On est demain. Demain, comme prévu, tout va mieux. Pas aussi bien que la veille avant le marathon, mais toujours mieux qu’après le marathon. Les repères temporels sont associés à un niveau de douleur, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Il a passé la nuit éveillé, pour des raisons aussi diverses que variées bien que toutes liées au même point clé. Peu importe. Cela lui a au moins permis de penser à la façon dont il voulait occuper son temps avec Evie, à la façon aussi dont il tenterait de se faire pardonner sans pour autant poser directement des mots dessus: il l’entend déjà dire qu’il n’a rien à se faire pardonner. Alors, la conclusion est rapidement arrivée. Il a besoin d’air, elle aussi. Ils ont besoin de s’éloigner un peu de Brisbane, bien que leurs emplois du temps ne leur permettent pas la folie d’un voyage au bout du monde où ils ne seront effectivement personne. Ils peuvent s’échapper, mais dans un maigre rayon autour de la ville. C’est ce dont ils doivent se contenter et c’est tout ce à quoi Rhett aspire, de toute façon. Il leur a loué une maison en bord de mer, rien de bien imposant, rien d’incroyablement reluisant. Une simple petite maison, un accès privé à la plage, dix minutes à peine les séparant des restaurants et autres bars du centre-ville qu’ils pourront tester. C’est simple, très simple, et il se doute qu’Evie n’a pas envie de plus. Il l’espère, du moins, parce que ce n’est pas son cas.

“Madame, votre taxi est arrivé.” Dans l’interphone du numéro soixante-dix de Saint Pauls Terrace, on entend son sourire derrière ces quelques mots. Le taxi d’Evie est effectivement arrivé sans que ce ne soit une image, en témoigne l’inconnu dont le moteur tourne devant l’entrée de l’immeuble, lui qui est prêt à les emmener à une heure de là. Ils auraient pu y aller en train - plus long et plus contraignant - mais le taxi a gagné la manche, sans qu’il y ait véritablement eu débat. Rhett a appris à supporter voyager en voiture, ce qui est d’autant plus vrai depuis qu’il a recommencé à conduire lui-même, même si le contexte est bien différent. Lorsqu’Evie se présente sous ses yeux, son sourire n’en est que plus grand, sous doute aussi largement soulagé qu’elle accepte effectivement de le revoir, ce qui semble prouver qu’elle ne lui tient pas (trop) rigueur des événements de la veille. Puisqu’il a appris de ses propres erreurs, aussi, c’est sa tempe qu’il embrasse à la place de ses lèvres, bien que son geste ne laisse que peu de doutes quant à ses sentiments. “On en a pour une heure.” Il lui annonce d’emblée, ne voulant pas qu’elle s’inquiète du temps qu’ils passeront dans la voiture, ou même du plan général de Rhett. Ainsi, elle se doute que le chauffeur les mène directement à leur destination finale.

Ses affaires dans le coffre, entassées sur celles du sportif dans lesquelles il a pris soin de ranger ses médicaments, il la retrouve à l’arrière du véhicule, peu enclin à aborder le moindre sujet tant qu’ils seront au nombre de trois. A défaut, il retrouve sa main et la presse doucement, façon personnelle de prendre la température et de tenter de s(e r)assurer que ce petit week-end était une bonne idée. “J’ai loué une maison à Coolangatta. Ça change pas beaucoup d’ici, mais au moins ce n’est pas ici.” Ses explications sont maigres, faites sous le coup de la censure, mais il tente de leur donner contenance avec un sourire supplémentaire de sa part. “Si jamais tu dois prévenir tes proches de l’endroit où t’emmène ton ravisseur.” Il reprend les blagues qu’elle avait été la première à faire, doucement, l’air de rien. Rhett la prévient pourtant bel et bien pour la rassurer et minimiser l’effet de surprise de toute cette histoire.

Tu saurais préparer tes affaires pour un week-end en… une heure disons ? Il était tôt, et la tasse de café d’Evie était encore fumante lorsqu’elle posa ses reins contre le comptoir de la cuisine pour répondre au sms de Rhett sans pouvoir retenir son sourire. Qu’il soit déjà debout, c’était une mince garantie à laquelle elle se raccrocha, elle qui avait évité de le noyer sous les textos la veille, après qu’ils se soient quittés sur une note étrange. Sa nuit l’avait été tout autant, mais ça ne l’empêchait pas d’être déjà d’aplomb, prête à partir en se sommant que c’était une bonne idée de travailler du bureau, encore que l’agence n’était même pas censée être ouverte un samedi. Souvent réservé aux préparatifs en tout genre, ça ne se bousculait jamais au portillon en hiver, malgré les températures clémentes, malgré le cadre idyllique… qu’importe, elle répondit vite, sans doute un peu trop si on considérait que, dans une dimension parallèle, elle aurait eu tous les droits de se faire désirer. Seulement, elle était dans le monde réel, et elle avait passé l’âge de se comporter de cette façon. Surtout, elle avait été trop inquiète pour Rhett pour supporter de le faire attendre, sciemment ou pas.
Elle n’avait même pas besoin de la demi heure en plus qu’elle négocia avec lui pour préparer ses affaires, et elle ne posa pas plus de questions non plus. Reléguant ses bonnes intentions à la dernière place de ses priorités, mais aussi sa tasse de café qu’elle vida dans l’évier. Sans plus de cérémonie, elle se pressa pour se changer d’abord, préparer son sac de voyage ensuite, et ce sous les recommandations du jeune homme, là encore sans pouvoir retenir un sourire qui fendait son visage ; c’était toujours le cas quand elle répondit à l’interphone. Evie posa un regard sur le cadran de la montre qu’elle portait toujours au poignet, et qu’elle décida de retirer juste après ça, décidant qu’elle n’en aurait pas besoin pour ce week-end, mais notant tout de même qu’il lui restait bien trois minutes pour laisser un mot sur l’ardoise de la cuisine à sa cousine, histoire qu’elle ne s’inquiète pas de ne pas la voir rentrer "Le chrono m’indique que j’ai encore trois minutes, monsieur." Lara ne se poserait pas plus de questions que ça quand elle lirait son petit mot puisqu’elle l’avait prévenue en amont que ce genre d’absences pourraient éventuellement se produire quelques fois. De fait, elle ne se répandit pas en détails quand elle laissa son écriture soignée noircir le blanc laiteux de l’ardoise, et laissa définitivement sa montre derrière elle, ainsi que le calme de son appartement qu’elle quitta dans les temps. Évidemment.

Si elle avait pu prendre un peu de hauteur et s’observer descendre le grand-escalier de son immeuble, toute sautillante d’impatience, elle aurait eu le même mouvement de recul que la veille, quand Rhett s’était approché pour l’embrasser. Mais fort heureusement, ce n’était pas encore possible de se juger en contre-plongée, alors elle ouvrit la grand-porte en bois de la bâtisse dans lequel elle vivait pour tomber sur le sourire de Rhett qui fit s’élargir le sien et accepter le baiser qu’il déposa sur sa tempe et qu’elle lui rendit sur la joue, opinant en l’entendant la mettre davantage sur la piste — et peut-être qu’elle l’observa un peu trop quand il prit ses affaires pour les mettre dans le coffre, occupée à deviner s’il allait bien ou pas, et peut-être qu’elle décida qu’elle allait lui poser la question une fois qu’elle serait sûre que ce serait le bon moment… elle se laissa une marge, montant dans leur taxi avant qu’il ne le fasse, et saluant le chauffeur avec la politesse des filles de bonne famille, un sourire toujours accroché au visage.
"Le deal, c’était que je cuisine pour toi, pas que je cuisine pour toi à Coolangatta." lui dit-elle en plaisantant sans aucun doute possible, le laissant prendre sa main et la nouant à la sienne en fronçant le nez quand elle poursuivit sur le même ton "Mais ça me va." Ça lui allait plus que ça, la perspective que ce ne soit pas ici la ravissant plus qu’elle ne l’aurait imaginé quand elle avait évité de se demander où il l’emmenait, tentée de se laisser cueillir par cette dose de surprise qui planait toujours sur ce qu’ils partageaient "Ne t’inquiète pas, j’ai laissé mon kit en cas de disparition suspecte bien en évidence. Toutes les pistes mènent vers toi, j’espère que tu as un bon avocat." Elle ne sentit même pas le taxi prendre la route, se rendant seulement compte du mouvement une fois qu’elle sentit le regard du chauffeur sur elle, lui indiquant de boucler sa ceinture ; ce qu’elle fit, la main de Rhett toujours dans la sienne, balayant une longue mèche de ses cheveux avec ses doigts entrelacés autour des siens. C’est là, quand elle releva la tête, qu’elle décida que c’était opportun de lui demander sans rien risquer de trop gros qu’un regard qu’elle anticipa en posant ses yeux sur lui "Comment tu te sens aujourd’hui ?"

@Rhett Hartfield

"Le chrono m’indique que j’ai encore trois minutes, monsieur."
“Toutes mes excuses madame l’agent.”

Elle joue avec les mots et la précision, ce qui n’est en rien pour le déranger, en témoigne son sourire toujours présent. Elle a attendu une nuit entière, il peut attendre trois minutes, surtout alors qu’il en connaît la finalité et n’a aucun mal à imaginer Evie le rejoindre sous peu, monter dans le taxi, et l’écouter lui apprendre le simple programme du week-end. C’est effectivement ce qui devient réalité en peu de temps, une suite simple et logique qui ravit Rhett tant tout se passe bien et selon le plan rapidement envisagé. "Le deal, c’était que je cuisine pour toi, pas que je cuisine pour toi à Coolangatta." - “On avait pas précisé le où, pour ma défense.” A son tour, il joue sur les mots sans lui laisser le temps de continuer ses explications, n’ayant même aucune honte de le faire. Pour sa défense, la veille il n’avait encore aucune idée du plan qu’il allait concocter ; pour sa défense, il n’est pas désolé.

