Mila quitte les locaux du Walker Group avec plusieurs dossiers sous le bras. Ses talons résonnent dans le parking souterrain alors qu’elle rejoint sa voiture. Aujourd’hui, à la demande de Channing, elle se rend chez ce dernier pour avancer sur plusieurs projets. Depuis son accident, elle ne l’a pas revu, et appréhende ce moment. Elle aurait pu aller le voir à l’hôpital, sans doute, Elijah le lui avait proposé, mais elle a préféré éviter. Elle avait trouvé mille excuses pour ne pas se retrouver nez à nez avec toute la famille Walker, ou encore cette fameuse Gabrielle qui jouait chien de garde. Alors leurs contacts n’ont été que téléphoniques ces dernières semaines. Et même si leur fréquence augmente, ils sont toujours sporadiques, la jeune femme travaillant majoritairement avec Elijah depuis la fin du mois de juin et depuis que ce dernier s’est retrouvé propulsé au poste de directeur par intérim.
Mila anticipe les retrouvailles avec Channing, alors qu’elle a toujours aimé le voir, au boulot ou en dehors, et travailler avec lui. Mais en réalité, elle ne sait pas du tout dans quel état elle va le retrouver. Elle n’a aucune idée de ce à quoi elle doit s’attendre. Chan a-t-il encore des blessures apparentes ? Se déplace-t-il en fauteuil roulant ou utilise-t-il des béquilles ? C’est avec appréhension qu’elle sonne à la porte après s’être garée devant la villa du Walker. Elle se mordille la lèvre inférieure, frissonnant dans sa robe fourreau bleu marine, resserrant un peu plus les dossiers contre elle. Elle laisse son esprit vagabonder le temps que Channing lui ouvre la porte, ne pouvant s’empêcher de se demander s’il l’a fait venir parce que le contact par téléphone était insuffisant pour ces projets en particulier, ou s’il souhaite la voir pour une autre raison. En réalité, elle ne comprend pas réellement la demande soudaine de l’héritier, ne voyant rien qui ne pouvait être traité à distance, ou par Elijah. Mais quand le patron appelle, on s’exécute, et le voilà finalement qui vient ouvrir la porte d’entrée.
Les lèvres de Mila s’entrouvent sous le coup de la surprise. Ce n’est pas la béquille qui l’étonne, c’est sa mauvaise mine, son visage pâle, ses yeux cernés. Ses vêtements ne semblent plus adaptés à sa carrure actuelle, celle d’un homme qui n’a sans doute pas fait de sport depuis plusieurs semaines. Channing n’esquisse qu’un ou deux pas pour la laisser entrer, mais elle peut lire sur ses traits la douleur provoquée par ces quelques mouvements qui paraitraient à tous ridicules. Le cœur au bord des lèvres, la brunette tente d’inspirer calmement, alors qu’elle ferme les yeux un bref instant. C’est trop pour elle, c’est plus que ce qu’elle peut et ce qu’elle veut supporter. Mila n’est pas une gentille, Mila n’est pas compatissante, Mila n’est pas altruiste. Mila n’aide pas les autres à supporter les épreuves. Non, Mila agit comme si de rien n’était, et c’est exactement ce qu’elle va faire aujourd’hui. Alors, lorsqu’elle rouvre les yeux, elle esquisse un sourire qui réchauffe un peu son visage, même si elle doit être presque aussi pâle que son boss à cet instant.

« Bonjour, Monsieur Walker. »

Tout va se dérouler normalement, comme si aujourd’hui était un jour comme les autres, comme si Chan n’était pas blessé. Alors Mila décide de se comporter de manière habituelle, et elle bat des cils en employant un ton séducteur. Elle pénètre finalement dans la villa et précède Channing au salon, sans se soucier de la lenteur avec laquelle il peut se déplacer. En attendant qu’il arrive, elle se dirige vers la cuisine dont elle connait la plupart des placards et leur prépare deux cafés. Quelques instants plus tard, elle pose les tasses sur la table basse, à côté des dossiers du groupe, et s’installe face au Walker. Un sourire charmeur illumine son visage.

