moka pot monday, it's all good

@mabel griffiths

Son portable personnel étant bien enfoui dans les tréfonds de son sac à main, c’était avec son téléphone professionnel que Millie poussa la porte des bureaux Weatherton ce matin là. « Et vous me dites que l’invitation n’est plus valable et que vous ne comptez rien faire de plus que de m’en informer d’un simple mail ? » Le soleil n’était pas levé depuis bien longtemps, mais la jeune femme elle déambulait dans tous les sens depuis plusieurs heures déjà. Les nouvelles qu’elle avait eu au réveil n’étaient pas de celles qui lui permettaient de démarrer une journée de bon pied, et cette dernière risquait d’être bien longue puisque le soir même, elle était supposée accompagner son patron à un défilé - défilé pour lequel les invitations qu’ils avaient reçu plusieurs semaines plus tôt n’étaient, apparemment, plus valables. « Je pense que c’est à vous de m’écouter maintenant. » Elle prenait une voix plus ferme, bien que toujours très respectueuse, afin de s’adresser à l’interlocuteur qu’elle avait à l’autre bout du fil: elle allait se faire entendre une bonne fois pour toute. « Monsieur Weatherton et moi-même serons présents ce soir au défilé, qu’importe si vos invitations fonctionnent ou non. Vous n’avez qu’à vous débrouiller pour que l’on soit reconnus à l’accueil, parce-que je ne sus pas sûre que vous vouliez que la presse soit au courant que monsieur Weatherton se soit fait mettre à la porte d’un défilé où sa propre collection est présentée. J’ai tort ? » Ce fut avec un petit sourire aux lèvres qu’elle finit par entrer dans la salle café de l’étage, alors que la personne à l’autre bout du combiné s’excusait désormais platement de son comportement et du désagrément de cette situation.

Millie poussa un petit soupire satisfait lorsqu’elle raccrocha. Ce n’était ni dans son comportement, ni dans son attitude habituels que de parler de la sorte, que de s’exprimer ainsi; mais lorsqu’elle avait pris son poste d’assistante pour James, elle avait rapidement compris qu’elle allait devoir jouer des coudes dans ce monde qui pouvait parfois - trop souvent - perdre la tête et que ce n’était pas en restant autant discrète qu’elle l’était d’ordinaire que cela fonctionnerait. Alors, lorsqu’elle était Millie, elle savait être discrète comme pas deux et douce s’il le fallait. Quand elle répondait au téléphone en tant qu’assistante de monsieur Weatherton en personne, les choses étaient vues d’une façon différente.

Finalement, se retournant, elle s’aperçut qu’elle n’était pas seule dans la salle de pause - et que la fin de sa conversation téléphonique avait pu être entendue, mais surtout avait pu troubler la quiétude de l’endroit. Alors, elle porta un main sur sa bouche, la surprise étant de mise sur les traits de son visage, alors qu’elle faisait quelques pas en direction de la seule personne qui se trouvait là aussi ce matin. « Pardon Mabel, j’avais pas vu que tu étais là. Enfin, que quelqu’un d’autre que moi était déjà là en fait. » La pause café n’arriverait que bien plus tard dans la matinée, d’ordinaire, mais la jeune femme allait avoir besoin d’une dose de caféine supplémentaire avant de s’attabler à son bureau pour le reste de la journée. « Tu veux que je repasse plus tard pour te laisser l’espace ? » Parce-que certes, elle avait besoin d’une tasse de café chaud, mais elle comprendrait parfaitement si la bonde lui demandait de passer plus tard: après tout, c’était Millie qui s’était imposée à elle et non le contraire, et peut-être que Mabel avait d’autres chats à fouetter que de l’avoir dans les pattes. Ce ne serait pas un drame, et la Butcher serait tout à fait apte à comprendre qu’elle n’avait pas besoin de rester dans le décor pour le moment. Les deux jeunes femmes s’entendaient en tous cas assez bien pour que la blonde puisse expliquer avec courtoisie à la seconde que sa présence n’était pas la bienvenue et qu’elles pourraient se croiser plus tard dans la journée, au fil de leurs occupations respectives.

