All the things we could have been - Chapter #10
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor - Univers alternatif - 2007, 20 ans

Je suis jeune, mais je ne suis pas une ingénue. Impossible de me qualifier de naïve et, par conséquent, je sais ce que je fais alors que je le surplombe, embrasse sa peau, caresse et frôle. Je n’ai d’innocent que l’air sur mon visage et, alors que ses muscles se tendent et qu’il frissonne, je suis incapable de dissimuler ma satisfaction. Elle fait surface sous la forme d’un petit sourire en coin
Ses doigts remontent vers sa poitrine et je deviens l’arroseur arrosé. Mon dos se cambre et c’est à mon tour de me retrouver avec la respiration trop courte et des battements de cœur irréguliers. « Je peux le faire, oui. Mais, faudrait que je pense à elle quand tu fais tout ça pour le faire. » Je me penche vers lui, quelques mèches brunes viennent chatouiller son torse et je dépose un baiser sur le côté  de son cou. « Et je suis incapable de penser à elle. » - « Excellente réponse. » Je ne veux plus qu’il pense à elle. Plus jamais. Ce n’était pas un test, mais il l’a tout de même réussi la main levée.

« Ce que tu as ? Qui n’est pas le Prince Charmant ? » C’est à son tour de reprendre le dessus et, alors qu’il me fait basculer sur le dos, j’accroche mon bras gauche derrière sa nuque. L’idée qu’il s’éloigne, ne serait-ce que de quelques centimètres, me semble insoutenable. Alors mon bras droit le rejoint pour le maintenir fermement contre moi. « C’est quoi ta question, Amos ? » Je le détaille d’un regard brûlant. « Tu sais que tu es différent. » Comment ne pourrait-il pas l’être, de ces pourceaux qui n’avaient pour moi pas la moindre forme de respect. « J’ai pas besoin de te le dire. » Je frotte doucement le bout de mon nez contre le sien, à la recherche du moindre contact physique que je peux venir récolter. S’il n’est pas le prince charmant, il est mon sauveur pas uniquement. Il m’a redonné goût à des choses aussi simples que le souffle du vent sur mes joues ou le contact du soleil sur mon front. Il m’a reconstruite, aussi bien psychologiquement que physiquement et je jurerais qu'au-delà de m’être remplumée, mes muscles fins se sont tonifiés à force de longues heures de travail à la ferme. Je sais qu’un jour, j’aurais besoin de nouveauté puisque je ne suis pas faite pour passer ma vie loin de l’agitation de la ville. Mais ce jour-là, je veux voguer vers de nouveaux horizons avec lui, et pas libérée de toute attache. Il est ma béquille, et il est tellement plus encore.

« Je n’ai pas essayé de dire le contraire. J’ai dit que ça n’avait pas duré. Mais, ça ne m’empêche pas de savoir que normalement, tu as des papillons qui décollent de là. »  Il pose ses lèvres sur mon ventre, et je frémis. « Et pas seulement quelques-uns. » J’ai la sensation qu’il n’existe plus un seul grain de ma peau qu’il n’ait pas caressé ou embrassé. A chaque fois que je sens le velours de ses lèvres se poser avec douceur, je retiens des centaines de frissons. « Mais, des milliers. C’est presque renversant. Est-ce que ça l’est, Raelyn ? » Bien sûr que ça l’est. Mon corps s’exprime à ma place. Je lui refuse le plaisir de l’avouer à voix haute, mais j’ai besoin de me mordre la lèvre inférieure pour que les deux restent closes et que mes soupirs ne puissent s’échapper. Ses lèvres se pressent à présent juste au-dessus de mon cœur. Peut-il entendre à quel point il bat plus fort ? « Et, là, ça cogne si fort que tu n’entends plus rien, juste les battements qui accélèrent tellement vite que tu te sens plus vivant que jamais, si vivant que quand l’autre s’en va, tout est fade. » Ai-je un jour connu une passion d’une telle violence ? Je n’ai pas besoin de réfléchir pour répondre que non. Quand il me laissera parce que recoller les morceaux brisés de son couple lui semblera plus important, est-ce que je retrouverai ça avec quelqu’un d’autre ? Sur l’heure, cela me semble impossible. « Et si je remonte encore, si me balade dans ton cou. Tu as des frissons d’une telle violence que ça te fout la chair de poule, que ça brûle dans le bas de ton ventre, que ça grimpe si haut, que tu as l’impression d’avoir la fièvre. » Il m’embrasse brièvement pour ne pas me quitter des yeux trop longtemps et je fronce les sourcils. « Tu ne me montres pas cette fois ? » Je voudrais qu’il picore mon cou et m’embrasse juste derrière l’oreille. Je veux qu’il achève ce qu’il a commencé. « Montre-moi. Je veux que tu me montres. » Je glisse à nouveau mes mains de part et d’autre de son visage, mes doigts s’enroulent autour de quelques mèches. « Tu peux pas me demander ça. » Je baisse les yeux sans pour autant le lâcher. « Tu peux pas me demander de… » De m’ouvrir, de mettre des mots sur ce que je ressens. « Alors que je sais pas quand tu me seras arraché. » Quand, et pas si. J’ai encore du mal à croire que ça m’arrivera, qu’il sera un jour à moi. Bien sûr, je suis déjà attachée à lui. Bien sûr, je ressens quelque chose d’indéfinissable à chaque fois qu’il pose les yeux sur moi mais est-ce ça, tomber amoureux ? Je n’ai pas envie de me poser la question. J’ai peur d’y répondre, puis d’avoir mal. Pourtant, il trouvera certainement toutes les réponses du monde dans le voile de tristesse qui passe et s’installe dans mon regard à l’idée de le perdre.

