Ses affaires n’ont pas encore été ramenées chez Ezra et elle vit de ses nouveaux achats, bien décidée à ne pas mettre le moindre pied chez Alfie (sa maison à lui seule, maintenant qu’elle sait qu’elle n’y retournera plus jamais). Pourtant, les choses sont de plus en plus douces, de plus en plus attrayantes aussi. Elle a l’impression que son ventre grandit de jour en jour bien que ce soit justement qu’une impression. Peu importe. Son bébé grandit doucement, simplement. Sainement. Il va bien. Ils vont tous bien. Ezra guérit lui aussi de son accident ; le bras de Lily peut de nouveau être bougé sans qu’elle ne referme urgemment la mâchoire pour éviter un cri de douleur. Ils ont tous leur problème, mais rien d’aussi pressant qu’à l’époque. Elle peut de nouveau afficher un grand sourire sans que ce dernier ne soit douloureux ; la preuve en est, elle s’est de nouveau essayée à la tâche avec brio lors du marathon de la ville, où elle a participé de façon bénévole: elle n’allait bien sûr pas courir en étant enceinte. Son bébé est déjà bien trop précieux pour qu’elle prenne le moindre risque à son sujet, et aucun médecin ne voudrait bien sûr lui dire le contraire.

Bien que l’hiver s’installe à Brisbane, ce n’est qu’un simple drap qu’ils utilisent encore et qu’elle garde par-dessus sa poitrine, coincée sous son bras en voie de guérison. Celui qu’elle a de sain et en pleine santé, lui, est bien trop occupé à jouer avec les mèches brunes de l’homme à ses côtés pour qu’elle pense lui donner un autre rôle. L’aube est levée depuis peu, la journée débute à peine, ils ont tout le temps du monde. La demeure est parfaitement calme, la ville semble l’être tout autant. Aujourd’hui, rien ne presse. Aujourd’hui, personne ne les attend non plus et la journée leur appartient. Il se repose, utilise toute son énergie disponible pour sa guérison lente et difficile et jamais, jamais elle ne voudrait le réveiller alors qu’il semble aussi paisible, comme si la vie ne l’avait jamais affecté. Tout ce qu’elle sait faire, c’est dessiner des lignes invisibles contre les os de sa mâchoire qu’elle devine sans mal, contre son cou, contre ses épaules aussi. Aujourd’hui encore ; aujourd’hui plus que jamais, elle se demande comment elle a pu trouver un homme tel que lui avec qui passer les années. Elle se demande, surtout, comment un homme tel que lui n’a jamais pris ses jambes à son cou pour ne surtout jamais se retourner et la retrouver, elle. Il en aurait eu tous les droits. Elle n’aime pas l’idée mais, finalement, elle ne peut que la comprendre. Sa vie est trop compliquée, il mérite un bonheur facile et sans heurts.

Ce qu’elle ne pourra jamais lui offrir, raison pour laquelle cette idée lui noue soudainement la gorge, au point où elle ressent le besoin de venir se blottir contre lui, comme pour s’assurer que ce matin ne sera pas celui où il quittera le lit pour faire ses affaires et s’enfuir, la laissant loin derrière. “Je sais que t’es réveillé depuis au moins cinq minutes.” Elle s’amuse dans un simple sourire, déposant un baiser contre son épaule, à l’exact même endroit où elle repose ensuite sa joue. Sa main, désormais passée sous sa tête, continue de trouver refuge entre ses mèches. Ils doivent parler. “On est quoi, Ez ? Nous deux, je veux dire.” En tant que couple est ce qu’elle se retient de justesse d’ajouter, justement parce qu’elle ne sait pas si le terme est adapté.

Ezra aurait bien dormi au moins dix minutes - lire ici dix heures bien sur - de plus ce matin là, mais apparemment alors que le soleil était déjà dans une course bien entamée contre le zénith, la personne à ses côtés avait décrété que dormir n’était pas là un exercice qu’il apprécierait plus longtemps que ça. Car s’il avait encore l’esprit embrouillé par les images de ses rêves et par le sommeil duquel il peinait à s’extirper, les doigts de Lily se perdant dans ses cheveux et son souffle se faisait de plus en plus présent contre la peau de son cou indiquait qu’il était désormais l’heure d’ouvrir les yeux. Dommage - au moins, il avait la certitude qu’elle n’agissait pas de la sorte pour l’emmener faire un jogging matinal. Il avait beau se remettre sur pied d’une façon qui coupait le souffle des médecins en charge de suivre son état de santé, Ezra n’était pas encore assez en forme pour participer à des activités comme le marathon de la ville se déroulant ces derniers temps - et Lily ne devrait, de son côté, en rien imaginer se voir obtenir une médaille. Certes, son bras reprenait des fonctions plus que correctes, mais désormais un petit être grandissait sous son nombril et il était hors de question que sa santé à lui puisse être mis en danger d’une quelconque façon - même si faire un peu de sport n’était pas quelque-chose de mauvaise pour la santé à la fois de la mère et du futur enfant, mais Ezra ne voulait pas entendre mot sur l’affaire, trop occupé à s’inquiéter pour tout et surtout trop souvent pour rien.

« Je sais que t’es réveillé depuis au moins cinq minutes. » Les yeux d’Ezra peinant déjà pour s’ouvrir d’à peine quelques millimètres, il était effectivement évident que l’éveil faisait partie de son programme du jour depuis au moins autant de temps. A défaut de discerner complètement parfaitement les traits du visage de la jeune femme, il pouvait se permettre d’étirer un faible sourire amusé. Elle déposait un baiser contre son épaule il en faisait de même contre son front. « Plutôt cinq secondes oui. » Mais il ne lui en voulait pas: c’était toujours agréable d’être réveillée par celle qui se tenait en ce moment même dans ses bras, là où encore quelques temps auparavant il n’aurait pu imaginer une telle finalité pour eux d’eux.

En parlant de finalité, de loup, qu’importe le nom utilisé… « On est quoi, Ez ? Nous deux, je veux dire. » Et s’il y avait bien une règle d’or, que toute personne ne souhaitant pas s’arracher les cheveux devait suivre scrupuleusement sans trop réfléchir, c’était bien le fait de prendre en compte le temps d’éveil dont le Beauregard avait besoin. Une fois cette vérité comprise et considérée, il était plus facile de comprendre à partir de quel moment il serait bien plus disposé à comprendre ce dont les autres autour de lui voulaient parler, sans avoir à faire répéter ou à demander davantage d’explications. Lily faisait partie de ces personnes connaissaient pourtant parfaitement ce principe, mais qui semblait ne pas désirer l’appliquer aujourd’hui. Alors, ce fut en fronçant les sourcils qu’il finit, après quelques secondes d’hésitation, par répondre à la brune dans ses bras. « On est allongés dans un lit ? » Il était hasardeux, tâtonnait quant à la réponse qu’elle désirait réellement entendre. Il avait l’impression qu’elle ne figurait pas dans le manuel des réponses toutes prêtes que Lily voulait entendre au quotidien, si bien qu’il était quelque peu perdu. « On est des futurs parents ? Il va falloir que tu me donnes plus d’informations ? » Parce-que si elle voulait qu’Ezra lui donne une réponse correctement formulée, contenant des éléments qui pourraient l’aider dans sa réflexion, il allait falloir qu’elle y mette un peu plus du sien - là, il avait beau regarder autour d’eux dans la chambre à la recherche du moindre indice sur le sujet qu’elle voulait aborder, il ne saisissait pas le sous-entendu. Ou alors, avec une bonne poignée de minutes de plus d’éveil, peut-être qu’il aurait réussi à suivre le flot de pensées de Lily plus rapidement.

