I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Au début Lucy croyait que ce n'était qu'un rêve agréable, une image que son inconscient ait pu façonner afin de soulager sa peine l'espace d'une nuit. Mais non, elle sentait bien ses lèvres contre les siennes et son corps collé au sien. Les mains de Dan la tenaient fermement, pour plus qu'elle ne parte. Elle ne remarqua même pas qu'il avait lâché toute ses affaires à côté de lui afin de pouvoir la prendre dans ses bras. Même sans s'embrasser, ils restaient longuement l'un contre l'autre. La jeune femme avait glissé ses doigts dans ses cheveux, en l'incitant à nicher sa tête dans son cou. Elle le berçait doucement, alors qu'elle se remettait difficilement de ses émotions. Elle acquiesça d'un signe de tête lorsqu'il disait que tout était terminé, que c'était fini. Fini les inquiétudes, les nuits blanches, les chagrins inconsolables. Lucy sentit que son amant finissait par totalement s'appuyer contre elle. Il avait les traits tirés, était un peu pâle. Elle n'osait pas imaginer l'enfer qu'il avait pu voir là-bas, cela était certainement indescriptible. Elle s'attendait à ce que ses prochaines nuits, même si cela allait être dans un lit confortable et sous un toit, allaient être un enchaînement de ces visions d'horreur. Dan n'avait alors qu'un hâte, c'était de quitter le port. Lucy lui sourit tendrement, puis il la stoppa afin de vouloir lui rendre un objet de grande valeur. Surprise, elle ne manqua pas de remarquer. "Je croyais que Scott avait retiré ta veste et que le collier était dedans." Elle devina rapidement qu'il était retourné sur les lieux pour le retrouver. Lucy le regarda avec une infinie tendresse. "Tu es allé le rechercher ?" Elle avait déjà la réponse à sa question, vu qu'elle tenait le bijou en main. Elle lui déposa un baiser délicat sur ses lèvres. "Je ne t'en aurai pas voulu, si tu n'avais pas pu le ramener. Je préférerai largement que ce soit toi qui me revienne plutôt qu'uniquement ce collier." Même s'il avait une immense valeur sentimentale. "Je t'aime." lui dit-elle en lui caressant la joue. "Viens, laisse-moi prendre ton sac." dit-elle sans vraiment lui laisser le choix. Sa main libre passa en dessous de son bras pendant la marche, avec ce sourire constant qui dessinait ses lèvres. "Papa m'a aidée à piquer un peu de matériel à l'hôpital, pour que je puisse m'occuper de toi." finit-elle par dire. "Et tu pourras prendre un bain si tu veux, avec de l'eau assez fraîche. Ca peut soulager la douleur et ça nettoiera ta plaie. Je faisais couler de l'eau froide sur les brûlures de soldats à l'hôpital, tous m'ont dit que c'était ce qui les soulageait le plus." expliqua-t-elle. "Et ça nous laisserait le temps de te préparer un copieux petit-déjeuner." Elle se doutait que c'était quelque chose qui allait lui faire plaisir. Il n'avait mangé que des conserves et des produits déshydratés pendant plus d'un mois. "Et nous ferons tout ce dont tu as envie après. Si tu veux te reposer, dormir, ou juste flâner. C'est toi qui choisis." dit-elle alors qu'ils arrivaient à leur maison. Lucy lui ouvrit la porte, et annonça leur arrivée à ses parents, qui ne tardaient pas à apparaître dans le couloir. Ils ne cachaient pas leur satisfaction de le voir sain et sauf. "Le petit-déjeuner n'est pas encore prêt..." dit Mary, navrée de ne pas avoir été dans les temps. "Ce n'est pas grave, ça laissera le temps à Dan de se changer et de se laver un peu." répondit doucement Lucy. Sa mère acquiesça d'un signe de tête et allait de suite s'atteler à la cuisine. Peter, quant à lui, toujours ce sourire au coin des lèvres, fit un signe de tête amical à Dan, montrant par là qu'il était content de l'avoir vu revenir. Lucy déposa le sac de son amant dans un coin de sa chambre. Lorsqu'elle se redressa, Dan lui semblait être totalement vidé, inerte. Elle se mit doucement face à lui, et elle lui caressa l'une de ses joues de sa main. "Tu es là, maintenant." lui dit-elle tout bas. "Avec moi. Pour toujours." Elle l'embrassa délicatement. "Je t'ai acheté de nouveaux vêtements." Elle ne parlait qu'à voix basse, comme si elle ne voulait pas perturber le silence et le calme de la pièce. "Et le même jour, je me suis trouvée une robe blanche." ajouta-t-elle, en espérant le voir sourire.
« Je te l’ai dit, je ne me serais pas pardonné de l’avoir laissé là-bas… Il faut que tu l’ais. » dis-je en déposant un baiser sur sa main. Il lui appartient, et c’est un bien précieux. Il m’aura accompagné et aura veillé sur moi le temps nécessaire. Maintenant, il doit revenir à sa propriétaire. La frêle Lucy se met en tête de prendre mon sac jusqu’à chez elle. C’est loin d’être un petit package, et il pèse son poids en vêtements et en équipement. Avec un sourire amusé, je regarde la jeune femme le mettre sur ses épaules. « Tu n’arriveras jamais à le… » Eh bah si. J’arque un sourcil surpris, la regardant de haut en bas. Un rire m’échappe. « Bon, très bien. » Nous nous mettons alors en chemin. Etrangement, j’ai l’impression que la dernière fois que j’ai remonté ces rues depuis le port jusqu’aux habitations remonte à des années. Oui, en un mois, je crois avoir vécu plus qu’en plusieurs années, et je me sens comme vieilli à toute vitesse. Sûrement la fatigue et le moral. Même si revoir Lucy prime sur tout le reste, un bout de moi est resté en Indonésie, tout comme il en est resté en Espagne et en Grèce avant cela. Tout ce qu’il s’est passé reste dans un coin de ma tête. Mon dos et mon épaule ne me font pas tant souffrir que ça lorsque je suis calme, mais ce sont des blessures qui atteignent autant le corps que l’esprit. Et j’ai perdu Tom. J’ai vu brûler tant de personnes. Il y a comme une chaleur fantôme qui frôle continuellement ma peau. L’esprit un peu ailleurs, j’écoute tout de même Lucy avec attention. Même si je me doute qu’il ne sera pas facile pour elle de s’occuper de mes blessures, sachant la douleur que cela cause, je suis bien heureux qu’elle soit celle qui les pansera désormais. Peut-être que ses doigts de fée me feront guérir plus vite. L’idée du ban me plaît bien, et celle du petit-déjeuner encore plus. C’est le moment que choisit mon estomac pour me rappeler que de la vraie bonne nourriture ne serait pas de refus. « Merci beaucoup, petit ange. » dis-je avant de déposer un baiser sur son front alors que nous sommes arrivés sur le pas de sa porte. Il faudra que je réfléchisse au reste de la journée. Ce qui est sûr, c’est que j’ai besoin de repos. C’est toujours un peu absent que je salue les parents de Lucy, leur souriant néanmoins en étant sincèrement ravi de les revoir. Mais je suis tout aussi content lorsque la jeune femme et moi nous isolons à l’étage, dans sa chambre. Je ne suis pas encore prêt pour les grands échanges sociaux. Je commence tout juste à atterrir dans la réalité. Petit à petit. Lucy semble le remarquer et me tire de mes pensées avec douceur. Je pose ma main sur la sienne, sur ma joue, et ferme les yeux pour apprécier ce contact. Elle est là. Je m’apprête à la remercier de nouveau lorsqu’elle ajoute avoir trouvé une certaine robe. La robe. Mon cœur fait un bond, je ris nerveusement, trop heureux de l’entendre le dire, et terriblement soulagé. Alors je remarque que le petit anneau en bois cercle toujours son doigt sur la main que je tiens. « Je… Je pensais que tu pourrais ne plus vouloir de moi. » j’avoue tout bas, la gorge serrée par l’émotion. Qui voudrait d’un homme à moitié sourd, au dos défiguré et aux nuits ponctuées de cauchemars ? « J’ai hâte de te voir la porter. » Elle sera magnifique, je n’en doute pas. Qu’importe la robe, ce n’est pas vraiment le plus important. C’est qu’elle veuille toujours devenir ma femme, et que nous soyons unis pour toujours. Je prends délicatement son visage entre mes mains et l’embrasse tendrement. « J’ai hâte de t’épouser. » je muumure au bord de ses lèvres, mon sourire ne me quittant plus désormais. Je l’attire vers le lit afin de s’asseoir sur le bord et prends ses deux petites mains dans les miennes. « Quand est-ce qu’on pourrait faire ça, tu penses ? » Bien sûr, il faudra d’abord demander sa main à son père, comme elle me l’a expliqué dans sa lettre. Simple formalité dont je compte m’acquitter au plus vite –même si cela sera plus facile à dire qu’à faire, je m’en doute. « Pourquoi pas demain ? » Le plus vite sera le mieux. Nous n’avons pas besoin d’une grande cérémonie préparée des mois à l’avance. Seulement d’une église, d’un curé, de ses parents, ses amis, et ce qu’il reste de mes frères. Ceux-ci seront bien vite partis, ils retourneront dans leurs familles. Autant en profiter tant qu’ils sont ici.