Mais, ça me semble pourtant important de lui dire. Je ne suis pas en bon terme avec elle, mais l'entendre se dénigrer de la sorte, se rabaisser ainsi, c'est pas acceptable. Oui j'ai déjà été dure avec elle, oui j'ai déjà tenu des propos que j'ai pu regretter (ou non d'ailleurs) mais ses mots sont violents et je ne peux pas rester insensible devant sa douleur, sa tristesse et le dénigrement de sa personne. « Comme tu le dis, il ne faisait rien d'autres qu'être là. » Ce qui est peu et en même temps beaucoup, j'en sais quelque chose. « C'était toi tout ce temps, et que tu sois encore cette personne ou que tu changes, tu n'es pas nul, tu es différente, peut-être perdue en ce moment mais avec ou sans Tim, tu peux toujours être cette personne dont tu étais fière. » Voilà encore une chose qui est plus facile à dire qu'à faire, mais si je n'y aurais pas cru il y a dix ans, j'ai envie qu'elle y croit Primrose, parce qu'elle ne mérite pas de se rabaisser de la sorte et j'ai l'impression de m'entendre, il y a de ça encore pas si longtemps, j'avais des propos similaires aux siens. Et ça fait bizarre aussi. “C’est un peu comme toi avec Caleb, au final.” Surprise par la remarque de Primrose, je ne le suis pas de la comparaison parce que j'y pensais moi aussi. Je l'ai fais ce parallèle, j'ai ressenti ses pensées, compris ses mots parce que j'ai vécu ce qu'elle vit. Une histoire différente mais des émotions semblables. « Caleb a fait de toi une meilleure personne, n’est-ce pas ? » Je secoue la tête en guise de réponse. Il n'y a rien à renier dans ses propos, que des affirmations on ne peut plus vraie. Il m'a rendu meilleure, et il a réussi cet exploit deux fois en plus. « Il m'a toujours apporté la stabilité, le soutien, la confiance et l'amour dont j'ai besoin pour avoir la force d'être toujours la meilleure personne pour lui, pour ne pas craquer, et lui rendre tout ce qu'il me donne au quotidien. » Il fait de moi quelqu'un de meilleure c'est un secret pour personne et je n'ai pas à développer énormément. Je pourrais lui faire une remarque comme quoi elle avoue que je suis une meilleure personne aujourd'hui grâce à son frère, mais je ne le fais pas, ce n'est pas le moment pour ça. « Alors crois moi quand je te dis que je comprends ce que tu vis en ce moment. J'en ai fais des conneries, énormément et je n'en suis pas fière encore aujourd'hui. » J'ai perdu Caleb. Par choix de ma part, mais ça ne rends pas les choses plus faciles pour autant, enfin peut-être mais le résultat est le même. J'ai perdu l'amour de ma vie et je me suis perdue aussi. J'ai été cette fille, la fille nulle, perdue qui a foutu une partie de sa vie en l'air en réalisant que je n'avais plus rien à qui m'accrocher, que je n'avais plus le regard bienveillant et amoureux de Caleb dans ma vie. En réalisant que sans lui, je n'avais aucune raison de ne pas succomber à ce qui était de pire en moi. Ce n'est qu'une façon pour moi de lui rappeler que j'ai été à sa place, et qu'en aucun cas je ne compte la juger alors que je m'apprête à la questionner un peu plus. « Je ne sais pas pourquoi tu as été arrêté et ça me regarde pas. » Je ne le sais pas parce que Caleb a refusé de me le dire à la demande de sa sœur mais j'ai bien vu la grosse dépense inhabituelle sur notre compte en banque. Mais, l'argent n'est qu'un détail et ce qui aujourd'hui m'intéresse c'est Primrose. « Mais, je m'inquiète pour toi. » Les mots sont étonnants certes, mais ils sont sincères. « Tu as des problèmes ? » Elle pourrait m'envoyer chier et me dire que ça ne me regarde pas et elle aurait presque raison. On a été proches à une époque, lointaine. On est en froid désormais et si aujourd'hui parler de nos peines de cœurs respectives semblent nous rapprocher, ça ne veut pas dire que tout notre passif va disparaitre du jour au lendemain.
« Peut-être qu'il a fait passer ses enfants avant lui, qu'il a voulu les protéger au détriment de son propre bonheur. » Je ne suis pas mère, je ne peux pas comprendre ce que l’on peut ressentir ou faire quand on a un enfant à charge. Je sais que Tim était près à tout pour ses enfants. Ils étaient sa priorité, même si ça m’a toujours fait du mal de me l’avouer. J’arrive toujours en deuxième, derrière quelqu’un, c’est l’histoire de ma vie. Mais cela n’empêche ni la tristesse ni la rancoeur que je porte toujours en moi face à sa disparition soudaine. Comment a-t-il pu rire et s’amuser avec nous, être là pour nous juste avant un si grand départ ? Alors qu’il savait qu’il allait disparaître ? Ça me dépassera toujours. Comme quoi, même les pires menteurs savent le faire pour leur propre bonne cause.
