Il a hésité. Il ne le dira pas à Isaac, par souci de ne pas le froisser, mais il a hésité à faire de ces quelques messages autre chose que quelques messages, justement. Les années les ont séparés, c’est un fait, et puisque chacun a continué sa vie pour le mieux alors l’anglais avait jugé que ce n’était pas nécessaire de se retrouver, sans doute de peur de les voir de nouveau retomber dans leurs travers, l’un comme l’autre, comme si la présence mutuelle de chacun suffisait à provoquer de telles choses. Il ne veut pas y croire, non, ce serait insensé. Isaac a toujours été un bon ami sur lequel il a pu compter, et il espère représenter la même chose pour lui en retour. Cela ne ferait donc aucun sens qu’un appui et une confiance mutuelle provoquent des conséquences négatives. Il le connaît depuis le jour où il est arrivé en Australie ou presque et leur vie a changé du tout au tout depuis, faisant notamment d’Isaac un jeune et attendri papa et de Swann un tendre fiancé. Ils avancent chacun à leur rythme, chacun selon leurs envies ; et chacun avec une personne formidable.

C’est avec un fin sourire qu’il toque à la porte, tenant entre ses doigts un petit paquet contenant une peluche, choisie à la taille parfaite pour le nourrisson que représente encore Maia. Rory a déjà donné des cadeaux et vu la petite, mais ce n’était pas le cas de son fiancé pour l’heure, alors il n’attend pas davantage pour corriger le tir. Ils ont beaucoup de temps à rattraper, beaucoup d’événements aussi, mais la priorité à ses yeux reste encore de rencontrer sa petite fille, nouvelle prunelle de ses yeux, et surtout un cadeau qu’il n’aurait pas su anticiper lui-même. Isaac a beau avoir un emploi du temps de ministre, il saura toujours trouver du temps pour la chair de sa chair, autant Jude que Maia.

"Hey mate." Il sourit avec un peu plus de force, maintenant que la silhouette du brun se dessine entre les montants de porte. S'il vient d'abord trouver sa main pour l'entourer de la sienne, Swann ne tarde qu'une seconde de plus avant de finalement le serrer dans ses bras et passer une main dans son dos pour le taper doucement - il a toujours trouver ce réflexe stupide mais ne sait s'en défaire. La fuite de l'annonce de ses fiançailles avec Rory dans la presse l'a profondément chamboulé et traumatisé, en témoigne son refus catégorique de sortir de leur nouvelle maison, mais pour Isy et Maia, il a jugé nécessaire de faire des efforts et braver le monde, à nouveau. "Je viens faire semblant de te venir en aide alors que t'en as pas besoin, juste pour avoir une excuse et voir la petite dernière." Il sourit en se détachant peu à peu de lui, amusé par l'expression petite dernière, comme s'il était finalement un père de famille nombreuse désormais. Il reste avant toutes choses son ami.

Penny s'est absentée de la maison pour les prochaines heures ce qui m'érige au rang temporaire d'unique responsable du domaine que compose notre foyer. La maison a changé radicalement d'allure durant l'année écoulée : Penny y a ajouté toute sa chaleur lorsqu'elle a accepté à mon plus grand ravissement d'emménager au sein de ma propriété, décorant et égayant les différentes pièces avec goût. Par la suite, l'arrivée de Jude de notre vie a rempli notre univers de petites voitures et dinosaures - jouets qui ont la faculté méconnue de se trouver à des endroits inusités du domicile en tout temps. Puis, depuis la naissance de Maia, la question de l'ordre est devenue abstraite et plus que secondaire ; la maison semble avoir elle-même obtenu la vie et une personnalité qui lui est propre, les objets changeant constamment de place par ou pour ces petites mains auxquelles je dédie tout mon cœur.

Maia est assoupie dans son couffin, rassasiée du biberon qu'avait pris soin de préparer plus tôt Penny avant son départ. Jude, quant à lui, vogue entre son casse-tête, ses petites voitures, ses dinosaures, ses Lego et ses coloriages, maniant avec un entrain que je lui envie secrètement l'art du multi-tâche. Mon cerveau un peu en surchauffe entre la reprise du travail, la gestion des enfants considérant le planning de Penny, celui de mon ex et le mien réduit un peu trop mes capacités à être sur plusieurs fronts à la fois, quand bien même je fais de mon mieux pour suivre le rythme et personne ne s'en est plaint jusque là.

J'entends toquer à la porte de la maison et machinalement, je jette un coup d'œil à la pendule du salon, même si je n'attends pas de visite particulière. Je me lève, intrigué, Jude suivant ma silhouette avec un œil curieux. "Hey mate." Lorsque je reconnais le britannique sur le seuil de la maison, je lui adresse spontanément un sourire sincère. Swann réduit la distance entre nous pour me saluer dans une étreinte amicale à laquelle je réponds derechef. "Hey! Ca me fait plaisir de te voir!" Je fais avec franchise, invitant d'un geste accueillant le blond à entrer. "Penny est sortie pour quelques heures," je l'informe toutefois. "Je viens faire semblant de te venir en aide alors que t'en as pas besoin, juste pour avoir une excuse et voir la petite dernière." Un rire franchit la barrière de mes lèvres. "C'est gentil d'être venu pour voir la petite et de me rappeler par la même occasion, en bonus, que je gère," je formule avec gratitude et une pointe d'humour, refermant la porte derrière Swann. Jude nous rejoint, son dernier bolide construit de Lego en main, tirant sur mon t-shirt pour obtenir mon attention. "C'est 'Wann," il m'indique de sa petite voix fluette, me rappelant par la même occasion qu'il avait rencontré le jeune homme quelques mois plus tôt. "Oui, c'est Swann mon cœur. Tu lui dis bonjour ?" Je lui confirme, conservant mon sourire et en caressant doucement ses cheveux. Jude tend sa dernière construction au nouvel arrivé, tel un cadeau de bienvenue, lançant avec un large sourire un "Coucou !" avant de courir vers ses autres Lego, sans doute dans l'optique de combler l'anglais d'autres constructions. "Est-ce que je peux te servir quelque chose à boire ?" J'offre au trentenaire. "Fais comme chez toi," je l'invite à prendre place sur le canapé et je me dirige vers le couffin où Maia manifeste sa présence en agitant ses petits poings et émettant quelques sons. Je la love dans mes bras avec tendresse, déposant un baiser délicat sur son front, lui parlant sur un ton empli de douceur : "Alors, tu as bien dormi ma puce ?" Ses yeux grands ouverts clament l'affirmative et je m'approche de Swann avec elle, sourire fier et comblé aux lèvres. "Je te présente la petite dernière, Maia." Je me plais à reprendre le choix de mots du Buchanan. "Tu veux la prendre ?" Je propose.

"Hey! Ça me fait plaisir de te voir!" Après tout ce temps, il en est lui aussi très heureux. Dans la foulée, Swann dédie un regard au jeune garçon à la seconde même où il se détache de la brève étreinte offerte à Isaac. Jude est présent et il est heureux que ce soit le cas, en témoigne le sourire qu’il lui dédie avec toute la sincérité du monde. "Penny est sortie pour quelques heures." Il accepte l’information sans broncher ni en être attristé ou pris de court: bien qu’il aurait aussi aimé voir Penny, c’est pour lui qu’il a fait le déplacement, en témoigne le simple hochement de tête qu’il ajoute suite à son annonce. La seconde suivante, et suite à l’offre de l’australien, il fait un premier pas dans la maison. "C'est gentil d'être venu pour voir la petite et de me rappeler par la même occasion, en bonus, que je gère." Son rire fait du bien à entendre, il n’est qu’une confirmation supplémentaire de ce qu’est sa vie aujourd’hui et du fait qu’il soit pleinement heureux, comblé avec sa petite famille formée bien plus vite que quiconque aurait pu le penser. Grand bien lui fasse: Swann a toujours pensé qu’il ferait un très bon père, le moment venu, et si tel était son souhait. “Je le pense, je suis pas uniquement un invité poli.” Il se permet de le souligner, conscient qu’Isaac le connaît assez pour pouvoir émettre un doute quant à la frontière entre politesse et sincérité. Jamais Swann n’oserait froisser un aussi vieil ami, encore moins alors qu’il est son hôte pour les quelques instants à venir.

Jude revient de nulle part, éternelle boule d’énergie à laquelle l’anglais dédie un nouveau sourire et quelques salutations adaptées à son âge. "C'est 'Wann." C’est au tour de Swann de rigoler de bon coeur, sans vouloir se moquer un seul instant pour autant et bien au contraire: il est simplement ému par cette petite voix enfantine, autant que le fait qu’il l’ait reconnu et, par extension, son prénom - quoi qu’amputé d’une lettre, peu importe. "Oui, c'est Swann mon cœur. Tu lui dis bonjour ?" Et si l’anglais accepte son offrande avec joie, des deux mains tendues, il y va rapidement de son petit commentaire. “Mais dis-moi, t’aurais pas grandi depuis la dernière fois toi ?” Il demande, le pensant tout de même, après l’avoir remercié de sa construcion digne des plus grands ingénieurs de ce monde. Ou presque.

"Est-ce que je peux te servir quelque chose à boire ?" Bien qu’il observe encore Jude s’éloigner au loin, Swann finit par laisser son regard retomber sur celui de son ami, à qui il demande simplement un café, soucieux de ne pas paraître impoli sans pour autant risquer de déranger. Et puis, il n’y a jamais trop de café. "Fais comme chez toi." Enfin, il finit par gommer la distance qui le séparait encore du canapé, non sans chercher du coin de l'œil Jude et sa réserve secrète de lego, tout en veillant à justement ne pas marcher sur l’un d’eux et risquer de l’abîmer. Pourtant, ce sont les petits cris du nourrisson qui attirent finalement son attention, elle qui semble justement en manquer, du haut de ses quelques semaines de vie. Isaac agit avec une douceur incomparable avec elle, laissant son ami être plus touché que jamais face à cette simple scène de vie, qui existe pourtant dans de nombreux foyers. Un jour, le sien pourra être compté dans la liste, il l’espère. "Je te présente la petite dernière, Maia." Et c’est enfin à Maia qu’il dédie le regard le plus brillant et comblé qui soit, incapable de se lasser de la vue de nourrissons et de leur tendresse. "Tu veux la prendre ?" Son regard quitte Maia pour retrouver son père, dans un élan quelque peu paniqué, avant qu’il ne se reprenne rapidement. “Oui. Oui, bien sûr.” Et il se relève du canapé pour être à sa hauteur et ne pas déranger la jeune fille, qui passe d’un bras à un autre sans émettre la moindre objection à cela. “La fameuse Maia.” Il commente doucement, ne voulant risquer de la réveiller brusquement ou même de la gêner, tout simplement. La fameuse Maia mérite tout le bonheur du monde et plus encore. “Le numéro d’enfant sage, c’est pour me berner ?” Il demande, tentant d’en savoir plus autant que de faire la discussion. Il demande aussi, parce que son envie de fonder une famille n’est en rien un secret et si la composition de son couple rend la chose un peu plus hasardeuse, il est très loin d’abandonner l’idée pour autant, ou même vouloir se contenter d’un seul enfant. “Ça se passe bien avec Jude ? Avec Maia, je veux dire.” Parce qu’il ne doute pas qu’Isy a su être un bon père pour lui, même avec un contexte aussi difficile à gérer, mais il n’a aucune idée de comment les choses ont pu se passer depuis l’arrivée de sa petite soeur, cependant, laquelle bouleverse encore un peu plus son quotidien déjà bien animé.

