| (yassan) back when i was livin’ for the hope of it all |
| | (#)Sam 20 Aoû - 11:22 | |
| Octobre 2017/Yasmine avait essayé d’échapper aux larmes de sa mère in-extremis, prétextant vouloir faire un tour dehors pour ne pas être soumise plus longtemps à ses yeux brillants de désespoir, ceux qu’elle avait posé sur elle dès l’instant où il avait été question qu’elle fasse ce voyage humanitaire. Ce n’était que pour trois mois, sous condition que ça pourrait tout aussi bien durer plus longtemps cependant, et c’était risible à ce stade, de penser que Fatima puisse redouter autant de la voir s’en aller loin d’elle, loin d’eux, alors qu’elle allait avoir trente ans… mais quand on connaissait la relation que les Khadji entretenaient, ce n’était pas difficile de s’imaginer à quel point cette décision pesait lourd sur la conscience de tous. Elle pensa à Sohan à ce moment précis, Yasmine, quand elle ouvrit la baie-vitrée du salon dans un bruit feutré, rejoignant la véranda qu’elle traversa d’un pas léger, le cœur un peu plus lourd. Il aurait dû être présent, à ce petit dîner d’au revoir, mais il ne l’était pas. Ça ne changerait pas l’idée qu’elle lui avait réservé une soirée entière la veille, seulement ça avait toujours une saveur différente, de ce dire que ça aurait pu être différent. C’était peut-être ça qui la poussait à se montrer aussi enthousiaste de s’en aller également, alimentant un souhait enfantin qui partait que, la distance qu’elle mettrait avec les siens durant un laps de temps donné, pourrait les pousser à se rassembler pour que, quand elle rentrerait, elle les retrouverait sans avoir à se scinder en plusieurs morceaux pour pouvoir apprécier leur présence et leur chaleur. Elle s’arrêta en haut du tout petit escalier qui menait au magnifique jardin de son père, se courbant pour s’y asseoir tandis qu’elle n’y voyait pas grand-chose, si ce n’était la lumière éphémères des étoiles formées par les guirlandes lumineuses accrochées le long de l’allée arborée, aussi soignée sur le permettait l’âge d’Amjad. Elle ne regrettait pas de s’en aller, néanmoins elle avait un peu peur, ce qui n’était pas anormal si on considérait qu’il s’agissait là de son premier voyage à l’étranger, pour une cause qui lui était chère, qui la ferait grandir aussi. Elle en avait besoin, de prospérer autrement qu’en se raccrochant à sa zone de confort, celle que ses parents avaient établie en s’installant ici, il y avait maintenant des décennies. Cela dit, ce n’était pas simple pour tout un tas de raisons qu’elle évitait d’anticiper, le regard perdu dans l’immensité de l’inconnu dans lequel elle s’apprêtait à mettre les pieds.
Son sourire se fendit de lui-même, la faisant remuer doucement "Je t’ai entendu." fit-elle tout aussi doucement, tournant à peine la tête pour regarder derrière elle quand elle sentit l’atmosphère changer et une présence se rappeler à la place qu’elle tenait dans cette réalité qui était la sienne. Elle sentit un poids peser soudain sur ses épaules, un poids agréable, quand Hassan disposa un plaid sur ses épaules, puis un sentiment de sérénité inexplicable quand il s’installa à ses côtés, sur les petites marches sur lesquelles elle était plusieurs fois tombées, dans le passé. Elle fronça le nez, tournant la tête à ses côtés en s’emparant de la tasse de thé qu’il lui tendit, lui faisant réaliser que ça lui manquerait, ces petits moments passés à siroter du thé, un plaid sur les épaules, en pensant que c’était le moyen le plus sûr d’être réconforté "Je crois qu’elle m’en veut de m’en aller." admit-elle avant de prendre une gorgée, l’avalant très lentement en la savourant, ses yeux clairs retrouvant le chemin lumineux qui s’étendait devant elle. Son observation, elle la rendit un instant silencieuse, laissant la place à un engrenage dans son esprit qui lui fit dire au jeune homme, son visage se retournant dans sa direction, avec le genre de sourire qu’elle accordait quand elle n’était pas sûre d’elle, comme si elle anticipait déjà l’idée que ça la rendait idiote de penser ce genre de choses, qu’elle partagea pourtant avec lui, sans craindre d’être jugée "Tu m’en veux de m’en aller, toi ?"
