Better than facetime.
@Kai Luz  

« Oh, tu sors déjà ? » Lâchait-il, surpris, alors qu’il se servait tout juste son café. Ça ne faisait pas longtemps que Jiyeon squattait chez lui mais il savait déjà que la voir levé si tôt, un samedi, était étrange. Et la voir enfiler ses chaussures à cette heure là était encore plus inhabituelle. « Je vais prendre un brunch avec Kai. Je sais pas quand est ce que je rentre. » Annonçait-elle, en enfilant sa veste avant de vérifier sa tenue et ses cheveux dans le grand miroir de l’entrée.  « Le brunch c’est pas juste une excuse pour boire dès le matin ça ? » Commentait son frère entre deux gorgées de café, accoudé à l’îlot centrale de la cuisine, observant sa petite soeur avec bienveillance. « Si on veut… » Répondait-elle, plus absorbée par son propre reflet qu’autre chose. « Bon aller, j’y vais. A toute à l’heure. » Déclarait-elle après une petite minute, rajustant ses cheveux sur ses épaules avant de quitter l’appartement. Les mains dans les poches de sa veste, elle rejoignait la rue en pressant le pas, elle était certainement déjà en retard comme à son habitude. A peine sur le trottoir qu’elle sortait déjà son téléphone, enfilant ses lunettes de soleil avant de prendre un petit selfie à la lumière du jour. En quelques secondes la photo était déjà disponible dans sa story instagram et Jiyeon lançait google map pour trouver l’adresse que lui avait envoyé Kai. Heureusement pour la coréenne, il avait choisi un restaurant à fortitude valley, ça lui évitait de traverser toute la ville en transport en commun et de s’y perdre.
Suivant les indications de son précieux smartphone, Jiyeon arrivait enfin devant un petit restaurant, au look bobo, elle prenait la terrasse de ce dernier en photo avant de s’engouffrer à l’intérieur, retirant au passage ses lunettes de soleil. Des fleurs séchés suspendues au plafond, de la pop indépendante qui sortait des haut-parleurs, et le menu écrit à la craie sur un tableau noir… Il n’y avait pas a dire, tout ça était très instagramable! Une nouvelle photo et Jiyeon décrochait enfin son regard de son téléphone, remarquant Kai qui se trouvait à une table dans l’arrière-cour du restaurant. « Oppaaaaaa ! C’est trop mignon ici. » Déclarait-elle en s’approchant de la table de son ami, venant aussitôt le prendre dans ses bras pour une rapide étreinte. « Hm tu sens bon. » ajoutait-elle alors qu'elle se détachait du beau brun et venait s’installer en face de lui, posant son ridicule sac à main sur ses genoux, avant de retirer sa veste pour la poser sur le dossier de sa chaise. Vingt-deux degrés et un petit rayon de soleil, elle pouvait bien se découvrir un peu, surtout qu’elle comptait boire quelques mimosa donc l’alcool lui tirait chaud. « T’as eu le temps de commander déjà? » Demandait-elle. Elle était tellement tout le temps en retard qu’elle avait l’habitude que l’on commande sans elle, au fond n’étant pas difficile elle s’en moquait un peu, ça lui faisait la surprise au moins.

La nuit dernière avait été phénoménale, une des meilleures que j'avais passées depuis mon arrivée à Brisbane. J'en étais encore euphorique, j'avais la sensation que mon cœur continuait de battre la chamade dans ma cage thoracique, comme si je lui avais redonné enfin une vraie raison personnelle pour battre là-dessous. La raison de cette félicité ? J'avais participé à un show de drag et l'ambiance avait été prodigieusement exaltante avec les autres queens tout comme le public. J'avais appréhendé mes premiers pas sous les traits de Bea, mon alter drag, en Australie. La transition avait déjà été un peu hasardeuse entre l'art du drag en France et celui aux États-Unis, je redoutais détonner comme j'avais pu faire sourciller lors de mes premiers pas de drag queen à New York. Néanmoins, j'avais aussi évolué depuis Paris et New York, j'avais énormément pris confiance en moi et surtout, je m'assumais plus que jamais - douce ironie lorsqu'il demeurait hors de question toutefois que je me dedrag devant mes partenaires de show et que personne de mon entourage de Kai - si on oubliait Ryan, mais pourquoi penser à lui, de toute façon ? - savait à quoi ressemblait Bea sous ses nombreuses couches de maquillage et artifices.

D'ailleurs, les paillettes que j'utilisais en abondance s'étaient montrées plus tenaces que jamais, si bien que j'en avais laissées jusque dans le lit de Dani qu'elle partageait avec moi depuis que j'avais débarqué à Brisbane. Le lendemain matin, je lui avais naturellement expliqué que j'avais juste été aspergé dans le cadre d'une sorte de soirée strasse et paillettes en boîte de nuit, ce que la coréenne avait cru. Il faut dire que si on oubliait le volet du drag, je ne mentais jamais ainsi à Dani. Kai et Bea ne se mélangeaient pas - Kai préservait l'identité secrète de Bea car elle était celle qui lui permettait réellement de s'exprimer et s'épanouir. Une dualité à la fois étrange et probablement toxique, j'en convenais, mais je n'avais le courage de faire autrement, même vis-à-vis de mes meilleurs amis en qui j'avais entièrement confiance. En révélant Bea, j'avais peur de la perdre.

« Oppaaaaaa ! C’est trop mignon ici. » Je levais mes yeux du menu et me levais de ma chaise boisée pour enlacer Jiyeon. « Jiji ! J'suis content que ça te plaise, quand j'ai vu cet endroit j'ai de suite pensé à toi. Il fallait que je te le montre ! » Je fais, enthousiaste. « Hm tu sens bon. » Je souris, bien qu'une partie de moi-même craint sentir encore Bea, pour le coup. J'ai beau pris une douche mais peut-être que ma veste a gardé l'odeur de ma tenue de drag ? « T’as eu le temps de commander déjà? » « Juste des mimosas, je t'ai attendu pour la nourriture, » je fais avec malice et d'ailleurs, les deux verres nous parviennent : parfait timing. Je trinque avec Jiyeon puis sollicite curieusement : « Alors dis-moi tout ! T'es sur quels plans, ici ? » Professionnels, personnels, j'étais toute ouïe pour la version uncensored - aka celle que je ne pouvais pas stalker sur Instagram ou qui était pas forcément évident d'exprimer à distance.