All the things we could have been - Chapter #10
@Raelyn Blackwell & Amos Taylor - Univers alternatif - 2007, 30 ans

Aurais-je endossé le rôle du beau-parler, je n’aurais pas dit mieux. Sauf que je n’en suis pas plus un que je ne lui mens. Je ne refuse pas de penser à mon épouse lorsque je me dévoue à Raelyn et à notre relation clandestine, j’en suis tout simplement incapable. Cette sulfureuse brunette qui m’enjambe, me chatouille d’une mèche de cheveux et caresse mon torse de ses mains cavalières, elle occupe mes pensées de secondes en minutes, et ce, qu’importe sa présence ou non à mes côtés. Présumer de ce qu’elle s’en enfuierait dès lors que nos corps reposent l’un contre l’autre ou, plus grisant encore, dès que nous sommes l’un à l’autre, serait une aberration. Aussi, je ne relève cette ineptie qu’à l’aide d’un long soupir de convoîtise. Plus elle joue avec moi, plus j’ai envie d’elle et, si je veille à toujours quérir son consentement, je me débarrasse sans volonté de nuire de cette formalité. C’est à mon tour de la renverser et de m’employer à réveiller en elle les émotions et les sensations qui la traduiraient comme étant amoureuse de moi. J’en rêve et, surtout, j’aurais besoin d’un indice courant dans ce sens comme un bruit dans la nuit. La rumeur suggérée par son coeur battant ne me suffit pas puisque de cette réalité dépend ma peur de sa lassitude et une mise en mouvement. Je ne manque pas de courage, mais de témérité. Je ne suis pas prêt à risquer l’équilibre de ma gamine pour une histoire de passion avec une date de péremption. Evidemment, ma petite manigance sans malice et malveillance est percée au jour. Ma protégée, quoique réceptive à la douceur de mes lèvres, de mes paumes ou de la pulpe de mes doigt sur sa peau délicate, m’interroge tout de go. Elle n’emprunte aucun chemin de traverse et c’est à mon tour d’être assourdi par le tambour qui cogne trop fort à mes tympans. « Je le sais.» Je compte parmi les privilégiés. Après son expérience traumatisante, je suis désormais l’élu. Je n’en suis pas “flatté” au sens péjoratif du terme. J’en suis heureux, mais également gorgé d’espoir et d’inquiétude. «La question, c’est : pour combien de temps ?» lui ai-je donc rétorqué, puant à pleins nez l’authenticité et désinvesti - provisoirement - de ma concentration pour son corps nu sous le mien. Cette sagesse ne dure pas cependant. Il appelle le mien. Il agit sur moi tel un aimant et je déploie des trésors de sagacité afin que son désir vibre au diapason avec le mien. Je la veux à moi, de suite. Je ne m’interromps dans ma démonstration que pour une raison : me tempérer. M’empêcher de me comporter avec la hâte d’un prisonnier abstinent. Je ne le suis pas. Je suis juste happé par cet appétit d’elle qui n’est jamais totalement assouvi. «J’en crève, mais je pourrais te brusquer. Je ne veux pas te brusquer. » Et Dieu que c’est tentant pourtant. ça l’est au point que ma respiration se saccade et, malgré tout, je me félicite d’avoir rallié de plus nobles vertus que l’empressement et la précipitation. Les déclarations de Rae me tombent dans la nuque avec la violence du couperet de la guillotine. Elles tranchent la tête de mes ardeurs. Je me recule, ancre mes pupilles dans les siennes. Par réflexe, je remonte un pan de la couverture sur sa poitrine nue. « Tu peux pas non plus me demander de chambouler toute mon existence si un morceau de toi pense que je suis un pansement.» Peut-elle m’en vouloir d’appréhender cette possibilité ? Je ne jurerais pas que c’est ce que je suis, mais l’éventualité existe et je ne peux l’ignorer. «Tu ne peux pas me demander ça alors que je sais pas si… » Un “laisse tomber” au bout de ma langue menace de s’échapper. Au lieu de ça, je m’écroue à un silence que j’accompagne d’une désertion. Je m’allonge à côté d’elle et plus à demi sur elle. «Et je te le demandais pas, non plus. Pas plus que toi peut-être. Tout ça, ça va peut-être trop vite. Je ne sais pas.» Mes mots ont déchiré mon coeur en deux et, de crainte qu’elle ne le déchiffre dans mes yeux non plus bleus, mais gris délavés, je fixe désormais le plafond blanc de ma chambre d’adolescent.