moka pot monday, it's all good

@mabel griffiths

Au fond, Millie espérait secrètement que Mabel n’était pas tant dérangée que cela par sa présence et qu’elle n’allait pas effectivement lui demander s’il était possible qu’elle repasse plus tard - une grande tasse de café noir ne serait vraiment pas de refus. « Tu peux totalement prendre ta tasse de café, et même t'installer pour la boire. Je suis assez accro pour ne pas empêcher quelqu'un de se servir une tasse. » Rien que cette première phrase arracha à la jeune femme un petit soupire tant soulagé qu’un brin amusé, alors qu’elle déposait les sacs qu’elle portait sur l’épaule depuis qu’elle était partie de chez elle au pied de la grande table s’imposant au milieu de la pièce. « Tu ajoutes une petite dose de bonheur à ma journée ! » Elle savait qu’elle avait du pain sur la planche - n’était-ce pas toujours le cas avec James en tant que patron ? -, mais elle se disait qu’elle pouvait se permettre de prendre une poignée de minutes pour apprécier la compagnie de la jeune femme autour d’une tasse de café. « J'espère juste ne jamais me retrouver de l'autre côté de ce téléphone quand tu es comme ça. Tu peux te montrer dangereuse ! » Alors, cette fois ci Millie s’autorisa un petit rire - léger, discret, mais bien présent car sincèrement amusée par la remarque de la blonde face à elle. Les traits du visage de cette dernière montraient bien qu’elle donnait un trait humoristique à la situation de son côté, Butcher n’avait alors aucune raison de mal prendre la petite remarque qu’elle venait de faire - qui était on ne pouvait plus vraie, qui plus était. Tournant le dos un instant à Mabel, elle se servit une grande tasse de café brulant - sans sucre, sans lait, bien noir comme elle les aimait. « Promis, quand ça concerne pas le boulot, je suis moins dangereuse que ça. » Normalement, bien sur, cela dépendait des circonstances. « Mais tu connais James: je peux pas me permettre de manquer quoi que ce soit simplement parce-que j’ai pas su me faire entendre. » Et ça n’arriverait pas, que l’on soit tous d’accord là-dessus.

Tirant l’une des chaises, elle se laissa choir avec délicatesse. « Et puis, j'ai bien l'impression que ta journée démarre déjà à toute vitesse, tu vas avoir besoin d'un peu d'énergie pour affronter tout ça. Ça va aller pour le défilé ? » La jeune brune plissa le bout du nez un instant, avant d’avaler une gorgé de café. « Ca ira, j’ai envie de dire. » C’était là à peu près la seule réponse acceptable pour ce type de situation: qu’importe les galères qui pouvaient tomber sur son plateau déjà bien rempli, Millie n’avait pas le choix que de trouver des solutions afin que tout revienne dans le droit chemin. « Comme je disais, tu connais James. Il laissera pas passer la moindre erreur et miraculeusement, malgré ça, j’aime toujours beaucoup mon job. » Même: elle l’adorait. Elle ne comptait pas les heures depuis sa première journée dans ce même édifice, mais cela ne l’avait pas un seul instant dérangée jusque maintenant. Elle avait signé pour que son poste soit compliqué à assumer, pour que les tâches qu’elle aurait à effectuer soient toutes plus improbables les unes que les autres, et surtout elle partait en connaissance de causes: elle n’avait pas le droit à l’erreur.

Cependant, elle ne s’attarda pas sur ce sujet là, puisque l’attention de Mabel fut accaparée par son téléphone portable - et à la façon dont elle lisait le message avec une certaine attention, une légère pointe se fit sentir côté Millie. « Tout va bien ? » Pas qu’elle aimait s’imposer à qui que ce soit, loin de là: elle ne supportait pour aucune raison ramener l’attention sur sa personne. Elle ne pouvait s’empêcher cependant de remarquer que quelque-chose avait changé du côté de la blonde face à elle. « Je veux pas m’imposer ou quoi que ce soit, si tu as besoin d’espace, qu’importe ce que c’est… » Elle prendrait sa tasse de café et ses mille sacs avec elle, et serait hors de la pièce l’instant d’après sans broncher le moindre instant. « Et t’es pas obligée de répondre non plus, je… Je parle de trop, pardon. » Le petit sourire qu’elle esquissa en cet instant était bien moins à l’aise que cela qu’elle avait adressé à Mabel la minute précédente.

