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 eleganza extravaganza (raphael)

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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptyLun 29 Aoû - 19:47

Hugo m'avait longuement parlé de Fortitude Valley, où son domicile se trouvait, et des expériences aussi intéressantes qu'enrichissantes qu'il y avait eues - pour celles dont il se rappelait encore. Le quartier des oiseaux de nuit de Brisbane, la zone branchée de la fête et des nouveaux arts ; conquis, j'y avais suivi plusieurs fois mon meilleur pote et à chacune de nos escapades nocturnes, j'avais lorgné à la recherche discrète des endroits fréquentés par des drag queens. Je savais qu'il y en avait, c'était un impératif dans une si grande ville à mes yeux ; sans compter que l'Australie n'était pas en reste en ce qui concernait cet art. Le sentiment de rechercher des membres de ma famille artistique, des personnes auxquelles j'aimerais me rattacher et m'associer afin de préserver ma santé mentale et libérer la personne que je composais mais que je restreignais lorsque je n'étais pas couvert d'artifice, m'habitait avec frénésie. Lorsque je dénichais un bar où des spectacles se tenaient, des drags à l'affiche, le soulagement mêlé d'euphorie m'avait envahi et j'avais précautionneusement mémorisé la première date affichée pour me rendre sur place, impatient de découvrir le drag à l'australienne de mes propres yeux et non via RuPaul's Drag Race Down Under - dont j'attendais impatiemment le début de la deuxième saison.

J'avais hésité à me présenter sous les traits de Bea, mon alter ego drag. Cependant, la logistique pour se faire semblait hasardeuse. En effet, entre ma colocation chez Dani qui ignorait tout de ma passion et mes premiers pas dans ce bar, j'avais finalement opté pour m'y rendre en éclaireur, sans artifice. Je m'étais installé à une table encore déserte, dans le public, après avoir commandé un mojito, bien après le début du spectacle - Dani m'avait retenu à l'appartement et je n'avais pas voulu éveiller des soupçons sur les motifs de ma sortie ni lui paraître pressé. Le spectacle semblait battre son plein, les artistes s'appliquant au lip sync et à se déhancher tout en mettant plein la vue aux spectateurs. L'ambiance était festive, presque électrique, et rapidement, je me sentais dans mon élément.

Lors d'une prestation plus posée, je ne pus m'empêcher de balayer la salle du regard, étudiant discrètement les différents profils présents. Mon regard se stoppa un peu plus longuement sur la silhouette d'un jeune homme aux cheveux châtains, voisin de table, qui me semblait totalement absorbé par le spectacle qui se déroulait sur la scène. Son regard pétillait, son attention était dédiée à l'artiste. Un sourire fleurit sur mes lèvres, l'expression sur le portrait de l'inconnu me transportait des années en arrière, lorsque j'avais moi-même découvert le drag au café chez Mylène, à Paris. Mon cœur se gonfla à l'attention du garçon, même si je ne faisais que dans la fabulation, à me l'imaginer découvrir le drag ce soir et peut-être, par la même occasion, un vecteur vers une partie de lui-même. Lorsque l'entracte s'annonça, je ne pus m'empêcher de lui lancer amicalement : "Salut, moi c'est Kai." A l'accent tout sauf australien : alliage entre prononciation américaine et intonation latine. "Est-ce que tu connais bien l'endroit ? C'est ma première fois, ici." Aller direct pour assouvir ma curiosité vis-à-vis de la connaissance de l'homme des drag queens mises à l'honneur cette nuit.

@Raphael Elly  :rainbow:
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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptyMar 13 Sep - 22:23

La vie de Raphael se confronte à des changements de plus en plus importants. Il a enfin l’impression de vieillir en même temps que le reflet dans son miroir. Il apprend à apprécier la forme de ses yeux, ses paupières bien creusées qui accueillent si bien n’importe quelle couleur, le noir même, un ton qu’il n’aurait pourtant jamais choisi auparavant. Parfois, il se surprend à passer des heures à scruter la moindre parcelle de sa peau sans jamais l’insulter malgré les nombreuses cicatrices d’acné qui la recouvrent, de ses joues à son front, de se son cou à ses bras même. Il ne se déteste plus autant. C’est un poids de moins à supporter sur ses larges épaules.

Il ne voit plus Kieran. S’il a honte de lui avoir ainsi explosé au visage, il ne regrette pas de l’avoir fait. Ils ne sont plus colocataires et, cette fois, il lui a fait savoir qu’il ne s’agissait pas seulement d’une pause. Il trouvera un autre endroit où habiter et, en attendant, ses pères se font un plaisir de l’héberger dans sa chambre d’adolescence, qui n’a pas changé après tout ce temps. Les meubles décorent les mêmes coins, les posters de comédie musicales garnissent les murs encore peints en violet et vert, deux couleurs qui brûlent la rétine de quiconque tente de les fixer trop longtemps. Ses parents n’ont jamais vraiment réussi à faire le deuil de la présence de leur fils qui a nécessité plus d’amour et d’attention que les autres. Alors ils profitaient de son retour jusqu’à la moindre seconde, lui préparant ses plats préférés sans lui demander son avis et prenant des nouvelles de lui à toutes les occasions. Ils se soucient de sa santé mentale mais, comme toujours, Raphael ne dit pas grand-chose à ce sujet. Il ne sait pas poser les mots sur sa peine du cœur.

Aussi, il a appris à sortir sans personne pour l’accompagner. Il n’a plus besoin de se faire botter les fesses par Jessalyn ou Maisie pour se rendre dans ses bars préférés ; seulement ceux qui l’acceptent comme il est. Il a oublié l’idée de se fondre à la masse standardisée, maintenant il fréquente les gens qui le ressemblent et qui, eux aussi, se sont perdus à un moment dans leur vie. Il ne sait pas encore qui il est exactement et il explore encore les plus profondes grottes à la recherche de son identité mais, au moins, la tâche devient de moins en moins étouffante. Il arrive à respirer quand il se trouve au milieu d’un groupe coloré et diversifié, et il n’a plus besoin de faire semblant d’être ce qu’il n’est pas. Il n’y a pas meilleure thérapie.

Ce soir-là, il assiste à un show à peu près comme les autres. Des drags se partagent les microphones sur scènes et la musique arrache les tapisseries. Les costumes sont éclatants de paillettes, les maquillages sont extravagants et néons. Raphael ne sent plus le sourire qui étire ses lèvres tellement ce dernier s’est imprégné à son visage figé ainsi dans un état presque euphorique. Il n’a pas bu ; il n’a pas envie de boire. Plus personne ne le pousse à le faire. Alors que Célia reprend la parole, drag queen perchée sur ses talons qui ne visent pas plus bas que le ciel, elle annonce l’entracte. Seulement à ce moment, Raphael semble retomber sur Terre. Il se pose contre son dossier et laisse ses yeux curieux se balader autour de lui. Il est seul à sa table, mais il ne se sent pas esseulé. Machinalement, il jette un regard à son reflet dans son téléphone afin de s’assurer que son ombre à paupières bleue marin se marie encore à ses iris de la même couleur. Pas pratique, de se voir en noir et blanc… "Salut, moi c'est Kai." Il n’est pas certain qu’on lui adresse la parole alors il doit vérifier deux fois afin de s’assurer que c’est le cas. Il entrouvre les lèvres en fixant le garçon qui le fixe lui aussi et il pointe le milieu de son torse l’air de dire « c’est à moi que tu parles ? ». La vérité, c’est qu’il ne répond pas aussitôt parce que cet étranger est particulièrement intimidant. De lui irradie une beauté pleine de confiance, ses yeux avalent des mondes entiers et la ligne de ses lèvres semble avoir été sculptée dans une fraise Tagada. C’est un si bel homme qu’il lui vole son air juste assez longtemps pour que ses joues se teintent de rouge. Il se racle la gorge et cesse de faire un fou de lui : « Raphael. » Il n’a jamais été le meilleur pour parler. Les mots ne se sont jamais enchaînés naturellement hors de sa bouche qu’il garde souvent fermée pour épargner l’Australie de ses bêtises. "Est-ce que tu connais bien l'endroit ? C'est ma première fois, ici." Il se mord la lèvre inférieure et laisse son regard se balader sur les artistes qui se promènent dans la salle afin d’échanger quelques mots avec les familiers. « Ouais, je crois que je connais bien l’endroit. » Il dit avant de pointer chacune des drag queen une après l’autre tout en les nommant. « Et, celle qui a dansé juste avant, c’était Cherry Celia. » Oui, il connait très bien l’endroit en fait. Il porte son verre d’eau à ses lèvres afin d’apaiser sa gorge asséchée par la nervosité. Oui, bon, s’il s’est amélioré durant les derniers mois, il n’est toujours pas un Dieu des situations sociales. « Tu… Eum… » Comment ça fonctionne, une discussion ? « Qu’est-ce que tu voulais savoir ? C’est ton premier show de drag ? » Il pourrait peut-être l’éclairer tout comme Jessalyn l’a éclairé, lui.

@Kai Luz I love you I love you I love you
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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptyLun 14 Nov - 20:02

Lorsque le jeune homme que j'estime proche de la trentaine d'années pointe son index contre son torse, cherchant confirmation par ce geste que je me suis bien adressé à sa personne, mon cœur se gonfle davantage à son attention. J'ai parfaitement conscience que mon esprit joue à un jeu bien périlleux à ériger des associations entre le garçon et des composantes de ma propre personne, ces transferts aussi inavouables qu'égocentrés auxquels je m'applique malgré moi. Néanmoins, il y a des éléments chez ce prénommé Raphael qui me fascinent déjà, qui m'intriguent, qui me plaisent. Mon sourire s'élargit au premier son de sa voix, heureux qu'il me réponde, enthousiaste que la conversation s'engage.

« Ouais, je crois que je connais bien l’endroit, » le brun répond, humble et timoré, avant de me présenter à distance la totalité des drag queens encore présentes dans la salle. Je lui dédie mon entière attention, mes perles sombres voguant entre son portrait et les artistes qu'il désigne tantôt du menton, tantôt par des qualificatifs. Je retiens sa gestuelle, m'amusant sournoisement à peindre sa propre identité par la même occasion et note, soumis aux différents éclairages, l'ombre à paupières soulignant son regard. « Et, celle qui a dansé juste avant, c’était Cherry Celia. » « Cherry Celia, » je répète en étudiant la personnalité. « Est-ce que c'est l'une de tes artistes préférées ici ? » Je questionne, intéressé, l'expression sur mon visage ne révélant qu'entrain et nul jugement sur ce que pourrait répliquer mon interlocuteur. « Je crois aussi que tu connais bien l'endroit, » j'avoue, reprenant sa formulation, mes pupilles brillant de malice et de complicité.

« Tu… Eum… » Je décris patiemment l'homme, ma tête s'incline légèrement sur le côté, trahissant ma curiosité. « Qu’est-ce que tu voulais savoir ? C’est ton premier show de drag ? » Un léger rire file entre mes lèvres. « Est-ce que je peux m'asseoir à côté de toi ? » Je sollicite et dès que Raphael m'y autorisera, je me faufilerais sur l'un des sièges vacant à sa table. « Je suis quelqu'un de curieux. Enfin, j'aime pas trop dire curieux, ça a une connotation un peu de fouine. Je suis quelqu'un d'intéressé. » Je précise sur un ton léger, frôlant l'amusement. « C'est mon premier show de drag ici, oui. Tu as visé juste, » je tourne ma réponse de sorte à donner raison avec le garçon. « J'aime bien ton fard à paupières, » je complimente ensuite, désignant discrètement ses yeux de mes pupilles. Mon regard s'attarde sur la suite des traits de Raphael, m'imaginant aisément les différents maquillages qui pourraient orner son portrait. « Est-ce que tu connais bien la place seulement parce que tu viens souvent ici, ou tu travailles aussi ici ? » Je poursuis, mon avidité de connaissances loin d'être assouvie. « Hésite pas à me demander de me mêler de mes oignons si je te pose trop de questions. C'est juste que... » Je hausse les épaules, aussi désolé que désinvolte. « J'sais pas. J'aime bien te parler. Ou t'interviewer, au choix. » Je tente l'humour de nouveau, jouant sur mes questions nombreuses. « Mais promis. Tout ce que tu me dis reste que dans ma mémoire. Donc en vrai c'est juste une interview exclusive au privé. » Mon regard se plonge dans son verre au liquide translucide. « Tu bois quoi ? » Je fais, décidément déterminé à assommer le jeune homme d'interrogations pendant cet entracte. Néanmoins, cette question-ci est surtout destinée à payer un autre verre à Raphael.

@Raphael Elly  :keur:
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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptyDim 20 Nov - 18:18

Raphael était à l’aise jusqu’à ce qu’on le sorte de cette bulle dans laquelle il s’était chaudement blotti. Son sourire se rendait jusqu’à l’Everest mais il le perd aussitôt qu’il se rappelle qu’il est un être humain, qu’il a une vie, que cette vie n’est pas toujours facile, et que les gens autour de lui peuvent lire dans ses yeux qui sont des livres ouverts. Kai, qu’il s’appelle, ne semble pas méchant, au contraire, mais il n’a pas encore conscience qu’il vient d’adresser la parole à celui qui aurait parfois besoin d’un dictionnaire pour enchaîner un mot après l’autre. Pas qu’il parle mal anglais, plutôt parce qu’il semble oublier toute son éducation dès l’instant où il croise le regard d’un étranger.

Heureusement, il peut parler d’autre chose que de lui-même. Kai veut s’informer au sujet de cet bar de drag, peut-être parce qu’il est novice, peut-être parce que c’est sa première fois dans celui-ci. Qu’importe la raison de ses interrogations, Raphael prend au sérieux la tâche de l’éclairer dans ce qu’il considère comme le Paradis sur Terre. « Est-ce que c'est l'une de tes artistes préférées ici ? » Que l’autre demande lorsque Cherry Celia est présentée comme la dernière montée sur scène. Raphael se mord la lèvre inférieure, réfléchit à la question un moment puis finit par répondre : « Non, ce n’est pas ma préférée ici, mais elle est excellente. Je crois que ma préférée n’est pas là ce soir. Elle s’appelle Valentina Dior. » Il marque une pause, passe sa main dans sa chevelure bouclée et précise : « Mais ma préférée tout bar confondu s’appelle Bea. Elle ne vient pas ici, enfin, je ne l’ai jamais vue sur cette scène, mais on peut la voir ailleurs. » Celle-là avait aussitôt capté ses yeux de rêveur, vêtue des couleurs les plus pétillantes et des habits les plus audacieux. Elle ne laissait personne indifférente, pas même celui qui prétend ne pas apprécier cet univers. « Je crois aussi que tu connais bien l'endroit, » Il rougit, mais il est déjà bien rouge, alors la saturation de son épiderme brûlant ne change pas vraiment. Il baisse les yeux, n’étant pas habitué à ce genre de proximité mentale. Le garçon dont il est malheureusement amoureux ne le regarde jamais de cette manière. Il préfère faire perdre ses yeux partout où personne ne pourra s’y plonger.

« Est-ce que je peux m'asseoir à côté de toi ? » Kai n’a visiblement pas l’intention d’écourter la conversation. Raphael, après avoir hésité pour aucune raison valable, finit par acquiescer. Ce sera plus facile de parler s’ils n’ont pas à hurler d’une table à l’autre. « Oui, oui, bien sûr, enfin, fais comme chez toi. » Qu’il fredonne en reposant les yeux sur la scène pour ne pas assister au passage de Kai d’une chaise à l’autre. Leur proximité ne le dérange pas : elle l’intimide. « Je suis quelqu'un de curieux. Enfin, j'aime pas trop dire curieux, ça a une connotation un peu de fouine. Je suis quelqu'un d'intéressé. » Il le regarde à nouveau, arborant un sourire discret mais bien là. « C'est mon premier show de drag ici, oui. Tu as visé juste, » Il hausse un sourcil : « Ton premier ici ? » Il répète, mettant l’emphase sur le dernier mot. « Tu fréquentes d’autres bars de ce genre, alors ? » Bonne déduction, Raphael. Esprit de logique irréprochable. L’examen est passé haut la main. « J'aime bien ton fard à paupières, » Oh ! Oh… Oh ? « Ah ? » Ah ah ah. « Merci. Merci… Eum. Oui, enfin, je l’ai fait moi-même et… » Il serre les dents, ferme les paupières jusqu’à ce que ses traits soient plissés par la gêne. « Je ne suis pas familier des compliments, pardon. » Surtout pas lorsque le compliment est prononcé par la jolie bouche rosée d’un garçon. Un garçon… Ils sont beaux, les garçons.