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Lucy savait que le Dan qu'elle avait en face d'elle allait être différent du Dan qu'elle avait embrassé le soir du Nouvel An. Ses parents lui en avaient grandement parlé, et elle-même voyait tous les jours l'impact traumatique qu'avait la guerre sur des âmes. C'était les pire blessures qui pouvaient être, selon la jeune femme. Les plaies dans la chair humaine pouvait être guéri, mais celles de l'esprit restaient béantes pendant une durée incroyablement longue. Alors, dès le début, elle s'efforçait de parler pour par qu'il ne se plonge dans des songes aussi sombres que destructeurs. Et la bonne chose était qu'elle pouvait parler en face de lui de leur mariage. Elle savait que le mentionner le ferait sourire à nouveau. Dan ne manqua pas de partager la peur qu'il avait. Qu'elle ne veuille plus de lui. Lucy le regarda d'un air désolé. D'une voix tout aussi basse, elle lui demanda. "Tu ne te demandais que ça, au front ?" Elle l'embrassa tendrement, et caressa sa joue avec son pouce. "Parce que tu n'entends plus très bien ? Parce que tu es blessé ?" Il se disait certainement cela. La jeune femme lui offrit ensuite un sourire tendre. "Ce ne sont pour moi que des raisons supplémentaires pour prendre soin de toi, ou te chuchoter des mots doux là où tu peux encore entendre." Elle aurait toujours énormément de tendresse à lui donner. Il aurait pu revenir dans n'importe quel état, elle aurait continué de l'aimer, elle l'aurait épousé et aurait construit sa vie avec lui. Cela était une évidence à ses yeux. "Je suis là. Et tu es là, avec moi." dit-elle en cherchant son regard. Dan semblait subitement bien plus enthousiaste, à l'idée de la voir en robe blanche. Il fallait dire que celle que Lucy avait choisi était particulièrement simple. Pas de froufrous, pas de grande nouveautés. Elle ne cherchait jamais dans l'extravagance ou ne désirait pas impressionner par ses tenues. Ils s'installaient ensemble sur son lit, et Dan montrait déjà son impatience à l'idée de se marier, se demandant quand cela allait être possible. Il proposait le lendemain. "Cet après-midi." dit-elle alors spontanément, en haussant légèrement les épaules. "J'aimerais tellement être ta femme ce soir, m'endormir en étant à toi, même aux yeux de Dieu et aux yeux du monde." dit-elle à voix basse, en plongeant son regard dans le sien. "Tu es revenu. J'ai la robe, tu as des habits neufs qui t'attendent. J'ai aussi déjà pris les alliances. Il ne manque rien. Je n'ai pas besoin qu'il y ait une troupe de témoins, ou de grandes cérémonies, ou même les sons de cloche et les confettis." Elle posa une main sur sa joue, et lui dit tout bas. "Je n'ai besoin que de toi. Le monde le devinera lui-même en voyant l'alliance à notre doigt." Les parents de Lucy voudront certainement être présents, afin que cela leur rappelle leur propre mariage. "Il ne faut plus qu'en parler à mon père, et il se trouve qu'il attend juste en bas." Lucy effleura légèrement ses lèvres avec les siennes, les regardant envieusement. "Nous n'avons pas besoin de plus, mon amour." lui chuchota-t-elle. "Alors laisse-moi être ta femme dès ce soir." Et elle l'embrassa tendrement, espérant de tout coeur qu'il accepte de se marier au plus tôt. "Je te laisse le temps du bain pour y réfléchir." dit-elle avec des yeux pétillants. Elle le prit par la main et l'emmena jusqu'à la salle de bain. Lucy prit un certain temps pour évaluer la température de l'eau. "Laisse-moi t'aider à enlever ta chemise. Ce n'est pas nécessaire que tu souffres que pour rien." dit-elle avec un regard tendre. Elle déboutonnait lentement sa chemise, la retira doucement et le plus délicatement possible afin qu'il n'ait pas trop à bouger. Son torse était recouvert de bandage. La sensation était bien différente de savoir qu'il y ait de telles blessures sur celui que l'on aime. Cela la toucha directement, et en profondeur. Elle restait bloquée ainsi quelques secondes. "Je vais humidifier un peu le bandage dans ton dos, pour que ça te fasse moins mal en les retirant." expliqua-t-elle en finissant par prendre une petite serviette qu'elle mouillait abondamment d'eau froide et qu'elle déposa au niveau de son dos. Une fois que ça lui semblait suffisamment humide, elle retira le bandage avec beaucoup de précaution. "Pense à bien respirer, surtout." dit-elle tout bas. Lorsqu'il grimaçait, elle avait l'impression d'avoir tout aussi mal que lui. Mais le tout était enfin retiré et la jeune femme pouvait voir d'elle-même l'étendue de la brûlure. "Je vais te soigner, je te le promets." dit-elle avec une certaine détermination, bien que sa voix tremblait par l'émotion, ne parvenant pas à s'imaginer à quel point il devait avoir mal.
Il n'y a pas une once d'hésitation dans la voix de Lucy lorsqu'elle propose de se marier dès aujourd'hui. A croire que c'était tout réfléchi d'avance. Elle ne veut pas perdre de temps, et j'avoue que moi non plus. Demain me laissait le temps de me reposer, reprendre des forces, et d'organiser un peu plus les choses. Mais cela doit sembler trop long pour la jeune femme qui ne demande qu'à ce qu'un ''je vous déclare mari et femme'' nous unisse pour toujours. Moi qui pensais que toutes les demoiselles ne rêvent que de mariages de princesse. Je n'aurai jamais pu lui offrir cela. Je suis un peu déçu de ne même pas lui avoir offert l'alliance. Elle s'est déjà occupé de tout. Il ne reste que cette formalité, demander la permission à son père, pour que nous puissions lancer la machine et courir à l'église. J'irai quand même prévenir mes frères d'armes dans l'espoir que certains puissent être présents, faute que mes propres parents ne le soient. S'ils sont là, ils dévaliseront les cuisines de la base pour pouvoir nous jeter du riz. On peut compter sur eux pour ça. Peut-être que cela pourra leur faire du bien au moral. Peut-être qu'ils me détesteront d'avoir l'égoïsme de me marier alors qu'il est plutôt l'heure d'enterrer nos morts. Embrassant Lucy, je ne peux pas m'empêcher de sourire. « Il n'y a rien à réfléchir. » je lui réponds avec un regard brillant d'émotion mais terriblement assuré. « Tu seras ma femme ce soir. » Je l'embrasse de nouveau. Il n'y a pas de doute à avoir, pas de question à se poser. La jeune femme prend ma main et m'attire jusqu'à la salle de bain. Mon sourire se fait bien plus nerveux, jusqu'à disparaître à l'idée que Lucy ait à voir l'étendue des dégâts sur mon dos. Une soudaine peur me tord le ventre, la peur de son regard. Elle a beau être infirmière, voir du dégoût dans ses yeux me porterait un sacré coup au coeur. Et puis, j'ai toujours énormément d'appréhension avant que les bandages me soient enlevés. Je pense vraiment que la sensation du tissu qui s'ôte lentement de la plaie, y collant légèrement, tout le long de mon échine, est sur le podium des pires que j'ai pu expérimenter. Avec toutes ces craintes, j'observe Lucy déboutonner ma chemise et m'aider à la retirer. Je me suis habitué à le faire seul le soir, mais je ne rechigne pas à échapper à cette douleur. Mon regard ne quitte pas la jeune femme qui peut désormais voir les nombreux mètres de tissus qui couvrent tout le haut de mon corps. Je serre la mâchoire, de plus en plus nerveux. Sans bouger d'un cil, je laisse Lucy humidifier le bandage et le retirer délicatement. Je prends toujours de grandes inspirations lorsque la douleur atteint ces piques difficilement supportables, je réprime quelques gémissements du mieux que je peux. Une de mes mains attrape le bord de la baignoire. Cela fait bien moins mal qu'il y a quelques jours. A l'hôpital, lorsque les anti-douleur ne faisaient plus effet, l'avais l'impression d'être sur le point de défaillir à chaque respiration. Voilà le bandage complètement retiré et la grande blessure mise à nu sous le regard de Lucy. De la chair tantôt rouge, rose ou blanche par endroits, la cicatrisation débutée créant des formes bâtardes d'un peu partout et laissant deviner les zones les plus dégradées -celles qui font particulièrement souffrir. Des épaules à la naissance des reins, il n'y a plus un centimètre carré de peau qui soit vraiment sain. « C'est pas très esthétique, hein ? » dis-je en me forçant un léger sourire dédramatisant. « Ç’aurait pu être pire, je suppose. » Et ça ne pourra que aller mieux. Sans raison valable, je me dis que cela ira mieux plus vite si Lucy s'occupe de moi. Sûrement parce qu'elle guérira le corps et l'esprit en même temps. « Tu penses que ça aura une meilleure tête dans combien de temps ? » je demande, puisque c'est elle la spécialiste. Le médecin disait que dans trois semaines la cicatrisation aura bien avancé. « Scott s'est brûlé les mains pour me dégager des débris. Et il continue de s'en vouloir. » Parler me garde l'esprit occupé, alors j'évite le silence autant que possible. Je sens que j'ai les larmes aux yeux, à cause de la douleur, de la peine, de tout, et je ne veux pas craquer devant Lucy. J'avais promis de rentrer sain et sauf, et finalement, je ne suis pas très sûr d'y être parvenu. J'occupe mes mains en défaisant finalement ma ceinture puis mon pantalon. Il faut bien que j'aille dans ce bain à un moment. Je retire le tout ainsi que mon dessous et mes chaussettes, faisant fi de toute pudeur -car ce mot n'existe pas vraiment chez les militaires. Puis je pose un pied dans l'eau tiède, et le second. « Tu sais, dans les bombes incendiaires, ils utilisent une sorte d'huile qui colle beaucoup. Quand ça touche quelque chose, ça le ronge jusqu'au bout, et c'est difficile à stopper. » dis-je toujours pour empêcher le silence de s'installer et occuper ma bouche qui grimace au moment où l'eau entre en contact avec le début de la plaie. Je respire un coup et reprends ; « J'ai entendu dire que les américains ont inventé quelque chose de semblable, mais de pire. Quelque chose qui colle encore plus et qui ne s'éteint pas avec de l'eau. » Ils sont tous en train de devenir cinglés, me dis-je une fois assis au fond de la baignoire. Au final, je quitte le terrain avant que cela ne devienne pire boucherie que cela ne l'était déjà. « Je pense que les balles étaient amplement suffisantes. » Lucy s'est installée à côté de moi, sur un tabouret près de la baignoire. Elle n'a sûrement pas envie d'entendre tout ça, mais je ne trouve rien d'autre à dire pour vider ma tête de toutes ces choses. En extérioriser par les mots, ça en fait moins à l'intérieur. « Tu me rejoins ? » je demande finalement avec un léger sourire.
