Devant la porte de Juliet, elle ne feint pas les larmes qui menacent de couler de ses grands yeux clairs. Le liquide s’accumule, elle le sent, et elle ne met pas la même force qu’à son habitude pour retenir ce trop plein d’émotion, déjà assurée d’échouer. Le sujet est bien trop particulier, aujourd’hui, pour qu’elle tente quelque chose en ce sens. Elle est réellement triste, acculée et à bout de nerfs, fatiguée par les récents événements dans leur entièreté, mais la vérité sous-jacente à cela c’est qu’elle aurait pu rester chez elle et se noyer dans les bras d’Ezra pour attendre de jours meilleurs. Elle ne le fait pas. Elle le fera ce soir, oui, sans aucun doute. Mais pour l’heure c’est à l’heure du rendez-vous donné par Juliet qu’elle se présente devant chez elle et appuie mécaniquement sur la sonnette, éternelle gamine polie qui n’oserait pas hausser la voix pour annoncer sa présence. L’inspiration est immense dès la seconde où elle appuie sur le bouton fatidique, elle qui n’a pas besoin de se répéter son plan tant il est limpide.

Alfie doit payer.
Alfie va payer.

Et il n’est pas le genre d’homme qu’elle peut attaquer de front, à commencer par le fait qu’elle n’en a pas la force et surtout qu’elle a plus à y perdre que lui dans un tel combat. Un enfant grandit en elle, jamais elle ne prendrait le moindre risque à son égard. Alors, elle fait du Lily tout craché. Elle avance dans l’ombre, serpent silencieux terré sous le sable brûlant du désert, prêt à murmurer aux bonnes oreilles et à mordre ses opposants. Par chance - pour elle -, Juliet est une oreille à laquelle elle doit murmurer, ou plutôt pleurer dans le cas actuel. Preuve en est, lorsque la porte s’ouvre sous ses yeux et que l’éternelle parfaite et délicate silhouette de Juliet se dessine sous ses yeux, c’est contre elle que Lily se laisse retomber. Elle noue son bras autour de ses épaules, enfonce son visage près du sien, uniquement pour pleurer à chaudes larmes. Jamais Juliet ne l’avait vue dans un tel état et jamais elle ne la reverra ainsi, d’ailleurs, telle est la promesse que Lily se fait. Son bras en écharpe est serré au milieu de leurs deux poids, il lui fait mal mais jamais autant que le jour où Alfie le lui a cassé. Elle a entendu l’os se briser autant que son coeur et toute sa fierté, à ce moment là. “Je suis désolée, je savais pas à qui parler…” Commence alors son discours empreint d’une vérité douloureuse. Elle n’a qu’à forcer des mots qu’elle aurait d’usuelle gardé au fond de son coeur, il n’y a rien de plus difficile que cela. “Je voulais pas te déranger, je voulais pas… Je pensais arriver à tenir.” A garder la tête haute, le dos droit, les épaules en arrière et le menton relevé. Elle aurait pu, oui, mais elle ne le voulait pas. Cela n’aurait pas aidé sa cause, aujourd’hui, et il faut dire que Lily y est entièrement dédiée désormais. Corps et âme. “J’ai peur pour toi, Jules.” Oh non, certainement pas. Mais Jules est le parfait pantin, la seule personne qu’elle peut modeler à sa convenance en étant certaine que peu importe la finalité, cela touchera Alfie. Cela le touchera d’autant plus si le plan de la future mère arrive à ses fins, comme elle l’espère.

oups.
@juliet rhodes

Ce serait mentir de dire que les messages de Lily n'ont pas piqué ta curiosité, et encore moins ton inquiétude malgré tout. Lily est une amie, mais elle n'est quand même pas ce qu'on considère être une amie proche. Elle n'est pas celle vers qui tu te tournerais en cas de problème et l'inverse est tout aussi vrai. Que pouvait-elle vouloir te dire ? De quoi avait-elle besoin de discuter avec toi ? En quoi consiste cette mauvaise passe ? Et comment pense-t-elle que tu puisses lui venir en aide ? Les possibilités ne sont pas infinies. Ça concerne soit Alfie, soit Joseph. Est-ce que ça avait un lien avec l'une des dernières discussions avec l'un des deux intéressés ? Venait-elle dénoncer les mensonges d'Alfie ? Tu as eu la nausée toute la journée, incapable d'avaler quoique ce soit tant l'angoisse et les questionnements te tourmentaient. La journée a été bien peu productive. Tu n'aurais pas été travailler qu'il n'y aurait pas eu de différences sur le boulot fait aujourd'hui. Encore heureux que l'excuse des spm fassent autant taire les autres (les hommes surtout) et qu'ils préfèrent éviter le sujet plutôt que d'insister sur vos états d'âmes.

