Prendre le temps, une activité rare chez les jeunes actifs de Brisbane mais quelque chose que Greta n’avait pas d’autre choix que de faire pour tromper l’ennui, pour reculer toujours un peu plus l’écriture d’un prochain chapitre. Elle avait commencé, elle avait quelques idées ici et là, mais elle se rendait de plus en plus compte que tous les prétextes étaient bons pour s’éloigner de son ordinateur et de sa page semie-blanche. Si elle était tout à fait honnête, elle parlerait à ses vrais amis retrouvés ici de ses doutes, de sa crainte de ne jamais retrouver la popularité sans ce nom de famille qui ouvrait tant de portes. Mais discuter avec ses amis viendrait contredire l’excuse parfaite qu’elle avait bâtie pour justifier de son manque d’implication : elle se sentait seule. Si en arrivant à Brisbane presque cinq années plus tôt Greta s’était imaginée ne connaître personne, Maze était bien là, par exemple, et elle savait que plusieurs connaissances de Londres avaient élu domicile dans la ville australienne. Étrange, comme le monde pouvait être petit. Happée par son dessert, Greta avait été tirée de ses songes par Caleb qui l’avait rapidement rejoint. « Non non je venais pas vous voir pour vous mettre à la porte. » Merci criait son regard, tant le refuge que représentait l’Interlude lui était agréable. « je peux ? »  Après tout, Caleb était ici chez lui et si l’on prenait en compte le merveilleux dîner qu’il venait de lui offrir - façon de parler, l’addition serait probablement hors de prix pour la plupart des gens, une broutille pour Greta dont le portefeuille portait un infime pourcentage de la fortune Sighbury - rien ne pouvait lui être refusé. « Oui, oui, bien sûr, vous avez dû remarquer que je dinais seule la plupart du temps… » Cette phrase avait sonné bien plus pathétique qu’elle n'aurait dû.

« Je suis vraiment désolé si je vous ai mise mal à l’aise en vous regardant avec insistance tout à l’heure, je suis marié et très amoureux de ma femme » Comme un écho à son célibat qui sautait aux yeux, le jeune homme lui avait lancé cette phrase et Greta n’avait pas pu s’empêcher de rire discrètement, non pas pour se moquer, mais parce que cela lui rappellait encore une fois la médiocrité de sa vie sentimentale. A trente-trois ans, la jeune femme était seule et nul doute que cela devait être en partie dû à sa totale aversion pour l’amour. Créer un lien solide, se regarder intensément dans le blanc des yeux et profiter des papillons volant à toute allure… Elle avait connu tout ça et s’était imaginée les plus beaux scénarios avant de tomber de haut, de bien trop haut pour qu’elle ne puisse s’en relever. Encore une fois, elle n’était pas étonnée que le chef du restaurant ne l’aborde pas pour flirter même si cela aurait pu faire du bien à son égo. L’amour ne fonctionnait que pour les autres. « Vous avez écrit un livre il y a quelques années, non ? » Ce qu’elle n’avait pas prévu par contre était la raison de l’intérêt du jeune homme pour sa personne. Comment était-il possible qu’il sache ? Greta était venue dîner ici un bon nombre de fois depuis son arrivée et si elle avait déjà vu le cuisinier plusieurs fois, ils n’avaient jamais discuté. Alors qu’elle se demandait pourquoi il avait attendu aussi longtemps pour la désarçonner de la sorte, Greta avait réalisé que le temps de réponse était devenu beaucoup trop long et qu’il était à son tour de parler, vite. « Euh, oui… » Sa réponse traduisait l’étonnement et surtout la gêne, elle n’avait jamais été reconnue depuis son arrivée et se demandait si Caleb pensait réellement à la bonne personne. « Comment le savez-vous ? Vous… vous l’avez lu ? » Ses questions pouvaient paraître étranges mais la maison d’édition londonienne de Greta avait été claire : le livre avait été un succès au Royaume-Uni. Point. La blonde n’en demeurait pas moins flattée mais la crainte que sa véritable identité soit dévoilée la laissait sur la défensive. « Je vous ai complimenté sur la cuisine, alors s’il vous plaît, dites-moi que vous avez aimé ? » avait-elle tenté pour débloquer un peu la situation, n’ayant toujours pas réalisé que Caleb et le cuisinier n'étaient qu’une seule et même personne.