Il l’est encore moins lorsqu’il noue simplement sa main à la sienne, sans plus de cérémonie ni de préparation. "Mais ça me va." Tant mieux, parce qu’il doit bien avouer l’absence de plan de secours. La cuisine est toute équipée ; il l’a bien vérifié sur le site de l’annonce. Peu importe ce qu’elle veut cuisiner, peu importe si elle cuisiniera effectivement, elle ne sera pas limitée et bien au contraire. Ils viennent de troquer la petite cuisine de Rhett pour une bien plus grande avec vue sur l’océan et absence de tout possible trouble-fête. "Ne t’inquiète pas, j’ai laissé mon kit en cas de disparition suspecte bien en évidence. Toutes les pistes mènent vers toi, j’espère que tu as un bon avocat." Cette fois-ci, il rigole face à son intervention. “On a conclu un deal, j’ai le droit d’enlever des gens mais pas de les tuer, c’est un peu plus difficile à défendre.” L’humour est bancal, un peu trop osé sans doute, mais il a bon espoir qu’elle se doute qu’il n’est pas capable de lui faire le moindre mal - et quand bien même, elle sait qu’elle n’aurait qu’à courir vite et qu’il serait incapable de la suivre. Au contraire, une partie de lui est soulagé qu’elle est prévenue ses proches de sa petite escapade, même s’il se doute que son nom n’est cité nulle part, cela les recule quelque peu du stéréotype de la relation cachée, vécue loin de tous et de tout - à une heure à peine de Brisbane, certes.

Lorsqu’elle s’attache et remue sur sa place, Evie en profite finalement pour oser quelques mots, comme revigorée par ces maigres gestes et poussée à parler dans le même élan. En somme, elle a eu besoin de courage pour parler, parce qu’elle sait déjà que Rhett ne s’épanchera pas sur le sujet et qu’il n’en a même aucune envie. "Comment tu te sens aujourd’hui ?" Il accuse une seconde de silence, cette fois, laquelle il utilise à bon escient pour laisser son regard retomber dans le sien. “Mieux.” Elle sait sûrement que lorsque les gens répondent mieux, ce n’est que pour se prévenir d’un mensonge qui serait de l’ordre de ça va. Chaque geste est calculé, pensé, analysé, mais la douleur est bien moindre par rapport à celle de la veille. “J’ai pris tout ce dont je pourrais avoir besoin. Au cas où.” Il a pris ses médicaments mais ne veut pas avoir à l’avouer à leur chauffeur au passage, voilà ce qu’il essaye de lui dire et ce qu’elle comprendra sans le moindre mal, sûrement, parce qu’elle a tout vu et supporté hier encore. “Tu vis avec un membre de ta famille ? J’ai vu que y’avait deux noms, sur la sonnette.” Un Pearson multiplié par deux, voilà ce qu’il a vu, voilà ce qui l’étonne aussi tant il était persuadé qu’elle ferait tout pour se tenir aussi éloignée que possible des membres de sa famille. Alors, il pose la question, sans plus de filtres, sans même avoir à y penser davantage: seule sa curiosité parle. “C’est pour préparer mon témoignage et les témoins qui parleront contre moi.” C’est une blague filée, cet enlèvement, et ça n’a rien pour lui déplaire. Le temps d’un week-end, il n’éprouve aucun remord.

Elle lui accorda un regard, paupières plissées pour marquer sa suspicion, de ceux qu’on laisse parler pour soi quand on trouve que son interlocuteur a marqué un point, mais qu’on est trop fier pour l’admettre à haute voix. Il était malin, Garrett, assez pour qu’Evelyn ne trouve rien à redire au terme du soi-disant deal qu’ils avaient passé, établissant dans l’intimité de ses pensées qu’il n’avait pas tort, qu’aucun endroit n’avait été mêlé à cette éventualité qu’il avait fait peser sur leur au revoir la veille, lui assurant que ce n’était qu’une question de temps, celui dont il aurait besoin pour se remettre de ce qui semblait tant le faire souffrir, avant qu’ils ne se revoient. Ce n’était plus  une éventualité aujourd’hui, c’était une réalité dans laquelle elle se surprenait à aimer évoluer, bien qu’elle se l’était imaginée différente, calquée sur les moments qu’ils avaient déjà passés tous les deux, notamment dans son studio. Elle s’était déjà observé de loin une bonne partie de la nuit, à tournoyer de droite et gauche pour trouver les endroits où il rangeait les casseroles, où il rangeait les condiments et les épices… rien qui ne saurait pas trouver sa place ailleurs, à dire vrai, elle saurait d’adapter.
"Moi qui me préparais à mourir dans d’atroces souffrances, je suis à ça de vouloir faire demi-tour." Que ce soit approprié ou non, elle n’avait pas envie que l’atmosphère qui régnait entre eux ne change à cet instant. Quitte à faire des blagues douteuses, autant que ça serve à quelque chose, et ça la soulagea quelque part que ce qui s’était passé la veille n’entache pas cette bonne entente naturelle qu’il y avait quand ils étaient à proximité l’un de l’autre. Elle aurait pu craindre de se retrouver seule avec lui après avoir été la première à semer les graines d’elle ne savait quoi quand elle l’avait rejointe au marathon, mais c’était tout le contraire qui la forçait en réalité à ne pas anticiper les choses parce qu’elle se savait relativement sereine à ses côtés, même quand il était évident qu’ils feraient sans doute un peu l’autruche, qu’ils éviteraient de s’arrêter sur certains sujets. Finalement, Evie avait compris toute seule que Rhett n’avait pas besoin de grand discours pour profiter d’un bon moment ; et c’était une chance, parce qu’elle non plus.

Elle se risqua quand même à lui demander comment il allait "Mieux, c’est bien." fit-elle en comprenant tout de suite qu’il la ménageait peut-être un peu, qu’il préférait aussi que sa réponse reste adaptable au cas-où. Elle ne le forcerait pas à plus, elle voulut juste lui rappeler que "Si je peux faire quoi que ce soit en plus de ça." En plus de l’assurance que ses médicaments lui sauveraient la mise. Ses doigts se serrèrent un peu plus autour des siens, trop consciente qu’être à l’arrière d’un taxi n’offrait qu’une intimité relative qu’il tentait sûrement aussi de préserver, et c’était entièrement sa faute en vérité. C’était elle la moins encline à tendre vers l’impudeur, il l’avait appris à ses dépens. Mais ce n’était qu’une heure, elle pouvait supporter les regards du chauffeur.
Il embraya sur un sujet qui la fit sourire autant parce qu’elle le trouva bien amené de sa part, lui qui voulait sans doute noyer le poisson, que par la réponse qu’elle lui accorda avec un sourire  sincère "Avec ma cousine, Lara." Qui avait autant envie qu’elle de faire partir de leur famille, c’était dire "Je lui ai parlé de toi. Vaguement. Juste pour éviter de mâcher le travail à la police quand ils partiront à ma recherche." Elle fit mine de baisser le ton en disant ça, laissant sa tête basculer en arrière pour trouver l’appui-tête, et lui adresser un autre regard "Elle est un peu différente du reste de ma famille. Tu ne la verras probablement jamais à un gala de charité." Elle avait fait sa part du marché il y avait bien longtemps, sa pauvre cousine, et aujourd’hui, elle restait plus à l’écart qu’elle de La Fondation comme des Pearson en général ; ce qui restait étonnant quand on savait que c’était elle la plus virulente, la plus meurtrie aussi — en témoignerait Ben, d’ailleurs "Pourquoi Coolangatta ?" lui demanda-t-elle finalement, et ce sans raison particulière juste parce qu’elle aurait aimé savoir si ça avait une signification particulière pour lui, ou si le critère de la distance avait été ce qui l’avait convaincu que c’était une bonne idée de l’y emmener aujourd’hui "C’est pour mes mémoires, quand on me demandera de raconter mon expérience hoooorrible et traumatisante en me forçant à te rendre un peu plus humain en même temps." Elle écoutait sans doute trop de podcasts de True Crime, surtout depuis son agression d’ailleurs. Et quelques part, c’était pousser la farce du rapt un peu loin, mais ça lui permettait aussi de ne pas faire peser une certaine forme d’obligation dans l’idée de savoir ce qu'il avait vraiment dans la tête à ce moment-là.

@Rhett Hartfield

Ça va mieux. "Mieux, c’est bien." Cela reste pourtant loin d’être optimale, ce que tous deux savent pertinemment, mais ce n’est pas non plus un problème que l’un ou l’autre pourrait régler uniquement parce qu’il le désire. "Si je peux faire quoi que ce soit en plus de ça." Et finalement, il se demande une fois de plus comment est-ce qu’il a pu vivre autant d’années sans jamais croiser son chemin, sans jamais se rendre compte qu’il avait besoin d’elle et de ses mots éternellement justes, à défaut qu’elle puisse réellement atténuer ou supprimer sa douleur. Elle peut le faire pour tout le mal qu’il sait être purement psychologique, au moins, et ce n’est pas une mince affaire. “J’en prends note.” Il n’a rien à demander pour l’heure, il n’y a rien de plus qu’elle pourrait faire non plus, mais Rhett veut qu’elle sache qu’il prend note de sa proposition et qu’il mettra son ego de côté si, le moment venu, elle peut effectivement l’aider.