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@Kai Luz  

« Jiji ! J'suis content que ça te plaise, quand j'ai vu cet endroit j'ai de suite pensé à toi. Il fallait que je te le montre ! » Adorable, comme toujours, Jiyeon l’enlaçait avant de s’installer en face de lui, s’inquiétant déjà de savoir s’il avait commandé ou non. « Juste des mimosas, je t'ai attendu pour la nourriture, » Un petit sourire venait étirer les lèvres de la coréenne qui s’emparait déjà sur menu qui traînait sur la table pour l’étudier de plus près. Au même moment un serveur venait poser deux mimosas sur la table. « Merci! » Lâchait-elle machinalement avant d’attraper son verre et de venir trinquer avec Kai. « Alors dis-moi tout ! T'es sur quels plans, ici ? » Elle prenait une première gorgée de sa boisson, comme pour prendre un peu de force avant de se lancer sur le sujet. « Alors, j’ai déjà trouvé un job, même si ça me branche qu’à moitié honnêtement. » Commençait-elle tout en reportant son attention sur le menu. « J’avais un entretien la semaine dernière, ça c’est bien passé et je commence demain. Vendeuse de prêt à porté chez Weatherton. C’est pas le rêve mais bon, au moins j’aurais des revenus, puis c’est toujours mieux que de bosser chez H&M. » Expliquait-elle en relevant la tête du menu après avoir arrêter son choix sur un toast à l’avocat, une valeur sur. C'est sur que c'était mieux que H&M, même si bon, elle n'avait pas étudier la mode pour finir vendeuse en boutique. « Ceci dit, après mon entretien j’ai fait la rencontre de Bellamy, qui bosse chez Weatherton lui aussi, mais dans les bureaux, et il m’a dit que je pourrais être mannequin ! Alors bon, c’était peut-être qu’un commentaire comme ça, pour me flatter mais t’imagine bien que c’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde. » En fait elle ne pensait plus qu'à ça dernièrement, elle avait en plus dans le même temps été vérifié sur instagram, grâce à son grand nombre d'abonnés, donc elle commençait à se dire que peut-être un autre futur l'attendait, quelques choses plus sous le feu des projecteurs, pour une fois. Véritable influenceuse ou mannequin, voir les deux pourquoi pas, elle avait bien envie de tenter sa chance, quitte à se prendre des refus. « J’y avais jamais pensé avant mais depuis ça me trotte dans la tête, je sais pas si j’aurais mes chances vu que je suis pas assez grande et que je suis coréenne donc je répond pas forcément aux critères de beautés australien mais bon… ça pourrait être chouette d’être payé à porter des beaux vêtements. » En fait Jiyeon se cherchait encore pas mal. Ses études de mode l’avait passionnée, elle avait ensuite adorée être styliste pour des petits groupes de k-pop, choisir leurs tenus pour tout un tas d’évènements et participer à la création de leurs costumes de scène, mais depuis que tout ça c’était arrêté brutalement : c’était la galère. Elle enchainait les jobs de vendeuse, ce qui était bien loin de la mode qu’elle aimait. Et à force de travailler dure dans un environnement qui ne lui plaisait qu’à moitié, elle se disait que peut-être autre chose était possible et que mannequin n’était pas du tout une mauvais idée. C’était un job dans lequel elle pourrait lier sa passion pour la mode avec celle pour les réseaux sociaux, ce serait parfait. Elle ne serait plus dans la création par contre et n’aurait plus son mot à dire sur ses tenues, mais bon, elle serait pomponnée tout les jours par des professionnelles et ça c’était franchement cool. Puis rien ne l'empêchait de jouer les stylistes sur son temps libre. « Bref voilà. Faudrait que je me renseigne pour savoir si y'a des auditions en ville. » Concluait-elle en haussant les épaules.« Et toi alors, tu fais quoi de beau? » demandait-elle enfin, reprenant une bonne gorgée de son mimosa, avant de plonger ses yeux dans ceux de Kai. « T'as de sacré cerne, t'as fait quoi hier soir ? » ajoutait-elle en pouffant de rire. Des cernes et une petite paillette au coin de l'oeil, la soirée avait du être longue pour Kai.

Cela avait constitué une indéniable surprise de découvrir, le soir-même où je débarquais à Brisbane, que Jiyeon habitait également la ville. Notre groupe de meilleurs amis vivaient désormais au complet dans la même ville, ce qui ne s'était pas produit depuis Paris, la capitale ayant vu naître nos indissociables amitiées. Savoir que les personnes qui composaient ma famille de cœur se trouvaient tant à proximité me réjouissait tout comme me réconfortait. J'étais intimement persuadé d'avoir pris la bonne décision en quittant les États-Unis pour tenter la vie à l'australienne et jusqu'ici, Brisbane paraissait me porter chance.

J'enlaçais amicalement Jiyeon. La jeune femme m'avait terriblement manqué, quand bien même les réseaux sociaux nous permettaient de rester en contact très régulièrement. Il me tardait de me lancer dans de multiples aventures en chair et en os avec la brune, comme nous en avions le secret. Curieux, je la questionnais sur ses plans actuels. « Alors, j’ai déjà trouvé un job, même si ça me branche qu’à moitié honnêtement. » Je haussais les sourcils, à la fois impressionné et interrogateur. « J’avais un entretien la semaine dernière, ça s'est bien passé et je commence demain. Vendeuse de prêt à porter chez Weatherton. C’est pas le rêve mais bon, au moins j’aurais des revenus, puis c’est toujours mieux que de bosser chez H&M. » « C'est une excellente nouvelle. Tu as dû leur faire une sacrée bonne impression pour être embauchée si vite, félicitations. » Je faisais, sincère. « Ca te fait un tremplin sympa le temps de trouver un métier qui te plaira plus, » je relativisais. « Ceci dit, après mon entretien j’ai fait la rencontre de Bellamy, qui bosse chez Weatherton lui aussi, mais dans les bureaux, et il m’a dit que je pourrais être mannequin ! Alors bon, c’était peut-être qu’un commentaire comme ça, pour me flatter mais t’imagines bien que c’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde. » Je laissais échapper un léger rire. Imaginer Jiyeon sous les feux des projecteurs n'était pas superflu, je devais l'avouer. La coréenne avait une aisance indétrônable devant public et savait attirer les regards selon moi. « J’y avais jamais pensé avant mais depuis ça me trotte dans la tête, je sais pas si j’aurais mes chances vu que je suis pas assez grande et que je suis coréenne donc je réponds pas forcément aux critères de beauté australiens mais bon… ça pourrait être chouette d’être payée à porter des beaux vêtements. Bref voilà. Faudrait que je me renseigne pour savoir si y'a des auditions en ville. » J'acquiesçais. « Je pense sincèrement que ça t'irait bien et que tu as toutes tes chances, tu es le genre de personne qui intéresse beaucoup les gens ! Et si ça te trotte dans la tête, c'est qu'il y a de quoi exploiter ! » J'optimisais. « Peut-être que ce Bellamy pourrait t'aider à faire des rencontres dans le mannequinat aussi ? » Je suggérais. « Et peut-être que tu pourrais te faire des connexions via ton Instagram aussi, » j'ajoutais. Jiyeon était suivie par des tas de personnes, peut-être que l'un de ses followers pourrait lui ouvrir la voie d'une nouvelle carrière. « Et du coup, le stylisme ? » Je questionnais sur l'autre passion de mon amie qui avait été aussi son domaine d'étude à Paris.