moka pot monday, it's all good

@mabel griffiths

« James est un patron... Pointilleux » Le choix d’adjectif prit par Mabel fit plisser, avec amusement, le bout du nez de Millie. Pointilleux, sans aucun doute que James l’était - elle aurait même utilisé bien d’autres adjectifs pour le découvrir, la blonde face à elle était plus polie que sa collègue. « Mais si tu es encore là, c'est que tu fais un bon travail ! » Avec un détachement qui était feinté, elle haussa légèrement les épaules. « C’est ce que j’essaie de me dire, pour me convaincre qu’effectivement, si je suis encore là c’est que je dois faire quelque-chose à peu près correctement. » Parce-que ce n’était pas un secret d’état: les autres personnes qui avaient été au même poste qu’elle, avant qu’elle n’y soit reçue justement, n’avait pas fait long feu et James n’avait pas eu aucun scrupule à les mettre à la porte. « Tu le connais depuis plus longtemps que moi, alors je me dis que si tu le dis c’est que je peux le penser aussi. » Elle n’était pas entrée dans cette pièce à la base parce-qu’elle avait besoin de conforter ses idées et ses actes, mais Millie mentirait en disant que ce n’était pas agréable de l’entendre de la part d’une tiers personne, qui avait vu d’autres personnes à son poste.

Et puis surtout que des deux femmes, la brune n’était pas celle qui semblait avoir le plus besoin d’être rassurée sur le moindre point - le message que Mabel avait reçu ayant définitivement ruiné quelque-chose en elle pour le reste de la journée. Millie ne voulait en rien s’imposer sur un sujet qui ne la regardait pas, et où elle ne serait peut-être pas légitime qui plus était; mais elle ne se sentait pas de rester ici comme si de rien n’était alors qu’elle avait perçu sans effort la détresse dans les yeux de Mabel face à elle. « Juste... Les hommes. Qui se sentent obligés de tout rapporter à leur ex-femme quand ils ont un problème avec leur enfant, plutôt que d'essayer de trouver une solution. » - « Oh. » Elle se proposait d’être éventuellement une oreille attentive pour la jeune femme, mais ce type de sujets là était malheureusement bien hors des sentiers habituels de Millie. Elle n’était concernée en rien par le fait d’être mère, ni d’être ex-femme - étant plus du genre à ne savoir tenir la moindre relation plutôt d’autre chose. « Tu peux rester savourer ton café, ça me pose pas de problèmes. C'est pas comme si je pouvais faire quoi que ce soit pour que ma fille apprécie les trajets en voiture, et que son père n'écoute pas les conseils que je peux lui demander. » Elle étira un petit sourire poli, de remerciement surtout; malgré la détresse qui était évidente, elle savait composer en ayant la jeune femme dans les pattes et c’était plus que ce qu’elle pouvait lui demander. « T’as beaucoup de courage, ça doit pas être facile tous les jours. » Le constat était peut-être facile à tirer, mais le fond des paroles de Millie était vraiment bon: il fallait avoir une certaines force de caractère pour persévérer dans des situations comme celle de Mabel. « Surtout que je sais que James ait pas toujours tendre avec les femmes qui viennent de devenir maman. » Il avait ses raisons, qu’elle ne partageait pas forcément mais là n’était pas la question qu’on lui posait et à laquelle elle se devait de répondre. « Mais je vais reprendre tes paroles parce-qu’elles sont parfaites pour ici aussi: tu es encore là, c’est que tu dois faire du bon travail. » Bien que ses deux rôles ne soient pas des plus faibles à conjuguer.

« J'ai hâte que le shooting ne commence, j'aurai au moins quelque chose à faire pour me changer les idées ! » Millie lui adressa un petit sourire amical. « Tu es prise toute la journée ? » Pas que cela changerait grand chose au programme de la brune, elle jouait juste de sa curiosité. « J’ai un peu perdu le fil ces dernières semaines des shootings qui étaient prévus, j’avoue tout. » Elle qui les connaissait encore par coeur peu de temps avant, s’était retrouvée même parfois étonnée d’apprendre ce qui se déroulait au sein même de l’atelier. Il fallait qu’elle se remette un peu plus à jour, ou sinon elle savait qu’un jour cela coincerait - pas avec Mabel, bien sur, mais avec James s’il avait besoin d’une information qu’elle n’était pas apte à lui donner. « Tu as pu reprendre tes marques facilement, après ton retour de congé maternité ? Ca s’est bien passé ? »