Le baiser qu’elle dépose contre son épaule trouve écho dans celui qu’il pose contre son front, geste simple qui suffit à faire le bonheur de Lily. Avec lui, tout est calme, tout est simple, tout est enfin comme elle le désire. Pour cette raison, elle s’en veut d’autant plus de ressentir à ce point le besoin d’avoir une discussion avec le Beauregard. « Plutôt cinq secondes oui. » Certes, elle a peut-être transformé son envie qu’il soit déjà réveillé en une affirmation. Peu importe: maintenant il l’est, puisqu’il lui parle. Sa voix est plus grave que d’usuelle, enrouée, mais peu importe. Elle se doute qu’il ne lui en veut pas. Preuve en est, c’est un sourire qu’il lui offre. Un peu fatigué encore, certes, mais heureux. Elle veut qu’il le reste, elle le jure, mais de son côté Lily a aussi besoin de savoir de quoi se compose son présent et, par extension, son futur. Il représente bien trop, à bien trop de niveaux différents, pour qu’elle prenne le risque de le perdre ou qu’une incompréhension s’installe et pèse entre eux, dans leur relation.

Relation sur laquelle la jeune femme souhaite soudainement poser un mot, un terme, une définition. Peu importe. Elle veut savoir à quoi tout ça rime, à son nom qu’elle pense parfois à ajouter sur la boîte aux lettres, à ce lit dans lequel elle passe toutes ses nuits depuis plusieurs semaines déjà. « On est allongés dans un lit ? » Elle lève un sourcil étonné et son regard en sa direction, lui laissant une chance et une seule de revenir sur ses paroles, se rattraper, et avoir une vision un peu plus terre à terre et utile de la situation. Ce n’est pas la question qu’elle lui a posée, bien entendu, et elle sait qu’il a lui aussi compris. Simplement, il opte pour la solution qui lui donne une seconde de plus pour réfléchir et surtout ne pas se louper. Il a raison, au fond, mais cela n’est pas sans agacer la jeune femme qui a parfois l’impression de partager la vie d’une adolescent. Après tout, initialement elle lui demandait simplement de lui faire un enfant, chose à la portée de bon nombre d’hommes. « On est des futurs parents ? Il va falloir que tu me donnes plus d’informations ? » Oh, Ezra. Ils sont de futurs parents, oui, de façon évidente. Ça, elle le lui a appris seule, elle n’a donc pas besoin de lui pour le savoir. Et lui n’a nullement besoin d’observer la chambre de fond en comble pour trouver la réponse à sa question. “Tu penses que j’avais besoin de temps pour savoir si on est dans un lit et si je suis enceinte ?” Sa voix n’est pas tant portée par les reproches qu’elle garde au fond d’elle, Lily ayant plutôt choisi l’alternative de l’humour, un sourire au coin des lèvres. Il vaut mieux ça que tout l’inverse, elle le sait.

Sa tête se décale de son épaule, elle utilise sa main pour la retenir. Ses mots lui coûtent son ego, elle doit bien l’avouer. “Est-ce que tu m’aimes ?” Ce n’est pas une question d’enfant, ce n’est pas une question anodine non plus. Elle ne lui demande pas s’il l’aime comme elle elle aime Corey, comme elle aime Noah, comme elle aime certains de ses proches encore. “Vraiment, je veux dire.” Est-ce qu’ils sont un couple ? C’est ça, la question qu’elle veut poser, adolescente pathétique prête à demander à son amoureux s’il veut sortir avec elle, au détour d’un couloir, après le dernier cours de la journée.

En premier lieu, le sourcil étonné qui s’affichait désormais sur les traits de la jeune femme, donnait un premier indice à Beauregard: il ne partait pas dans la bonne direction. En même temps, il ne comprenait pas du tout où Lily voulait en venir, mais s’il ne tentait pas de donner des réponses, de prêcher le faux pour savoir le vrai, il ne saurait jamais où cette conversation s’en allait. « Tu penses que j’avais besoin de temps pour savoir si on est dans un lit et si je suis enceinte ? » Un petit sourire - plein d’excuses en réalité -, s’étira sur les lèvres d’Ezra. Non, bien sur que non elle n’avait en aucun cas eu besoin de tout ça: mais étant donné que c’étaient là les choses qui sautaient aux yeux de l’australien, il se permettait d’émettre ses hypothèses à haute voix. Oh, qu’il ne s’attendait pas à être proche de la bonne réponse, mais au moins cela évitait à Lily de vouloir réellement l’assassiner - si ce n’était du regard, avec un brin d’humour qu’elle forçait, il n’était pas tant idiot. « On sait jamais ? » Il signait son arrêt de mort, mais désormais il pourrait toujours lui ressortir la carte du tu portes mon enfant pour apaiser les tentions.

Les yeux de la jeune femme se reposèrent sur lui, alors qu’elle attendait surement qu’il étende sa réponse, lui donne plus de contenu - sauf qu’il préférait se taire et attendre qu’elle lui donne un peu plus de matière pour savoir de quoi cette conversation en ressortait… surtout à heure aussi avancée de la journée, alors qu’il venait à peine d’ouvrir les yeux. « Est-ce que tu m’aimes ? » Et alors, Ezra se trouva quelque peu désemparé par la question de Lily. Parce-que s’il n’avait pas totalement compris où elle voulait en venir, avec sa première question, la seconde qu’elle émettrait à son encontre n’était pas des plus claires. Ou plutôt, il comprenait le sens de la question, mais cela ne venait pas éclaire sa lanterne. « Vraiment, je veux dire. » Mais si le lien entre les deux questions ne lui semblait pas encore limpide, il pouvait au moins répondre à celle qu’elle venait d’mettre son encontre. A cette inquiétude là, il n’y avait pas mille réponse et aucun piège en réalité. « Oui. » C’était aussi simple que cela, et le Beauregard n’avait aucune raison de compliquer ses mots. Il avait toujours aimé la jeune femme, elle avait toujours eu cette place plus que particulière dans son coeur et il n’y avait rien au monde qui aurait pu changer sa chez lui. Même lorsqu’elle s’était retrouvée avec une bague à l’annuaire qui n’avait pas été offerte par lui, même lorsqu’elle avait suggérer que leurs chemins ne devaient de nouveau pas se rencontrer, même lorsque - toutes les raisons pouvaient être citées ici. Pour Ezra, les choses étaient assez simples et surtout assez binaires: il aimait ou il détestait. Et malheureusement pour lui, dans trop de situations, les deux finissaient par être reliés. « Vraiment. » Il se décala quelque peu, se retrouva sur son flanc, les yeux qui ne lâchaient pour aucun prétexte ceux de la brune. « C’est pas comme si j’avais besoin d’y réfléchir tu vois: je t’ai toujours aimé. » Et même si elle n’était pas la seule à avoir occupé une telle place dans son coeur - son ex-belle-soeur en tête de peloton, pour ne pas mentir -, elle ne s’était jamais logée ailleurs que dans son palpitant. « Je suis bien parti ou tu vas encore lever les yeux au ciel en écoutant ma réponse ? » Il préférait tâter le terrain tout de même, sachant qu’il n’était pas le meilleur dans les discussions de ce genre et que Lily était le genre de femme à préférer entendre certaines réponses parfaitement formulées plutôt que détentrices d’un ton hasardeux comme il était en train d’emprunter. « Est-ce que c’est par rapport au bébé que tu te poses ce genre de questions ? » Après tout, avant, ce n’étiat pas le genre de point sur lequel elle appuyait particulièrement, ne demandant pas l’avis aussi explicite du brun à ses côtés dans le lit.

L’idée d’être vulnérable est insupportable aux yeux de Lily, presque autant que celle que son destin soit dépendant du choix d’autrui, ou tout simplement d’autrui. Elle a bien plus confiance en Ezra qu’en beaucoup d’autres personnes en ce monde, mais elle ne peut pas non plus affirmer sans l’ombre d’un doute que sa réponse sera celle qu’elle espère. Pourtant, même si ce n’est pas le cas, elle estime que le temps est venu de savoir, une bonne fois pour toutes, qu’importe si cela peut lui faire plus de mal que de bien selon ce qu’il aura à lui dire. « Oui. » Et comme une enfant, Lily sourit. Son cœur s’apaise aussitôt, son corps tout entier se détend. Il aurait pu répondre ce qu’il voulait, il aurait eu tous les droits de ne pas l’aimer, mais elle est soulagée que ce ne soit en rien le cas. « Vraiment. » Face à cette précision, elle sourit tendrement, de façon un peu niaise sans doute. Ce n’est pas parce qu’elle a réussi sa stratégie pour qu’il l’aime et ne de sétache pas d’elle, loin de là ; c’est parce qu’au fond, elle sait qu’elle ressent la même chose pour lui. Il l’aime, vraiment, et c’est la seule bonne nouvelle qu’elle a pu entendre au cours des dernières semaines, raison pour laquelle elle s’y raccroche un peu plus qu’elle ne le devrait.

