Je savais que t'allais vraiment pas sauter de joie à l'idée de venir me chercher. T'as le rôle de la mamma au sein du groupe, mais je suis censé avoir le rôle du papa, et je l'honore pas très bien ces derniers temps. Par contre, toi, t'es toujours aussi parfaite. Je suis d'ailleurs bien content de t'avoir à la maison : entre les courses, la cuisine, le ménage, les lessives, et maintenant, venir me chercher au poste de police, je crois que je pouvais pas être plus content de te voir débarquer sur Brisbane. Je me repose beaucoup sur toi depuis que t'es là. Crois pas que je faisais jamais rien sans toi, mais j'avoue, ça arrivait quand même moins souvent.
Je te vois déjà défigurer mon visage quand tes yeux se posent sur moi. Ouais, il m'a pas raté ce con. « Dans quels ennuis tu t'es fourré ? » Je hausse les épaules. T'auras les détails sur le chemin du retour. « Pas trop douloureux ? » "La douleur c'est pour les faibles." que je te dis en souriant. Cette simple mimique mobilise quand même pas mal de muscles faciaux, et je m'en rends bien compte parce que ça me tue de la faire. Mes traits se crispent, et ça fait encore plus mal. Toute façon, ça sert à rien de te cacher à toi que je souffre. "Se prendre des coups à répétition sur tout le corps, ça fait pas du bien, tu t'en doutes."

Il est inutile de te dire contre qui je me suis battu, tu ne le connaîtras sans doute pas. Je vois pas pourquoi tu aurais connaissance d'un sale type comme lui de toute façon. Surtout que t'es ici depuis peu, il n'y a absolument aucune raison pour laquelle t'aurais pu le côtoyer. Sauf que ton regard se fixe précisément sur lui. Sans doute que c'est parce qu'il a du sang plein les mains, mon sang entre ses doigts. Il m'a vraiment pas laissé la chance de gagner contre lui ce salaud. "Lyb ?" Ton regard ne se décolle pas de lui. "Eh oh, Noor ? Tu le connais ce connard ?" Parce que c'est lui qui m'a foutu au sol et qui m'a frappé jusqu'à ce que j'ai ce goût métallique dégueulasse en bouche et tous ces hématomes. Comment tu pourrais connaître ce Seth? A moins que... "Oh putain." Non, pas ce Seth ? C'est quand même pas lui ? Celui qui t'a trompée et qui s'est volatilisé comme si de rien ? Celui qui t'a laissée complètement en vrac ? Surtout, ne me répond pas positivement. Tu m'avais dit l'avoir revu sur Brisbane y'a pas si longtemps, mais deux fois dans le même mois, ce serait trop gros pour être vrai, hein ? "S'il-te-plaît, Lyb, me dis pas que c'est lui." Parce que j'y retourne pour le terminer sinon.

J’ai jamais vraiment levé la main sur quelqu’un, ni balancé mon front dans le pif d’un autre. Seth, c’est une grande première. Tu peux pas t’empêcher de te moquer en voyant ma gueule, et ça me rassure quand même : tu m’en veux pas trop d’avoir fait le con. C’est pas comme si c’était la première fois que tu rattrapais mes conneries ces derniers temps. Enfin, par conneries on s’entend : rattraper les vieilles tâches que j’ai jamais réussi à faire partir sur ma plaque de cuisson, me réveiller après un lendemain de cuite parce que tu savais que j’avais rendez-vous chez le dentiste (pauvre dentiste d’ailleurs, il a dû bien retenir sa respiration avec mon haleine alcoolisée), me rappeler que c’était l’anniversaire de ma mère alors que j’avais complètement zappé de l’appeler… Hm, ouais, rien qui ne puisse surpasser le fait de venir me chercher ici par contre. "Gngngngn comme si c’était voulu que je finisse en sang à cause de l’autre con", je me contente de te répondre, levant les yeux au ciel. Je l’ai quand même un peu cherché, cette bagarre. Après tout, c’est moi qui me suis pointé sur son lieu de travail pour le menacer. Hum.

Puis l’autre con, d’ailleurs, il devient vite le plus gros con sur Terre maintenant que je comprends que c’est aussi ton ex. Bordel, j’aurais dû y aller beaucoup plus fort. "Sérieusement, Lyb, c’est vraiment Seth, genre ton Seth à toi ?" Impossible ! Quelles étaient les chances pour que je tombe sur lui ? Je vais retourner lui faire sa peau à ce salopard. J’avais jamais eu l’occasion de le rencontrer, ni en vrai, ni à travers un écran. Il s’était toujours défilé quand j’étais en visio avec toi, et jamais présent non plus bizarrement quand j’étais passé te voir à Londres. La haine me ronge les entrailles. Je ressens même plus la douleur quand je resserre mes mâchoires, j’ai juste envie d’aller terminer ce que j’ai commencé avec lui. Et même si j’ai plus la force de cogner, lui parler, le confronter, suffirait. J’aimerais juste lui demander pourquoi, en fait. Pourquoi est-ce qu’il est si mesquin ? Si lâche ? Tu méritais pas son silence, ses tromperies, ce dédain. Pas après tout ce que t’avais fait pour lui. Mais tu m’attrapes la main. Tu sais à quel point je le déteste pour t’avoir fait souffrir comme ça. "Il a foutu une de mes potes en cloque, n’a pas assumé, et la laisse gérer son avortement seule." C’aurait été que ça, j’aurais sans doute pas frappé. Mais Theo m’en veut terriblement parce que j’ai couché avec sa mère. Et notre amitié est beaucoup trop importante pour être laissée pour compte à cause d’une histoire de cul. Si Seth s’est pris un coup de boule, c’est surtout parce que je m’en veux…