@Hassan Jaafari |
| | | | (#)Mar 8 Nov - 23:34 | |
| But do you remember ? Remember when I pulled up and said "Get in the car" and then canceled my plans, just in case you'd call ? Back when I was livin' for the hope of it all, for the hope of it all. ☆☆Les souvenirs de ces trois dernières semaines – ou bien était-ce quatre ? – remisés aussi profondément que possible dans un coin de son crâne, Hassan s’était laissé engloutir tout entier par la préparation des examens de fin de semestre, qui approchaient à grands pas et plongeait l’université et le campus dans cet état d’effervescence qu’ils ne connaissaient à aucun autre moment de l’année. Il rasait les murs des studios ABC pour que personne n’ait l'indélicatesse de lui rappeler cet après-midi de septembre où le coeur de Jamie Keynes n’avait tenu à la force de ses connaissances en premiers secours, et rasait ceux de l’hôpital dans l’angoisse d’y croiser Joanne, son coeur à lui encore lourd de leur dernier face à face et de la certitude que sur les braises de leur mariage ne se reformerait jamais la moindre flamme. Joanne ne l’aimait plus, elle avait trouvé le courage de l’admettre et Hassan celui de refuser le semblant d’amitié qu’elle lui proposait en échange : il avait besoin d’avancer, et surtout il avait besoin de se sortir enfin de l’incertitude dans laquelle elle le maintenait malgré elle depuis plus d’un an. Il allait passer à autre chose, une bonne fois pour toutes, et nourrissait l’espoir de voir son horizon s’éclaircir après être resté brumeux durant tant d’années. L’année à venir serait différente de toutes celles qui avaient précédé, et si d’autres en auraient été terrifiés, Hassan lui n’attendait que cela. Différente, elle le serait sans doute aussi pour Yasmine, à l’aube d’un envol pour lequel elle avait tergiversé durant (trop) longtemps mais qu’elle trouvait enfin le courage de saisir à pleines mains. L’infirmière s’apprêtait à quitter la chaleur rassurante du foyer familial, et ses deux parents s’apprêtaient de leur côté pour la première fois à contempler la solitude que laissaient derrière eux les oisillons qui quittaient le nid. Les choses auraient pu en être autrement, Sohan aurait pu se trouver à table avec eux, et la fille autant que les parents auraient probablement trouvé du réconfort à l’idée que l’aîné des enfants reste dans les parages tandis que la cadette s’envolait pour un autre continent. Le Khadji n’était pas là mais il manquait à chacune des personnes attablées sans qu’elles n’aient besoin de mentionner son nom – à ce sujet Hassan ne faisait pas exception, tantôt penaud, tantôt peiné de l’impasse dans laquelle se trouvait sa relation avec le plus cher (et le plus ancien) de ses amis. L’année à venir serait peut-être aussi celle-ci : celle où il trouverait les mots justes pour faire le premier pas, et pour tenter de recoller les morceaux avant qu’il ne leur reste plus rien à sauver. Et s’il refusait de le promettre à Yasmine pour ne pas causer de déception, il se le promettait au moins à lui-même. L’estomac repu de la cuisine de Fatima, chacun digérait à son rythme : Amjad feuilletait le journal dans son fauteuil, son épouse parcourait le programme télévisé de la semaine à venir armée de son stylo pour entourer ce qui retenait son attention, et Yasmine s’était éclipsée au jardin où les lampions installés par son père baignaient le coin de verdure dans une pénombre chaleureuse. Hassan avait insisté pour s’occuper du thé, savourant le court intermède de solitude à la cuisine autant qu’il avait savouré les discussions à table, la balance de ses émotions jamais aussi bien équilibrée qu’au contact de cette famille qui, par la force des choses était un peu devenue la sienne. Les premières tasses déposées près de Fatima et Amjad, le brun avait embarqué les deux autres à l’extérieur avec un plaid et trouvé Yasmine assise sur la plus haute marche de l’escalier, le regard perdu on ne savait où mais l’attention toujours belle et bien là : « Je t’ai entendu. » Sans rien dire, le Jaafari avait déposé sur le rebord de la fenêtre les deux tasses de thé et installé le plaid sur les épaules de l’infirmière, avant de lui tendre une des deux boissons et de s’installer à ses côtés en remontant la fermeture éclair de sa veste. « Je crois qu’elle m’en veut de m’en aller. » Plongeant son nez dans sa tasse de thé, la jeune femme avait laissé échapper un bref soupir avant de fixer à nouveau les ombres du jardin. « Elle s’inquiète. Ce n’est pas tous les jours que son bébé change de fuseau horaire. » Posant une main sur son épaule, Hassan avait offert à l’infirmière un sourire réconfortant. Fatima et Amjad étaient comme tous les parents, un peu plus émus à chaque occasion de réaliser que leurs enfants n’en étaient justement plus – des enfants. « Tu m’en veux de m’en aller, toi ? » Le visage de la brune tournant dans sa direction, l’enseignant y avait vu un brin d’incertitude que la pénombre ne suffisait pas à camoufler, et penchant la tête sur le côté il avait répondu « Je dis pas que je m’inquiète pas un peu aussi. » avec douceur, mais ajouté aussitôt d’un air résolu « Mais t’en vouloir ? Ça, jamais. » Marquant une pause, sa main avait remis en place une mèche de cheveux qui tombait sur les yeux de son amie. « Je suis fier de toi. » Cela ne datait pas d’hier, bien sûr, mais à la lueur des hésitations soudaines de la jeune femme il lui semblait opportun de le rappeler. Elle prenait depuis trop longtemps ses décisions en fonction des autres ; Il était fier de la voir s’accorder enfin la première place. « T’avises pas d’oublier de revenir par contre, là je pourrais me fâcher. » avait-il cependant fini par ajouter d’un ton faussement sévère, donnant à Yasmine un léger coup d’épaule pour tenter de la dérider. Les lèvres trempant brièvement dans sa propre tasse de thé, et le regard se perdant un instant face à eux à son tour, il avait finalement repris à voix basse, et le ton soudainement sérieux. « T’as le droit d’être inquiète aussi, tu sais. C’est pas pour autant que c’est une mauvaise décision. » Il aurait trouvé plus inquiétant qu’elle ne doute pas un seul instant que l’inverse, en vérité.