Muette mais heureuse, elle ne prend pas la peine de se décaler lorsqu’Ezra se repose sur son flanc. Au contraire, c’est avec un regard plus tendre que jamais qu’elle l’observe désormais. « C’est pas comme si j’avais besoin d’y réfléchir tu vois: je t’ai toujours aimé. » Oh, Ezra. Cette précision éveille chez elle des sentiments contradictoires, heureuse que ce soit le cas, désolée de lui avoir fait vivre autant de choses depuis toutes ces années. Il avait Ginny, il y a longtemps. Elle a eu Matt, il y a peu. Il a eu un enfant avant même de la connaître ; elle s’est mariée en l’invitant à la cérémonie. Elle l’a retrouvé pendant une nuit, source de nombreux problèmes pour chacun d’eux, lesquels elle n’a aucun besoin de lui répéter. Elle pourrait dire la même chose, Lily. Elle l’a toujours aimé, tout comme elle a toujours eu cette facilité à pencher pour le mal tout en prêchant le bon et droit chemin. Ironiquement, c’est justement à cause de cette raison première qu’elle avait à l’époque demandé à ce qu’ils restent amis, à défaut de pouvoir vivre une vie sans lui. « Je suis bien parti ou tu vas encore lever les yeux au ciel en écoutant ma réponse ? » Cette fois-ci, le rire est éclatant, sincère. Elle s’approche une ultime fois pour l’embrasser et le rassurer sur ce point: il est plutôt bien parti, oui. “Je vais me retenir de lever les yeux au ciel, c’est promis.” Son sourire est grand, elle pose délicatement ses doigts de part et d’autre de ses joues et caresse ces dernières, la trace de l’oreiller étant encore évidente à certains endroits. Non, elle ne risque pas de lever les yeux au ciel, certainement pas après ce qu’il vient de lui dire et alors qu’il le pense sincèrement, ses paroles n’ayant en rien été dictées par Lily. “Je t’aime aussi, tu sais.” Au cas où il pouvait lui aussi se poser la question ; il n’a pas à le faire davantage. Lily n’a aucune envie qu’il ressente le besoin de la questionner à son tour, raison pour laquelle elle statue sa vérité avant toutes choses, même si cette discussion ouvre une brèche contenant un millier de sujets transversaux qu’ils n’ont jamais pris le temps d’aborder. Pour l’heure, ce n’est pas ce sur quoi elle se concentre, se contentant d’être heureuse de vivre l’instant.

Elle joue avec ses mèches courtes quand elle se lasse de ses joues, pour toujours y revenir finalement. « Est-ce que c’est par rapport au bébé que tu te poses ce genre de questions ? » La question est pertinente, sans doute empreinte d’un fond de vérité que Lily n’avait jamais osé regarder en face. Naturellement, elle pose finalement sa main contre son ventre qu’elle caresse au travers de son t-shirt. Leur enfant est juste en dessous, en parfaite santé. “J’ai pas seulement envie d’être mère, j’ai envie d’être une bonne mère.” Elle veut offrir à cet enfant la plus parfaite vie qui soit, voilà tout. Elle veut qu’il grandisse heureux, dans une famille soudée, et ce peu importe si elle doit aussi mentir pour y arriver. Ce qu’elle ne dira pas tant cela lui paraît évident, c’est qu’elle est heureuse et soulagée de ne pas avoir à mentir pour que ce soit le cas ; tout comme elle est heureuse pour elle-même de pouvoir s’autoriser à imaginer une vie auprès d’Ezra. Ils n’en sont pas là, ils n’en sont certainement pas là encore, mais ils sont tous les deux assez adultes pour déjà connaître le sous entendus des je t’aime, surtout alors qu’ils savent déjà qu’ils deviendront parents ensemble. “Et au fond, j’avais envie que notre enfant grandisse avec des parents soudés. Ou ensemble, tout du moins.” Une véritable famille, voilà ce dont elle rêve, raison pour laquelle jamais elle ne trahira le secret de la conception de cet enfant. Il n’aura pas à le savoir, jamais, peu importe la raison. Ezra est son père, et c’est tout ce qui lui importe. Il sera celui qui l’élèvera, qui lui apprendra tout, qui cédera sans nul doute à toutes ses requêtes de gamin capricieux car enfant unique (mais pas si longtemps, s’ils en viennent à suivre les envies de Lily d’être une bonne mère pour plusieurs bambins). “Mais c’est jamais quelque chose dont on a discuté alors peut-être que… c’était pas réciproque.” Mais ça l’est, et c’est donc tout ce qui lui importe dorénavant. “Je suis désolée d’avoir compliqué les choses toutes ces années.” Être désolée, Lily ne l’est pas souvent, et Ezra le sait très bien. Il peut comprendre plus que personne l’importance de ces quelques mots autant que tout ce qu’il en coûte à la brune pour les prononcer, une moue triste sur le visage. Elle aurait dû lui épargner cette nuit passée ensemble et toutes ses conséquences, elle aurait dû le marier, lui, plutôt que le premier homme rencontré sur un plateau de télévision. Elle n’aurait jamais dû craindre que ses propres démons deviennent aussi les siens, à l’époque, parce qu’ils auraient au moins pu traverser tout ça à deux. Elle aurait dû comprendre qu’il ne quitterait jamais son existence et leur épargner des années d’errance inutiles, voilà tout.

L’histoire qui s’était tissée au fil des années entre Lily et Ezra ne ressemblait surement à aucune autre, et avait des points quelque peu discutables c’était une certitude. Cependant, il y avait des choses au sein de cette dernière qui semblaient plutôt s’apparenter à une logique implacable que quoi que ce soit d’autre aux yeux du Beauregard, et ce qu’il ressentait pour la brune allongée à ses côtés était un sujet sur lequel il n’avait jamais eu trop de mal à être certain. Depuis le début, ce qu’il avait ressenti pour Lily avait été quelque-chose de simple, quelque-chose de pur finalement; et même si ce n’étaient pas là des émotions qu’il avait pu exprimer et s’autoriser depuis qu’ils se connaissaient, pour lui elle faisait partie des personnes qu’il aimait et cela ne risquait pas de changer de si-tôt. Toutes les personnes pour qui il avait pu éprouver un jour une affection particulière restaient à tout jamais dans cette case, qu’importe la façon dont la vie faisait évoluer les choses - et la direction vers laquelle le Destin l’emportait. Alors pour lui, la réponse à la question de la jeune femme était aussi simple que bonjour, et il n’avait pas à hésiter. Et au sourire qu’elle étirait désormais sur ses lèvres, au petit rire qu’il réussit également à lui arracher, il s’osait à demander mais avait le pressentiment que c’était là les paroles qu’elle avait espéré entendre. « Je vais me retenir de lever les yeux au ciel, c’est promis. » Les doigts de la brune glissait sur son visage, et il s’aperçut qu’il portait tout autant qu’elle un sourire idiot accroché aux lèvres. « Je t’aime aussi, tu sais. » Etirant le cou un brin, un instant, il déposa un léger baiser sur le bout de son nez. « Je sais. » Si à d’autres moments, Ezra aurait prononcé ces mots-là plein de fierté et d’amusement, ce n’était en rien le cas aujourd’hui. Il savait qu’elle l’aimait aussi, et il n’avait pas besoin de meilleur exemple que celui qu’il avait sous les yeux en cet instant: elle lui demandait son avis. Si, de la part de Lily, ce n’était pas une preuve d’amour alors il ne savait pas ce que c’était.