C'est avec une franche spontanéité que j'accueille Swann sur le perron du domicile où Penny et moi bâtissions notre foyer, échangeant salutations et accolade amicales. Lors de précédents messages, le britannique m'avait indiqué qu'il viendrait nous rendre visite afin de rencontrer la petite Maia, fruit surprise de l'amour qui reliait la Stringer et moi-même. Quand bien même je ne doutais en aucun cas de la sincérité des propos de mon interlocuteur, je me réjouissais grandement qu'il se trouve désormais sous mon toit. Je l'informais néanmoins de l'absence de ma petite amie, à laquelle il répondit par un hochement de tête compréhensif, puis je laissais un rire filer entre mes lippes lorsque Swann élabora le motif de sa visite. Je le remerciais pour son geste et sa confiance en mes capacités à gérer deux enfants en bas-âge. “Je le pense, je suis pas uniquement un invité poli.” Mon sourire s'élargit, appréciatif. “Je sais,” j'assurais, ayant toujours apprécié le Buchanan pour son honnêteté.  

Jude nous rejoint avec un dynamisme débordant, reconnaissant le blond d'une précédente rencontre, bien que son prénom lui offrait encore quelques misères en termes de prononciation. J'appréciais entendre mon ami rire de bon cœur de la sorte, me confortant dans cette idée que lui aussi, goûtait désormais en conséquente et méritée quantité au bonheur. C'était tout le mal que je lui souhaitais : que la joie et l'épanouissement l'étreignent si chaleureusement et continuellement que ces sensations de plénitude se lisent jusque dans ses expressions de plaisir naturelles. Je passais une main affectueuse dans les cheveux de mon fils, rectifiant posément le prénom de l'anglais tout en le priant de saluer l'adulte, ce à quoi obligea le garçonnet en tendant à Swann sa dernière construction de lego, le regard pétillant de malice, puis de fierté dès que le trentenaire accepta le jouet. “Mais dis-moi, t’aurais pas grandi depuis la dernière fois toi ?” En guise de réponse, Jude leva les bras au Ciel en sautant, comme si cela figurait un moyen de mesure inébranlable, puis se précipita vers sa caisse de lego afin d'assembler sans nul doute de nouveaux bolides.

Je remarque le regard doux de Swann suivre la silhouette de l'enfant puis lui propose quelque chose à boire. Le jeune homme opte pour l'une des boissons phares de ma vie : le café. Je l'invite à se mettre à l'aise en lui désignant le canapé et bifurque de la cafetière au couffin en entendant Maia émettre des petits sons, sous l'œil avisé de son grand-frère dont les mains sont comblées de roues en plastique. Je love avec délicatesse et tendresse le bébé dans mes bras, déposant un baiser sur son front et lui parlant calmement, avant de réduire la distance avec mon ami pour qu'il puisse officiellement la rencontrer. Les pupilles brillantes de Swann se posent sur le nourrisson et je lui offre naturellement de la prendre, soupçonnant que Swann apprécierait avoir Maia dans ses bras et lui faisant entièrement confiance. “Oui. Oui, bien sûr.” “Ca va, elle n'est pas encore trop lourde, même si Penny la nourrit très bien,” je tente une touche d'humour comme pour rassurer mon interlocuteur, et je glisse précautionneusement l'enfant dans ses bras, la petite ne manifestant aucun signe d'inconfort. “La fameuse Maia.” Swann commente et je souris avec autant d'affection que de fierté, abandonnant quelques minutes le duo pour nous servir deux tasses de café. “Le numéro d’enfant sage, c’est pour me berner ?” Je ris, revenant au salon avec les tasses remplies du liquide brûlant, du lait et du sucre. “Elle est à son aise,” j'affirme. “Penny m'a raconté qu'elle s'était plu dans ceux de Rory aussi.” Ses grands yeux contemplent le visage du blond, ses doigts serrant un pli du haut du britannique. “Mais la nuit elle se transforme un peu en gremlin. Le sommeil et le silence, c'est pas trop son truc. Elle aime être proche des gens.” Maia était le genre de bébé qui se plaisait dans les bras et luttait contre les siestes, comme si un réveil dans son couffin ou dans son berceau consistait en un outrage - et l'y laisser éveillée était peine perdue, sauf si l'on souhaitait une symphonie en la majeur. Son frère représentait un fidèle allié la journée lorsque Penny et moi devions vraiment la poser pour avancer sur nos tâches dans la maison, le garçon se penchant souvent vers sa sœur dans son couffin pour lui parler et lui expliquer ses jeux, ce qui ravissait le bébé et finissait par la faire sombrer dans les bras de Morphée. “Ça se passe bien avec Jude ? Avec Maia, je veux dire.” Je pose mon regard sur le garçonnet qui semble déterminé à construire une voiture uniquement rouge, concentré à assembler les pièces, et je réponds en souriant : “Oui, j'appréhendais un peu mais franchement, ça se passe bien.” J'avais longtemps craint que l'arrivée de Maia bouleverse une fois de plus le quotidien déjà assez atypique du garçonnet qui pourrait réagir avec jalousie ou désapprobation. Penny et moi nous étions appliqués à le préparer à son nouveau rôle de grand frère, présentant ce que le bébé impliquerait et soulignant les avantages. “Il était déjà impatient que Maia naisse et quand il l'a rencontrée, il était ravi. Il aime beaucoup aller lui parler et nous aider à prendre soin d'elle. Son plus grand regret pour l'instant c'est qu'elle ne puisse pas encore jouer avec lui.” Je fais avec un sourire. Jude lève le regard vers nous, malicieux. “Mais ça va venir.” L'enfant reporte son attention sur les pièces qu'il enfonce, le bout de sa langue dépassant de ses lèvres trahissant sa réflexion. “Maintenant la prochaine étape ça va être l'école, en janvier.” Un défi logistique de taille avec le concept de garde alternée. Je repoussais néanmoins mes propres inquiétudes, préférant me dédier à un événement de taille qui m'avait profondément ravi : “J'ai appris pour tes fiançailles avec Rory.” D'abord par Penny, puis par les médias, ces derniers m'incitant à féliciter ce jour le jeune homme, certain qu'ainsi je ne briserais pas ainsi un éventuel secret. “Toutes mes félicitations et mes meilleurs vœux à vous deux, je suis vraiment très content pour vous, c'est une superbe nouvelle !” Je prononçais avec entrain en pressant amicalement l'épaule du Buchanan. Dans un monde rythmés de hauts et de bas, où les contextes pouvaient être compliqués sur plusieurs volets, je ne pouvais qu'admirer comment l'amour triomphait et serait valorisé par l'union de Swann et Rory. Je désirais sincèrement qu'ils soient comblés et le fait qu'ils franchissent cette étape dans leur histoire me laissait croire qu'ils étaient de ces couples solides et aimants, de ces âmes sœurs qui se sont trouvées et se complètent harmonieusement. Je leur souhaitais un amour et un bien-être éternel, une fortune de félicité.

C’est avec bonheur et toute la délicatesse du monde que Swann accueille le nourrisson dans ses bras, incapable de retenir son sourire trahissant toute l’émotion qui est sienne. Il est heureux pour Penny, pour Isaac, pour cette bouille d’enfant qui grandira dans un foyer aimant. Il est heureux tout court, tout simplement, de pouvoir la tenir entre ses bras et de déjà savoir qu’à sa prochaine visite, elle aura terriblement grandi. Et un jour, sans qu’ils ne s’en rendent compte, elle sera elle aussi une adulte. “Ça va, elle n'est pas encore trop lourde, même si Penny la nourrit très bien.” Les mots de son ami font mouche, l’anglais en rigolant alors avec simplicité. Jamais il n’oserait douter que l’actrice est une bonne mère, en effet, et de toute façon la moindre réplique de sa part meurt dans l’oeuf, toute son attention étant rivée sur l’enfant, la seule à désormais recevoir son regard. Plus que jamais, l’évidence est présente: il souhaite lui aussi fonder sa famille et vivre ce genre d’instants avec son propre enfant, quand bien même cela n’enlève rien de la joie qu’il ressent à l’idée que le couple puisse déjà jouir de tout ce bonheur. Ils le méritent.

Isaac momentanément disparu dans la cuisine, il fait de son mieux pour garder le jeune bambin à l’aise, caressant ses maigres cheveux sans jamais arrêter de soutenir sa tête pour autant. “Elle est à son aise, Penny m'a raconté qu'elle s'était plu dans ceux de Rory aussi.” Entendre le prénom de son fiancé suffit à le faire sourire, mais le contexte dans lequel il est évoqué fait quelque peu éclater son coeur. C’est une remarque que Rory n’aurait jamais osé donner sur lui-même et sa rencontre avec Maia, lui qui s’était contenté avec humilité de dire que tout s’était bien passé et qu’elle était adorable. Un fait que l’anglais peut confirmer par lui-même, désormais. “Il sait y faire avec les enfants.” Swann souffle alors, confirmant un peu plus encore les propos de son ami. Rory sera un père formidable, le moment venu. “Mais la nuit elle se transforme un peu en gremlin. Le sommeil et le silence, c'est pas trop son truc. Elle aime être proche des gens.” - “Vraiment ? Tu fais ça, toi, petit monstre ?” La première question est pour Isaac et la deuxième, bien plus rhétorique, est adressée directement au bambin lui-même, en témoigne la voix incontestablement caricaturale que Swann adopte. Au fond, il ne doute pas un seul instant que la vie avec un nouveau-né soit bien loin d’être de tout repos, peu importe à quel point elle semble être parfaitement sage.

Un peu plus sérieux cette fois, l’anglais demande si les relations entre Jude et sa soeur sont au beau fixe et s’il arrive à s’adapter, avec l’arrivée d’un nouveau membre dans la famille. “Oui, j'appréhendais un peu mais franchement, ça se passe bien.” Ses yeux ayant retrouvés ceux de son ami, il hoche la tête, l’air un peu plus grave désormais. Tant mieux. La vie de Jude n’a pas été facile jusque-là, il aurait été dommage qu’il y voit un énième obstacle en l’arrivée de Maia. Il est d’autant plus rassuré par les explications qu’ajoute Isaac suite à ça, dépeignant le portrait d’une famille qui arrive toujours à s’adapter malgré les changements souvent soudain. “Maintenant la prochaine étape ça va être l'école, en janvier.” Déjà est ce à quoi se résume la première pensée du blond, son regard se déportant sur le garçon, toujours occupé avec ses jouets et ce peu importe à quel point ses oreilles sifflent. “Il saura s’y adapter, comme pour tout le reste.” Il l’a toujours fait, pour le meilleur et pour le pire, sans jamais en avoir le choix. La question ne sera pas facile à traiter entre ses deux parents, biologiques cette fois, mais Swann ne doute pas un seul instant qu’Isaac se battra pour ce qui est le mieux pour son enfant ; et qu’il gagnera, surtout.