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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor - Univers alternatif - 2007, 20 ans

« Je le sais. La question, c’est : pour combien de temps ? » - « Tu seras toujours différent Amos. » Et je crois que ça me terrifie. Même s’il me repousse, s’il redevient fidèle à Sarah et qu’il refuse tout contact avec moi, je ne pourrai pas l’oublier ou le qualifier de la même façon que je qualifie mes anciens partenaires ou clients. Il a tout ce qu’il faut à sa disposition pour me briser le cœur, et c’est la première fois que cela m’arrive. Puisqu’il m’a ramassée quand j’étais au bord du gouffre et prête à sauter, je n’ai pas pris la peine d’enfiler un masque de froideur ou d’ériger mes barrières autour de moi et je suis habitée par la certitude qu’un jour il me laissera et que je regretterai de ne pas m’être plus blindée, mieux protégée. « J’en crève, mais je pourrais te brusquer. Je ne veux pas te brusquer. » - « Tu me brusques pas. » Au contraire, je le provoque depuis tout à l’heure. Pense-t-il que je ne suis qu’une ingénue qui ignore les effets qu’on mes caresses, mes baisers et même ma “prise de pouvoir” sur un homme ? Que je ne sais pas lire les signaux que son corps m’envoie ? Si je me sentais poussée hors de ma zone de confort, je ne le provoquerais pas. Je ne suis pas une allumeuse, il le sait. Je ne l’aguiche pas pour le simple plaisir de me refuser à lui. Je n’ai pas envie de me refuser à lui, jamais.