« Est-ce que tu connais bien la place seulement parce que tu viens souvent ici, ou tu travailles aussi ici ? » Son premier réflexe est de s’imaginer serveur dans cet établissement. Loin de lui l’idée d’envisager son gabarit d’arbre embarrassé sur scène. Lui qui a toujours rêvé de se faire éclairer par les projecteurs, il n’imagine pas une seconde que ce rêve, parfois maquillé en cauchemars, pourrait devenir réalité. « Hésite pas à me demander de me mêler de mes oignons si je te pose trop de questions. C'est juste que... » Les lèvres de Raphael sont entrouvertes car il a été coupé dans son élan. « J'sais pas. J'aime bien te parler. Ou t'interviewer, au choix. » « Oh, ne t’inquiète pas, ça ne me dérange pas. » Ça l’étourdit, seulement. Mais c’est le genre d’étourdissement agréable, celui que procure une virée en montagne russe. « Mais promis. Tout ce que tu me dis reste que dans ma mémoire. Donc en vrai c'est juste une interview exclusive au privé. » Il opine du chef, repasse encore sa main dans ses cheveux. « Non, je ne travaille pas ici. Je ne crois pas que je pourrais être assez habile pour porter les boissons aux tables, de toute façon. Je ruinerais la soirée de plusieurs en renversant du cola sur leurs vêtements. » Il prétend, lâchant un ricanement auto-dérisoire afin de détendre ses muscles bandés par la nervosité. « Et toi qu’est-ce que tu… Enfin… C’est quoi ton boulot ? » Il se doute qu’il ne bosse pas ici, lui non plus, car ils se trouvent tous les deux à la hauteur des tables et à non à celles des loges.    

« Tu bois quoi ? » Il baisse le nez pour regarder le verre qu’il a entre les mains, comme s’il avait oublié sa présence. Il ne peut s’empêcher de rire. « C’est de l’eau. » Il soulève son verre pour le désigner. « Je n’aime pas trop les effets de l’alcool, ils me donnent envie de chialer. » Une vérité embarrassante parmi tant d’autres. Tu n’es pas prêt, Kai. « Mais ne te gêne pas, tu peux boire ce que tu veux, ça ne me dérange pas d’être le seul à jeun. » Mensonge. Il déteste les gens bourrés parce qu’ils oublient les limites à ne pas franchir. Et, surtout, sa dernière expérience avec un homme complètement bourré s’est terminée avec un miroir cassé, des pleurs, du sang et une dépression qui n’a toujours pas plié bagages. « Eum, Kai ? » Il demande, entre deux prestations sur scène. « Je… Mon amie m’a dit de m’assumer. » Merci Maisie. « Tu es très beau mais... » Vient-il réellement de dire ça ? « Je préfère te dire tout de suite que je suis pas… Enfin, je suis… Euh… Pas réceptif ? » Oula, ça sonne plus mal que prévu, ça. « À la drague, je veux dire, pas à l’amitié ou quoi. Je suis… » Va-t-il le dire ? VA-T-IL LE DIRE ? « Ace… » AHHHHHHHHHH !!! « Peut-être que tu ne me draguais pas en fait, désolé d’avoir dit ça, c’est juste que je ne suis pas habitué de me faire… accoster comme ça, je crois que tu es le premier mec qui me parle depuis trois mois. » Olalala il a honte. « Putain je sais pas pourquoi j’ai dit ça, désolé, désolé. J’ai brisé l’ambiance. » Mais, au moins, il s’est assumé et, pour ça, Maisie serait fière. Il pourra lui envoyer un message et lui dire qu’il l’a fait. ENFIN.    

@Kai Luz :OO:
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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptyMer 30 Nov - 0:37

Je ne regrette absolument pas avoir osé abordé Raphael. Mes pupilles se délectent des traits rendant son visage unique, de ses expressions étirant son portrait de mille façons dans une danse harmonieuse, de son regard percé d'émotions. Mon cœur martèle avec enthousiasme ma poitrine et bien vite, je suis avide d'en savoir plus sur le garçon, il me tarde de me lier à lui. Je me sens finalement bien à ses côtés, m'enivrant de cette connexion timide qui se crée à chaque mot que je lui lance et ceux qu'il m'offre en retour.

J'écoute attentivement sa description des stars du spectacle de ce soir et curieux, je poursuis mes interrogations en demandant si Cherry Celia, dont il semble parler avec admiration, se hisse au rang de ses artistes favorites. J'aime l'éclat qui souligne le regard du bouclé lorsqu'il décrit les queens, lorsque son regard vagabonde parfois d'une destination à une autre dans le champ de vision qu'il s'autorise. « Non, ce n’est pas ma préférée ici, mais elle est excellente. Je crois que ma préférée n’est pas là ce soir. Elle s’appelle Valentina Dior. » « Valentina Dior, » je répète de nouveau, comme pour inscrire ce nom de scène à ma mémoire en faisant écho à Raphael. « C'est un joli nom, » je commente avec un sourire sincère, rictus qui se fige derechef lorsque le garçon reprend : « Mais ma préférée tout bar confondu s’appelle Bea. Elle ne vient pas ici, enfin, je ne l’ai jamais vue sur cette scène, mais on peut la voir ailleurs. » Arrêt sur image, un voile passe sur mon minois, je n'ose émettre le moindre mouvement. La surprise est tel un choc que je m'empresse de réprimer, d'étouffer, d'asphyxier, pour absolument rien ne laisser paraître, quitte à m'apparenter à une statue de marbre quelques instants. « Est-ce que tu vas souvent la voir ? » Je m'entends questionner, mon attention focalisée sur jeune homme, impatient et stressé de ce qu'il pourrait répondre. Une partie de moi est agréablement surprise - et flattée - d'être la préférée de qui que ce soit : ça me semble purement déjanté même si j'ai auparavant reçu des compliments et invitations de scène, mon expérience de 12 ans aidant assurément. Une autre part de mon être, bafouée et traumatisée, se renfrogne toutefois à cette valorisation. Le dernier homme à qui mon art avait plu m'avait brisé le cœur et l'âme sans merci aucune. A son souvenir, les méandres de chagrin et de traumatismes agitent mes nerfs et mon esprit, bien que ma raison tente d'apaiser cette tourmente en assurant que Raphael n'a rien de Ryan. Au pire, deux lettres en commun. Je commente sa connaissance de l'endroit en rebondissant avec malice sur ses propres propos, tentative bourrée d'espoir de faire fi des souvenirs qui vrillent contre ma cage thoracique.

J'inspire profondément, me retenant de porter une main à mon cœur qui bat férocement sa panique. Je baisse enfin le regard sur la surface boisée de la table, me concentrant quelques instants sur le rafraîchissement de mon interlocuteur pour y recueillir prestance. Je rejette le pouvoir que Ryan détient encore sur ma personne, je refuse qu'il nuise à cette conversation, qu'il effrite ce lien que je tente d'établir avec Raphael qui n'a rien fait pour me déplaire, bien au contraire. Je lève les yeux vers ce dernier et milite pour reprendre le contrôle sur ma vie, à l'arracher à mes avides fantômes du passé : « Est-ce que je peux m'asseoir à côté de toi ? » Le vingtenaire hésite et c'est sous un nouveau rythme sur lequel mon cœur palpite ; j'ai le trac, comme lorsqu'on se prépare à monter sur scène et qu'on ignore la réception du public. « Oui, oui, bien sûr, enfin, fais comme chez toi. » Je ris brièvement de soulagement avant d'investir promptement la chaise à côté de Raphael, amusé par sa formulation de "faire comme chez moi". « Merci, » je prononce à son attention. « On est dans un pays libre mais bon, le consentement reste important, » je fais, souhaitant par cette déclaration souligner à quel point l'avis et l'accord du jeune homme m'importe.

Enthousiaste, je reprends le train de la conversation, mitraillant Raphael de paroles et questions de toutes sortes, sans réel filtre. J'ai mille questions en tête et toutes veulent sortir en même temps. Mon regard cherche le sien dès qu'il se tourne vers moi, comme si son âme me révélerait par ses pupilles des informations que je n'ai pas le temps de quémander par la voie des mots. J'explique à mon interlocuteur être quelqu'un d'intéressé de nature, tout en lui répondant qu'il s'agissait de mon premier show de drag queens ici. « Ton premier ici ? » Il est malin, il tique derechef et je souris, entendu. « Tu fréquentes d’autres bars de ce genre, alors ? » Je déglutis, hésitant quelques instants. Kai ne fréquente pas officiellement ces bars, non, alors que Bea y exalte. Mon entourage, sous mes traits originaux, ignore, bien que certains s'en doutent, que je suis queer et ne serait pas surpris de me trouver dans de tels endroits festifs. Cela fait partie de mes secrets, de mes rejets personnels, de mon placard fermé à des milliers de tours comme si ma vie en dépendait, alors que j'étouffe en réalité dans cet espace restreint. « Oui, » je lui souffle finalement, désireux d'être honnête envers Raphael et parce qu'une partie de moi souhaite lui faire confiance, une partie de moi veut me faire confiance et désire m'autoriser à vivre. J'ai le sentiment que je peux faire ce test-là avec mon interlocuteur, que je peux me révéler sans regretter amèrement par la suite et m'injurier de mon imprudence à l'encontre de cette fausse image de Kai que j'entretiens soigneusement.
 
Je n'ose pas inviter à poursuivre ce sujet toutefois et c'est ainsi que j'enchaîne rapidement sur le fard à paupières que j'ai remarqué chez Raphael. « Ah ? » La surprise étire ses traits, mon sourire s'élargit, mes épaules se décontractent de nouveau. « Merci. Merci… Eum. Oui, enfin, je l’ai fait moi-même et… » Il ferme les yeux, j'admire la coloris et évite sa gêne. « Je ne suis pas familier des compliments, pardon. » « Ne t'en fais pas pour ça. Je te le disais juste pour que tu saches que je trouve ça joli, » je banalise, ne me privant pas pour ajouter une dose au compliment sincère. « Tu en mets souvent ? Ca t'arrive de te maquiller plus que ça ? » J'ose, avant d'enchérir sur ce bar précisément en corrélation avec ses fréquentations, tout en invitant le garçon à m'arrêter si je deviens trop pesant avec mes multiples questions. Mon regard pétille lorsqu'il me répond que mon interview ne l'interroge pas, interview que je m'empresse de qualifier d'exclusive : elle n'appartiendra qu'à nous deux. « Non, je ne travaille pas ici. Je ne crois pas que je pourrais être assez habile pour porter les boissons aux tables, de toute façon. Je ruinerais la soirée de plusieurs en renversant du cola sur leurs vêtements. » Je le regarde, amusé, m'imaginant une telle scène. « Tu es si maladroit ? Pourtant ton geste a l'air habile sur tes paupières, » je taquine avec un sourire en coin. « Et toi qu’est-ce que tu… Enfin… C’est quoi ton boulot ? » Je hausse une épaule avec désinvolture. « Je suis biologiste. Rien de passionnant. Mais il m'arrive de casser des tubes et des boîtes de Petri, » j'avoue avec complicité. « Et toi ? Tu casses rien sur ton travail ? » J'ose avec amusement.

J'inspire profondément, une béatitude entraînante m'envoûtant aux côtés du garçon, motivée par cette facilité que je ressens à lui parler et tout cet intérêt qui croît en moi face à l'idée de le découvrir. Dans une stratégie de lui offrir un peu de la joie qu'il me fait ressentir - en bonus de la possibilité de le retenir peut-être un peu plus longtemps -, je lui demande ce qu'il boit. « C’est de l’eau. » Je considère le liquide translucide. « Je n’aime pas trop les effets de l’alcool, ils me donnent envie de chialer. » Je lui dédie instantanément un regard désolé. « Mais ne te gêne pas, tu peux boire ce que tu veux, ça ne me dérange pas d’être le seul à jeun. » « Est-ce que je peux t'offrir un verre d'eau ? Je peux demander à ce qu'il y ait des agrumes ou des glaçons dedans, aussi, si tu veux, » je suggère avant de triturer mon verre. « Souvent, ça fait du bien, après coup, de chialer, » je me risque en soutenant son regard, muni purement de bienveillance à l'égard du garçon que je ne juge aucunement. « Ca libère, » je conclus en me mordillant la lèvre inférieure. « Mais ce n'est que mon avis. Et surtout, c'est ton choix. » Loin de moi l'envie de faire pleurer Raphael.

« Eum, Kai ? » Je reviens avec les boissons, portant mon attention sur Raphael. « Je… Mon amie m’a dit de m’assumer. » Je me pince les lèvres, pensant qu'il a ainsi une véritable amie, mais n'osant pas le formuler, sentant que Raphael n'avait pas terminé d'exprimer sa pensée. « Tu es très beau mais... » Mes sourcils se haussent, aussi touché que surpris par le compliment. « Je préfère te dire tout de suite que je suis pas… Enfin, je suis… Euh… Pas réceptif ? » Cette fois-ci, la confusion anime mes traits. « À la drague, je veux dire, pas à l’amitié ou quoi. Je suis… » Je ne suis pas certain de tout suivre et mes yeux se plissent. « Ace… » Ace ? « Peut-être que tu ne me draguais pas en fait, désolé d’avoir dit ça, c’est juste que je ne suis pas habitué de me faire… accoster comme ça, je crois que tu es le premier mec qui me parle depuis trois mois. » Je cille. Si je pensais dérouter Raphael avec mes questions, finalement, c'est lui qui me déstabilise. « Putain je sais pas pourquoi j’ai dit ça, désolé, désolé. J’ai brisé l’ambiance. » Je hoche la tête en signe de dénégation, posant spontanément ma main sur celle du garçon pour le rassurer : « Non, non, ne t'excuse pas. T'as rien brisé du tout. » Je presse légèrement sa main de mes doigts, comme pour appuyer mes propos, avant de me détacher, conscient que tout le monde n'est pas tactile. « C'est juste que... » Retour en arrière, je rembobine la conversation. « Merci pour le compliment, je te trouve très beau aussi. » Aussi intérieurement qu'extérieurement pour l'instant. « Si j'ai bien compris, tu es réceptif à une amitié avec moi ? » Je poursuis avec espièglerie. « Je suis un peu à l'ouest aussi avec la drague, je sais jamais la reconnaître. Je me contente juste d'être sincère, de dire ce que je pense. Parfois ça peut gêner, j'en suis désolé si ça te met mal à l'aise, c'est pas mon intention, » je fais doucement. « J'aime bien te parler. J'aime bien découvrir qui t'es. J'aime bien ce que je découvre de qui t'es. » Et je devrais sans doute m'arrêter là, vu la teinte dont le portrait fin de Raphael me semble prendre. « Est-ce que t'es du genre casanier ? » J'ose questionner, ayant tout de même été surpris par le fait qu'en trois mois, aucun mec n'ait pu l'aborder. Je glisse mes mains autour de mon verre. « Je suis brésilien. Ma langue maternelle est le portugais et du coup, parfois, il y a des mots que je ne comprends pas. Ou je maîtrise pas toutes les subtilités de ta langue, autant pour la comprendre que pour la parler... » Je présente, en préface à ma question : « C'est quoi, un "ace" ? »
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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptySam 17 Déc - 18:29

Raphael est incapable de soutenir un regard plus de deux secondes et c’est certainement pour cette raison qu’il ne voit pas les traits de Kai se figer quand il prononce le nom de sa drag queen préférée. Et, quand il parle de sujets qui l’intéressent mais dont il ne possède pas encore l’expertise, ses yeux sont d’autant plus fuyants parce qu’il craint de partager une information erronée sous le coup de l’excitation. Il vient à peine d’entrer dans l’univers de l’arc-en-ciel et même s’il s’y sent déjà attaché, ce dernier cache encore de nombreux secrets qui n’attendent que d’être déterrés. « Est-ce que tu vas souvent la voir ? » Il observe le jeune homme un moment, se mord la lèvre inférieure puis opine du chef comme un robot : « Oui, une fois par semaine quand je peux le faire. Le lundi habituellement, parce que je n’ai pas encore le courage de me rendre dans les bars lors des jours les plus occupés. Durant le week-end, par exemple. » Il admet du bout des lèvres. Sa main se met à balayer l’air devant lui alors qu’il cherche ses mots ; il ne sait pas comment décrire cette fameuse artiste, ce qu’il sait, c’est que son art lui plaît. « C’est difficile à expliquer, je l’aime parce que… Parce que… J’en sais rien. Elle rayonne. Elle est colorée. Et j’adore tout ce qui est coloré. » Au niveau de l’accoutrement, mais aussi au niveau de la personnalité. Il en a assez des nuages gris et noirs, aujourd’hui, il regarde le ciel seulement quand il est illuminé et d’un bleu radieux. « Enfin bref, tu devrais t’informer, elle vaut vraiment la peine. » Qu’il conseille afin de ramener Kai dans son monologue, craignant de trop se perdre dans ses pensées et d’ainsi ennuyer son interlocuteur. Il plaque son verre d’eau à ses lèvres pour s’empêcher de radoter davantage.