“J'ai appris pour tes fiançailles avec Rory. Toutes mes félicitations et mes meilleurs vœux à vous deux, je suis vraiment très content pour vous, c'est une superbe nouvelle !” Il déporte son regard de l’enfant vers le père, hochant d’abord la tête en signe de remerciement avant d’y ajouter les mots allant avec. “Dès qu’on aura réussi à réserver un lieu de réception, vous recevrez vos invitations.” Il ajoute dans un même sourire, son coeur se réchauffant déjà à la simple idée de les retrouver tous les deux, ainsi que leurs deux enfants, pour un jour si important. D’ici là, Maia et Jude auront terriblement grandi. “Je comptais en parler à tout le monde de vive voix, mais la presse a été plus rapide.” La gorge quelque peu nouée, il tient à expliquer pourquoi Isaca n’a rien entendu de sa part et a sûrement dû passer par le biais de Penny, ou des médias de façon générale. Si la jeune femme a été une des premières que son fiancé a prévenu, Swann aurait pourtant aimé tenir au courant Isaac d’une telle nouvelle, parce qu’il est bien placé pour savoir que sa vie a été loin d’être un long fleuve tranquille et qu’une telle nouvelle était sans doute un peu inespérée. “Un conseil: si un jour le sujet vous concerne aussi, gardez vos alliances avant d’en avoir parlé à tout le monde.” Il tente d’ajouter un trait d’humour pour cacher à quel point il a en réalité été blessé par la chose, cherchant au fond à protéger son ami, comme lui l’a protégé pendant des années. Les mots sont maladroits, mais il tente de lui faire comprendre que le mariage n’est pas une fin en soi et qu’ils n’en sont pas moins une famille en son absence, qui plus est. Cela ne regarde qu’eux.

Spoiler:

Lorsque Swann blottit Maia dans le creux de ses bras, la soutenant avec une irréprochable délicatesse et tendresse, son portrait s'illumine. Je ne me souvenais pas avoir vu une expression si pure d'émotions, d'attention et de paisible sur le visage du britannique et son allégresse irradie jusqu'à mes propres lèvres, tirées en un sourire attendri. Jouant de légèreté, je fais une remarque sur le ton de l'humour sur le petit corps bien nourri par les bons soins de Penny qui est une mère formidable et admirable à mes yeux, qui est celle qui transforme mon quotidien en des puissantes bénédictions et de véritables fiertés.

Je laisse temporairement le nouveau-né et mon ami seuls afin de me rendre dans la cuisine chercher nos breuvages. Lorsque je reviens, je me permets de souligner le bien-être que la petite trouve contre Swann, à la même image que celui décrit par Penny lorsque Rory avait tenu l'enfant. Un fin rictus s'affiche sur le portrait de l'homme qui souffle : “Il sait y faire avec les enfants.” J'acquiesce, timoré, avant d'opter de nouveau sur la légèreté, couvant du regard le bébé. “Vraiment ? Tu fais ça, toi, petit monstre ?” fait Swann sur un ton empruntant le caricatural lorsque son regard se pose sur la frêle silhouette. Je laisse échapper un léger rire. “Je pense qu'elle va être aussi sociable que sa maman,” je prédis, quand bien même cela pourrait paraître un pari risqué vu les quelques semaines de vie de ma progéniture. Néanmoins, la personnalité de Maia apparaît de jour en jour, dévoilant une âme déterminée et curieuse qui apprécie grandement le contact avec les autres.

Swann évoque Jude, concentré sur ses constructions improvisées. Je lui relate l'adaptation plutôt satisfaisante de mon aîné à son rôle de frère et annonce le prochain cap important de la vie du garçonnet qui augure d'être un casse-tête en termes de logistique. Néanmoins, je m'efforce de ne pas trop me projeter pour le moment. Un pas à la fois, un problème en son temps. “Il saura s’y adapter, comme pour tout le reste.” Je hoche la tête à l'affirmative, reconnaissant de l'optimisme du britannique. J'avais la chance que Jude était un enfant plutôt facile et conciliant, malgré son jeune âge. Ma vie était teintée d'inconnues mais je sais assurément que je ferais tout pour que cette transition se fasse de manière aussi aisée que possible, comme je tiens à accompagner mon fils à chaque étape de son histoire.

Un chapitre des plus réjouissants est par ailleurs amorcé dans celle de Swann et affichant un sourire sincère, je le félicite pour ses fiançailles avec son amoureux. Je leur souhaite spontanément et naturellement tout le bonheur du monde, intimement convaincu qu'ils méritent plénitude et euphorie. “Dès qu’on aura réussi à réserver un lieu de réception, vous recevrez vos invitations.” Je souris, à la fois touché et reconnaissant d'être invité à un tel événement de la vie du Buchanan. “C'est gentil, Swann,” je fais, sincère. “Est-ce que vous avez une idée de quel genre de lieu vous aimeriez pour votre cérémonie ?” Je questionne curieusement. “Je comptais en parler à tout le monde de vive voix, mais la presse a été plus rapide.” Je considère quelques secondes mon interlocuteur, percevant un certain malaise chez le trentenaire. “Un conseil: si un jour le sujet vous concerne aussi, gardez vos alliances avant d’en avoir parlé à tout le monde.” Un rictus compatissant emprunte mes traits et je presse amicalement de ma main l'épaule de Swann, gage de mon soutien. “La presse vous a peut-être volé cette partie de votre histoire, mais elle ne pourra pas voler réellement votre amour, votre bonheur et vos vérités.” Elle pourra menacer, bien entendu, parfois ternir et étouffer, mais elle demeure à mes yeux bien trop faible pour toucher à l'immensité d'un amour sincère, quand bien même elle a capacité de heurter par sa cupidité et sa curiosité malsaine. “Je suis sûr que les gens comprennent que les médias vous ont devancés. En tout cas, je t'assure que c'est mon cas. La presse est vraiment le revers de la célébrité.” Je ne m'étais honnêtement pas posé la question ni pris quelconque offense à ce que les journalistes connaissent l'union de Swann et Rory avant que ce premier ne me l'ait signifiée, sachant la voracité des paparazzis. Certains torchons qui étaient sortis et sortaient encore sur Penny et la relation que j'entretenais avec elle m'avaient appris durement l'irrespect flagrant pour la vie privée des stars que possédaient des professionnels. Même en m'évertuant à ne pas consacrer mon attention à ces écrits tape-à-l'œil, les nouvelles sur les étoiles du show-business allaient bon train et s'infiltraient dans les quotidiens, tels de vicieux fléaux, que ce soit par la radio, la télévision, les magazines des salles d'attente ou des présentoirs proches des caisses de supermarché. “Mais je garde ton conseil précieusement si j'ai un jour cette chance, merci,” je formule avec gratitude.

Je marque une pause quelques instants, songeur, avant d'ajouter : “Quand Penny a annoncé sa grossesse, ça a fait un certain remue-ménage,” je commence posément. “Les médias se sont saisis de l'information assez goulument et y ont rajouté leur grain de sel.” Et Dieu que certains avaient été amers. Une partie de moi demeurait en colère contre certaines éditions pour ce qu'ils avaient osé écrire à l'encontre de Penny, de votre couple et même de Maia. “Ca n'a pas été agréable et c'est tout à fait légitime d'être dégoûté, blessé, frustré par la presse. Vraiment, je compatis et je suis désolé pour toi et Rory que les médias n'aient pas respecté votre intimité. Ce n'est pas juste, c'est irrespectueux,” je déclarais avec franchise. “Mais personnellement, avec le recul, si je peux moi-même me permettre de te donner un conseil sur ma propre histoire...” Je croise le regard de Swann, en attente de son approbation. “Je me dis que l'important c'est ce qui se passe dans le couple, comment vous vous sentez, ce que vous choisissez en pleine âme et conscience pour votre bonheur et votre vie, et ça, personne ne pourra jamais l'altérer, même les personnes les plus malveillantes. Puis les vrais amis qui vous entourent, ceux qui vous aiment et vous soutiennent, savent qui vous êtes et ce que vous voulez et vous respecteront toujours parce qu'ils connaissent votre valeur, et à mes yeux, ça surpasse ces langues pendues,” j'avoue avec un sourire léger. “C'est décevant comme comportement de la part de la presse mais ça ne vous empêchera pas de vivre le mariage de vos rêves, le mariage à l'image de vous deux. Ils ne sont pas plus forts que votre amour.” Je souris doucement à l'attention de l'anglais. Je me doutais que je ne lui apprenais rien mais ces constats étaient de ceux qui m'avaient fait du bien lors des épreuves semées par les articles de la presse qui peignaient Penny sous de mauvaises hospices et je désirais les partager avec Swann dans l'unique et véhément espoir de le réconforter et de l'épauler comme j'avais pu trouver consolation par ces réflexions. Je souhaitais son bonheur et si je pouvais par quelques mots adoucir cette déception causée par la presse, j'en serais ravi.

“C'est gentil, Swann. Est-ce que vous avez une idée de quel genre de lieu vous aimeriez pour votre cérémonie ?” L’invitation n’a rien de gentille tant elle est tout simplement évidente aux yeux de l’anglais, qui aurait voulu les inviter tous deux séparément si jamais ils n’avaient pas formé un couple. Ils économiseront un carton d’invitation, sans doute, mais la finalité reste la même: Isaac compte beaucoup pour Swann, comme Penny pour Rory, et leur présence est souhaitée le jour de leur mariage, en plus d’être simplement bienvenue. Ils sont tous deux le genre d'amis que personne ne voudrait perdre. “L’agente de Rory a trouvé un château près de la plage, on attend juste d’aller le visiter mais il a l’air parfait.” Il y a bien assez de chambres pour loger tous leurs proches qui souhaiteront rester, tout comme la proximité avec l’océan est un clin d’oeil évident à Rory et à sa passion pour les flots, que son futur mari est heureux de retrouver dans leur lieu de réception. “Vous pourrez rester dormir avec toute votre petite famille, comme ça.” Il le lui souligne d’emblée, conscient que ce genre de détail compte bien plus pour eux que pour d’autres convives, qui pourraient venir seuls ou peut-être avec un plus un, mais pas avec de jeunes enfants quoi qu’il en soit. Pour eux, comme pour Alex et Caleb ou Rosalie et Wyatt, une chambre leur sera réservée d’emblée.