« Et toi alors, tu fais quoi de beau ? » Je souris doucement, prenant une gorgée de mon rafraîchissement. « T'as de sacrées cernes, t'as fait quoi hier soir ? » Mon sourire se creusa, la malice s'immisça dans mon regard. « T'as l'oeil. » Je commentais avec énigme, usant de quelques secondes supplémentaires pour lancer d'un air aussi détaché que possible : « J'avais une soirée, je suis rentré au petit matin. » Autant dire que mes paupières étaient encore lourdes mais j'étais déterminé à rester actif. « Mais sinon, pas grand chose. Je découvre doucement la ville quand je suis pas au  taff, » je banalisais. Mon métier n'était pas quelque chose qui m'exaltait, qui me faisait vibrer, et cela s'était ressenti dès le début de mes études. Néanmoins, j'avais poursuivi toutes ces années universitaires puis ces mémoires, ces thèses, ces travaux de recherches, que je continuais encore, sans goût mais avec rigueur - faute d'oser chasser mes rêves. « Je trouve ça trop cool qu'on soit de nouveau tous dans la même ville. Va falloir qu'on fasse la tournée des bars, » j'annonçais avec enthousiasme. Je considérais, songeur, Jiyeon. Le fait que nous ayons aussi la chance d'être enfin en face à face formait probablement l'occasion parfaite pour que j'ose enfin révéler mon art. J'avais longtemps usé l'excuse qu'une telle annonce méritait de se faire en direct et non par écran interposé. Toutefois, je n'étais pas certain d'être prêt à poser ce pas de suite. Exposer Bea, même à des personnes en qui j'avais entièrement confiance, revenait à aplanir quelques unes des frontières que j'avais érigées entre ma vie de tous les jours et mon art. Il s'agissait d'un jardin secret au sein duquel je me sentais bien, j'existais enfin, sans peur d'être jugé ou comparé. Je craignais que le rendre public l'amoindrisse même si j'avais conscience que demeurer dans l'ombre ne s'apparentait pas à une solution viable et saine.

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@Kai Luz  

« Je pense sincèrement que ça t'irait bien et que tu as toutes tes chances, tu es le genre de personne qui intéresse beaucoup les gens ! Et si ça te trotte dans la tête, c'est qu'il y a de quoi exploiter ! » Kai c’était toujours un sucre, l’ami soutenant qui avait toujours les mots qui rassuraient. Jiyeon savait qu’en partageant ça avec lui elle repartirait chez elle le coeur léger et motivée, parce qu’il avait cet effet là sur elle. Sans lui elle aurait d'ailleurs certainement arrêter ses études avant la fin, mais il avait toujours été là pour l'encourager à poursuivre ses rêves. « Peut-être que ce Bellamy pourrait t'aider à faire des rencontres dans le mannequinat aussi ? » « Hm.… j'pense pas, il a l’air surtout en charge du café et des emails j’ai l’impression. » notait-elle en pouffant de rire. « Et peut-être que tu pourrais te faire des connexions via ton Instagram aussi, » Jiyeon hochait lentement la tête entre deux gorgées de mimosas, Kai était bien plus futé qu'elle. « J'avoue que je sais pas comment utiliser mon followers mais c’est vrai qu’il y a forcément des gens interessant là dedans. » C’était certain même, vu le nombre d’abonné qu’elle avait. Elle était simplement trop mal organisée pour réussir à en faire quoi que ce soit pour le moment... Mais elle finirait bien pas trouver de l'aide.  « Et du coup, le stylisme ? » Jiyeon grimaçait un peu, haussant les épaules, un brin défaitiste. « Je sais pas.… J’ai pas l’impression d’être si douée que ça, ça me frustre un peu. Puis travailler dans l'ombre c'est pas aussi gratifiant que ce que je pensais. » être moyenne de partout ça la fatiguait un peu, elle aurait aimé être vraiment douée en quelques choses, et surtout briller tout en gagnant sa vie au passage. C’était beaucoup demander, c'est vrai, mais elle n'avait pas envie de passer sa vie à ouvrir des cartons et plier des vêtements dans une boutique.