Il faut croire qu’il n’a pas du tout ennuyé l’autre jeune homme puisqu’il désire entrer dans sa bulle en prenant place à sa table. Même si Raphael n’est jamais à l’aise avec ce genre de situation, il ne se permet pas l’affront de le rembarrer. Il n’est pas méchant, seulement intimidant, et c’est sur cette idée que le danseur s’accroche pour ne pas se recroqueviller en boule et vider toutes les larmes de son corps. « Merci, » Et, seulement après, leurs silhouettes se frôlent presque, et il sent la chaleur émaner de ses bras découverts. « On est dans un pays libre mais bon, le consentement reste important, » Il lui adresse un sourire pincé mais ne répond rien parce qu’il craindrait d’entendre sa voix craquer et perdre de sa vigueur. Il aura de la compagnie ce soir et ce n’était pas dans ses plans mais… Ses plans ont visiblement changé.

Bien rapidement, il apprend que Kai s’y connait un peu en la matière lui aussi puisqu’il mentionne subtilement son intérêt déjà vivant envers ce genre de bar. « Oui, » que l’autre murmure, comme s’il s’agissait d’un secret. Il ne faut pas demander à Raphael d’être trop pertinent, alors il n’y voit que du feu. Il ne se pose pas plus de questions, assume que le jeune homme souhaitait simplement s’informer sur la programmation du soir et les artistes enfourchant la scène à cette localisation précise.

Il commençait déjà à s’habituer à cette nouvelle proximité mais dès l’instant où Kai lui dédie des compliments, il se sent à nouveau tomber dans un trou infini, le cœur remonté dans son cou, les pieds et les mains moites et tremblotants. Pour ne pas se ridiculiser, il explique qu’il n’a pas l’habitude de se faire complimenter et que, pour cette raison, il ne sait pas comment réagir. « Ne t'en fais pas pour ça. Je te le disais juste pour que tu saches que je trouve ça joli, » Il devrait y avoir plus de gens comme lui… ou moins. Raphael ne sait pas encore où se placer vis-à-vis de la question mais la sensation chaude qui monte à ses joues n’est pas désagréable. « Tu en mets souvent ? Ca t'arrive de te maquiller plus que ça ? » Sa bouche s’entrouvre, il passe proche de s’emmêler entre la réalité et ses fantasmes. Il a pensé plusieurs fois tester une plus grande variété de cosmétique mais il ne se sent pas encore prêt. Il a besoin de faire plusieurs tours dans son appartement avant d’en sortir avec les paupières colorées, alors le reste devra attendre. Seulement, il peut désigner ses mains qu’il affiche avec une certaine fierté, parce que son coup de pinceau s’est amélioré avec le temps. Ce soir, il porte du violet, de l’orangé et du jaune canari. C’est un peu tard pour célébrer Pâques. « Pas dans mon visage, mais j’aime bien le vernis. » Il fredonne timidement. « Je ne suis pas encore habitué au fard à paupières alors, non, je n’ai jamais essayé le reste. Ni fond de teint, ni mascara… » Ni tout ce qui garnit la rangée de cosmétiques à la pharmacie et qu’il lorgne avec curiosité à chaque fois qu’il s’y rend pour remplir son stock de mouchoirs (non, non, c’est juste pour pleurer et combattre les rhumes, rien de plus).  « Et… Et toi alors ? » Qu’il renvoie. « Je ne vois rien dans ton visage. Tu veux essayer ? » C’est peut-être pour ça qu’il demande. Après tout, Raphael se retrouvait à sa place à peine quelques mois plus tôt. À cette époque, il aurait bien apprécié avoir un guide masculin à ses côtés. Un garçon qui lui aurait fait comprendre que le maquillage n’a pas de genre, et qu’il n’a pas besoin de se cacher dans la salle de bain pour faire ses expériences.

Brrrr. Qu’est-ce que ton colocataire aurait dit ?..

« Tu es si maladroit ? Pourtant ton geste a l'air habile sur tes paupières, » Il veut le tuer, c’est ça ? Parce qu’il va y a arriver. C’est facile d’assassiner un timide ; il suffit de le confronter à un dossier rempli de louages, et il succombera d’une crise cardiaque. Une heureuse crise cardiaque. « Pfff… » Qu’il arrive seulement à souffler en rejetant l’idée d’un simple signe de la main. Il préfère lui renvoyer la question pour ne pas parler de lui plus longtemps. « Je suis biologiste. Rien de passionnant. Mais il m'arrive de casser des tubes et des boîtes de Petri, » Oh, mais c’est passionnant. Il n’a jamais rencontré personne dans le domaine scientifique. Il s’entoure d’artistes par réflexe, parce que qui se ressemble s’assemble. Il ne sait même pas quelle question poser, d’ailleurs, parce qu’il n’y connait rien en la matière. « J’aurais pas pu le deviner ! » Il vaut mieux jouer la carte de l’honnêteté sur ce coup-là. « Et toi ? Tu casses rien sur ton travail ? » Ouf. Ilala. Honte. « Eum… Non, pas vraiment. Ce serait impossible parce que je suis actuellement au chômage. » Une autre bonne raison pour détester parler de lui. « J’étais professeur de danse mais ça a mal tourné. Disons que… Je n’étais pas toujours à l’heure et… Quand tu n’arrives pas à l’heure pour gérer des gosses de six ans… Ils commencent à faire n’importe quoi. » Il en dit trop. « J’ai été viré parce qu’ils ont retrouvé… Sophie… Dans la cours… seule… » Quinte de toux. « Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça. Enfin, bref. Je ne suis pas le plus ponctuel. » C’est la leçon à tirer de toute cette histoire qu’il aurait mieux faire de ravaler.

Kai veut lui proposer à boire et c’est à cet instant que Raphael obtient un premier indice qui le guide ensuite vers des réflexions déstabilisantes. Il assume que c’est une manière de lui faire savoir qu’il lui plaît et que… peut-être… Ils pourraient finir la soirée ensemble. Ce n’est évidemment pas dans les plans du jeune homme qui préfère se limiter à la consommation d’eau. « Est-ce que je peux t'offrir un verre d'eau ? Je peux demander à ce qu'il y ait des agrumes ou des glaçons dedans, aussi, si tu veux, » Mince. Il est mignon. « Eum. Oui, ça pourrait être bien. Ce serait très exotique. » Il dit à demi-sourire, le ton ironique mais amusé. « Souvent, ça fait du bien, après coup, de chialer, » Son regard qui soutient le sien ne le dérange pas. Il plonge ses perles bleues dans les siennes, semble hypnotisé alors qu’il continue doucement : « Ca libère, » Il miroite sa gestuelle en mordant lui aussi sa lèvre inférieure. « Mais ce n'est que mon avis. Et surtout, c'est ton choix. » Il semble parler par expérience. Raphael s’efforce de sourire en opinant du chef, la gorge nouée, incapable de répondre. Quand Kai disparaît pour s’occuper des boissons, il peut se remettre à respirer. Il combat les souvenirs noirs qui remontent à sa gorge, posant ses yeux sur la scène colorée afin de se changer les idées le plus vite possible. Pas question de pleurer pour une miette. Il a beau se penser libéré, Raphael, il est encore très fragile. La colle qui a servi à recoller le vase n’a pas encore séché.    

Il obtient deux minutes de solitude durant lesquelles il pèse le pour et le contre d’une discussion plus prolonger avec le jeune homme. Quand ce dernier revient les mains pleines, il le remercie mais ne lui laisse pas le temps de relancer la discussion où il était, préférant tout de suite poser ses limites. C’est de façon maladroite qu’il explique où il se trouve actuellement, qu’il n’a pas les mêmes intérêts que la majorité, que la discussion ne doit en aucun cas dévier vers une thématique particulière. Il est pétrifié à l’idée d’en parler, mais il le serait encore plus s’il ne le faisait pas. Bien évidemment, il se met à paniquer à la simple idée d’avoir fait un pas de trop, mais Kai le rassure aussitôt. « Non, non, ne t'excuse pas. T'as rien brisé du tout. » Il s’empêche de fixer la main du garçon, posée sur la sienne, mais le contact le rend fantomatique. Heureusement, il se rend compte qu’il est allé un peu trop loin et se retire. « C'est juste que... » Il a peur. « Merci pour le compliment, je te trouve très beau aussi. » AAAAAAAAAA. « Si j'ai bien compris, tu es réceptif à une amitié avec moi ? » Ce n’est pas exactement ce qu’il a dit, mais c’est déjà un pas vers la bonne réponse. « Je suis un peu à l'ouest aussi avec la drague, je sais jamais la reconnaître. Je me contente juste d'être sincère, de dire ce que je pense. Parfois ça peut gêner, j'en suis désolé si ça te met mal à l'aise, c'est pas mon intention, » Il se mord la langue pour s’empêcher de l’interrompre. « J'aime bien te parler. J'aime bien découvrir qui t'es. J'aime bien ce que je découvre de qui t'es. » Son cœur bat la chamade pour les mauvaises raison. Il n’aime pas être le centre d’attention ; pas de cette manière. Il veut impressionner en dansant, pas en… étant lui-même. « Est-ce que t'es du genre casanier ? » Oh, une question facile ! « Oui. Ça… Se voit tant que ça ? » Il tente la plaisanterie pour oublier toutes les choses qui ont été dites avant parce qu’il n’a pas le courage d’accepter son honnêteté. Dans un monde parfait, il lui aurait renvoyé tous les compliments, parce qu’il le pense lui aussi, quoique son côté introverti se prend quelques coups de poings actuellement. « Je suis brésilien. Ma langue maternelle est le portugais et du coup, parfois, il y a des mots que je ne comprends pas. Ou je maîtrise pas toutes les subtilités de ta langue, autant pour la comprendre que pour la parler... » Oh, ça explique le léger accent qui fait chantonner ses mots. « C'est quoi, un "ace" ? »

Raphael fige. Le film se stoppe. Ses yeux sont ouverts grands comme la tranche de citron accrochée au rebord de son verre. Il doit vraiment donner la définition de ce mot qu’il commence à peine à maîtriser ? « Eum… » Il commence, toujours aussi rouge. Il passe sa main dans son cou, hésite quant à la manière d’ouvrir le sujet, mais finit par simplement se lancer sans trop réfléchir. « Je ne veux pas faire l’amour. » FRBFDSFEY c’est gênant. « Du moins, pas avec n’importe qui. » On dirait une insulte. « Je ne veux pas dire que tu es n’importe qui, olala non, mais je ne fais pas de « coup d’un soir », tu vois ? » Il précise en entourant le terme de guillemets. Ensuite, il ne peut s’empêcher de cacher son visage derrière ses mains, dans lesquelles il s’enfouit pour se protéger de la gêne : « Du coup, c’est à ce moment-là que je fais un fou de moi parce que tu m’annonces que tu n’avais pas du tout l’intention de faire ça avec moi. » Arrache le pansement d’un coup pour éviter de lui faire trop mal, Kai.      

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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptyMer 4 Jan - 21:11

Un exercice hasardeux s'entame lorsque j'ose, sur un ton aussi détaché que possible pendant que mon cœur tonitrue férocement dans sa cage thoracique, questionner Raphael sur sa présence aux shows de Bea. Je m'applique à demeurer de marbre tandis que ma curiosité m'incite à jouer avec le feu, mon être consumé du désir d'en découvrir davantage sur l'appréciation que le garçon alloue à l'attention du personnage que j'incarne et sous lequel j'exulte lors de mes soirées interdites. Je ne veux absolument pas vendre la mèche de ma liaison à la drag queen, néanmoins, que cette partie chérie et précieuse de mon quotidien soit ainsi abordée et présentée, de la plus fortuite des manières avec en addition un positif désarmant, ne me laisse assurément pas indifférent. J'y lis précipitamment des signes du destin, des invitations à poursuivre ma passion et peut-être oser enfin me dévoiler. J'y interprète une notion supplémentaire de spécial chez mon interlocuteur, vis-à-vis duquel il me devient exponentiellement difficile de détacher mon regard. Mes pupilles s'accrochent à ses lèvres alors qu'il me révèle assister aux spectacles de Bea les lundis parce qu'il redoute encore les soirées plus fréquentées, mes lippes s'étirent en une indocile réjouissance lorsqu'il me relate ce qu'il apprécie chez la drag queen et j'acquiesce de manière un peu robotique quand il m'invite à m'informer sur l'artiste. « J'en prends bonne note, merci, » je formule finalement, le remerciement se faufilant sauvagement entre mes lippes à m'en glacer momentanément le sang. Mes méninges cessent l'alarme qui tiraille mes entrailles en élaborant le subterfuge : je peux être reconnaissant de l'information au-delà des compliments reçus, ce sera le prétexte sous lequel je me rangerais si l'australien tique.

Raphael m'intrigue, m'interpelle et j'apprécie sa compagnie. J'aime ce que je capte dans son regard fuyant ; ses façons et sa gestuelle me font tendrement sourire, ses répliques sous forme d'aveux me captivent. L'impression qu'il est un individu avec lequel je me sentirais bien m'étreint avec une rapidité remarquable. Je ressens sans pouvoir l'expliquer une proximité avec lui, en me reconnaissant dans certaines de ses attitudes et en m'animant de l'envie d'appréhender ses facettes qui me sont encore inconnues. J'en produis le souhait de saisir vaillamment cette opportunité qui se présente à moi en tentant de passer un maximum du temps avec cet homme qui m'intéresse autant que me ramène à des parties de moi-même, me rappelle mon propre passé. Alors, forcément, je m'évertue à solliciter son autorisation pour rejoindre sa petite table et ne me fais pas prier à occuper le siège libre à sa droite dès qu'il m'y autorise.

Le débit de mes paroles va bon train. Les filtres sont peu existants pendant que j'expose ce qui attire mon attention chez Raphael, en commençant par son maquillage. « Pas dans mon visage, mais j’aime bien le vernis. » Il me désigne ses mains colorées de violet, orange et jaune. Je me retiens de ne pas effleurer l'ongle orangé de son petit doigt, appréciatif, puis je relève mon regard vers son portrait quand il continue : « Je ne suis pas encore habitué au fard à paupières alors, non, je n’ai jamais essayé le reste. Ni fond de teint, ni mascara… » Un sourire en coin habite mes lèvres, je me plais à imaginer les débuts de Raphael dans la sphère cosmétique. « Et… Et toi alors ? » Je cille, reviens à la réalité. « Je ne vois rien dans ton visage. Tu veux essayer ? » Mon rictus s'élargit, mon regard pétille. « Tu aimerais qu'on se maquille ensemble ? » J'invite avec un entrain faisant immanquablement briller mes pupilles.

Dans ma quête d'en apprendre davantage sur mon interlocuteur, je recherche à connaître son éventuelle association à ce bar précis, et ce qu'il pourrait y faire pour le connaître comme il me l'a démontré. Je rebondis aisément sur la maladresse qu'il décrit mais que je réfute avec jeu, faisant pouffer le brun. Je m'efforce à ne pas plonger dans le vice de mettre mal à l'aise ma compagnie en lui expliquant avec un désintérêt flagrant que je suis biologiste. « J’aurais pas pu le deviner ! » J'émets un léger rire. « Pas grand monde. C'est pas mon choix, ça fausse les routes, » j'avoue avant d'enchérir sur la propre profession que peut exercer le garçon. Je le considère avec une compatie timorée quand il m'explique être au chômage, incertain de l'attitude à adopter face à cette information. « J’étais professeur de danse mais ça a mal tourné. Disons que… Je n’étais pas toujours à l’heure et… Quand tu n’arrives pas à l’heure pour gérer des gosses de six ans… Ils commencent à faire n’importe quoi. J’ai été viré parce qu’ils ont retrouvé… Sophie… Dans la cours… seule… » Une quinte de toux l'anime et je me promets de ne pas poser de questions sur Sophie. « Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça. Enfin, bref. Je ne suis pas le plus ponctuel. » Je souris doucement, prenant une gorgée de ma boisson. Professeur de danse est tout de même un sacré métier, j'en suis admiratif. « Je retiens que tu risques d'être en retard aux shows de Bea, alors. » Je lorgne quelques instants vers Raphael, guettant sa réaction. Je me redresse, me concentrant sur le métier du trentenaire : « Est-ce que tu danses sur scène ? » Mon cœur s'enthousiasme à cette idée, mon esprit divaguant déjà à imaginer le jeune homme en pleine chorégraphie. « Tu fais quoi, comme danse ? C'est quoi tes styles préférés ? » Et surtout, très important : « Ca me plairait de te voir danser. »

Comme pour offrir une pause dans mes multiples interrogations, je propose à mon interlocuteur de lui offrir un rafraîchissement. Après une ronde de nouveaux aveux, c'est le cœur dilaté que je me retrouve à solliciter une nouvelle tournée au barman, les pensées focalisées sur Raphael et nos derniers échanges plutôt que sur la commande en elle-même. A mon retour à sa table, de nouvelles révélations me sont offertes par Raphael, sous un rythme qui me cloue le bec quelques instants - ce qui en dit long. Précautionneusement, je rembobine les paroles du garçon et m'applique à répondre à chaque nouvelle information. Je le rassure sur le fait qu'il n'a absolument rien brisé, je suppose entre les lignes de ses propos, je dédie quelques confidences avec l'espoir de voir mes souhaits se réaliser à ses côtés. « Oui. Ça… Se voit tant que ça ? » Raphael reprend la parole lorsque je lui demande s'il est casanier. Mon large sourire réapparaît. « C'est surtout que je m'étonnais d'être le premier mec qui te parle depuis trois mois, » je fais avec une pointe de malice.