Greta avait vite appris que Brisbane était une ville dense et propice aux rencontres en tout genre mais l’idée d’être abordée alors qu’elle dînait seule semblait beaucoup trop cliché. Caleb était venu casser ce sentiment en s’excusant presque d'interrompre sa solitude, bien loin d’imaginer qu’il lui faisait une faveur. Le garçon qui se tenait devant elle ne semblait pas bourré de confiance en lui mais il n’en était pas moins avenant, comme s’il prenait le temps de peser chacun de ses mots avant de les prononcer. Une qualité rare et en totale opposition avec le caractère de Greta qui la laissait parfois parler trop vite et exprimer ses pensées tout haut sans forcément le vouloir. « J’ai beaucoup aimé le style d’écriture et l’histoire d’amour était tellement belle. »  Alors qu’un avis positif se dessinait déjà dans son esprit concernant Caleb, le chef était définitivement rentré dans son estime par les compliments qu’il venait de citer. « Je trouve ça incroyable, vous avez dû tomber sur l’un des rares exemplaires qui se vendent ici ! Merci, en tout cas, c’est très agréable à entendre ! » Greta peinait à masquer le sourire béat qu’affichaient ses lèvres, appréciant des paroles qu’elle n’avait plus entendu depuis longtemps, depuis son arrivée ici et l’absence d’un nouveau récit. La probabilité que le cuisinier du restaurant où elle avait ses habitudes ait réussi à se procurer son livre était déjà infime. Le fait que celui-ci ait lu son livre que l’on classait plutôt dans la littérature jeunesse, qu’il l’ait apprécié et vienne lui dire ce soir en la reconnaissant était encore plus insolite. L’idée d’avoir pu toucher un public plus âgé et masculin l’amusait et la réjouissait en un sens, ayant rarement pu obtenir l’avis de potentiels rats de bibliothèque. « Je m’appelle Caleb, ravi de faire votre connaissance. » Caleb s’était donc présenté à elle et Greta aurait jugé bien trop prétentieux de ne pas répondre même s’il semblait clair que le jeune homme connaissait déjà son identité. « Et moi Greta, enchantée également. Vous êtes serveur ici ? » avait-elle demandé en serrant la main de Caleb, piquée par la curiosité. Le jeu des présentations était toujours dangereux pour elle et alors qu’il complimentait son livre et son style d’écriture, Greta semblait avoir oublié le nom de famille sous lequel elle avait publié, loin de réaliser que sa couverture commençait doucement à se craqueler avec cette rencontre hasardeuse.

En jetant un oeil à son interlocuteur, il semblait sincère et pourtant. A Londres, il était devenu courant que les gens la saluent dans la rue et lui disent combien ils avaient aimé son livre. Malheureusement, il était toujours difficile pour la jeune auteure de comprendre si les compliments étaient sincères ou intéressés. La maison d’édition de Greta avait jugé utile de rajouter un portrait d’elle au dos de son livre, comme si le nom de famille ne suffisait pas à booster les ventes. Longtemps, elle avait pensé que ce geste de l’éditeur ne pouvait que confirmer ses doutes, que seules ses origines les avaient convaincus de publier son roman. Alors, comme une sorte de test, Greta avait développé une habitude qui consistait à poser la même question à chaque supposé lecteur, comme le ferait une professeur de littérature à ses élèves pour s’assurer qu’ils avaient bien lu le livre. « Je peux vous demander ce que vous avez pensé de la fin ? » Finalement, Greta avait opté pour sa seconde question piège, laissant toujours le doute d’une personne ayant lu les dernières lignes en plus des quelques premières pages pour donner l’illusion. Greta avait remis en place une mèche de ses cheveux derrière son oreille en réfléchissant à la paranoïa qu’avait pu créer l’environnement dans lequel elle vivait avant.