Avec bien moins d’enthousiasme cette fois, l’anglais se permet d’évoquer l’épisode des médias et l’annonce précipitée de leurs fiançailles dans ces derniers, événement qu’il reste bien incapable de digérer malgré toute sa volonté. “La presse vous a peut-être volé cette partie de votre histoire, mais elle ne pourra pas voler réellement votre amour, votre bonheur et vos vérités.” Les mots d’Isaac semblent toujours sortis tout droit d’un recueil de poésie, et cela a au moins le don d’étirer un sourire sur le visage du blond, qui n’en écoute pas moins le fond de ses mots pour autant. Isaac a toujours été d’un soutien indéfectible, lui qui sait sans doute mieux que personne ce qu’il peut ressentir et les réactions parfois insensées, aux yeux du reste du monde du moins, qui sont les siennes. Ils se comprennent. Bien malgré eux, sans doute, mais ils se comprennent. Il a raison, qui plus est: la presse leur a volé cette annonce, mais rien ne remet en question leurs fiançailles, ou le fondement même de leur amour. Quelques années en arrière, Swann aurait pris peur au point de réfléchir à revoir leurs plans d’avenir, mais aujourd’hui ce n’est plus du tout une idée qui lui passe par l’esprit. “Je suis sûr que les gens comprennent que les médias vous ont devancés. En tout cas, je t'assure que c'est mon cas. La presse est vraiment le revers de la célébrité.” A nouveau, il hoche la tête, ses yeux retombant dans ceux de son ami. “Tu en sais quelque chose toi aussi, maintenant.” Ils sont tous deux des hommes de l’ombre qui appartiennent au commun des mortels, et les voilà propulsés sur le devant de photos volées et autres ragots rapportés par les médias, et ce uniquement parce que leur amour se porte sur des célébrités. L’un comme l’autre ont pourtant compris que leur amour pour leur compagnon valait bien plus que tout le reste, et c’est ce qui importe le plus. “Mais je garde ton conseil précieusement si j'ai un jour cette chance, merci,” Il ne laisse pas sous-entendre qu’un mariage soit à l’ordre du jour, mais cela n’empêche en rien l’anglais de sourire tendrement. Il souhaite protéger ses amis à sa façon, et si cela passe par de tels conseils, alors ainsi soit-il. Il n’est pas un adepte de l’addage pour vivre heureux, vivons caché, mais il l’a expérimenté durant de nombreuses années pour en connaître certains de ses avantages.

“Quand Penny a annoncé sa grossesse, ça a fait un certain remue-ménage. Les médias se sont saisis de l'information assez goulument et y ont rajouté leur grain de sel.” Il hoche la tête et écoute son histoire avec attention, détestant sans nul doute l’impression de déjà vu qu’elle lui donne. La curiosité et l’acharnement des médias l’étonneront toujours, lui qui n’a jamais lu le moindre article du genre, avant ou après avoir connu Rory. Cela ne l’intéresse pas, et il ne comprend pas comment cela peut être le cas pour d’autres, à ainsi jalouser et désirer la vie d’autres, pour mieux s’en moquer ensuite. Le moindre mot est sujet à débat, la moindre action l’est tout autant, et ce sont autant de raisons qui l’ont poussé à vivre une vie dans l’ombre pendant de longues années, parce que ce genre de vie n’est en rien celle qu’il désire. Pour autant, ce métier représente la passion de son fiancé, tout comme elle représente celle de Penny, et les hommes comme eux ne pensent pas un seul instant à les en éloigner, alors ils tentent d’appréhender au mieux ce nouveau monde et à s’y faire une place, aussi petite et invisible que possible. Dans les mots d’Isaac, il se reconnaît plus que jamais. “Bien sûr que mon couple passe avant tout, et le sien aussi, mais toi comme moi on sait très bien que c’est plus facile à dire qu’à acter.” Il ne reproche pas à Isaac de vouloir le conseiller et l’aider, loin de là, mais il a maintenant assez d’expérience dans le domaine pour reconnaître ce qui est difficile à mettre en place. “Parfois je me dis que nos histoires étaient peut-être plus simples, avant.” Quand tout tournait encore autour de Noa, l’irremplaçable Noa. Il ajuste un sourire mélancolique, ne cherchant pourtant pas à ajouter de plus amples détails, parce que leur passé n’est pas totalement rose non plus, pour l’un ou pour l’autre. Des épreuves ont toujours jonché leurs vies et ils ont su les passer, en témoigne la vie qui est la leur, aujourd’hui. Tous deux ont bien changé depuis l’arrivée de Swann au pays et le début de leur amitié. “Mais je pense pas m’avancer en disant que toi comme moi, on changerait notre vie actuelle pour rien au monde, pas vrai ?” Et il dépose à nouveau son regard sur la jeune Maia, comme pour affirmer un peu plus ses propos. “Je suis heureux de savoir d’où tout est parti et de voir où en sont les choses, aujourd’hui.” En d’autres termes, il est heureux de toujours l’avoir dans sa vie depuis autant d’années alors qu’il représente un des tous premiers amis qu’il a connu en arrivant au pays.

Lorsque Swann m'informe que nous recevrons nos cartons d'invitation à la cérémonie de son mariage dès que Rory et lui seront parvenus à réserver le lieu de réception, j'exprime spontanément au garçon ma reconnaissance d'être convié à un tel événement. Je me réjouissais du mariage entre les deux hommes, de ce moment heureux à venir qui venait souligner le bonheur qui me paraissait étreindre Swann au regard épanoui et amoureux qu'il détenait dès qu'il parlait de son fiancé et de leur union. “L’agente de Rory a trouvé un château près de la plage, on attend juste d’aller le visiter mais il a l’air parfait.” Mon sourire s'élargit, sincèrement satisfait du déroulé de l'organisation du mariage qui paraissait se tenir sous d'excellentes hospices. “Ca fera sans doute un magnifique paysage,” je commente avec douceur, me plaisant à imaginer la scène tout en ayant une pensée pour Penny qui apprécierait assurément se trouver près de la mer qu'elle affectionne particulièrement pour être présente lors d'un chapitre important de la vie de son meilleur ami et d'un ami cher. Ce mariage promettait d'être mémorable sur tous les niveaux et mes épaules s'affaissaient à l'optique de cette félicité prochaine. “Vous pourrez rester dormir avec toute votre petite famille, comme ça.” Les deux hommes avaient manifestement pensé à tout et concoctaient un événement admirable. Après quelques secondes, je me permettais de commenter, sincère : “Ca me fait plaisir de te voir comme ça, Swann. Tu as vraiment l'air bien.” J'avais conscience que la vie n'était pas toujours rose. Je savais que l'on ne pouvait gommer certains de ses démons, de ses bagages, de ses poids, de ses maux. Mais le britannique me donnait l'impression d'être sincèrement heureux, de s'épanouir auprès de Rory, et c'est tout ce que je lui souhaitais : d'avoir un partenaire pour bâtir la vie qui lui plaisait, réaliser leurs rêves, et affronter toutes les épreuves que le destin se plaît à semer sur les routes de chacun.

Ma mine se ferma néanmoins lorsque Swann m'exprima sa désolation quant au viol de sa vie privée de la part de la presse. Je ressentais instantanément de la compassion pour mon ami, doublé de ce cocktail d'agacement et d'amertume que je pouvais vouer aux médias de posséder si peu de respect pour l'intimité des célébrités et de leurs proches. Hasardeux, j'essayais de formuler des paroles de réconfort au Buchanan, dans l'unique objectif d'amoindrir peut-être ce sentiment amer qu'auraient pu laisser ces paparazzis, armé de diverses stratégies qui avaient pu m'aider ainsi que Penny lorsque nous avions nous-même subi les langues pendues des journalistes sur la grossesse décrite hâtive de l'actrice. “Bien sûr que mon couple passe avant tout, et le sien aussi, mais toi comme moi on sait très bien que c’est plus facile à dire qu’à acter,” j'offrais un sourire compréhensif à mon interlocuteur, opinant face à ses paroles véridiques. “Parfois je me dis que nos histoires étaient peut-être plus simples, avant,” avoue le blond et je lis la mélancolie sur le portrait de Swann. Je baisse les yeux sur Maia, songeant au passé de mon ami dont j'en connaissais les quelques bribes qu'on m'avait révélées, ainsi qu'au mien. “Mais je pense pas m’avancer en disant que toi comme moi, on changerait notre vie actuelle pour rien au monde, pas vrai ?” “Non. C'est vrai,” je confirme, avec un tendre rictus, les propos du soignant. “Quand je regarde en arrière, je me surprends toujours à penser que c'est dingue comme la vie évolue.” Il est loin le temps où Swann fréquentait Noa, par exemple, ou que Lucy et moi formions un couple harmonieux. Chacun possédait son histoire riche de rebondissements. Je caresse doucement la main de ma fille, mon regard déviant ensuite vers Jude qui s'applique sur ses constructions de lego. “Il y a beaucoup d'éléments dans mon passé que j'ai du mal à accepter, ou que je n'accepte tout simplement pas,” je confiais à Swann. “Mais je me dis que sans eux, je ne serais pas où je suis aujourd'hui et ça a tendance à tout rendre justifiable.” Les maux, les torts, les chagrins, les trahisons ; tout ce négatif qui pèse, ruine et abat. J'aime penser que ces épreuves passées, dont certaines courent encore sur mon présent, ont façonné l'homme que je suis désormais et m'aident à devenir la meilleure version de moi-même, tout en bâtissant à leur manière mon présent. “C'est peut-être psychologique et j'aurais peut-être une autre vision des choses dans le futur, mais en attendant, ça me donne du sens.” Sens que mon esprit pragmatique recherchait continuellement, comme s'il fallait toujours que tout soit expliqué, raisonné, justifié pour que ce soit paisible dans ma tête. “Je suis heureux de savoir d’où tout est parti et de voir où en sont les choses, aujourd’hui.” “Moi aussi, vraiment,” je fais, le regard pétillant de reconnaissance et de complicité. Sans tant en dire, sans être explicite dans nos dialogues, j'avais toujours ressenti une empathie rare en Swann que j'avais toujours apprécié. Il y a des gens qui sont compréhensifs lorsqu'on leur présente les faits, il y en a d'autres qui les assimilent et les résument naturellement ; le Buchanan faisait à mes yeux partie de cette deuxième catégorie de personnes, ce qui le rendait encore plus précieux dans mon entourage. J'inspirais profondément, proposant en désignant Maia qui s'était assoupie paisiblement dans les bras du trentenaire : “Je peux la reposer dans son couffin si tu veux, sauf si tu préfères la garder dans tes bras bien sûr.” Le nourrisson semble allègrement se plaire contre Swann mais demeurer dans cette position peut aussi être inconfortable musculairement au bout d'un certain moment, ainsi je préfère soumettre l'option à l'homme. “Est-ce que je peux te poser une question indiscrète à laquelle tu n'es bien sûr pas du tout obligé de répondre ?” J'ose timidement. Je ne prendrais aucune offense à ce que Swann réfute ma curiosité, bien au contraire, mais la question - et surtout ses sous-entendus - me taraudaient depuis des semaines. J'étais intimement convaincu que Swann et Rory faisaient bien de s'épouser, j'étais profondément heureux pour eux et je soutenais entièrement leur union, tout comme je leur souhaitais que le plus beau de ce que la vie a à offrir. C'était une excellente nouvelle, un sublime événement. Cependant, cette part d'ombre en moi ne pouvait cesser de s'inquiéter de cette notion d'éternité et tout ce qu'elle invoquait. Je proscrivais le mariage pour ma part car j'avais peur de nuire à Penny, incapable d'assurer et d'assumer entièrement mes troubles mentaux. Je ne doutais pas que Swann avait pu réfléchir à cette question et j'admirais sa force et son courage, je me ravissais de son bien-être et de sa situation actuelle et en quelque sorte, la sagesse dont il disposait et qui me manquait m'intriguait. “Est-ce que ça te fait peur de t'unir pour la vie à quelqu'un ?” Ne pas évoquer Rory dans cette question était volontaire car au regard qui brillait de Swann lorsqu'il évoquait son fiancé, il était indéniable que l'amour qu'il lui vouait était, selon moi, incommensurable. La question était plus personnelle, d'où le fait que je comprendrais que Swann préfère l'évincer : au-delà de l'immensité possiblement intimidante issue d'une forte promesse envers quelqu'un, est-ce que ça faisait aussi peur à Swann de s'engager lorsque la vie peut parfois basculer sans qu'on la retienne, quand ce fameux fil du rasoir devient insupportable.