Je me mordille discrètement l'intérieur de la joue avant d'aborder le dernier point de la tirade du danseur, élément qui dépasse mon entendement : sa qualification de "ace". J'ai beau réfléchir, le terme ne s'apparente à aucune de mes définitions logiques et je redoute être encore plus à côté de la plaque en constatant la surprise étirant les traits de l'australien. « Eum… » Il commence et je suis à deux doigts de lui signifier d'oublier, craignant le ridicule ou le malaise. « Je ne veux pas faire l’amour. » Je hausse les sourcils, un "ah" manquant de près de franchir la barrière de mes lèvres. En effet, j'étais loin du compte en songeant à la sémantique potentielle d'être ace. « Du moins, pas avec n’importe qui. Je ne veux pas dire que tu es n’importe qui, olala non, mais je ne fais pas de « coup d’un soir », tu vois ? » Je ne peux m'empêcher de sourire, amusé, tout en hochant la tête à l'affirmative. Je m'autorise à considérer le portrait du garçon quelques instants, perdu dans sa contemplation et toute cette personne que je découvre et qui suscite en moi un intérêt grandissant. Je veux que jamais cette soirée se termine alors que la deuxième partie du show est bien entamée. Je refuse que le bar ferme d'ici quelques heures parce que soudainement, ces dizaines de minutes me semblent dérisoires face à ma volonté d'échanges avec Raphael. Je souhaite découvrir tout son monde qu'il me dépeint de ses mots maladroits et la cruelle sensation de jouer contre la montre me tiraille le cœur. Je crains qu'à la nuit tombée, lorsque nos chemins se sépareront, plus jamais je ne le retrouverais. « Du coup, c’est à ce moment-là que je fais un fou de moi parce que tu m’annonces que tu n’avais pas du tout l’intention de faire ça avec moi. » Je cille de nouveau, croise son regard. Mes lèvres s'entrouvrent, le songe m'habite. « T'es pas n'importe qui pour moi non plus, » j'annonce. Je laisse glisser mon doigt autour de mon verre, à la recherche d'une réponse convenable. « Je n'avais pas cette intention mais tu n'as pas fait un fou de toi. J'apprécie ta transparence. » Il m'a surpris, assurément, mais je ne suis pas au stade à lui attribuer de la folie. J'inspire profondément, peu avenant à m'avancer sur ce sujet qui m'est houleux à titre personnel, mais ne pouvant me retenir d'exposer mes questions : « Est-ce que tu as toujours su que tu étais ace ? » J'étudie son visage avant de préciser : « T'es pas obligé de me répondre, je n'y prendrais aucune offense si tu préfères pas. » Je marque une pause, fronce doucement les sourcils, expose sur un ton d'excuse : « C'est juste que tu es la première personne qui me dit ça et... J'y connais pas grand-chose. »


Dernière édition par Kai Luz le Sam 18 Fév - 23:01, édité 1 fois
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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptyLun 30 Jan - 23:34

Les discussions ne coulent pas comme un ruisseau habituellement. Ou, alors, des ruisseaux bourrés de barrages qui empêchent un débit fluide. Parfois parce que Raphael n’arrive pas à se joindre à la discussion faute d’intérêt ou de connaissances en la matière, d’autres parce qu’il ne peut s’empêcher de se perdre dans ses pensées, de se poser des questions, de se demander s’il a bonne allure, s’il paraît bien, s’il ne ressemble pas à un idiot.

Mais, avec Kai, le canot suit le courant et les rames n’accrochent aucun rocher. Ils ont à peine discuté quelques secondes que leurs atomes se complimentent. Un pôle positif et un pôle négatif qui entrent en contact et ne se séparent plus jamais. « Tu aimerais qu'on se maquille ensemble ? » La question ne le surprend déjà plus : l’autre jeune homme est un numéro à lui seul. Il paraît rouge puis se révèle bleu. Un rire amusé secoue Raphael qui hésite un instant avant de répondre : « Eum… J’en sais rien ? » Et c’est une vérité parmi toutes celles qu’il a envie de lui donner. Inutile de lui mentir. Il sait probablement sonder les âmes. « Peut-être, si l’opportunité se présente. » Il rectifie en opinant du chef, plongeant ses lèvres dans son succulent verre d’eau couronné de tranches de citron. Il n’arriverait pas à lui donner le feu vert puisqu’il s’agirait d’une promesse de continuité. Raphael n’a pas l’habitude des relations qui se prolongent et se polissent. Il prend le blâme, d’ailleurs. Dans la formule, il est la variable qui se transforme en fantôme du jour au lendemain parce qu’il préfère se cacher plutôt que d’affronter la réalité d’une vie sociale. Seul, il est le seul à pouvoir détester son reflet.

Encore une fois, Kai se révèle sous un jour qui ne lui colle pas automatiquement au teint. Biologiste n’est pas le métier qu’il lui aurait assigné après un premier coup d’œil, mais c’est certainement parce qu’il laisse parler ses préjugés. « Pas grand monde. C'est pas mon choix, ça fausse les routes, » Ceci pourrait expliquer la première impression que le danseur s’était faite de lui : « Pas ton choix ? » Il s’interroge avant d’ajouter sur un ton ironique qui ne se veut pas méchant : « Tu t’es trompé de programme en t’inscrivant à l’université et tu n’as pas remarqué ton erreur avant de terminer l’entièreté des cours ? » Un scénario tout droit tiré d’une mauvaise comédie. C’est peut-être de cette façon que Trump s’est retrouvé à la présidence – quoi, on ne doit pas parler politique ? Si certaines personnes présentent leur emploi avec fierté, si d’autres regrettent certains de choix carrière qu’ils ont fait, Raphael, lui, n’a pas beaucoup de détail au sujet de son emploi puisque celui-ci est inexistant depuis plusieurs mois. Il est toujours honteux quand vient le temps de parler de ça parce que, au moins, les autres peuvent dire quelque chose. Lui, il peut seulement chercher des raisons à son licenciement, les adoucir, tourner autour du pot pour ne pas annoncer la vérité. Il n’est pas mauvais professeur, seulement inattentif lorsque tournent les aiguilles de l’horloge jusqu’à ce que sonne « trop tard ». « Je retiens que tu risques d'être en retard aux shows de Bea, alors. » La grimace qu’il tire répond à sa place. Il ne pourra jamais rien promettre Bea, ni à personne. Mais il essaye de faire des efforts. Vraiment. Vraiment ? « Est-ce que tu danses sur scène ? » Lèvres pincées, il secoue la tête à la négative, se ferme un peu en baissant les yeux. « Pas vraiment, non. » Il pourrait là aussi trouver des centaines de raisons mais il préfère ne pas admettre qu’il n’a pas le courage de monter sur scène, quand bien même il s’agit de son plus grand rêve. « Tu fais quoi, comme danse ? C'est quoi tes styles préférés ? » Il énonce de manière machinale : « Le contemporain et le ballet. Le contemporain, ça regroupe tout ce qui ne se classe pas ailleurs et qui n’est pas assez technique selon les puristes. » Il se permet d’annoncer avant que Kai ne cherche à recueillir plus de détails. « Ca me plairait de te voir danser. » La gorgée qu’il venait d’avaler peine à continuer son chemin dans son œsophage. Il doit bien se racler la gorge trois fois contre sa main pour se débarrasser de cette sensation irritante qui pulse dans sa trachée. « Tu es le Terminator et je suis Sarah Connor ou quoi ? » Il veut sa mort, en gros. « Qui a bien pu t’envoyer pour me pulvériser comme ça ? » C’est une façon comme une autre d’admettre qu’il ne danse que très rarement devant un public. C’est… original ?

Peu importe le dénouement de cette conversation, Raphael tient à s’assurer d’une seule petite chose. Pour certains, ce n’est pas bien important. Pour la majorité, ce serait un véritable tue l’amour. Il n’a plus qu’à croiser les doigts pour que Kai ne fasse pas partie de cette seconde catégorie, et que la nouvelle ne le fera pas rebrousser chemin sans plus lui adresser un regard. C’est la première fois qu’il arrive à mettre les mots sur ses sentiments, sur sa sexualité qui était jusqu’à présent perdue dans le plus profond des océans. Il se crispe sur sa chaise, craintif d’accueillir une mauvaise réaction, mais l’annonce ne semble pas froisser l’autre jeune homme sur sa chaise. Au contraire, son intérêt est capté et, heureusement, ce n’est pas de la curiosité malsaine aux premiers abords. « T'es pas n'importe qui pour moi non plus, » Terminator. « Je n'avais pas cette intention mais tu n'as pas fait un fou de toi. J'apprécie ta transparence. » Il attache ses prunelles aux siennes, un espoir réconfortant les traversant telle l’étoile filante dans le ciel d’août. « Est-ce que tu as toujours su que tu étais ace ? » Il n’a pas le temps d’ouvrir les lèvres. « T'es pas obligé de me répondre, je n'y prendrais aucune offense si tu préfères pas. C'est juste que tu es la première personne qui me dit ça et... J'y connais pas grand-chose. » Il a conscience d’être une espèce animale rare. Les personnes asexuelles ne courent pas les rues. Plusieurs ne savent même pas mettre les mots sur ce qu’ils ressentent. Ils sont gavés d’excuses pour expliquer leur manque d’attirance, pointent les hormones du doigt ou le mauvais partenaire. Raphael y a longtemps cru. « Ça ne me dérange pas. » Il reprend, confrontant son envie de changer de sujet. S’il y a un moment pour en parler, c’est maintenant. Ainsi, Kai saura à quoi s’attendre et Raphael n’aura pas de mauvaises surprises. « Je n’ai pas toujours su, non. Je savais que j’étais pas vraiment comme les autres, tu sais… Le sexe et tout ça, c’est plutôt au centre du monde dans lequel on vit. Il y en a partout. C’est dans nos veines, c’est imprégné en nous, que ça nous intéresse ou pas. » Il hausse les épaules pour marquer une pause le temps de repositionner son discours dans la bonne direction. « Enfin, bref. J’ai appris seulement la semaine passée que, lorsque quelqu’un qualifie une autre personne de « chaude », c’est parce qu’il a envie de… tu vois de quoi je parle. » Il a beau connaître les termes, il déteste toujours les utiliser. « Je croyais que ça voulait simplement dire que la personne était jolie. » Vaut mieux rire de soi-même. « Je n’ai jamais eu envie de le faire, c’est tout. Même quand je suis amoureux, je n’y pense pas. J’ai juste envie de prendre soin de la personne que j’aime, de lui faire son café, de jouer avec ses cheveux, de… Plier ses vêtements quand ils sortent de la sécheuse. » Une dernière information plutôt inutile, mais Kai a certainement compris son point. « Je n’ai jamais eu envie de tester parce que… je n’y pense pas, c’est tout. Mon bouton est à off. » Dans un soupir il termine : « Je suis condamné à ne pas comprendre 99% de la population, toi y compris, probablement. » Et, cette statistique-là, elle l’esseule énormément. « Condamné à décevoir ces 99%, aussi. »

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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptyDim 19 Fév - 0:35

Ses cheveux coiffés en arrière, ses paupières ornées d'artifices, son regard fuyant et ses lèvres finement dessinées ; mon regard vagabonde avec attrait sur le minois du jeune homme, érigeant de réels poèmes dans mon esprit. Je ne saurais l'expliquer, mais Raphael m'interpelle, et d'une certaine façon, faute de meilleures pistes, je recherche les motifs de cette fascination au creux de ses traits. J'énumère les ingrédients : l'éclat dans son regard lorsqu'il observait le spectacle de drag queens, sa gestuelle lorsqu'il explique son point de vue, sa nervosité lorsqu'il relate ses préférences. Je me sens lié au garçon par cette gauche sensation de déjà vu : celle qui vous happe lorsque vous vous reconnaissez en quelqu'un et que par conséquent, cet individu vous produit le riche présent de vous sentir moins esseulé. Raphael, entre autres, suscite en moi cette drôle d'impression d'avoir retrouvé quelqu'un qui me manquait, sans même savoir avant de le rencontrer qu'elle me manquait.

Mes méninges s'éprennent en remue-ménages intensifs. L'arborescence de mes pensées est effervescente et je lutte constamment contre celle-ci pour ne pas dédier un charabia grotesque à mon interlocuteur qu'il me tarde pourtant de découvrir, tout en m'évertuant à stocker précieusement chaque information qu'il me révèle sur lui. Mon cœur se serre à l'idée du temps qui continue de courir, fatale régularité, ennemie de mon avidité de connaissances sur Raphael qui se veut exponentielle ; l'image du méchant des vieux films d'horreur qui marche à l'encontre de ses victimes affolées et parvient toujours à les rattraper malgré le fait qu'elles courent à puissantes enjambées s'impose dans ma boîte crânienne. De plus, comme si cela n'était pas suffisant, je réponds aux questions de l'australien par d'autres questions. « Eum… J’en sais rien ? » Un sourire tendre se dessine sur mes lippes, mon rythme cardiaque s'adoucit. « Peut-être, si l’opportunité se présente. » Le jeu s'installe dans mon regard, les paroles interprétées telles une invitation. « J'aimerais beaucoup te maquiller, » je confesse, mes pupilles décrivant une énième fois son portrait et toutes les techniques que je connais qui pourraient le métamorphoser, tout en en conservant l'essence unique.

Néanmoins, lorsqu'il est question d'aborder mon métier, la passion s'évapore drastiquement. C'est épris d'une nonchalance prodigieuse que j'annonce gagner ma vie via le domaine de la biologie : une science dans laquelle j'évolue depuis bien assez d'années pour détenir féroce confirmation qu'elle ne m'offrira jamais un réel épanouissement professionnel. « Pas ton choix ? Tu t’es trompé de programme en t’inscrivant à l’université et tu n’as pas remarqué ton erreur avant de terminer l’entièreté des cours ? » Je pouffe, encerclant mon verre de mes doigts sous l'attention nouvelle de mon regard qui évite ainsi ma compagnie. « Je n'étais pas sûr à 100% de ce que je voulais faire de ma vie et dans le doute, j'ai préféré écouter mes parents. » J'avoue, un peu honteux. Je me mords chaque jour les doigts de ce choix. Les regrets, amers et récalcitrants, me tiraillent quotidiennement. Ces "si" me rendent fou, ils contractent mes muscles, alourdissent mon palpitant, pèsent sur mon mental. Cependant, je n'ai encore su recueillir le courage nécessaire à mener ma vie selon mes propres règles, ainsi, j'endosse le rôle du bon petit soldat, à me contenter de ce que j'ai bâti sous la mélodie des aspirations d'Autrui, faute de pouvoir croire en moi et respecter même qui je suis. D'autre part, sous un certain angle, je ne suis pas tant à plaindre, comparativement à d'autres. Ne pourrais-je pas être ingrat ou déraisonnable de désirer changer de vie, au nom de ce qui me fait réellement vibrer ? J'admire sans vergogne ceux qui savent s'écouter sans être envoûtés par le bruit de leurs peurs, par cette pression qu'ils s'imposant eux-mêmes en voulant incessamment ne pas décevoir ni contredire leurs proches.

Lorsque Raphael m'indique avoir été professeur de danse, mon regard se loge de nouveau sur son portrait, aussi vif que pétillant. Une carrière atypique, audacieuse, et je ne peux m'empêcher de m'interroger sur ce qu'a conduit l'australien à la poursuivre. Cependant, je n'ose le formuler pour le moment, de peur de remuer le couteau dans la plaie de son chômage. Je joue plutôt sur son retard qui a causé son licenciement, dans une tentative masquée de banaliser son tort, d'alléger la situation, avant d'entreprendre d'en savoir plus sur ce que je soupçonne être sa passion. « Le contemporain et le ballet. Le contemporain, ça regroupe tout ce qui ne se classe pas ailleurs et qui n’est pas assez technique selon les puristes. » « C'est un peu deux opposés, non ? » Je demande doucement, intéressé, avant de formuler mon vœu de le voir à l'œuvre ; une franchise qui lui fait avaler de travers. Ma mine se veut à la fois amusée et désolée et je le soutiens du regard, à défaut d'oser lui toucher la main ou lui frotter le dos. « Tu es le Terminator et je suis Sarah Connor ou quoi ? » Mon rire se fait franc. « Et je n'ai déployé que mes armes les plus douces pour l'instant ! » Je déclare, faussement menaçant. « Qui a bien pu t’envoyer pour me pulvériser comme ça ? » Un sourire en coin. « Le Destin a généralement bon dos, non ? » Je soumets avec malice. Sous la surface, il n'y a pas que Raphael qui essuie des pulvérisations. « Tu aimes la danse depuis longtemps ? » J'enchéris, admiratif face à cet australien qui me semble ne pas avoir peur de dire les choses telles qu'elles sont. Raphael ne me paraît pas se loger dans les faux semblants, dans l'art de distordre la vérité pour plaire à Autrui, entrer dans un moule quelconque. A mes yeux, il affiche qui il est et pour cela, je l'apprécie autant que je lui dédie déjà ma confiance, que je conserve d'ordinaire très avarement.