@Caleb Anderson

L’endroit était chic sans être clinquant, cosy mais avec une ambiance agréable. Le cadre était idéal, peu importe que le repas soit romantique ou entre amis. Les assiettes s’y dégustaient d’abord visuellement et tout avait été pensé de façon à accorder un moment privilégié à chacun des clients. Le service était parfait, les plats succulents et même la décoration avait été choisie avec goût. La cuisine française était indéniablement la meilleure et le choix de la carte avait donc été très intelligent. Malgré les plats spécifiques, l’établissement accueillait toujours à bras ouverts Greta malgré son régime végétarien - un énorme atout qui avait fait peser la balance au moment de définir son restaurant favori. « Non je suis le patron du restaurant. Et le chef en cuisine. » C’est donc avec un sentiment d’admiration devant tant de réussite que Greta avait appris que Caleb était à la tête de l’établissement et de la cuisine. « Je dois vous féliciter alors, cet endroit est probablement l’un de mes préférés ici à Brisbane ! » La jeune femme avait été habituée depuis son jeune âge à rencontrer les grands de ce monde, des célébrités de tout horizon et pourtant, c’était les vrais succès qui la rendaient envieuse. Tout était simple pour les gens de son milieu, ils n’avaient pour la plupart aucun mérite et n’avaient fait qu’utiliser une notoriété déjà présente chez leur entourage. C’était d’ailleurs le cas pour l’auteure et c’était justement la raison de sa venue à Brisbane, la volonté de créer son propre succès, en partant de zéro. Son premier roman avait été écrit avec l’impulsion d’une histoire d’amour en apparence parfaite. Les mots lui venaient facilement alors qu’il était là, présent pour elle, la regardant parfois écrire jusque tard dans la nuit. Le romantisme exacerbé de son roman n’avait plus rien à voir avec son état d’esprit actuel, elle avait eu l’impression de se faire piétiner et entendre Caleb résumer cette histoire lui faisait remonter tout un tas de souvenirs peu agréables. Certes, Greta était fière du livre, un livre qui avait pris forme petit à petit, jour après jour, alors que les mots étaient devenus des phrases et les phrases des chapitres. Elle avait su profiter du début de sa relation pour construire quelque chose, loin de s’imaginer que la relation s’écroulerait mais que le livre serait un succès. Le coup du sort pouvait s’avérer risible mais quelque temps après sa rupture, Greta s’était débarrassée des quelques copies de son roman, s’assurant de ne rien avoir qui risquait de la replonger dans le passé.

« Tout le long du roman on nous donne envie de croire en leur histoire d’amour, on finit même par les trouver touchants et vouloir absolument qu’ils aient une fin heureuse. Quand on lit le dernier chapitre avec ce descriptif du mariage si détaillé on se dit que c’est bien pour eux et qu’ils l’ont mérité. Mais quand on comprend que c’est pas leur mariage c’est…frustrant. Sauf que finalement c’est ça la vie, et ça change un roman où les personnages n’ont pas leur fin heureuse tous les deux. C’est assez bien représentatif de la vie et des relations. » Cette fin, elle avait été consciente qu’elle ne plairait pas à tous les lecteurs mais avait continué à l’écrire. Loin d’un happy ending, la clôture de son roman avait étonné pas mal de monde compte tenu du côté fleur bleue de la jeune femme. Pourtant, elle se félicitait chaque jour d’avoir refusé d’accorder une fin heureuse à ses personnages alors que sa fin à elle touchait presque au tragique. « Je pense que c’est l’analyse la plus intéressante que j’ai entendue depuis longtemps. Merci, pour ça. Je suis forcément d’accord, malheureusement, la vie n’est pas toujours un conte de fées… » avait-elle terminé presque dans un murmure, en terminant les quelques gouttes de vin rouge qui stagnaient encore au fond de son verre. Loin d’elle l’idée de se confier à un parfait inconnu - même si le nombre de dîners pris ici auraient pu justifier que Caleb devienne une connaissance - et Greta avait rapidement affiché un sourire de surface.  « Désolée de vous avoir frustré, en tout cas ! J’avoue que ce n’est pas en dînant chez vous que je reste sur ma faim, je me sens donc un peu coupable. » Greta souriait maintenant franchement pour complimenter son interlocuteur qui semblait bien plus épanoui qu’elle, à la tête d’un des restaurants les plus en vogue de la ville. Voilà ce à quoi aspirait l’auteure, une réussite méritée, qu’elle ne devrait qu’à elle seule. Elle était venue appuyer son coude sur la table et placer sa tête sur sa main, ravie que le dîner se prolonge par une discussion. « Vous avez ouvert il y a longtemps ? » Parce que le restaurant fonctionnait comme une usine bien rodée et que tout y semblait fluide. Greta était arrivée cinq années auparavant mais avait mis presque deux années à prendre ses repères et trouver ses endroits favoris, difficile donc de savoir depuis quand l’Interlude existait avant qu’elle n’en devienne une des clientes régulières.