Ta gorge se noue un peu plus lorsque le soir venu, on toque à la porte. Tu essuies tes mains moites sur ton pantalon avant d'aller ouvrir. À partir de là, tout va bien trop vite. Tu découvres de l'autre côté une Lily en pleine crise de larmes. A peine remarques-tu l'écharpe à son bras qu'elle se jette à ton cou pour pleurer davantage. Tu t'attendais à tout, mais pas à un tel spectacle. “Je suis désolée, je savais pas à qui parler…” Et c'est vers toi qu'elle a décidé de se tourner ? Tu voudrais savoir pourquoi, mais ce n'est définitivement pas le temps de poser la question. Peu importe la raison, Lily sait bien que tu peux être l'épaule sur laquelle pleurer. C'est peut être ça la raison au fond. Peut-être qu'il ne faut pas chercher aussi loin que tu le crois. “Je voulais pas te déranger, je voulais pas… Je pensais arriver à tenir.” Elle s'excuse de nouveau alors qu'elle n'a clairement pas à le faire. « Mais tu ne me déranges pas du tout. Tu as bien fait de venir. » Tu défaits l'étreinte entre vous deux simplement pour l'inviter à entrer, pour l'inviter à prendre place sur le canapé plutôt que de rester dans l'entrée. Ton regard dévie bien malgré toi vers l'écharpe autour de son bras. Est-ce la raison de sa venue ? Est-ce que quelqu'un cherche à lui faire du mal ? Tu avais sûrement tord. Ça ne concerne ni Alfie, ni Joseph… quoique les paroles de ton ex désignant Joseph comme son agresseur te revient en tête. Non, non, non, Alfie est un menteur. Lily est la soeur de Joseph. Il ne s'en prendrait pas à elle, ni à personne d'autre. “J’ai peur pour toi, Jules.” Ça, c'est le comble de la surprise. Pour toi ? C'est elle qui est dans tous ses états et elle s'inquiète pour toi ? « Pour moi ? Je… pourquoi ? J'vais bien, faut pas t'en faire. » Tu affiches un sourire chaleureux avant de tendre une boîte de mouchoirs vers elle pour qu'elle puisse sécher ses larmes, ou tenter de. « Tu m'expliques ce qui te met dans un tel état ? » que tu lui demandes doucement, en replaçant au passage une mèche de cheveux qui colle sous l'humidité de son visage. Tu essaies d'être le plus rassurante possible, mais à l'intérieur de toi, c'est un véritable ouragan de questionnement, et d'angoisse surtout. La suite n'annonce rien de bon. Tu n'imagines pas à quel point.

« Mais tu ne me déranges pas du tout. Tu as bien fait de venir. » Elle la dérange, bien sûr. Factuellement, elle la dérange. Elle prend de son temps, elle lui dérobe sa précieuse soirée, elle l’importune, elle lui cause un souci inopiné et non nécessaire. Alors oui, elle dérange. Et non, elle ne fait pas bien de venir. Si Lily souhaitait répandre le bien en ce monde, elle occuperait son temps à autre chose, elle se contenterait de vivre autour de l’Association Beauregard, elle ferait bien d’autres choses encore. Elle sait comment faire le bien, répandre la joie autour d’elle, soigner ceux qui en ont besoin. Elle sait, mais elle ne le veut pas. Pas en cet instant, pas dans ce contexte bien précis. Parce qu’Alfie doit payer et que cela a déjà été statué ; parce que son plan est intrinsèque à Juliet elle-même, cette jeune femme si parfaite qui a eu le malheur de rencontrer le chemin de cet individu. Ce sont autant de mots et de pensées que Lily ne peut partager, son visage enfoncé contre le plexus de Juliet, ses larmes de crocodile coulant à flot.

Elle se défait bien malgré elle de sa présence rassurante, replaçant son bras près d’elle uniquement pour chasser ses larmes de ses yeux qu’elle n’a pas pris la peine de maquiller. Déjà ce matin, Lily connaissait l’issue de la journée. Déjà ce matin, elle savait qu’elle ne pourrait pas désigner cette journée comme étant bonne, mais elle lui permet au moins de mettre en place une vengeance d’envergure nécessaire. D’autres auraient osé appeler ça la justice, mais la Keegan ne se fait pas d’illusions. « Pour moi ? Je… pourquoi ? J'vais bien, faut pas t'en faire. » Pour le moment. Elle va bien pour le moment parce qu’elle a toujours été la préférée, parce qu’elle a toujours eu un traitement de faveur et parce qu’elle a été érigée en Dieu vivant sans aucune raison. Et tant que ses fondations restent stables, elle va bien. A la seconde où une faille se fera voir, elle tombera, comme tous les autres avant elle. Lily accepte les mouchoirs dans un reniflement, ses grands yeux tristes posés dans ceux de la jeune femme qui lui ressemble tant, à tous les niveaux. « Tu m'expliques ce qui te met dans un tel état ? » Une mèche de ses cheveux est replacée par Juliet, geste qu’elle n’accepte que dans ce contexte particulier. Elle l’observe quelques secondes en silence, occupée à éponger ses larmes avec délicatesse, plaçant le mouchoir uniquement sous ses yeux. La déglutition qui s’ensuit n’est pas forcé, elle en a réellement besoin. “Assis toi, Jules.” Et elle ne l’appelle jamais Jules ; c’est sûrement un énième signe de l’ampleur de la situation, un parmi tant d’autres alors qu’une fois installée sur le canapé, Lily vient poser sa main par-dessus la sienne avec douceur. “J’ai… Je sais même pas par où commencer.” Elle a beau avoir répété son discours devant le miroir de la salle de bain d’Ezra pendant de longues minutes, elle pense réellement chacun de ces mots. Elle ne sait pas par où commencer, uniquement parce qu’il y a trop de choses à dire. “Je vis avec Alfie depuis la mort de Matt.” Ca, elle le savait déjà. Plus ou moins ; mais Lily se charge d’ajouter l’agent de pathos à l’explication, appuyant sur la mort de son mari, sous-entendant son besoin d’être entourée et surtout aidée dans cette épreuve tragique.