Cela n’empêche pas les larmes de couler, et je les maudis. Je n’aime pas pleurer devant quelqu’un, encore moins devant ma belle-sœur. « Tu n'es pas nul Prim. » Je n’aurai pas pensé que ce cas de figure arriverait un jour. Aussi ironique que cela soit, Tim serait sûrement fier de nous, de nous voir pleurer et souffrir ensemble de son absence incompréhensible et soudain. Il n’y a pas de quoi être fier d’être partie comme un voleur. Jamais je n’aurai cru qu’Alex aurait pu dire une chose pareille à mon égard aussi. « Comme tu le dis, il ne faisait rien d'autres qu'être là. » Est-ce que j’ai l’impression qu’elle va commencer à me… Réconforter ? « C'était toi tout ce temps, et que tu sois encore cette personne ou que tu changes, tu n'es pas nul, tu es différente, peut-être perdue en ce moment mais avec ou sans Tim, tu peux toujours être cette personne dont tu étais fière. » La réponse est oui et ça ne m’étonnerait pas si elle voit la surprise sur mon visage alors que j’enlève les traces de ces foutues larmes de mes joues. Tim ne les mérite pas. Je me contente d’hausser les épaules après tout parce que je n’ai pas l’impression que je le puisse si je n’ai pas une motivation extérieure. Je n’ai pas l’Amour avec un grand A dans ma vie, et je suis plutôt déprimée, résignée, avec une pointe de solitude excécrable. Ce n’est pas de ma faute si j’ai toujours eu des facilités à voir le verre à moitié vide.
« Il m'a toujours apporté la stabilité, le soutien, la confiance et l'amour dont j'ai besoin pour avoir la force d'être toujours la meilleure personne pour lui, pour ne pas craquer, et lui rendre tout ce qu'il me donne au quotidien. » Exactement ce que Tim m’a apporté pendant quelques mois. Ça aurait pu être si fort, si beau. Notre histoire aurait pu durer et elle aurait pu être belle. Même si je dois admettre que l’absence d’argent aurait sûrement fini par ressurgir d’une façon ou d’une autre - Tim n’était pas riche, soyons honnête, aurait-il pu faire mon bonheur sur le long terme ? Je ne sais pas trop. « Alors crois moi quand je te dis que je comprends ce que tu vis en ce moment. J'en ai fait des conneries, énormément et je n'en suis pas fière encore aujourd'hui. » J’hoche la tête avec lenteur, entendant très bien ses paroles mais sans pour autant les prendre en considération pour moi. Je ne suis pas Alex. Je ne ferai pas la moitié de ce qu’elle a pu faire. Vraiment, Primrose ?
« Je ne sais pas pourquoi tu as été arrêté et ça me regarde pas. » Oh, ça. J’avais oublié. Alex n’a pas fait de vagues quand je suis rentrée avec Caleb chez eux ce soir-là. Ni poser de questions. Ça ne la regarde pas, en effet. Et je suis contente pour l’instant qu’elle ne me demande rien. Mais enclencher cette conversation cache forcément quelque chose, non ? « Mais, je m'inquiète pour toi. » Alors là, elle me cloue sur place. Je n’ose même pas la regarder tellement que mon expression doit être ébahie. « Tu as des problèmes ? » Je fronce des sourcils en me mettant à gratter un petit creux dans le plan de travail. Je repense à l’alcool qui m’apaise, aux nuits au Cherrybomb, à ma vie sociable merdique, à mon incapacité de résister à un achat impulsif… Je finis par hausser les épaules tout en secouant la tête. “Rien que je ne puisse pas gérer.” Bon, sauf cette fois au poste parce que je n'avais pas les moyens de payer cette caution et que mon frère avait assez pitié de moi pour être venu me sauver. Je me redresse, je reprends une inspiration, et je bois quelques gorgées de mon breuvage. “En tout cas, merci d’être passée pour tout ça. Je vais pouvoir passer à autre chose.” Même s’il va falloir du temps mais ça finira bien par passer, n’est-ce pas ? Je veux y croire. Je regarde l’heure sur le micro onde avant de me lever de ma chaise haute. “Il va bientôt falloir que j’y aille.” J’ai des hommes à aller faire baver d’envie, mais ça, je ne vais pas lui dire, évidemment. “Est-ce que… Je peux garder ça ?” Je demande en désignant le dossier. “Je te le rendrai une fois que j’aurai tout lu.” A part si je l’ai déchiqueté avant.