Swann parle avec un bonheur certain de son mariage à venir, il a une de ces discussions d’adultes dans laquelle il est question du lieu de réception et des commodités, mais il sait que la vie d’Isaac a changée au point où il est friand de ce genre de détails et sans doute rassuré de déjà savoir qu’il pourra rester dormir, lui et toute sa famille déjà bien nombreuse. La nuit sera sans nul doute agitée avec autant d’enfants dopés aux bonbons dont leur gâteau spécial en aura été constitué, mais cela restera toujours mieux pour eux s’ils restent et profitent quelques heures de plus du lieu et du bruit des vagues. Swann et Rory aussi seront heureux d’en profiter, même si leur sommeil se comptera à tous en quelques maigres heures, la faute à une nuit passée à profiter de leurs familles et de leurs proches, pour une célébration si spéciale et unique. "Ça me fait plaisir de te voir comme ça, Swann. Tu as vraiment l'air bien.” De la part d’Isaac, ces mots ont une résonance toute différente, raison pour laquelle l’anglais lui partage un sourire touché. Les deux hommes se ressemblent énormément dans leur façon de voir le monde et, par extension, dans la façon dont ils se retrouvent touchés par ce dernier aussi. Isaac est aussi passé par de nombreux obstacles desquels il semble à son tour être ressorti plus fort que jamais, efforts que Swann ne peut qu’admirer, plus ou moins silencieusement. “C’est le cas. Ça a pas été facile d’en arriver là et je sais que j’ai imposé beaucoup de mes craintes à Rory pendant des années, mais maintenant je veux croire que le pire est derrière nous.” Derrière eux, derrière lui. Il avait recommencé à se faire du mal il y a quelques mois à peine, preuve que aller bien est tout relatif, mais il jure travailler au quotidien sur ses peurs, ses craintes, ses appréhensions et tous les autres synonymes qui peuvent encore exister. Il jure qu’il sera pleinement et assurément heureux, un jour, sans le moindre retour en arrière possible. “Toi aussi, tu as l’air d’aller mieux que jamais.” Et ça aussi, ça lui fait terriblement plaisir à voir.

“Non. C'est vrai,” Ils conviennent tous deux rapidement que leur vie actuelle vaut tous les sacrifices du monde, tous les troubles associés à vivre avec une personnalité publique aussi. Ni Isaac ni Swann n’est en recherche de popularité, et sans doute même le contraire, mais tous deux savent se plier en quatre pour plaire à leur plus un, surtout alors que Penny et Rory les rendent tous deux terriblement heureux. “Quand je regarde en arrière, je me surprends toujours à penser que c'est dingue comme la vie évolue.” Ils sont loin des jeunes hommes qu’ils étaient lorsqu’ils se sont connus. Le groupe d’amis dans lequel Swann a été intégré semble tout aussi lointain et pourtant il n’en garde aucune rancœur, plus que jamais assuré que la vie est faite pour changer et évoluer, parfois pour le meilleur, parfois pour simplement envisager d’autres horizons. Il se contente d’espérer qu’ils sont tous heureux comme Isaac et lui le sont aujourd’hui, même si cela n’implique pas qu’ils soient tous en couple et/ou sur le point de fonder leur famille. Il y a une infinité de façons d’être heureux. “[colo=mediumpurple]Si on allait voir les nous d’il y a quelques années pour leur dire ce à quoi ressemble notre vie aujourd’hui, on ne se croirait même pas.[/color]” Ce n’est même pas une hypothèse qu’il évoque, en réalité. Il sait qu’il ne croirait pas une personne sortie de nulle part qui lui dirait qu’il assume finalement son couple avec Rory et qu’ils s’apprêtent à se marier en même temps qu’ils tentent coûte que coûte de mener à terme une procédure d’adoption. Cela semble bien trop beau pour être vrai, maintenant. “Il y a beaucoup d'éléments dans mon passé que j'ai du mal à accepter, ou que je n'accepte tout simplement pas, mais je me dis que sans eux, je ne serais pas où je suis aujourd'hui et ça a tendance à tout rendre justifiable.” L’anglais hoche la tête, lui aussi assuré qu’il faut parfois passer par des obstacles (plus ou moins nombreux, plus ou moins difficiles) pour arriver à un certain palier de bonheur, lequel ils semblent avoir atteint aujourd’hui. Isaac est passé par beaucoup de choses et beaucoup d’étapes, certaines plus réjouissantes que d'autres, mais il est aujourd’hui un homme admirable dont Penny a la chance de partager la vie et que deux bambins, bientôt trois, peuvent se vanter d’avoir comme père. “C'est peut-être psychologique et j'aurais peut-être une autre vision des choses dans le futur, mais en attendant, ça me donne du sens.” - “Ton avis changera sans doute, mais en attendant je suis d’accord avec toi. Tout ça, ça en vaut la peine.” Les troubles, les doutes, les peines. Tout en vaut la peine, puisqu’ils aujourd’hui ils sont emplis d’un bonheur véritable et même si cela ne signifie pas qu’ils ne traverseront jamais d’obstacles à nouveau, loin de là, ils savent au moins qu’ils sont entourés et qu’à terme, il y aura toujours une belle récompense.

L’attention de son ami de toujours se repose finalement sur sa fille, tendrement assoupie dans les bras de l’anglais qui en aurait presque oublié la présence tant elle se fait minuscule. “Je peux la reposer dans son couffin si tu veux, sauf si tu préfères la garder dans tes bras bien sûr.” Il dégage son regard en direction du bambin et sourit une dernière fois, son cœur réchauffé par la simple idée qu’il vivra ce genre de scène avec son propre enfant d’ici peu de temps. “Elle dormira mieux dans son couffin.” Il assure bien malgré lui, ne voulant pourtant pas imposer ses bras autour de Maia. Il n’a pas à transférer sur elle son désir de paternité, et il le sait bien assez. Swann se rapproche d’Isaac uniquement pour lui confier à nouveau sa fille et le laisser la reposer dans son couffin, d’une façon sans nul doute bien plus délicate que tout ce que Swann aurait pu improviser, même en voulant bien faire. “Est-ce que je peux te poser une question indiscrète à laquelle tu n'es bien sûr pas du tout obligé de répondre ?” Isaac enchaîne déjà, laissant l’anglais remonter un regard plus que jamais soucieux dans le sien, surtout à en juger par le ton de voix qui est le sien. Il semble soudainement marcher sur des œufs et Swann a bien du mal à en comprendre la raison, c’est pourquoi il hoche la tête pour le persuader de continuer, lui-même sur l’expectative de ladite question. “Est-ce que ça te fait peur de t'unir pour la vie à quelqu'un ?” Sa première réaction se résume à un sourire tendre, avant qu’il ne passe déjà une main dans ses cheveux pour les gratter ; non parce qu’il y a quoique ce soit qui le gratte, mais bien parce qu’il cherche à gagner maladroitement un peu de temps, n’étant certainement pas préparé à une telle question. De la part d’Isaac, pourtant, il sait que ce n’est pas là la preuve d’une moindre tentative pour le rendre mal à l’aise ou le déstabiliser. “Ça me terrifie.” Il avoue donc, le regard déjà reposé sur le sol, un rire maladroit improvisé juste après ses paroles.

“J’ai envie de rendre Rory aussi heureux qu’il me rend heureux. Je sais que ça passe pas nécessairement par un mariage, oui, mais on est tous les deux assez traditionnels, et tu sais, l’idée de se promettre d’être toujours présents l’un pour l’autre devant tous nos proches… c’est important.” Il ne se marie pas pour faire plaisir à Rory, parce que l’idée le comble de bonheur lui-même, mais le fait qu’elle réjouisse aussi son petit-ami n’est qu’un argument de plus en faveur de cette dernière. En réalité, il n’en existe justement plus aucun qui pourrait aller contre. Aucun qui soit raisonnable, du moins. “J’ai pas peur de l’idée de passer toute ma vie avec lui et de pas connaître d’autres histoires.” Il précise rapidement. Il n’a pas l’impression de passer à côté d’une autre vie, il n’a pas l’impression de se brider et, surtout, il n’a aucune sorte d’envie d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte, que ce soit en terme d’aventure extra conjugale ou même d’une autre forme de vie - il ne se demande pas s’il aurait pu être plus heureux en restant uniquement son petit-ami et jamais rien de plus officiel, par exemple. Il est terrifié de beaucoup de choses, mais pas de l’idée de connaître toujours le même homme à ses côtés, pas même d’un jour pouvoir se lasser de sa présence, ses yeux clairs, ses fossettes et son accent terriblement australien. “Mais… j’ai peur de pas toujours être suffisant. Ou de pas être la personne dont il a besoin, lui.” Il ne doute pas de Rory, il ne doute pas de leurs sentiments (ni d’un côté, ni de l’autre), mais il doute de lui-même, comme toujours. Il doute que son petit-ami et futur mari puisse toujours avoir la patience et l’envie de le rassurer dans ses passes plus sombres, dans ses incessants moments de doute, dans ses craintes qui n’ont souvent pas lieu d’être. Ils aspirent aux mêmes rêves mais Swann est toujours celui qui traîne la patte et repousse leur réalisation à plus tard, à commencer par leur mariage, et peut-être qu’il craint qu’un jour Rory puisse vouloir profiter de la vie avec quelqu’un qui avancerait au même rythme que lui et qui n’aurait pas peur du flash des projecteurs. Si Swann n’a jamais été jaloux de ses partenaires à l’écran ni de ceux qu’il devait embrasser devant la caméra, cela l’a pourtant toujours fait se questionner sur un point: pourquoi est-ce que ce n’est tout simplement pas avec une personne de son milieu qu’il a voulu faire sa vie ? Tout aurait pu être si simple pour lui de cette façon. “C’était ça ta question, pas vrai ? Je pense pas être le seul à avoir ce genre de ressenti.” Il demande à son tour, quelque peu tristement. Ils sont heureux, ils l’ont dit eux-même, mais cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas aussi quelques craintes, plus ou moins fondées, plus ou moins compréhensibles. “Ça me fait pas peur de m’unir à Rory pour la vie, mais c’est l’idée de m’imposer dans la sienne qui me fait peur, parce que je sais qu’il sera toujours là pour moi et qu’il voudra toujours m’aider quoiqu’il arrive. Je veux juste pas qu’il passe à côté de sa vie, justement.” Parce que lui comme Penny ont d’immenses carrières à construire et un métier qui demande un investissement quotidien, des voyages autour du monde pour les tournages autant que pour les interviews et rien de tout ceci ne semble véritablement en adéquation avec une fille de famille, ou une vie maritale.