« Tu m’as fait venir ici parce que je te manquais trop ? »

Elle se retient de rire, tente de dissimuler son air mutin en buvant une gorgée de café.

Mila est presque certaine que cette visite est une erreur. Elle n’a pas envie de voir Chan diminué, n’a pas envie d’être mise face à ses blessures. Lorsqu’ils se téléphonent, elle peut occulter tout l’accident, imaginer qu’il est simplement en télétravail, ou qu’il se remet encore d’une méchante grippe. Là, elle va devoir affronter les conséquences d’une balade à moto qui avait très mal tourné. Et puis, il y avait Elijah. La brunette vivait chez lui depuis l’accident, et les choses avaient dérapés à plusieurs reprises. Il était son boss par intérim, et ils passaient beaucoup trop de temps à faire des galipettes (parfois, en parlant boulot, histoire d’être efficaces).
Elle n’a pas envie d’être là. Et cette impression se concrétise quand Channing lui ouvre la porte. Il est toujours beau, indéniablement. Mais avec sa béquille, son dos légèrement voûté, son visage pâle, ses traits tirés, il dégage moins de charisme qu’il y a quelques semaines. Le choc est certain, et la brunette doit déployer tous les efforts du monde pour prétendre ne rien voir, ne rien remarquer, et que la situation est normale et habituelle. Alors, installés dans le salon, elle le taquine en prenant son air charmeur, bien décidée à agir comme d’ordinaire. Et si Chan ne semble pas être au top de sa forme, il rentre pourtant dans son jeu.

« Et tu es venue pour respecter la dernière volonté d’un vieil homme mourant ? »

Le silence s’installe quelques instants, alors que Mila dévisage son patron, interdite : elle ne s’attendait pas à une telle réponse, et à autant d’humour sur sa situation. Elle éclate finalement de rire, et rattrape la balle au bond.

« Je suis sûre qu’on peut trouver mieux comme dernière volonté, et je suis certaine d’avoir plein d’idées qui devraient te plaire. »

Elle hausse les sourcils et lui lance un regard charmeur, alors qu’un sourire amusé illumine son visage.

« Les journées sont longues à la maison de retraite. »

Sans se départir de son sourire, la jeune femme esquisse une petite moue.

« Tu sors au moins ? Tu fais des trucs ? »

Elle secoue la tête en regardant autour d’elle.

« Si tu ne t’occupes pas un peu, tu vas réellement finir par mourir d’ennui, enfermé dans ta villa luxueuse. »

Et si elle était une distraction intéressante, elle n’était pas sa copine, et elle n’était pas vouée à revenir tous les jours. S’il avait du mal à marcher, il pouvait se faire conduire dans plein d’endroits : dîner dans un bon restaurant, aller voir un film au cinéma, aller faire une balade en bateau … Il pouvait encore faire plein de choses, elle en était convaincue. A lui de se saisir des opportunités.

« Ca avance, la rééducation ? Tu reviens quand au bureau ? »

Parce que retrouver sa vie d’avant, c’était sans aucun doute ce qui lui ferait le plus grand bien. Mila observe le classeur ouvert par Channing et lui en sort un autre qu’elle ouvre sur la table basse, un complément du projet immobilier que le Walker a sous les yeux. Elle s’apprête à se plonger dans le boulot, y a déjà la tête, lorsque Channing l’interroge.

« Elijah ne se plaint pas trop ? »

Les sourcils de la brunette se froncent, signe de son incompréhension.

« De quoi ? »

De l’assistante merveilleuse qu’il avait gagnée ? De toutes leurs galipettes chez lui ou dans les locaux du Walker Group ? Ses joues rosissent légèrement alors qu’elle baisse les yeux vers le classeur, tentant de reporter son attention sur les plans du centre commercial qu’elle étale sur la table.