Elle préférait changer de sujet pour savoir ce qui se passait dans la petite vie de Kai. Le pauvre avait l’air épuisé... « T'as l'oeil. » Jiyeon esquissait un petit sourire amusé, évidemment qu’elle avait l’oeil, elle le connaissait depuis assez longtemps pour savoir lire la fatigue sur son visage. « J'avais une soirée, je suis rentré au petit matin. » « Ouuuuh, soirée pailleté je vois ? Et t’as rencontré du monde? » Questionnait-elle aussitôt, un sourire malicieux aux coins des lèvres. Oui parce que elle, quand elle allait en soirée, en général elle ne rentrait pas seule. Donc Kai, beau comme il était, devait certainement en faire chavirer des coeurs ! « Mais sinon, pas grand chose. Je découvre doucement la ville quand je suis pas au taff, » « Tu fais quoi comme job du coup? » demandait-elle ayant toujours du mal à suivre les carrières de chacun. « Toujours dans la biologie c'est ça? » Elle n’avait jamais vraiment compris ce que faisait Kai, si ce n’était que c’était scientifique, sinon elle n’y connaissait vraiment rien. Tout ce qui touchait à la science était très obscure pour elle. Elle l'imaginait tel un cartoon, en blouse blanche entrain de mettre des produits dangereux dans des petits tubes à essais... et ça n'était certainement pas ça.
« Je trouve ça trop cool qu'on soit de nouveau tous dans la même ville. Va falloir qu'on fasse la tournée des bars » Un sourire illuminait aussitôt le visage de la coréenne. « Je trouve ça cool aussi ! ça faisait tellement longtemps, ça fait bizarre de vous avoir tous dans les parages…» Fallait dire que contrairement à Kai et Noor, qui c’étaient revus au Etat-Unis, ou a d’autre membre du groupe, Jiyeon était restée sagement en Corée et n’avait pas vraiment revu les autres five depuis son départ de Paris. Les appels en visio c’était une chose, mais ça ne remplaçait pas leur vrais soirées ensemble. « Et oui! il faut que je découvre aussi le coin, surtout les bars, c’est le plus important! » Puis hormis leur première soirée ensemble, au moment de son arrivée, elle n’avait plus au l’occasion de se mettre minable avec ses meilleurs amis depuis un moment, ça lui manquait. « ça me manque tellement de boire avec vous... recracher ma tequila sur Noor unnie, rouler des patins à Dani unnie…  Bref les petites bonheurs de la vie. » plaisantait-elle, d'un air faussement rêveur, alors que déjà le serveur réapparaissait les bras chargés. Il déposait les plats sur la table avant de s’éclipser de nouveau.

Les nouvelles fraîches de Jiyeon me ravissent spontanément, tout comme son ambition de tenter de percer dans le mannequinat. Naturellement, je la soutiens et je l'encourage. Si cela fait vibrer mon amie et qu'il s'agit d'une piste qui lui trotte dans la tête depuis quelques temps, je ne peux que l'inciter dans cette voie. Je suis prêt à l'aider pour concrétiser ses ambitions et derechef, je réfléchis aux potentielles pistes permettant à la coréenne d'exaucer ses vœux, en commençant par ce prénommé Bellamy qu'elle évoque. « Hm.… J'pense pas, il a l’air surtout en charge du café et des emails j’ai l’impression. » Je fronce les sourcils, songeur. « Méfie-toi. Parfois, ces gens-là qui servent le café et ont plein d'adresses email en boîte peuvent avoir accès à de très bons réseaux, » je fais, stratégique. Deuxième vecteur : l'instagram de la Park sur lequel elle attire chaque jour de nouveaux abonnés. « J'avoue que je sais pas comment utiliser mes followers mais c’est vrai qu’il y a forcément des gens intéressants là dedans. » J'acquiesce, approbateur. « On trouvera, » je promets, assurant ainsi mon soutien indéfectible. « Puis des moyens de l'utiliser se présenteront sûrement à toi aux moments opportuns. » Le timing pouvait être un atout majeur.

La mode passionnait Jiyeon et j'admirais son talent et son énergie créative. C'était pour cela que je l'avais toujours motivée dans ses études et ses projets et secrètement, je m'inspirais aussi d'elle pour mes spectacles de drag. « Je sais pas… J’ai pas l’impression d’être si douée que ça, ça me frustre un peu. Puis travailler dans l'ombre c'est pas aussi gratifiant que ce que je pensais. » Je souris, compréhensif, et je viens presser son épaule amicalement. « Peut-être qu'à l'occasion, tu pourrais montrer tes créations sur ton Insta ? Faire des stories où tu mets deux tenues différentes et où ils devinent laquelle est de toi ? »

Les projecteurs reviennent sur ma personne et mine fatiguée. J'explique sommairement à mon amie avoir fait la fête jusqu'au petit matin. « Ouuuuh, soirée pailletée je vois ? Et t’as rencontré du monde? » Je ris doucement avant de hausser les épaules. « Oui, des gens sympas. » Mais pas plus. En concentrant mon regard sur mon rafraîchissement, je ne peux pas m'empêcher d'avoir une pensée pour Ryan, accompagnée d'un pincement au cœur. Je chasse son souvenir, présentant une vie plutôt tranquille à Jiji. « Tu fais quoi comme job du coup? Toujours dans la biologie c'est ça? » Ses questions m'amusent. Je ne lui en veux pas de ne pas savoir exactement comment je gagne ma vie, moi-même ça ne me passionne pas. « C'est ça. Biologiste à l'hôpital de St Vincent's et je fais des travaux de recherche à l'université. Parfois je donne des cours, aussi. » L'entrain manque à ma voix néanmoins. J'expose mes activités professionnelles sans fierté aucune, aussi emballé que si je transmettais les prévisions météorologiques des prochains jours à la coréenne.

Ce qui me fait vibrer toutefois est le fait que nous sommes tous réunis à Brisbane. « Je trouve ça cool aussi ! Ca faisait tellement longtemps, ça fait bizarre de vous avoir tous dans les parages… » « Dans tes pattes, oui ! » Je taquine avec complicité. « Il faut que je découvre aussi le coin, surtout les bars, c’est le plus important! » « Vital. » Je qualifie. « Ca me manque tellement de boire avec vous... Recracher ma tequila sur Noor unnie, rouler des patins à Dani unnie…  Bref les petits bonheurs de la vie. » Je ris de bon cœur et me redresse sur mon siège tandis que le serveur dépose nos plats sur la table que nous occupons. « Si tu veux, jeudi soir je pensais me rendre à une soirée... » je commence, mon regard scrutant des pieds à la tête le serveur une fois de dos. Je reporte mon attention sur Jiyeon. « Pailletée, » je fais, énigmatique et reprenant son précédent qualificatif. « Alcool, musique, ambiance, spectacle et costume. Ca te dit ? » Je contemple les assiettes, commentant : « Ca a l'air bon. » C'était une des raisons pour lesquelles j'avais invitée Ji' ici aussi, les photos de leurs plats m'avaient rapidement conquis.