moka pot monday, it's all good

@mabel griffiths

« Je sais pas si c'est vraiment du courage... Juste qu'il faut continuer d'avancer, parce que les jours passent, et que j'ai un bébé qui demande du temps et de l’attention. » Le sourire poli qu’affichaient les lèvres de Millie ne s’évanouit pas, même avec les nouvelles explications de la jeune femme. « Je trouve ça quand même courageux. » Elle ne pouvait parler en connaissance de cause, bien sur, n’étant pas mère elle-même; mais elle avait vu à quel point des désaccords entre parents pouvaient avoir des répercutions sur les enfants, et que Mabel tente de faire au mieux pour que cela ne soit pas le cas, c’était d’abord du courage et ensuite du mérité. Et puis, de nouveau jongler entre un nouveau rôle de mère et celui déjà acquis dans une entreprise ne devait pas être de tout repos non plus, et devait amener de nouveaux challenge. « Heureusement, ça s'est plutôt bien passé avec James. Il a été très accommodant, et c'est lui qui m'a permis de revenir sereine de mon congé maternité. » La jeune femme ne cacha pas son expression un brin surprise - ou surtout, étonnée, surprise serait exagérée. Elle savait que James pouvait être assez strict sur certains points, et savoir s’organiser entre sa vie privée et sa vie professionnelle était un non-négociable pour beaucoup de gens employés sous ses ordres. Elle ne l’avait pas imaginé aller jusqu’à prendre Mabel par la main pour lui rendre son retour au travail bien plus aisé. « Tant mieux, de pouvoir être soutenue comme ça. » Après tout, qui était-elle pour trouver cela un brin forcé et sorti du personnage qu’était Weatherton ? Elle ne le connaissait que depuis quelques mois; elle partageait énormément de son quotidien mais avait beaucoup encore à apprendre de lui.

« Jusqu'au milieu d'après-midi. Mais j'ai un dîner d'affaires prévu ce soir. La journée sera chargée ! » - « Et bien ! » Millie ne se séparait pas de son petit sourire alors qu’elle écoutait les réponses de Mabel aux questions qu’elle lui avait posé. « Je fais ce travail depuis assez longtemps pour que ça me soit aussi naturel que de respirer. J'étais même plutôt contente de revenir, même avec des horaires aménagés et plus courts qu'avant, juste parce que j'adore ce métier, et que fréquenter des adultes me manquaient ! » - « Je crois que je te comprends - pas sur le fait de reparler à des adultes, j’ai pas trop de soucis de ce côté là. Mais plutôt que mon travail me manquerait assez rapidement je pense. » Elle qui était, qui plus était désormais, à voir son planning plein à craquer aurait beaucoup de mal à rester chez elle en sachant que rien n’était réellement prévu au programme. « Je savais comment ça fonctionnait ici, et j'étais revenue un peu pendant mon congé histoire de pouvoir réfléchir un peu à ma reprise, donc j'étais plutôt sereine. »

« Et toi ? Ça s'est bien passé ton arrivée ici ? J'imagine qu'il y a beaucoup de choses à retenir, et de gens à connaître ! » Reposant délicatement sa tasse - dont elle commençait déjà à voir le fond -, Millie hocha vivement la tête. « Et c’est que James a un sacré carnet d’adresses en plus des personnes présentes ici ! » Parce-qu’effectivement, rapidement pourvoir replacer les gens, leurs noms et leurs visages avait été indispensable pour la jeune femme, mais pas que: elle avait du se familiariser avec les connaissances autant de la vie professionnelle que, pour certaines, de la vie privée de James et ça n’avait pas été une mince affaire. « J’ai passé des nuits blanches au début de mon contrat pour apprendre à savoir qui était qui. Au moins un prénom, c’était mon objectif. » Certaines fois, elle ne réussissait pas parfaitement à au moins tenir ce point sur des personnes qu’elle ne croisait que trop peu; en revanche, d’autres personnes lui étaient devenues rapidement proches, au point de côtoyer de manière quotidienne et régulière la famille de James. « Tu es intéressée par la mode, ou juste par le poste en lui-même ? » - « Les deux options, en réalité. » Elle n’avait guère eu besoin d’un moindre moment pour savoir que répondre à cette question. « J’ai fait une école de mode, en guise de formation. Ca a toujours été ma passion. » Créer, coudre, elle pourrait passer ses journées à ne faire que ça. « Et malgré l’annonce qui pouvait faire un peu peur, je me suis dit en voyant que James recherchait une assistante que je pourrais pas mieux apprendre qu’à ses côtés. Que j’avais peut-être à portée de main la chance d’une vie. » Combien de ses camardes de promotion tueraient pour, comme elle, avoir le numéro de James Weatherton dans ses favoris ? Elle n’avait pas assez de doigts pour les compter. « Il a mauvais caractère mais c’est un génie dans son domaine. Ca me fait toujours bizarre de me dire que j’ai étudié en cours certaines de ses oeuvres, et qu’aujourd’hui je le vois en créer. » Son regard s’était quelque peu perdu dans le vide alors qu’elle plongeait vaguement entre souvenirs et réalité, passé et présent. Elle tira d’ailleurs une petite grimace. « Pardon, je dois être en train de t’assommer à parler comme ça. »