@Caleb Anderson

Le jeune homme semble réellement intéressé par son premier roman et l’idée d’apparaître comme une personne accomplie, voire d’être admirée, redonne légèrement de confiance et de bonne humeur à une Greta légèrement démotivée depuis quelque temps. Finalement, l’admiration, même si le mot était peut-être un peu fort, était mutuelle et la rencontre hasardeuse s’avérait être des plus agréables pour l’un comme pour l’autre. Son dessert avait été englouti depuis un long moment maintenant et pourtant, la discussion continuait. Le voir ainsi touché par ses compliments l’avait fait sourire, l’idée de mettre un peu de baume au cœur de ses interlocuteurs à travers ses paroles était tout aussi gratifiant que de réussir à embarquer le lecteur dans ses écrits. « Mais j’accepte les critiques en tout cas. » « Je viens ici si souvent, j’aurais probablement déserté si quoique ce soit n’allait pas. Si je devais vraiment trouver un commentaire, ce serait les plats végétariens trop peu nombreux à la carte. Mais ceux qui y sont présents sont bien trop satisfaisants pour que cela soit un vrai problème ! » Greta suivait ce régime strictement mais elle n’était pas de ceux qui jugeaient les carnivores et le commentaire était venu là pour répondre quelque chose à Caleb, pour essayer d’être aussi constructive que lui ne l’avait été quelques minutes avant en commentant la fin de son roman. En lecteur, il était légitime, forcément impliqué dans le travail de l’auteure. Peut-être l’était-elle aussi en tant que cliente du restaurant, mais il lui était toujours difficile de prononcer des avis négatifs, surtout devant les destinataires. Cette discussion axée sur la conclusion de son roman l’avait presque fait oublier le tourment dans lequel elle se trouvait à cause de son manque d’inspiration et sans le savoir, Caleb était venu appuyer exactement au mauvais endroit. « Vous travaillez sur un nouveau roman ? » Greta avait grimacé sans réussir à se retenir devant lui, mais elle avait répondu dans un rire pour ne pas créer de malaise. « J’essaie oui. Mais je pense que le prochain livre qui sortira sous mon nom sera une biographie, aussi surprenant que cela puisse être. »  Parce que travailler sur la biographie de Rhett Hartfield allait lui prendre trop de temps pour se lancer dans un second roman. Et c’était finalement tant mieux, cela lui permettrait de remettre un pied à l’étrier. « Ça fait déjà huit ans. Mais au début ça ne fonctionnait pas très bien, c’est pas facile avec toute la concurrence dans la ville. » Greta avait acquiesé, ravie que la conversation revienne sur le restaurant. Il était également aisé d’imaginer la concurrence tant les devantures étaient toutes plus attirantes les unes que les autres rien que dans le quartier. « Ça fait longtemps que vous êtes arrivée en Australie ? »  « Mon accent m’a trahie ? » avait-elle répondu dans un léger rire, persuadée que Caleb savait déjà que non, elle ne vivait pas là depuis très longtemps. Il était évident qu’il sautait aux oreilles d’un natif. « Je suis arrivée fin 2017, et je me suis installée définitivement courant 2018. Je me plais plutôt bien ici ! » La convivialité du moment était revigorante et Greta se sentait assez à l’aise pour donner son ressenti. « Les australiens sont accueillants, un tout petit peu plus simples que les anglais, du moins. » avait-elle plaisanté, voulant insister sur cette manie des anglais de se donner un air sophistiqué. Ou peut-être que sa vision était faussée par le milieu duquel elle venait.