La visite de Swann à mon domicile me réjouissait sur plusieurs points de vue. D'une part, j'étais sincèrement heureux de pouvoir échanger avec le britannique que je n'avais eu l'opportunité de beaucoup croiser ces derniers temps : cette sensation de renouer avec lui, à mesure des merveilleux événements de nos vies que nous nous partageons, me ravissait. Je me plaisais à m'imaginer la vie que menait désormais mon ami ; ce quotidien qui animait manifestement son portrait de délicates nuances de satisfaction et qui agrémentait ses traits de marques de bonheur et de sérénité lorsque le blond évoquait avec affection son amoureux.

Ainsi, je ne pouvais m'empêcher de confier à Swann le plaisir que je ressentais de le constater aller bien, aller mieux. Le garçon m'adressa un sourire franc en retour, qui souligna davantage le mien, tel un écho. “C’est le cas. Ça a pas été facile d’en arriver là et je sais que j’ai imposé beaucoup de mes craintes à Rory pendant des années, mais maintenant je veux croire que le pire est derrière nous.” Je conserve mon sourire, songeur, me dépeignant la sémantique de chaque terme que m'adresse le soignant, me dressant l'évolution de leur relation jusqu'à leur mariage imminent. “Je n'ai pas eu la chance de rencontrer Rory jusqu'ici, mais je le crois pour vous,” je fais, sincère. Mes mots ne sont pas articulés pour plaire à Swann, pour être conciliant et encourageant sans réellement avoir foi en ce duo. En réalité, Penny m'a assez parlé de son meilleur ami pour que je me fasse une idée de l'homme qu'il était - quand bien même je me fiais au jugement de l'actrice -. Ajouter à cette vision les propos et émotions qui émanaient de Swann ne me guidait qu'à confirmer que les deux hommes s'étaient magnifiquement trouvés. “Vous semblez vous être bâti un bel et authentique amour.”

Swann et moi nous retrouvons sur l'affirmation que même si nos vies ont drastiquement changé avec le temps, nous n'apporterions aucune modification à notre présent. A considérer la route que j'avais parcourue pour me trouver ce jour dans cette situation du quotidien, je me sentais habité de la sensation que ce dit présent détenait tout d'un cadeau, quand bien même les épreuves et les obstacles ne cesseraient jamais de parsemer ma route, comme si tout bonheur devait se mériter et que l'équilibre n'était qu'adaptation. “Si on allait voir les nous d’il y a quelques années pour leur dire ce à quoi ressemble notre vie aujourd’hui, on ne se croirait même pas,” présente mon interlocuteur avec justesse et un rire se faufile entre mes lèvres, amusé de m'imaginer cette scène qui m'aurait indéniablement laissé ahuri. “Absolument !” j'avoue ainsi avant d'exposer au garçon mon point de vue, comme quoi chaque tourmente, chaque chute, chaque surprise, m'aura apporté les leçons nécessaires pour me situer à l'étape sur laquelle je repose présentement, rendant mon passé houleux plus supportable en lui prodiguant un dessein. “Ton avis changera sans doute, mais en attendant je suis d’accord avec toi. Tout ça, ça en vaut la peine.” J'acquiesçais avant de soupirer discrètement. Au-delà d'apprécier la compagnie de Swann, je valorisais aussi cette capacité que le jeune homme possédait naturellement à me comprendre, pour sans doute être doté de la même sensibilité envers le monde et comment ce dernier nous atteint.

Je pose mon regard sur Maia désormais assoupie dans les bras du fiancé. Doucement, je lui propose de l'installer dans son couffin, ce à quoi le trentenaire adhère, non sans couver d'un regard attentionné le nouveau-né. Indubitablement, je suis intimement convaincu que mon ami deviendra un père formidable au sein de ce foyer aimant qu'il continuera d'agrandir avec Rory, si tel est leur souhait. Armé d'une infinie douceur, je hisse la petite fille de ses bras pour l'allonger dans son couffin, retenant mon souffle dans le processus comme si cela aidait à ne pas la réveiller. J'observe quelques instants le bébé dont l'état ensommeillé se confirme malgré le déplacement puis reprends place sur le canapé à côté de Swann, mon esprit occupé par un dilemme interne que j'ambitionne de soumettre au kinésithérapeute.

Je me pince les lèvres quelques instants puis ose, timoré, tout en soulignant d'entrée de jeu la possibilité au Buchanan de ne pas me répondre. Je lis le souci s'installer dans son regard et ne souhaitant pas l'accroître, je me lance, tel un bandage qu'on arracherait d'un coup : “Est-ce que ça te fait peur de t'unir pour la vie à quelqu'un ?” Mes pupilles guettent avidement Swann, du sourire tendre qui adopte sa bouche à ses doigts qui viennent se mêler à ses cheveux ondulés. Silencieux, je me fais gage de patience, mon cœur martelant néanmoins plus férocement ma poitrine à chaque seconde de silence qui s'écoule.

“Ça me terrifie.” Il avoue et étrangement, mes épaules s'affaissent, mes muscles me décontractent. Évidemment, je ne me satisfais pas que le britannique soit effrayé par son union à venir, cependant, je suis profondément soulagé de ne pas être le seul d'être terrorisé à l'idée d'un tel engagement. Par ces trois mots, Swann me conforte salutairement dans l'idée que je ne suis pas seul, que je ne suis pas mal fait, que je ne suis pas encore plus déglingué que ce que je redoute. “J’ai envie de rendre Rory aussi heureux qu’il me rend heureux. Je sais que ça passe pas nécessairement par un mariage, oui, mais on est tous les deux assez traditionnels, et tu sais, l’idée de se promettre d’être toujours présents l’un pour l’autre devant tous nos proches… c’est important.” Je lui souris avec compréhension et affection, saisissant ses raisons, touché par cet amour si pur et généreux qu'il dédie à Rory. “J’ai pas peur de l’idée de passer toute ma vie avec lui et de pas connaître d’autres histoires.” Je ne le quitte du regard que pour lorgner vers mes enfants, automatisme que j'avais rapidement acquis et appliquais à intervalle régulier pour m'assurer que les deux petits se portaient bien. “Mais… j’ai peur de pas toujours être suffisant. Ou de pas être la personne dont il a besoin, lui.” Je me mordille doucement l'intérieur de la joue, ayant la sensation de me trouver de nouveau sur la même longueur d'ondes que Swann, même si cela me faisait mal au cœur que mon ami soit aussi atteint de cette peur vorace. Si je rêve d'éternité avec Penny, si je ne redoute absolument pas m'unir à elle à jamais, c'est l'idée de devenir un fardeau pour la jeune femme qui me tétanise, qui m'empêche de donner du réel à cette ambition. Je refuse d'être celui qui la retiendra de réaliser ses propres rêves, qui la privera de plusieurs bonheurs, qui lui lierait les ailes d'une certaine façon. Je ne veux pas lui causer du souci par mes troubles mentaux ni alourdir sa vie de nouvelles responsabilités qui voûteraient ses épaules si je rechutais. Je sais que dans le futur, il me faudra communiquer ces craintes à Penny, discuter de ce cauchemar de lui être toxique qui me range sans vergogne, de mon épouvante de me transformer un jour en sa source de malheurs et de désolation. J'ai conscience que si l'idée que notre couple suive un jour la même direction de celui de Swann en s'orientant vers un mariage vienne un jour sur notre table, je ne serais pas non plus le seul décideur et qu'en quelque sorte, il est égoïste de ma part de priver ma petite amie d'un événement qu'elle désire parce que des pans de ma personne et ce qu'ils pourraient causer dans le futur me terrifient. Cependant, la couardise m'étouffe dans un mutisme royal et en souveraine lâcheté, je me réfugie dans ces angoisses alors que nous avons de surcroît déjà un enfant ensemble, quand bien même Maia n'était pas prévue - et pour rien au monde n'aurais-je voulu qu'il en soit différemment. A quel point cela était culotté que j'annonce à ma petite amie, mère de ma fille, que j'étais effaré à l'idée d'un engagement officiel sur le long terme parce que je ne pouvais lui promettre que je serais toujours le juste homme pour elle et j'avais peur de lui nuire et de ruiner sa vie ? Je ne doutais pas une seule seconde de l'amour que je lui vouais, le qualifiant aisément d'inconditionnel. Je n'avais aucune difficulté à promettre aimer éternellement la Stringer ni à vouloir prendre soin d'elle chaque jour que Dieu faisait. J'étais convaincu au fond de mes tripes comme de mon âme que j'aimerais, protégerais et épaulerais Penny jusqu'à mon dernier souffle quoi qu'il m'en coûte, tout comme il en allait de même pour mes enfants. Mais épouser ma petite amie incombait des devoirs aux yeux de la lois et je n'étais pas en capacité à me résoudre à risquer de les lui imposer si je venais à défaillir. Le simple concubinage la rendait plus libre, à mes yeux. Elle pourrait aisément partir si les raisons favorisant notre séparation se présentaient et ne me devrait rien. Je n'étais pas sûr si mes réflexions étaient teintées de raison ou de couardise, toutefois.

“C’était ça ta question, pas vrai ? Je pense pas être le seul à avoir ce genre de ressenti.” Je cille, reviens au présent. Mes pupilles croisent de nouveau celles de Swann et j'acquiesce, un léger sourire flottant sur mon portrait. “Oui, c'était ça,” je confesse. “Ça me fait pas peur de m’unir à Rory pour la vie, mais c’est l’idée de m’imposer dans la sienne qui me fait peur, parce que je sais qu’il sera toujours là pour moi et qu’il voudra toujours m’aider quoiqu’il arrive. Je veux juste pas qu’il passe à côté de sa vie, justement.” J'acquiesce, me retrouvant de nouveau dans les propos de Swann. “Et c'est l'idée de vous promettre d’être toujours présents l’un pour l’autre devant tous vos proches qui t'a confirmé que c'était la bonne décision ?” Je demande timidement, à la recherche de la source de laquelle le Buchanan puisait son courage pour s'unir ainsi à son amant, en addition de l'amour qu'il lui vouait et en contrepartie de ses appréhensions. Je marquais une pause puis confiais : “Quand j'entends parler de vous deux et quand je t'entends parler de lui, j'ai souvent l'image de deux pièces de puzzle,” je présente avec un tendre rictus, conscient que l'image pouvait être enfantine ou saugrenue. “Vous êtes tous les deux différents mais vous vous complétez comme vous en avez besoin, le tout avec une belle quantité de paramètres. Vous vous unissez avec justesse, selon comment vous êtes et ce que vous vous apportez réciproquement.” Et je ne doutais pas que d'autres pièces viendraient s'ajouter aux leurs pour créer le tableau qu'ils souhaitaient de leur vie et dont ils seraient exponentiellement fiers. L'amour qui enveloppait Swann lorsqu'il parlait de Rory me rendait sincèrement heureux pour eux, leur couple faisait partie des belles choses que la vie créait.