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Le regard pétillant, Dan lui certifia qu'ils allaient bien se marier le jour même. Il était impossible à ce moment là de défaire le sourire qui était sur le visage de la jeune femme. Ils s'embrassaient tendrement, elle était ravie qu'ils soient tous les deux d'accord sur ce point là. L'infirmière l'avait ensuite emmené dans la salle de bains, afin qu'il puisse prendre ce bain qui semblait tellement lui faire envie. Il désenchantait tout de suite et se montrait bien plus nerveux. Lucy le regardait constamment d'un air inquiet. Elle le voyait grimacer à chaque geste qu'il devait faire, bien qu'il faisait tout pour le lui cacher, très certainement. Elle voyait sa mâchoire se contracter, ses doigts se crisper de toutes leurs forces sur le rebord de la baignoire. La plaie ne la dégoûtait pas, elle avait vu bien pire que ça. Elle ne parvenait pas à s'imaginer à quel point il devait avoir mal. Il tentait de dédramatiser la situation. Lucy le regarda d'un air tendre. "Ca l'est déjà suffisamment, je trouve. Mais ça va guérir, c'est déjà en très bonne voie." dit-elle en constatant d'elle-même les brûlures. Tout de même curieux, Dan demandait combien de temps cela allait prendre pour que ça cicatrise. "Difficile à dire, ça dépend de chacun. Le tout, c'est de bien changer les pansements et nettoyer la plaie pour éviter une infection. Mais on verra déjà de nettes améliorations dès la semaine prochaine, et les suivantes. Ta peau restera bien plus sensible à ce niveau-là, par contre." Cela restait au fond une cicatrice. Le soldat se déshabilla sans la moindre gêne devant sa belle, qui elle en fut très légèrement surprise. Elle connaissait déjà son corps, mais ne s'attendait pas à un tel manque de pudeur. Au fond, ça ne la dérangeait pas plus que ça. Il allait doucement dans l'eau, sans cesser de parler et de parler de ces bombes incendiaires qui faisaient de terribles dégâts. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il en partage autant sur ses connaissances en matière de guerre. Il y avait une course folle à l'armement, c'en était insensé. Assise sur un tabouret juste à côté de la baignoire, elle l'écoutait avec attention, sans faire de commentaires. Il finit par lui demander de le rejoindre dans l'eau. Lucy lui sourit tendrement, et se pencha afin de l'embrasser. Puis elle secoua négativement la tête. "Je pense que tu as surtout besoin d'avoir un peu de temps avec toi-même, réaliser tout ça." lui dit-elle à voix basse. "Nous aurons toute notre vie pour prendre des bains ensemble." ajouta-t-elle en riant légèrement. "Mais pour le moment, apprécie ce bain, et le calme. Je reviendrai dans un moment pour mettre un peu de pommade et un bandage propre." Lucy l'embrassa à plusieurs reprises, en lui caressant doucement le visage avant de le laisser face à lui-même. Pendant ce temps, elle descendit les escaliers afin d'aider ses parents à finir de préparer le petit déjeuner. "Comment va-t-il ?" demanda Mary, inquiète. "Il est épuisé, et vidé. Je pense que ça a été la bataille de trop." Sur le coup, Lucy regrettait quelque part de l'avoir aidé à passer l'examen médical. Certes, son honneur en aurait pris un coup, mais il ne serait pas rentré ainsi, traumatisé par les nouvelles armes, et marqué à vie à cause de l'une d'entre elles. "Ses brûlures sont étendues sur tout son dos." ajouta-t-elle en disposant les couverts sur la table. "Tu sembles contrariée." dit son père. Lucy ne dit rien pendant quelques minutes. "J'aurai pu l'empêcher de vivre tout ça." dit-elle, se sentant cruellement coupable. "Ma chérie, tu sais tout autant que moi que c'était ce qu'il voulait. Il aurait changé d'une manière dont tu n'aurais peut-être pas apprécié, s'il était resté ici." Lucy connaissait bien cette notion de patriotisme, l'envie de retourner sur le terrain avec la même compagnie. "Tu as fait ce qu'il fallait faire." dit-il en venant lui embrasser la tempe. "Tu verras vite tout ce que l'on est capable de faire par amour." Peter lui sourit, sachant très bien de quoi il parlait. "Il faut que j'aille lui mettre de nouveaux bandages." dit-elle une fois que la table fut quasiment prête. Elle monta les escaliers et allait rejoindre son amant dans la salle de bains.
Les semaines vont me sembler longues avant de ne plus avoir à subir ce rituel du bandage pour couvrir mon dos. Et ensuite, la sensation ne sera plus la même. Je suppose que je m’y ferai vite, et que cela ne se remarquera plus vraiment d’ici quelques mois. Mais je pense qu’il y aura toujours cette chaleur fantôme lorsque j’y penserai, et que les détails de ce jour-là me reviendront en mémoire. Pour le moment, même assis dans le bain, cette impression ne me quitte pas. C’est comme un léger souffle, un voile qui frôle ma peau. Impossible de m’en défaire. Impossible de ne pas y penser. J’espérais que Lucy resterai avec moi pour garder mon esprit loin de toutes ces images. Je n’ai absolument aucune envie de rester seul à seul avec elles. Mais la jeune femme ne semble pas vraiment me laisser le choix. « Je… D’accord… » Je n’ose pas vraiment émettre la moindre opposition et la regarde quitter la pièce avec un petit sourire triste. Une fois seul, le silence est frappant. Il n’y a que quelques bruissements de l’eau du bain qui résonnent au moindre de mes mouvements. Je reste assis, recroquevillé. Une main sur ma nuque, mes doigts glissent craintivement le long de mes épaules, frôlant de près le bord de la brûlure. Je grimage légèrement lorsque je vais trop loin. Le regard dans le vide, mes pensées vaquent de l’une à l’autre sans que le tout n’ait véritablement de sens. Je suis rentré, en vie, et je songe surtout à ceux pour qui ce n’est pas le cas. Ceux qui attendent, là-bas, ceux qui y sont morts. Tom, bien sûr. Il ne sera pas là lorsque Lucy et moi nous marierons. A cette idée, je serre les dents, réprimant une vague d’émotion qui s’arrête de justesse au bord de mes paupières. Je respire du mieux que je peux afin de tout contenir. Mais la boule grossit et s’alourdit au fil de ces minutes passées seul, s’ajoutent à la peine autant de soulagement que de peur, jusqu’à ce que de grosses larmes roulent sur mes joues. Quand j’entends les petits pas de Lucy dans l’escalier, je tente de me reprendre et passe de l’eau sur mon visage et mes cheveux. Néanmoins, quand elle entre, je reste silencieux, cloîtré dans cette bulle d’angoisse. Ce n’est que lorsqu’elle s’assied sur le rebord de la baignoire que je bouge pour poser ma tête sur sa cuisse. Mes yeux se ferment, je me reconcentre sur sa présence, sa chaleur, sa tendresse. « Tu m’a manqué… » je souffle tout bas pour ne pas briser la quiétude de la pièce. Le silence et le calme ne sont agréables qu’avec elle. Je reste là quelques minutes, sans rien dire, somnolant. Une fois finalement sorti de l’eau, je me sèche succinctement et noue la serviette autour de ma taille le temps que Lucy s’occupe de mes bandages. « C’est bien plus agréable quand tu t’en occupes. » dis-je malgré la douleur qui est toujours bien présente. On sent la délicatesse et l’amour dans ses gestes, et cela fait toute la différence. Lucy me fournit les vêtements neufs dont elle m’avait parlé. Ils sont à une taille correcte, même si le pantalon est un peu grand et nécessite une ceinture. Mes cheveux, courts, sont déjà secs. Je récupère le rasoir dans mon sac et emprunte la crème du père de Lucy pour me défaire de ma barbe naissante. Il me semble voir mon visage un peu plus clairement dans la glace maintenant que je suis débarrassé de ce qu’il restait de terre indonésienne dans les pores de ma peau et rasé de près. Mais toujours, mes traits sont fatigués. Un lit et du repos ne seront pas de trop une fois que toutes les émotions à venir seront passées. Je rejoins tout le monde en bas quelques minutes plus tard. Je suis bien incapable de manger quoi que ce soit tant que je n’aurais pas réglé le dernier détail qui nous sépare, Lucy et moi, de notre union. Alors je me plante devant son père, raide des pieds à la tête. « Monsieur… » La nervosité serre ma gorge. Fuyant son regard une seconde, je m’éclaircis la voix. Bien sûr que cela n’allait pas être aussi facile que je l’avais imaginé. On ne demande pas la main d’une femme comme on mène une quelconque transaction, et je ne sais pas vraiment quelles formes doivent être mises dans ce cas. Je suppose que ce genre de requête ne se fait pas de la même manière pour les demoiselles citadines. Je cherche mes mots pendant quelques secondes sous le regard presque attendri de Mary. Nos yeux se croisent furtivement, et son air encourageant m’arrache un petit sourire nerveux qui m’aide à reprendre contenance. Je reprends, une fois prêt ; « Je souhaiterais, humblement, vous demander le droit d’épouser votre fille. » Cette fois, mon cœur bat à toute allure. Malgré ce que m’a dit Lucy dans ses lettres, rien ne garantit que son père accepte. Peut-être pas aussi tôt, à peine rentré. Peut-être pas maintenant, mais dans une semaine, un mois, deux, le temps de se connaître, d’avoir une idée de mon état d’esprit après le front et de savoir à quel genre d’homme a vraiment affaire Lucy. Malgré toute la déception que cela nous causerait, je le comprendrai parfaitement et accepterai cette décision. Il sait qui la mérite et qui ne la mérite pas. Mon regard cherche la jeune femme. Elle est non loin de nous, attendant aussi la réponse de son père. Craignant sûrement d’avoir droit au même ton sec qu’il avait employé la dernière fois. « Est-ce que nous avons votre bénédiction ? » je demande alors que la réponse ne vient pas. Il doit y avoir une certaine satisfaction à tirer d’avoir autant d’emprise sur un jeune homme face à soi, et, parallèlement, le poids de la responsabilité du bonheur de son enfant dont il est le seul juge à ce moment.