Et si ça ne le dérangeait en rien de discuter sur ce genre de sujets avec la jeune femme - ce qui n’était pas le cas avec tout le monde, il fallait le souligner -, il était aussi conscient qu’une telle question pouvait cacher d’autres insécurités et il préférait s’hasarder avec des questionnements supplémentaires plutôt que de louper une occasion en or de savoir ce qui se tramait derrière ces iris bleutés. « J’ai pas seulement envie d’être mère, j’ai envie d’être une bonne mère. » L’instinct avait fait porter la main de la brune sur son ventre, et sans s’en rendre compte, les lèvres d’Ezra s’était légèrement rehaussé en un fin sourire. « Tu seras une bonne mère, Lily, y’a aucun doute sur ça. » Parce-qu’elle avait à coeur de toujours faire mieux, d’être la meilleure, et que cela s’appliquerait forcément dans le domaine de la maternité et dans le chapitre de vie qui lui tendait les bras. « Et au fond, j’avais envie que notre enfant grandisse avec des parents soudés. Ou ensemble, tout du moins. » Etait-ce donc sur cette partie là de l’histoire qu’ils étaient en train d’écrire que Lily butait ? Etait-ce vers ce sujet là qu’elle avait peut-être secrètement voulu s’en aller - et Ezra avait mis les pieds dans le plat sans s’en apercevoir ? Le Beauregard ne saurait probablement jamais, et ne chercherait pas de ce côté là de toutes manières; l’important pour lui était de voir qu’elle retrouvait petit à petit ses aises à ses côtés et pouvait trouver un confort certain à l’idée de discuter à coeur ouvert de sujets importants comme ça. « Mais c’est jamais quelque chose dont on a discuté alors peut-être que… c’était pas réciproque. » Ils n’en avaient pas discuté jusqu’alors, mais aux yeux d’Ezra cela était quelque-chose d’implicite dans sa façon de voir les choses; et d’avoir rejoint l’aventure aux côtés de Lily lorsqu’il avait accepté de concevoir cet enfant allait exactement dans cette direction là à ses yeux. « Je suis désolée d’avoir compliqué les choses toutes ces années. »

Et s’il avait laissé la conversation se faire seule et sans trop la bousculer jusque maintenant, à entendre les mots prononcés là par la jeune femme, Ezra ne pouvait pas s’imposer un peu plus, avancer son opinion davantage. Car Lily ne s’excusait pas - même lorsqu’elle savait preuves à l’appui qu’elle avait tort. Non, ce n’était pas quelque-chose qu’elle avait inclus dans ses habitudes de vie, et c’était un élément avec lequel le Beauregard avait appris à composer avec le temps. Sauf qu’il ne désirait pas que ce soit sur de tels sujets qu’elle se sente désolée - elle n’aurait qu’à l’être quand ils manqueraient tous les deux de trois jours de sommeil chacun dans quelques mois. Alors, avec douceur, il glissa un doigt sous le menton de la demoiselle pour relever son regard vers lui, plonger ses yeux dans les siens. « C’est pas à toi de porter cette responsabilité, enfin pas toute seule. On a surement tous les deux eu tort, durant toutes ces années. » Il aurait surement du insister, ne pas la laisser lui filer entre les doigts de la sorte. Ezra faisait partie de ces personnes à qui la vie simple était celle qui allait le mieux: trouver quelqu’un avec qui partager sa vie, fonder une famille, travailler quelque-part où la passion était de mise. Il n’avait pas besoin de bien plus. Et avec Lily, il aurait surement eu le droit à tout ça - à l’époque cependant, la situation ne s’était pas tournée vers cette finalité et c’était surement mieux ainsi. « On a eu besoin à l’époque de respirer de nouveau chacun de notre côté, les mois avaient été durs. On a fait ce qui nous semblait être le plus logique. » Qui aurait cru que des années plus tard, c’était une fois de plus l’un sur l'autre qu’ils allaient pouvoir compter aveuglément ? « Pour la partie engagement, je retire pas ce que j’ai dit: je serais avec toi jusqu’au bout, parce-que j’ai autant envie de l’avenir qu’on peut avoir tous les deux que toi. » Et ce n’était pas maintenant que cet avenir était littéralement dans ses bras qu’il allait lui donner l’occasion de lui échapper. Ils avaient fait l’erreur une fois, mais Ezra n’était plus le même désormais - et il savait parfaitement que c’était le cas pour Lily également. Cette fois-ci, il s’accrocherait avec un peu plus de forces et ne la laisserait pas lui filer entre les doigts.

« Je sais. »
Alors c’est le plus important.

Si Ezra continue de sourire face à elle, ce n’est plus le cas pour Lily, bien plus sérieuse désormais. Il lui pose des questions auxquelles elle a passé une vie à penser, après tout. « Tu seras une bonne mère, Lily, y’a aucun doute sur ça. » C’est ce qu’elle espère le plus au monde, maintenant. Elle veut élever un enfant équilibré et heureux, une petite tête blonde qui découvrira la vie avec de grands yeux curieux, étonnés et admiratifs. Il demandera à retrouver les bras de son père pour s’y sentir en sécurité et s’y endormir, quand sa mère ne sera pas occupée à lui replacer son chapeau et vérifier s’il n’a pas besoin de davantage de crème solaire. Pour tout ça, pour son rêve dans son entièreté, elle avait besoin de lui à ses côtés, comme cela a finalement toujours été le cas. Simplement, c’est justement parce qu’elle l’estime et l’aime trop qu’elle n’a jamais voulu sacrifier les rêves et aspirations d’Ezra au profit des siennes propres. Peut-être qu’elles peuvent toutes se rejoindre, finalement. Ça aussi, elle l’espère.

Elle relève docilement son regard dans le sien lorsque l’index qu’il place sous son menton l’enjoint à le faire. Une part d’elle craint encore qu’il ne lui annonce pas ce qu’elle veut entendre, pourtant, raison pour laquelle son sourire reste encore absent de la scène. « C’est pas à toi de porter cette responsabilité, enfin pas toute seule. On a surement tous les deux eu tort, durant toutes ces années. » Et la nuance est là, justement. Lily dit qu’elle est désolée, pas qu’elle a eu tort. Encore aujourd’hui, elle doute que son choix soit le meilleur ; et elle sait déjà qu’il est loin d’être le plus raisonnable. Ezra n’est pas fait pour la vie qu’elle mène, il n’est pas fait pour ses secrets, il n’a pas les mêmes aspirations qu’elle et, surtout, il ne devrait pas côtoyer des personnes telles que Joseph et Alfie. Pourtant, cela finira par arriver. Peu importe à quel point elle essayera de le protéger du reste du monde et surtout d’elle-même, il sera touché. Parce qu’elle est égoïste au point de vouloir une vie à ses côtés, et ce peu importe ce qu’il en coûte. Ils auront de beaux enfants, au pluriel, et au Diable le reste du monde. “Au moins on a jamais perdu contact.” Et la consolation est maigre, certes, mais elle a au moins le mérite d’exister. « On a eu besoin à l’époque de respirer de nouveau chacun de notre côté, les mois avaient été durs. On a fait ce qui nous semblait être le plus logique. » Elle hoche la tête, mélancolique. Tous deux ont connu des mois très difficiles, tous les mensonges du monde n’y changeront rien. “J’ai toujours voulu des enfants et la parfaite vie de famille. Mais je savais que c’était trop tôt à l’époque et que je pouvais pas te demander ça.” Surtout après avoir perdu une première fois son enfant, bien malgré elle, Lily ne voulait pas prendre le risque de revivre une telle expérience sans pouvoir se cacher derrière ses mensonges cette fois-ci pour atténuer la surprise du côté d’Ezra: non, cet enfant n’a jamais été celui de Callum. Alors oui, elle a fait ce qui lui semblait être le plus logique, bien que son coeur en ait été déchiré: ils ont rompu.

« Pour la partie engagement, je retire pas ce que j’ai dit: je serais avec toi jusqu’au bout, parce-que j’ai autant envie de l’avenir qu’on peut avoir tous les deux que toi. » Et cette fois, enfin, Lily sourit. Ezra a toujours été parfait pour elle, véritable golem modulable à sa guise et parfait gentleman le reste du temps. “Ça tombe bien, j’ai plus la moindre envie de te demander qu’on reste amis.” Elle souffle tout contre ses lèvres et, comme pour souligner son propos, clôture son dernier mot en l’embrassant tendrement, n’ayant plus aucune envie de quitter ce lit pour le reste de la journée toute entière - laquelle ne fait pourtant que commencer, rappelons-le. “Tu m’en veux pas si on évite le dîner au restaurant en guise de présentation officielle avec mon frère ? Si on évite toute présentation officielle pour le moment, même ?” Non pas que Joseph représente un problème à lui tout seul mais oui, c’est exactement le cas, et puisque Lily souhaite éviter tout problème alors elle repousse l’annonce à plus tard. Sans doute optera-t-elle d’ailleurs pour un bon vieux message, ce qui l’empêchera au moins d’observer le regard tantôt jugeur tantôt perdu de son aîné. "Je vais pas te cacher dans un placard, c'est juste que c'est à nouveau un peu compliqué avec lui ces temps-ci." Et il aimait trop Matt pour apprécier Ezra à sa juste valeur, de toute façon.