moka pot monday, it's all good

@mabel griffiths

« J'imagine qu'on le pense parce qu'on aime toutes les deux ce qu'on fait comme travail. » Un petit sourire, un peu plus timide cette fois ci, étira les lèvres de Millie. Effectivement, elles avaient tous deux al chance d’aimer le métier qu’elles pratiquaient au quotidien et là était quelque-chose de non-négligeable. La jeune femme n’aurait pas su être autant investie dans ce qu’elle faisait si ses journées n’étaient pas rythmée en fond par une passion certaine pour la mode et le monde dans laquelle cette dernière était accessible. Elle n’était pas créatrice comme pouvait l’être James, mais être à ses côtés lui donnait au moins la possibilité de toucher du bout des doigts l’espoir de le devenir un jour. Elle y croyait dur comme fer - et elle espérait surtout ne pas se tromper. « Oui, James fréquente pas mal de monde, il a besoin d'un bon réseau pour continuer de se développer... Je ne vais pas me plaindre, j'ai rarement besoin de retenir les noms des gens que je peux croiser en défilé. Mais j'imagine que ça fait travailler ta mémoire ! » Elle hocha vivement la tête. « Bien mieux que tous ces jeux vidéos qui peuvent être inventés oui ! » Entre les noms des personnes gravitant autour du créateur, les rendez-vous importants qu’elle notait dans l’agenda mais qu’elle finissait par retenir pour être apte à les ressortir le plus rapidement possible, et même certains numéros de téléphone qu’elle s’était forcée à connaître par coeur pour être sure de pouvoir les donner à James s’il le désirait à tout moment - ou si elle n’avait pas son téléphone à portée de main pour agir ainsi. Sa mémoire était source constamment sollicitée, et il était vrai que cette dernière ne manquait pas de s’améliorer avec le temps. « J'imagine qu'un poste d'assistant dans une maison de haute couture, ça ne doit pas être si fréquent que ça. Mais tu as l'air de savoir comment profiter au mieux de cette opportunité ! » Aux derniers mots de Mabel, le sourire de la jeune femme fut un peu plus mitigé. Elle espérait sincèrement que là se trouvait un compliment, et non une remarque enveloppée dans du papier bulle. Certes, les positions d’assistant comme celui qu’elle avait décroché ne courraient pas les rues, mais elle travaillait dur pour prouver sa place auprès de James. Et peut-être qu’elle avait des avantages à se trouver là désormais, mais elle ne faisait pas partie des gens profitant de cette position. « Je compte bien m’y accrocher encore un bout de temps en tous cas. » Millie ne comptait pas cirer les bottes de James toute sa vie - personne ne serait capable d’un tel exploit, de toutes façons -, mais ce n’était pas pour autant qu’elle ne ferait pas en sorte sur la durée de continuer à mériter salaire.