Dernière édition par Hassan Jaafari le Mer 1 Fév - 20:51, édité 1 fois |
| | | | (#)Mer 4 Jan - 18:23 | |
| Octobre 2017/ "Son bébé." En ça, Yasmine était une jeune femme de son temps, à s’offusquer d’être traitée comme une enfant alors que son âge n’allait pas en décroissant. Dans une certaine mesure seulement, elle avait toujours compris pourquoi elle était autant surprotégée par le clan que formait sa famille, sauf qu’il y avait des moments où cette attention était difficile à porter, la frustrant un peu d’avoir été bridée sur certaines choses, moins sur d’autres. Ça ne l’avait jamais rendue rebelle, elle était on ne peut plus docile, à faire tout ce qu’on attendait d’elle sans réellement broncher, mais en effet, c’était parfois déroutant, d’être considérée comme elle l’était ; un trésor, rien de moins. Son seul caprice avait été la carrière qu’elle menait désormais, et qu’elle assoirait pour de bon en allant cueillir un peu de savoir et de compétences ailleurs. Avec le temps, elle savait que ses parents ne regrettaient pas qu’elle avait été assez courageuse pour faire entendre son choix. Pour autant, elle roula un peu des yeux en entendant Hassan qu’elle finit par faire basculer d’un léger mouvement d’épaule, sa tasse de thé tenue fermement entre les mains.
Elle avait tellement l’habitude de vouloir faire plaisir aux autres, que prendre des décisions pour elle-même la faisait se perdre dans des inquiétudes et des tergiversations. Alors, à la veille de son départ, pendant qu’elle était persuadée que Fatima ne raterait plus jamais une occasion de lui rappeler qu’elle l’avait abandonnée à son sort en choisissant ce voyage humanitaire au détriment de sa propre mère, elle se demandait si cette dernière était la seule à cacher des doux reproches silencieux à l’idée qu’elle s’en aille, même pour un moment donné. La question qu’elle posa à Hassan, elle sortait du coeur, et elle était sérieuse, quand bien même elle lui offrit un sourire pour adoucir ses propres doutes, elle avait peur ; peur qu'il fasse partie de ceux qui veulent la retenir parce qu’elle avait tellement d’estime pour lui qu’elle savait sans avoir besoin d’y réfléchir que s’il lui disait reste, elle le ferait sans aucune hésitation. Seulement, c’était lui faire offense que de penser qu’il puisse être aussi égoïste, Yasmine le savait. Elle avait pourtant besoin d’en avoir le coeur net, et tandis qu’il lui répondait, quelque chose soulagea sa conscience à la seconde où elle prit sens que non, il ne lui en voulait pas "Tu t’inquiètes seulement parce que c’est ce que font les vieilles personnes." lui rétorqua-t-elle pour l’humour, tout en sachant très bien que ce n’était pas que ça, que dans la liste de ceux qui avaient le plus à coeur ses intérêts, il se plaçait à une place qu’elle ne laisserait le loisir à personne d’occuper. Marquant un temps de silence pour ne pas s’appesantir sur l’émotion qu’elle ressentit en l’entendant ajouter qu’il était fier d’elle, elle le laissa replacer une mèche de ses cheveux sans émettre la moindre protestation, serrant un peu plus ses mains autour de sa tasse en se disant qu’elle n’était pas à l’abri de ressentir un gros manque de lui au cours des mois qu’elle passerait au Niger — et ça tordit quelque chose en elle au point qu’elle se sentit obligée de se redresser pour ne pas se recroqueviller sur elle-même, et prétendre que c’était peut-être trop tôt pour un voyage pareil, qu’elle avait encore besoin d’y réfléchir "Le manque d’objectivité, ça vient avec l’âge aussi, ou c’est juste parce que tu crains que je change d’avis que tu me le dis maintenant ?" qu'il était fier d’elle, lui demanda-t-elle finalement avec malice, tournant la tête dans sa direction en posant sa tasse à ses côtés, cherchant sa main à tâtons pour la prendre dans la sienne, et la couvrir du plaid qu’elle portait sur les épaules et qui lui tombait sur les genoux. Ses doigts entremêlés aux siens, elle eut un rire, du genre fugace, expulsé d’un bloc par le nez tant l’idée de ne jamais revenir ne lui avait jamais traversé l’esprit "Tu surestimes ma capacité à rester loin de vous, c’est presque touchant." Et la bascule qu’il fit avec son épaule pour la dérider de nouveau, elle l’accepta avec délicatesse, dérivant juste un peu avant de se remettre droit dans son axe, entendant ce qu’il ajouta et répliquant juste après, sa paume toujours contre la sienne sous les pans du plaid qu’elle resserra un peu contre elle "Je le sais. Mais j’ai l’impression de vous trahir en choisissant de partir, et j’ai peur de manquer des trucs que je pourrais jamais vraiment rattraper sous le prétexte que j’ai besoin de voir autre chose." Voir autre chose parce que Brisbane était devenu irrespirable à un moment donné, pour un tas de raisons sur lesquelles elle n’avait pas envie de s’épancher particulièrement ce soir, ni un autre soir d’ailleurs ; elle craignait aussi ne pas être assez forte pour supporter la misère d’un pays comme le Niger, mais ça, elle le garda pour elle. Efnan l’avait mise en garde à plusieurs reprises, sauf qu’elle la soupçonnait de faire dans l’excès pour la faire changer d’avis et la protéger.