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Lucy entrait à tout petit pas dans la salle de bain, afin de ne pas trop perturber le calme qu'il y avait dans la maison. Son âme soeur était toujours dans l'eau, songeur, vidé, attristé. Elle se sentait désolée de le voir ainsi et savait que cette attitude allait durer très longtemps. La jeune femme s'installa au bord de la baigner et Dan mit aussitôt sa tête sur les genoux, un peu rêveur. Sa main caressa alors son visage, ou ses cheveux. "Tu m'as manquée aussi." lui répondit-elle tout bas. Elle continuait ses gestes de tendresse jusqu'à ce qu'il veuille sortir de l'eau. Le temps qu'il se sèche, elle déballait le matériel dont elle avait besoin. Elle commença par sécher par de très légers tamponnements la brûlure. Elle restait silencieuse dans ce qu'elle faisait, Lucy était toujours très concentrée lorsqu'elle faisait des pansements. Mais puisqu'il s'agissait de Dan, elle s'efforçait de lui faire le moins mal possible, restant très délicate et attentionnée dans ses gestes. La jeune femme était tellement désolée de sentir ses muscles se crisper de douleurs à certains moments, elle avait l'impression d'avoir tout aussi mal que lui. Il tentait certainement de la réconforter un peu en disant que c'était bien plus supportable lorsque c'était elle qui pansait ses blessures. Après avoir mis la pommade et réentouré son torse d'un bandage tout neuf, il s'habilla des vêtements récemment achetés et se rasait. Lucy l'avait laissé tranquille et redescendit au rez-de-chaussée. Le soldat ne tardait pas à en faire de même, nerveux au possible à l'idée de demander la main de sa bien aimée à son père. Mary était là également, observant la scène avec une certaine distance. Il se prit quelques secondes avant de poser sa question, et Lucy sentit son coeur se serrer dans sa poitrine, l'attente de la réponse se faisant terriblement longue. Finalement, Peter sourit tendrement. "Bien sûr que vous avez ma bénédiction." dit-il dans un premier temps. "Je sais que vous êtes un homme bien, Daniel, j'ai lu votre dossier." Il savait que le regard de sa fille manquait quelque peu de subjectivité et préférait se faire un avis lui-même sur cette personne dont son trésor était éperdument tombé amoureux. "Et je sais que Lucy a déjà fait ses achat pour l'événement en question, je sais qu'il y a ces quelques choses pour lesquelles elle s'impatiente beaucoup, mais..." Le militaire se retourna et lança un regard tendre à sa fille avant de revenir sur son futur gendre. "Mais je préférerai que vous vous remettiez de vos blessures et de votre fatigue avant d'être devant l'autel." Il s'approcha de lui et dit d'une voix plus basse. "Je comprends que vous vouliez précipiter les choses, je n'ai aucun doute sur les sentiments que vous lui portez, mais laissez-vous le temps de comprendre que vous êtes rentrés. Vous devez savoir tout autant que moi que les premiers jours à la maison ne sont pas des plus plaisants. Lucy ne connaît pas ça non plus, elle aussi, a besoin d'un temps d'adaptation." Il fit ensuite un signe de tête et invita tout le monde à se mettre à table. Lucy était déjà soulagée de savoir que son père acceptait le mariage. "Un peu de patience, ma chérie, d'accord ?" dit Peter en se servant du bacon. Elle acquiesça d'un signe de tête, puis Mary se mit à lui parler. Le père de famille en profita pour dire à voix basse au soldat."Ca vous laissera aussi le temps de lui trouver peut-être une bague de fiançailles, c'est quelque chose qui lui ferait énormément plaisir, en plus." Lucy était suffisamment romantique pour être largement satisfaite par un bijou de ce genre en attendant le grand jour. La table était garnie d'une multitude de choses. Il y avait largement le choix en matière de boisson chaude et froide, du sâlé, du sucré, des pancakes fraîchement cuits. La jeune femme mangeait à sa faim, tombant plus facilement sur les aliments sucrés. Il y avait une conversation calme qui se déroulait, portant sur de simples banalités, c'était agréable. A la fin du repas, on forçait Dan à rester assis pendant que la famille débarrassait ; à trois paires de main, c'était rapide. Une fois terminé, Lucy retournait auprès de Dan pour lui prendre la main et le reconduire dans sa chambre, afin qu'ils aient un peu d'intimité. Elle était bien évidemment un peu déçue à l'idée que son père ne veuille pas vraiment qu'ils se marient dans les jours qui suivent, mais il semblait tout de même apprécier Dan, et c'était déjà beaucoup pour elle. La jeune femme lui sourit tendrement, puis s'approcha de lui afin de l'embrasser timidement. "Tu veux peut-être te reposer un peu ?" suggéra-t-elle, voyant ses traits tirés par la fatigue. "Je resterai auprès de toi de toute façon. Il est hors de question que je ne me détache de toi." ajouta-telle à voix basse, et en passant ses doigts sur son visage. "Je veillerai sur toi."
Les secondes s'étirent à l'infini n attendant que le père de Lucy se décide enfin à donner son accord, acceptant notre volonté de nous marier. Un rire nerveux et soulagé traverse mes lèvres. « Merci, monsieur. Merci beaucoup. » dis-je avec une immense reconnaissance que je peine à contenir. J'ai surtout envie d'exploser de joie sur place et filer hurler dans la rue que l'amour de ma vie, mon âme sœur, deviendra ma femme. Voilà, c'est fait, tout est réuni pour que cette union puisse avoir lieu, rien ne peut l'empêcher. Ou presque. Peter reprend la parole est met immédiatement le holà. Pas de mariage précipité, pas de cérémonie dans les prochains jours, encore moins dans quelques heures. Comme je le pensais, le militaire, fort de son expérience, nous demande d'être raisonnables et d'attendre avant de foncer tête baissée dans cette aventure. Attendre que je sois reposé, que mes blessures guérissent, que la guerre soit complètement derrière moi. Je sais que j'ai toujours un pied là-bas, et cela sera le cas pendant quelques jours. Le temps de vraiment revenir au pays, retrouver une vie normale. Mon coeur se serre et je cache ma déception du mieux que je peux, ne souhaitant pas me montrer offensant. Je sais qu'il a raison, seulement je me faisais déjà une joie d'appeler Lucy « ma femme » dès ce soir. Je dois me faire à l'idée que cela attendra encore. J'acquiesce d'un signe de tête, malgré un regard un peu bas. Puis je m'installe à table avec le reste de la famille, m'asseyant à côté du militaire. Celui-ci me rappelle que ce délai supplémentaire est autant de temps gagné pour offrir une vraie bague de fiançailles à sa fille. « J'y compte bien. » je réponds avec un léger sourire. Même si, au fond, j'aime beaucoup ce petit anneau en bois de rien du tout déniché au fond d'un village malais. Elle est rustique, authentique, sans la moindre prétention. Une preuve d'amour dans une forme pure, car nous n'avons pas besoin d'un diamant pour célébrer la promesse que nous nous sommes faits l'un à l'autre. De toute manière, je ne pourrai jamais lui offrir un telle pierre, ni aucune autre aussi précieuse, me dis-je un peu dépité.Je reste très silencieux durant le petit-déjeuner. Je pense même n'avoir rien articulé qui nécessite plus d'une syllabe. Du reste, je secoue la tête de temps en temps pour signifier que je suis attentif, même si je ne le suis pas toujours complètement. Les sujets vont de l'un à l'autre et j'oublie le précédent aussi vite que le nouveau prend place. L'esprit ailleurs, je