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@Kai Luz  

« Méfie-toi. Parfois, ces gens-là qui servent le café et ont plein d'adresses email en boîte peuvent avoir accès à de très bons réseaux, » Il n’avait pas tort, évidemment, même si Jiyeon doutait un peu que Bellamy ait accès à des informations intéressantes, simplement parce qu’il avait l’air aussi perdu et sérieux qu’elle. « On trouvera, » La coréenne esquissait un petit sourire, touchée que Kai s’investisse dans ses projets à elle, alors qu’il avait certainement d’autre soucis de son côté. Il était de loin le plus attentionné de ses amis et c’était dans ces moments là que Jiyeon se rendait compte de la chance qu’elle avait de l’avoir dans sa vie.   « Peut-être qu'à l'occasion, tu pourrais montrer tes créations sur ton Insta ? Faire des stories où tu mets deux tenues différentes et où ils devinent laquelle est de toi ?  » « J’avais jamais pensé à faire ça… » avouait-elle, un peu honteuse. C’était pourtant une très bonne idée et, en soit, ça ne l’engageait à rien, elle pouvait tout à fait poster des croquis de temps en temps, voir ce que les gens en pensaient. Bon elle n’avait pas pris le temps de dessiner depuis un bon bout de temps, elle se demandait même si elle savait encore faire, mais pourquoi pas s’y remettre progressivement, poser sur papier quelques idées de tenues qui lui trottaient en tête.

Laissant de coté sa petite vie, elle préférait s’intéresser à son ami, ses cernes et les paillettes qu’il avait au coin des yeux. « Oui, des gens sympas. » Jiyeon prenait une gorgée de son mimosa, comme dans l’espoir qu’il en dise plus, mais non. Kai restait bien silencieux. Elle se décidait alors à lancer un autre sujet : le boulot. Elle n’avait jamais totalement compris ce que Kai faisait dans la vie, le concept de biologiste étant bien trop vague à ses yeux. « C'est ça. Biologiste à l'hôpital de St Vincent's et je fais des travaux de recherche à l'université. Parfois je donne des cours, aussi. » « Oh je savais pas que tu donnais des cours aussi. C’est cool ça … non? ça te plait ? » Pas besoin d’être Sherlock pour entendre à la voix de Kai que le sujet ne le passionnait pas, mais bon Jiyeon tentait quand même de gratter un peu, par curiosité.

La dernière fois qu’ils avaient été tous réunis dans la même ville remontait à leurs années passées à Paris. ça datait. Donc tout naturellement le thème des retrouvailles s’invitait dans la conversation. C’était certain que retrouver sa seconde famille faisait beaucoup de bien à Jiyeon. Alors oui elle avait laissé derrière elle se potes coréens, mais bon… au fond elle préférait de loin ces quatre idiots aux reste du monde. « Dans tes pattes, oui ! » notait-Kai, taquin. « J’avoue, vous êtes grave collant. » Plaisantait-elle. En faite elle aimait bien les avoir dans ses pattes. Même si bon, elle gardait pas mal de petits secrets et avait parfois l’impression de mener une double vie tant elle ne présentait jamais les five à ses autres connaissances, elle aimait quand même les savoir près d’elle. Ils étaient un peu sa bouée de sauvetage. Elle savait qu’elle pouvait compter sur eux en toute circonstance. 
Le serveur débarquait enfin avec leur plats et Jiyeon retirait ses coudes de la table pour accueillir avec joie ses toast à l'avocat. « Si tu veux, jeudi soir je pensais me rendre à une soirée...  » Jiyeon suivait machinalement le regard de Kai, se surprenant elle aussi à observer les courbes du serveur, (qui en effet n’était pas mal du tout), avant de reporter son attention sur son ami, un petit sourire malicieux collé aux lèvres. Si elle avait plus bu elle lui aurait certainement sortie un truc du genre : « Bon et ton coming out c’est pour quand ? », parce que que parfois elle avait vraiment envie de le secouer, tellement ça la démangeait et la frustrait de le voir se cacher ainsi. Surtout que pour elle, être qui elle était et fière de qui elle aimait, avait toujours été une évidence, donc elle avait du mal à comprendre cette obstination qu'avait Kai à vouloir cacher ce qu'il était... ou en tout cas, ce qu'elle avait compris qu'il était. Mais malgré tout, elle restait silencieuse, comme si ce n’était pas une évidence, se contentant de prendre ça (le fait que Kai mate le serveur) comme un petit pas en avant. « Pailletée, » continuait-il, alors que Jiyeon le dévorait des yeux, sirotant sa boisson. « Alcool, musique, ambiance, spectacle et costume. Ca te dit ? » « Ecoute... ça a l’air d’une soirée faite pour moi ! » S’enthousiasmait-elle aussitôt. Costume, paillettes, alcool… oui c’était totalement son truc. A Séoul elle passait le plus clair de ses soirées dans le quartier de Itaewon, plus particulièrement dans la rue couramment appelé Homo Hill, faisant la fête dans tout les bars et clubs gay du coin. Elle comptait bien se trouver une routine similaire ici ! « Quand tu dis ‘spectacle et costume’ tu veux dire des show de drag queen ? ou autre chose ? » Cette déduction lui semblait évidente, puisque qu’on était en plein mois d’Aout et que ce n’était pas encore la saison des soirées déguisées, mais bon elle posait tout de même la question. « J’ai vu quelques show de drag à Seoul, mais j’avoue que y’en avait pas beaucoup, comparé à Paris. Ce serait super cool d’en voir ici ! » De toute façon dès qu’il y avait des tenues sympas et de l’alcool : Jiyeon était intéressée. Elle reportait son attention sur son plat, sortant déjà son smartphone pour prendre quelques photos de son assiette, puis une rapide photo de Kai avant de poser son téléphone à côté de son verre. « 잘 먹겠습니다! » Lâchait-elle machinalement attrapant aussitôt ses couverts pour couper un morceau de son toast et le fourrer dans sa bouche. « Hm » grognait-elle en hochant la tête. « Ch’est crès bon. » confirmait-elle la bouche encore pleine avant d'ajouter une fois sa nourriture avalée. « T’as pris quoi toi ? » Elle reportait son attention sur l’assiette de son ami, venant déjà piquer un peu de sa nourriture avec sa fourchette, sans même demander, par habitude. Déjà de base en Corée on partageait les plats, mais en plus là, c’était Kai, donc elle ne se posait même pas la question de savoir si elle avait le droit ou non de lui voler sa nourriture. Elle partait du principe que tout lui était permis. « Et du coup, côté coeur, il se passe quoi ? J’suis un peu déçue de voir que tu nous a même pas ramené quelqu’un des Etat-Unis. » Demandait-elle enfin, avant de mettre sa fourchette en bouche pour gouter le plat de Kai.