“Et je… On…” Son regard chavire, s’accroche au seul poil accroché au canapé. “On a vécu une histoire, il y a longtemps. Courte. On était jeunes.” Ce n’était pas une histoire: il lui a fait croire qu’elle avait une place dans son coeur, ils ont fait l’amour, et le lendemain il n’y avait déjà plus rien. Peu importe. Des détails. “Au vue des circonstances, je pense qu’on a tous les deux jugés bon de… réessayer.” Parce qu’il a déconné avec les drogues, parce qu’il n’était plus avec Jules depuis un moment déjà, parce qu’elle s’est ouverte à lui et qu’il a su en profiter, parce que tout ceci n’est que la pure vérité, à la seule différence qu’Alfie niera que le moindre sentiment était impliqué dans cette histoire. “Et…” Et vient le nœud du problème, le point crucial de son récit. Paradoxalement, Lily n’a toujours pas tranché quelle histoire lui raconter, entre mensonge et vérité. Elle retrouve les yeux de Juliet, avide de voir sa réaction en temps réel, son visage affichant encore une profonde tristesse alors que sa main libre s’accroche à son écharpe, ne serait-ce pour lui rappeler son existence. Celle-ci est bien réelle. “Je suis tombée enceinte.” Elle relève son menton après avoir annoncé la nouvelle, réflexe humain qu’elle n’explique pas. “Je suis enceinte.” Le besoin de précision est nécessaire. Peu importe l’histoire qu’elle raconte et peu importe le point de vue, les faits restent les mêmes: elle va être mère dans la prochaine année. “Alfie n’en voulait pas. Il n’a pas apprécié la nouvelle.” Sa main libre remonte le long de son visage pour mieux redescendre dans ses cheveux, finalement, et elle prend une longue inspiration allant avec. La vague de chaleur qu’elle ressent n’est pas inventée. Lily commence réellement à ne pas se sentir à sa place autant qu’à paniquer, peu à peu. “Vraiment pas. Et… je veux plus jamais l’approcher, je veux plus jamais rien avoir à faire avec lui.” Sur ces points-là, elle n’a pas besoin d’inventer quoi que ce soit. Ces mots reflètent plus que jamais sa pensée et son ressenti vis-à-vis du Maslow, cet homme qui lui donne aujourd’hui des sueurs froides, elles qui ont remplacé des papillons dans le ventre, présents il y a peu encore. “J’ai peur qu’il s’en prenne à toi aussi, s’il sait… Si jamais un jour tu arrives à tomber enceinte et que ça lui plaît pas… Tu sais comment il est.” La laisser imaginer le reste est finalement ce qu’il y a de mieux à faire, surtout quand Alfie s’est occupé toute sa vie durant à ternir son image de façon irrémédiable.

