"Il s'est pas envolé par la fenêtre ?" fut la première chose qu’Amy lui demanda lorsque Corey revînt dans son bureau. Il lui fit non d’un air désolé. A côté tout se passe bien pour le moment. Le rapace est calme, toujours posé sur son perchoir et il y a peu de chance pour qu’il en bouge. Mais la situation sera réglée sous peu. Son ami va arriver d’ici quelques dizaines de minutes et s’occupera de récupérer l’animal pour le ramener dans son habitat naturel. Se souciant de sa collègue, il lui demande comment elle se sent. Les phobies ce n’est jamais simple à gérer au quotidien mais alors en plus quand ça concerne un animal qu’on peut croiser tous les jours…Enfin quoiqu’on tombe moins souvent sur un oiseau qu’une araignée. "J'me sens ... inutile. Parce que je sais que si j'retourne là-bas alors qu'il est encore là, j'arriverais pas à me concentrer sur mes appels."Corey n’avait jamais douté du professionnalisme d’Amy et elle lui donnait encore la preuve qu’il avait bien raison de lui faire confiance. C’était rassurant aussi, Amy vivait plutôt bien la situation, il préférait ça. « Si ce n’est que ça. » dit-il en s’approchant de son poste. « On va échanger nos bureaux le temps que l’oiseau sera là. Tu répondras d’ici et de mon côté je me servirai de ton ordinateur… si ça ne t’embêtes pas. » Qu’elle se rassure, il ne comptait pas aller fouiller dedans. Il trafiqua quelques instants son propre ordinateur, le temps de transférer sur clé usb les quelques fichiers sur lesquels il avait originellement prévu de travailler cette après-midi là. Même s’il doutait de vraiment avoir le temps de faire ce qu’il voulait. Quand serait venu l’heure de la capture de l’animal, les choses seraient peut-être plus mouvementées. Il ne savait pas comment son ami allait s’en occuper, mais il était évident qu’il était hors de question qu’il coure avec un filet après l’oiseau entre les postes. Là ça dérangerait vraiment tout le monde. Il récupéra sa clé usb. « Je te laisse activer les appels. » Le poste de Corey était équipé comme celui de tout le monde, même s’il s’en servait moins souvent pour répondre aux appels d’urgence. Il le faisait en cas de nécessité ou durant ses permanences. Amy saurait parfaitement le gérer. « Je te préviendrais quand la situation sera revenue à la normale. Mais il faut voir le bon côté des choses, tu auras une anecdote amusante à raconter à Abby ce soir. » Au moins la routine habituelle était rompue et ce n’était pas du à un appel plus catastrophique que les autres. En soit c’était déjà un très bon point. « Au fait tu as un mot de passe ? » Au fonds Corey était plutôt content d’échanger sa place avec Amy. Cela lui permettrait de gérer la situation en avançant son travail. Mais surtout il pourrait examiner à la dérobée, ou pas, le superbe animal qui s’était posé au dessus d’une des armoires. Il était près de sortir, lorsqu’il se retourna vers Amy. « Dis tu sais d’où te viens cette phobie ? » Il ne voulait pas paraître indiscret et il savait que certaines phobies ne s’expliquaient pas, elles étaient là et c’était tout. Mais lui aimait tellement les oiseaux, que ça l’intriguait un peu quand même.

Amy semble partante pour l’échange de bureau, ainsi les choses vont pouvoir revenir à la normale. Ou presque. En tout cas cette histoire d’oiseaux sera bientôt terminée. Corey regrette un peu que cette intrusion se soit déroulée sur son lieu de travail. S’il avait pu rencontrer cet animal lors d’une de ses sorties en forêts, c’eut été parfait. Mais ici, il ne pouvait se permettre de trop digresser et de rester baba devant l’oiseau. L’avantage de travailler dans l’open space, c’est qu’il pourrait y jeter quelques coups d’œil et profiter quand même. Alors qu’il récupère diverses informations sur son ordi. Amy lui dit qu’Aby est trop petite pour comprendre cette histoire. Corey réalise aussi qu’il s’est peut-être montré un peu indélicat. Pour lui cet évènement est anecdotique et amusant, mais pas pour Amy. « Excuse moi je ne me moquais pas de toi. Je m’y connais pas en enfant et je t’avoue que je n’ai pas la moindre idée d’à quel âge ils sont prêts à quoi. »  Il en apprendrait sûrement un peu plus dans les mois à venir avec la grossesse de sa meilleure amie.

Lorsqu’Amy lui rappela qu’ils n’étaient pas censés donné les mots de passes, il fut à deux doigts de se frapper le front. « C’est vrai. J’avais oublié. Cette histoire me distrait beaucoup trop. » C’était évident pourtant, une pure question de confidentialité. Ils géraient des données personnelles de centaines de personnes au quotidien. Même s’il y avait une bonne ambiance et une relative confiance entre les membres de l’équipe, ce n’était pas une raison d’aller à l’encontre des règles. Elles étaient là pour une bonne raison et ce n’était pas dans la nature de Corey de ne pas suivre les règles établies. « Tu as raison, ce sera plus simple de redémarrer les sessions. » Aussitôt dit, aussitôt fait, il éteignit la sienne. Ce qui n’était pas plus mal, son fond d’écran représentant … des oiseaux. « Voilà la place est libre. » Il s’éloigne de l’ordinateur et s’apprête à laisser Amy s’installer en paix quand finalement il lui demande si elle sait d’où lui vient sa phobie. Il ne veut pas être indiscret et pourtant il l’est. Ce n’est pas bien, il le sait mais n’a pas pu empêcher les mots de sortir de sa bouche. Une phobie pour elle, une passion pour lui. Aucun des deux n’a besoin d’être expliqué. D’autant plus qu’elle est sa collègue et qu’il n’a pas à lui demander des informations privées. Il s’en veut d’autant plus quand elle évoque son père. Visiblement un sujet compliqué et très personnel. Il va falloir que Corey se recentre et canalise l’euphorie qui l’envahit depuis que l’Autour Rouge a traversé leur vitre. D’autant plus qu’il a tout une équipe qui continue de travailler dans la pièce d’à côté. « Les cygnes ne sont pas les plus agréables des animaux. » Même s’ils sont très beaux. Corey se sent le devoir de s’expliquer un peu. Entre les mots de passes et la demande d’explication, il juge être allé au-delà de ce qu’il était censé dire avec Amy. « Je ne voulais pas me montrer intrusif. Mais dès qu’il s’agit d’oiseaux, je suis ton exact opposé. C’est une vraie passion en fait. Et les Autour se font de plus en plus rare. Je n’ai pas vraiment d’excuse alors je vais te laisser travailler. Je viendrais te prévenir quand l’oiseau aura été évacué. »