Naturellement, j'adhère aux ambitions nouvelles de mon amie. Derechef, je recherche des procédés pour l'aider à atteindre ses objectifs et s'épanouir professionnellement, déterminé à être témoin du bonheur de la sud-coréenne. Je lui soumets quelques théories et idées, tout en lui garantissant mon soutien indéfectible. Néanmoins, l'enthousiasme qui m'étreint en songeant aux projets de Jiyeon s'évanouit lorsqu'elle évoque mon propre travail. Cela fait plus de dix ans que je gagne ma vie grâce à la biologie mais la passion ne m'a jamais réellement habité quant à cette voie. Je suis heureux de la liberté que mon poste m'autorise, je me plais à mener des recherches auxquelles je déniche un réel intérêt, je partage avec plaisir mon savoir avec quiconque ; cependant, mon travail ne me fait pas vibrer. Il représente davantage une partie de ma routine, une sorte d'obligation à laquelle je dois me soumettre pour réellement m'épanouir sur d'autres volets de mon histoire.

Sommairement, je réponds à la question de mon amie sur mon métier à Brisbane, après avoir pris soin de rester évasive sur la soirée de la veille qui étire encore mes traits. « Oh je savais pas que tu donnais des cours aussi. C’est cool ça… non? Ca te plait ? » Je souris, amusé par l'attention que me voue Jiyeon. « C'est sympa, » je fais, haussant les épaules nonchalamment. Je ne me plains pas, c'est intéressant, mais encore une fois, c'est pas ce qui rend mes journées palpitantes.

Ce qui est enthousiasmant toutefois est le destin qui unit notre groupe d'amis dans la ville australienne. J'étais comblé de retrouver mes quatre meilleurs amis et il me tardait d'écrire l'histoire avec eux comme de rattraper, en quelque sorte, le temps perdu par la distance. Je taquine Jiji en lui assurant que nous serons dans ses pattes, ce à quoi la brune répond : « J’avoue, vous êtes grave collants. » Un rire franchit aisément la barrière de mes lèvres. « C'est parce que t'es notre bébé ! » Je justifie, jouant sur l'âge de l'influenceuse.

Un serveur vient déposer nos plats tandis que j'invite Jiyeon à m'accompagner à une soirée. Je feins mes joues qui gagnent légèrement en rosé lorsque je réalise qu'elle m'a remarqué reluquer impunément l'employé mais ne relève pas, enterrant profondément ce moment dans un déni exemplaire. Puis, cela me manquait atrocement de sortir avec la fêtarde. Elle et Hugo font vraiment partie à mes yeux des meilleurs compagnons de beuverie : les sorties sont purement inoubliables avec eux. Néanmoins, les profils de fêtes sont différents selon si je suis avec Hugo et Jiyeon. Par exemple, je n'embarquerais pas Hugo à un show de drag queens, ce que mon interlocutrice devine promptement grâce à la description de soirée que je lui fournis : « Quand tu dis ‘spectacle et costume’ tu veux dire des show de drag queen ? Ou autre chose ? » Un sourire aussi malicieux qu'éloquent étire mes lippes. « Tu doutes de tes capacités à lire dans mes pensées ? » Je charrie avec complicité, validant indirectement qu'il s'agissait bien d'un show de drag queens. « J’ai vu quelques show de drag à Séoul, mais j’avoue que y’en avait pas beaucoup, comparé à Paris. Ce serait super cool d’en voir ici ! » Je haussais les sourcils, intéressé. « Ca devait être sympa, les shows de drag à Séoul ! Tu as des photos ou vidéos ? » Je demande, mille fois plus animé que lorsqu'on parlait de biologie quelques minutes plus tôt. « J'ai trouvé quelques bons endroits. Je t'y emmènerais. C'est vraiment pas mal, ici ! Différent de Paris, mais pas mal ! » Paris restait mon coup de cœur, la ville qui m'avait fait tomber en amour avec l'art du drag, là où j'avais fait mes premiers pas sous les traits de Bea. C'était en quelque sorte mes origines artistiques, les racines de ma libération. Paris aura toujours un goût précieux et indétrônable.

Jiyeon annonce le début du repas en coréen et je souhaite en portugais, tout sourire : « Bom apetite. » La vingtenaire se régale de bon cœur et je ris doucement de la voir. « T’as pris quoi toi ? » Elle s'intéresse avant de piquer tout naturellement sa fourchette dans ma nourriture. « Ils appellent ça le bowlarama, » je me remémore le menu. « Méli-mélo de légumes, noix, algues, kale, miso, hummus, avocats, œufs et toasts, » je fais en décrivant le contenu du bol, pointant chaque élément du bout de mon ustensil. Je saisis ma tasse de café, laissant tout le loisir à Jiyeon de piocher les éléments qui l'attiraient. Je manque toutefois d'avaler de travers lorsqu'elle me questionne : « Et du coup, côté cœur, il se passe quoi ? J’suis un peu déçue de voir que tu nous as même pas ramené quelqu’un des Etat-Unis. » « T'aurais aimé que j'ramène une belle américaine ? » Je formule, sur un ton qui se veut plaisantin, avant de hausser une épaule timidement, sourire désolé aux lippes. « J'aime bien fly solo. Je dois de comptes à personne, comme ça, » je mens autant à la Park qu'à moi-même, rejetant difficilement toutes pensées voguant vers Ryan. Un peu égoïstement, j'étais heureux que les autres membres des five ne soient pas en couple non plus, ou du moins, pas très sérieusement, en ce moment. Je me sentais moins seul dans mon célibat endurci. « T'es partante pour faire des rencontres ici, toi ? » Je demande curieusement. Aux dernières nouvelles, Jiji aimait butiner de fleur en fleur. Mais peut-être avait-elle décidé de changer de rythme en déménageant à Brisbane ? Ou peut-être avait-elle rencontré quelqu'un très récemment ? J'admirais sa capacité à s'assumer entièrement, peu importe qui elle voulait fréquenter et dans quelle mesure. Si j'avais le dixième du courage de mon amie, sans doute serais-je bien plus heureux aujourd'hui. Plutôt, je dénigrais qui j'étais, qui j'aimais, et je me forçais dans des schémas qui me déplaisaient. « Peut-être qu'après le show de drag, on pourrait voir ce que Brisbane a à offrir ? » Je proposais, espiègle. Clairement, je pensais plutôt être co-pilote de Jiyeon ou observateur des éventuelles offres à ma disposition, mais ces deux rôles me convenaient pour l'instant, je m'y complaisais. « Ou même ce soir, si t'es partante. » A quoi bon attendre jeudi ? On ne vit qu'une fois, après tout.