“Assis toi, Jules.” Comment faire angoisser quelqu'un avec trois petits mots ? Voilà exactement comment. Assis toi, parce que tu vas perdre le contrôle de tes jambes lorsque tu sauras tout. Voilà ce que ça veut dire. Tu hésites toutefois pendant quelques secondes, alors que tu poses un regard un peu troublé vers Lily, avant d'obéir. Tu prends place sur le canapé. Tu n'aimes absolument pas qu'elle te surplombe de la sorte. Tu as l'impression d'être une enfant qui attend de recevoir une très mauvaise nouvelle. “J’ai… Je sais même pas par où commencer.” Par le début sans doute. Tu vois qu'elle cherche ses mots et tu ne comptes pas briser ce silence qui lui permet sans doute de mettre ses idées en place. “Je vis avec Alfie depuis la mort de Matt.” Jusque là, tout va bien. Tu te questionnais si sa venu concernait son frère ou Alfie, cette phrase te confirme que ça concerne bel et bien ton ex. « Oui, je sais. » Et tu le sais de la même personne qui se trouve en face de toi. Où veut-elle en venir ? La laisser parler, c'est ta seule option pour connaître la suite. “Et je… On…” Tu devines déjà la suite. Ou tu penses la deviner surtout. Deux âmes en peine vivant sous le même toit, ça finit forcément sous les draps. Tu l'avais déjà annoncé tes soupçons au frère de la concernée. “On a vécu une histoire, il y a longtemps. Courte. On était jeunes.” Ce détail là par contre, tu ne l'avais pas vu venir. Un ex de plus dont Alfie a su taire l'identité. “Au vue des circonstances, je pense qu’on a tous les deux jugés bon de… réessayer.” Réessayer ? Dans le sens réessayer de former un couple ? C'est sûrement là que ton petit coeur se fissure une première fois. Comment peut-il simplement imaginer sa vie avec une autre personne ? Tu arrivais bien plus à accepter qu'il enchaînait les amants plutôt qu'il tente de confier son coeur à une autre. “Et…” Plus elle hésite, plus ton coeur palpite - certainement pas dans le bon sens du terme. Tu as envie de hurler pour connaître la suite, mais quand bien même tu voudrais le faire, aucun son n'arriverait à sortir de ta bouche. “Je suis tombée enceinte.” Et voilà ton coeur qui éclate en million de petits morceaux. Tu figes Lily comme si tu avais envie qu'elle te dise qu'elle plaisante. Il suffit de regarder le non-verbale de Lily pour comprendre que tout ceci n'a rien d'une plaisanterie. Comment avait-il pu offrir son coeur à une autre et lui faire un enfant ? “Je suis enceinte.” Ton regard se détourne automatiquement lorsqu'elle répète l'information. Elle est enceinte. Ce n'est pas la peine de lui demander ce qu'elle compte faire de l'enfant. Elle n'aura pas dit ça si c'était pour avorter dans les jours à venir. “Alfie n’en voulait pas. Il n’a pas apprécié la nouvelle.” Tu n'es plus très certaine d'être capable mentalement d'écouter la suite de ce qu'elle a à dire. Ta main se glisse sous ton œil avant même qu'une larme ne puisse y couler. Aucune chance pour que tu puisses rester stoïque face à cette nouvelle. “Vraiment pas. Et… je veux plus jamais l’approcher, je veux plus jamais rien avoir à faire avec lui.” Tu voudrais qu'elle arrête de parler. Tu voudrais qu'elle s'en aille. Tu voudrais composer le numéro de Alfie et lui crier dessus. Tu voudrais te cacher sous ta couette et pleurer toutes les larmes de ton corps. Il ne peut pas avoir un enfant avec une autre - oh non, toi ce n'est pas pareil, toi tu peux. “J’ai peur qu’il s’en prenne à toi aussi, s’il sait… Si jamais un jour tu arrives à tomber enceinte et que ça lui plaît pas… Tu sais comment il est.” Ta tête se redresse soudainement. Qu'il s'en prenne à toi aussi ? Ton regard se pose dans ses petits yeux aussi humides que les tiens avant de bifurquer sur son écharpe. Non, non, non, non. Il ne ferait jamais une telle chose. Tu te lèves soudainement d'un seul bond, outré qu'elle pose de telle accusation contre Alfie. Peut-on vraiment traiter de menteuse une personne dans un état aussi démunie que Lily en face de toi ? Non, ça ne se fait tout simplement pas. Si elle est dans un tel état, c'est parce qu'elle dit la vérité. Une vérité que tu refuses d'accepter. « Non… il n'est pas… il peut pas… » Tu n'arrives même plus à finir une seule de tes phrases. La panique t'envahit complètement alors que tes mains se glissent dans ton visage comme si la réponse était cachée quelque part. Il est jaloux. Il est possessif. Il est impulsif. Il n'aime pas qu'on aille pas dans le même sens que lui. Il serait en colère qu'une personne garde un enfant sans son accord. Mais il ne ferait jamais de mal à personne. Pas vrai ? « C'est pas sa faute…il… il va pas bien. » Oh Juliet, tu lui trouverais bien toutes les défaites du monde. Tu pourrais même tout porter sur ta faute plutôt que sur celle d'Alfie. « Il voulait pas. » Qu'est-ce que tu en sais ? Tu n'étais pas présente. Tu n'as pas vu la fureur dans son regard. Heureusement que tu ne l'as pas vu. « Excuse-moi, je… » Je ne sais plus comment respirer avec cette déclaration. Tu te laisses de nouveau retomber sur le sofa, l'envie de vomir pas très loin. Ça ressortira sans doute à la seconde où elle quittera ton appartement. « Je peux pas t'aider Lily. Je suis désolée… je peux pas… c'est trop. » Elle n'a pas demandé d'aide, mais tu l'as préviens tout de même. « Mais… il n'en à rien à faire de ma vie. Tu peux t'enlever ce tracas de la tête. » Elle en a déjà assez comme ça à gérer avec son bébé à protéger et son bras à soigner. « Oh... j'suis... j'suis désolée... » que tu ajoutes en réalisant soudainement que tu n'arrivais plus à essuyer les larmes qui coulait contre tes joues. Lily n'a pas cogné à la bonne porte si elle cherchait du soutient émotionnelle.

Je suis enceinte. Ces mots si précieux, si rares. Ces mots qui représentent la lueur d’espoir dont elle a besoin, bien que son monde ne soit pas aussi impossible à vivre que ce qu’elle tente de faire croire à Jules, avec un certain brio qu’elle ne peut nier. « Non… il n'est pas… il peut pas… » - “Je le pensais moi aussi.” Lily souffle, désolée, ses yeux papillonnant pour marquer sa peine difficilement gérable. C’est une comédie simple à jouer pour elle, parce qu’elle repose sur un fond de vérité. Elle a toujours cru être différente, sur un certain piédestal aussi. Elle a toujours cru qu’elle pourrait passer au travers de sa colère et de son impulsivité uniquement parce qu’elle est elle, parce qu’elle est précieuse, parce qu’elle compte à ses yeux. Il y a de ça, oui, peut-être, mais ce n’est plus assez maintenant, apparemment.

« C'est pas sa faute…il… il va pas bien. »
“Jules…”

Elle déteste ce surnom. Elle n’est pas son amie, le masculin ne lui va pas au teint. Elle la voudrait loin, bien loin, Jules, mais la voilà qui joue avec la corde sensible et tente de la persuader qu’Alfie est un homme dangereux ce qui, finalement, n’est que la pure vérité. Tout ce que Lily se contente de faire, c’est mettre l’emphase sur certaines parties de l’histoire. Elle n’invente rien (ou presque), elle ne le rend pas coupable de faits qui ne sont pas les siens. Il lui a réellement fait mal, il la terrifie réellement, et ce sont exactement pour ces deux raisons qu’il mérite de payer par le biais des rares personnes qui lui sont encore proches. « Il voulait pas. » Ses mains étalent des bactéries tout le long de son visage, elle cache ce dernier sans que cela ne puisse empêcher Lily d’observer l’évidence: elle est totalement chamboulée. “Tu ne peux pas lui pardonner ça.” Même si elle l’aime, même si elle ferme les yeux encore mieux que Lily: elle ne peut pas tout lui pardonner. Pas ça.