finis parfois complètement happé par des pensées brumeuses ne menant nulle part, me laissant absent pendant quelques longues secondes avant que je ne remette les pieds sur terre. Je mange un peu de tout, ravi d'avoir accès à de la vraie nourriture, et tout me semble délicieux. On ne me laisse rien débarrasser une fois le repas terminé. Alors j'attends sagement que Lucy vienne me donner le signal pour quitter la table et retourner à l'étage, la suivant mécaniquement. La fatigue me rend quelque peu désorienté. J'ai du mal à me souvenir de la porte menant à la chambre, et la disposition des meubles me semble étrangère pendant une seconde, jusqu'à ce que ma mémoire colle avec le présent comme un calque sur son dessin originel. Il est aisé de voir à quel point je suis vidé. « Oui, je… Je t'avoue que j'ai vraiment sommeil. » dis-je avec un petit sourire, à la fois gêné et désolé. Après plus d'un mois de séparation et autant d'inquiétude, la priorité devrait être de rattraper le temps perdu. Mais je ne pourrais pas profiter du moindre moment avec un cerveau aussi déphasé que le mien, marchant au ralenti. Et puis, si Lucy reste près de moi, si je peux avoir sa présence dans mes bras pendant que je me repose, ce temps ce sera pas vraiment gaspillé. « Je pense qu'il ne faudra pas plus de trente secondes après avoir touché l'oreiller pour m'endormir. » Et encore. Si on me laissait sur place, je dormirai debout. Mon esprit s'éteindrait, laissant là mon corps sans volonté. Il ne me reste plus grand-chose de vitalité à cet instant. Je pose mes mains sur les hanches de Lucy et dépose un baiser tendre sur ses lèvres. « Et nous pourrions sortir ce soir, fêter mon retour, nos retrouvailles, notre futur mariage... » j'ajoute avec un petit sourire. Il y a tant à fêter sous le regard bienveillant de ceux qui nous ont quittés et se réjouiront avec nous de voir nos vies reprendre auprès de ceux que nous aimons. « Je ne doute pas que mes camarades seront réunis au bar du Nouvel An pour célébrer leur retour au pays, et nous pourrions peut-être nous joindre à eux. » Être tous ensemble dans un climat jovial après des semaine de combats, de pluie et de boue nous ferait le plus grand bien. Il n'y avait pas vraiment de raison pour boire et danser au front, et même si nous trouvions le moyen de rire de tout, cela ne vaut pas l'ambiance d'un pub plein de vie et de joie. Je retire mes chaussures au pied du lit de Lucy et ne tarde pas à m'allonger. En recherche de réconfort, de protection, je me blottis contre elle une fois qu'elle m'a rejoint. Alors qu'elle passe ses doigts entre mes cheveux, je retiens aussi longtemps que possible mes paupières qui ne demandent qu'à se fermer pour reprendre des forces une heure ou deux. « Pas trop déçue que ton père veuille qu'on attende ? » je demande en songeant à la conversation qui s'est déroulée en bas. Lucy n'a pas objecté face à la décision de son père. Je ne sais pas si cela signifie qu'elle est d'accord, ou qu'elle ne souhaitait pas déclencher son mécontentement de nouveau. « J'avoue que je le suis un peu pour ma part. »
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Ils aimaient beaucoup s'isoler, n'être que tous les deux. Surtout qu'il était temps que Lucy retrouve entièrement Dan, même s'il avait laissé une partie de lui sur le terrain, entre le feu et la boue. Ca la désolait de le voir avec un regard si vide, même si la fatigue devait beaucoup jouer à ce moment là. C'est pourquoi elle lui avait proposé de dormir un peu. Même cela durerait toute la journée et la nuit suivante, ça n'aurait pas dérangé la jeune femme, qui aurait inlassablement continué à veiller sur lui autant que nécessaire. Le soldat admettait qu'il tombait de fatigue, et ça se voyait. Lucy lui souriait tendrement. "Alors discutons juste durant ces trente secondes." lui dit-elle tout bas, en lui volant ensuite un baiser. Les mains de Dan retrouvèrent leur place sur les hanches de sa belle, proposant de sortir le soir-même, pour célébrer de nombreuses choses. "J'en serai ravie." dit-elle avec un large sourire. "Après, ça dépendra beaucoup de toi, et du repos dont tu as besoin." Même les célébrations pouvaient attendre. A quoi bon tout précipiter alors que l'on n'est pas en état de fêter comme il se doit. Dan retira ses chaussures afin de s'allonger, Lucy ne tarda pas à se mettre tout juste à côté de lui. Il se blottit immédiatement contre elle, cherchant là un peu d'affection et de réconfort, chose qu'il n'avait pas connu le mois passé. Elle l'entoura de son bras et glissa ses doigts dans ses cheveux bruns, les caressant tout doucement. Elle sentit sa tête s'alourdir contre elle, alors qu'il parlait vaguement de la décision de son père. "Je suis déjà très heureuse qu'il approuve et qu'il soit si enthousiaste à cette idée." dit-elle tout bas, afin de ne pas le sortir de son début de torpeur. "Cela aurait été merveilleux si nous pouvions être marié aux yeux de Dieu dès ce soir, j'aurai adoré être à toi aux yeux de l'univers si rapidement." Elle marqua un temps de pause. "Mais je me demande si tu aurais autant apprécié l'instant que moi. Malgré la douleur, malgré le fait que tu sois revenu ce matin, les épaules lourdes et l'esprit lessivé." Peter savait que sa fille n'était pas du genre à rêver de grand mariage, avec une robe somptueuse et une soirée mémorable, la question de l'organisation ne se posait pas vraiment. "Et puis, au fond, nous sommes déjà mariés." dit-elle rêveuse, en regardant la bague qu'il lui avait envoyé durant leurs échange de lettres. Parfois ses doigts allait jusqu'à sa joue, ses lèvres. Elle comptait reprendre la parole, mais vit que le soldat avait les yeux fermés, et qu'il dormait déjà depuis quelques secondes. Elle continuait ses gestes de tendresse, silencieusement. S'il s'agitait un peu, elle lui parlait doucement, lui rappelant qu'il était bien à la maison, en sécurité, avec elle. Les heures défilaient, et en début d'après-midi, Mary entrouvrit la porte de la chambre, souriant tendrement à sa fille, et demandant tout bas si elle voulait manger quelque chose. Elle secoua négativement la tête, avec un sourire similaire. Sa mère fermait tout aussi discrètement la porte derrière elle, laissant retrouver le calme qu'il y avait dans la chambre. Il n'y avait pas une seule fois où Lucy avait fermé les yeux pour s'assoupir ou s'endormir avec lui. Non, elle restait attentive au moindre de ses gestes, à la vitesse de sa respiration, tentant de déceler s'il cauchemardait ou non. Elle ne voulait pas le réveiller, se disant qu'il en avait grandement besoin de ce sommeil là, et qu'il dormirait tout aussi bien le soir-même. Ce ne fut qu'en fin d'après-midi qu'elle le sentit s'étirer tout doucement. Elle n'avait pas bougé d'un pouce et laissait son amant émerger tout doucement. "Tu as bien dormi ?" lui dit-elle tout bas, sa main toujours dans ses cheveux. "Il est trois heures passé." Elle l'embrassa sur le haut de son front. "Mais nous pouvons encore rester un peu allongé, nous avons le temps." Elle était tentée de lui caresser les dos, mais elle se rappelait à chaque fois qu'il était brûlé à ce niveau là. Cela n'allait pas être facile pour elle, de ne pas pouvoir le toucher à cet endroit pendant des semaines, elle qui adorait l'enlacer, lui caresser le dos, y planter ses doigts lors de leurs ébats. "Ou nous pouvons aller nous promener un petit peu, il fait beau, dehors. Tu choisis."