Je m'absente quelques instants pour renouveler nos rafraîchissements. A mon retour, la tirade que me dédie le danseur me laisse bouche bée, un réel feux d'artifices de réflexions, interrogations et commentaires surgissant dans ma tête. Il me faut me rejouer ses paroles plusieurs fois dans ma mémoire et que je me consacre à un élément à la fois pour répliquer au trentenaire, m'appliquant sur ma valorisation de sa sincérité et le fait que celle-ci ne fait aucunement de lui un fou, mais suscite bien d'autres définitions en moi. Je me mordille distraitement la lèvre inférieure lorsqu'il se qualifie d'un terme qui échappe à mon vocabulaire puis je hausse les sourcils en comprenant qu'il me décrit son orientation sexuelle ; un avant-gardisme profondément apprécié. Mon combat contre mes émotions et mes curiosités prend de l'ampleur, je fais glisser mon doigt autour de mon verre comme pour organiser mes frénésies cérébrales pulsant au même rythme que mon cœur.

« Ça ne me dérange pas. » Il me rassure et mes épaules s'affaissent dans un réconfort flagrant lorsque j'ose lui formuler une partie des questions qui me tiraillent sur son dernier aveu. « Je n’ai pas toujours su, non. Je savais que j’étais pas vraiment comme les autres, tu sais… Le sexe et tout ça, c’est plutôt au centre du monde dans lequel on vit. Il y en a partout. C’est dans nos veines, c’est imprégné en nous, que ça nous intéresse ou pas. » Pendu à ses lèvres, je m'imagine son cheminement, je me retiens de l'asséner de mille autres questions à chaque élément qu'il me révèle. Secrètement, je me demande comment quelqu'un peut être sûr à 100% de son orientation et si c'est même possible. Si l'on part sur la notion d'étiquette, est-ce que lorsqu'on déniche la sienne, elle nous va simplement comme un gant peut nous seoir parfaitement ? Est-ce qu'on le sait, tout bonnement, au fond de nous, que nous sommes ainsi, comme on peut assurer éhontément préférer le chocolat à la vanille par exemple ? Ou est-ce que tout est toujours interminablement fluide, dans un cadre plus ou moins délimité ? Au fond de moi, je décris le sexe comme cette monstrueuse ombre qui ne vous quitte jamais. Comme l'indique avec raison Raphael, il est omniprésent dans notre société, dans notre vie de tous les jours. Il paraît être dans notre ADN, dans notre mode de fonctionnement, dans notre quotidien. Un élément indéniable, indissociable de la vie de tout être humain, parfois presque aussi important que la nourriture même. Comment fait-on quand on n'en veut pas, quand on est déjà rassasié ? Comment fait-on pour s'en dissocier lorsqu'il est omniprésent, et pesant ? Comment fait-on quand l'être humain est par nature social et que la majorité de ses pairs ont le sexe dans leurs cordes quand il ne figure pas spécialement à son arc à soi ? Ou alors, il s'agit simplement de cas par cas, et que comme beaucoup de choses dans la vie, il suffit de ne pas généraliser, de ne pas se comparer, de ne pas définir sa conduite selon celle d'autres mais en écoutant ses propres besoins et envies. Chaque personne, chaque couple, chaque duo, chaque relation, est alors dictée aux couleurs de chacun, ce qui les rendent uniques et parfaites ainsi. « Enfin, bref. J’ai appris seulement la semaine passée que, lorsque quelqu’un qualifie une autre personne de « chaude, c’est parce qu’il a envie de… tu vois de quoi je parle. Je croyais que ça voulait simplement dire que la personne était jolie. » Un sourire prend de nouveau possession de mes lèvres, attendri par la vision de Raphael. « Je n’ai jamais eu envie de le faire, c’est tout. Même quand je suis amoureux, je n’y pense pas. J’ai juste envie de prendre soin de la personne que j’aime, de lui faire son café, de jouer avec ses cheveux, de… Plier ses vêtements quand ils sortent de la sécheuse. » Qui est Terminator, maintenant ? Je déglutis alors que le monde autour devient de plus en plus abstrait, alors qu'il n'existe plus que Raphael dans ma conscience. Prendre soin de la personne, ses paroles résonnent dans tout mon être, font marteler mon cœur contre ma poitrine. A chaque battement, j'espère qu'on prend soin de Raphael comme il prend soin des personnes qu'il aime. Peut-être que le fait de m'être forcé à entrer dans des cases qui me déplaisaient obscurcit mon jugement général et rend celui que me présente mon interlocuteur plus beau, mais j'en vois le garçon dotée de nobles intentions. Le sexe est aussi un moyen de pression, un sujet de discorde, un droit qui tangue vers le devoir par cette envie de satisfaire et de se conformer. Sans lui, contre qui il m'arrive encore de grimacer devant les récits trop graphiques, je m'imagine un quotidien bien plus léger. « Je n’ai jamais eu envie de tester parce que… je n’y pense pas, c’est tout. Mon bouton est à off. Je suis condamné à ne pas comprendre 99% de la population, toi y compris, probablement. Condamné à décevoir ces 99%, aussi. » Son soupire nuancé de ce que j'interprète comme une profonde désolation me serre indéniablement le cœur. Il m'apparaît saugrenu, dans l'immédiat, dans quelle mesure cette situation ne semble pas être la plus facile à vivre sur tous les points de vue pour Raphael mais qui, de mon côté, m'apporte un soulagement incommensurable. J'avais déjà entendu parler de l'asexualité, tout comme bon nombre d'autres orientations, mais étrangement, jamais ne l'avais-je entièrement considérée jusqu'à présent. Peut-être est-ce parce que justement, comme le présentait le danseur, celle-ci représente 1% de la population et qu'en l'absence d'exemple et de personne avec qui en parler, je n'arrivais à saisir sa sémantique totalement, je ne parvenais pas à assimiler aussi bien que d'autres orientations ce qu'elle évoquait et impliquait. Je prends grand soin d'enregistrer les paroles du jeune homme dans ma mémoire en me les répétant intérieurement, portant ma boisson à ma bouche comme pour noyer le flux de propos que je rêve de lui tenir. « Ça ne me dérange pas, » avait-il assuré lors de ma première question et je me raccroche à cette affirmation, dans l'optique de m'inspirer le courage de continuer ma route vers la compréhension de ce qui épanouit, spécifiquement, Raphael sur ce volet de sa vie. « Tu me déçois pas, » je fais enfin, d'une voix étonnement neutre mais assurée, résultat des secousses dans mon organisme. « Je me sens chanceux de t'avoir rencontré, en réalité. » Mon intonation s'adoucit. Une partie de mon cerveau en calcule même les statistiques. « Et je te trouve courageux de l'annoncer comme ça. » Il m'a l'air s'assumer, savoir qui il est, ne pas avoir peur de s'exposer en début de relation, comme pour éviter tout quiproquo dans le cadre de nouvelles rencontres. « Quand tu aimes quelqu'un... » Je commence, choisissant aussi soigneusement que possible mes termes, la dernière chose que je désire étant bien de créer une maladresse. « Tu es attiré par elle romantiquement voire sensuellement mais pas sexuellement ? » Je tente de résumer grossièrement. « Est-ce que tu as une préférence pour le corps masculin ou le corps féminin, ou pas du tout ? » Ce qui, en soit, n'était pas afférent exclusivement à l'asexualité, j'en avais conscience, et celle-ci ne se limitait pas non plus qu'à une caractéristique. Mais présentement, l'étiquette m'importait peu. Seule celle qui décrivait Raphael m'intéressait, en toute son unicité et authenticité.

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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptySam 25 Fév - 20:49

La scène ne s’anime plus depuis un moment. L’entracte avait été annoncé une dizaine de minutes plus tôt et, si habituellement Raphael attend avec impatience le retour des artistes et des chansons, ce soir il se surprend à apprécier une discussion avec un garçon qui le voit, lui, plutôt que toutes les choses qu’il ne pourrait pas offrir. C’est peut-être ça, une belle rencontre. C’est la première fois de sa vie qu’il sent des liens se forger en si peu de temps, parce que leurs ondes se rejoignent naturellement et leur cœur pompe le sang au même rythme. « J'aimerais beaucoup te maquiller, » Sauf lorsque Kai l’assène d’une telle réplique inattendue qui fait bouillir son corps entier d’un mélange de gêne et de curiosité. Il hésite un moment mais se rappelle qu’il a déjà laissé quelqu’un colorer son visage, et, cette fois-là, il s’est senti détendu et confortable parce que le tapotement des pinceaux contre ses paupières closes lui avaient fait l’effet de caresses. Le genre de caresses que recherche un enfant se blottissant dans les bras de sa mère afin qu’elle joue dans ses cheveux. « Tu sais comment faire ? » Raphael finit par demander après avoir imaginé les lèvres de Kai entrouvertes et son regard concentré tandis qu’il trace son eyeliner. La vision ne le déplait pas. Il est bel homme, très bel homme, et il arrive facilement à le faire rougir pour les bonnes raisons. Pendant un moment, il imagine cette soirée durant laquelle ils jouent tous les deux avec la poudre et la couleur alors qu’il ne sait pas encore d’où il vient, ce qu’il veut réellement et la raison pour laquelle il est venu à sa table.

Heureusement, il peut en apprendre un peu plus parce que, à la base, il s’agit bel et bien d’une rencontre. Ainsi, les deux ont le droit de poser des questions venues de nulle part sans que ça ne paraisse étrange. Et, Raphael veut savoir de quelle planète provient cet extraterrestre. « Je n'étais pas sûr à 100% de ce que je voulais faire de ma vie et dans le doute, j'ai préféré écouter mes parents. » C’est un regard compatissant et tendre qu’il pose sur lui tandis qu’il accueille cette réalité plutôt déstabilisante. En effet, ses pères à lui ne lui auraient jamais empêché de danser puisqu’il vivait de cette doctrine. L’école ne lui collait pas au teint, ses notes étaient misérables, son attention jamais rivée vers l’enseignant. Non, Raphael a toujours préféré regarder les nuages à travers la fenêtre de la classe et il se plaçait à l’arrière à cette fin – contrairement à ceux qui le faisaient pour passer sous les radars de l’autorité. « Est-ce que tu le regrettes ? » Il demande en premier lieu avant de poursuivre avec la question qui l’intéresse vraiment : « Qu’est-ce que tu aurais fait si tu n’avais pas écouté tes parents ? » Et il se détend un peu sur sa chaise, pose son coude sur la table, sa joue dans sa paume, et contemple le jeune homme avec intérêt : le monde autour de lui n’existe plus, c’est juste Kai et la musique ambiante, et la lumière qui allonge les ombres dans sa coiffe épaisse et les nombreuses couches de cheveux foncés. Qu’est-ce qu’il aime les beaux cheveux, Raphael.

Ce qu’il aime encore plus, c’est la danse. Il suffit d’être un peu attentif pour voir les étoiles pétiller dans ses pupilles lorsqu’il aborde le sujet. Après avoir pratiqué le sport pendant plus de vingt ans, il n’arrive toujours pas à choisir son style de danse préféré. Il les aime tous puisqu’ils lui rappellent chacun un souvenir bien distinct, une émotion, un moment figé dans l’espace. Mais, à la toute fin, il présente toujours la classique et la contemporaine car ce sont les deux qu’ils a enseignées. « C'est un peu deux opposés, non ? » Son sourire est amusé, il bascule la tête de droite à gauche afin de nuancer son propos : « Si on veut, oui. Le ballet, c’est une liste de règles à suivre et le contemporain, c’est l’anarchie. » Une bonne façon de les résumer. « Et puis, je crois qu’on a tous ces deux opposés en nous, et ils se manifestent chacun à leur manière. » Raphael peut aimer tendrement, Raphael peut détester à s’en arracher les cheveux. Raphael peut frôler du doigt l’objet le plus précieux puis le jeter contre le mur quand il ne lui plaît plus. Plutôt difficile à comprendre, ce garçon. Mais la bienveillance finit toujours par l’emporter sur toutes les émotions négatives qui le traversent. « Et je n'ai déployé que mes armes les plus douces pour l'instant ! » C’est vrai qu’il est doux. Sa peau semble l’être aussi, ainsi que ses cheveux – cesse de les fixer, par pitié. « Le Destin a généralement bon dos, non ? » Blâmer le destin quand rien d’autre ne répond aux critères. Il aime bien faire ça, lui aussi. Jamais sa faute, seulement l’extérieur qui lui envoie du bien ou du mal, qu’il le mérite ou pas. Il ne mérite certainement pas la gentillesse de cet étranger. « Tu aimes la danse depuis longtemps ? » Il esquisse un sourire timide. « C’est mon tout premier souvenir. Tu sais quand ils disent qu’on se souvient seulement de choses qui se sont passées quand on avait cinq ans, peut-être six ? » Il l’interroge du regard. « Eh bien, moi je suis certain de me souvenir de la toute première fois que j’ai dansé, j'avais trois ans et ce n’était pas un rêve. » Inutile de lui proposer cette hypothèse : il la rejette aussitôt. Ses parents n’arrivent même pas prononcer leurs arguments pour tenter de le convaincre du contraire. Il se bouche les oreilles et ne veut pas entendre. « C’est quoi ton tout premier souvenir ? » Il demande ensuite, curieux de savoir si cette information pourrait lui faire rencontrer plus de traits de sa personnalité.

Avant que les choses ne se dirigent dans une direction défavorable aux yeux de Raphael, il préfère mettre les choses au clair. Pour la première fois de sa vie, il prend son courage à deux mains et pose ses intentions sur la table. Il ne souhaite faire de mauvaises surprises à personne ; il est asexuel, et c’est ainsi. Si Kai est venu à sa rencontre dans l’espoir d’échanger plus que des mots avec lui, alors il peut repartir d’où il est venu – quoique, cette possibilité effraie Raphael, bien qu’il ait l’habitude de se terrer dans sa solitude. Contre toute attention, le jeune homme n’est pas effrayé d’apprendre qu’il se trouve devant un petit pourcent de la population. Le petit pourcent qui n’a pas envie d’échanger des caresses charnelles, d’offrir ou recevoir un orgasme. Il ne pense simplement pas de cette manière, voit le monde différemment, s’est adapté à une société qui vend la sexualité comme des petits pains chauds. Ce n’est pas tout le monde qui peut le comprendre. « Tu me déçois pas, » Lèvres pincées, il sent ses joues virer au rouge à nouveau. Il se suspend à ses lèvres, attend son verdict tel l’accusé. « Je me sens chanceux de t'avoir rencontré, en réalité. » Ses sourcils se froncent, il l’interroge du regard. Pourquoi donc ? « Et je te trouve courageux de l'annoncer comme ça. » Il prend une grande inspiration, hausse les épaules : « C’est la première fois que je le fais. Tu as été mon cobaye. » Il marque une pause et précise en une grimace : « Mais c’est aussi la première fois que je dois le faire. » Devant son incompréhension familière (la même qui froissait le visage de Maisie quand il lui avait annoncé qu’il n’avait jamais embrassé personne), il précise aussitôt le fond de sa pensée : « On ne m’accoste pas vraiment dans les bars, je suis plutôt invisible et, habituellement, j’aime bien l’être. J’avais peur de me confronter à quelqu’un qui ne comprendrait pas alors… Merci de ne pas partir en courant. » Son regard est entendu mais il perd rapidement de son aisance et se cache derrière une autre gorgée d’eau citronnée. « Quand tu aimes quelqu'un... » Il a peur. « Tu es attiré par elle romantiquement voire sensuellement mais pas sexuellement ? » Son sourire déboussolé parle  à sa place. Il laisse quelques secondes s’écouler, secondes durant lesquelles il réfléchit à la question, et la réponse n’est pas évidente. Ce serait moins compliqué d’être comme les autres. « J’en sais rien, à vrai dire. Je ne suis pas certain de comprendre la différence entre ces deux mots. J’aime à ma façon, et cette façon peut paraître étrange, elle l’est même pour moi. » Il réfléchit un peu plus, observe le plafond, se refuse de laisser le visage de Kieran apparaître dans ses pensées mais c’est inévitable. Il est le seul garçon qu’il a aimé (qu’il aime ?) de cette manière. Diana était une obsession. Un fruit interdit. Kieran, il voulait le prendre dans ses bras, jouer avec ses cheveux, peut-être dormir près de lui, boire dans le même verre, se blottir contre son torse, le protéger. Il n’a pas réussi à le protéger. « La comparaison va te paraître étrange mais… Tu sais comme tu as une race de chien préférée ? C’est un peu similaire. Il y a des physiques qui me plaisent plus que d’autres mais, tout comme pour un chien, je n’ai pas d’idées en arrière de la tête. » Mais quelle comparaison de merde. « Je suis vraiment désolé d’avoir dit une telle connerie. Je réfléchis pas assez, parfois. » Il s’efforce de rire un peu pour faire s’échapper sa nervosité. « Est-ce que tu as une préférence pour le corps masculin ou le corps féminin, ou pas du tout ? » À nouveau, il se confond dans l’absence de certitude. Il hausse les épaules et conclut : « Je crois que je n’ai tout simplement pas assez d’expérience en la matière pour répondre correctement. Je ne sais pas ce qui me plaît et ce qui ne me plaît pas. La seule chose dont j’ai la certitude, c’est que l’idée d’un one night me terrifie et me rend particulièrement mal à l’aise. » Kai ne pourra malheureusement pas en savoir davantage. Pas pour le moment. « Mais, pour répondre du mieux que je peux à ta question, je dirais que je n’ai pas de préférence parce que je vois avant tout la personne plutôt que son corps. » Bon, là, il ment un peu. Il sait très bien quel corps il préfère lorsqu’il passe un moment intime avec lui-même. Son historique de recherche ainsi que les bande-dessinées sous son lit le trahiraient. « Okay. Les garçons. Voilà, c’est dit. » Il pouffe derrière son verre, repassant sa main encore et encore dans ses cheveux qui, soudain, paraissent si lourds sur son crâne. « Et toi alors ? Tu as une préférence ? » Qu’il renchérit aussitôt pour ne pas rester seul dans son malaise.        