@Hassan Jaafari |
| | | | (#)Sam 4 Fév - 4:33 | |
| But do you remember ? Remember when I pulled up and said "Get in the car" and then canceled my plans, just in case you'd call ? Back when I was livin' for the hope of it all, for the hope of it all. ☆☆À ce sujet, Amjad et Fatima Khadji étaient comme une (grande) majorité des parents : peu importe les années qui défilaient et le compteur des années qui s’affolait pour leur progéniture comme pour n’importe qui d’autre, leurs enfants restaient leurs bébés. Avec tout ce que cela comportait de bons et de mauvais côtés, à commencer par la difficulté d’admettre que ce qui était le mieux pour eux n’était pas toujours ce qu’ils s’étaient imaginé en les élevant – en cela Sohan avait été un exemple tristement flagrant. Et aujourd’hui, dans une moindre mesure, il en était de même pour Yasmine, que ses parents auraient probablement voulu garder près d’eux plus longtemps encore, attachés comme on l’était à sa petite dernière, mais tout en sachant bien que tenter de l’en dissuader finirait sans doute par creuser entre elle et eux un fossé similaire à celui les ayant séparés de leur fils. Et Hassan, pour sa part, se contenter de se tenir à mi-chemin, comprenant à la fois les uns et les autres, et déjà inquiet avant même que l’infirmière ne soit partie autant qu’il était impatient de la voir prendre son envol, au propre et au figuré. Il était fier autant qu’il était inquiet, Hassan, et s’amusant du second d’un « Tu t’inquiètes seulement parce que c’est ce que font les vieilles personnes. » dont transparaissait le besoin de noyer le poisson, et auquel le brun avait répondu « Disons cela. » en pouffant, le nez dans sa tasse de thé, Yasmine avait conservé le silence quelques instants avant de rebondir sur la confession d’Hassan. Ce n’était pas la première fois qu’il le disait, et il espérait par ailleurs qu’elle n’avait pas besoin de l’entendre une fois supplémentaire pour le savoir, mais ce soir-là particulièrement lui rappeler qu’il était fier d’elle lui semblait important – essentiel, même. « Le manque d’objectivité, ça vient avec l’âge aussi, ou c’est juste parce que tu crains que je change d’avis que tu me le dis maintenant ? » Les doigts serrant ceux de la jeune femme après qu’elle soit venue attraper sa main dans la pénombre, sa tête avait dodeliné légèrement « Si j’avais eu peur que tu changes d’avis, j’aurais attendu que tu aies enregistré tes bagages demain et qu’il soit trop tard pour reculer. » Mais elle savait, il savait, et tout ce qui la faisait douter actuellement n'était dicté que par le stress de l'inconnu. Si le brun ne devait craindre qu'une chose, c'était que s'éloigner de Brisbane une fois donne à Yasmine le goût de vouloir le faire pour de bon. Pas forcément dès la première fois, pas forcément le Niger, mais ailleurs ; Qu'après avoir goûté au sentiment de liberté qui allait avec le voyage, Brisbane ne lui apparaisse plus que comme une cage dorée dont elle voudrait à tout prix s'extirper. Alors il faisait mine de plaisanter, bien sûr, mais il y avait dans sa plaisanterie un fond de vérité qu'il garderait précieusement pour lui, conscient de l'égoïsme de la chose et du fait que la brune n'avait pas besoin de le savoir. « Tu surestimes ma capacité à rester loin de vous, c’est presque touchant. » Le rire d'Hassan emboîtant le pas à celui de Yasmine, il avait répondu du même ton « Alors j'ai presque réussi mon coup. » et piqué un baiser sur sa joue avec tendresse. Il se revoyait une année en arrière, à peser durant des heures le pour et le contre de la proposition qui lui avait été faite d'enseigner un semestre à Téhéran, partagé entre le besoin quasi-viscéral de changer d'air et la culpabilité d'imposer ce nouveau chamboulement à ses proches, qui peinaient déjà à pardonner sa tentative de suicide quelques mois en arrière. Tout ne s'était pas passé comme prévu en Iran, il n'en était pas revenu plus avancé, mais malgré cela il ne regrettait pas – pas autant que les regrets qu'il aurait eu en n'y allant pas, du moins. « Je le sais. » avait en tout cas soufflé son amie lorsqu'il lui avait rappelé l'inquiétude légitime et le fait que sa décision n'en soit pas pour autant mauvaise. « Mais j’ai l’impression de vous trahir en choisissant de partir, et j’ai peur de manquer des trucs que je pourrais jamais vraiment rattraper sous le prétexte que j’ai besoin de voir autre chose. » Le pouce glissant machinalement sur le dos de la main de l'infirmière, il s'était autorisé un brin de malice « Si seulement on avait inventé un objet qui permette de communiquer les uns avec les autres même entre deux continents … Comment on pourrait appeler ça ? Un télé … phone ? Je pense qu'on tient un truc. » mais avait presque aussi vite retrouvé son sérieux, marquant une pause pour mieux chercher le regard de Yasmine dans la pénombre. « C'est quand la dernière fois que tu as fait passer tes besoins avant ceux des autres ? » Il lui avait laissé quelques secondes pour réfléchir à la réponse, mais en réalité il n'en avait pas besoin pour qu'elle comprenne où il voulait en venir. « Tu te rappelles ce qu'on s'était dit l'année dernière avant que je parte pour Téhéran ? Que je serais jamais plus loin qu'à un coup de fil ou un billet d'avion de vous. » Ça n'était pas moins vrai sous prétexte que la destination n'était pas la même, et les rôles inversés. « Si tu as un coup de blues tu pourras appeler à n'importe quelle heure, et peu importe quand tu voudras rentrer il y aura toujours quelqu'un pour t'attendre à l'aéroport. » Quelque part entre deux de ses mots, l'autre main d'Hassan avait abandonné sa tasse de thé pour aller recouvrir les doigts que Yasmine avait accroché aux siens, et le regard qu'ils avaient échangé s'était étiré durant de longues secondes. « L'autre option c'est de tout annuler, mais ça veut dire prendre le risque de te réveiller un jour, quand tu seras encore plus vieille et plus fripée que moi, en te disant que tu as laissé passer une opportunité unique … Je vais pas t'apprendre l'adage sur les remords et les regrets. » Il y en avait simplement un préférable à l'autre, et sous le sourire taquin s'étant frayé un chemin sur le visage du brun de cachait néanmoins un fond de vérité. Elle manquerait des choses ici en partant, elle manquerait des choses là-bas en restant – son problème n'avait aucune solution qui n'implique pas un sacrifice, et personne d'autre qu'elle ne pouvait décider quel était le moindre mal.