« Au moins on a jamais perdu contact. » Le sourire était absent des lèvres de la jeune femme mais persistait sur ses lèvres à lui en attendant. De près ou de loin selon les années, ils étaient toujours restés dans le décor l’un de l’autre et c’était surement ce qu’ils avaient pu en ressortir de mieux, à travers les années. « J’ai toujours voulu des enfants et la parfaite vie de famille. Mais je savais que c’était trop tôt à l’époque et que je pouvais pas te demander ça. » Pinçant les lèvres pour retenir un petit soupire cette fois-ci, Ezra finit tout de même par hocher doucement la tête. « C’était trop tôt oui. » Noah était né, mais grandissait si loin de lui qu’il n’avait aucune nouvelle du gamin - si ce n’était par un ou deux moyens détournés mais il aurait préféré que toute cette situation soit autre. Il ne pouvait être le père qu’il aurait aimé devenir, et si à cette époque là Lily avait rajouté une couche en lui précisant qu’elle désirait déjà fondre une famille avec lui, il n’aurait su répondre par la positive. Même: il aurait surement pris peur, alors qu’il n’était pas du genre à fuir, qu’importe ce que d’autres avaient à dire à ce sujet. Au moins, aujourd’hui, il se sentait assez responsable pour se permettre d’offrir à Lily la vie dont elle rêvait depuis des années en réalité. Il était prêt à devenir père de nouveau sans craindre que cela ne se passe pas comme il l’aurait désiré. « Mais c’était y’a longtemps, ça, c’est différent aujourd’hui. »

Et s’il fallait qu’il lui répète encore et encore qu’il ne comptait pas s’enfuir, qu’il avait prévu de respecter tous et le moindre de ses engagements, il le ferait tous les jours. Lorsque la jeune femme lui avait demandé ce service, tout était devenu clair dans son esprit: avec Lily à ses côtés, les choses se passeraient forcément comme elles le devaient, elles seraient plus simples et plus douces. Ils seraient de bons parents, et le Beauregard n’avait même pas besoin d’y penser à deux fois pour savoir que ce serait le cas. Et c’était pour cette raison qu’il avait plongé tête baissée dans cette aventure sans retour en arrière possible. Et alors, à lui répéter, le sourire de Lily retrouva sa place sur ses lèvres - effet miroir surement, Ezra ne put s’empêcher d’en faire de même. « Ça tombe bien, j’ai plus la moindre envie de te demander qu’on reste amis. » Il sourit de plus belle, fossettes creusant ses joues et étirant le coin de ses yeux. « Vraiment dommage. » Comme s’il allait se plaindre une seule fois de cette situation, vraiment. Les lèvres de la jeune femme se posant sur les siennes un instant, Ezra sauta sur l’occasion par la suite pour en déposant mille autres partout sur son visage. S’il n’était plus question qu’ils soient justes amis, il comptait bien en profiter et ne plus se retenir une seule fois de la couvrir de baisers dès que l’occasion se présenterait, ou dès qu’il en aurait envie.

« Tu m’en veux pas si on évite le dîner au restaurant en guise de présentation officielle avec mon frère ? Si on évite toute présentation officielle pour le moment, même ? » Reculant légèrement son visage de celui de la jeune femme, pour pouvoir la regarder correctement, il commença par document secouer son visage de gauche à droite, ne montrant aucune opposition à cette idée. « Je vais pas te cacher dans un placard, c'est juste que c'est à nouveau un peu compliqué avec lui ces temps-ci. » Il eut un léger rire. « Tu moments que t’oublies pas de me nourrir de temps en temps, tu peux me mettre dans un placard si tu veux. » Il se laissa aller à une seule plaisanterie, avant de retrouver un semblant de sérieux car il savait à quel point cette discussion pouvait être importante, compliquée, en rien agréable - rayer la mention inutile - pour la brune. A quel point les discussions sur sa famille de façon générale pouvait être un exercice qu’elle aimerait éviter. « En vrai, je suis ton planning. Et tu me fais signe le jour où tu veux que j’apparaisse comme par magie à tes côtés. » Surtout si Joseph comptait jouer les grands frères pas vraiment heureux de la situation pour sa cadette, Ezra était autant mieux à éviter de croiser son chemin. Et puis, il avait quelque-chose d’agréable dans l’idée de garder leur petite bulle de bonheur encore fragile rien que pour eux deux; le Beauregard avait l’impression qu’ils en profitaient encore davantage de cette façon. « Tu voudras faire des présentations officielles chez moi ou je lance l’information au prochain barbecue comme si de rien n’était ? » De son côté, les choses étaient plus simples: il n’y avait pas de problème à signaler si bien qu’ils n’avaient pas besoin d’être anticipés comme Lily devait le faire pour sa famille.

Au moment d’évoquer leur passé et l’envie, déjà présente chez Lily, de fonder une famille, elle a déjà pour réflexe de relever son regard dans le sien, bien consciente de la difficulté du sujet. Il était un père sans enfant, ce qui causait un trou béant à la place de son coeur, et jamais Lily n’aurait pu être égoïste au point de lui demander d’oublier ce faux départ pour se concentrer sur le présent, lequel elle lui offrait sur un plateau d’argent, son ventre rond d’un enfant de son sang. Il ne l’a su que bien plus tard et si c’était à refaire, elle n’y changerait rien. Le mensonge était préférable à la réalité, trop difficile à porter. « C’était trop tôt oui. » Elle hoche la tête à son tour, n’ayant aucun mal à comprendre son point de vue. Elle ne le juge pas, elle ne lui reproche rien non plus. C’était trop tôt, pour elle aussi. Elle aurait dû le savoir. Elle aurait dû savoir que cet enfant issu d’un adultère ne serait pas autorisé à voir le jour. « Mais c’était y’a longtemps, ça, c’est différent aujourd’hui. » Lily sourit tendrement, ne pouvant que tomber d’accord avec ces quelques mots qui sous-entendent aisément qu’ils sont désormais prêts à fonder une famille. Ensemble. “Ca me rend heureuse.” L’année dernière encore a été difficile, mais celle qu’ils vivent désormais l’est bien moins. Elle sera caractérisée par sa grossesse, par leur bonheur ; et tout le reste sera balayé des récits. Pour détendre l’atmosphère autant que parce qu’elle en a envie, la jeune femme retrouve ses lèvres pour ainsi profiter de leur nouveau statut, rendu plus ou moins officiel par leur discussion. En retour, c’est sur son visage tout entier qu’Ezra l’embrasse, devant alors supporter le rire de Lily en retour, surprise. Si elle pourrait aisément se cacher sous le drap pour échapper à cette sauvage attaque, elle n’en fait rien, son bras libre trouvant au contraire leur place autour des épaules du brun.