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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptyLun 13 Mar - 0:47

Silencieusement, éhontément, j'étudie le portrait de Raphael. Mes dents se plantent aussi discrètement que distraitement dans ma lèvre inférieure tandis que mon attention divague de ses yeux à sa bouche, glissant lentement le long de son nez bien droit. Je ne saurais véritablement l'expliquer, mais auprès du garçon que je ne connais que depuis quelques dizaines de minutes tout au plus, je sens toutes ces barrières que j'ai religieusement érigées autour des parties les plus intimes mais aussi les plus vibrantes de mon être se décliner. Comme si le garçon m'inspirait confiance, comme s'il m'incitait à dévoiler toute cette passion qui gronde continuellement en moi pour l'art du maquillage, de la danse, du spectacle, de la mode - du drag. En la compagnie de l'australien, les mots franchissent mes lippes audacieusement et à chaque aveu exposé, mon palpitant pulse de fierté et d'enthousiasme, comme si je venais de le libérer d'un des faramineux nœuds que je lui impose par peur du jugement et du rejet d'Autrui.

Peut-être ses paupières fardées de bleu marin m'envoûtent-elles ? Peut-être son regard expressif me transporte-t-il ? Peut-être me reconnais-je en Raphael, tout comme m'associais-je à lui ? Étrangement, je sens ces ondes similaires sur lesquelles nous vibrons, mais aussi celles vers lesquelles je rêve déjà de le mener, et cela débute par mon voeu de le maquiller. « Tu sais comment faire ? » Ses joues se sont empourprées, un rictus jovial habite malicieusement mes lippes. Mes doigts tapotent nerveusement mon verre avant que je n'opine doucement du chef. « Oui. Je sais comment faire, » j'assure avec une confiance en moi qui ne relève d'ordinaire que de Bea, et aucunement de Kai. Par ailleurs, en aucun cas le Luz n'aurait-il osé même prétendre connaître quelque chose au maquillage. Néanmoins, face à Raphael, les rôles se mélangent, les identités me composant s'épousent enfin, le temps d'un interlude interdit au sein d'un bar aux connotations que je n'assume pas encore entièrement, quand bien même je m'y sens aisément à ma place.

Je suis enlacé du désir de tout savoir sur lui. Je rêve qu'un mode d'emploi vienne avec le vingtenaire, que je pourrais lui dérober pour le lire encore et encore, mémorisant chaque élément avec bienveillance et avidité. Raphael m'intrigue et mon cœur saigne déjà que le temps continue inexorablement de couler alors que j'aimerais le figer pour que cet échange jamais ne s'achève. Il n'y aura pas assez du temps de ce spectacle, de cet entracte, pour assouvir ma curiosité ; pire, il n'y aurait probablement pas assez d'une vie entière, tant la condition humaine est riche de son caractère constamment évolutif. « Est-ce que tu le regrettes ? » Je déglutis. Nouvelle interrogation dont les éléments de réponse sont enfermés envieusement dans cette boîte de Pandore jetée au fond de mes entrailles. Sous aucun prétexte n'ai-je osé contredire mes parents. J'ai toujours voulu entrer dans le rang car je supporte mal le conflit, je redoute l'abandon, les reproches des gens que j'aime me sont trop douloureux. Même encore aujourd'hui, âgé de trente ans, je cherche le soutien et l'approbation de mes géniteurs tout en sachant pertinemment que la vie qu'ils me dictent ne me correspond pas, que je suis sombrement voué à les décevoir. « Tous les jours, » je souffle, tel un secret inavouable. Il n'y avait pas un soleil qui se couchait sans qu'il ait été témoin de mes regrets, de mon jeu du conditionnel auquel je m'adonnais lorsque je me trouve seul assez longtemps. Et si j'avais osé tenir tête ? Et si j'avais osé suivre mon cœur ? Et si j'avais écouté mes trippes ? Et si... et si... et si... ?! « Qu’est-ce que tu aurais fait si tu n’avais pas écouté tes parents ? » « Journaliste, » je réponds spontanément avec un sourire dénudé de joie. Maintenant, je me sens trop vieux pour faire marche arrière. J'ai l'impression de m'être embourbé trop profondément dans la voie de la biologie. J'ai peur que ce soit complètement indécent de quitter ce confort que j'ai construit des années durant pour un rêve incertain. Je redoute la réaction de mes parents que j'entends déjà clamer à quel point la jeunesse ne sait pas ce qu'elle veut, qu'elle dévie, qu'elle épuise les ressources, qu'elle s'éternise aux études sans rien fonder de concret.

A mes yeux, Raphael possède une belle quantité de courage. Peut-être la danse était-elle telle une évidence dans son histoire, peut-être a-t-il toujours pourchassé ses pas pour en extraire le gain de sa vie ; quoi qu'il en soit, je l'admire sans vergogne. A sa place, jamais n'aurais-je osé même essayé et c'est avec un profond intérêt que je l'interroge sur ses danses favorites, supposant que le ballet et la danse contemporaine qu'il désigne comme ses styles préférés s'opposent quelque peu. « Si on veut, oui. Le ballet, c’est une liste de règles à suivre et le contemporain, c’est l’anarchie. Et puis, je crois qu’on a tous ces deux opposés en nous, et ils se manifestent chacun à leur manière. » Je conserve mon sourire, mon regard se perd sur ses ongles colorés. Forcément, je dédie une pensée à ma propre dualité : Kai d'un côté, Bea de l'autre ; à eux deux, ils sont mon équilibre, mon yin et mon yang, mon essence, mon tout. L'un survit sans l'autre, l'autre existe grâce à l'un. « Est-ce que tu avais un plan B, après la danse ? » J'ose questionner, curieux. Raphael a-t-il douté ? S'était-il déjà retrouvé penaud à un carrefour au sein de sa vie professionnelle, prêt à tout révolutionner ? A-t-il toujours exercé en qualité de professeur de danse ? Souhaite-t-il vivre de ce domaine jusqu'à la fin de ses jours ? Je veux croire que oui, tant son regard pétille lorsqu'il parle de cette discipline, tant j'ai eu le sentiment de lui demander de choisir entre ses propres enfants lorsqu'il fut sujet de déterminer ses danses de prédilection. Sa passion même me fait contempler à voix haute la possibilité de voir Raphael en pleine action, ce qui ne manque pas de faire réagir le sportif, pendant que j'accuse le Destin car il a bon dos. « Tu as fait une école de danse ? » J'enchaîne, sur un ton qui s'excuse de mon ignorance tandis que je lui consacre un regard brillant d'intérêt. « Tu aimes la danse depuis longtemps ? » Un sourire timide fend délicatement ses joues. « C’est mon tout premier souvenir. Tu sais quand ils disent qu’on se souvient seulement de choses qui se sont passées quand on avait cinq ans, peut-être six ? » J'acquiesce, attentif. « Eh bien, moi je suis certain de me souvenir de la toute première fois que j’ai dansé, j'avais trois ans et ce n’était pas un rêve. » Mon expression se veut des plus attendries pendant que j'imagine un mini Raphael se mouvoir au rythme de la musique. « C’est quoi ton tout premier souvenir ? » Et la bulle explose, j'en cille, en pleine archéologie de ma mémoire. « Mh, je crois que c'était avant un spectacle de fin d'année, » je relate. « C'était avant mes six ans aussi, je devais en avoir quatre ou cinq, » j'estimais, vu mes souvenirs de l'école où j'avais suivi les toutes premières années de ma scolarité - qui faisaient réellement plutôt office de garderie. « On était déguisé en oiseau pour le spectacle et on avait découpé les pattes du costume dans du carton jaune et orange pour les accrocher à nos souliers. » Je souris en coin, ressassant la scène. « Forcément, à cet âge-là, avec des morceaux de carton aux pieds, alors qu'on devait se mettre en rang, tu imagines bien qu'il y a eu quelques catastrophes avec les enfants qui marchaient sur les pattes des autres et les déchiraient involontairement... Même marcher soi-même avec sans les déchirer était tout un exercice... » J'exposais en me mordillant la lèvre. « Les enseignants ont un peu perdu patience avec nous, à gronder l'ensemble de la classe pour cet attentat contre nos fameuses pattes d'oiseaux en carton... » La malice devenait plus lisible sur mes traits. « J'étais assez satisfait pour ma part parce que j'avais réussi à garder mes pattes intactes. Sauf qu'un camarade a perdu l'équilibre en se précipitant à côté de moi et il a finit par déchirer mes pattes en marchant dessus. J'ai eu droit à la déception de mon costume abîmé et les réprimandes d'une des enseignantes excédée. L'injustice apprise dès le plus jeune âge, j'imagine, » je concluais. « Désolé, il n'est pas aussi reluisant que ton premier souvenir, » je m'excusais dans un bref rire.

Les papillons volètent dans mon estomac pendant que je nous ravitaille en rafraîchissements, abandonnant plus ou moins à contrecœur Raphael à sa table que j'avais investie avec son autorisation. Lorsque je m'installe de nouveau à ses côtés, ses aveux sont aussi personnels que déroutants. Les papillons dans mon ventre s'agglutinent pour former un colibri dont le long bec vient titiller les parties de mon cœur qui se sont heurtées à différentes romances pendant que les ailes frémissantes ébranlent les nombreuses vestes de mon placard que j'emmagasine à défaut de trouver celle qui me correspondrait entièrement - dans laquelle je serais enfin à l'aise. Les sourcils haussés, je rassure avec sincérité Raphael sur le fait qu'il me déçoit aucunement, les questions germant à foison dans ma boîte crânienne néanmoins. Mon palpitant tonne face à cette nouvelle preuve de courage de Raphael. « C’est la première fois que je le fais. Tu as été mon cobaye. » Je souris largement à en échapper un prompt rire. « Eh bien, j'en suis très fier, » je confesse. Tu m'incites à beaucoup de premières fois aussi, je songe, sans oser le partager toutefois. « Mais c’est aussi la première fois que je dois le faire. » Je sourcille, confus. « On ne m’accoste pas vraiment dans les bars, je suis plutôt invisible et, habituellement, j’aime bien l’être. J’avais peur de me confronter à quelqu’un qui ne comprendrait pas alors… Merci de ne pas partir en courant. » Dois-je comprendre que je serais le premier chez qui Raphael aurait craint interpréter des intentions indécentes ? « Est-ce que je peux en déduire que ce soir, tu as aimé ne pas être invisible ? Même si je t'avoue avoir du mal à t'imaginer invisible aux yeux des autres. » Je taquine. J'inspire profondément, souriant tendrement au danseur « La seule chose que j'appréhende, pour l'instant, c'est la fermeture du bar, » j'affirme avec un regret anticipé. « Il y a des choses que je t'ai dites ce soir que je n'ai jamais dites à personne. Tu es mon cobaye aussi, » j'avoue avec complicité. « Mais je ne sentais pas que je devais le faire... J'avais envie de le faire, » je précisais, craignant désormais moi-même faire fuir en courant l'australien.

Raphael prend une gorgée d'eau citronnée, je l'imite en trempant également mes lèvres dans mon breuvage, un véritable quick step interrogatif fracassant ma boîte crânienne. Finalement, j'ose demander davantage de précisions sur l'orientation sexuelle du garçon, que je m'excuse ne pas connaître davantage. « J’en sais rien, à vrai dire. Je ne suis pas certain de comprendre la différence entre ces deux mots. J’aime à ma façon, et cette façon peut paraître étrange, elle l’est même pour moi. » Raphael s'agite, je le devine en quête de vecteurs explicatifs et je reste ainsi silencieux, patient. « La comparaison va te paraître étrange mais… Tu sais comme tu as une race de chien préférée ? C’est un peu similaire. Il y a des physiques qui me plaisent plus que d’autres mais, tout comme pour un chien, je n’ai pas d’idées en arrière de la tête. » Je ne peux m'empêcher de me dérider. « Je suis vraiment désolé d’avoir dit une telle connerie. Je réfléchis pas assez, parfois. » Je hoche la tête en signe de dénégation. « Non non, ne t'excuse pas pour ça. Ca a le mérite d'être originalement clair. » Et dans ce cas-là, quelle était sa race de chien préférée ? « Je crois que je n’ai tout simplement pas assez d’expérience en la matière pour répondre correctement. Je ne sais pas ce qui me plaît et ce qui ne me plaît pas. » Je fronce doucement les sourcils, interrogatif. Ne suffit-il pas de simplement... Croiser les races de chien pour décider celui qui nous plaît le plus ? « La seule chose dont j’ai la certitude, c’est que l’idée d’un one night me terrifie et me rend particulièrement mal à l’aise. » J'entrouvre légèrement les lèvres, saisi par la compréhension. « J'aime pas ça non plus, » j'affirme avec une précipitation trop franche pour que je ne la regrette pas derechef. « Enfin, c'est pas ma tasse de thé. » Plutôt de l'acide citrique qui me tord l'estomac. « Mais si tu... Enfin... » Je me pince les lèvres, hésitant, navré par avance de mes maladresses verbales. « Si ton bouton est à off, tu ne devrais pas avoir à avoir des one night, non ? » Là reposait tout le respect vers Autrui, à mon sens. Pourquoi imposer à Raphael un plan sexuel d'une seule nuit alors que, si j'avais bien compris, il n'avait aucune volonté à s'adonner à ce genre de pratique ? « Personne ne devrait te demander de faire quelque chose pour quoi tu es... Off, » j'élabore, exploitant la métaphore de l'interrupteur sans cérémonie, faisant fi de mon propre cœur qui se contorsionne sous les tiraillements de mes propres mésaventures et irrespect envers moi-même. Ou alors, je suis peut-être trop manichéen et ce n'est pas si simple. « Okay. Les garçons. Voilà, c’est dit. » Raphael pouffe, passe une main dans ses cheveux soyeux. Mon portrait s'illumine, complice et espiègle, comme s'il venait de m'offrir une très agréable surprise. « Les chiens mâles, alors, » je note avec légèreté, ne quittant pas du regard mon interlocuteur. « Et toi alors ? Tu as une préférence ? » Et là, en revanche, mes yeux se jettent dans mon verre comme s'ils souhaitaient s'y noyer. « Hum, » je commence, agitant mon contenant comme pour le remuer, les glaçons pourtant bien fondus depuis plusieurs minutes. « C'est une autre question pour laquelle tu devras être mon cobaye, » j'annonce sur un ton qui se veut faussement menaçant, reflétant l'innovation de mes potentielles futures paroles. Je me mords nerveusement la lèvre inférieure, en quête de hardiesse pour les articuler. Je lève les yeux vers Raphael, comme si j'espérais y puiser un peu de la bravoure dont il avait fait preuve ces dernières minutes. « Si je devais choisir ce que j'aime le plus... En race de chien... » Et je virevolte autour du pot, je tourne encore et encore alors que mon souffle se coupe et mon cerveau s'étourdit. Le morceau de la boîte de Pandore ne demande qu'à être expulsé, craché, indigeste depuis tant d'années. « Ce serait la même que toi. » Et bien sûr, je joue aux devinettes. Je m'en sens tout petit. Je glisse une main dans mon cou, passe mes doigts dans mes cheveux d'ébène. « Je préfère les garçons. » Et voilà, c'est dit aussi. « Mais j'ai jamais - » Et pourquoi, ô diable pourquoi, je ne m'arrêtais pas là ? La phrase était parfaitement complète. « Enfin. » Ce n'est pas une fin de phrase, ça, Kai. « C'est compliqué. » Ca s'embraye et ça cale. J'ai réussi à trouver une pire conclusion. Je déglutis, incertain à ce stade si je peux creuser encore plus ce trou dans lequel je me suis fourré. Toutes les idées qui me viennent en tête semblent aussi inadaptées les unes que les autres alors je me pince les lèvres, comme pour les retenir en moi et leur éviter de créer davantage de dommages à cette table. Après quelques secondes de silence, je me déleste : « J'ai jamais rencontré le bon chien, j'imagine. » Et peut-être faudrait-il cesser avec les chiens, maintenant ? Même si présentement, toutes les véritables races canines me passent en mémoire pour ne pas que le souvenir du vorace Ryan m'envahisse, tels les moutons qui tentent de chasser l'état d'alerte en étant comptés.