« Je suis tout ouïe pour les derniers bruits de couloirs. »

Mila s’étouffe avec sa gorgée de café, alors qu’elle avait attrapé sa tasse pour s’occuper les mains et essayer de se donner une contenance. Chan ne lui avait jamais posé une telle question. Il n’était pas une adolescente de quinze ans en manque de potins. Les ragots ne l’intéressaient pas, habituellement. Et puis, si bruits de couloirs il doit y avoir, ils doivent certainement concernés Elijah et elle. Mais la brunette était maline, et elle pouvait toujours tenter d’incriminer quelqu’un d’autre, de préférence quelqu’un qu’elle n’appréciait pas.

« Hum, je crois que Fanny est enceinte, ou alors elle se lâche carrément sur les gâteaux en ce moment, et ce ne sont pas ses pulls trop larges qui vont la sauver. »

Elle se sent un peu plus à l’aise, en crachant son venin sur les autres, car nuire à autrui est un de ses passe-temps préféré. Alors elle lève la main et commence à compter sur ses doigts.

« Solène va certainement démissionner, je l’ai vu déjeuner avec un cadre du cabinet d’architecture Polsen, et tu visualises Solène, ce n’est certainement pas parce qu’elle a une liaison avec un lui. »

Oui, elle était méchante : c’était Mila.

« Sofia aide ton frère sur le projet du centre commercial à Bayside, et elle bave toujours devant lui, c’est assez incroyable. »

C’est bon, elle a répondu à la question et noyé le poisson ? Si la jeune femme est plutôt à l’aise quand il s’agit de dénigrer autrui, elle sent le regard pénétrant de Channing sur elle et aimerait pouvoir s’éclipser, maintenant, à défaut de travailler.

Ce serait un euphémisme de signaler à quel point Channing n’est pas au meilleur de sa forme. Il va mal, c’est évident, et si Mila s’attendait à le voir diminué, elle ne s’attendait pas à ce que son corps porte autant les stigmates d’un accident s’étant déroulé il y a plusieurs semaines. Pourtant, son visage est creusé, ses traits sont fatigués, et ses vêtements flottent autour du lui, comme s’il avait perdu la musculature acquise avec les arts martiaux. Alors, à sa manière, plus ou moins subtilement, Mila s’inquiète de savoir s’il quitte au moins un peu sa somptueuse villa, pour s’aérer l’esprit et faire travailler ses muscles. Rien qu’au regard que Channing porte sur elle lorsqu’elle a terminé sa question, elle sent déjà qu’elle ne va pas apprécier la réponse qui se profile à l’horizon.

« J’ai retrouvé mes vingt ans et je sors en boîte tous les soirs, ouais. »

Mila penche la tête sur le côté, haussant les sourcils, les lèvres légèrement pincées, réprimant un sourire : elle n’aime pas ce ton sarcastique et condescendant qu’il adopte avec elle, mais apprécie qu’il tente de faire de l’humour en cet instant précis, malgré sa situation. Elle n’arrive à garder son air fâché bien longtemps et éclate de rire. Un sourire flotte sur ses lèvres jusqu’à ce que Channing redevienne plus sérieux.

« Non, Mila. Je ne suis pas d’humeur à sortir d’ici, et à peine en état de me traîner sur la plage en bas. »

La brunette secoue la tête en laissant échapper un soupire : elle n’allait clairement pas le laisser ainsi, c’était mal la connaître. Mila n’était pas du genre à jouer l’infirmière à domicile, préparer les petits plats, changer les pansements, et faire la lecture au coin du feu. Mais Mila s’y connaissait en terme de distraction, et les révélations de Channing faisaient état d’une vie désespérément plate et ennuyeuse que la jeune femme ne saurait tolérer.
La brunette insiste, l’avertissant qu’il risque de finir par mourir d’ennui, une inquiétude que Channing balaie une nouvelle fois d’un revers de la main.