Après quelques secondes, elle retrouve peu à peu son sérieux en même temps qu’elle perd son sourire, simplement occupée à enrouler ses doigts autour de ses mèches. La vie d’aujourd’hui la rend heureuse mais de nombreux nuages sont susceptibles de s’ajouter au tableau, raison pour laquelle elle tente au moins d’en anticiper certains. Son frère, par exemple, est à lui seul un problème en plusieurs chapitres. Preuve en est, Ezra recule lentement son visage du sien sans qu’elle ne cherche à le retenir, désormais plus effrayée à l’idée qu’il lui échappe. « Tu moments que t’oublies pas de me nourrir de temps en temps, tu peux me mettre dans un placard si tu veux. » Il répond avec ironie à l’idée de le laisser dans un placard, elle sourit tendrement en retour, incapable d’oublier pourquoi elle était déjà tombée amoureuse de lui, il y a des années de ça. Lily libère une main pour venir caresser sa joue, se retenant de lui préciser qu’il devrait se raser. “Tu me ferais une liste avec ce que tu veux manger, je jure que je ferais au mieux.” Mais il a avant toutes choses hoché la tête de la négative pour la rassurer, pour lui dire qu’il ne prend pas mal l’idée de repousser un peu les présentations avec son frère. Il ne l’a pas acté par la parole, mais Lily a bien vu, et c’est ce à quoi elle pense encore lorsqu’elle l’embrasse furtivement, déposant à peine ses lèvres contre les siennes, uniquement parce qu’elle le peut sans être limitée ni penser à ce qu’Ezra pourrait en conclure. « En vrai, je suis ton planning. Et tu me fais signe le jour où tu veux que j’apparaisse comme par magie à tes côtés. » A son tour, Lily hoche la tête, dérobant la main d’Ezra contre la sienne, encore bloquée par son écharpe. Elle n’a pas beaucoup de temps devant elle, de toute façon. Bientôt, son ventre annoncera à sa place sa grossesse et bientôt, les questions de Joseph seront nombreuses et curieuses. Il mérite d’être tenu au courant de sa vie privée avant le reste du monde, mais tout serait plus facile s’ils avaient une relation normale. Une histoire normale. “C’est lui le problème, pas toi.” Elle répète avec d’autres mots, même s’il n’a pas soulevé le sujet. Elle a besoin de le lui dire et lui de l’entendre. Il est spécial, mais pas au point d’effacer l’ardoise de la fratrie Keegan.

« Tu voudras faire des présentations officielles chez moi ou je lance l’information au prochain barbecue comme si de rien n’était ? » Gênée par son bras en écharpe, la jeune femme bascule finalement sur lui, prenant grand soin de ne pas lui faire mal à son tour - véritable couple de bras cassés, et c’est le cas de le dire. “On l’invitera pour un barbecue ici ?” Une pierre deux coups, les deux idées d’Ezra se mêlent. Joseph se doutera bien de ce qu’elle a à lui dire, au moins pour leur couple, mais elle est certaine qu’elle pourra toujours lui apprendre sa grossesse. Il sera pris de court, mécontent et perdu, mais il n’y a sûrement rien qu’elle n’ait pas déjà entendu de sa part. “J’ai pas envie de le faire souffrir en le tenant à l’écart, mais je sais pas non plus si j’ai envie d’une personne telle que lui près de notre enfant.” Il a un bon fond et jamais elle n’oserait le remettre en doute, mais Dieu seul sait ce dont il peut être capable sous l’emprise de la drogue ou n’importe quelle autre substance. “J’arrête de t’embêter avec ça. On verra le moment venu.” Sa main libre replace ses mèches derrière ses épaules, uniquement pour qu’elle puisse se pencher près de lui et murmurer quelques mots, ses lèvres tout contre les siennes. “Tu sais que tout ça, ça veut dire que tu vas devoir te montrer aux événements de l’association ?” Ironiquement, c’est un Beauregard en personne qu’elle devra traîner au sein de locaux qui portent son nom, sans que ce ne soit lié à une famille inconnue.

« Ca me rend heureuse. » C’était à peu près là la seule certitude dont Ezra avait réellement besoin: savoir que la femme qu’il tenait dans ses bras, qui portait son enfant, était heureuse. Là était désormais la mission qu’il acceptait, qu’il se donnait - il ne savait exactement où était la limite entre ce qu’il initiait et ce que Lily lui intimait de faire sans même avoir besoin de prononcer la moindre parole -: la rendre elle heureuse, ainsi que tout humain miniature qui pourraient rejoindre leur nouvelle petite famille dans les années à venir. Aux yeux du Beauregard, cela passerait également par les petites attentions, comme celle d’embrasser le visage de la brune à l’infini juste pour entendre son rire encore et encore.

Mais ce dernier, il le savait, n’était pas éternel et d’autres choses restaient encore sur le devant de la scène, attenant d’être résolues. Tout ne serait pas parfait en un claquement de doigts - si jamais quelque-chose de cet acabit existait réellement -, et seul le temps pourrait être leur allié le plus précieux dans ce cas de figure. « Tu me ferais une liste avec ce que tu veux manger, je jure que je ferais au mieux. » Ce n’était pas une surprise aux yeux d’Ezra que le frère de Lily était un sujet sensible; il avait pu voir au fil des années et surtout il y avait une dizaine de celles là que la famille chez les Keegan n’était pas chose aisée comme elle l’était finalement côté Beauregard. Il connaissait des brides, ici et là, d’un passé qui forgeait encore un présent encore trop fragile entre le duo de la fratrie. Il ne savait trop quel était le rôle qu’il se devait de porter auprès de la jeune femme, vis-à-vis de quelque-chose qui la concernait surtout elle plutôt que lui, mais il enfilerait le costume qu’elle lui désignerait sans broncher. Parce-que les choses se devaient d’aller vers des jours plus paisibles, et non l’inverse - on revenait là toujours à la promesse, peut-être trop silencieuse encore, qu’il avait faite quant à l’idée de la rendre heureuse. « C’est lui le problème, pas toi. » A ces mots, Ezra lui aurait bien répondu un simple je sais mais il se retint à temps: cela pourrait paraitre offensant dans une situation qui n’avait pas besoin de ce genre de réaction mal interprétée. Il avait saisi parfaitement le fait que des deux, c’était de Joseph dont la réaction était à se méfier, et que faire rencontrer les deux hommes aussi rapidement n’était peut-être pas quelque-chose à faire.

« On l’invitera pour un barbecue ici ? » La réponse de la jeune femme semblait d’une simplicité que même Ezra aurait pu y penser. Ceci dit, elle détourna sans le faire exprès son attention de la simplicité de sa réponse en basculant sur lui - et d’instinct, avec douceur, les bras du jeune homme entourèrent le corps de sa désormais petite-amie. Après tout, c’était dans cette direction qu’ils allaient non ? Avec toute cette discussion et l’enfant qui grandissait déjà sous son nombril. « J’aime bien l’idée. » Et puis, s’ils l’invitaient lors d’un barbecue où d’autres personnes étaient également présentes, Joseph ne pourrait pas se permettre d’être autant désagréable et violent envers sa soeur que cette dernière le craignait. Pour le reste, Ezra tenterait de s’en charger du mieux qu’il serait apte à le faire. « J’ai pas envie de le faire souffrir en le tenant à l’écart, mais je sais pas non plus si j’ai envie d’une personne telle que lui près de notre enfant. » Les prunelles d’Ezra ne sauraient lâcher celles de Lily et une partie de son coeur se serra en entendant ses paroles. « C’est pas obligé, tu sais. C’est à nous de décider. » Et par nous, dans cette situation bien sur, il insinuait Lily puisque c’était à elle de prendre les mesures qu’elle jugeait nécessaire quant à la présence ou non de son frère dans leur vie. Ezra avait de la chance de bien s’entendre avec sa fratrie, mais il savait que tout n’était pas aussi facilement rose chez tout le monde. « Tu sais que tout ça, ça veut dire que tu vas devoir te montrer aux événements de l’association ? » Il embrassa avec délicatesse du bout de ses lèvres les siennes.