Il me recouvre, il cache ma poitrine sous le drap et je suis horrifiée. Je me sens insultée et repoussée. A quoi s’attendait-il ? A ce que j’avoue ma flamme à un homme marié ? Ne lui ai-je pas déjà fait comprendre que l’imaginer avec son épouse m’est intolérable ? Je ne peux pas lui dire que je suis chahutée par des sentiments que je ne connais et ne comprends pas. S’il changeait d’avis, s’il me repoussait, je serais détruite. Je n’ai personne et ne possède rien. Ma sobriété est fragile. Ne voit-il pas que, de nous deux, je suis celle qui est dans une situation bien plus précaire ? « Tu peux pas non plus me demander de chambouler toute mon existence si un morceau de toi pense que je suis un pansement. » Alors qu’il se détache de moi et qu’il se laisse retomber sur son dos, j’ai envie de lui hurler qu’il n’est qu’un hypocrite. Il est marié à une femme qu’il n’aime pas, il la trompe dans sa chambre d’enfance avec une fille qu’il lui a imposée sous son toit pendant des mois, et c’est à moi d’avoir sur mes épaules le poids de son mariage et de sa vie de famille ? « Personne te force à prendre tes responsabilités. » Vexée, meurtrie, je me redresse. Un pansement pour quoi ? Être avec lui, ce n’est pas un long fleuve tranquille. C’est accepter qu’il ne m’appartient pas et qu’il dort avec une autre toutes les nuits. Et malgré ça, c’est encore à moi de faire mes preuves ? Foutu machisme. « Tu ne peux pas me demander ça alors que je sais pas si… » Tu sais que tu n’aimes plus assez Sarah pour lui rester fidèle. Sa décision par rapport à elle et leur mariage ne devrait pas dépendre de moi. Alors quoi, il m’a demandé de lui laisser du temps, il m’a promis qu’il trouverait une solution, mais c’est conditionné au fait que je lui déclare ma flamme ? Je trouve que c’est lâche. Ces solutions, il n’est prêt à les trouver qu’à condition d’avoir un filet de sécurité, d’être certain qu’il ne quitte pas ce qu’il a pour ne rien avoir du tout à côté. Et moi, quelles sont mes garanties ? En l'accueillant dans mon lit ce soir, quel genre de certitude qu’il sera un jour à moi j’ai eu pour me rassurer ? « Tu crois que je suis un genre de girouette ? » Que je joue avec lui ? Est-ce qu’il pense ? « Et je te le demandais pas, non plus. Pas plus que toi peut-être. Tout ça, ça va peut-être trop vite. Je ne sais pas. » - « Ça allait pas trop vite pour toi avant qu’on couche ensemble, de toute évidence. » Il ne fait ce constat que maintenant qu’il a eu ce qu’il voulait et si je sais que c’est faux, s’il n’est pas un manipulateur qui a fait tout ce qu’il a pu pour m’avoir dans son lit, je suis trop blessée pour y voir clair. Je me redresse, le drap qu’il a remonté sur ma poitrine toujours fermement tenu contre moi. « T’inquiète pas pour ta promesse de trouver des solutions. Te sens pas forcé de faire quoi que ce soit. » J’ai la gorge nouée, l’estomac retourné et le cœur en miette. « Va retrouver ta femme Amos. Chamboule pas ta parfaite existence alors qu’elle t’aime de toute évidence de tout son coeur, elle. » Ma remarque pue l’ironie. Je ne sais pas grand-chose de l’amour, mais nous savons tous les deux que Sarah n’a plus la moindre trace d’affection pour lui. J’ai vécu avec eux pendant des mois, il ne peux pas me mentir. « Je joue pas. » Avec toi. Il n'est pas un pansement. Et un pansement pour quoi au juste ? Ne suis-je pas la seule qui devrait craindre de n'être qu'une passade pour lui, pour se rappeler à quoi la passion ressembler ? « Mais j’ai pas de filet de sécurité moi, Amos. » Je n'aurais rien à quoi me raccrocher si d’aventures il me rejette. Rien de plus que la certitude que j’ai gardé mes états d’âmes et ce que renferme mon cœur pour moi.

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@Raelyn Blackwell & Amos Taylor - Univers alternatif - 2007, 30 ans