« Excuse-moi, je… Je peux pas t'aider Lily. Je suis désolée… je peux pas… c'est trop. » Bien sûr. Juliet a toujours été cette petite chose fragile, trop parfait sous tous rapports et que seul Alfie a cru bon de ramener dans leur vie. Elle n’a pas les épaules pour ça ni pour rien d’autre, pas même pour arriver à fonder une famille ou garder proche d’elle le seul homme qui a cru bon de l’aimer à son tour. C’était évident qu’elle n’arriverait pas à faire face à une telle annonce, assez évident pour que Lily doive surjouer la surprise et l’empathie au moment de s’asseoir à ses côtés sur le canapé et d’enrouler une main rassurante autour de son dos. “Je te demande rien. Je veux juste que tu sois en sécurité.” Elle ne fait que la prévenir, Lily la bonne amie. Elle ne veut que son bien, son bonheur, sa sécurité. Que voudrait-elle d’autre, de toute façon ? Ils ne sont pas dans une série d’horreur, personne ne va poignarder personne dans le dos d’ici la fin de la scène. Pas réellement, du moins. « Mais… il n'en à rien à faire de ma vie. Tu peux t'enlever ce tracas de la tête. » - “Tu compteras toujours pour lui.” Et c’est justement à cause de cette amère vérité que Lily est présente, aujourd’hui. Si elle était une personne comme une autre, elle n’aurait jamais pris la peine de la mêler à toute cette histoire et de faire d’elle le pion central. « Oh... j'suis... j'suis désolée... » La main de Lily caresse doucement son épaule et son dos, désormais, lui donnant ainsi le temps dont elle a besoin pour arriver à dompter ses émotions. Sa main libre, elle, protège encore et toujours son ventre.

“Je te demande rien, Jules, je veux juste que tu fasses attention à toi.” Et ça, c’est vrai. Presque vrai. Elle ne lui demande rien, elle se contente de lui laisser entre les mains la patate chaude, la bombe prête à exploser à chaque instant. Elle n’a qu’à en faire ce qu’elle veut, pas vrai ? Peu importe ce qu’elle décide de faire, ce sera le raisonnement d’une femme détruite et sans nul doute toujours apeurée. En somme, cela ne signifiera rien de bon pour Alfie, et c’est tout ce qu’elle recherche. “Je veux simplement ton bien. Tu sais que tu peux m’appeler à n’importe quelle heure, pas vrai ?” Pour Jules, aujourd'hui plus que jamais, elle répondra toujours présente.