« Tu sais que tout ça, ça veut dire que tu vas devoir te montrer aux événements de l’association ? » Geste tendre qui fut pour le coup suivi rapidement d’un petit soupire râleur - un brin, trois fois rien promis. « T’as pas choisi le bon frère pour être enthousiasmé à cette idée. » James était celui de la fratrie le plus à même d’être parfait dans le rôle de porte-parole pour la famille Beauregard au sein de l’association du même nom. Pas qu’Ezra n’était pas intéressé par tout ce qui se passait au sien de ces locaux, loin de là; il n’était juste pas le plus à l’aise lorsqu’il fallait présenter son minois devant un public et préférait de loin être celui qui agissait dans l’ombre, que l’on ne voyait pas mais qui savait se rendre utile. Et puis, ce serait mentir de dire qu’il n’avait pas mis les pieds à l’Association ces derniers temps surtout parce-que Lily exerçait là bas et qu’il voulait avoir un oeil sur elle pour savoir comment elle se portait, les événements de l’année passée n’ayant pas été tendres avec elle. « Est-ce que y’aura des fois où je vais devoir porter genre une costume, une cravate, et tout ça là ? » Il fronçait déjà le bout de son nez d’avance: les événements publics où il était mis en lumière, une fois de plus, très peu pour lui. « Parce-que pour toi je le ferai hein, mais s’il te plait fais en sorte que ce soit pas trop souvent ? » Il tentait, hasardait. « Ou j’ai mieux ! » Une illumination dans son regard comme s’il allait présenter une idée de génie. « Je pourrais garder les enfants quand tu auras des soirées organisées pour l’Association et tu pourras te vanter que je suis le meilleur père au monde comme ça ? » Ca l’amusait réellement, c’était ça le pire. Tout pour ses enfants, la jeune femme n’avait même pas besoin d’imaginer avoir à lui demander tel service puisqu’il serait déjà en train de battre Noah au foot dans le jardin tout en tenant leur futur bambin entre ses bras.

Le sujet de Joseph est toujours difficile à aborder mais elle ne pourrait pas être plus reconnaissante envers Ezra de toute la patience et la compréhension qui sont siennes et rendent les choses infiniment plus simples. Elles ne le seront jamais totalement, pas au point où initier au dernier moment un barbecue dominical tombe sous le sens, mais Lily a bon espoir d’arriver à apaiser les tensions, un jour. « J’aime bien l’idée. » Ce barbecue-ci ne se fera pas dans les jours à venir mais au moins l’idée est actée et désormais entreposée quelque part dans un coin de leurs têtes, prêtes à être de nouveau exposée le moment venu. Elle veut sincèrement arranger les choses avec son frère, ou tout du moins ne pas priver son enfant d’un membre de sa famille, mais c’est lui qui s’obstine à toujours foutre sa vie en l’air, encore et encore, inlassablement. « C’est pas obligé, tu sais. C’est à nous de décider. » Elle hoche la tête une fois de plus, voulant sincèrement croire qu’ils ont le temps d’y penser et surtout Joseph de se refaire une image. Il serait un oncle formidable, elle en est persuadée, mais pour cela il doit y mettre du sien puisque jamais Lily ne prendra le risque qu’il arrive le moindre malheur à son enfant chéri, pas même né encore. Dans un sourire, la nouvelle étape de leur relation dorénavant actée, la jeune femme tente donc de le prévenir de ce à quoi ressemblera leur futur ensemble, la réponse d’Ezra se couronnant d’abord d’un baiser auquel elle répond par évidence.

La deuxième réponse du brun se solde par un long soupir, lequel elle avait effectivement anticipé. Comme pour le rassurer et lui assurer sa compréhension, elle passe donc sa main libre dans ses cheveux, traçant un sillon le long de son crâne. « T’as pas choisi le bon frère pour être enthousiasmé à cette idée. » Elle le sait, oui, et c’est bien pour cette raison qu’elle aborde le sujet avec toutes les pincettes et la délicatesse du monde, en témoigne désormais le sourire attendri qu’elle lui tend. “T’as raison oui, attends, je vais tomber amoureuse d’un autre Monsieur Beauregard.” Et, sans lui laisser le temps de se plaindre de cette idée, elle dépose un premier baiser contre sa mâchoire avant de le positionner avec un peu plus de justesse contre ses lèvres la seconde suivante. Il est le seul qu’elle a toujours fréquenté, apprécié et, surtout, aimé ; il le sait. Elle lui rend bien rapidement sa liberté, pourtant, consciente de l’enjeu de cette discussion qui aurait pourtant tout pour paraître simple et sans conséquences ni fondements.

« Est-ce que y’aura des fois où je vais devoir porter genre une costume, une cravate, et tout ça là ? » Elle le trouve beau, quand il fronce le bout du nez. Elle le trouve beau et elle l’observe dans un sourire sans doute trop niais, ne cherchant même plus à rétorquer quoi que ce soit sur l’instant, trop occupée ailleurs. « Parce-que pour toi je le ferai hein, mais s’il te plait fais en sorte que ce soit pas trop souvent ? » Cette fois-ci Lily retrouve le cours de la conversation et de ses pensées avec, son sourire plus attendri que jamais alors qu’elle l’observe faire tous les efforts du monde uniquement pour lui faire plaisir, à elle. Justement, elle est bien placée pour savoir à quel point il ne se sent pas à sa place lors des galas de l’association, ou ne serait-ce dans les locaux. “Un costume et une cravate, oui.” Mais elle lui la nouera avec soin et la lui enlèvera sans doute avec bien plus de hâte. Elle ne peut pas en faire la promesse, mais elle espère sans doute que son seul sourire malicieux pourrait le lui laisser le comprendre. “Et même un pantalon.” La brune ajoute donc dans un rire, jouant d’ironie, posant une main contre sa cuisse sans le moindre vêtement pour souligner le sous-entendu de ses propos. Hors de question qu’il assiste aux galas dans la tenue actuelle, par exemple, si on peut même appeler cela une tenue. “Tu viendras une fois par an ? Je peux gérer les autres galas, mais ça ferait mauvais genre que tu ne te montres pas.” Non seulement parce qu’il est aujourd’hui officiellement son petit-ami, mais bien parce qu’elle espère un jour pouvoir le considérer comme son mari à son tour et, de façon immuable, parce qu’il est et reste un Beauregard. Il aurait été attendu à ce genre d’événements quoi qu’il en soit, qu’elle soit présente ou non - finalement c’est elle, la pièce rapportée, et personne d’autre. « Ou j’ai mieux ! Je pourrais garder les enfants quand tu auras des soirées organisées pour l’Association et tu pourras te vanter que je suis le meilleur père au monde comme ça ? » Elle rigole sans se faire prier, autant parce qu’elle n’avait pas anticipé son intervention que parce que l’image a tout pour l’attendrir, selon un bon millier de raisons évidentes. Qu’importe s’il pense que ce sont leurs enfants qui sont à conjuguer au pluriel ou s’il ajoutait simplement Noah au score finale, elle sera de toute façon heureuse de le voir évoluer auprès de mini-lui, surtout alors qu’il a toujours eu la fibre paternelle et que ces dernières années ne l’ont que confirmé. “Tu sais que les costumes, ça existe en taille enfant aussi ?” Lily rétorque donc, incapable d’abandonner son argument, même si elle sait déjà qu’Ezra se pliera à sa volonté et qu’elle fera de son mieux, de son côté, pour ne pas trop lui en demander et mettre en péril son propre bonheur. “Je pourrai me vanter que tu es le meilleur père au monde quoi qu’il en soit.” Plus que d’un regard malicieux ou attendri, c’est simplement avec beaucoup d’amour qu’elle l’observe en cet instant, impatiente à l’idée de vivre leurs lendemains. “J’ai hâte de savoir si on aura une petite fille ou un petit garçon.” qu’elle avoue finalement après s’être replacée à ses côtés, son front contre le sien et son ventre, un peu plus gros chaque jour, s’imposant doucement entre eux. Elle gardera la surprise si tel est le désir d’Ezra, mais dans ce cas son impatience reste la même à l’idée qu’ils vivent leur première échographie en tant que futurs parents, tout simplement.

Ce n’était pas qu’Ezra ne désirait pas être présent pour l’Association, et qu’il n’avait pas envie de soutenir tout ce qu’elle pouvait représenter - loin de là, même, le sujet était toujours quelque-chose qui ramenait des souvenirs à vif dans son coeur. Cependant, il ne faisait pas partie des personnes qui avaient envie de se mettre en avant pour montrer qu’elles étaient présentes, engagées; il préférait répondre à l’appel lorsque des ombres étaient nécessaires, lorsqu’une aide était attendue dans les coulisses. Mais il était vrai qu’en acceptant de s’engager de la sorte auprès de Lily, d’autres devoirs allaient être attendus de lui, dont celui d’être plus présent pour l’Association qui portait pourtant son nom. D’avance, ce n’était pas quelque-chose qui l’enchantait: il n’était pas celui des enfants Beauregard qui avait eu la fibre pour ce type de manifestation. « T’as raison oui, attends, je vais tomber amoureuse d’un autre Monsieur Beauregard. » Et même si c’était lui qui avait lancé la blague en premier, il ne put s’empêcher un petit « Aoutch. », son égo d’homme étant plus blessé que n’importe quoi d’autre dans cette situation en réalité. Les baisers de la jeune femme le rassurèrent tout de même assez rapidement - comme s’il avait réellement besoin de ça; cela faisait plus du bien à voir et à vivre que prouver quoi que ce soit qui pouvait encore rester à prouver. Ezra savait parfaitement que de tous les Beauregard, il était le seul à avoir tapé dans l’oeil de Lily.