« J’ai le cœur solide. Si l’accident ne m’a pas achevé, ma maison n’y parviendra pas non plus. »

Elle grimace instantanément. Ce n’est pas elle qui a vécu cet accident horrible. Elle n’est pas un membre de la famille de Chan, qui a passé des heures et des heures éveillées à s’inquiéter pour lui. Elle n’est peut-être même pas une amie. Et pourtant, son coma l’a bouleversé. Elle aussi a eu peur qu’il ne s’en sorte pas. Elle aussi a souhaité du plus profond de son cœur qu’il se réveille. Et cet accident a aussi fait remonter à la surface des épreuves particulièrement récentes, celles du décès de son père, lors d’une balade à moto, seulement dix jours avant que Chan ne soit admis à l’hôpital. Alors repenser au fait que le Walker aussi aurait pu y rester la perturbe, et elle préfère changer de sujet et savoir quand son patron pourra revenir au bureau. Le silence qui s’étire entre eux fait comprendre la brunette que son retour ne sera pas pour demain, et que ce sujet de conversation, celui d’une guérison, n’est finalement pas meilleur que le précédent.

« Lentement. Bientôt j’espère, je ne peux pas te donner de date. »

La brunette déglutit difficilement et se contente de hocher la tête. Elle est déçue, et détourne le regard pour elle aussi feuilleter un dossier qu’elle connait pourtant par cœur. Elle ne sait pas réellement pourquoi Chan lui a demandé de venir, s’il souhaitait simplement tromper l’ennui, mais elle espérait que cette entrevue aurait pour but de préparer son retour au siège. Elle a même emmené l’agenda, prête à planifier les premiers rendez-vous, même si ceux-ci devraient être en nombre restreint au début. Le nez plongé dans le dossier ouvert sur ses genoux, elle espère que Channing n’arrivera pas à lire la déception sur son visage. Alors elle ne relève son regard bleuté, intriguée, que lorsque son boss évoque Elijah, le chef par intérim, le remplaçant de Chan pendant quelques temps.

« Ce n’est pas flagrant ? »

Cette fois-ci, malgré le fait que ses attentes n’aient pas été satisfaites par cette entrevue, la brunette esquisse un petit sourire. Elle penche légèrement la tête sur le côté, haussant un sourcil interrogateur.

« Suis-je ton espionne, Channing, chargée de te faire un rapport sur l’état d’esprit de ton propre frère ? »

Ce n’est pas comme si ça la dérangerait réellement, ni comme si elle était pourvue d’une morale qui l’empêcherait d’agir de la sorte. Cette situation l’amuse simplement. Elle ne sait pas vraiment si Channing s’inquiète pour l’entreprise et souhaite savoir si elle se trouve entre de bonnes mains, ou s’il s’inquiète pour son frère, obligé de gérer la société dont il n’avait sans doute jamais voulu prendre les rênes – puisqu’il était, selon tabloïds, parti à l’étranger très tôt pour ne revenir que récemment. Mila secoue la tête, son sourire amusé toujours fixé sur son visage.

« Si tu as une question, pose-la clairement. »

Et peut-être que j’y répondrai. Pour l’instant, elle se contente d’exposer les derniers potins du groupe, certaine que Channing l’écoute, malgré son nez plongé dans les classeurs qu’elle a apportés.

« A raison – concernant Sofia et Elijah, pas Solène qui va voir la concurrence. Rassure moi – il ne batifole pas avec tout le personnel quand même ? »

Mila s’étouffe avec la gorgée de café qu’elle était en train d’avaler. Elle a besoin d’un peu de temps avant de se redonner une contenance, alors que les interrogations trottent dans sa tête. Est-ce qu’il sait ? Est-ce que Channing est au courant qu’Elijah et Mila couchent ensemble ? Est-ce qu’il sait qu’ils vivent ensemble ? Elle n’a aucune idée de ce que l’aîné des Walker lui a révélé et estime ne pas être la mieux placée pour dévoiler des choses. Si Eli souhaitait que son frère soit au courant d’une chose sur sa vie privée, ce serait à lui de le lui annoncer, en raison de leur lien de parenté. Alors, à défaut de savoir ce dont Channing est informé, elle préfère ne pas aborder ce sujet.