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| | | | (#)Lun 27 Fév - 18:32 | |
| Octobre 2017/ "C’est une stratégie plutôt maline. Très comédies romantiques des années 2000 si tu veux mon avis, mais c’est pas un reproche." lui fit-elle dans un très léger rire, serrant sa main dans la sienne en l’entendant rebondir sur ses propres accusations qui n’étaient en rien sérieuses. Hassan ne manquait pas d’objectivité, comme il ne manquait pas une occasion de lui faire savoir ce qu’il pensait d’elle et de sa capacité à abattre tout et n’importe quoi. A dire vrai, elle avait peu de personnes dans son entourage qui ne la croyaient pas capable, elle était la seule à s’imputer l’éventualité effrayante d’échouer. Elle ne savait pas tellement d’où ça lui venait, peut-être de la manière dont son frère avait été mis à l’amende suite à son coming out, étant trop consciente désormais du poids qui pesait sur ses épaules, sentant que la déception de ses parents pourraient être sans appel si elle venait à réitérer un affront pareil. Elle les avait contraints à apprendre à vivre avec l’idée qu’elle pouvait faire quelque chose de sa vie autre que d’élever des enfants, c’était à elle de leur prouver sur la durée qu’elle avait eu raison d’insister pour les faire adhérer à sa cause, alors emplie d’une énergie revendicatrice qu’elle n’avait pas retrouvée depuis. Plus le temps passait, plus elle se sentait investie d’une angoisse latente, celle qui lui faisait parfois regretter d’avoir été aussi audacieuse lorsqu’il avait été temps de faire le point sur son avenir.
Un avenir qu’elle n’avait jamais imaginé ailleurs qu’à Brisbane, Hassan pouvait en être rassuré. Si elle partait aujourd’hui, c’était parce que l’opportunité était bonne, et qu’elle en avait toujours eu envie, de mettre sa générosité au service d’une cause qui engageait la formation qu’elle avait suivi, de sortir de sa zone de confort aussi. Son besoin d’aider les autres, il avait toujours été réel, alors ça avait été naturel d’envisager cette fuite en avant sans pour autant, qu’encore une fois, elle ne ressente pas un peu d’angoisse à l’idée de le faire. Elle n’avait jamais beaucoup voyagé, elle était toujours restée dans un périmètre relativement proche de là où elle était née, quand bien même elle sentait que son coeur était ailleurs, que ses racines n’étaient pas vraiment ici, elle n’avait jamais tenté de creuser davantage pour mettre à nu les fondements de celle qu’elle était. Elle reviendrait à Brisbane, elle en était autant persuadée que pas encore partie, elle se languissait déjà de ceux qu’elle laisserait ici.
"Tu sais très bien que c’est pas un argument recevable pour maman." L’utilisation du téléphone n’était pas un gage de bonne foi dans le coeur de Fatima Khadji et sa fille le savait pour avoir argué souvent à ce propos en lui apprenant même qu’elle avait demandé à Sohan de lui apprendre à utiliser Skype. Là, elle lui avait fait savoir qu’elle pourrait même la voir par écrans interposés, ce qui avait eu le don de faire prendre à sa mère le genre de mine qui découlait d’un affront sévère qu’elle ne lui avait même pas fait. Les nouvelles technologies, d’accord, mais ça ne remplacerait jamais la chaleur d’une étreinte, ou la volonté d’un mère à engraisser sa fille qu’elle trouvait éternellement trop maigre. Yasmine le savait pour partager un peu cet avis avec elle — à propos des nouvelles technologies, pas de sa maigreur, s’entend ; les chiens ne font pas des chats, de toute évidence. Imitant Hassan en laissant son pouce tracer des arrondis réguliers sur le dos de sa main, sentant la chaleur de sa paume contre la sienne, la douceur du plaid dont elle les avait recouverte s’ajoutant à la sensation d’apaisement qu’elle ressentit en même temps, elle eut besoin de faire semblant de réfléchir pour répondre à sa question suivante ; et puis elle lâcha l’affaire, tourna son minois dans sa direction pour lui dire enfin, résignée face à sa propre incapacité "Je suis infirmière, Hassan." Le H de son prénom qu’elle prononça à l’arabe s’accentua pour mettre l’évidence sur son agacement relatif à propos d’elle-même, pas à propos de lui ça allait s’en dire "J’ai pas le temps de penser à autre chose qu’aux autres, et tu le sais." Elle pouvait faire preuve d’un peu de mauvaise foi de temps en temps Yasmine. Mais c’était toujours adorable parce qu’elle ne tenait jamais longtemps, trop facile à vivre pour camper sur une volonté, même factice, d’obtenir le dernier mot "Je sais pas faire ça, me faire passer avant les autres. Tu sais comment j’ai été élevée. On m’a pas appris à trouver ça convenable d’être égoïste, et j’ai plutôt de la chance, ce qui n’est pas le cas d’une majorité de personnes." Et puis elle était une gentille fille, elle le serait toujours, et elle avait assimilé la leçon à propos du don de soi tellement bien qu’elle en avait fait la base de son bon caractère. D’aucun dirait qu’elle était trop vieille désormais pour changer. Elle s’autorisa un léger soupir, sa tête se penchant sur le côté pour capter le regard d’Hassan "J’ai