A cause de la douleur, j'ai pris l'habitude de dormir sur le flanc. Cela n'est plus si nécessaire maintenant que mon dos a commencé à cicatriser et que les bandages le couvrent bien, en réalité. Mais ainsi, je suis particulièrement bien installé, tout contre Lucy. Parfois, il est nécessaire de lâcher prise, se lover et complètement se reposer sur une femme, sa femme. Sur décision de son père, elle ne le sera peut-être pas ce soir, même si cela était notre souhait. Néanmoins, comme elle le dit, nous sommes déjà unis en quelque sorte. En notre fort intérieur, nous sommes déjà des époux, nous avons scellé nos corps et nos âmes pour toujours. Faire l'amour a été notre manière de créer ce lien éternel devant Dieu. Il ne peut pas y avoir de péché si l'on s'aime autant, n'est-ce pas ? Il aurait été parfait de se marier aujourd'hui tout de même. Lucy pense tout de même que je n'aurais pas pu vivre le moment pleinement. « Je pense que la fatigue se serait envolée à la seconde où je t'aurai vu dans ta robe blanche. » je murmure, déjà à moitié endormi. La voix de la jeune femme m'a doucement accompagné jusqu'aux portes du sommeil, et me voilà déjà loin dans le pays de Morphée. Ma tête, lourde, tombe contre son bras. Ma respiration, profonde, laisse deviner que mon endormissement l'est tout autant. Je garde en tête comme première image de mes songes celle qui illustre la dernière phrase prononcée en étant éveillé. Je vois Lucy dans une robe blanche toute simple, devant moi face au curé, devenant ma femme devant Dieu et une petite assemblée de nos proches. Il y a Tom, bien vivant. Ou non, se tenant debout, mais l'uniforme criblé de balles, ne tardant pas à s'écrouler par terre. Et la terre tremble encore, l'odeur nauséabonde de la peau brûlée se répand dans l'air alors que le toit de l'église prend feu, les poutres menacent de s'écrouler ; et il n'y a pas d'issue -pourquoi est-ce qu'il n'y a pas d'issue ? ; et je me sens brûler à mon tour, suffocant presque. Lucy me prend alors dans ses bras, et je l'entends dire que tout va bien. Je me tire de ce mauvais rêve, les yeux entrouverts, sans trop savoir si je suis éveillé ou non ; je laisse la jeune femme me bercer, rassurer mon esprit épuisé, et me raccompagner vers un sommeil plus serein. Quand je me rendors, sûrement une ou deux secondes plus tard, je plonge dans un repos sans rêves et sans notion du temps. Elle est toujours là à mon réveil, après ce qui me semble n'être qu'une minute du sommeil le plus profond qui soit. J'acquiesce d'un signe de tête à sa question ; en dehors d'un cauchemar vite avorté, j'ai plutôt bien dormi. Il est déjà quinze heures. Au moins, la journée n'est pas complètement perdue. J'étire doucement mes membres et grimace un peu quand mes mouvements distendent mon dos. « Restons là, un peu. » dis-je finalement avec une voix légèrement rauque. J'invite Lucy à s'installer sur le flanc également, face à moi. Je plonge mon regard dans le sien et prends ses mains dans les miennes pour y déposer un baiser. « Tu n'as pas dormi, toi. » Non, elle s'est contenté de veiller sur moi sans bouger. Comme un ange. Je reste silencieux un moment, les paupières encore lourdes, un léger sourire au coin des lèvres. Elle est si belle. Elle est là. Juste là. « Tu sais, il y avait pas mal d'indiens avec nous au front. » dis-je au bout de longues minutes de contemplation. « Les pauvres étaient un peu perdus. » Surtout face aux chars. Nombreux sont ceux qui ne connaissaient pas ces machines de près ni de loin. Mieux valait ne rien leur confier de plus qu'une arme à feu. « J'ai sympathisé avec l'un d'eux, Raksha. Il avait à peine l'âge d'être là. » Ce qui est sûrement la raison pour laquelle je me suis pris d'affection pour lui. Il faisait même plus jeune que son âge vu qu'il n'avait pas le moindre poil au menton. Il parlait un anglais avec un accent indien très léger par rapport aux autres. « Je lui ai parlé de toi, de nous deux, et de notre… enfin, de cette impression de se connaître d'avant, et de ne pas se quitter dans la mort. Je pensais qu'il pouvait comprendre. » Je ne connais pas grand-chose des croyances hindoues, pour ne pas dire rien du tout. Je sais seulement qu'ils ont une vision complètement différente du monde par rapport à nous, et je pensais trouver là-dedans quelques réponses que notre religion ne pouvait pas me fournir. « Il m'a expliqué que nous avons sûrement raison. Dans sa culture, il y a un cycle qui s'appelle le samsara. C'est la réincarnation perpétuelle des esprits, jusqu'à ce qu'ils atteignent leur destin et trouvent la paix pour briser le cycle et rejoindre l'univers. Ca peut prendre des centaines de vies. » Certaines âmes n'y parviennent jamais. Ils voient la vie humaine comme une souffrance pour l'âme, ce que je trouve étrange. Ils la bonifient avec la méditation. Le garçon en question méditait souvent. Et l'âme ne se repose qu'une fois arrivée à son but, ce qui lui ouvre les portes de leur conception du paradis. « Il pense que c'est notre but d'être ensemble. » Mais il n'a pas voulu me dire le sien. Il m'a simplement dit qu'il était heureux de m'avoir rencontré pour connaître notre histoire. « Je le pense aussi. »
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Dan préférait rester encore un peu allongé, pour émerger doucement. Lucy se laissa glisser sur son lit afin de se retrouver face à face avec l'homme qu'elle aimait. Celui-ci semblait avoir une révélation, comme quoi elle était bien présente, toute proche de lui. Il prit d'assaut son regard dont il ne se détachait pas, ainsi que ses mains dans les siennes. Il avait toujours les mains plus chaudes qu'elle, c'était curieux. Dan devina sans difficulté que sa belle n'avait pas fermé l'oeil de la journée. "Je n'en avais pas besoin, même si le réveil a été particulièrement matinal." dit-elle avec un sourire. De sa main libre, elle lui caressa la joue. "Et il fallait bien que je veille sur toi." ajouta-t-elle. C'était une évidence pour elle. S'endormir aurait été comme l'abandonner à ses propres songes et ses propres cauchemars, et c'était d'une cruauté sans nom à ses yeux. Ceux du soldat montraient encore des signes de fatigue, il pourrait certainement s'endormir à nouveau mais il tenait certainement à profiter plus que cela de la présence de sa dulcinée. Il souriait, et semblait si serein. Et il se lança dans un de ses nouveaux récits de guerre. Lucy s'attendait à entendre parler d'explosion et de morts, mais le sujet qu'il avait choisi était d'une note bien plus légère. Elle l'écoutait avec attention, avec un fin sourire sur ses lèvres. Ce qu'il racontait la passionnait, elle restée sidérée à l'idée que ce que soldat mourant avait pu lui dire n'était peut-être pas que la chimère d'un seul homme. "Combien de vies ont du passer rien que pour nous rencontrer ? Ou juste pour nous parler, nous embrasser, nous aimer ?"Lucy plongeait directement dans tout ce que ce jeune indien avait pu raconter au soldat. Tout concordait à ses yeux, sans aucun doute. "Combien de fois nous sommes-nous manqués à cause de divers événements ?" se demanda-t-elle. Des questions dont ils ne sauront jamais les réponses. "Si ça se trouve, nos deux esprits se convoitent l'un l'autre depuis l'Antiquité." ajouta-t-elle, plus que pensive. "Penses-tu que nous briserons le cycle, dans cette vie-là ?" Lucy eut soudainement tout un flot de questions en tête. Dan n'en savaient certainement pas les réponses, mais elle aimait tellement entendre sa voix, son opinion et tout ce qu'il racontait, que le fait qu'il n'ait pas de véritables éléments de réponse l'importait peu. "Et que dans des vies passées, ils se sont posés les même questions que nous ?" L'infirmière se perdait dans ses idées. Toute cette histoire était tellement belle à ses yeux, ça l'émerveillait totalement. Bien qu'il y ait cet aspect tragique que, si ses esprits errent depuis des siècles, c'est qu'ils n'avaient jamais pu atteindre leur but jusque là. "Tu crois qu'ils ont essayé de nous laisser des messages quelque part, et que nous devrions faire de même ?" demanda-t-elle avec un certain enthousiasme. Lucy se rapprocha un peu plus de lui en suite, et, en passant une main sur sa joue, elle l'embrassa longuement, puis elle renouvela son baiser. "Il est si difficile de décrire à quel point tu m'as manquée." commença-t-elle à dire au bord de ses lèvres. "A quel point ces derniers jours ont été insupportables. Et que je ne pouvais rien faire pour t'aider, mis à part prier. Les prières semblent tellement vaines à cet instant là." Ses yeux se mirent à briller d'émotion, à la fois triste du fait qu'il soit revenu blessé, mais comblée qu'il soit bien en face de lui. "J'avais l'impression de ressentir tes douleurs, qu'elles m'atteignaient tout autant que toi. Et ça faisait tellement mal." Ce n'était que de brèves explications de ces derniers jours. Il ne voudrait certainement pas savoir à quel point elle s'était isolée, peu nourrie, à déverser de nombreuses larmes jusqu'à en avoir des insomnies. "Je t'aime, Dan." lui dit-elle tout bas avant de l'embrasser une nouvelle fois. Elle prit sa main libre qu'elle posa sur son flan et elle se colla contre lui. Ses propres doigts glissaient soit dans ses cheveux, soit sur sa joue, lui transmettait là tout l'amour qu'elle avait pour lui.