En attendant, il dévie la conversation avec curiosité pour préférer parler de l’autre nom sur la sonnette, celui dont elle l’informe rapidement, en souriant même. "Avec ma cousine, Lara." Evie confirme ses soupçons en lui apprenant qu’elle vit avec un des membres de sa famille, chose qu’il n’aurait jamais su envisager par lui-même tant il en a été dépeint un portrait négatif ; ou tout du moins de la relation qui les unit à Evie. "Je lui ai parlé de toi. Vaguement. Juste pour éviter de mâcher le travail à la police quand ils partiront à ma recherche." Le sourire qui naît aussitôt sur le visage de l’ancien sportif est aussi étonné que fier, sans doute, alors qu’il tourne rapidement sa tête en direction de la sienne, ses lunettes de soleil retirées pour qu’elle puisse voir toute la curiosité dans ses yeux. “Vaguement, hein ?” Il ne rebondit plus sur ce qui concerne leur petit jeu de second degré, son attention toute entière déjà demandée ailleurs. Peut-être qu’ils avancent bel et bien, finalement, malgré toutes les difficultés parsemant leur chemin. Son ton se calque sur celui d’Evie mais il ne se risque pas à parler trop bas pour qu’elle ne l’entende pas. "Elle est un peu différente du reste de ma famille. Tu ne la verras probablement jamais à un gala de charité." - “Elle a le droit au titre de mouton noir, elle aussi ?” De sa bouche, cela ne sonne en rien comme un reproche ou un défaut. Il se contente de demander ce qu’il en est, sans jugement ni arrière-pensée. Si Evie s’entend bien à ainsi vivre avec sa cousine, alors c’est sûrement tout ce qui importe et, de son côté, cela lui donne une excuse supplémentaire pour lui demander de rester chez lui, encore et encore. “J’imagine qu’elle ne manque pas grand chose aux galas.” A cela, il finit par hausser les épaules. Rhett se laisse régulièrement prendre au jeu mais il perd bien vite tout intérêt pour l’exercice une fois les cinq premières minutes écoulées.

"Pourquoi Coolangatta ?"
“Pur hasard. J’aurais aimé te donner une explication vraiment cool, mais la vérité c’est que y’en a pas.”

Rhett a le sourire d’un enfant malicieux, sans doute un peu trop enjoué pour l’instant. Peu importe. La simple idée de s’éloigner de la ville, pour un temps seulement, suffit à apaiser son cœur et le rendre heureux. "C’est pour mes mémoires, quand on me demandera de raconter mon expérience hoooorrible et traumatisante en me forçant à te rendre un peu plus humain en même temps." Bien sûr, oui disent ses sourcils qui dansent au gré des explications alambiquées et impossibles de la jeune femme. “Tu vas jamais convaincre personne que t’as vécu l’enfer à Coolangatta, tu t’en rends compte ?” Il termine donc dans un rire, simple et affirmé. Il a beau parler avec décontraction, la présence du chauffeur ne le laisse pas être pleinement lui-même, raison pour laquelle Rhett peu à peu le silence s’installer entre eux, sans qu’il soit pesant. A défaut, c’est avec les doigts de la jeune femme qu’il recommence un instant à jouer, uniquement pour les laisser noués aux siens le reste du trajet.

***

Une fois devant la maison, le chauffeur remercié aussitôt leurs affaires sorties du coffre, le sourire de Rhett renaît avec une étincelle nouvelle. “Tu cuisines aussi pour ta cousine ou j’ai le droit à un traitement spécial ?” Il aurait pu rebondir sur leur dessein de crimes du samedi soir ; il ne le fait pas. Il y a pensé aussi vite qu’il a abandonné l’idée, curieux d’en savoir plus à son sujet sur un terrain parfaitement neutre et, surtout, parfaitement éloigné de leur Brisbane bien connu. “Selon mon ego, y’a qu’une seule bonne réponse. Mais pas de pression, bien sûr.” Son rire est aussi sincère que le sont ses mots ; aussi sincère que le baiser qu’il finit par partager avec elle une fois la porte passée, ses mains libérées uniquement pour qu’une se pose contre sa nuque. Ici, il est à peu près certain de ne pas faire de faux pas.

Vaguement. Elle aurait pu en dire plus à Lara, elle allait en dire plus à Lara. Mais si son annonce avait été concise quand le sujet avait été abordé, vaguement donc, c’était avant tout parce que sa cousine avait des avis bien arrêtés sur la question des hommes et de leurs qualités — de leurs défauts seraient plus exact. Elle savait aussi comme ça l’avait touchée, la dernière fois qu’elle lui avait connu une aventure, et qu’elles en avaient discutés, bien obligées de le faire après la parution de l’histoire dans la presse : Lara avait été la première à essuyer les plâtres de cet incident et à la voir plus atteinte qu’elle n’aurait dû l’être. Elle voulait éviter de l’inquiéter de quoi que ce soit, ou bien à la forcer à considérer Rhett comme un indésirable compte tenu du statut qu’il avait,  alors pour l’instant, elle restait vague, oui "C’est un cygne, Lara." Elle n’avait que des bonnes choses à dire sur elle à côté de ça, et elle ne s’en priva pas quand Rhett l’interrogea à son sujet "Elle est toute petite, mais elle est tellement gracieuse. C’est fascinant à voir." Sa famille n’avait jamais eu la même vision des choses qu’elle, elle ne savait pas non plus que si Lara avait pris sur elle pendant des années, la voir enfin être qui elle voulait, c’était quelque chose de beau à voir, à laquelle elle était particulièrement fière d’assister  — qu’importe le qu’en-dira-t-on "Elle a fait sa part il y a longtemps, elle a réussi à s’extirper de tout ça pas bien longtemps avant que je rentre en Australie." Elle avait joué le rôle de remplaçante pendant des années, Evie le savait. C’était ça aussi qui la faisait être si proche d’elle d’un côté, le sentiment de culpabilité qu’elle ressentait à propos de la place qu’elle avait laissée vacante durant quinze ans, et qu’on avait imposé tantôt à Lara, tantôt aux autres membres plus jeunes de sa famille.  C’était un poids qu’elle portait sur la conscience tant elle savait que c’était difficile de plaire à Celie, de plaire aux autres aussi.
Le temps d’une seconde, elle faillit demander à Rhett s’il voulait la rencontrer, seulement elle se ravisa parce que ça aussi, c’était faire peser du poids sur sa conscience, sur celle de Rhett aussi, et que la conversation redevint bien trop légère pour qu’elle estime que c’était une bonne chose de jeter un pavé dans la mare en tachant de rendre tout ça plus… sérieux, officiel ? Alors, elle se contenta des explications qu’il lui donna quand elle l’interrogea à son tour sur son choix de destination, n’attendant rien au fond que celle qui la fit rire quand il la partagea avec elle, et admettant dans un froncement de nez qu’il n’avait pas tort encore une fois, tout en taisant cette certitude qu’elle avait que, Coolangatta ou pas, qu’importe la destination, elle aurait bien du mal à convaincre qui que ce soit que c’était terrible de se laisser cueillir par Rhett Hartfield au petit matin.

***

Elle dénoua sa main de celle de Rhett uniquement pour sortir du taxi, et la luminosité de l’extérieur fût un peu trop crue pour que ça ne lui fasse pas plisser les yeux, elle qui avait passé une partie du trajet à observer le ciel défiler la tête penchée en arrière, au travers du pare-brise postérieur, et elle oublia qu’elle avait des lunettes de soleil dans son sac à main. Peu importait, elle sentait déjà les embruns, la douce brise, et la perspective d’un beau moment embaumer le chemin qu’ils firent jusqu’à la maison qui avait été louée. Un sourire chassa la grimace dû à la luminosité qu’elle avait faite, et elle répondit aussitôt à Rhett "Cuisiner pour Lara ? C’est un enfer pour lui faire avaler un ou deux légumes verts de temps en temps. Elle se contente de manger des raviolis à même la boîte, avec supplément de Doritos et de fromage fondu. Oui, elle est de ce genre là." Elle n’exagérait même pas, et d’ailleurs, elle n’en eut pas tellement l’occasion, ni même d’officiellement le compter parmi les meilleurs clients, peut-être même le meilleur client, de son petit restaurant personnel, que déjà elle sentit ses lèvres trouver les siennes. Elle n’eut aucun mouvement de recul, ce fût même le contraire, et elle réalisa par ce simple contact que, s’il en avait douté la veille sans qu’elle ne puisse lui en tenir rigueur, elle avait eu envie de l’embrasser si fort qu’elle se laissa prendre à son propre jeu le temps du baiser qu’ils échangèrent, sa main trouvant le poignet de celle qu’il avait posé sur sa nuque. C’est en rompant le premier pour lui en donner un autre dans la foulée, ses avant bras se posant sur ses épaules, qu’elle lui murmura "Tu me fais visiter, ou je dois rassurer encore un peu plus ton ego ?" Elle aurait pu ajouter qu’elle avait deux ou trois idées de menu en tête pour ça, mais l’analogie était douteuse — moins que celle de l’enlèvement pourtant —, et elle l’embrassa de nouveau avec un peu plus d’assurance, le soulagement de pouvoir le retrouver sans regarder par-dessus son épaule se ressentant dans la façon qu’elle eut de presser ses lèvres sur les siennes pour la troisième fois en à peine cinq minutes.

@Rhett Hartfield

"C’est un cygne, Lara. Elle est toute petite, mais elle est tellement gracieuse. C’est fascinant à voir. Elle a fait sa part il y a longtemps, elle a réussi à s’extirper de tout ça pas bien longtemps avant que je rentre en Australie." - “Tu l’aimes vraiment beaucoup, ta cousine.” Il n’a rien à dire à son sujet, lui qui ne la connaît pas le moins du monde, mais Rhett est au moins heureux et soulagé de voir et savoir qu’elle est là pour Evelyn. Elle semblait lui mener une vie de solitaire et savoir que ce n’est pas totalement le cas a quelque chose de rassurant, dans le fond. Sa famille n’est pas un sujet simple à aborder, faisant passer les Hartfield pour une famille aimante et soudée en comparaison, et à défaut de lui faire peur, cela le rend curieux de savoir comment deux personnes telles qu’Evie et Lara puissent avoir vécu la même éducation que le reste du clan Pearson. Les soucis sont repoussés au second plan, seul survit le sourire fin de l’australien.