Je sens la pression de tes doigts sur ma paume : tu tiens vraiment pas à ce que j’y retourne. L’autre, il doit sans doute nous regarder en jubilant… Mon regard s’ancre dans le tien, je cherche à me calmer. "Si tu me laisses pas y retourner, on peut y aller au moins ?" Pas que ça me déplaise de rester planté debout alors que tous mes muscles me tiraillent.

On sort de là pour aller attendre à l’arrêt de bus. J’en profite pour envoyer un message à Reese, le prévenir qu’il sera au seul au bar ce soir. T’es silencieuse. Je sais pas si c’est à cause de moi, ou si c’est parce que t’as encore revu Seth aujourd’hui. "Tu m’en veux ?" de t’avoir appelée, d’être celle sur laquelle je me repose entièrement depuis que t’es arrivée, de subir les changements de couchage pendant qu’une autre prend ta place dans mon lit. Je sais que je profite beaucoup, que je te prends peut-être pas suffisamment en considération, que t’es acquise pour moi. Parce que j’ai pas l’impression d’avoir à faire mille efforts pour te garder dans ma vie : c’est normal que t’y sois, après toutes ces années. "J’te jure que j’étais pas parti dans l’optique de le frapper au début." J’aurais sans doute tenté d’y aller plus fort si j’avais su qui il était. "Pourquoi tu m’as jamais montré de photos de lui, d’ailleurs ?" Vous êtes restés quelques années ensemble, je crois, alors pourquoi j’avais jamais vu sa tête ?

"J’aurais bien aimé qu’on soit dans ce cas de figure : je pense que ma haine envers lui aurait été encore plus grande, et là, je l’aurais défoncé pour de vrai." Ouais parce que j’y suis allé pour de faux, hein. C’est la seule et unique raison pour laquelle j’ai un peu perdu.
T’es même pas étonnée de son comportement, de ce qu’il a fait à Theo, et qu’il a sans doute fait à d’autres filles aussi d’ailleurs. Ca a l’air de bien résumer ton ex : connard de première. Lâche, sans doute père biologique de dizaines de gosses. J’espère qu’ils viendront tous toquer à sa porte à leurs 18 ans pour lui réclamer du fric. Quoi que. Personne ne devrait avoir à rencontrer ce mec.

En direction de l'arrêt de bus, j’en profite pour te demander si tu m’en veux d’avoir à me gérer comme une mère s'occupe de son ado. Et comme d’habitude, t’es toujours aussi gentille et bienveillante avec moi. Qu’est-ce que j’ai fait pour te mériter, sérieux. "Je devrais peut-être mettre Kai dans mes numéros d’urgence, ouais. Comme ça, en cas d’extrême urgence, hop il débarque et il vient m’aider à niquer des mères." Je me reprends. "Au sens littéral, comme au sens figuré." J’explose de rire face à ma connerie. J’suis drôle quand même. Toi, ça a pas l’air de te faire rire plus que ça. Tu pars sur tes théories du destin qui met Seth sur ton chemin pour une bonne raison. "La seule raison valable que je vois, ce serait pour te dire : Lyb, lâche l’affaire avec ce connard. Les deux fois où tu l’as croisé, ça t’a apporté quelque chose de positif ?" On connait tous les deux la réponse : il est méga toxique, et t’as absolument rien à faire avec lui. "Te prends plus la tête avec ce mec, mama, tu vaux bien mieux que lui. Il te mérite pas, et même s’il se mettait à courir après toi, il courra jamais aussi vite que Kai et moi qui le rattraperons direct pour lui faire une tête au carré." Je suis sûr que quand je vais parler de toute cette histoire à Kai, il va carrément être de mon côté et va falloir que je le retienne d’aller casser du nez.