Le but final était différent, était plus loin dans le processus, mais elle ne saperait pas seule ses propres chances en chemin. Pas dans ce domaine là en tous cas. « Et en tant que passionnée de mode, je comprends tes sentiments ! Voir James créer une collection, ça a quelque chose de magique, même pour moi qui ait l'honneur de les porter. Je serai incapable de réfléchir et de me réinventer tous les ans comme il peut le faire ! » Elle ne sut faire autrement qu’acquiescer en entendant les mots de la blonde face à elle. Dans son domaine, Weatherton était un magicien. Certaines de ses idées étaient presque impossibles à imaginer tant qu’elles n’avaient pas pris vie - et pourtant, il parvenait toujours à faire que ce soit le cas, lorsque quelque-chose restait trop longtemps dans ses pensées. « Le fait d'avoir étudié la mode, ça doit aussi t'aider à comprendre tout le processus créatif, des dessins au défilé. J'espère que ce n'est pas trop décevant de découvrir tout le travail derrière, et le temps qu'il y a entre un croquis et un vêtement terminé ? » Millie eut un petit rire; elle prit une nouvelle gorgée de café avant de répondre aussi. « Non, je savais à quoi m’attendre. Et c’est peut-être ça que j’aime le plus, en vrai. Connaitre vraiment tout le travail qui se cache derrière des merveilles comme celles qui finissent par sortir au grand jour sur les défilés. James est un génie, mais ses équipes sont les vrais héros derrière le nom Weatherton. » Elle plissa un instant le bout du nez. « Ne lui dis jamais que j’ai avoué à ça à voix haute, il me mettrait à la porte sur le champ. » Elle ne croyait qu’à moitié ses paroles, mais s’il se trouvait dans un mauvais jour, il serait capable d’agir de la sorte. Millie saurait défendre son morceau de viande cependant, s’il en venait à agir sur un coup de tête; elle l’avait dit, elle était là pour s’accrocher.

« Tes amis ou ta famille doivent facilement être ennuyés que tu leur parles de tout ça ? Mais ici, on est tous des passionnés de mode. Sinon, on ne ferait pas long feu ! » Un vil frisson déchira discrètement l’échine de la jeune femme alors que Mabel mentionnait sa famille. Bien sur, là était une façon tout à fait anodine de continuer leur discussion, mais fatalement cela apportait un lot de pensées à Millie dont elle se serait bien passée. Elle réussit tout de même à esquisser un sourire poli - qui passerait aux yeux de la jeune femme à ses côtés comme quelque-chose de presque timide. « J’ai eu la chance d’avoir un père très compréhensif et qui m’a soutenu tout le long de mon parcours. » Elle ne mentait pas, en réalité: son père était vraiment fier de l’endroit où était désormais sa fille; autant sur le plan professionnel que personnel, mais ce dernier ne pouvait être mentionné à haute voix devant Mabel. « Mes amis ont toujours trouvé ça ennuyant par contre, oui. Mais ils l’ont toujours dit avec le sourire. » Comme celui qu’elle délivrait désormais. Les amis, Butcher les comptait presque sur les doigts d’une main. Elle était sociale, mais avait trop de mal à accorder sa confiance à autrui pour avoir connu les mêmes personnes depuis des années. Et la plupart de ceux qui l’avaient connu des années plus tôt, Millie avait coupé les ponts avec eux. Le passé était à uniquement pour remuer le couteau dans la plaie, il fallait mieux le laisser où il se trouvait. « Heureusement que les gens ici sont tous des passionnés comme tu dis ! » Un petit rire glissa à la suite de ses mots, mais elle avait clairement un peu perdu l’entrain qu’elle avait au début de cette conversation. Là n’était pas la faute de Mabel - elle avait toujours du mal à se remettre avec la même positivité lorsque sa famille était mentionnée. « L’entraide est primordiale ici aussi, quitte à tous être dans le même bateau qui coule parfois sous le travail autant se serrer les coudes. »

moka pot monday, it's all good

@mabel griffiths

« Je te souhaite de réussir à rester ici aussi longtemps que tu en aurais envie ! Même si personnellement, j'ai rarement à faire appel à tes services. » Un petit sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme aux mots de Mabel face à elle. Il était vrai que si elle connaissait surement un grand nombre de personnes travaillant au sein de la maison de couture, au moins de nom et surtout pour pouvoir d’être d’une quelconque utilité à James en tout temps, l’inverse n’était pas spécialement vrai. De plus, peu nombreuses dans l’autre sens étaient les personnes qui auraient besoin d’elle à un moment donné dans leur carrière: elle était l’assistante de James, répondait des désirs et besoins de ce dernier, et n’avait réellement à interférer avec la carrière de qui que ce soit d’autre. Une autre chose restait tout à fait vraie dans les paroles de la blonde: elle espérait elle-aussi être capable de rester longtemps employée de cette entreprise, étant donné ce que ce dernier avait à lui apporter en expérience professionnelle - et en expérience humaine aussi, à commencer par la quantité astronomique de patience qu’elle était en train de se forger.