La nuit était tombée sur le restaurant depuis déjà un petit moment mais le temps avait filé sans qu’elle ne s’en aperçoive. Caleb était de bonne compagnie et cela était probablement dû au fait qu’il soit un lecteur de son livre, quelque chose qui la grisait. Cela devait en être de même pour lui alors qu’il acceptait les quelques compliments bien peu légitimes de l’auteure, et même l’un de ses commentaires qu’elle aurait gardé pour elle s’il n’avait pas insisté. « Qui me donne d’ailleurs une idée. » « Ah oui ? » avait-elle répondu, curieuse, mais sa curiosité avait dû être laissée de côté parce que le sourire de Caleb était évident, il ne dévoilerait rien et était d’ailleurs déjà passé à un autre sujet. « On peut dire que vous savez comment faire revenir les clients ! » Greta avait plaisanté mais serait de toute façon revenue manger ici, se rattrapant à une routine et à des habitudes toutes simples.

Même s’il semblait extrêmement fier de son restaurant et pour cause, Caleb semblait toujours rapidement relancer le sujet sur son travail à elle et non le sien alors Greta avait évoqué la biographie en second ouvrage, spontanément. « Sur une personne connue ? » Sur Rhett Hartfield, ancien joueur de rugby, quelqu’un de plutôt très connu ici en Australie. Elle venait de Londres mais avait déjà entendu son nom dans la bouche de son père amateur de sport, ce qui en disait long sur sa popularité à l’époque. Et encore aujourd’hui. Mais Greta s’était peut-être un peu trop avancée sur le projet et n’était pas complètement sûre de pouvoir tout dévoiler comme cela, tout de suite, alors que le livre n’en était encore qu’à l’état de projet, de peut-être. « Oui, une personne connue, mais comme moi avec votre idée pour le restaurant, vous le découvrirez le moment venu… » Son sourire s’était agrandi avant que son regard ne se plonge dans celui de Caleb, ravie de pouvoir venir à son tour attiser sa curiosité avant de parler sa ville natale. « Ma femme est anglaise, elle vient de Londres alors autant vous dire que j’ai surtout l’habitude d’entendre cet accent. » Greta avait laissé s’échapper un léger rire avant de hocher la tête pour signifier qu’elle comprenait. « Ma femme m’a fait découvrir Londres en début d’année et je dois bien avouer que les anglais ne sont pas forcément les gens les plus simples que j’ai connus. » L’Australie et l’Angleterre, deux pays avec tant de points communs et pourtant si différents. Le choc culturel avait été important lors du déménagement. « Mais le pays a beaucoup de charme et une sacrée histoire. » Encore une fois, Greta était venue acquiescer. « Je dois avouer que je ne suis pas très objective, à cause du milieu d’où je viens, enfin, en étant écrivaine je veux dire, je ne côtoie pas que la normalité. » Greta se justifiait sans même qu’il ne lui demande parce qu’elle n’avait aucune raison de parler de simplicité mais se faisant, avait encore une fois mise à mal sa couverture, alors elle avait de nouveau accentué son statut officiel d’écrivaine. La jeune femme avait continué en acquiesant, bien consciente du potentiel de son pays qu’elle avait fui uniquement pour les raisons qui lui étaient propres. Le poids que représentait le fait de vivre dans leurs ombres, la rupture, rien qui ne justifiait de ne plus aimer son pays. « Vous parlez beaucoup de votre femme, c’est beau à voir ! » Greta se devait de faire la remarque parce qu’en un si court instant, l’amour qui les unissait avait semblé évident. Bien loin de s’imaginer que cette dernière était liée à Lucas, elle avait poursuivi. « Mais elle est Anglaise, je ne peux que comprendre qu’elle mérite toute votre attention ! » avait-elle terminé en ajoutant un clin d'œil à la remarque. Greta n’était plus si enthousiasmée par l’amour depuis ses propres déboires mais Caleb était touchant et elle était obligée de l’admettre, alors elle s’était permise de souligner la beauté qui émanait de la façon dont il parlait d’elle. « Il se fait vraiment tard, je vous ai monopolisé, vous devez sûrement la retrouver, d’ailleurs. » Son sourire était chaleureux et sincère alors qu’elle réalisait qu’ils parlaient maintenant depuis un long moment et refusant d’être une cliente qui retenait le mari de l’anglaise sur son lieu de travail. Greta le recroiserait de toute façon en revenant dîner.