***

Rhett revient à la charge avec ses questions à la seconde même où ils sortent du taxi, tout poids sur son cœur désormais envolé maintenant qu’il n’y a plus qu’eux. La réponse d’Evie, en retour, semble sortir du cœur, comme si elle avait attendu toute une vie qu’on la lui pose. "Cuisiner pour Lara ? C’est un enfer pour lui faire avaler un ou deux légumes verts de temps en temps. Elle se contente de manger des raviolis à même la boîte, avec supplément de Doritos et de fromage fondu. Oui, elle est de ce genre là." Le rire de l’ancien sportif est automatique et sincère. Jamais il n’aurait anticipé une réponse du genre, en effet, et son ego en est largement comblé. “J’adore les Doritos au fromage fondu.” Il avoue en grimaçant, tentant de défendre Lara par la même occasion alors qu’il ne la connaît pas le moins du monde. C’est plus fort que lui, de vouloir défendre la veuve et l’orphelin dès lors qu’il n’est pas la personne en train de leur tenir des reproches. Mais après tout, il n’y a que les parents ou ceux qui ont la fibre paternel ou maternelle pour autant se soucier de ce que peut manger autrui (oh et les nutritionnistes et médecins au sens large, oui, bien sûr, allez demander à Ruben).

Pour appuyer ses propos autant que pour marquer ce désir qui est le sien depuis qu’il l’a retrouvé ce matin-même, la suite de sa réponse se constitue d’un baiser, plus assuré que jamais alors qu’il sait ne pas faire de faux pas en cet instant - à la différence de la veille où il se contentait de le penser par simple évidence. Evie lui donne raison, répondant avec force à son baiser, ajoutant à son tour le toucher à la scène lorsque sa main se pose sur le poignet qu’il avait avancé contre sa nuque. "Tu me fais visiter, ou je dois rassurer encore un peu plus ton ego ?" Son sourire grandit un peu plus encore, elle le cache uniquement lorsqu’elle appose un nouveau baiser contre ses lèvres, sans que bien sûr il ne désire à aucun moment la couper pour préférer lui répondre verbalement. Son ego peut attendre, il en est plutôt certain. “Y’a la cuisine par là, la chambre dans ce coin et sûrement la salle de bain attenante. Toilettes, garage, pièce où on a pas le droit d’aller.” Il énumère les pièces tout en les pointant une à une de son index, plutôt approximatif dans l’ensemble alors qu’il connaît sûrement aussi bien la maison qu’elle, c’est à dire pas du tout. Il en a simplement vu quelques photos et s’en moque plutôt très largement, de la visite, pour être assez honnête. Néanmoins, il se prend au jeu, le prouve son sourire enfantin. “Et mon ego juste là, je suis sûr qu’il a besoin d’être un peu rassuré encore.” Il fronce les sourcils, mine le souci, pointe désormais ses lèvres qu’il a renommées ego plus volontairement que jamais.

“Tu sais ce qu’il y a aussi ? Un jacuzzi, et pour ma part un ordre du médecin d’arrêter de jouer au con.” Il ne fera pas d’autre sous entendu sur ce fameux jacuzzi, sûrement parce qu’il n’y pense même pas, surtout alors qu’il espère simplement que ce week-end pourra servir à ce qu’ils se reposent tous les deux et prennent le temps de ne rien faire, pour une fois. Son sourire est un peu moins assuré lorsqu’il parle de la demande des médecins mais il n’a pas honte d’en parler à Evie, surtout alors qu’elle l’a observé au plus bas depuis longtemps, il y a quelques dizaines d’heures à peine. “Je sais que j’ai agi sur un coup de tête, alors si tu dois répondre à des appels ou rentrer plus tôt, je comprendrais.” Il assure donc, son corps collé au sien, ses doigts occupés à descendre le long de ses mèches brunes. Il n’est pas du genre à surinterpréter le moindre geste, alors il comprendrait, il le jure, et il ne le dit pas pour se faire bien voir. Il le pense.

Dans une autre conjoncture, Evie aurait faussement interdit à Rhett d’encourager Lara à suivre ce régime alimentaire de pré-adolescente qu’elle s’obstinait à suivre simplement parce qu’elle avait le métabolisme qu'il fallait, et qu’elle pratiquait la danse à très haute dose. Mais ici, elle était déjà occupée ailleurs. C’était nouveau pour elle, de se laisser autant porter, et la partie la plus rationnelle de sa personnalité, la plus control freak aussi, lui soufflait toujours de ne pas griller les étapes, et de faire les choses dans le bon ordre pour ne pas être lésée. Seulement, la veille avait été assez désastreuse pour qu’elle continue à faire confiance à cette ligne de conduite qu’elle avait toujours suivie jusqu’à maintenant, et encore une fois, probablement parce que le décor était joli, qu’elle se sentait déjà assez bien, entre les quatre murs de cette maison, pour ne pas craindre autre chose que de ne pas savoir où poser ses mains sans avoir le sentiment de manquer quelque chose, elle se laissa charmer par une autre forme d’anticipation qui lui fit réaliser qu’elle avait bien fait d’accepter l’invitation du jeune homme. Parce qu'il était drôle, parce qu’elle réalisait aussi que finalement, il n’y avait pas grand-chose à démêler de la personne qu’il semblait être tant il lui paraissait sincère chaque fois qu’il s’adressait à elle, lui souriant sans hésiter. Elle savait qu'il avait des failles, elle en avait aussi… mais ça n’avait pas autant d’importance que s'ils avaient eu un âge différent, et qu’ils n’avaient pas été conscients que la vie n’était pas aussi linéaire qu'on était tenté de l’imaginer. Il n’y avait rien à exiger, si ce n’était de calmer la sensation qui grouillait dans son ventre depuis la veille, quand il lui avait dit qu’il n’était pas sûr qu’elle avait vraiment envie de l’embrasser. A quel point il accepterait d’avoir tort à ce sujet ? C’est la seule question qu’elle se posa quand elle l’embrassa, avant de reprendre la parole, et de s’intéresser, pour la forme, à ce qui constituait la maison dans laquelle ils venaient de mettre les pieds.

"Tu aurais fait un très bon agent immobilier." Dans le genre expéditif, et le léger éclat de rire qui suivit chaque mouvement de tête qu’elle fit pour suivre les coins qu’il lui montrait, il fût aussi malicieux que l’expression de surprise qui anima son visage quand il lui présenta son égo — qu’elle captura bien vite par un baiser furtif, lui faisant malicieusement froncer le nez quand, se reculant légèrement, elle lui dit, rétorquant à ce qu’il ajouta tout de suite après "C’est incroyable, quelqu’un m’a justement conseillé d’apporter un maillot de bain — j’en ai apporté deux, comme convenu." Et si elle aurait pu sous-entendre qu’il pourrait choisir son favori, elle s’abstint pour garder son sourire intact, ses bras se tendant doucement sur ses épaules, et sentant néanmoins que la seconde portion de sa phrase n’était pas si anodine ; mais puisqu’il reprit de nouveau la parole, elle ne lui posa pas tout de suite la question qui lui traversa la tête, tenant à le rassurer d’abord.
Elle le lui devait, elle avait été maladroite la veille, et si elle s’en était excusée rapidement, il restait qu’elle savait que ça n’avait pas été agréable, cette façon qu’elle avait eu de le repousser sans vraiment s’en apercevoir. Cherchant son regard avec le sien, sa tête s’inclinant sur le côté, elle lui répondit "J’ai besoin de changer mes habitudes, ne m’encourage pas à rester collée à mon téléphone à cause du travail." Ce qu’elle faisait de moins en moins à dire vrai, elle restait cependant très attachée à son entreprise, beaucoup trop si on considérait que depuis quelques mois, les affaires déclinaient "Je t’ai dit que je te laissais me guider, non ? Alors, je me cale sur ton rythme, et si je trouve que c’est un peu trop rapide pour moi, je te demanderais de ralentir juste un tout petit peu, c’est juré." Ce n’était pas comme si elle ne l’avait pas déjà fait, mais poser des mots, c’était bien aussi. Elle ajouta, presque tout bas, approchant de nouveau son visage du sien, se sommant de ne pas l’embrasser cette fois, cependant "Mais pour ton information, je l’apprécie plutôt pour l’instant, ton rythme." Pinçant brièvement les lèvres, elle rata l’occasion de reprendre la parole tout de suite, l’observant juste un temps pour réfléchir, et finir par lui demander, ses doigts se perdant sur son front pour replacer une mèche courte de ses cheveux "Je peux te poser une question ?" Le genre qui nécessitait qu’elle lui demande l’autorisation avant de le faire, de fait il se douterait sans mal qu’elle ne serait pas tellement plaisante, mais elle devait le faire. Et comme pour déjà lui apporter un peu de réconfort, alors qu’elle n’avait encore rien dit, elle fit glisser de ses cheveux à sa joue pour enfin s’arrêter sur sa poitrine. Choisissant bien ses mots, avant d’oser l’interroger, Evie lui dit "Ta blessure, elle est grave comment ?" Elle ne savait pas quel temps utiliser pour parler de tout ça. Elle savait en revanche que s’il avait besoin de médicaments alors qu'il était évident que ça faisait des années qu'il avait été blessé, la gravité de ce qui l’avait mené à mettre un terme à sa carrière était certaine. Doucement, elle reprit, secouant très subtilement la tête pour marquer son point "Tu n’es pas obligé de me raconter, je n’ai pas envie de tout savoir." Je n’ai pas besoin de tout savoir si tu n’en as pas envie, c’était plutôt comme ça qu’elle aurait dû lui présenter les choses "Je veux juste savoir à quel point ça te fait mal, c’est tout." Pour mieux anticiper, peut-être pour se protéger un peu aussi, elle qui avait été trop marquée par la blessure mortelle de son père pour supporter que quelqu’un qu’elle appréciait beaucoup ait à s’accommoder de ce genre de fatalité.

@Rhett Hartfield

"Tu aurais fait un très bon agent immobilier."
“J’espère que mon talent d’agent immobilier n’est pas lié au fait que j’embrasse les clientes.”