« Non, pas tout le personnel, voyons ! »

Elle éclate de rire avant de reprendre d’un air qui se veut aussi sérieux que possible.

« Bon, ok, je demanderai à l’équipe d’entretien de mettre double dose de désinfectant sur ton bureau avant ton retour. »

Elle n’arrive cependant pas à garder son sérieux bien longtemps et la voilà à nouveau qui rit à sa propre remarque.
Finalement, avant que la bonne humeur de la pièce ne retombe, la brunette se penche vers Channing pour lui piquer le stylo qu’il tient entre ses doigts. Elle referme également le dossier qui est ouvert sur les genoux du Walker et pose le tout sur la table basse. Elle n’a pas envie qu’il travaille, pas maintenant. Elle a envie de s’amuser, comme souvent, et il en a certainement grand besoin, vu l’exposé désastreux qu’il lui a fait de ses journées.

« Tu bosseras quand je serai partie », explique-t-elle en esquissant un petit sourire angélique.

« Je peux te laisser les dossiers, je reviendrai les chercher demain ou après-demain, si tu veux. »

Elle a envie de balayer ses inquiétudes, d’effacer ses préoccupations professionnelles. Et elle annonce, de but en blanc.

« On part en vacances, toi et moi. Dans une semaine. Juste quelques jours. »

Elle lève le doigt, comme pour interrompre les protestations qu’elle est certaine d’entendre d’ici quelques secondes. Mila est bien déterminée à aller jusqu’au bout.

« On n’ira pas courir un marathon, juste changer un peu d’air. Tu en as grandement besoin. Ca ne perturbera en rien ta rééducation, promis. »

Elle se mordille la lèvre inférieure, avant qu’un sourire innocent ne vienne se dessiner sur ses traits fins. Mila se penche au-dessus de la table basse et son doigt trace un chemin invisible le long de la cuisse du Walker, remontant doucement.

« En parlant de rééducation, je crois que j’ai pas mal d’idées pour te faire faire de l’exercice. »

Et avant que Channing ne puisse esquisser le moindre mouvement, la voilà installée sur ses genoux, ses lèvres à quelques centimètres des siennes. Sa main gauche se pose sur le torse de Chan, au-dessus de son pull, tandis que la droite vient caresser sa joue, doucement, du bout des doigts. Elle sent son souffle chaud contre sa peau, et rêve de gommer le dernier espace qui les sépare pour poser sa bouche sur celle du Walker dans un baiser passionné.

Channing lui pose des questions sur le WG et la manière dont son frère se débrouille, la rendant suspicieuse.

« Je suis celui de nous deux qui a le patronyme d’un agent secret gravé dans la peau je te rappelle. »

A cela, le regard de la brunette se fait coquin, alors qu’elle se souvient parfaitement du tatouage de son patron, et des circonstances dans lesquelles elle a été amenées à le voir, à de nombreuses reprises.

« Hoooo, je me souviens. Très bien même. »

Elle laisse une légère pause s’installer, pose son doigt à la commissure de ses lèvres et lève un instant les yeux vers le plafond, semblant en pleine réflexion. Puis ses yeux bleus emplis d’amusement plongent dans les prunelles brunes de Channing.