“Je le pensais moi aussi.” Qu'il n'était pas comme ça. Oui, bien sûr qu'il est plutôt impulsif, qu'il laisse ses émotions guider ses actes. Oui, tu n'as aucun doute que la colère l'a submergé lorsque Lily lui a annoncé qu'elle portait son enfant. Il a réagit de la même manière lorsqu'il a trouvé ton test de grossesse dans les ordures. Sauf que le tien était négatif. Est-ce vraiment ce qui change le traitement qu'à reçu Lily au tien ? Non, non, non. Alfie n'est pas colérique à ce point. Pas au point de briser le bras à la femme qui porte son enfant - qu'il soit ou non désiré. Alfie ne va pas bien. Il consomme sûrement encore, se croyant bien trop invincible pour qu'une overdose le ramène sur le droit chemin. Ce n'est pas Alfie qui a frappé Lily, c'est l'héroïne. Il ne voulait pas faire ça. “Jules…” Lily semble vouloir t'ouvrir les yeux dans ton raisonnement qui ne fait sûrement aucun sens à ses yeux. C'est tout à fait compréhensible. Ce n'est pas toi la victime. C'est encore possible de lui trouver toutes les bonnes raisons du monde, alors qu'il n'en existe aucune. “Tu ne peux pas lui pardonner ça.” Tes yeux embrumés d'eau se tournent vers la brune. Lui pardonner quoi ? D'avoir fait du mal à une personne qui compte pour lui ? Ou d'avoir accidentellement mis la vie dans une autre femme ? Oh, tu as envie d'être particulièrement égoïste ce soir. Tu as envie de lui en vouloir - et de ne pas lui pardonner - pour avoir offert à une autre ce qu'il t'a toujours refusé. Tu ne porteras jamais la vie par sa faute. Il aura un enfant et tu n'en auras jamais. Qu'importe qu'il ne souhaite pas plus la venue de ce petit être qui pousse à l'intérieur de Lily, tu lui en veux quand même. Lily vient d'ailleurs prendre place à tes côtés alors que les larmes semblent incapable d'arrêter de couler contre ton visage. À quel point c'est pathétique que ce soit soudainement elle qui te console ? “Je te demande rien. Je veux juste que tu sois en sécurité.” Qu'est-ce qu'ils ont tous à te vouloir en sécurité ? Tu n'as certainement pas besoin de personne pour veiller sur toi, ni même pour pointer du doigt les monstres qui t'entourent. Mais de Lily et d'Alfie, c'est sûrement de la jeune femme que tu acceptes le plus cet avertissement. Malgré que ce soit assurément en vain puisque tu n'as plus réellement d'importance pour son agresseur. “Tu compteras toujours pour lui.” Ça pique. « J'en doute. » Ou alors pas vraiment, mais que tu comptes pour lui ou non ne change désormais plus rien. Au vu de votre dernière rencontre… non, ça ne change plus rien. C'était sûrement la dernière fois que tu voyais Alfie, même si là, pour le moment, ta seule envie est d'aller à sa porte - heureusement que tu ne connais pas son adresse même si elle serait facile à obtenir. Non, tu n'es pas dans un bon état pour aller à la rencontre de Alfie. Après lui avoir demandé de te laisser tranquille, ce serait ingrat de ta part de retourner vers lui. Mh, sans doute. On verra bien un coup la tête reposée et les idées en place. “Je te demande rien, Jules, je veux juste que tu fasses attention à toi.”  Tu acquiesces soudainement sous ses paroles. Les sanglots semblent s'être calmés, alors que tu renifles de manière peu charmante. Ils reviendront bien trop rapidement dès lors qu'elle partira d'ici. “Je veux simplement ton bien. Tu sais que tu peux m’appeler à n’importe quelle heure, pas vrai ?” À nouveau, tu ne réponds que par un hochement de tête. Tu n'aurais jamais osé le faire, mais maintenant qu'elle le propose, peut-être que tu prendras son offre en considération dans un avenir plus ou moins rapproché. « Où il est ? » que tu demandes par la suite alors que ton regard est plutôt captivé par le bout de tes doigts. Il est encore chez elle ? Elle l'a mise à la porte. Elle a beau se soucier de ta sécurité, il faut bien que quelqu'un se soucie également de la sienne. « Tu as quelque part où aller ? » Ah Juliet, le coeur sur la main, tu lui offrirais volontiers refuge à elle et ce bébé que tu as envie de détester sans aucune raison valable - il n'a rien demandé lui. Tu n'as pas envie d'offrir un toit à Lily, mais tu le ferais quand même. Tu ne veux même pas rester ici toi-même. Hors de question que tu passes une nuit toute seule dans un état pareil. « Je vais…. j'vais faire attention… » que tu finis par ajouter, puisque c'est sûrement ces paroles qu'elle attend depuis le début de votre discussion. Elle a beau te dire tout ce qui s'est passé, tu n'as pas peur d'Alfie. Tu as encore envie de croire qu'il est juste une âme perdu qui a besoin d'aide. Tu as envie de croire qu'il ne te fera jamais rien pour te blesser. Parce que tu compteras toujours pour lui. C'est bien ce qu'elle a dit non ?

« J'en doute. »
Elle comptera toujours pour Alfie, qu’elle le veuille ou non et, surtout, que cela plaise à Lily ou non. Cette dernière ne tente pourtant pas d’argumenter, n’ayant absolument rien à y gagner dans un tel exercice. Peu importe si elle ne la croit pas, Alfie s’occupera de le lui faire comprendre, tôt ou tard, quand un jour il sera assez désespéré de vivre loin d’elle pour enfin accepter de baisser les armes et son ego d’un cran. Ça arrivera, parce qu’il n’a toujours eu qu’elle à l’esprit depuis le moment où il l’a rencontrée. Qu’elles le veuillent ou non.

Jules renifle doucement et la brune à ses côtés tente d’être présente pour elle, autant que de choisir les mots adaptés à la situation. C’est une peine de cœur autant qu’une trahison dont elle est en train de lui faire part, il est normal que Juliet ne sache comment réagir face à cet amas soudain d’informations bouleversantes. « Où il est ? » Lily hoche la tête de la négative, n’ayant aucune certitude quant à sa réponse. “Chez nous, je pense.” Après tout, c’est elle qui a foutu le camp. Lui n’a aucune raison d’être ailleurs. « Tu as quelque part où aller ? » Cette question-là, elle a bien moins de mal à y trouver la réponse adaptée. “Je suis chez un ami pour le moment, oui.” Elle ne dit pas qu’elle n’ira pas ailleurs, elle ne dit pas qu’elle couche aussi avec l’ami en question, elle précise encore moins que c’est lui, le véritable père du bébé qu’elle porte. Juliet se porte mieux en ignorant de tels détails ; elle se porte mieux si elle ne connaît que le strict minimum de toute cette histoire. Elle est un dommage collatéral de tout, tous et toutes choses, justement parce qu’elle comptera toujours pour Alfie et qu’il refusera de la voir s’éloigner de trop, sa précieuse Jules. “Tu devrais inviter tes amis, ici. Pour pas être seule.” Pour ne pas ressasser ses pensées, autant que pour toujours avoir quelqu’un à ses côtés, au sens propre. « Je vais…. j'vais faire attention… » Les larmes de crocodile ainsi séchées sur les joues de Lily, elle se place enfin face à elle pour hocher doucement la tête et esquisser un sourire faible et maladroit. “Je sais que c’est compliqué et que t’as peut-être pas vraiment envie de me parler mais… je serai toujours là pour toi Jules, d’accord ? Tu peux tout me dire.” Et c’est vrai. Elle sera toujours là pour elle autant qu’elle peut tout dire à Lily, cette dernière se contente simplement de ne pas préciser ce qu’elle ferait de telles informations.