La situation est agréable, il ne va pas mentir. Tout comme il ne va pas l’enjoliver non plus, parce qu’il doit avouer que les choses sont bizarres, finalement. Il la connaît depuis un an, presque, et ils n’ont finalement jamais passé plus d’une soirée ensemble ; pas une nuit, et encore moins un week-end. Ce n’est pas un reproche, simplement un constat alors qu’il a finalement l’impression de mettre la charrue avant les bœufs avec ce week-end tout entier, cette maison remplie artificiellement d’affaires qui ne sont pas les leurs et un programme tout entier reposant sur rien - et ça, encore une fois, ça n’a rien d’un problème. Simplement, ils doivent apprendre à vivre ensemble. "J’ai besoin de changer mes habitudes, ne m’encourage pas à rester collée à mon téléphone à cause du travail." Il rigole doucement, certain que si c’est là que se retrouve sa seule demande, alors il n’aura pas de mal à la faire exécuter. Il n’est pas du genre téléphone lui-même, cela ne devrait donc pas être un souci. "Je t’ai dit que je te laissais me guider, non ? Alors, je me cale sur ton rythme, et si je trouve que c’est un peu trop rapide pour moi, je te demanderais de ralentir juste un tout petit peu, c’est juré. Mais pour ton information, je l’apprécie plutôt pour l’instant, ton rythme." Rhett se contente donc de sourire, un tant mieux qu’il n’a pas besoin de verbaliser, l’évidence même voulant qu’il soit heureux de l’entendre dire ces quelques mots, surtout alors qu’il sait qu’Evelyn n’est pas le genre de personne qui ment pour contenter autrui. Cela tombe bien ; il n’est pas de ce genre-là non plus.

"Je peux te poser une question ?" Après s’être accordé une seconde pour y réfléchir, à la question en elle-même et à la possibilité qu’elle puisse mettre à mal l’ambiance actuelle, il vient pourtant hocher la tête et prendre le risque. Si elle se montre aussi délicate, ce n’est certainement pas sans raison. Il commence à la connaître, Evie, et il reconnaît le souci dans ses mains qu’elle fait glisser le long de sa peau pour les laisser se reposer contre sa poitrine au final. "Ta blessure, elle est grave comment ?" Le sujet de sa question était plutôt évident, surtout qu’elle ne fait finalement que rattraper la perche qui lui avait été tendue par Rhett lui-même. Elle a posé ses mots, réfléchi sûrement à chaque détail jusqu’à son intonation. Et finalement, la question ne fait plus aussi mal que ça aurait pu être le cas, ne lui fasse mentir son temps de réflexion qui laisse les secondes s’égrainer et Evie se précipiter pour préciser sa pensée. "Tu n’es pas obligé de me raconter, je n’ai pas envie de tout savoir." Tout comme il n’a pas envie de tout lui raconter, ne serait-ce parce que cela le fait se replonger dans ses souvenirs, mais d’un autre côté il estime qu’elle mérite d’être tenue au courant des choses, de son état de santé, et de ce à quoi elle risque d’assister en restant auprès de lui. "Je veux juste savoir à quel point ça te fait mal, c’est tout." - “Et y’a pas de mal à ça.” Il le promet. Tout va bien. Tout allait bien avant qu’elle pose sa question et, même après, rien n’a changé, en témoigne le baiser rassurant qu’il dépose naturellement contre sa tempe. “J’ai eu une double fracture. A chaque jambe. C’était pas joli à voir.” Il se contente des faits, passe outre un pathos qui serait de trop dans un tel discours. Ses jambes portent encore les longues cicatrices et la marque des opérations, elle n’a simplement pas eu l’occasion de le voir. “C’était y’a quatre ans. Et ça a l’air loin, dit comme ça, mais… la douleur n’est jamais vraiment repartie.” Elle est différente, simplement. Il a mal au point de ne plus en dormir certains soirs, tout comme d’autres il peut parfaitement vivre sa vie sans se soucier de rien. “Ça fait mal au point où les anti-douleurs qui m’ont été prescrits sont interdits dans certains pays.” Il se racle la gorge, tout sauf fier de ce qu’il avance. Pourtant, elle mérite de savoir, elle mérite qu’on lui explique les choses clairement plutôt que d’avoir à tout deviner par elle-même et peut-être penser au pire alors qu’il n’en est rien. Les choses pourraient être plus simples, plus calmes, mais il est heureux de la vie qu’il mène désormais, il le jure. ”Et… c’est pas le genre de truc que je veux ébruiter. Tu mérites de savoir et je te fais confiance là-dessus, mais pas les autres.” Qu’elle ne s’étonne donc pas si d’autres de ses proches ne sont pas au courant de ce genre d’information-ci, parce qu’elle est bien évidemment à part sur le spectre de ses relations avec autrui. "Je veux pas que tu t'en fasses. Dit comme ça, c'est bien plus impressionnant que ça en a l'air." Alors qu'en réalité, il serre les dents et prend sagement des cachets, ce qui semble bien moins être le synopsis d'un film d'action. "C'est trop tôt pour demander ce que tu vas me cuisiner ? Ou tu veux continuer de me cuisiner, moi ?" La suite est douteuse, certes, mais son sourire est sincère, témoignant du fait qu'il n'a rien contre l'idée qu'elle ait d'autres questions à lui poser, tant qu'ils en parlent et que le moment est un minimum approprié à une telle discussion.

Le manque d’objectivité était évident, il n’en était pas moins justifié par le cadre idyllique dans lequel ils se trouvaient, encore que ce dernier amenait une certaine forme d’empressement qu’Evie savait induite par une seule chose : ils étaient seuls ici, c’était une condition essentielle pour elle, ça l’était certainement moins pour Rhett. Mais qu’il prenne en compte sa paranoïa, même si somme toute relative, ça voulait dire quelque chose d’important qu’elle était prête à prendre en considération pour faire des efforts de son côté, et voir comment mener les compromis à faire pour ne pas réitérer sa bêtise de la veille. Elle avait tout apprendre, et si elle n’avait pas toujours été une bonne élève, elle savait qu’elle pouvait réussir sans pour autant frôler la perfection de ceux qui savaient comment faire. Il lui avait dit qu’il ne visait pas le parfait, c’était un poids en moins à apposer à ce qu’il se passait entre eux, qu’importe ce qu’il se passait vraiment d’ailleurs.

Le fait qu’elle voulait en savoir plus sur sa blessure, c’était à double tranchant, et elle le savait aussi bien qu’elle lui posa sa question en s’attendant à ce qu’il l’éconduise poliment. Et il en aurait eu le droit, encore une fois, elle ne lui en aurait pas tenue rigueur parce qu’elle était assez maline pour avoir compris que ce n’était pas un sujet facile à aborder, comme il avait compris que sa famille n’était pas un sujet facile à aborder. Ça ne l’empêchait pas de se renseigner avec toute la délicatesse qu’il lui avait réservé jusqu’alors, et elle décida de s’inspirer de lui, de la finesse de son choix de vocabulaire quand il voulait savoir quelque chose de délicat.
Et ses efforts payèrent. Elle s’en rendit compte à la seconde où ses lèvres déposèrent un baiser sur sa tempe, et qu’il lui assura que ce n’était pas mal de vouloir savoir. Elle aurait pu lui éviter l’épreuve à dire vrai, elle aurait pu simplement faire ce à quoi elle avait déjà pensé, une fois ou deux : taper son nom dans un moteur de recherches, se figurer par elle-même de l’historique de  ce qu’on racontait sur Rhett Hartfield, sa carrière et sa chute… mais elle ne faisait pas ce genre de choses, parce qu’elle savait à quel point on pouvait trouver tout et son contraire sur l’immensité de la toile, et qu’elle avait assez de respect pour lui pour ne pas vulgairement apprendre à le connaître au travers du tableau qu’on dépeignait de lui, et qui était bien loin de la vérité, sans aucun doute.
Elle laissait le bénéfice du doute, Evelyn, quand bien même on l’avait déjà mise en garde en amont de ce que ça voulait dire de s’amouracher de quelqu’un comme Rhett — et Ben s’insinua dans son esprit encore une fois sans qu’elle ne sache vraiment à quel point il avait exagéré quand il lui avait dit d’assurer ses arrières, de ne pas rentrer dans le jeu de son frère. Elle s’en était fichée sur le moment, elle s’en fichait autant aujourd’hui, si ce n’était plus que ça encore, mais elle ne pouvait pas ne pas admettre qu’elle y pensait parfois, à cette amertume décelable dans les paroles du frère cadet de Rhett ; qu’elle regardait maintenant en l’écoutant attentivement, hochant la tête en l’entendant lui conter ses blessures "Tu es resté longtemps en convalescence ?" Et la question était posée sur le ton de la continuité, ça s’insérait dans le dialogue sans que ça ne traduise spécialement une curiosité malsaine, ou un besoin de tout savoir ; ce qu’elle n’avait toujours pas, même si c’était vrai qu’elle se demanda comment il avait été blessé, si ça avait été sur le terrain, ou ailleurs. Elle lui demanda dans la foulée "Tu es retourné sur le terrain après ça, ou ça a été terminé tout de suite ?" Et qu’il lui dise que la douleur était toujours là, ça la fit remonter sa main sur son épaule sans pour autant tomber elle non plus dans le pathos en lui disant qu’elle était désolée. Il lui répondrait qu’elle n’y pouvait rien, et elle ne pourrait pas démentir à ce sujet.