peur que ça me fasse de la peine de vous parler d’aussi loin. J’ai peur que ça en fasse à mes parents aussi, maman m’a dit que j’étais la seule enfant qu’il leur restait encore, ça fait peser quelque chose que j’aime pas sur mes épaules." admit-elle tristement, comprenant où Hassan voulait en venir exactement "J’aimerais tellement que ça s’arrange avec Sohan. J’ai la sensation que ça pourrait être la bonne occasion, que je sois pas dans le tableau pendant quelques temps. Ça leur fera peut-être réaliser à quel point c’est idiot toute cette histoire." finit-elle par souffler sans vraiment le vouloir, s’accrochant à la main d’Hassan avec une volonté douce, ses lèvres se pinçant comme elle repoussait sa pensée à ce sujet, préférant s’en référer à la sagesse de celui qui lui tenait la main, la sienne qui était libre venant harponner sa tasse de thé dont elle prit une courte gorgée pour se remettre les idées à l’endroit. Elle l’avala vite juste pour lui lancer "Je serai jamais plus fripée que toi." Une rebuffade facile qui n’était là que pour repousser ce qu’elle lui dit juste ensuite, prête à lui dire qu’il avait réussi à marquer son point "T’es doué. C’est bien ma veine que tu le sois, je peux plus faire marche-arrière après un pep-talk comme ça, j’aurais trop peur de te décevoir — je plaisante, t’es encore celui qui fait peser le moins de choses sur mes épaules, heureusement que t’es là." lui dit-elle en s’approchant de lui d’un petit bond sur la marche sur laquelle elle était assise. Elle lui lâcha la main d’abord, posant sa tasse ensuite pour mieux l’envelopper dans le plaid qu’elle portait sur ses épaules, son bras se posant sur les siennes comme elle ajoutait presque solennellement "Tu garderas un oeil sur eux, hm ?" Elle savait qu’au fond la question n’avait pas besoin d’être posée, mais la parole d’Hassan était d’or, et elle sentait que l’entendre verbaliser l’évidence l’aiderait à prendre son vol du lendemain avec davantage de sérénité.
@Hassan Jaafari |
| | | | (#)Mar 25 Avr - 20:21 | |
| But do you remember ? Remember when I pulled up and said "Get in the car" and then canceled my plans, just in case you'd call ? Back when I was livin' for the hope of it all, for the hope of it all. ☆☆Fatima avait horreur du changement. Et on ne pouvait pas véritablement lui en vouloir, quand le changement en question consistait à renoncer, pour quelques mois au moins, au fait d’avoir près d’elle sa petite dernière, dont on savait bien que le cordon était toujours plus difficile à couper que pour le reste, en dépit de la situation particulière ayant déjà éloigné l’aîné des enfants Khadji de leurs parents. Il avait déjà fallu pour Amjad et Fatima Khadji accepter l’idée que leur fille quitte le nid pour s’installer dans son propre appartement, un déchirement uniquement acceptable parce qu’il se situait dans l’ordre des choses et qu’ils savaient tous les deux, au fond, que l’on ne faisait pas des enfants pour les garder sous son aile toute leur vie. Mais cette fois-ci, il leur fallait se faire à l’idée que leur fille quittait non pas la ville, non pas l'état, mais bien le continent – en donnant au passage toute sa valeur à l’expression “partir à l’autre bout du monde”. Et la vérité, c’est que peu importe quelle aurait été la réaction de ses parents Yasmine se serait sans doute rongé les sangs de la même manière qu’elle était déjà en train de le faire : parce qu’il n’y avait rien qu’elle fasse aussi bien que de s’en faire pour la terre entière, même lorsque venait le temps de ne s’en faire que pour elle-même. « Je suis infirmière, Hassan. J’ai pas le temps de penser à autre chose qu’aux autres, et tu le sais. » L’expression sur le visage du brun n’avait pas eu besoin de s’accompagner du moindre commentaire, le regard se chargeant de lui faire remarquer qu’elle exagérait mais avec cette tendresse qu’il ne réservait qu’à elle. « Je sais pas faire ça, me faire passer avant les autres. Tu sais comment j’ai été élevée. On m’a pas appris à trouver ça convenable d’être égoïste, et j’ai plutôt de la chance, ce qui n’est pas le cas d’une majorité de personnes. » avait-elle néanmoins repris, le ton cette fois-ci plus sérieux, et un léger soupir échappant au brun devant ce déluge d’excuses qu’il estimait plus ou moins valables, il avait argué « Et ça va faire trente ans que tu mesures ta chance et que tu fais attention à ne brusquer personne … Tu penses pas que ça mérite le droit de faire quelque chose pour toi, pour une fois ? Et pas parce que c’est égoïste, mais parce que personne ne pourra le faire à ta place. » en tâchant de trouver l’équilibre entre ses propres certitudes et la volonté de ne pas prendre son amie à rebrousse-poil. Qu’on ne s’y trompe pas, il n’était pas en train de dire que ses hésitations n’avaient pas lieu d’être, et que ses questionnements n’étaient pas légitimes. Ils coulaient de source, et étaient probablement sains d’une certaine façon … Mais une aventure n’en était pas vraiment une si l’on s’y plongeait sans la moindre appréhension, et la vérité c’est que celles de Yasmine