Différent. Toujours. Vraiment ? Pourquoi ? Parce que j’ai joué les pigeons après l’avoir rencontrée fortuitement ? Que je lui ai sauvé la vie ? Parce que je l’ai accueillie chez moi comme si elle était un membre de ma famille ? Que j’ai pris soin d’elle, pas forcément pour les bonnes raisons étant donné que j’en pince sérieusement pour elle ? Dans ces conditions, est-ce si étonnant que j’ai peur de n’être qu’à ses yeux qu’une tocade ? En quoi ne serait-elle pas légitime ? Pour quelles raisons ? Est-ce la faute de mon mariage ? Certes, je ne suis plus amoureux de mon épouse. A fortiori, la réciproque n’est plus emballée par notre union non plus. Ceci étant, Sarah n’est pas le coeur de mon inquiétude. Celle pour qui je tremble à l’idée de bouleverser son quotidien, c’est Sofia. Ma fille mérite que je me sacrifie pour elle. Toutefois, je ne mens pas à ma protégée lorsque je lui réclame du temps. Je ne l’endors pas de fadaises : j’ai réellement envie de trouver des solutions pour que Rae et moi puissions mener une vie à deux. Il existe néanmoins une condition sine qua non : je ne peux être le seul à le désirer. Celle que je tiens dans mes bras, celle que je brûle de faire mienne, là, dans la seconde et dans ma chambre d’adolescent, elle doit convoiter cette possibilité pour bien plus qu’un caprice ou pour nourrir son esprit de contradiction. J’ai besoin qu’elle m’aime, pas qu’elle ne voit en moi qu’un sauveur. J’ai besoin qu’elle me regarde avec les yeux brillants des femmes éprises durablement. J’ai besoin d’être plus qu’un sparadrap qu’elle s’arrachera pour voguer vers d’autres horizons dès lors qu’elle sera lassée de mes bras, de ma bouche, de ma peau contre la sienne et d’un quotidien avec un type plus vieux qu’elle. Qu’importe que ça soit consolant d’apprendre que jamais je ne la brusque lorsque je lui renvoie mon appétit d’elle en plein visage. Mais, en quoi est-ce supposé me soulager de mes inquiétudes ? Dois-je réellement me contenter de cela pour révolutionner ma vie ? Moins poltron, je serais capable d’appréhender que cette décision-là ne peut reposer sur ses épaules. Quitter ma femme ne peut être l’object que de mon choix et à aucun moment je ne suis en droit de concéder à Raelyn le rôle du moteur. Moins lâche, j’intégrerais également que c’est le meilleur moyen de le lui reprocher dès notre première dispute ou si Sofia me détestait d’avoir abandonné son foyer. Sur l’heure, je n’entends pas la voix raisonnable qui me susurre à l’oreille que je me comporte en égoïste. Je ne suis concentré que sur mes angoisses, celles qui réduisent mon goût pour sa chair. Par réflexe, je me suis reculé, la couvrant par respect pour son intimité. Nul besoin de nous prendre le bec complètement nu, en chuchotant pour ne pas être surpris et dans ma vieille chambre. Moi-même, je cherche à tâtons mon boxer d’une main pendant vers le bas-côté du lit. Qu’est-ce que j’en ai foutu ? Comment est-ce possible d’avoir occulté les gestes qui ont suivi de près mon escalade par la fenêtre ? «Non ! Je crois que tu es jeune, que tu pourrais avoir envie d’autres choses.» Je pense que, justement, tout ce qu’elle aura à recevoir de moi se limite à ce qu’elle a fui étant plus jeune. Aussi, ai-je estimé sa remarque comme plus mesquine qu’acerbe. J’ai écarquillé de grands yeux tant elle m’hébète. Je ne lui avais rien demandé, moi. Je ne suis pas venu la cueillir dans son lit à moitié nu. J’ai vérifié qu’elle était sûre d’elle et j’ai prévenu qu’une fois la locomotive en marche, je ne parviendrais pas à tirer sur les freins d’urgence. « Quoi ?» me suis-je enquis, déçu et, surtout, blessé par l’image qu’elle me renvoie de moi-même. Je me braque aussitôt à l’éventualité d’une discussion constructive. Je me referme sur moi-même et je me tire du matelas pour récupérer mes affaires avec plus d’efficacité. «Si tu utilises mes confidences contre moi, il vaut mieux que je rentre. On se verra demain.» En journée où nous serons, je l’espère, plus prompt à converser sans qu’elle ne me plante de couteaux dans le dos. «Parce que je n’en ai pas non plus de filet de sécurité. Je n’en ai pas et si je tombe, j’entraînerai quelqu’un avec moi et elle ne mérite pas ça.» Bien entendu, si je mesure le ton pour ne pas m’exclamer et quoique je ne cite pas de prénom, je ne cherche pas à défendre mon épouse. C’est Sofia que j’aimerais protéger. «Mais, je ne joue pas non plus et ça fait une sacré différence : moi, je t’accuse pas de le faire.» J’ai jeté un dernier coup d’oeil derrière moi et j’ai prié pour qu’elle ne me rattrape pas, qu’elle n’essaie pas. J’ignore si je resterai ou si, au contraire, je persisterai à accrocher mes jambes à mon cou.