Quand il se racla la gorge après lui avoir clairement fait comprendre ce qu'il ressentait, que sa prise de médicaments était à peine légale ailleurs, elle le regarda dans les yeux, et opina une nouvelle fois, les lèvres doucement serrées. Elle ne dit rien tout de suite, rangeant l'information dans un coin de sa psyché qui renfermait les sujets délicats, les confessions, et les secrets, les siens et ceux des autres, sans aucune intention de s’en servir à l’avenir, autrement que pour mieux appréhender la suite — sans beaucoup de sérénité tant elle restait absolument mal informée sur le sujet, mais elle pourrait peut-être, là, se renseigner pour comprendre et anticiper, sans avoir l'impression de se montrer indiscrète cependant. Et déjà, elle lui dit, quand il lui parut évident que c’était quelque chose qu’il voulait garder pour lui, qu’il la logeait au rang de privilégiée sans qu’elle ne s’en sente flattée néanmoins, juste un peu rassurée de lui inspirer autant de confiance pour qu’il ne se sente pas obligé de lui mentir "Ça restera entre nous. Je sais garder les secrets." Il ne savait sans doute pas à quel point d’ailleurs, et il n’avait pas besoin de le savoir.
Déjà, elle prit son visage entre ses mains pour lui dire, épongeant le regret qu’il pourrait alimenter en pensant qu’elle s’inquiéterait un peu plus pour lui désormais "Je ne m’en fais pas." A peine, en tout cas. Elle garda son visage dans ses mains, le temps de formuler une nouvelle question, bien moins invasive celle-là — et encore, rien n’était moins sûr "Tu me le diras, quand ça te fera mal ? Je sais que je n’y pourrais pas grand-chose, en revanche je sais qu’une présence peut tout changer. Je ne t’obliges à rien, tu sais que c’est une option au moins." Ce n’était pas un remède miracle, c’était autant une certitude qu’elle n’avait pas de compétence médicale, qu’elle était juste douée pour s’occuper de situations qui demandaient du sang-froid. Elle lui lâcha le visage juste pour l’embrasser en posant ses mains sur sa nuque, l’intention qu’elle y mit étant encore plus douce qu’auparavant, et permutant en un sourire à la seconde où elle battit en retraite pour l’écouter détourner le sujet avec talent, encore une fois "Je garde mon intention de te cuisiner encore un peu pour plus tard si tu m’en laisses l’occasion." lui fit-elle, et elle se redressa en le lâchant enfin pour de bon, juste pour passer ses mains dans ses longs cheveux après avoir jeté un regard par-dessus son épaule, histoire de vraiment prendre en compte les lieux, et trouver la cuisine en un regard lointain. Un soupir lui échappa lorsqu’elle ajouta, adressant un regard furtif à Rhett, avant de doucement faire éclater leur bulle pour se diriger vers la cuisine, sa veste déjà retirée, ses mains lissant le devant d’une robe d’été enfilée rapidement après le premier texto du jeune homme, et qu’elle posa dans la foulée sur le dossier d’un haut tabouret "On va déjà vérifier s’il y a de quoi préparer quelque chose, et je peux même consentir à faire des plats sur commande. Qu’est-ce que tu veux manger ?" Il était encore assez tôt pour le petit-déjeuner.

@Rhett Hartfield

"Tu es resté longtemps en convalescence ?"
“Huit mois.”

"Tu es retourné sur le terrain après ça, ou ça a été terminé tout de suite ?"
“Contrat rompu, carrière terminée.”

Certaines questions sont plus faciles à répondre que d’autres, sur le papier du moins. Rhett balance les mots par habitude, cela ne lui fait pas moins mal pour autant que d’y repenser. Huit mois, dont beaucoup passés dans un fauteuil roulant, un retour difficile au pays, un simple message de son entraîneur pour lui annoncer qu’il avait parlé avec les médecins et que c’était mieux pour sa santé de ne pas reconduire son contrat ni même arriver au terme de celui en cours. Qu’il serait dédommagé, comme le disent les petites lettres de bas de page. Comme si l’argent était réellement son souci, à cet instant, alors qu’il venait de perdre Mabel et tous ses rêves en l’espace de quelques maigres semaines à peine, le tout à cause d’un parfait inconnu. Et si ses mots se montrent aussi courts que tranchants, il fait de son possible pour qu’il n’en soit pas de même avec son ton, ne voulant pas mettre mal à l’aise Evie alors qu’elle n’y est bien sûr pour rien dans toute cette histoire. Il croit même assez en elle (en eux ?) pour lui parler de ses médicaments et de leurs conséquences lourdes, sur le corps autant que sur l’esprit, au point où certains pays ont cessé de prendre le moindre risque à leur sujet. Il voudrait arrêter, opter pour quelque chose de moins dangereux, mais il a encore trop l’impression que cela rimerait avec moins fort, chose qu’il ne peut pas se permettre. "Ça restera entre nous. Je sais garder les secrets." Il n’en doute pas un seul instant, opinant du chef pour le lui indiquer.

Rhett se laisse faire quand les mains d’Evie prennent possession de son visage et occupent ses joues. Ce n’est de toute façon pas le moment de la conversation où il reçoit une claque, alors il n’a rien à craindre. "Je ne m’en fais pas." Tant mieux. Ce sont des mots qu’il crevait d’envie d’entendre sans même le savoir, en réalité. "Tu me le diras, quand ça te fera mal ? Je sais que je n’y pourrais pas grand-chose, en revanche je sais qu’une présence peut tout changer. Je ne t’obliges à rien, tu sais que c’est une option au moins." Il ouvre la bouche, se pince les lèvres, renonce à la réponse initiale qu’il avait en tête. Au lieu de ça, l’australien opte pour un sourire qui se veut rassurant et une main qui caresse son poignet et le dos de la sienne, dans la même idée. Ce n’est que pour tenter de cacher sa culpabilité, sans doute, autant que le fait qu’il sait ne pas pouvoir lui apporter la réponse qu’elle désire. “Je suis pas du genre à dire ce que je ressens.” Pour la douleur, comme pour tout le reste. Il ne comprend pas comment d’autres sont capables de donner autant d’eux-même à autrui ; ce n’est pas son cas. Il manque de confiance en l’autre, sûrement, et même Evie, du haut de son piédestal, ne peut totalement y échapper. “Je ferai des efforts, c’est promis. C’est pas un sentiment, pas vraiment, alors je pense que j’arriverais à t’en parler.” Il doit simplement faire un constat physique, voilà ce que tout le monde pense et lui y compris, mais Rhett sait aussi trop bien que c’est un simple constat comme celui-ci qui viendrait à dire qu’il n’est pas invincible et sujet à des lacunes humaines, idée qu’il rejette profondément. Même devant Evie. Surtout devant Evie, à qui il pense toujours devoir prouver quelque chose ; qu’il est digne de la connaître, peut-être. “J’essaie de faire les choses bien.” Ces mots, ils sont pour elle, de façon évidente, mais aussi pour tous les fantômes de ses relations passées qui, bien que peu nombreuses, ont toutes volées en éclat.

Ne voulant pas déjà mettre à mal l’ambiance de tout leur week-end, le journaliste fait donc volte-face en changeant de sujet, ravi qu’Evie le suive dans cette idée sans même y penser à deux fois. "Je garde mon intention de te cuisiner encore un peu pour plus tard si tu m’en laisses l’occasion." Et s’il est presque déçu qu’elle se détache de lui, ses yeux continuent de la suivre dans le moindre de ses mouvements. Elle rebondit sur son idée avec grâce, comme à son habitude. Désormais, c’est lui qui la suit à travers cette maison qu’il découvre peu à peu, jusque-là trop occupé à l’embrasser pour se soucier du reste. "On va déjà vérifier s’il y a de quoi préparer quelque chose, et je peux même consentir à faire des plats sur commande. Qu’est-ce que tu veux manger ?" Son sourire est grand et fier, trop pour qu’il ne ressemble pas un gamin qui a une mauvaise idée en tête. “A quel point c’est trop tôt pour que ma réponse se résume à “toi” ?” Trop tôt dans la journée ; parce qu’il ne pense pas que cela l’est pour leur relation, ou peu importe comment les choses sont appelées. Bientôt un an qu’il la connaît. La date le frappe plus que jamais, maintenant, alors qu’il a l’impression de l’avoir rencontrée hier, à cette soirée. Peu importe, son rire est là pour désamorcer la situation possiblement gênante et lui offrir l’idée d’une simple blague en guise de sortie de secours. “Mon régime se résume à de la viande et des épis de maïs. Et je cuisine des pancakes, les jours vraiment vraiment importants.” En somme, il est une catastrophe, ce qui lui fait apparemment un point commun avec sa cousine. Lui dit qu’il n’est pas un mauvais cuisinier et, en fond de scène, Hassan marque la négation de sa tête et mime une tête tranchée avec son pouce, langue pendante. “Tu as presque la même voix que quand tu parlais à Nell. C’est mignon.” Il se souvient encore de la petite qu’il a aperçu lors de l’anniversaire de sa mère, chez les Pearson, et des grands yeux admiratifs qu’elle n’a jamais délogé de la silhouette de sa tante. A raison, sans nul doute.

"Je sais." Et elle n’avait pas besoin qu’il le lui dise pour ça, probablement parce qu’ils étaient faits du même matériau à ce sujet-là, que rentrer dans des détails, sans qu’ils ne soient inutiles pourtant, ça ne faisait pas partie de leur mode de fonctionnement. Evie savait aussi qu’elle avait dû tirer un peu sur le corde en lui posant ses deux précédentes questions, dont elle avait reçu les réponses avec attention, trouvant dans les mots concis de Rhett assez de souffrance pour qu’elle ne soit tentée de rebondir, de lui en poser encore plus, de questions. Il en viendrait seul à lui confier des choses s’il en avait envie, elle ne le pousserait pas en ce sens simplement parce qu’elle pouvait s’imaginer à quel point ça devait être douloureux finalement, de tout perdre en un instant. Elle était assez bien placée pour le savoir à dire vrai, c’était pour cette raison qu’elle pouvait saisir les subtilités de son ton quand il lui répondait, lui donnant l’impression d’un supplice quand il s’efforçait de paraître un peu détaché de ce qu’il avait vécu. Elle faisait la même chose. Alors, en effet, elle savait.
Elle aurait aimé lui dire qu'il n’avait pas à paraître devant elle. Sauf que c’était plus facile à dire qu’à faire, et ça aussi, elle en avait une vision assez nette pour ne pas vouloir tendre vers l’hypocrisie en lui prétendant le contraire. Lorsqu’il reprit la parole, elle lui dit , doucement "Je ne te demande pas de faire des efforts. Je veux juste que tu saches que je peux tout entendre, et que je ne le prétends pas pour que tu te sentes mieux." Je t’aime bien, Garrett, aurait-elle pu ajouter pour donner de la matière à ce qu’elle venait de lui dire, un léger sourire sur son visage. Mais sa propre façon d’envisager les choses se heurta au fait que, elle non plus, elle n’était pas du genre à dire ce qu’elle ressentait. Elle lui sourit tout de même, caressant sa joue en récupérant ses mains "Et tu fais les choses bien. Cette maison est splendide." Bien sûr, il ne parlait pas de ça, et elle en était assez consciente pour ne pas vouloir faire peser cette pression inutile sur ses épaules en détournant légèrement le sujet. Elle ne tenait pas à ce que leur discussion devienne une corvée, pour lui comme pour elle. S’il y avait des choses à dire, ils se les diraient au fur et à mesure, c’était la seule bonne méthode à ses yeux puisqu’elle n’engageait de mettre personne mal à l’aise, ou de ne forcer personne en dehors de sa zone de confort.