“Je n'ai pas eu la chance de rencontrer Rory jusqu'ici, mais je le crois pour vous, vous semblez vous être bâti un bel et authentique amour.” D’une simple petite voix dans son esprit, il se promet de proposer à son fiancé de remédier à cette absence de présentations. Penny serait sans doute heureuse de lui présenter l’homme avec qui elle partage sa vie et Swann le serait à son tour de le faire avec lui, face à un ami qu’il connaît déjà depuis plusieurs années et dont les mots ont toujours comptés. Ils comptent encore aujourd’hui, en témoigne le hochement de tête que l’anglais improvise en guise de remerciement: lui aussi ne peut que souhaiter de pouvoir qualifier leur amour de beau et authentique. Il ne prétend pas décrocher la lune ou les étoiles, mais simplement à un bonheur simple, auprès de l’homme qu’il aime.

Son sourire finit par disparaître au profit d’un visage plus fermé, et bien plus sérieux aussi. Face à Isaac, il n’a pas peur de parler avec son coeur, tout comme il ne craint pas d’évoquer des facettes difficiles et sombres de sa vie et de sa psychologie, le genre qu’il se garde bien souvent de partager, parce qu’il juge que cela n’a pas lieu d’être. Non seulement il n’apprend rien à son ami, mais il sait aussi qu’il est bien mieux placé que beaucoup en ce monde pour comprendre ce qu’il vit, traverse, pense parfois. Il aurait aimé qu’ils soient différents sur ce point, mais la vérité est toute autre, et elle lui permet au moins d’énoncer clairement le fond de ses pensées sans en avoir à expliquer le mécanisme - qu’il ne comprend toujours pas lui-même, de toute façon. Le problème n’est ni Rory ni Penny, mais bien toutes les questions qui s’accumulent dans l’esprit des deux amis, lesquelles prennent souvent la forme d’insécurités plus ou moins féroces. “Et c'est l'idée de vous promettre d’être toujours présents l’un pour l’autre devant tous vos proches qui t'a confirmé que c'était la bonne décision ?” Ses yeux naturellement sombres dévient de ceux du jeune père de famille pour se poser sur le rebord du canapé, sur cette couture qu’il observe se dérober du reste, sur ce détail qui a soudainement droit à toute son attention alors qu’il réfléchit à toute allure. Cette question, il ne se l’était même jamais posée, et il n’a aucun mal à avouer qu’elle la prend de court. “Non, pas vraiment.” Il aime ses proches, il aime Isaac et il veut les rendre fiers, eux aussi. Evidemment. Mais ils ne l’auraient pas fait changer d’avis dès lors que la décision implique Rory, de près ou de loin, parce qu’il s’est juré que l’avis d’autrui n’interférerait plus jamais avec sa vie de couple - même pour le meilleur. “J’ai vu à quoi il ressemblait, quand on était plus là l’un pour l’autre.” Il l’a vu pleurer, encore et encore. Il a tenu sa main dans la sienne avec une fébrilité infinie, il a eu des discussions terriblement difficiles avec lui. Lui non plus, de son côté, n’avait pas meilleure mine, et il l’avoue sans chercher à le nier. “Et c’est en pensant à ces pires moments que je me suis dit que je ferai tout pour que cela n’arrive plus jamais. Alors, même si je peux pas lui promettre que ce sera facile tous les jours et que notre vie sera un long fleuve tranquille… Je peux au moins lui dire qu’on ne retombera plus jamais aussi bas.” C’est en pensant au pire qu’il envisage le meilleur, c’est-à-dire une vie toute entière à ses côtés. Il sait qu’il ne pourra pas tous les jours être simplement heureux à ses côtés, à parler de la pluie et du beau temps, à décortiquer des sites internet pour trouver des noms de bébé et d’autres pour parler décoration du lieu de réception. Tout ne sera pas aussi simple, ils auront à nouveau des passes difficiles, mais la part romantique de son âme veut croire que tout sera plus simple à envisager avec une bague autour de son annulaire.

Isaac parle d’eux comme de pièces d’un puzzle et Swann ne peut que trouver l’image attendrissante, autant pour ce qu’elle est en elle-même que pour ce qu’elle signifie: son ami faisant l’effort de les tourner en métaphore, Isaac tentant de trouver des leçons à tirer de leur union aussi, peut-être. “Penny et toi aussi êtes deux pièces d’un puzzle. Tout le monde n’aurait pas accepté l’arrivée de Jude dans sa vie de couple, et tout le monde n’aurait pas accepté de partager sa vie avec une personnalité publique non plus.” Il ne cite qu’un seul exemple dans la vie des deux trentenaires, bien conscient que leur couple ne se résume pas à si peu pour autant. Ils sont heureux, ils sont ensemble, et c’est tout ce qu’il veut entendre en tant qu’ami, n’ayant pas à s’immiscer plus que nécessaire dans leur union. “Il n’y a pas de date limite pour y réfléchir, tout comme il n’y a aucun mal à ce que vous ne vous mariez jamais.” Il reprend, la voix posée, ses yeux à nouveau posés dans les siens. La société impose le mariage comme l’assurance des sentiments de couple mais Swann a à cœur de croire que l’un peut exister sans l’autre, et que le mariage n’est pas l’assurance de sentiments pour autant. Si Isaac se sent plus serein sans qu’elle ne porte son nom, alors il doit savoir qu’il n’y a aucun mal à cela, et qu’il serait bien le dernier à le pousser à concrétiser leur union. Elle est déjà bien assez concrète à ses yeux, en témoigne le sourire retrouvé d’Isaac et la présence même de Maia en ce monde. “Et je sais pas vraiment ce que ça vaut, mais si tu veux en reparler à l’avenir, je serai toujours là.” Son amitié pour Penny n’entachant pas son objectivité, il tient à souligner sa présence aux côtés d’Isaac, si jamais ce dernier la demande. Parfois, les choses peuvent être aussi simples que cela, alors autant en profiter. “Tu connais l’avis de Penny sur la question ?” En réalité, il cherche à savoir s’ils ont déjà commencé à aborder le sujet, d’une façon ou d’une autre.

Mon regard décrit avec une attention aussi bienveillante qu'intéressée le profil de Swann. Pendant que les yeux de l'anglais s'attardent sur une couture du canapé sur lequel nous sommes installés, le silence nous enveloppe, sans malaise, entrecoupé des bruits de lego qui s'entrechoquent causés par Jude quelques mètres plus loin. Mes épaules s'affaissent et je réalise, au sein de cette paix, dans quelle mesure il me plait de converser avec le trentenaire. Au-delà de l'homme que j'ai toujours apprécié, de sa personnalité avec laquelle j'estime aisément m'entendre, nous nous rejoignons sur ces machines à créer des ombres dont nos esprits sont dotés malgré nous ; une addition indésirable, houleuse et équipée d'une ambivalence qu'il est parfois agréable de ne pas avoir à expliciter, quand bien même notre interlocuteur peut être le plus compréhensif et attentif qui soit. Je sais que les paroles de Swann viendront directement de son cœur, de son être, et pour cela, je lui en suis profondément reconnaissant comme j'accepte volontiers d'attendre les minutes nécessaires au garçon à s'exprimer.

“Non, pas vraiment.” Il annonce et je lève doucement mes yeux vers les siens. “J’ai vu à quoi il ressemblait, quand on était plus là l’un pour l’autre. Et c’est en pensant à ces pires moments que je me suis dit que je ferai tout pour que cela n’arrive plus jamais. Alors, même si je peux pas lui promettre que ce sera facile tous les jours et que notre vie sera un long fleuve tranquille… Je peux au moins lui dire qu’on ne retombera plus jamais aussi bas.” Autant je suis peiné des mauvais moments et de la séparation qu'ont pu vivre Rory et Swann, autant je me réjouis qu'aujourd'hui, ces instants difficiles ont peut-être pu former une partie des bases de l'édifice de leur amour. “Vous êtes mieux ensemble,” je souffle, admiratif et sincèrement heureux de cette belle finalité. Le motif du Buchanan est différent de bien d'autres couples qui ont franchi le pas de s'unir pour l'éternité. Néanmoins, il est sublime dans sa véracité, dans sa simple et pure unicité. “Vous vous connaissez depuis longtemps ?” Je questionne curieusement, intéressé par la remarquable histoire des deux hommes.

Plus que jamais, les deux amoureux apparaissent dans mon esprit comme les deux morceaux d'un puzzle qui s'accordent harmonieusement malgré les milliers de paramètres différents qui les définissent. Ils se complètent merveilleusement et de l'image que je possède de leur couple, je ne peux qu'être intimement convaincu que le tableau de leur amour est riche de couleurs, d'émotions, de souvenirs, d'éléments et qu'il ne cessera d'être peaufiné, embellit. Je formule mon point de vue à mon ami, dont le regard s'attendrit. “Penny et toi aussi êtes deux pièces d’un puzzle. Tout le monde n’aurait pas accepté l’arrivée de Jude dans sa vie de couple, et tout le monde n’aurait pas accepté de partager sa vie avec une personnalité publique non plus.” Un sourire timoré étire tendrement mes lippes, mes pupilles dévient vers Maia assoupie puis Jude concentré sur les roues de son bolide improvisé. “Il n’y a pas de date limite pour y réfléchir, tout comme il n’y a aucun mal à ce que vous ne vous mariez jamais.” Je reporte mon attention sur mon interlocuteur et acquiesce discrètement, en accord avec ses propos qui me font de plus du bien à entendre. L'important était sans nul doute d'aller au bon rythme, à son tempo. La société pouvait être si pressante et pesante avec ses multiples règles non écrites, son regard critique, ses attentes angoissantes. J'apprenais davantage chaque année à quel point il était essentiel de vivre selon ses envies, ses besoins, ses convictions, plutôt que de tenter d'entrer dans un moule général parfois malheureusement façonné de faux semblants. Il n'existait pas une seule recette du bonheur commune à tous les Hommes. Chacun élaborait la sienne au mieux avec son vécu, ses aspirations, ses ambitions, ses préférences. “Et je sais pas vraiment ce que ça vaut, mais si tu veux en reparler à l’avenir, je serai toujours là.” “Merci, Swann. Ca vaut beaucoup,” j'articule spontanément avec une franchise inébranlable. L'écoute de mon ami est inestimable, tout comme son avis et son point de vue me sont précieux. “Tu connais l’avis de Penny sur la question ?” Je me mordille nerveusement la lèvre inférieure. “On n'a pas eu de discussion concrète à ce sujet,” j'avoue. “On l'a évoqué, ici et là mais on ne s'est jamais posé sérieusement.” Peut-être étais-je ainsi ridicule d'anticiper de la sorte. “Je sais que ça fait partie de ses projets de vie, de quelque chose qu'elle aimerait vivre avec la bonne personne.” Cet aveu, et volonté partagée entre nous deux, figurait dans nos toutes premières conversations, bien avant la naissance de notre fille et de l'officialisation de notre couple. “Et Maia porte que mon nom.” La décision avait été tranchée aisément par Penny qui avait opté pour que notre enfant porte uniquement mon patronyme, probablement dans l'idée qu'elle aussi, porterait ce même nom dans l'avenir, ce dont je serais assurément des plus fiers et comblés. “C'est allé plutôt vite, cette année. On a sauté de surprises en surprises,” je relatais. Les événements qui s'étaient enchaînés sans qu'on les prévoit totalement avaient guidé notre histoire. J'en étais fier et heureux, je ne changerais absolument rien pour tout l'or du monde, cependant, cela expliquait aussi qu'il avait été assez périlleux d'élaborer de grand projet dans le remue-ménage de nos quotidiens. “C'est juste moi qui...” Je marque une pause, pose mes yeux sur un point invisible, à la recherche des bons termes. “Réfléchit aux éventualités du futur, même si c'est pas forcément un futur proche.” Si ma hantise de devenir un jour un fardeau pour la femme que j'aimais inconditionnellement persistait, Swann m'avait offert un tout nouveau point de vue par ses aveux sincères et personnels, vision dont je lui étais reconnaissant. “Merci beaucoup de m'avoir répondu,” je remerciais avec gratitude.