“Chez nous, je pense.” Elle pense. Elle n'en est pas certaine. La question à savoir c'est où exactement chez eux te brûle les lèvres. La fierté sans doute qui t'empêche de le demander à voix haute, et c'est bien mieux ainsi. Tu n'es clairement pas dans un bon état mental pour avoir Alfie en face de toi. Déjà que tu as ruminé pendant des jours les mots que tu lui a dit lors de votre dernière rencontre, tu ne te remettrais jamais de ce que tu pourrais lâcher dans un état de crise - quoiqu'il a toujours mieux gérer que personne tes crises compulsives. “Je suis chez un ami pour le moment, oui.” Par sa réponse, il était évident qu'elle ne restait plus chez elle depuis l'incident. C'est arrivé quand d'ailleurs ? Elle a l'air tellement à fleur de peau que ça ne doit pas dater de tellement longtemps. Ton regard semble incapable de bifurquer ailleurs que sur son plâtre aux quinze secondes, comme si tu voulais continuer de croire que l'histoire qu'elle racontait était impossible. Il faut tout de même avouer que tu es un peu soulagée de ne pas devoir lui offrir un toit pour la nuit - qui en offrira un à Alfie lorsqu'elle le mettra à la porte ? C'est bien ainsi que les choses vont se terminer, non ? “Tu devrais inviter tes amis, ici. Pour pas être seule.” Ici ? Non, sûrement pas. Tu meurs d'envie de prendre tes jambes à ton cou, mais elle a tout de même raison : tu ne devrais pas être seule et tu n'en as pas non plus envie. « Oui, je vais… appeler un ami. » Et il ne te reste plus qu'à espérer qu'il réponde et qu'il ne soit pas occupé non plus. Ce n'est pas gagné d'avance. Tu souffles un long coup pour tenter de reprendre une respiration moins saccadée que durant les dernières minutes. Ça non plus, c'est pas gagné. “Je sais que c’est compliqué et que t’as peut-être pas vraiment envie de me parler mais… je serai toujours là pour toi Jules, d’accord ? Tu peux tout me dire.” - « Merci, j'en prend note. » que tu lui réponds en lui souriant faiblement, même si sourire est bien la dernière chose que tu as envie de faire. Si, en effet, c'est compliqué. Elle vient d'annoncer qu'elle porte l'enfant de la seule personne sur cette planète avec qui tu aurais pu espérer avoir une famille un jour. Tu n'es pas trop certaine de savoir comment prendre cette nouvelle. Une partie de toi a envie de lui en vouloir, tu as presque envie de te sentir trahi. Ça ne se fait pas, non, entre amies ? Non, sûrement pas. Mais elle est (était) l'ami de Alfie bien avant d'être la tienne. Alors, le code d'honneur n'a sûrement pas sa place. Il ne joue pas en ta faveur du moins. Mais ce soir, tu n'as rien à dire. Pas à Lily. Un autre soir peut-être, quand tu auras replacer cette conversation dans le bon sens dans ta tête, quand tu auras bien assimiler toute l'information qui vient de t'être jeté au visage. « Qu'est-ce que tu vas faire ? » que tu lui demandes sans trop savoir toi-même ce qui englobait cette question. Tu as tout de même déjà l'impression de connaître la réponse. Ce n'est rien pour aider ta nausée qui semble prête à évacuer à tout moment - ça n'arrivera pas, soyez rassuré. Ton regard s'abaisse sur le bout de tes doigts qui se grattent ensemble. Oh Juliet, ne vas pas là. « Tu l'aimes ? » Et lui, il t'aime ?

Elle le pense sincèrement, ce qu’elle dit, Lily, quand elle lui recommande à Juliet de passer un peu de temps avec un ami, d’en appeler un, ou quoi qu’elle juge utile pour sa personne encore. C’est une période difficile pour elle, rendue largement pire encore par l’intervention de la Keegan, mais elle ne lui souhaite pas de connaître une suite dramatique. Après tout, Juliet est un dommage collatéral et une arme puissante qui ne connaît pas sa force, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne lui souhaite pas d’être heureuse, à terme. « Oui, je vais… appeler un ami. » Lily hoche la tête et esquisse un sourire, tentant alors de se vouloir rassurante. Appeler un ami, voilà un très bon début: elle en aura bien besoin. Juliet n’a jamais eu les épaules pour vivre auprès d’un homme tel qu’Alfie et surtout avec tout ce que cela signifie, tout ce qu’il brasse éternellement autour de sa personne. « Merci, j'en prend note. » Juliet sourit doucement à son tour, assurant à Lily qu’elle l’a bien entendue mais pas qu’elle l’appellera si elle a effectivement besoin de quelqu’un. C’est une confiance bien différente qu’il faut bâtir pour en arriver à ce point là, la future mère en est consciente et c’est la raison pour laquelle elle n’insiste pas davantage, faisant assez confiance à la naïveté et l’utopisme de Juliet pour agir en leur conscience.