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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor - Univers alternatif - 2007, 20 ans

Je crois que je me braque dès l’instant où son corps diverse du mien et où il me recouvre d’un draps pour cacher mon corps nu. Pourquoi me repousse-t-il ? Je ne suis plus mal à l’aise avec lui mais, alors qu’il me dissimule derrière un drap, ma confiance s’effondre. Réalise-t-il que son geste est aussi violent qu’une gifle ? Mes doigts s’accrochent au drap que je serre à présent contre moi tandis que je l’observe et que le rythme de ma respiration s’emballe. « Non ! Je crois que tu es jeune, que tu pourrais avoir envie d’autres choses. » - « Arrête de penser à ma place. » J’ai le sentiment d’avoir mes preuves à faire et c’est désagréable autant que c’est vexant. Ne suis-je pas restée alors que l’entendre avec Sarah hier a brisé mon coeur de jeune femme ? Ne l’ai-je pas appelé et accueilli dans mes bras et draps ce soir alors qu’il ne m’appartient pas et que je suis persuadée qu’à terme, je souffrirai ? Si je voulais autre chose, n’aurais-je pas sauté sur l’occasion en or qu’il m’a offerte de lui rappeler que sa situation est trop compliquée et d’utiliser ce prétexte pour fuir ? Pense-t-il que, pour une passade ou un pansement, j’aurais pleuré toutes les larmes de mon corps en fuyant son foyer familial parce qu’il m’était trop difficile d’être témoin de mon amant en train de s’adonner à son devoir conjugal ?

« Quoi ? Si tu utilises mes confidences contre moi, il vaut mieux que je rentre. On se verra demain. » Je soutiens son regard mais je ne rajoute rien. Qu’il rentre auprès d’elle, qu’il continue à se voiler la face pendant des années encore jusqu’à être si malheureux que Sofia deviendra alors la seule chose qui l’empêche de se coller une balle dans le crâne. Mais qu’il n’utilise pas mon attitude pour justifier sa fuite. Ce soir, il m’a brusquée. J’ai eu l’impression qu’il tentait de m’arracher des confessions que je ne peux pas lui faire : je regretterai d’avoir porté mon cœur en étendard lorsqu’il me le brisera parce qu’il ne m’appartient pas. Sa requête - lui laisser le temps de trouver une solution - et sa promesse - il le fera - étaient-elles conditionnées à une déclaration enflammée de ma part ? C’est injuste. Je me sens acculée et je réagis en me refermant. « Parce que je n’en ai pas non plus de filet de sécurité. Je n’en ai pas et si je tombe, j’entraînerai quelqu’un avec moi et elle ne mérite pas ça. » - « Et moi je mérite ça ? » Du menton, je désigne le drap qu’il a relevé sur ma poitrine pour soustraire mon corps à son regard. Est-ce que je mérite d’être rhabillée comme une malpropre parce que je ne suis pas prête à lui dire ce qu’il veut entendre ? J’ai à peine vingt ans. Même sans prendre en compte notre situation compliquée, n’est-ce pas suffisant pour expliquer ma pudeur et ma retenue ? Je ne sais même plus s’il parle de Sarah ou de Sofia mais je crois que, pour l’instant, toutes mes émotions se mélangent tant que ça n’a plus la moindre importance. On verra demain. Il y a moins de vingt-quatre heure, j’ai fuit la maison qu’il occupe avec sa femme parce que je les ai entendu s’ébattre et lui, juste après ça, il me demande de lui prouver mon attachement et me parle d’amour. Se rend-t'il compte qu’il fait tout à l’envers et, que ce qu’il me demande, c’est une preuve qu’il a l’air de juger nécessaire pour s’autoriser à tromper Sarah ou, je n’ose y rêver, la quitter ? Ce que nous vivons, ce que nous ressentons même sans nous l’avouer, cela devrait être suffisant, non ? « Mais, je ne joue pas non plus et ça fait une sacré différence : moi, je t’accuse pas de le faire. » - « Non, tu essayes juste de t’assurer que ce n’est pas le cas. » Je ne cherche pas à le retenir, il est déjà rhabillé de la tête au pied et prêt à redescendre le long de la gouttière. Un horrible nœud me serre la gorge et je serre un peu plus fort le draps contre ma poitrine, les yeux brillants mais le menton droit : je m’accroche à ce qu’il me reste de lambeaux de fierté.

RP terminé