« Quoique … si j’ai oublié, tu me remontres ? »

Elle rit avant de se lancer et de répondre aux questions de Chan, du moins à certaines, elle l’espère, parlant du WG. Elle se concentre plutôt sur les potins, laissant aux différents cadres du groupe le soin de se faire mousser et de parler de leur travail. Mais Mila n’a pas envie de travailler, elle a envie de s’amuser, et pense clairement que Chan a besoin de se détendre et de tout oublier, le temps de quelques instants. Il ne doit plus penser à son accident, à la rééducation, au travail qui s’accumule. Et l’italienne est persuadée de pouvoir l’aider à se détendre, de sorte qu’elle lui retire les documents qu’il était en train de consulter.

« Idéalement, j’aurais voulu qu’on en parle ensemble. »

La brunette lève les yeux au ciel, incapable de cacher son agacement.

« Hé bien on en parlera demain. »

Et c’est à elle d’avancer son plan de vacances pour les prochains jours, sans laisser à Channing la possibilité de contester, le temps pour la brunette d’exposer ses idées.

« Mila, tu sais bien que ce n’est pas possible, encore moins raisonnable. »

Elle soupire, bien décidée à ne pas écouter ses protestations. Et la voilà sur les genoux de son chef, ses doigts parcourant son corps. Elle a envie de lui, a envie qu’il s’abandonne à ses caresses le temps de quelques instants, et oublie tout le reste. Mais ses lèvres n’ont pas encore effleuré les siennes qu’il lui attrape les mains et la repousse, la forçant à se reculer.

« Mila – on ne peut pas. Je ne peux pas. »

L’italienne secoue la tête, ses yeux trahissant pendant une brève seconde qu’elle est blessée par ce refus, avant de se recomposer un visage plus neutre, démontrant seulement les interrogations qui la tourmentent.

« Ce n’est pas toi, mais … je suis perdu et je ne veux pas faire de conneries. »

Elle ne peut s’empêcher de laisser échapper un petit rire.

« Ce n’est pas toi, c’est moi ? »

Elle le taquine, ne peut résister à la perche qu’il lui tend, mais elle n’aime pas le voir ainsi indécis. Elle aime quand il est le boss, ferme, sûr de lui. Elle n’apprécie pas qu’il bute sur les mots, qu’il ne sache pas lesquels choisir, ni quoi dire pour tenter de faire passer la pilule. Secouant une nouvelle fois la tête, Mila quitte ses genoux pour se réinstaller dans le fauteuil qu’elle occupait quelques secondes auparavant.

« J’ai adoré l’Europe. Sincèrement, notre séjour était formidable, tous les moments qui l’ont composé également. Je ne dis pas ça pour flatter ton égo ou mieux faire passer mon refus – je le pense Mila. Mais je ne peux pas remettre ça maintenant, pas tant que je n’aurais pas fait la part des choses dans mon esprit. »

A ces mots, les sourcils de la brunette se froncent.

« Wow. »

Elle ouvre la bouche pour parler, mais la referme sans qu’aucun son ne s’en échappe : une première pour la brunette, qui est rarement à court de réplique. Ses yeux bleutés se fixent sur la table basse et elle commence à regrouper ses affaires. Elle est gênée, et ne veut absolument pas que son boss s’imagine qu’elle a des sentiments pour lui. Une fois le dernier stylo rangé, elle finit par plonger son regard dans celui de Chan.

« Je passerai demain pour récupérer les classeurs. Etudie les documents, et on pourra en discuter, sans aucun souci. »

Elle se lève et esquisse un sourire. Elle a besoin d’éclaircir les choses.

« Ce n’était pas une demande en mariage, Chan. Ni même une proposition de former un couple ou de construire quelque chose à deux. C’étaient juste deux adultes fuyant leur vie craignos le temps de quelques jours pour aller s’amuser. Et tu sais que tu en as besoin. »

Elle hausse les épaules, attrape son sac, et se penche pour déposer un furtif baiser sur les lèvres de l’héritier.

« En attendant que tu changes d’avis, je te dis à demain. Même heure ? »

Et c’est avec un sourire victorieux qu’elle s’en va, impatiente de revenir le lendemain.