« Qu'est-ce que tu vas faire ? » Lily hausse les épaules, associant à ce geste un air triste qu’elle n’a pas besoin de surjouer. Les choses doivent avancer d’elle-même, elle ne peut pas être l’instigatrice de toutes choses. Alors, en attendant, elle n’a véritablement aucune idée de ce qu’elle va faire, si ce n’est faire de son mieux pour prendre le temps de soigner sa santé et, par extension, celle de son enfant qu’elle porte encore. “J’en sais rien. Je suis un peu perdue.” Elle souligne ce qu’elle n’aurait jamais dit en temps normal, prenant grand soin de jouer sur le pathos de toute la situation pour tenter de le tourner à son avantage. Une petite voix lui dit pourtant que Juliet n’a pas dit tout ce qu’elle avait sur le coeur, idée que la jeune femme confirme après quelques secondes à peine, reprenant ainsi la parole pour oser une question à laquelle Lily ne s’était pas attendue. « Tu l'aimes ? » Ses yeux s’ouvrent en grand, marquant ainsi sa surprise, laquelle elle ne prend pas le temps de jauger pour savoir si oui ou non elle doit la garder pour elle. Ces mots, jamais Alfie n’a osé les prononcer, alors jamais elle n’aurait pu penser que cela soit le cas de sa douce, délicate et friable petite amie de toujours. De façon inattendue, c’est Lily qui détourne désormais le regard, trouvant refuge sur les carreaux du sol alors que son cœur s’affole et qu’elle n’a aucune idée de la réponse qu’elle pourrait lui apporter, sans même songer à choisir entre vérité et mensonge. “Je…” Le silence est une réponse en soi, alors elle fait au mieux pour y remédier, pour ne pas le lui imposer, pour ne pas se l’imposer elle-même. Elle fait au mieux pour se sortir de ces mauvais draps dans lesquels elle s’est enfoncée elle-même, sans savoir comment pour autant. Jamais n’avait-elle anticipé une telle situation. “Je vais te laisser, Jules.” Elle souffle, démunie, refusant de laisser la discussion prendre une telle tournure. Si elle lui pose la question, cela signifie aussi qu’elle en connaît la réponse, et cela ne plairait à aucune des deux femmes, sûrement pas même Alfie lui-même, que cela soit stipulé à voix haute. Ainsi, Lily se relève calmement et passe sa main contre les plis de sa jupe pour la lisser, jetant un dernier regard véritablement compatissant à Juliet. “Ca veut pas dire que c’est réciproque.” Cela ne l’a sûrement jamais été, même, mais c’est à Lily que cela ferait du mal de l’avouer aussi simplement maintenant.

La question te pique la langue quand bien même la réponse ne te regarde absolument pas. Que va t-elle faire avec cet enfant ? Elle semble vouloir le garder, mais tu ne serais pas contre l'entendre de vive voix. Que va t-elle faire de cet enfant alors qu'elle ne peut plus voir le père en peinture - et avec raison ? “J’en sais rien. Je suis un peu perdue.” Tu acquiesces doucement d'un signe de tête. C'est normal d'être perdu. Tu le serais également dans son cas. Tu arrives même à ressentir une certaine empathie pour elle - pendant les quelques secondes où tu oublies l'autre moitié de génétique que porte cet enfant. L'ambiance devient encore plus lourde, comme si c'était vraiment possible. Tu restes songeuse quelques instants. Tu devrais apprendre à te taire sans doute. Tu devrais arrêter d'avoir cette curiosité morbide qui ne t'apporte rien de bon. Est-elle amoureuse de lui ? Tes pensées franchissent la barrière de tes lèvres et la question semble totalement la bousculer. “Je…” Elle est bouche-bée et, peu importe, elle n'a finalement pas besoin d'y répondre. Elle l'aime. C'est évident par sa réaction. C'est idiot que ça te blesse ainsi. Probablement parce que tu vois toutes ses fois où ils se sont vus tous les deux alors que tu formais encore un couple avec Alfie d'une toute autre manière. Et si Lily était la réelle cause de votre rupture ? Et s'il t'avait quitté pour elle ? “Je vais te laisser, Jules.” Oui, il vaut sans doute mieux. Rien de bon ne pourrait ressortir de vos deux âmes en peine - pour le même homme. Autant elle que toi aviez besoin d'un certain laps de temps pour remettre toutes vos idées en place. Pour prendre un peu de recul sur toute cette situation. “Ca veut pas dire que c’est réciproque.” qu'elle ajoute par la suite. Ça veut dire que ce ne l'est pas ou qu'elle ne le sait pas ? Ça ne t'aide absolument pas dans ton raisonnement. Ça t'embrouille même l'esprit encore un peu plus. « Alors on est deux. » que tu dis, en le regrettant trente secondes plus tard. Deux à l'aimer sans être aimé en retour. Une à porter son enfant et l'autre à en être jalouse. Enfin, l'es-tu vraiment à voir la conséquence de porter son enfant ? Tu as envie de croire que tu serais une exception. Que, oui, ça l'aurait sans doute contrarié que tu lui fasses une telle annonce. Mais jamais il ne s'en serait pris physiquement à toi de la sorte. Lily aussi, elle se disait sûrement qu'elle était l'exception à la règle et voilà où elle en est. « Prends soin de ton bras. » que tu ajoutes juste avant qu'elle ne quitte ton appartement. Incapable de lui dire de prendre soin de son enfant. Elle le fera de toute façon. Tu n'en doutes pas une seule seconde. Il ou elle sera entre de bonnes mains. Même si son père n'aura possiblement jamais droit de visite - et il ne voudra sûrement pas le prendre de toute façon. Alfie sera le géniteur de ce bébé, Mais il n'en sera jamais le père.