Il a bien fait de jamais vouloir être pris en photo au final, parce que je pense qu’on y serait allés plus tôt pour lui faire son compte, avec Luz, et ça, tu l’as bien compris. "Hmmmm… T’aurais eu deux gueules cassées à soigner, ça t’aurait fait plus de boulot, c’est vrai." Et tu sais bien que la deuxième gueule cassée, c’est pas de Seth donc je parle, mais bien de notre petit costaud du groupe. "Franchement, ça m’étonnerait pas qu’il ait essayé de te manipuler ou de se servir de toi." C’est pas quelque chose qui fait plaisir à entendre, mais j’ai vraiment pas envie que tu le défendes ou que tu retournes avec lui, alors autant le descendre au max. Le bus arrive, je grimpe dedans comme je peux avec toutes mes courbatures de partout. Y’a aucune place, et je me dis que je vais encore souffrir à tenir trente minutes debout à lutter contre les freinages soudains de conducteur qui a l’air d’avoir passé son permis il y a à peine deux jours. Un ado nous cède finalement sa place, et tu me guides vers son siège. Je me fais tout petit pour te laisser un morceau de chaise pour qu’on s’y asseye tous les deux, et reprend la conversation. "T’es beaucoup trop gentille, Noor. Tu sais que je t’aime plus que n’importe qui sur cette Terre, tu le sais, ça ?" C’est totalement vrai, je crois que j’ai jamais connu de connexion pareille avec quelqu’un. "Je supporte plus de te voir souffrir avec des connards parce que tu penses pas mériter mieux. Sérieux, t’as le droit de leur dire quand ils vont trop loin ou qu’ils te respectent pas. Tu mérites tout le respect du monde, tout le bonheur du monde, et toute l’attention d’un gars qui saura vraiment prendre soin de toi pour de vrai." Non pas que t’aies besoin de quelqu’un pour ça, mais je sais à quel point t’en as envie, de trouver le bon. Mais tu le trouveras pas tant que tu te laisseras marcher dessus par des cons finis à la pisse comme ce Seth.

T'étais juste amoureuse de lui et tu voyais peut-être pas ses défauts tout de suite, mais les gars comme Seth, ils deviennent pas méchants du jour au lendemain comme ça. Tu l'idéalisais beaucoup trop, et même si tu y voyais du bon en lui, moi, j'ai toujours douté. Mais t'as eu ce don de toujours choisir ceux qui te ferait le plus mal. T'aimes bien souffrir ou quoi ? « Je t'aime aussi, Hugo. Pourquoi c'est pas de toi dont je suis tombée amoureuse, hein ? » Je lève les yeux au ciel en souriant. On a déjà eu cette conversation mille fois. C'aurait été tellement pratique, qu'on finisse ensemble. Mais nos caractères collent absolument pas, notre relation n'aurait jamais marché. Puis, je crois que je t'ai tout de suite vu comme une soeur, en fait. C'est vrai ça, je me suis absolument jamais posé la question pour nous deux dans nos débuts. « Les gars bien, ils veulent pas de moi Hugo. Ou alors, ils sont juste mes amis, et craquent sur des petites coréennes un peu trop envahissantes ! » "Tu penses pas que c'est toi qui les veux pas, les gars bien ? Je suis sûr que y'en a déjà plus d'un qui s'est présenté à toi, pour que tu tombes que sur des cons, c'est qu'il y a un petit schéma derrière, hm ?

J'explose de rire face à ta proposition de rentrer dans un couvent. Toi en nonne ? Impossible. "Tu tiendras jamais plus de deux jours. Et puis, qui c'est qui va prendre soin de moi après ?" Je bats des cils, tu m'aimes trop pour m'abandonner, hein ? Les five ont encore besoin de leur mama. Surtout qu'on est tous enfin réunis à nouveau !

T'as l'air d'être un peu stressée de rater l'arrêt à en croire ton regard qui passe de panneau en panneau. Je pose une main sur ta cuisse, la tapote. "On descend à l'arrêt James, on y est dans moins de 10 minutes je pense." Qu'est-ce que c'est long et chiant le bus. J'aurais préféré rentrer en vélo.

On descend finalement du bus, j'ai l'impression que tous mes os vont se briser au moindre pas. Le fait de m'être assis pendant une vingtaine de minutes, ça aide bien à raviver la douleur ça aussi. Heureusement que l'ascenseur fonctionne parce que monter les cinq étages à pied aurait été compliqué. Je prends directement la direction de la douche quand j'arrive en haut. Je quitte mes fringues et m'observe dans le miroir. J'ai pour l'instant pas grand chose, mais je sens que tous les bleus ne vont pas tarder à apparaître... L'eau chaude me fait extrêmement de bien malgré les douleurs qu'elle me procure quand elle passe sur mon visage ouvert. Je fous du sang partout sur la serviette en m'essuyant, tu vas encore râler quand les tâches partiront pas à la machine mais tant pis. J'enfile un calebard pour te retrouver dans le salon. "Ça m'a tué toutes ces émotions. J'espère que j'ai pas niqué tes plans en tous cas ? T'avais quelque chose de prévu ?" Pardon ma Lyb d'amour, j'ai pas fait exprès, promis. "T'as faim ? Je crois que y'a plus grand chose au frigo. Commande avec ma CB si tu veux, c'est la moindre des choses que je puisse faire, "mais moi j'vais aller me pieuter je pense... J'suis vraiment trop KO."