Dans la zone de confort d’Evelyn, il y avait, entre autre, ce besoin qu’elle avait de s’occuper les mains. Les placards de la cuisine avaient beaux être trop hauts pour elle, c’est vers leur inspection qu’elle s’engagea sitôt qu’elle y entra, laissant Rhett la suivre en se préparant déjà à lui cuisiner quelque chose. Mais il n’y avait pas grand-chose dans les placards, et la réponse qu’il lui accorda la fit descendre de la marche de fortune crée par ses talons levés, le menton dirigé vers le fond vide qu’elle finit par tourner vers lui avec le genre d’expression qui signifie clairement qu’on ne s’attendait pas à ça. Le voile fila aussitôt pour se caler sur le rire qu’il laissa poindre par commodité, et sur lequel elle s’étaya en lâchant la poignée du placard pour toupiller sur elle-même et s’avancer vers le comptoir du petit-déjeuner "J’ai retiré ma montre avant de te rejoindre, l’heure qu’il est ne devrait pas vraiment être un problème." Pas vus, pas pris, c’était là le sens de sa phrase. Et si elle n’avait pas l’intention de prétendre qu’elle n’avait pas enfilé cette robe en pensant à l’instant où il la lui enlèverait, elle n’avait pas l’intention non plus de précipiter les choses sans savoir s’il faisait vraiment de l’humour ou pas. Ils étaient des adultes, tous les deux plus ou moins bien constitués, et elle ne prétendrait pas non plus que la tension qu’il y avait entre eux n’était pas un gage fiable de l’idée qui les animait depuis un moment déjà.
Elle se souvenait de ses mains sur elle, et de ses lèvres piquetant pas seulement ses lèvres, mais aussi sa peau ; et parce qu’il y avait un souvenir qu’elle voulait oublier, celui où il l’avait aidé à se déshabiller après son passage aux urgences, ne sachant pas faire autrement que de lui demander de l’aider à le faire, elle espérait que bientôt, il le fasse d’une autre façon, sans la ménager, sans éviter de la regarder non plus. Se penchant sur le comptoir qu’elle avait rejoint pour mieux faire face à Rhett, elle fronça le nez en gardant son sourire, prenant note de ce qu’il lui disait avec l’innocence surjouée qui était la sienne quand ça l’arrangeait de faire comme si elle pouvait toujours paraître jeune et crédule "Et je me situe dans quelle catégorie du coup ?" Viande, épis de maïs, pancakes… ses mains se joignant sur la matière lisse du comptoir, elle jeta un œil au bout de ses doigts qu’elle commença à triturer, suivant l’arrondit de ses ongles avec leurs pulpes, avant de remonter son regard sur le visage de Rhett en même temps que son coude qui l’aida à soutenir le poids de sa tête qu’elle posa sur la paume de sa main par le menton. Haussant une épaule pour assurer les mots qu’elle choisit pour continuer, elle lui dit "Juste pour savoir à quelle sauce je vais être mangée exactement." Elle resta un long instant à le regarder, chacun retranché d’un côté du comptoir lorsqu'il ajouta quelque chose qui lui fit pencher la tête sur le côté sans qu’elle ne cesse de s’appuyer contre sa main, un léger rire anticipant le sourire qui ne la quitta pas quand elle lui demanda "Qu’est-ce que ça veut dire ? Que tu trouves que je m’adresse à toi comme à un petit garçon ?" Elle savait que non, mais il fallait bien qu’elle défende ses excès de tendresse — qu’il catalogua comme étant mignons, donc — non ?

@Rhett Hartfield

"Je ne te demande pas de faire des efforts. Je veux juste que tu saches que je peux tout entendre, et que je ne le prétends pas pour que tu te sentes mieux." - “Je sais.” Il répond à son tour, avec la même voix qu’elle avait eu quelques secondes avant, marquant ainsi le parallèle entre eux et sa compréhension des choses. Il n’est pas doué pour comprendre ce que pensent et ressentent les autres lorsqu’ils ne le statuent pas clairement, mais il veut sincèrement croire qu’Evie est une présence positive pour lui, ce que chacun de ses mots semble corroborer. Plus que jamais, il veut briser ce cercle vicieux de ces relations qui éclatent en plein vol, même alors que la leur n’existe pour l’heure que dans son esprit, rien n’ayant clairement été statué entre eux. C’est bien mieux ainsi, sans doute. Si cela n’existe pas réellement, alors cela ne peut pas être détruit. "Et tu fais les choses bien. Cette maison est splendide." Il esquisse un sourire, comprenant sans mal pourquoi la maison semble devenir le point culminant de toute cette discussion, de façon purement artificielle.

D’un sujet à l’autre, le ton semble changer du tout au tout, sans que Rhett n’y voit le moindre problème, bien plus enclin à faire des sous-entendus à peine voilés que parler de son accident. "J’ai retiré ma montre avant de te rejoindre, l’heure qu’il est ne devrait pas vraiment être un problème." La répartie de la jeune femme l’amuse, raison pour laquelle il ne cherche pas à voiler son sourire en coin. Elle sait très bien à quel jeu il joue, tout comme il sait pour lui-même que ses mots n’avaient pas vocation à devenir réalité dans les secondes à venir, loin de là. Il ne fait que s’amuser, Rhett, il joue à l’enfant pour ne pas avoir à être un adulte qui fait face aux problèmes de son âge. "Et je me situe dans quelle catégorie du coup ?" - “Tu en as une à ton nom, quand même, je suis pas un goujat.” Il voudrait l’embrasser mais se contente au lieu de ça de l’observer depuis l’autre côté du comptoir, éternellement amusé, plus certain que jamais que rien ne pourrait mal tourner dans cette maison. Rien ne les empêchera d’y revenir, à l’avenir, si le besoin s’en fait ressentir. "Juste pour savoir à quelle sauce je vais être mangée exactement." Ca sera la surprise du moment venu, sans doute, et ce n’est pas un sujet sur lequel l’australien souhaite s’avancer, se contentant pour l’heure avec joie de vivre le moment présent. Son pouce et son index collés l’un contre l’autre parcourent la distance de ses lèvres, mimant ainsi le secret qu’il garde scellé, sans qu’il n’y ait aucune véritable raison à cela. Motus et bouche cousue, il ne doute pas que ce seront autant de sous-entendus et de blagues qu’ils auront tous deux oubliés, lorsque le moment sera venu et que le reste du monde n’aura plus aucune importance.

Evelyn garde sa tête posée avec soin sur ses mains là où Rhett se contente de déposer ses bras sur la même table, s’appuyant ainsi contre ses coudes, se rapprochant à peine plus du comptoir pour que ses mains arrivent à la hauteur des siennes et qu’il les enveloppe doucement. "Qu’est-ce que ça veut dire ? Que tu trouves que je m’adresse à toi comme à un petit garçon ?" - “Ça veut simplement dire que je trouve ce ton de voix attendrissant.” Il ne veut pas être le petit garçon de l’histoire, pas même celui qu’on infantilise. Simplement, il ne peut pas cacher avoir été quelque peu touché face à la scène qui s’était déroulée sous ses yeux, il y a peu encore. Il n’est certainement pas en train de lui demander d’agir de la même façon avec lui, là n’était pas le sujet. “Et qu’elle a beaucoup de chance de t’avoir en tata.” Mais ça, à bien y repenser, il le lui a peut-être déjà dit. “Il faudra que tu me donnes ton secret, j’ai une nièce qui n’attend sûrement que ça.” Qu’il soit un peu plus présent, un peu plus à l’écoute, un peu plus. Le sourire de Rhett cache l’aspect problématique de la question et, déjà, il ne garde qu’une seule de ses mains dans la sienne, cherchant à la ramener près de lui pour qu’ils se décident enfin à passer le pas de la porte de cette maison pour trouver de quoi cuisiner, manger, peu importe. Ils n’ont pas fait tout ce chemin uniquement pour parer.