semblaient aussi (trop) parasitées par celles de ses parents, comme en témoignait l’aveu fait après un bref soupir « J’ai peur que ça me fasse de la peine de vous parler d’aussi loin. J’ai peur que ça en fasse à mes parents aussi, maman m’a dit que j’étais la seule enfant qu’il leur restait encore, ça fait peser quelque chose que j’aime pas sur mes épaules. » A nouveau les sourcils du brun s’étaient froncés, la désapprobation se lisant sans peine sur son visage, et son instinct toujours prompt à prendre le parti de Sohan plutôt que l’inverse malgré la brouille qui les tenaient pour le moment éloignés. « J’aimerais tellement que ça s’arrange avec Sohan. J’ai la sensation que ça pourrait être la bonne occasion, que je sois pas dans le tableau pendant quelques temps. Ça leur fera peut-être réaliser à quel point c’est idiot toute cette histoire. » Peut-être … Mais s’il était parfaitement honnête avec lui-même, Hassan n’y croyait pas vraiment, raison pour laquelle il s’était contenté d’acquiescer sans ajouter d’eau au moulin. La main qui ne s’accrochait pas à celle de Yasmine lui servant à porter à ses lèvres sa tasse de thé, il avait fait remarquer « Ta mère oublie un peu que ton père et elle ont traversé la moitié de la planète en sens inverse avant même d’avoir votre âge, à ton frère ou toi. » avant d’en boire une gorgée. Oui bien était-ce justement d’en avoir conscience, qui faisait tant craindre à Fatima le fait que sa fille décide de ne pas revenir ? « Et tu sais que j’ai le même respect pour tes parents que si c’était les miens, mais ils ne disent pas que des choses justes. C’est pas à toi de prendre le blâme pour les erreurs qu’ils commettent avec ton frère. » Mais elle le savait probablement déjà, pas vrai ? Autant que le fait qu’on ne se sentait jamais aussi adulte que le jour où l’on réalisait que ses propres parents n’étaient pas immunisé aux erreurs et aux mauvaises décisions, et n’étaient que des humains avec autant de défauts que de qualités une fois descendus du piédestal de la parentalité. Désireux d’alléger l’atmosphère et le désarroi qui semblait peser sur les épaules de la brune, il s’était replié sur une parade à propos de leurs âges respectifs comme on lançait un vieux disque dont ils connaîtraient les paroles sur le bout des doigts, Yasmine saisissant la perche d’un « Je serai jamais plus fripée que toi. » à la fluidité égale. « T’es doué. C’est bien ma veine que tu le sois, je peux plus faire marche-arrière après un pep-talk comme ça, j’aurais trop peur de te décevoir — je plaisante, t’es encore celui qui fait peser le moins de choses sur mes épaules, heureusement que t’es là. » Leurs doigts se séparant un moment, il en avait profité pour terminer son thé et déposer sa tasse vide sur la marche en-dessous celle sur laquelle ils étaient installés, laissant la jeune femme l’inviter à l’intérieur de son plaid et penchant la tête pour poser sa joue barbue contre son épaule. « Tu garderas un œil sur eux, hm ? » – « Les deux même. On m’appellera le hibou. » Qui garderait un œil sur elle, en revanche ? Il se posait autant la question qu’eux, c’était une certitude, mais en préférant la garder pour lui afin de ne pas ajouter une culpabilité aussi inutile que supplémentaire à l’infirmière. « Oh, au fait. » Se redressant avec l’air de s’être soudainement souvenu de quelque chose, il s’était tortillé pour récupérer le petit sachet en kraft glissé dans sa poche avant de partir de chez lui. « Pour que t’oublies pas qui est ma Khadji préférée. » Oh, ce n’était qu’une babiole au fond, juste un pin’s en fleur de jasmin dont la valeur ne serait que sentimentale, mais il avait pensé à elle en posant les yeux dessus et c’était bien tout ce qui importait dans l’intention qu’il souhaitait y mettre. « Comme je sais que les bagues et les bracelets c’est compliqué avec ton boulot, je me suis dit que ça au moins tu pourrais le glisser quelque part. » Et penser un peu à lui depuis l’autre bout de la planète lorsqu’elle poserait un œil dessus, peut-être.
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| | | | (#)Mar 6 Juin - 6:52 | |
| Octobre 2017/ Il marquait un point Hassan, bien sûr qu’il marquait un point. Yasmine n’eut pas la force de soupirer ou d’objecter à ce qui lui dit sur l’instant, ne pouvant ignorer qu’il avait raison et qu’à moins de vouloir à tout prix se déclencher un ulcère à l’estomac tant elle se faisait du mouron pour tout et tout le monde, il faudrait à un moment de sa vie qu’elle s’obstine à penser un peu à elle, à vivre un peu pour elle. Le temps était venu, c’était une opportunité en or, ils étaient tous les deux assez intelligents pour le savoir, et à cause de ça, elle ne se risqua pas à argumenter avec des mais pour défendre cette nature qui était la sienne, qui était tout à son honneur évidemment, mais qui ne lui rendait pas service sur la durée tant elle devenait une boule d’angoisse faite de petits regrets et de craintes que la mini Yasmine Khadji qu’elle était encore il n’y avait pas encore si longtemps que ça aurait eu bien de la peine à comprendre.