“Vous êtes mieux ensemble,” Et s’il a longtemps été peu certain de ce genre d’évidence, aujourd’hui il n’en reste plus rien et, au contraire, il hoche désormais la tête. Ils sont mieux ensemble, parce que depuis qu’ils y ont goûté, ils ne savent plus faire sans. Il est d’autant plus heureux d’accepter de statuer cette évidence auprès d’Isaac, lui qui comprend mieux que personne à quel point le chemin jusqu’au bonheur peut-être sinueux et que, même une fois arrivé, il n’existe aucune certitude. “Vous vous connaissez depuis longtemps ?” Il trouve ça remarquable qu’il existe encore autant de parts d’ombre autour de la personne de Rory, alors qu’Isaac a longtemps été un de ses plus proches amis. Non pas qu’il lui en veuille, loin de là: il n’aurait jamais rien pu deviner, et tel était le but. “Je l’ai connu dans les jours qui ont suivi mon arrivée en Australie.” Il a toujours été là, sans que personne ne le sache. Ce genre de souvenir fait doucement souvenir l’anglais alors qu’il repense à cette époque de sa vie. “Ça fait bientôt sept ans.” Dans quelques mois à peine, cela fera sept ans qu’ils se connaissent, bien qu’ils ont vécu la majorité de leur vie en étant éloignés l’un de l’autre, d’où la raison de la question d’Isaac.

Dans le souci de bien faire et surtout de comprendre au mieux la situation, Swann interroge son ami sur la vision qu’ils ont d’un couple, et surtout du mariage. “On n'a pas eu de discussion concrète à ce sujet. On l'a évoqué, ici et là mais on ne s'est jamais posé sérieusement.” Et même sans vouloir sauter aux conclusions, il imagine déjà qu’aucun des deux n’ose aborder le sujet, sans doute de peur que l’avis de la personne en face ne soit pas celui espéré. Le mariage est une grande question. Il n’est pas une évidence, mais il est un sujet important dans la vie de n’importe quel couple. Ils n’ont pas besoin de se passer la bague au doigt pour être parfaitement heureux et le rester longtemps, voilà tout ce que Swann veut faire comprendre à son ami, même si l’idée de ne pas se marier serait peut-être finalement une concession de la part de Penny. “Si jamais il doit vraiment être abordé un jour, vous saurez quand le moment est venu.” Il tente de le rassurer, encore et toujours, ayant une confiance totale en la force de leur union. “Je sais que ça fait partie de ses projets de vie, de quelque chose qu'elle aimerait vivre avec la bonne personne.” Swann hoche la tête, ne tombant pas des nu en entendant ces mots. Il se doute que Penny aspire à la parfaite vie de famille typique, tout comme il comprend aisément pourquoi les choses sont plus compliquées et moins tranchées du côté de son ami. “Et Maia porte que mon nom.” Alors Penny aspire à ce qu’il en soit de même pour elle aussi, parce qu’il n’y a aucune raison pour qu’elle soit mise de côté dans une famille qui est pourtant la sienne. Swann dédie un regard à Jude à défaut de pouvoir le faire avec la dernière née de la famille. “Tu es la bonne personne de Penny. Peu importe vos décisions à côté.” Il lui assure une fois de plus, ne tenant pas à immiscer le moindre doute dans l’esprit de son ami.

“C'est allé plutôt vite, cette année. On a sauté de surprises en surprises.” Et c’est une chose que Swann n’a aucun mal à croire, entre l’arrivée de Maia et de Jude dans leur quotidien à quelques mois d’intervalles. Tout va très vite pour eux mais ils ont les épaules solides et semblent affronter les différents obstacles et surprises mieux que personne. A sa place, Swann ne sait pas s’il aurait été capable d’autant, et c’est bien pour cette raison qu’il admire sincèrement Isaac. Sans qu’il ne s’en rende sûrement compte, il est l’un des hommes les plus courageux qu’il connaisse. “C'est juste moi qui… Réfléchit aux éventualités du futur, même si c'est pas forcément un futur proche.” C’est le fardeau qu’il porte au quotidien, celui de toujours réfléchir de trop face à toutes choses. Il pèse le pour et le contre outre mesure, il ne sait pas se contenter de suivre son instinct. Cela pèse sûrement beaucoup sur le cœur de son ami, chose dont Swann se retrouve désolé, sans lui-même pouvoir trouver le moyen d’alléger sa peine. “Merci beaucoup de m'avoir répondu.” - “J’aurais aimé avoir une réponse plus simple à te donner.” Il confesse à son tour, ayant pour une fois préféré l’idée qu’il existe une réponse toute blanche ou toute noire à partager. Cela aurait facilité les choses, sans doute. “Vous avez déjà vécu beaucoup de choses cette année. C’est une bonne chose de prendre le temps de réfléchir, quel que soit la réponse finale.” Et il ajoute un sourire de plus, doux et empathique. Ils seront toujours ensemble et heureux, qu’ils se marient ou non.

“Ça fait bientôt sept ans,” répond Swann lorsque je l'interroge, sincèrement intéressé, sur son histoire avec Rory. Sept ans, la durée résonne dans ma boîte crânienne, tel un merveilleux accomplissement. Je retiens le sourire tendre qui repose sur les lèvres de mon ami ainsi que cette inimitable étincelle qui égaie son œil lorsqu'il aborde le sujet de l'homme qu'il aime. Sept ans, et je ne peux que leur souhaiter une infinité d'autres années, tant il me plaît de ressentir tout ce bonheur et toute cette douceur qui teinte l'atmosphère lorsque le couple que forment Swann et Rory est évoqué. Leur histoire est atypique, je conserve précieusement chaque bribe que j'ai l'opportunité d'apprendre de ses multiples chapitres, demeurant avide d'en savoir davantage sur cette union authentique et admirable. Je pense que c'est ce que j'aime le plus, chez Rory et Swann : leur romance ne ressemble à aucune autre, de ma compréhension. Ils possèdent un amour singulier, particulier, unique et propre à eux-mêmes et je leur souhaite qu'il les enveloppe de plénitude aussi longtemps qu'ils le désireront.

Les motifs que me révèle Swann sur la raison de leur mariage me prodiguent un nouveau point de vue qui, j'en suis persuadé, saura m'éclairer sur mon propre fil de réflexions. Si je me concentre sur l'avenir en le redoutant, je me rends compte que le passé est tout autant à prendre en considération et qu'une comparaison entre ce qui fut et ce qui sera peut constituer un argument crucial dans une décision si drastique. J'ai conscience également que je m'entête probablement à vouloir trop anticiper, comme si je nécessitais de posséder un plan de match infaillible regroupant tous les scenarii possibles pour pallier à toute éventualité imaginable. Une tactique que je devrais peut-être mettre de côté, de laquelle je pourrais même rire tant l'année passée s'était montrée prodigieusement différente de tout ce que j'aurais pu même imaginée. Devrais-je tirer de ces mois rythmés d'imprévus une leçon ? “Si jamais il doit vraiment être abordé un jour, vous saurez quand le moment est venu.” Swann me rassure avec bienveillance et je lui souris, hochant la tête à l'affirmative. L'instinct possédait un rôle important et il me serait potentiellement judicieux d'écouter mon cœur, mes tripes, plutôt que de m'étourdir de ma raison parfois maladivement ombragée de mes tourments. “Tu es la bonne personne de Penny. Peu importe vos décisions à côté.” Je lève spontanément un regard profondément reconnaissant vers mon ami à l'écoute de ses dires. Ces derniers me sont incommensurablement réconfortants et le ton qu'il emploie est de ceux qui restent gravés dans les mémoires, ceux qui sauront faire taire mes démons et mes cauchemars lors de ces instants maudits où la pénombre me happe et je peine à garder pied. Entendre le Buchanan assurer que je suis la bonne personne pour Penny, peu importe les décisions prises, quand ce dernier nous connait bien l'un comme l'autre, est inestimable. Swann me conforte, il m'inspire vaillance, il m'encourage à prendre confiance.

Sincère, je lui confie mon raisonnement, ma tendance à double tranchants de me projeter. Je crois lire en l'expression de mon interlocuteur qu'il comprend aisément ce que je ne lui dis pas : à quel point cela me pèse de redouter autant le futur et multiplier les dilemmes, dans quelle mesure cela m'épuise de réfléchir à toutes choses et d'être constamment en débat avec moi-même. J'inspire doucement, tentant de faire de l'ordre dans mes pensées, me rattachant aux mots que m'avaient dédiés mon ami, aveux pour lesquels je lui alloue une honnête gratitude. “J’aurais aimé avoir une réponse plus simple à te donner,” il confesse et mon sourire s'élargit face à la franchise du garçon. Une indication directe aurait simplifié les choses assurément mais le Buchanan avait eu l'altruisme de révéler les motifs comme les couleurs de ses émotions et je m'en sentais chanceux. “Ca aurait été pratique, mais elle est beaucoup plus riche comme tu me l'as donnée,” je valorise, le regard brillant d'amitié. “Vous avez déjà vécu beaucoup de choses cette année. C’est une bonne chose de prendre le temps de réfléchir, quel que soit la réponse finale.” J'acquiesce. Chaque chose en son temps et une chose était sûre : l'expérience de Swann constituait de véritables conseils. Je me considérais fortuné de pouvoir le compter parmi mes amis. “Je t'ai fait une voiture,” Jude nous rejoint, déposant l'assemblage de lego avec roues sur la jambe de Swann. “La même couleur que ton t-shirt,” il commente avec fierté la similitude entre la brique principale de la construction et le haut du britannique, avant de lancer en repartant vers sa caisse à jouets : “Comme ça tu en as une aussi.” Je ne peux m'empêcher de rire gentiment. “Bientot, il va vouloir faire des courses avec toi,” j'augure avec amusement et complicité.