« Un costume et une cravate, oui. » Il fronça encore davantage le bout du nez, et les sourcils allant de paire avec - comme si c’était encore possible; et cela semblait étiré toujours plus le sourire de Lily, écho de la situation. « Et même un pantalon. » C’était peut-être aussi simple que bonjour, comme humour, mais cela faisait mouche à chaque tentative chez Ezra. Alors, si la brune s’autorisa un rire, il en fit de même en secouant légèrement la tête. « Une plaie vraiment alors. » Parce-que c’était forcément l’idée de mettre un pantalon qui était la pire dans toute cette histoire. La cravate et le costume étaient accessoires, voyons. « Tu viendras une fois par an ? Je peux gérer les autres galas, mais ça ferait mauvais genre que tu ne te montres pas. » La surprise qui surgit sur les traits de son visage était véritable. « Une fois par an ? » Pas qu’il eut un réel soupire de soulagement, mais la suite de ses paroles s’y apparentaient fortement sans qu’il ne s’en rende réellement compte. « Une fois par an je peux facilement faire. Je m’attendais à pire que ça ! » Il s’attendait à une présence bien plus nécessaire, bien plus appuyée, surtout en sachant que la jeune femme était désormais la directrice. Parce-que une fois par an, il pouvait faire sans soucis et sans trop d’efforts; c’était simple, et l’occasion peut-être même de passer un bon moment. Au pire, il y aurait toujours les enfants pour prétendre devoir s’éclipser plus rapidement que d’autres convives. « Tu sais que les costumes, ça existe en taille enfant aussi ? » Alors, il plissa le bout du nez une nouvelle fois, mais avec un brin de malice dans le regard cette fois ci. « Ah ouais, t’es sure ? » Oh, elle était sure: elle l’était toujours, Lily, qu’importe le sujet. Et si ce n’était pas réellement le cas, elle saurait faire en sorte que les événements plient en sa faveur pour montrer à Ezra qu’elle avait finalement raison tout de même.

« Je pourrai me vanter que tu es le meilleur père au monde quoi qu’il en soit. » La réponse de la jeune femme était bien plus sérieuse que le ton qui avait été donné à la partie précédente de la conversation, si bien qu’il accorda le taux d’humour qu’il insuffla à ses prochaines paroles. « Attends de me voir à l’oeuvre avant de dire ça comme ça. » Même si ça lui faisait chaud au coeur que de savoir Lily prête à le nommer père de l’année sans y regarder à deux fois, lui avait de son côté un peu plus de réserves quant à son efficacité en tant que père. Pas qu’il avait l’impression de faire un mauvais travail avec Noah, simplement il avait connu ce dernier alors qu’il était déjà presque grand et donc son impact n’avait pas été le même que serait celui pour leur futur enfant, qu’il aurait à ses côtés dès ses premiers instants de vie. « J’ai hâte de savoir si on aura une petite fille ou un petit garçon. » Les yeux d’Ezra n’eurent besoin de se lever que légèrement pour rencontrer les yeux de Lily. Ce genre de paroles rendaient les choses tellement concrètes, donnait bien plus facilement de réalisme à quelque-chose qui ne se montrait pour le moment que très peu - le ventre de Lily s’arrondissait, mais lentement, et seules les personnes au courant du nouveau statut de la jeune femme pouvait se rendre compte que ce dernier prenait des formes. Aux yeux du reste de la population, le secret en était encore un justement; et peut-être que lorsque ce ne serait plus le cas, les choses deviendraient plus concrètes. En attendant, il pouvait se raccrocher à ce type de paroles et de discutions, pour rendre les choses réelles. « Et tu voudrais quoi, toi ? » Il savait pertinemment que l’on ne choisissait pas, si l’enfant à naitre était une fille ou un garçon. Mais c’était là une discussion qu’ils n’avaient jamais eu jusque maintenant, attendant que les choses se concrétisent pour cette grossesse pour ne pas se porter la poisse. « Une petite fille, pour aller avec Noah, ce serait sympa non ? » Pour avoir ce qu’ils appelaient, pour Ezra, le choix du roi. Et puis, il s’était toujours imaginé avec une petite fille - même lorsque Ginny lui avait annoncé être enceinte à l’époque, c’était ce qu’il s’était brièvement imaginé, avant que la réalité prenne une tournure imprévue.

Si elle lit aisément la surprise sur le visage d’Ezra, Lily n’arrive pourtant pas à l’interpréter aussi aisément qu’elle le voudrait, ne sachant si c’est une bonne ou une mauvaise surprise qu’elle lit là. « Une fois par an ? » Elle hoche la tête puisque bien qu’incertaine, elle ne peut pas revenir sur ses mots. Elle a besoin de lui une fois par an pour se montrer, rien de plus. Lily sait qu’au-delà de ça, il saura toujours se tenir et être un parfait hôte, même s’il n’aime pas l’exercice. « Une fois par an je peux facilement faire. Je m’attendais à pire que ça ! » Si jamais il se prête un jour au jeu, elle ne dira jamais non à l’idée de le voir plus souvent auprès d’elle, mais pour l’heure elle ne veut pas lui en demander davantage. Une fois par an, c’est un début, et cela peut tout à fait rester ainsi et contenter la jeune femme, laissant à Ezra faire le moins de concessions possible. Si elle est exigeante, la future mère souhaite aussi le bonheur du Beauregard et est prête à céder du terrain. « Ah ouais, t’es sure ? » Malheureusement oui: le moment venu, les enfants eux-aussi auront à marquer leur présence annuelle à l’Association, quand ils pourront profiter de soirées pizzas avec leur père lorsque Lily sera absente. Son sourire répond au sien, avec la même malice, avec la même joie aussi à l’idée toujours plus appuyée de leur parentalité à venir. Ainsi, elle n’a aucun mal à le qualifier de parfait père, et à le statuer avec des mots en plus de ses simpes pensées. « Attends de me voir à l’oeuvre avant de dire ça comme ça. » Elle esquisse un sourire attendri et passe une main dans ses cheveux, amoureuse. “Je te vois déjà à l’oeuvre.” Avec Noah, depuis des années. Et il n’a jamais faibli, jamais abandonné, jamais été en deçà de quoi que ce soit, de qui que ce soit aussi.

Et à ainsi parler de Noah, c’est à leur enfant qu’elle pense, c’est vers ce petit-être qui grandit doucement mais sûrement dans son ventre qui occupe toutes ses pensées. « Et tu voudrais quoi, toi ? » Un garçon, une fille ; elle n’en sait trop rien. Elle a toujours voulu d’un enfant mais n’a jamais eu l’audace de recherche un sexe en particulier, surtout parce qu’elle n’a de toute façon jamais goûté à la maternité malgré ses nombreuses tentatives. Alors, elle laisse Ezra aller de ses petits commentaires et espérances, n’ayant aucune raison de le lui refuser. « Une petite fille, pour aller avec Noah, ce serait sympa non ? » - “Il jouerait au grand frère parfait.” Parce qu’il en sera un, à n’en pas douter, près d’un Ezra qui tenterait de tresser les cheveux de leurs filles tout en regardant des vidéos pour savoir comment s’en sortir. A n’en pas douter, oui: Lily adorerait être maman d’une petite fille même si, pour une fois, ce n’est pas un détail de la vie rêvée qu’elle s’est autorisée à anticiper. Une fille serait parfaite, un garçon pourrait l’être tout autant. Tout ce qu’elle souhaite, c’est qu’ils soient ensemble et heureux, tous les quatre, en témoigne la façon dont elle se love un peu plus encore auprès d’Ezra, incapable de renoncer à leur confort de l’instant.