« Tu es courageuse de diminuer son travail ainsi, dans les murs de son entreprise ! » Un petit sourire se fit voir sur les lèvres de Mabel, et la Butcher réagit de façon miroir. « Ou complètement folle, au choix. » Elle savait surtout que même si ses paroles allaient à l’encontre de James et du travail qu’il pouvait fournir, d’une certaine façon, il ne viendrait pas la contredire. Les équipes qu’il avait embauché au fil des années faisaient vraiment un travail remarquable qui méritait d’être souligné un peu plus souvent. « Mais je suis d'accord, toutes les petites mains font un travail formidable. Et pourtant, ils restent dans l'ombre, et bien des gens ignorent même leur existence, s'imaginant que le créateur coud tout ! » L’espace d’un instant, Millie imagina le créateur en question s’occuper de toutes les créations, de la partie conception à la partie fabrication, et elle eut un nouveau petit sourire. Oh, il n’était déjà pas un grand adepte des longues nuits de sommeil, mais s’il agissait ainsi James serait battu par K.O. en l’espace d’une semaine seulement - tout au plus. « Il s’en sortirait bien, mais il serait vite perdu sans tout ce petit monde autour de lui. » Et puis, à travailler seul, il n’aurait plus personnes à qui donner des ordres - ce qui ne le rendrait pas de meilleure humeur, à coup sur.

« C'est vrai que quand on est indifférent à la mode, on peut vite se lasser d'entendre parler de Weatherton toute la journée. Même si j'ai personnellement du mal à imaginer que ce ne soit pas intéressant de comprendre comment naissent les modes, et comment les vêtements qu'on porte aux défilés prennent vie ! » Elle fronça le bout de son nez. « Beaucoup pensent que c’est un monde superficiel, malheureusement. » Et elle savait leur montrer en deux temps, trois mouvements que ce n’était pas le cas - et qu’est-ce qu’elle pouvait détester avoir ce type de discussion avec autrui ! «  Oui, il faut savoir se montrer polyvalent ici. Quoi que tant qu'on ne me demande pas de coudre... J'adore les voir s'agiter sur leurs machines, mais je ne suis pas assez douée pour suivre la cadence ! » La conversation s’était drastiquement détournée du chemin qu’elle prenait initialement, et Millie était plutôt ravie - parler de choses qui étaient trop personnelles ne faisait pas partie de ses passions, contrairement à d’autres choses se rapportant à Weatherton qui l’étaient, elles. « C’est de l’entrainement, tu sais. Tout comme si tu me le demandais, je serais incapable de marcher comme toi tu peux le faire sur un podium. » Elle l’avait vu plus d’une fois défiler, n’étant jamais loin des gros événements depuis son arrivée dans la grande famille Weatherton. « Et puis, il faut avoir du cran pour oser se montrer comme ça devant un public. Très peu pour moi, mais toi tu sembles être née pour ça. » Parce-que de toutes façons, se mettre en lumière et sous le feu des projecteurs n’était pas du tout au goût du jour pour Millie - ni maintenant, ni dans le passé déjà vécu et encore moins dans le futur qui lui serait donné.

moka pot monday, it's all good

@mabel griffiths

« Ce serait compréhensible qu'il soit perdu. Les créateurs qui font tout tout seul et sans équipe ne font que des collections capsules, avec tout juste quelques modèles pour présenter leur savoir faire. Weatherton présente un travail fourni et soigné, et qui ne peut pas être exécuté par une seule personne. » Millie n’aurait pu savoir s’il s’agissait là d’une réel défense de James, ou simplement d’une réflexion portée sur la généralité du métier - mais en tous cas, elle ne surfaire autrement que d’opiner du chef. Effectivement, pour pouvoir être complètement maitre d’une collection, il fallait que cette dernière soit assez peu conséquente; à partir du moment où le processus devenait plus important, il fallait des paires de mains supplémentaires pour suivre la cadence. James était un génie, ce point n’était plus à prouver ou à vérifier, mais il n’avait pas encore le don d’ubiquité. Et heureusement que chacun avait sa place, pouvait trouver sa place selon ses talents, c’était de cette façon que la grande maison Weatherton s’était élevée parmi tant d’autres. « L'entraînement, certes... Mais je suis pas très habile de mes mains de base. Gérer le tissu, le fil, les aiguilles, faire que ce soit le bon motif de couture… » Un petit sourire tendre se dessina sur les lèvres de la jeune femme aux mots de Mabel face à elle. « Ne pas se piquer avec une aiguille ou se couper avec des ciseaux aussi, la plupart du temps. » Parce-qu’il y avait le côté associé au créatif, mais également celui pratique dans la couture. Si c’était uniquement deux tissus à raccorder entre eux, c’était là que le danger existait et qu’il fallait faire attention - plusieurs fois, il était arrivé à Millie de recompter ses doigts juste au cas où lorsqu’elle avait passé des heures et des heures entre les rouleaux de tissu. Mais coudre se résumait souvent dans de grandes créations comme ça à suivre un patron déjà pré-fait, et ce n’était pas dans cette partie là du processus qu’il fallait être apte à sortir de nouvelles idées, à s’y connaître un minimum dans les matières et les couleurs.