Où était l’enfant casse-cou, mais douce, qu’elle avait toujours été ? La question se valait. C’était ça que ça faisait de grandir. Il ne fallait pas avoir une conversation trop poussée avec elle pour comprendre qu’elle regrettait la gamine qu’elle avait été dans le passé ; bienveillante et obéissante c’était une évidence, mais pleine d’une soif de découvrir et d’explorer qui l’avait rendue fière propriétaire de plusieurs cicatrices qu’elle incombait à sa volonté farouche de suivre ses aînés à qui tout été quasiment autorisé tandis qu’elle, on la surprotégeait, trésor inestimable d’un clan réduit dont la pérennité reposait en grande partie sur ses épaules. Aujourd’hui, elle était frileuse et craintive, mille questions lui traversant l’esprit à la seconde, et ça elle ne savait pas à quoi l’incomber vraiment si ce n’était à la bousculade de ses certitudes lorsque Sohan avait fait son coming out et que leurs parents s’étaient braqués. Elle avait eu l’impression de les rencontrer pour la première fois, les trouvant fermés et intolérants, elle qui les avaient toujours trouvés en avance sur la manière d’envisager le monde tout en restant pieux et attachés à leurs traditions. La déception avait été telle qu’à l’aube d’un départ de plusieurs mois, elle en discutait encore en se basant sur les paroles malheureuses d’une mère qui ne mesurait sans doute pas toujours l’impact de ses mots sur ceux sur qui elle les faisait pleuvoir. Heureusement qu’elle avait sa soupape personnelle Yasmine, Hassan se chargeant sans rechigner de dépressuriser un peu les choses en remettant les choses dans le bon ordre et en lui rappelant la propre histoire de sa famille "Mais c’était pas les mêmes circonstances. Je crois que dans son esprit, tant que c’est pas une question de vie ou de mort, pourquoi s’en aller ?" Elle trouvait toujours des excuses et des circonstances atténuantes à ses parents, c’était un peu triste en vérité. C’était comme si elle avait été formatée, trop respectueuse du temps et de l’énergie qu’ils lui avaient accordés pour trouver ça juste de les descendre en flèche une fois qu’ils avaient le dos tournés — elle ne le faisait jamais, même si elle aimait s’amuser de leurs défauts. Ça aussi, c’était tout à son honneur, mais c’était sain de dire du mal de ses parents parfois, ça faisait partie du jeu, et même si elle ne dit rien de plus qu’un "Je sais que t’as raison." à Hassan lorsqu’il mit l’exergue sur le caractère injustes des paroles de ses parents à des moments donnés, elle n’eut pas le courage de lui dire que c’était plus fort qu’elle de se sentir responsable de leur fierté.
Le départ était demain matin, elle aurait encore toute la nuit pour ruminer. S’en voulant un peu de ruiner ses derniers instants avec Hassan en lui faisant part de sa mélancolie à ces sujets, elle se somma de laisser un peu de légèreté s’insinuer dans leur dialogue, saisissant la perche tendue pas le jeune homme de bon gré, l’invitant ensuite dans son plaid pour profiter un peu de sa chaleur et du sentiment qu’elle ressentait toujours lorsqu’elle était à ses côtés. Il prendrait soin de ses parents comme ils avaient pris soin de lui, il prendrait soin de Sohan quand il se déciderait enfin à le faire de nouveau entrer dans sa vie, et de ça aussi elle aurait aimé lui parler, lui faire promettre de faire quelque chose à ce sujet et de profiter de son absence pour crever l’abcès, sauf qu’elle se laissa surprendre par le mouvement qu’il fit en interjetant avec surprise pour dénicher quelque chose dans sa poche ; chose qu’il lui tendit et qui lui fit froncer les sourcils avec méfiance pendant qu’elle lui disait en même temps "J’avais dit pas de cadeau avant mon départ." Ou peut-être l’avait-elle seulement pensé. Dans tous les cas, trop pressée pour faire plus longtemps sa mijaurée et refuser la cadeau qu’il lui faisait, elle défit précautionneusement le rabat du minuscule papier kraft qu’elle tenait entre les doigts et en sortit un pins en fleur de jasmin qu’elle observa d’un oeil brillant, un léger wouah sortant de ses lèvres entrouvertes, éternelle petite-fille s’émerveillant devant la simplicité des choses qui devant ses yeux avait le même effet que l’extraordinaire "Je suis jalouse de ce talent que tu as pour faire les meilleurs cadeaux." Elle n’exagérait même pas. Il avait ce talent pour faire mouche à chaque fois, sa talent pour chiner n’étant plus à prouver. N’attendant pas une seconde de plus pour clipser le pins au revers de la chemise qu’elle portait sur le dos, elle se tourna de trois-quart vers Hassan, dégageant ses longs cheveux du côté de sa poitrine où elle avait fixé son pins, et lui demanda "Ça rend bien ?" Le redressant fièrement du bout des doigts pour qu’il le voit bien, elle attendit sa réponse. Et puis elle finit par se pencher sur lui de façon à ce que leurs visages se retrouvent proches et que son nez vienne tomber dans l’écart séparant le nez de la bouche d’Hassan au point que le temps d’un instant, sentant sa gorge se nouer à ce simple contact, et ses yeux se remplirent de larmes, elle se demanda si ça serait vraiment inconvenant de faire ce qu’ils avaient déjà fait à quelques occasions déjà ; partager un baiser innocent, de ceux qu’elle chérirait comme l’expression sincère d’un amour qu’elle lui portait sans discontinuer depuis qu’elle était enfant et qui était gorgé de temps de choses à la fois qu’elle s’en retrouvait perdue certaine fois "Merci beaucoup. Je l’adore. Je vais le porter tout le temps." lui souffla-t-elle en arabe. Mais elle n’osa rien faire d’autre cette fois, se contenant d’ajouter en posant une main sur sa joue, le bout de ses doigts fourrageant doucement dans l’épaisseur de sa barbe, ses yeux se fermant en gardant cette position quand elle reprit en anglais "Si t’essayes de me faire pleurer, t’es à ça de d’y arriver." Le ça se résumant à un murmure qu’elle laissa planer entre leurs lèvres le temps de quelques secondes encore.
@Hassan Jaafari |
| | | | | | | | (yassan) back when i was livin’ for the hope of it all |
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