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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptySam 18 Mar - 23:25

« Oui. Je sais comment faire, » Et, si le mystère n’avait pas fait sa petite place dans la tête de Raphael à cet instant, il ne serait pas humain. Kai n’est pas maquillé, ce soir. Pas une touche de poudre ou de paillette, une peau nue, des cils et des sourcils découverts, des lèvres dévêtues et… Il devrait cesser de les fixer, ces lèvres vermillon en forme d’ailes de papillon. « Ah bon… » Le jeune homme finit par fredonner en haussant un sourcil, n’ajoutant aucun commentaire, souhaitant faire s’éterniser l’énigme pour avoir une bonne raison de penser à lui quand leurs chemins se sépareront. Ça ne lui fera pas de mal, de peupler son imagination de nouveaux visages.

Il est étonné d’apprendre que le jeune homme devant lui pratique la biologie – quoique, sait-il réellement à quoi ressemblent les gens qui étudient le vivant. Les futurs biologistes ne sont pas tombés dans un moule quand ils étaient petits. Ils ne sont pas sortis du ventre de leur mère avec tous les outils nécessaire pour mener une expérience. Ils ont appris à aimer découvrir le monde jusqu’à sa petite particules. Cependant, Kai ne paraît pas tout à fait passionné de parler de son métier. Au contraire, si ses yeux s’illuminaient juste avant, quand il proposait à Raphael d’enjoliver son portrait, maintenant c’est la brume qui brouille son regard, lui arrache son éclat de vie. « Tous les jours, » Qu’il admet quand il lui demande s’il regrette son choix de carrière. Une moue déconfite étire les traits du danseur. Il veut savoir ce qui lui rendrait la lumière de ses yeux. « Journaliste, » Un métier qui lui est plus familier. Le journalisme coule dans le sang de son père, mais ce n’était pas ce qu’il souhaitait faire au début. Au fil de ses écrits, il s’est retrouvé au milieu de la Une et les offres d’emplois sont venus ensuite. Il était jadis un poète, aujourd’hui il décrit avec beauté le fil de la vie à Brisbane. « Je ne crois pas que c’est trop tard. » Raphael dit, continue aussitôt pour ne pas laisser Kai se suspendre à ses lèvres trop longtemps. « Enfin, tu peux toujours faire du journalisme à côté. Tenir un blog, écrire des articles quand tu te sens inspiré. » Il pose son coude sur la table, enfouit sa joue dans sa paume ouverte pour détendre sa position. « C’est ce que faisait mon père. Il publiait des critiques de livre, des poèmes parfois, puis, un jour, il s’est fait remarquer. » Qu’il lui présente en haussant les épaules. Non, il ne croit pas que le journalisme est un rêve inatteignable. Il suffit d’avoir un peu de talent, de bien s’exprimer et de savoir quoi dire. De ce qu’il connait de Kai (très peu de choses, donc), il est prêt à parier qu’il en ferait un excellent. Il n’a pas peur d’approcher des autres, de chercher à miner leur histoire pour trouver les pierres précieuses qui se cachent sous leur armure.

Parler de danse, Raphael pourrait le faire jusqu’à ce que ses jambes, sa langue et son cœur s’essouffle. Tout comme il peut enchaîner les chorégraphies sans s’épuiser, il perd le contrôle de ses idées, prononce ce qui lui passe par la tête. Il se doute que ce n’est pas quelque chose qui peut intéresser tout le monde – il en a déjà payé les frais. Mais le regard de Kai retrouve sa brillance, comme s’il n’avait jamais été question d’un mauvais choix d’études ou de regrets fondés sur des passions glissées entre ses doigts. « Est-ce que tu avais un plan B, après la danse ? » Lèvres pincées, il secoue la tête. Il est chanceux. Il en a conscience. Si ses parents ne nagent pas dans la richesse, ils l’ont toujours soutenu dans ses choix et lui ont toujours prêté main forte dans les moments compliqués. S’il tombe de haut, se casse les jambes, il peut aller se lamenter dans sa chambre d’enfance, s’y enfermer quelques jours, ressortir plus tard quand l’orage est passé. Ses pères ne lui en ont jamais voulu de pas encore avoir trouvé son indépendance. « C’est la danse ou rien. » Il affirme, de toute façon trop peureux pour essayer quoi que ce soit d’autre. Il n’aime pas sortir de sa zone de confort. « Tu as fait une école de danse ? » Parler de la danse : oui. Aborder le sujet des écoles : non. « Eum… J’ai essayé. Il y a cette grande école de danse à Brisbane, le genre d’école où seulement une minorité de jeunes peut entrer. C’est très contingenté, et le niveau est très élevé. » Ce n’était cependant pas le problème. « Deux semaines avant mon audition, quand j’avais seize ans, je me suis cassé la cheville. Je suis resté huit mois dans le plâtre. » Ça devrait être de l’histoire ancienne, mais cette mésaventure le hante toujours aujourd’hui. Il ne peut se détacher de son passé, continue de blâmer tous les maux du monde sur cette blessure. Il ne le dirait pas à voix haute, car il n’a pas le cran de le faire, mais il croit qu’il aurait atteint ses rêves s’il n’avait pas manqué cette audition. Après, c’était trop tard. Il était trop vieux. « Ce n’est pas important. C’est du passé. » Ironique. Il veut surtout éviter de recevoir la pitié de Kai. Ça ne changera rien. Aujourd’hui, il continue à se raccrocher à son tout premier souvenir et à consacrer à celui-ci le rôle de guide. « Mh, je crois que c'était avant un spectacle de fin d'année, » Il sent que le récit qu’il va lui raconter vaudra de l’or. Il le devine peut-être dans la façon que Kai enfouit ses yeux vers la gauche pour creuser dans sa mémoire, ou cette façon qu’il a de s’humecter les lèvres pour s’assurer qu’elles tiendront sur toute la durée de l’anecdote. Et quelle anecdote ! Le moindre détail dont il se souvient remonte au-dessus de sa tête telle une projection, Raphael s’imagine tous les enfants-oiseaux se dandiner maladroitement pour ne pas perdre leurs pattes en carton, il se sent terriblement investi, suit l’action imaginaire des yeux, entrouvre les lèvres lors des retournements de situation, puis fronce les sourcils quand l’histoire se termine mal. Ça n’empêche pas le jeune homme de l’apprécier. « Désolé, il n'est pas aussi reluisant que ton premier souvenir, » Il se joint à son rire. « Tu te souviens de tant de détails. C’est très drôle, comme le cerveau trie l’information comme ça lui chante. » Il marque une pause, boit une gorgée d’eau citronnée puis conclut : « C’était une des plus belles histoires que j’ai jamais entendues. » Son ton est sarcastique mais n’est pas alimenté par l’arrogance ; au contraire.

Un parmi cent. C’est ainsi que Raphael se présente au jeune homme afin d’éviter les mauvaises surprises. Heureusement, la nouvelle n’offusque pas Kai : elle entretient même sa curiosité, le pousse à poser plus de questions pour le plus grand plaisir d’un asexuel qui ne s’était jamais dévoilé auparavant. Pas un instant il ne se sent jugé. Chaque réplique de son interlocuteur baigne dans la bienveillance. « Est-ce que je peux en déduire que ce soir, tu as aimé ne pas être invisible ? Même si je t'avoue avoir du mal à t'imaginer invisible aux yeux des autres. » On lui dit souvent. Personne n’arrivera à le convaincre qu’il attire les regards – du moins, pas lui en tant que personne. C’est plutôt son style excentrique qui sert faire fuir la moyenne et qui agit comme un repoussant à moustiques (selon lui). Il se cache derrière les couleurs parce qu’elles sont bien moins ennuyantes que sa personnalité. « Peut-être que j’ai aimé. » Il admet à demi-mot, ne compte pas préciser le fond de sa pensée. « La seule chose que j'appréhende, pour l'instant, c'est la fermeture du bar, » Il lit son sourire timide au sien, jette un regard autour d’eux comme s’il se rappelait qu’ils n’étaient pas seuls. « Il y a des choses que je t'ai dites ce soir que je n'ai jamais dites à personne. Tu es mon cobaye aussi, » Son sourcil s’hausse. « Mais je ne sentais pas que je devais le faire... J'avais envie de le faire, » Sa confession lui fait plaisir tout comme elle le déstabilise (dans le bon sens du terme). Peut-être que leur rencontre fera office d’un rendez-vous chez le psychologue, à la fin. « Tant que je reste ton cobaye pour ce genre de discussion et pas pour tes expériences scientifiques. » Sa position est bien plus favorable que celle des petites grenouilles qui se font disséquer tous les ans au nom de l’éducation.    

« Non non, ne t'excuse pas pour ça. Ca a le mérite d'être originalement clair. » Oui, bon, maintenant il ne voit plus que des chiens tout autour d’eux. Des bergers allemands là-bas, des shiba inu ici. Kai est certainement un labrador brun. « J'aime pas ça non plus, » Les one night. C’est étrange comme tout le monde prétend ne pas apprécier ça et, pourtant, c’est quelque chose qui se fait constamment. Combien d’usagers de ce bar passeront la nuit avec un étranger qu’ils ne rappelleront pas le jour venu ? Un assez grand pourcentage. « Enfin, c'est pas ma tasse de thé. » Il ne va malheureusement pas lui demander ce que c’est, sa tasse de thé, parce qu’il ne veut pas alimenter de potentiels espoirs. La suite s’écrira un mot à la fois, il ne veut rien provoquer. « Si ton bouton est à off, tu ne devrais pas avoir à avoir des one night, non ? » Il secoue la tête de droite à gauche. Jusqu’à présent, il a été chanceux. Il se réconforte dans l’idée de ne pas plaire. « Personne ne m’a jamais demandé. » Il le rassure aussitôt pour ne pas le laisser s’inventer des histoires qui terminent mal. « Je préfère simplement prévenir avant de me retrouver dans une situation où je ne sais pas vraiment comment réagir. » Ceci dit, il pense que, si son cerveau n’était pas déréglé à ce point, il jetterait probablement son dévolu sur les garçons parce que c’est leur voix grave, leurs jambes allongées, leur silhouette carrée, qui attirent son regard plus que les formes gracieuses des femmes. Ensuite, il veut savoir si les préférences de Kai se situent dans la même catégorie. « Les chiens mâles, alors, » Il a envie de le taper pour avoir dit ça mais il se contente de grimacer. « C'est une autre question pour laquelle tu devras être mon cobaye, » Son cœur fait un bond dans sa poitrine. Il se pince les lèvres, baisse un peu le regard. Toujours, il ne veut pas communiquer une promesse. Il ne sait pas ce que l’avenir lui réserve. Il préfère ne pas se jeter à pieds joints dans le précipice sans savoir si quelque chose ralentira sa chute en bas. « Si je devais choisir ce que j'aime le plus... En race de chien... » Il semble hésiter, lui qui détenait toute l’aisance et le naturel quelques instants plus tôt. Serait-ce une question à laquelle il n’a pas encore de réponse ? « Ce serait la même que toi. » Il sourit doucement, comprend qu’il s’agissait-là d’une sorte de coming-out, peu importe ce que ça veut bien pouvoir dire, ce mot. « Mais j'ai jamais - » Ils sont sur la même longueur d’onde. Il n’a pas à se sentir gêné, Raphael sera le dernier à en rire. Ni avec un garçon, ni avec une fille, d’ailleurs. Seulement dans ses rêves. « C'est compliqué. » Qu’est-ce qui ne l’est pas ? « J'ai jamais rencontré le bon chien, j'imagine. » Même si le thème des chiens était déjà bien impliqué à la conversation, cette dernière utilisation le surprend et le fait pouffer d’un rire involontaire. « Il va vraiment falloir qu’on change de thématique, je n’aime pas les images que ça impose à ma tête. » Il se passe la main dans les cheveux à son tour, ne réalise pas qu’il s’agit d’un mouvement qui miroite celui de Kai. « Alors tu n’as jamais rencontré le bon garçon. » Il traduit, plongeant ses yeux dans les siens pour y lire la réponse avant qu’il ne la lui donne : « Pour ça non plus, il n’est jamais trop tard, je crois… » Il marque une pause, hésite, mais finit par tenter le coup : « Mais tu as déjà été en couple avec quelqu’un ? » Ça le rassurerait peut-être d’apprendre que le jeune homme devant lui a plus d’expérience dans le domaine. Peut-être qu’il pourrait lui apprendre quelques trucs au fil du temps, et la définition erronée que s’est fait Raphael de l’amour sera enfin gommée.        

@Kai Luz  eleganza extravaganza (raphael) 1f438  eleganza extravaganza (raphael) 1f429  eleganza extravaganza (raphael) 1f48b  eleganza extravaganza (raphael) 2764
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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptySam 15 Avr - 22:47

La pulpe de mes doigts parcourent distraitement, lentement, la surface fraîche et humide de mon verre tandis que j'assure, sur un ton teinté d'une assurance qui discorde odieusement avec mon langage corporel, que je sais maquiller. La vérité, butée, repose sur le fait que je suis profondément passionné par cet art, tout comme celui de la coiffure et de la mode, et que mon entrain pour ces domaines font palpiter mon cœur depuis ma jeunesse. Une attirance indéniable que j'ai religieusement cachée de mes proches, de mes amis, de mes pairs, comme s'il s'agissait d'une tare, d'une faute, d'un interdit. Mon amour pour ce qui tendait déjà vers le drag était déjà naturellement relayé au rang d'ombre : une partie de soi que l’on traîne toujours et qu'on fait disparaître en se contorsionnant dans les bons angles face à nos interlocuteurs, pour mieux paraître, pour être accepté. Une danse hasardeuse que je me suis toujours appliquée à produire, sachant que les contorsions, aussi douloureuses puissent-elles être, étaient nécessaires pour éviter toute déchéance. C'est ainsi, dans la pénombre d'une intimité parsemée de multiples secrets, que j'ai développé mes compétences, que j’ai manié mes premiers pinceaux et palettes. C’est au creux de nuits dérobées que je m’aventurais dans ce jardin secret qui était mien et seulement mien, au sein duquel je me réconfortais en me dévouant entièrement à cet art qui vibre insatiablement en moi. Il est autant étouffant en plein jour de cacher cette ombre, qu’exaltant de la laisser danser sous l’épais manteau de la nuit. « Ah bon… » Un sourire plane sur mes lippes d’entendre Raphael fredonner, tel un criquet dans mon jardin. Ce soir, il m’est un peu malhabile d’inviter le garçon à cette prestation, ou plutôt, de le laisser entrevoir que des spectacles résonnent sans cesse en moi dès que le jour des critiques sociétales s’estompe, mais je suis fier qu’il en ait l’esquisse.