Le récit de cette croyance indienne et de toutes les légendes qui gravitent autour m'avaient procuré un réel réconfort et une certaine confiance dans mon instinct. Cette impression que nous avons de nous connaître depuis toujours et cette certitude qui concerne notre futur dans cette vie ou dans une autre ne sont pas que des fantaisies. Nous ne sommes pas que deux personnes désespérément romantiques qui cherchent des explications où il n'y en a pas et se créent un mythe autour de leur propre histoire. Nous ne sommes que deux parmi des milliers d'autres à penser la même chose et partager cette chimère. Nos croyances et notre religion de nous ouvrent pas à ce genre de concepts, mais cela ne veut pas dire qu'ils n'existent pas ni qu'ils sont faux. Ils relèvent d'une autre vision du monde qui nous a été inspirée malgré nous. Nous aussi, nous faisons partie de ce cycle. Quand a-t-il commencé ? A-t-il seulement un début ? Il y a tant de questions à poser auxquelles le jeune soldat indien pourrait répondre. Nous devrons nous contenter de nos hypothèses en faisant confiance à notre sixième sens. « Il a peut-être fallu des vies entières pour que nos esprits se rencontrent et comprennent qu'ils ont besoin l'un de l'autre. » je réponds à une Lucy qui semble complètement captivée par le récit que je lui ai fait. Elle aussi doit voir dans cette croyance l'explication qui colle à tout ce que nous ressentons. « Une vie pour un regard, une autre pour une rencontre, une autre pour réaliser qui nous sommes l'un pour l'autre. » Chaque vie étant un nouveau pas en avant vers l'autre, une autre étape de franchie. J'imagine un cheminement infiniment lent demandant des siècles et des siècles avant que nous ne soyons arrivés à ce moment précis où nous nous retrouvons dans cette époque, dans cette ville, dans ces conditions. Nous avons eu la chance d'être au bon moment au bon endroit, mais certaines de nos autres rencontres n'ont sûrement tenu qu'à un fil, avec un coup de coupe du hasard nous mettant sur le chemin l'un de l'autre. Un rien peut dévier cette trajectoire. « A cause d'événements, ou juste à cause d'un mauvais calcul : toi à un bout du monde, moi à l'autre, et aucun moyen de se rejoindre. » Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Et puis je me demande si nous avons tous deux été dans la même époque à des âges rendant impossible toute histoire entre nous. Son âme renaissant dans un nourrisson plus de trente ou quarante ans après la mienne. Qui sait combien de fois nous avons erré toute une vie l'un sans l'autre. Et maintenant que nous sommes ici, que faut-il faire ? Est-ce que l'existence qui brisera le cycle, ou une de plus parmi d'autres -et si tel est le cas, pourquoi n'est-ce pas la bonne ? « Je n'en sais rien. Je ne sais même pas si être ensemble suffit. Peut-être qu'il faut plus que se marier, plus que des enfants pour briser ce cycle. Mais je ne sais pas quoi. » Sommes nous destinés à quelque chose de grand, ou devons-nous seulement être heureux ensemble toute une vie ? Cela serait un défi en soi de faire face à tous les obstacles se dressant entre nous pendant vingt, trente, quarante ans d'amour infaillible. De quoi gagner sa place dans l'univers et faire briller deux nouvelles étoiles dans le ciel. Sommes nous les premiers à nous rendre compte de ce cycle, ce destin qui se dessine au fil des siècles, ou nos homologues du passé se sont-ils rendu compte du sens de leur existence ? « Ca ne serait pas étonnant. N'importe qui se poserait des questions face au genre d'évidence que nous vivions. » Mais pensaient-ils aussi être la dernière vie du cycle, celle menant au paradis ? Ou savaient-ils qu'ils n'étaient qu'une marche sur un immense escalier ? Et nous, le sommes-nous ? Il n'y a aucun manuel pour expliquer tout ceci, rien pour nous indiquer le chemin. A moins que, comme le suggère Lucy, il existe des indices pour nous disséminés par ces personnes de nos histoires parallèles. « Qui sait… Si cette vie là n'est pas la bonne, nous pourrions guider les prochains. Ou simplement leur dire que nous avons existé. » Cela peut être salutaire, en cas de doutes. Mais je ne sais pas quel message laisser, ni comment. Après tout, rien ne nous indique que nous vivons toujours en Australie, à Darwin, à Perth. Et si nous avions vécu en Angleterre, en France, en Russie ? Je me rends compte que face à tous les facteurs et les fluctuations possibles dans une vie, le dessein de Dieu soit être particulièrement précis et finement calculé pour que nos âmes finissent toujours par se retrouver. Happé par toutes ces questions, je suis tiré de mes pensées par Lucy qui s'approche de moi pour m'embrasser. Je pose une main sur sa joue pour prolonger ce baiser, caressant ses lèvres avec une immense tendresse. Nous restons à quelques centimètres de l'autre, nos bouches se frôlant, les souffles mélangés. Je me sens tellement désolé de lui avoir causé autant de souci et de peine. Il n'était rien qu'elle puisse faire à part prier pour m'aider. « Tes prières n'étaient pas inutiles. Je pouvais sentir que tu veillais sur moi d'ici. » je lui réponds avec un sourire rassurant, espérant faire disparaître les larmes qui menacent au bord de ses jolis yeux. « Je suis rentré maintenant, et je suis heureux d'être avec toi. Est-ce que tu peux le ressentir et le partager avec moi ? » De l'amour plutôt que de la douleur. Plus facile à dire qu'à faire ; car son corps collé contre le mien inspirant des baisers plus passionnés, sa cuisse glissant sur la mienne attire ma jambe entre les siennes, je me redresse pour poursuivre et l'embrasser toujours plus amoureusement ou fougueusement en la surplombant ; au moment de prendre appui sur mes bras, activant tous les muscles sous la chair brûlée de mon dos, je grimace de douleur et abandonne immédiatement la manœuvre, retombant sagement sur le flanc. Mon front contre le sien, mon regard gêné fuit relui de Lucy un long moment, honteux de me sentir si faible. Vulnérable.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Ce récit, ce mythe était beau, en tout point. Mais il y avait toujours ce lot de tristesse, de savoir qu'il y avait toutes ces vies là qui n'avaient pas connu d'aboutissement, d'autres où ils n'avaient jamais pu se rencontrer. Il y avait tellement de facteurs qui entraient en jeu que le hasard devait sacrément bien faire les choses pour espérer qu'ils puissent se croiser dans la même rue, au même âge, à la même heure. "Toutes ces vies où nos esprits ont erré sans fin sans jamais se retrouver." dit-elle, un peu tristement. "Ou même se croiser sans le savoir. Toutes ces opportunités qui ont sauté à cause de tel ou tel facteur." Lucy restait un moment pensive, ses yeux allant se perdre dans le regard vert de son amant. "Il a fallu beaucoup de chance pour que je te fonce dedans, le soir du Nouvel An." finit-elle par dire, en lui souriant. "Que j'ai fini par accepter de sortir, alors qu'initialement, je ne comptais pas aller en dehors de la maison." Et pourtant, elle était bien sortie, et elle l'avait rencontré. Tout ne tenait qu'à un fil, finalement. "Il y a quand même une grande part de tristesse, dans ce beau récit. Lorsque l'on se dit qu'il y avait toutes ses vies qui étaient vécus sans intérêt, sans se sentir entier, sans s'être retrouver." Toute beauté avait sa part de mélancolie. "Peut-être que nous le trouverons, le but de notre existence, même si cela doit aller au-delà d'un mariage, de fonder une famille. Peut-être que nous aurons un jour cette évidence en nous réveillant un matin." Ou peut-être qu'ils ne sauront jamais. C'est pourquoi Lucy suggéra de laisser derrière eux un indice, une marque, pour leurs vies futures. Elle réfléchit un moment, sur ce qu'ils pourraient faire, que laisser derrière eux pour que l'on comprenne que leur histoire était sans fin. "Quelque chose qui n'est qu'à nous, qui nous est propre et intime." dit-elle pensive. "Qui sait le nombre de personnes qui ont laissé un indice derrière eux. Qu'importe où nous le mettons, ça reste autant de chance pour le suivants de les trouver." Ce qui était mieux que rien. Les chances étaient faibles que ce soit trouvé, mais cela valait le coup d'essayer. "Tu as gardé mes lettres ?" demanda-t-elle. Il aurait très bien pu ne pas pouvoir les conserver, ou peut-être qu'elles avaient brûlé avec sa veste, bien malheureusement. "Il n'y a que nous qui les avions lu, et personne d'autre. Nous y mettions notre âme parce que nous ne pouvions pas être proches l'un de l'autre. Peut-être qu'ils comprendront, en les lisant." C'était la seule idée qui lui était venue en tête, sinon, elle n'aurait pas su quoi proposer d'autre. Lucy fit ensuite part de ses jours passées seule à Darwin, à quel point elle avait souffert, surtout depuis qu'elle avait appris qu'il lui était arrivé quelque chose. Dan disait que ses prières avaient été utiles, contrairement à ce qu'elle pensait. C'était certainement pour la rassurer, mais cela lui suffisait pour contenir ses larmes au bord de ses paupières. Il préférerait qu'elle ressente l'amour qu'il avait pour elle plutôt que ses plaies sur le dos. Bien sûr qu'elle le pouvait, mais elle n'oubliait l'immense blessure et le mal que cela lui causait. C'était quelque chose qu'elle ne contrôlait absolument de ressentir cette douleur là. Mais elle se mit à l'embrasser, et les baisers devinrent de plus en plus passionné. Dan se risqua à la surplomba, mais son visage se crispa quasi immédiatement de douleur et fut contraint de retrouver sa position initiale. Il ne cessait de fuir son regard, comme s'il avait honte de ne pas être capable de faire tout ce qu'il voulait, pas même d'aimer comme il l'aurait voulu. Lucy chercha longtemps ses yeux verts, afin de le regarder avec tendresse, et amour. "Nous trouverons d'autres moyens." lui dit-elle tout bas. "Quelque chose qui ne te fera pas souffrir le temps que tes blessures ne guérissent." Elle caressa sa joue et l'embrassa tendrement. Puis Lucy se redressa, et entraînant avec lui le beau soldat, sur lequel elle se mit à califourchon. Silencieusement, elle guida sa main à glisser sous le tissu de sa robe, le long de sa cuisse. Il était tellement agréable de sentir à nouveau ses mains sur elle. Lucy prit son visage entre les deux mains, et reprit le baiser langoureux qu'ils avaient du prématurément stopper.