Better than facetime.
@Kai Luz  

« Ça devait être sympa, les shows de drag à Séoul ! Tu as des photos ou vidéos ? » Il y avait comme une étincelle dans ses yeux, lui qui semblait si éteint quand la conversation tournait autour de son boulot, Jiyeon ne l’avait jamais vu aussi rayonnant qu’en cet instant, à croire que l’univers du drag le passionnait. Jiyeon n’était pas surprise, puisqu’elle restait certaine que Kai était gay et qu’un gay qui aime le drag n’avait rien d’exceptionnel, toute fois elle ne se souvenait pas qu’il ai montré un quelconque intérêt pour cet art au paravant. Pas en sa présence en tout cas. « Hm j’ai certainement des photos mais ça doit être au fin fond de mon téléphone. » répondait-elle en grimaçant un peu. Elle les chercherait un de ces jours et lui enverrait le tout par message, pour le moment elle avait un peu la flemme de se replonger dans ses archives, prenant bien trop de photo par jour pour retrouver rapidement des photos datant d'il y a plus d'un an. « Mais j’avais vu Hurricane Kimchi. Tu dois pouvoir la trouver sur instagram je pense. » précisait-elle tout de même histoire que Kai ait quelque chose à se mettre sous la dent. « J'ai trouvé quelques bons endroits. Je t'y emmènerais. C'est vraiment pas mal, ici ! Différent de Paris, mais pas mal ! » Décidément, Kai avait vraiment l’air de si connaitre sur la scène drag de Paris et Jiyeon était à deux doigts de lui faire remarquer que his gay was showing, mais le serveur arrivait déjà avec leur plat.

« Ils appellent ça le bowlarama » Jiyeon piochait déjà dans le bol de Kai, piquant quelques légumes couverts de houmous avant de mettre tout ça dans sa bouche. Elle hochait rapidement la tête en mâchant les légumes encore croquants. C’était très bon. Son toast à l’avocat à côté était terriblement fade et elle s’empressait de prendre la sauce piquante qui se trouvait sur leur table pour en mettre une bonne dose sur son plat. « T'aurais aimé que j'ramène une belle américaine ? » Non, un américain, mais bon Jiyeon n’allait pas le lui dire, elle le laissait faire semblant, ce n’était pas son job de le tirer du placard, il devait faire ça quand il se sentirait près. Même si parfois, vraiment, ça la démangeait. Elle se contentait de hausser les épaules, prenant une nouvelle bouchée de son toast. « J'aime bien fly solo. Je dois de comptes à personne, comme ça, » Elle ne pouvait que hocher de la tête d’un signe approbateur. « C’est tellement chiant de devoir faire attention à ce qu’on fait en permanence, juste parce qu’on est en couple. Qui a imposé cette règle ? Qui a dit qu’on pouvait pas toucher les fesses de quelqu’un d’autre en boite ? » ronchonnait-elle. Jiyeon avait bien du mal avec cette notion de fidélité, il y avait tant de chose qu’elle ne considérait pas comme tombant dans la catégorie "tromperie" et elle c’était très souvent faite larguée pour ça, quand elle ne larguait pas la personne avant par pur ennui. « T'es partante pour faire des rencontres ici, toi ? » Evidemment. C’était tout le paradoxe de Jiyeon : elle aimait sa liberté mais avait bien du mal à rester seule. « Bien sur, si je peux me trouver un riche australien, ou une riche australienne, ce serait parfait. » assurait-elle. Oui l'argent avant l'amour, puisqu'elle ne se souvenait pas avoir déjà ressentie ce dernier de toute façon. Parfait surtout si on la laissait faire ce qu’elle voulait à côté. Autant dire que cette personne n'existait pas. Elle prenait une gorgée de mimosa pour faire descendre sa dernière bouchée de toast à l’avocat. « Peut-être qu'après le show de drag, on pourrait voir ce que Brisbane a à offrir ? » Un sourire venait aussitôt étirer le coin de ses lèvres alors qu’elle reportait son regard sur Kai. « Ou même ce soir, si t'es partante. » « Quand tu veux, où tu veux, darling. » lâchait-elle en reposant son verre. « Je suis tout le temps partante. » Et ce n’était même pas une exagération, puisqu’elle ne souffrait en général par de la gueule de bois, donc elle était souvent partante même après une cuite et même si elle bossait le lendemain. Le réveille était difficile mais : un café, un redbull et elle tenait la journée. Puis le jour où son foie lui dirait ‘stop’, là peut-être, qu’elle remettrait en question ses choix de vie. « Commençons tout de suite. » déclarait-elle, reprenant son verre pour le finir cul sec avant de faire revenir le serveur d'un signe de la main. « On peut avoir deux autres mimosas, bien chargés si possible. » demandait-elle, un sourire charmeur sur les lèvres alors qu’elle poussait son verre vide vers lui. « Et votre numéro de téléphone aussi. » ajoutait-elle sans une once d’hésitation, le regard droit dans celui du serveur qui tournait déjà au rouge.

Je m'anime spontanément lorsque Jiyeon évoque l'art du drag. Je ne pense même pas au fait que je ne suis pas censé aimer cet art et qu'il soit douteux qu'un homme straight puisse être si enthousiaste à parler de costumes, de paillettes et de performances de ce genre. Je ne songe absolument pas à évincer, muni de toutes les mesures nécessaires et imaginables, les possibles associations que l'on pourrait effectuer entre moi et le personnage de Bea. Peut-être est-ce l'effet que Brisbane a sur moi, ou alors celui de retrouver Jiyeon après tant d'années à distance, mais je laisse paraître avec un naturel désarmant l'affection profonde que je voue envers cet art. « Hm j’ai certainement des photos mais ça doit être au fin fond de mon téléphone. » Je souris en coin, comprenant ainsi que je risque de devoir faire une croix sur ces clichés, considérant la tonne exponentielle de photos et de vidéos que la Park prend et conserve. « Mais j’avais vu Hurricane Kimchi. Tu dois pouvoir la trouver sur Instagram je pense, » j'acquiesce, me promettant de la rechercher plus tard. Dans l'immédiat, j'entre dans le concret et acte nos éventuelles escapades dans le bar où des drag queens - et kings et creatures - se produisent. « T'as déjà voulu faire du drag ? » Je questionne curieusement Jiyeon.