Il jouait sur le suspens, Garrett. Et c’était très bien comme ça, forçant gentiment Evelyn à travailler sa patience avec la grâce des princesses, celle qu’elle avait gagné avec les années, loin d’être naturellement dotée de cette qualité que bon nombre lui trouvait. Ne rien dire, laisser les choses se passer, ce n’était pas si naturel qu’elle le laissait paraître, et c’était bien parce que Rhett lui avait déjà prouvé qu’elle pouvait lui faire confiance qu’elle avait tendance à laisser ses travers de côté, se laissant avoir par la perspective qu’il n’y avait rien de pénible à ne pas anticiper. Il savait ce qu’il faisait, c’était une bonne chose à garder en tête pour ne pas avoir peur, puisque c’était ça son plus gros problème en vérité : elle avait toujours eu peur de l’inattendue, gérant la surprise aussi mal qu’un affront fait à sa personne. Cela dit, rien n’avait jamais démenti qu’elle n’avait pas raison de se méfier, ne serait-ce qu’un peu. Jusqu’à présent, puisqu’encore une fois, c’était Rhett qui était l’exception et qui sans même le savoir, sans aucun doute, remettait en perspective cette manière qu’elle avait de vouloir à tout prix garder la main, avoir une longueur d’avance, ou qu’importe comment il était le plus opportun de qualifier sa névrose concernant le contrôle.
C’était déstabilisant, pourtant c’était moins effrayant que ça en avait l’air, c’était même plutôt agréable de se remettre à la bonne volonté de quelqu’un qui savait mieux comment faire qu’elle. Dans le passé, elle n’avait pas eu la chance de tomber sur ce genre de personnes, celles qu’elle avait côtoyées s’attendant à ce qu’elle soit la plus aguerrie pour mener des situations, son charisme parlant pour elle, alors qu’elle n’avait aucune idée du chemin à emprunter ; et elle ne le savait pas plus aujourd’hui. Seulement, Rhett ne lui donnait pas l’impression de compter sur elle pour ça, et ça la rassurait assez pour qu’elle soit tentée de lui laisser le bénéfice du doute, sans pour autant en attendre davantage de lui non plus.

L’absence de goujaterie mise à part, elle accepta donc son destin sans piper mot, apposant un assentiment silencieux au secret qu’il semblait vouloir garder pour lui, par avarice ou par humour, l’un ou l’autre ne lui posant pas de problème sur le moment. Sa tête dans ses mains, elle se redressa tout doucement quand il leva les siennes, et elle le laissa faire ce qu’il voulait de ses doigts, laissant les siens suivre les lignes marquées de sa peau tandis qu’il lui répondait. C’est dans un plissement de paupières qu’elle lui murmura, cherchant sans doute à cacher que ça la touchait qu’il puisse trouver sa relation avec sa nièce assez jolie pour le mentionner ici, là où il était tacitement dit qu’ils devaient laisser leurs soucis derrière eux.
"Tu te rappelles de cette liste de qualités que j’ai commencé à tenir te concernant ?" Elle commença sans pouvoir retenir plus longtemps le sourire qu’elle lui adressa en reprenant sur le ton de l’humour, toujours "Je crois que je viens de trouver ton premier défaut. Et il se situe entre le manque d’objectivité et la flatterie, j’ai encore du mal à vraiment savoir quel terme est le meilleur." Aucun des deux, elle ne faisait qu’amortir ce qu’elle ressentait face à ce qui lui disait avec une délicatesse qui lui faisait du bien, pas vraiment habituée à en être le réceptacle. Même si c’était chouette à entendre, c'était aussi un peu douloureux étant donné qu'elle se doutait que ce que Nell ressentait pour elle n’était qu’induite que par la nouveauté ; une nouveauté qui avait quatre ans désormais, peut-être se fourvoyait-elle à ce sujet "Je crois qu’elle m’adore uniquement parce que sa mère me déteste tu sais. Mais je prends le compliment." Il fallait en accepter quelques-uns, de temps en temps.
Relevant la tête dans un court soupir, elle se rendit compte qu’il voulait qu’elle revienne vers lui. C’est ce qu’elle fit sans attendre, contournant le comptoir pour s’échouer près de lui, sa main toujours dans la sienne, l’autre trouvant le bord du comptoir comme elle se plaçait en face de lui pour mieux le regarder, une légère surprise teintant ses traits quand il quémanda son secret "Je ne savais pas que tu avais une nièce." Ce n’était pas si surprenant à dire vrai, mais dans un monde où elle avait tout à apprendre de Rhett Hartfield, elle devait admettre que mémoriser son arbre généalogique n’était pas dans ses priorités. Sûrement à cause de sa rencontre avec un bourgeon agressif du nom de Ruben — qui, encore une fois, lui traversa l’esprit aussi vite qu’elle s’entendit parler de lui "La fille de Ruben, ou celle de ta sœur ?" C’était à peu près tout ce qu’elle s’autorisait à se figurer sur le moment, le pacte tacite qu’elle avait passé avec elle-même pour ne pas mentionner son frère décédé se trouvant dans la même case hermétique que celle où elle préférait ne pas parler de son père décédé ; ce genre d’infos avaient sa caste particulière dans sa malle aux secrets.
Evie ajouta dans la foulée "Je ne crois pas être la plus indiquée pour ce genre de conseils… je me suis juste rendu compte qu’on était souvent trop exigeant avec nous-même quand on veut rentrer dans les bonnes grâces de nos neveux et nièces." Comme si on avait la mission d’éponger les erreurs commises dans un passé pas si lointain, comme si c’était un devoir de corriger des anecdotes trafiquées pour ne répondre qu’à une version, souvent la moins bonne, de l’histoire. Sa tête s’inclina pour capter son regard, qu’elle ne réussissait pas à lâcher tout de suite, et puis elle lui sourit doucement, un léger mouvement d’épaule lui échappant pour marquer sa constatation ; quand elle se détacha de nouveau de lui pour s’avancer un peu plus loin dans la maison, la chaleur de Rhett n’étant pas désagréable au demeurant, mais négliger les lieux, c'était faire offense aux efforts qu'il avait fait pour effacer le moment de la veille. Leur bulle était appréciable, elle y serait restée toute la journée si elle le pouvait, à le contempler, à l’embrasser, à laisser ses doigts parcourir ce qu’il l’autorisait à frôler… mais elle avait conscience qu’il faudrait, un moment où un autre, qu’ils décident de quoi faire vraiment, des quelques heures qu’ils passeraient tous les deux. Finalement, elle s’arrêta devant la baie vitrée du salon pour admirer une vue à la hauteur de ses espérances, qui ne la fit pas se taire cependant, quand elle lui demanda, tournant la tête dans sa direction "Elle a quel âge ?"

@Rhett Hartfield

Et si le premier défaut de Rhett pouvait effectivement être le manque d’objectivité ou la flatterie, il se trouverait bien chanceux, raison pour laquelle il se contente de répondre à Evie dans un simple rire. "Je crois qu’elle m’adore uniquement parce que sa mère me déteste tu sais. Mais je prends le compliment." - “Et je crois que tu te montres trop dure.” Avec les autres, comme avec elle-même bien trop souvent. Ce n’est que son avis de néophyte, raison pour laquelle il ne s’épanche pas davantage, mais il pense qu’elle est tout aussi peu objective que lui sur le sujet. Elle est une bien meilleure tante qu’il ne sera jamais oncle, et ce même sans être détesté par le reste de sa fratrie.

Dans un signe de la main, et sans avoir à lui parler davantage, Rhett la ramène contre lui, sa main contre la sienne. Son odeur lui avait manqué, la veille au soir, et il ne peut le nier. "Je ne savais que tu avais une nièce." - “Parce que je ne te l’avais pas dit.” Parce qu’elle ne l’avait pas demandé non plus, chose on ne peut plus logique qu’il ne lui reprochera jamais à son tour. Pour lui montrer qu’il ne lui tient pas le moindre reproche et risque encore moins de lui reprocher de ne pas lui donner assez d’importance, il ajoute un sourire à ses explications. "La fille de Ruben, ou celle de ta sœur ?" Un sourire qu’il a du mal à faire persister suite à sa question, raison pour laquelle il redouble d’efforts pour ne pas échouer. “Celle de Jackson.” Elle ne pouvait pas deviner que sa nièce est la fille de son seul frère décédé et puisqu’il a lui-même amené le sujet sur le tapis, il a encore moins de raison d’en vouloir à Evie. Elle mérite de savoir, elle mérite d’en connaître toujours un peu plus à son sujet au fil des semaines et autres mois écoulés. Un jour, il en est certain, plus rien ne fera aussi mal à avouer, même si son aîné est mort depuis de nombreuses années déjà. Et à nouveau, pour lui prouver que tout ne va pas aussi mal qu’elle pourrait le penser, il ajoute un nouveau sourire à son explication.

Tout en la suivant du regard, il l’écoute, elle et ses arguments philosophiques au sujet d’avoir des neveux et nièces. Il sourit, amusé bien plus qu’enclin à être du même avis qu’elle. Ce qu’elle dit vaut peut-être pour sa personne (il n’en doute pas, à vrai dire) mais de son côté Rhett ne pourrait pas dire avoir un jour été trop exigeant avec lui-même pour entrer dans les bonnes grâces de Margot. Non que cette dernière soit particulièrement difficile, mais bien qu’il n’ait jamais vraiment fait d’efforts. “J’ai toujours fait passer ma carrière avant le reste, et même ma seule nièce ne fait pas exception.” Rhett avoue donc enfin, même si à ses yeux tout était déjà plutôt évident. Il a passé sa vie à faire passer sa carrière avant tout le reste, le tout pour la perdre au premier accident venu. Contre ça, il ne pouvait rien. "Elle a quel âge ?" Il a besoin d’une seconde pour y réfléchir, le tonton à l’ouest. “Elle a 22 ans. Elle est déjà grande.” Et elle a presque l’âge de Ben, ce qui lui donne la parfaite excuse pour expliquer qu’elle s’entend éternellement mieux avec lui qu’avec Rhett. “Je suis parti quand elle avait dix ans et revenu quand elle en a eu vingt. On a pas vraiment de souvenirs ensemble mais c’est une bonne gamine.” Elle a su se construire en l’absence de de ses deux parents, chose qu’il ne peut que souligner avec beaucoup d’admiration.

Retrouvant Evie, près de la baie vitrée, il enroule son bras autour de son dos et se place près d’elle. “Et si on arrêtait de penser au reste et qu’on passe le reste du week-end à se demander si c’est l’heure de manger ou se baigner ?” Son visage se tourne vers le sien, interrogateur bien qu’il n’attende qu’une réponse positive de sa part. Ils ont encore deux jours à passer ici et bien trop de questions à possiblement se poser, alors autant en garder pour plus tard.