« Bonjour Monsieur, nous cherchons Dan et Lucy. » lance Emy avec le plus large et le plus beau de ses sourires devant le père de son amie. A ses côtés, Scott se trouve sur le palier de la porte, bien moins impressionné que je ne peux l'être devant lui. Le grand homme les regarde l'un et l'autre plusieurs fois, le visage figé dans une moue sévère. On comprend rapidement pourquoi Lucy n'a jamais eu d'histoire d'amour ; un regard pareil et une telle présence ferait fuir n'importe quel prétendant. « Ils se reposent à l'étage, mieux vaut les laisser se remettre de leurs émotions. Repassez plus tard. » dit-il avec son autorité naturelle, déjà prêt à refermer la porte sur les deux jeunes gens. « Mais... » « Oui Monsieur ! » Emy plaque sa main sur la bouche de Scott et élargit son sourire si cela est encore possible ; elle, elle sait qu'on ne discute pas les ordres de Finnigan senior sous peine de l'entendre hausser le ton et faire dans son pantalon. La porte refermée, elle assène un coup de coude au militaire, grommelant un juron inaudible. Puis elle le tire pour faire le tour de la maison. Ils trouveront bien un autre moyen. En avançant, la jeune femme observe attentivement le sol, à la recherche de quelque chose. « C'est laquelle, sa chambre ? » demande Scott. Emy attrape deux pierres ; assez grosses pour frapper le carreau de la fenêtre, assez petites pour ne pas créer un éclat dessus avec l'impact. « Celle-là. » répond-t-elle en lançant son premier projectile avec détermination, puis le second. « Lucy ! Dan ! »
Le ''toc'' sur le fenêtre m'interpelle. Mes lèvres se détachent de celles de Lucy et mon visage se tourne vers l'extérieur. Sourcils froncés, j'attends de voir si mon esprit ne m'a tout simplement pas joué un tour. Mais non ; une pierre vient frapper la vitre de nouveau. La jeune femme et moi quittons le lit, nos ardeurs immédiatement calmées -ou frustrées- et approchons de la fenêtre. Une fois celle-ci ouverte, au pied de la maison, nous découvrons l'identité des intrus. « On interrompt quelque chose ? » lance Scott, très fier de son trait d'humour. « La ferme. » rétorque Emy en lui frappant l'arrière du crâne. « Qu'est-ce qu'il se passe ? » je demande finalement pour interrompre leurs chamailleries de gosses. Nos voix restent basses comme pour éviter que les parents de Lucy nous entendent, mais portent assez pour que nous nous entendions entre nous. Sauf moi. A ce débit, même d'une oreille, je ne comprends rien de ce que les deux d'en bas nous disent. Alors le troisième comparse de la bande, que personne n'avait remarqué depuis le début, retire sa casquette militaire et nous fait signe. « C'est Raksha ! Qu'est-ce que tu fais là ? » Tous me font signe de me taire. « Descendez et on vous explique. » Je suis Lucy dans la maison ; nous descendons les escaliers et allons dans le jardin par une porte à l'arrière qui nous permet de passer sous les radars de ses parents, puis nous retrouvons Emy et Scott dans la rue. Les salutations sont brèves. « Ton pote a cru malin de monter sur le bateau avec nous pour fuir en Australie plutôt que de retourner en Inde. » explique Scott, bras croisés. Difficile de savoir si la situation le contrarie ou s'il est excité par cette petite aventure supplémentaire. Lui, Emy et moi nous mettons à débattre de la meilleure manière d'aider l'indien vite et bien à quitter Darwin avant que l'armée lui mette la main dessus tout en allant dans un refuge sûr où personne ne le dénoncera. En quelques minutes à peine un plan aussi simple que bancale se dessine -mais mieux que rien. Pendant ce temps, Raksha s'est approché de ma belle ; « Vous êtes Lucy ? » Il connaît déjà la réponse à cette question, mais il la pose quand même, cela lui semble plus poli. « Dan m'a beaucoup parlé de vous. Vous êtes aussi jolie qu'il le disait. » Je ne lui avait pas montré la photo de la jeune femme, je n'en avais pas eu l'occasion. Son regard passe d'elle à moi plusieurs fois. « Vous êtes âmes-sœurs, ça se sent tout de suite. » Oui, maintenant qu'il est là, qu'il nous voit, il n'a aucun doute sur la question. Il sent le magnétisme, l'attraction plus forte que tout qui nous mène l'un vers l'autre en permanence. Même lorsque nous ne nous adressons ni regard, ni parole, nos esprits sont liés l'un à l'autre. « Nous nous sommes déjà croisés par le passé, je pense. » dit-il l'air songeur, mais tout à fait sérieux. Pas il y a un mois ou un an, bien sûr, car ni Lucy ni moi n'avons été en Inde auparavant. Le passé qu'il évoque est d'un autre genre que Lucy peut comprendre. « J'espère que j'aurai l'occasion de vous connaître dans vos autres vies. » ajoute-t-il avec un sourire bienveillant. De notre côté, la discussion est terminée, et chacun sait ce qu'il a à faire. « Lucy, je dois te dire un mot. » Je prends la jeune femme par le bras et l'attire quelques mètres plus loin, ne souhaitant pas que les autres nous entendent. Mais mon regard ne quitte pas le tout jeune indien qui, un peu perdu, attend d'être ballotté comme un paquet. « Raksha n'a pas le droit d'être ici, alors nous allons l'envoyer chez mes parents. Scott va voir à quelle heure partent les prochains trains pour Perth. Ton amie va lui donner quelques affaires. » j'explique succinctement. Pensant que son père ne voudrait pas qu'elle se trouve de nouveau dans pareille magouille, nous l'avons délibérément laissée en dehors du plan. « Je pense que nous devrions lui confier nos lettres. » Ce qui peut sembler surprenant dans un premier temps, mais à mes yeux, cela a tout son sens. Nous parlions de laisser une trace de nous grâce à nos lettres, après tout. Et il n'y a pas plus de logique à les garder avec nous toute notre vie ; si elles font à jamais partie de nos affaires, il y a peu de chances qu'elles sortent un jour de notre famille et donc qu'elles atteignent les personnes à qui elles doivent revenir. « C'est grâce à lui que nous savons tout ça, il saura quoi faire de notre message. Et tu sais ce que veut dire son prénom ? ''Le protecteur''. Notre histoire sera entre de bonnes mains avec lui. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Tout semblait être parti pour qu'ils aient un petit moment d'intimité, mais ils en furent rapidement éjecter lorsque l'on vint jeter une pierre contre la vitre de la chambre. Perplexe, Lucy fronça les sourcils. Quelle sale manie qu'avaient ses amis lorsqu'ils voulaient l'interpeller. Elle finit par se lever du lit - et de par dessus Dan - pour ouvrir la fenêtre. Il y avait Emy, et Scott qui étaient là. Son père leur avait certainement demandé de les laisser un peu tranquille, mais son amie était du genre persévérante et savait ce qui marchait ou pas. Lucy ne manquait pas de rire lorsqu'Emy remit rapidement en place le soldat. Dan reconnut immédiatement le troisième compagnon qui se manifesta. Le jeune indien qui faisait partie de ses récits, et qui croyait en l'intégrité de leur histoire. Sans plus tarder, le couple quittait la chambre et descendit les escaliers pour rejoindre leurs amis. La jeune femme restait un peu en retrait dans un premier temps, ne comprenant définitivement pas toute la situation. Emy, Scott et Dan se mirent à longuement discuter ensemble, quelle était la meilleure option pour l'étranger. Lucy restait silencieuse, et assez perturbée. Parfois, Raksha la regardait, avec ce pétillement dans ses yeux comme s'il savait soudainement tout d'elle, et de ce qu'elle faisait là. Il s'approcha alors d'elle, sûr de lui, posant une question dont il savait déjà tout de suite la réponse. Elle acquiesça tout de même d'un très timide signe de tête, et sentit son coeur battre à toute allure lorsqu'il était évident pour lui que Dan et elle soient des âmes soeur. Emy sourit, et cherchait le regard de son amie, disant avec ses lèvres -et sans émettre un mot- un je te l'avais dit. Totalement impressionnée, elle prit beaucoup de temps à émettre le moindre mot. Même si l'indien était totalement bienveillant, il émanait quelque chose de singulier, qu'elle ne parvenait pas à cerner. "Moi aussi." dit-elle on ne peut plus faiblement. Son visage lui était parfaitement inconnu, et pourtant, elle avait cette impression de déjà-vu. Dan ne tarda pas à venir retrouver sa belle, en la prenant un peu à part pour tout lui expliquer. La pauvre était complètement à l'ouest et ne comprenait pas tout ce qui était en train de se passer. Perdue, elle se laissait bêtement guider par son amant. Celui-ci lui expliqua très rapidement la situation et le plan qu'ils avaient concocté pour que Raksha puisse être en sécurité. Elle avait à peine le temps d'assimiler tout ce qu'il venait de lui dire qu'il ajouta qu'il faudrait confier leurs fameuses lettres au jeune homme. Dan semblait lui faire totalement confiance et que c'était selon lui le meilleur moyen que le courrier puisse être retrouvé par les bonnes personnes. Lucy resta longuement muette, totalement perdue, assimilant une information après l'autre. "A-t-il seulement eu le temps de manger quelque chose ?" s'inquiéta-t-elle en premier lieu. "Le trajet peut être long, nous devrions peut-être lui trouver de quoi grignoter pendant le voyage." A moins qu'il ait pu discrètement aller dans les cuisines du navire, le pauvre indien devait mourir de faim. La jeune femme se perdit ensuite dans ses pensées pendant quelques minutes, regardant de temps en temps Rakshan. "Je le connais déjà. Je l'ai déjà rencontré." dit-elle alors, toute rêveuse, le regard dans le vide. "Ailleurs." Dan disait que son prénom signifiait "le Protecteur". "Tu penses que c'est son but à lui, de faire en sorte que nous nous retrouvions durant autant de vies possibles Pour atteindre notre but à nous ?" Une autre possibilité. Lucy était totalement ailleurs, songeuse. "Il saura certainement quoi en faire lorsqu'il les aura en main." dit-elle par rapport aux lettres. Son regard se posa enfin sur son bien-aimé, avec un léger sourire. Elle appuya alors sa tempe contre le haut de son torse. "Il partira déjà ce soir, tu crois ? Ta famille l'accueillera ?" Lucy ne connaissait pas trop les horaires de train, quelle était la fréquence des horaires.