Le vingtenaire pose sa joue dans sa main, le coude planté sur la surface métallique de la table. Je le considère pendant que mes regrets flottent entre nous, ceux d’une carrière bafouée, d’une voie amèrement abandonnée faute de courage d’oser vivre selon mes propres envies et non selon les directions qu’on m’a imposées. « Je ne crois pas que c’est trop tard. » Le jeune homme formule et mon rictus s’élargit tristement ; il me fait penser à mes meilleurs amis à cet instant-là. Eux aussi me rappellent que ma vie n’est pas coulée dans le marbre, que je ne suis pas trop vieux pour oser changer les lignes, que je peux me permettre de prendre des paris et des défis. Raphael a notamment la même optique de Noor : si je ne peux pas me lancer totalement dans une carrière dans le journalisme, je peux déjà tâtonner. Un investissement d’envergure n’est pas indispensable pour changer de vie. Après tout, il s’agirait comme d’un escalier à gravir : certains bondissent jusqu’au sommet, d’autres montent les marches une à une. Peu importe le rythme, tant qu’il nous convient. Néanmoins, ma plus grande difficulté réside à oser confronter mon escalier, oser écouter mon rythme, oser assumer qui je suis alors que j’ai le sentiment de n’être qu’un pantin brinquebalant que les aspirations d’Autrui ont tantôt travesti, tantôt rouillé, à en perdre mon identité. « Il s’appelle comment, ton père ? » Je demande, intéressé par le noble parcours que me décrit Raphael. « J’ai déjà écrit plusieurs articles, sans compter ceux de recherche. Ils sont un peu éparpillés ici et là, dans la sphère du web. » Je me mordille la lèvre inférieure, songeur. « Mais je peux peut-être les regrouper sur un blog et y ajouter les prochains ? » Je soumets, considérant sérieusement le conseil de mon interlocuteur. « Je pourrais même faire plusieurs catégories, » je réfléchis à voix haute, inspiré et motivé. « Parfois, je ne mets pas mon vrai nom, par contre, » j’avouais. Il me faudrait possiblement décider quelles étiquettes je voudrais associer à ce blog ou à mon nom. Mes méninges s’activent quelques instants puis mes pupilles se rivent sur l’australien. « Merci de l’idée et de l’encouragement, » j’exprime avec sincérité. Parce que de son opinion qu’il ne soit pas trop tard et de son invitation de flirt sur la toile, j’extrais la même impulsion que celle que mes amis m’ont offerte, à savoir que je pouvais peut-être me permettre de rêver plus concrètement. J’ai conscience que je ne serais que quelques pixels de plus sur Internet, mais dans un sens, cette sémantique frôlant le dérisoire est rassurante aussi ; même si mon coeur lancine de ne pouvoir me séparer entièrement de ce que j’abomine pour enfin épouser mes véritables aspirations. Je m’en fatigue moi-même : tantôt je me terre dans mon inertie, défaitiste ; tantôt je m’agite aux aboies d’une révolution interne.

Quand Raphael m’annonce, intransigeant, que pour lui, « c’est la danse ou rien », l’admiration que je lui voue s’intensifie derechef. Je me surprends à envier mon interlocuteur car j’aimerais afficher des opinions si tranchées, j’aimerais m’imposer dans mes passions, j’aimerais m’autoriser à faire ce qu’il me plaît sans excuse ni timidité. Plutôt, je suis toujours dans la conciliance, dans la précaution, dans un secret sacrifice ; je personnifie sans cesse l’adage de mettre de l’eau dans son vin, tant que mon vin en a perdu presque toute sa couleur. Je m’intéresse au parcours du garçon et je me retrouve pendu à ses lèvres pendant qu’il relate son audition ratée pour cause de blessure lorsqu’il n’était qu’un adolescent. J’entrouvre les lèvres, prêt à lui dédier ma désolation, mais le vingtenaire balaie : « Ce n’est pas important. C’est du passé. » « Est-ce que ta cheville te fait encore mal ? » Je m’entends néanmoins m’inquiéter, sans curiosité malsaine. École ou pas, je suis convaincu que le talent peut croître sans enseignement. Ainsi, je crois que même sans avoir intégré cette école réputée, Raphael est en mesure de dresser un parcours remarquable.

Je lève les yeux, faussement exaspéré, de sentir le danseur se moquer de mon premier souvenir. « Avoue que tu es jaloux, » je provoque. « On a pas tous la chance d’être un oiseau à pattes cartonnées, dans sa vie. » Sans attendre sa réponse, sans me permettre de questionner le jeune homme sur le fait qu’il ait pu en réalité interpréter un oiseau dans le cadre d’un spectacle, je m’évade vers le bar pour nous ravitailler en rafraîchissements. A mon retour, la surprise des aveux de Raphael a l’effet d’un gros glaçon qui s’évapore dans ma trachée ; non pas qu’il me mette mal à l’aise ni me déplaise, mais la surprise est entière. Étonnement qui génère promptement une multitude d’interrogations que ma compagnie a la vaillance et patience de nourrir de réponses. Mon cœur tonitrue à révéler pas à pas à quel point j’apprécie découvrir Raphael, mes dents malmènent nerveusement ma lèvre inférieure pour m’empêcher de devenir trop insistant et m’inciter à savourer chaque seconde passée en la compagnie de cet homme dont j’ignorais encore tout il y a moins d’une heure.

Cet homme face auquel je me dévoile comme je me le suis si peu autorisé en trente ans d’existence. Je ne pourrais l’expliquer ce qui me procure l'envie de faire de lui mon “cobaye”, comme je m’entends plaisanter. Est-ce parce que je le connais si peu et qu’il y a cette option de ne peut-être plus le revoir, une fois la soirée terminée ? Une sorte de prince qui disparaîtra minuit passé, même si je redoute ardemment que cet entretien avec lui soit unique dans mon histoire ? Ou est-ce parce que Raphael, de par son attitude et son regard, m’invite subliminalement à lui faire confiance ? Je crains peu le jugement, je ne pense pas au rejet, face à ce quasi inconnu que je rêve toujours plus de découvrir. Sous son regard, je m’autorise à vibrer, à embraser mes artifices pour que pétillent mes vérités. Sans doute n’assumerais-je plus une fois que je ne sentirais plus la douceur de son regard sur ma peau, la chaleur de sa bienveillance me préserver du froid de ces couches de cachotteries sous lesquelles je me terre d'ordinaire et que j'abandonne à ses côtés. Sans doute regretterais-je amèrement d’avoir été si franc, si authentique. Néanmoins, dans l’immédiat, je me sens soulagé de partager et de me révéler ainsi, tout en recevant de la part de mon interlocuteur une acceptation salutaire. En quelque sorte, c'est un peu comme si, dans le creux de nos deux âmes réunies, je goûtais au sentiment d'être à la maison ; sensation de sécurité qui me happait que maintenant après trois décennies à parcourir le globe. « Il va vraiment falloir qu’on change de thématique, je n’aime pas les images que ça impose à ma tête. » Un fin sourire narquois apparaît sur mes lippes. Pourtant, les chiens ont bons dos, ils me permettent de divulguer des mélodies de mon palpitant que je n’aurais su exposer sans leur masque. « Alors tu n’as jamais rencontré le bon garçon. » Je sens mon cœur manquer un battement puis se serrer douloureusement. Les souvenirs de Ryan me happent à m’en glacer le sang, l’interdit de fréquenter un homme me fouette au passage. Je me retiens de hocher la tête en signe de dénégation. Raphael a sans doute raison, mais se l’avouer est un pas que je ne sais encore posément commettre. « Pour ça non plus, il n’est jamais trop tard, je crois… » Je m’accroche à ses pupilles, déglutis difficilement. « Je ne crois pas non plus, » je m’entends accorder timidement. Je plonge mon regard dans mon verre, songeant à ce pouvoir mythique que détient l’amour sur les Hommes. Tout me paraît soudainement simple et insurmontable à la fois. Ce n’est pas si évident d’inviter quelqu’un dans son jardin secret, ni même de le laisser entrevoir toutes les gargouilles qui y trônent. Entendre le criquet à distance est déjà inestimable. « Mais tu as déjà été en couple avec quelqu’un ? » Le sourire qui habite la commissure de mes lèvres est d’une tristesse inexorable. « Oui, j’ai eu quelques relations. » Je m’adosse à ma chaise, croise de nouveau le regard de Raphael. « J’ai même eu quelqu’un qui a fini avec ma meilleure amie, » j’annonce comme une histoire qui se veut amusante par son côté atypique, alors qu’elle disposerait facilement d'un potentiel de rancune et de trahison. La vérité était que je n’avais jamais voulu à Jiyeon de sortir avec Solveig, quand bien même elle fut ma première petite amie. Parce que cet amour n’était pas vrai, il n’était pas réel. J’ai apprécié la parisienne, je l’ai respectée, mais elle était plus un rite de passage à mes yeux, elle répondait à mon besoin à l’époque de franchir des étapes de vie et entrer dans un moule à tout prix. Puis, j’avais répété l’expérience, comme si enchaîner les filles m’inciterait à être attiré par elle, comme si à l’usure, je deviendrais l’homme à femmes qu’on m’avait longtemps dépeint comme objectif social. Comme si à force de manger un aliment dont on déteste le goût, on finit par l'apprécier. Ensuite, à New York, j’avais prodigieusement dérapé, avec Ryan. De nombreuses femmes m’avaient plaqué, Ryan n’avait jamais rompu avec moi ; pourtant, il était le seul à avoir su me casser comme personne auparavant. Le seul qui m’avait brisé le coeur. « Mais personne avec qui je me voyais passer toute ma vie. » C’est ambitieux, tout de même, toute une vie, sans compter l’ironie de mon mariage-gage. C’est comme les villes au sein desquelles j’ai habitées, finalement : aucune ne représentait un pied à terre à mes yeux. J'ai toujours eu le mal du pays et le mal d'amour. « Je n’avais pas le bon garçon à mes côtés, » je reprends la formulation avec hardiesse, des frissons courant le long de mon échine d’exprimer cette phrase à voix haute, mon regard se plantant sur le portrait de Raphael. Quelques secondes se dérobent, puis je m’entends demander, pulsé d’un intérêt vorace : « Tu as beaucoup été amoureux ? » Raphael m'avait indiqué comment il montrait son amour, je trépignais de savoir à combien d'hommes il avait pu plier le linge encore chaud de la sécheuse.

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Message(#)eleganza extravaganza (raphael) EmptyMar 27 Juin - 21:39

C’est un trou dans l’espace-temps. Un second bing bang a implosé dans la salle et a parsemé les tables de petites étoiles si chaudes que leurs rayons brûlent autant qu’ils brillent. Il y a les filantes, qui passent dans la vie de Raphael et qui resteront figurantes, et il y a les supernovas qui lui exposent la chair et agissent sur sa peau comme la flamme agit sur la cire. Il y a quelque chose dans cette rencontre de tout à fait extraordinaire. Dans l’espace, il n’y a pas d’oxygène et pourtant les poumons de Raphael se gonflent encore et encore, et à chaque inspiration une nouvelle question culbute dans sa boîte crânienne. Comment est-ce possible ? Pourquoi lui ? Qu’a-t-il fait de différent des autres qui aurait encouragé le garçon à venir à sa rencontre ? Il ne comprend pas. Rien ne fait de sens. L’histoire a pris une tournure à laquelle il ne s’attendait pas et il laisse l’écrivain se faire plaisir. Il n’est pourtant pas bourré. Il n’a pas absorbé une seule goutte d’alcool. Tout fait sens.

Il a vraiment envie de savoir qui est ce garçon. De lui ouvrir la poitrine pour explorer la mécanique de son cœur. Il n’a plus qu’à espérer qu’il ne s’agit pas d’une mauvaise blague qui tournera au vinaigre et qui lui enlèvera l’envie de sortir à nouveau. « Il s’appelle comment, ton père ? » Va-t-il vraiment se souvenir de l’information si elle est partagée ? Il a envie de le tester. « Jack Mahoney. » Ce n’est pas son père biologique. Ils ne sont pas mariés alors il y a deux Elly dans la famille et un Mahoney. Les articles sont signés à ce nom et personne ne pourrait faire le lien entre lui et son fils adoptif. Ils n’ont pas les mêmes yeux non plus. Mais ça n’empêche pas la famille d’être soudée et de se ressembler autrement. Il a hérité de quelque uns de ses tics verbaux, a emprunté certaines de ses insultes les plus loufoques d’abord parce qu’elles l’amusaient, puis parce qu’elles sonnaient de la bonne façon. « Il parle d’arts. C’est un passionné de peinture même s’il ne sait pas du tout manier un pinceau. » La précision lui arrache le même sourire ironique. Ça l’a toujours amusé de constater toutes les connaissances de Jack au sujet de la peinture alors qu’il n’arrivait même pas à faire un trait droit. « J’ai déjà écrit plusieurs articles, sans compter ceux de recherche. Ils sont un peu éparpillés ici et là, dans la sphère du web. » Il a le matériel pour commencer. « Mais je peux peut-être les regrouper sur un blog et y ajouter les prochains ? » Raphael opine du chef avec enthousiasme. Les idées sont là, il n’a plus qu’à les mettre à exécution pour espérer faire un pas dans la direction qui l’intéresse vraiment. « C’est la meilleure façon de se lancer, je crois. » Il marque une pause et balaie la contrainte du revers de la main : « Ce n’est pas grave, certains commencent sur le web avec un pseudonyme. Parfois, ils le gardent même quand leurs textes se font reconnaître, c’est une nouvelle mode. » Il suffit de regarder le travail de tous ces youtubers aux noms inventés de toute pièce. Les gens aiment créer un personnage et l’interpréter. Ça leur permet de sortir de leur petit monde et de naviguer à travers d’autres. C’est exactement ce que font les artistes de drag sur scène, ce soir.

Bien que Raphael n’apprécie plus de se lamenter sur son sort (parce qu’il l’a déjà fait bien assez), il ne s’oppose pas à l’idée de partager la mésaventure qui lui a fermé des portes au nez. Sa cheville cassée a longtemps été une excellente excuse mais il en a fini de blâmer autre que lui-même. « De temps en temps. » La douleur n’est pas complètement disparue, non. Son os lui rappelle souvent de ne pas faire plus d’efforts que nécessaire. « Mais je fais avec. » Il aurait aimé l’affirmer avec plus de confiance mais sa confession s’accompagne d’une grimace. Il ne se pardonnera jamais complètement de s’être laissé bousculer comme un pantin désarticulé. Il aurait dû se défendre plutôt que d’offrir son corps vulnérable à son agresseur. Il ne peut pas retourner en arrière, alors autant faire avec.

Raphael aurait aimé avoir un premier souvenir aussi détaillé que celui de Kai, alors : « Oui, évidemment que je suis jaloux. » Qu’il renchérit en se retroussant les narines. Entre le moment où le jeune homme part chercher des munitions d’eau citronnée et celui où la discussion s’étendra manifestement, Raphael prend une décision importante : il ne laissera pas Kai s’imaginer une soirée trop longue à ses côtés. Parce que c’est bien ce que les humains cherchent à obtenir quand leurs atomes vont à la rencontre de d’autres atomes ? Dès son retour, il pose ses pions sur l’échiquier et ne passe pas par quatre chemins. Il parle de son asexualité pour la première fois de sa vie alors qu’il n’est même pas certain de s’identifier complètement à ce terme, mais il préfère prévenir que guérir. Si Kai est aussi charmant avec lui, il espère que ce n’est pas seulement pour gagner une faveur. Au détour de quelques allusions chelous à base de races de chien et de boutons à off, Raphael se rend bien rapidement compte que son interlocuteur n’est pas choqué par la nouvelle. Il ne semble pas déçu non plus, seulement très curieux mais, ça, on dirait que ça fait partie de sa personnalité, qu’il se trouve en face d’un garçon brisé ou pas.  C’est le jour de chance de Raphael puisqu’il arrive à faire tourner la table et à faire de Kai le centre d’attention, alors qu’il lui explique qu’il n’a pas encore trouvé la bonne personne. Lui non plus. Ça tombe bien. Ils pourront se comprendre. « Oui, j’ai eu quelques relations. » Ou pas. Posant son coude sur la table, et sa joue dans sa paume grande ouverte, Raphael attend la suite du récit avec les yeux tout ronds. « J’ai même eu quelqu’un qui a fini avec ma meilleure amie, » Sa vie est donc un téléroman ! « Ça se passe dans la vraie vie, ce genre de scénario ?! » Il se permet d’en plaisanter parce que le ton de Kai, lorsqu’il avait balancé l’information, ne lui avait pas paru rancunier ou émotif. Ce devait être de l’histoire ancienne. « Mais personne avec qui je me voyais passer toute ma vie. » Un sourire timide mais plein de compassion soulève la commissure de ses lèvres. Il est encore jeune. Passer toute une vie avec quelqu’un semble un exercice compliqué. Il y a tellement d’endroits où les atomes peuvent s’accrocher, et la compatibilité parfaite semble impossible aux yeux de celui qui ne sait pas tomber en amour de la bonne façon. « Je n’avais pas le bon garçon à mes côtés, » Il redresse ses yeux, lâche un petit souffle mesquin par ses narines et secoue aussitôt la tête de droite à gauche lorsque la question fatale est posée. « Joker ! » Il annonce, soulevant une carte invisible, pour se sortir de cette situation sans avoir à donner une réponse. Non, il ne parlera pas de ses échecs ce soir, encore moins de Kieran, dont l’absence lui pourri les organes de l’intérieur. Un vrai poison, ce type-là. Kai devra se contenter d’entendre des histoires plus anecdotiques pour le restant de la soirée.    

@Kai Luz  eleganza extravaganza (raphael) 1f60e  eleganza extravaganza (raphael) 1f64f  eleganza extravaganza (raphael) 1f46c  eleganza extravaganza (raphael) 1f485
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