La partie qui concernait le quotidien de Mabel n’avait pas du tout la même allure que celui qu’il était possible de croiser entre les fils de couture au sein de l’atelier, mais c’était là tout un métier que Butcher savait d’avance incapable de mener. Se mettre en avant de cette façon, c’était très peu pour elle - autant dans ses envies que dans ses capacités -, et elle trouvait ça remarquable ceux qui en faisait leur métier. Pas seulement dans la mode, mais même de façon générale, dès qu’il fallait se montrer dans la lumière du projecteur il n’y avait plus personne. « Je me concentre sur le fait que je présente l'habit que je porte, et que les regards sont sensés être rivés sur la tenue plutôt que sur moi. » - « Est-ce qu’il t’arrive de penser que les spectateurs sont nus, comme on nous disait de faire quand on avait le trac au théâtre ? » Elle plissa le bout du nez, un brin malicieuse, réellement curieux en revanche. « Mais j'imagine que chaque métier a ses difficultés, et qu'on ne peux pas exceller partout. Je serai incapable de suivre James toute la journée comme tu le fais. » Millie haussa doucement les épaules. « En réalité, c’est plus lui qui me suit toute la journée plutôt que l’inverse, comme c’est moi qui connais une majeure partie de son emploi du temps. Mais il faut pas lui dire, il l’a pas encore remarqué. » Elle ajoutait ici une touche d’humeur et une autre un peu plus loin, simplement parce-qu’elle savait que même s’il les écoutait, James ne lui en voudrait pas de jouer un peu comme ça sur les mots et les situations. Et puis, il était vrai qu’elle était celle d’eux deux connaissant le mieux son organisation; lui ne connaissait que les rendez-vous dont elle n’avait pas besoin d’être au courant. « Après, vu le turn over sur ce poste, je pense qu'il n'y a pas grand monde pour réussir en tant qu'assistante du patron. Peut-être parce qu'il a un métier stressant, et qu'il décharge une grosse partie de son stress sur la personne qui l'accompagne partout... Il faut avoir les nerfs solides pour naviguer à travers tout ça ! » Sur ce point là, en revanche, Millie ne pouvait réfuter quoi que ce soit. Elle l’avait compris rien qu’en lisant l’annonce du poste, lorsque James était reparti à la chasse d’une nouvelle assistante. Il n’avait pas de temps à perdre, et il n’avait encore moins la patience pour former des personnes incompétentes. « Je suis encore là, encore une fois, alors c’est que je dois remplir un minimum de critères pour qu’il n’ait pas encore eu envie de se débarrasser de moi ! » Elle ajouta à ses mots un petit sourire qui tirait un brin vers la grimace; ce juste avant de retourner son téléphone pour voir son écran et l’heure qui y était indiquée dessus. « Et si je veux garder mon poste encore quelques temps, va falloir que j’y aille. Je sais qu’il arrive dans sept minutes exactement, et il faut que son bureau soit prêt à son arrivée. » Elle releva son regard vers Mabel, une petite moue désolée accordée à ses lèvres. « Je vais devoir te laisser, mais j’espère surtout que ça va pouvoir s’arranger entre ton ex-compagnon et toi, avec la petite. » Parce-que c’était surtout la chose la plus importante à travers leur discussion, mine de rien. « Je sais qu’on risque de se croiser de nouveau lors du prochain défilé, si j’ai bien le planning en tête de toutes façons ? »