Nos repas sont servis et je détaille le bowlarama qui se trouve devant moi à mon amie qui l'investigue déjà de sa fourchette. Lorsqu'elle aborde le volet sentimental de ma vie, je me fais plus timoré, arborant néanmoins le masque du garçon amusé par ce sujet alors qu'en vérité, il n'est absolument pas ma tasse de thé. Je confesse à Jiyeon que je préfère être célibataire, prétextant la lourdeur des comptes à rendre lorsqu'on est en couple. « C’est tellement chiant de devoir faire attention à ce qu’on fait en permanence, juste parce qu’on est en couple. Qui a imposé cette règle ? Qui a dit qu’on pouvait pas toucher les fesses de quelqu’un d’autre en boite ? » Je ris de bon cœur. « Les gens jaloux et possessifs, j'imagine. » La fidélité me semblait être un concept très humain. Etions-nous réellement faits pour se consacrer à une seule personne ? A mettre les choses en perspective, c'était tout de même une drôle de mentalité qui pouvait nous priver de nombreuses expériences. Personnellement, je ne recherchais pas - plus - de romance mais sans doute serais-je vexé et blessé si la personne que j'aimais aller voir ailleurs. Néanmoins, d'un point de vue extérieur, je pouvais comprendre cette curiosité. Intéressé, je demande à la sud-coréenne si elle désire faire des rencontres ici. Je ne prends jamais Jiyeon pour acquis, elle est toujours douée pour me surprendre dans ses prises de décisions. « Bien sûr, si je peux me trouver un riche australien, ou une riche australienne, ce serait parfait. » Je souris en coin. « Je vois que tu penses à l'aspect pratique, » je décris. « Et si tu avais un millions de dollars, là, tout de suite, tu en ferais quoi ? » Je lance.

Je propose une sortie tous les deux. « Quand tu veux, où tu veux, darling. Je suis tout le temps partante. » Un large sourire s'empare de mon portrait. « Super, j'ai hâte ! » Il me tardait de festoyer avec mon amie. Cela faisait tellement longtemps qu'on était pas sorti ensemble. Il fallait impérativement remédier à cette situation. « Commençons tout de suite, » annonce Ji et je fronce les sourcils, intrigué. « Tout de suite ? » Je répète, incrédule. Elle termine son verre cul sec et attire l'attention du serveur. « On peut avoir deux autres mimosas, bien chargés si possible. » Je décris son profil tandis que la Park pousse vers lui son verre vide. Je m'empresse de terminer ma boisson également. « Et votre numéro de téléphone aussi. » J'avale de travers et toussotte, le regard noisette du garçon m'étudie. Ses joues sont écarlates et je dois avouer que je trouve son embarras craquant - et quelque peu contagieux. L'employé prend nos verres et disparaît au bar ; je me permets de taquiner : « Pas sûr qu'il soit très riche, » je commente. S'il était fortuné, il ne travaillerait pas dans ce restaurant, n'est-ce pas ? Néanmoins, je ne lui retirais pas qu'il devait jouer d'autres atouts. « Mais j'admire la stratégie. » La témérité de Jiji devait sans doute lui être bénéfique plus d'une fois. « J'suis rouillé, j'aurais pas pensé qu'il était ton genre, » je confesse avec un sourire en coin. Non seulement il y a cette désolation que je ressens qui me fait parler parce qu'il me plaisait bien, le serveur, même si jamais je n'aurais osé faire quoi que ce soit ; mais dans mon esprit, Jiyeon aimait les personnalités plus affirmées, plus fun. Le serveur revient vers nous avec les deux mimosas et un numéro de téléphone griffonné sur une serviette en papier qu'il glisse sous le verre de la Park. Tristesse, il kiffe les filles. « Vérifie peut-être qu'il n'a pas mis le numéro d'ici, » je préviens en portant mon verre à mes lèvres. Je hausse une épaule innocemment. Je ne doutais aucunement du charme de mon amie mais une entourloupe était vite arrivée. « On sait jamais. » Je justifie et je bois une gorgée de mon mimosa. « Quoique, peut-être pas. Il t'a bien obéit, il n'a pas été de main morte sur nos verres. » Les nombreux avantages à traîner avec Jiji.

Better than facetime.
@Kai Luz  

« T'as déjà voulu faire du drag ? » C’était bien la première fois qu’on lui posait la question mais la réponse de Jiyeon était toute faite : « Non jamais. J’adore regarder les shows mais je n’me vois pas en faire. » Monter sur scène pour chanter ou faire semblant de chanter, elle pouvait le faire une fois bourrée, sinon c’était hors de question. Quand au costume et au maquillages ce n’était pas du tout son style, elle admirait la beauté et l’extravagance des queens mais n’avait pas envie d’avoir la même quantité de maquillage sur la peau. « Et toi ? » lâchait-elle machinalement.

« Les gens jaloux et possessifs, j'imagine. » Oui certainement. En soit Jiyeon pouvait l’être aussi, quelques fois, même si ça restait rare. Mais étrangement il ne valait mieux pas l’être avec elle. Elle fixait ses règles. C’était terriblement égoïste mais c’était comme ça. Elle avouait vouloir trouver quelqu’un de riche et Kai ne pu s’empêcher de noter : « Je vois que tu penses à l'aspect pratique, » « Toujours. » assurait-elle avant que son ami ne lance encore l’une des questions dont il avait le secret: « Et si tu avais un millions de dollars, là, tout de suite, tu en ferais quoi ? » Sans réfléchir Jiyeon lâchait déjà : « Je t’offrirais ce repas ! » avant de réfléchir un peu plus sérieusement à la question. « Je m’achèterai un grand appartement en centre ville avec assez de chambres pour tout le monde. » Tout le monde étant évidemment les five et peut-être son frère. « Et un très grand dressing. » précisait-elle. « Puis je lancerai ma marque de vêtement. » Oui, tant qu’à avoir de l’argent autant l’investir, même si c’était pas un investissement très sûr.« Et toi tu ferais quoi ? » Elle avait toujours l’impression d’être dans une soirée pyjama quand elle était avec Kai, il n’y avait bien qu’à lui qu’elle racontait ce genre de chose, qu’elle se confiait ne serait-ce qu’un peu.

Jiyeon décidait rapidement de lancer les hostilités tout de suite, terminant son verre avant d’en commander deux autres. Kai limitait bien vite pour rendre son verre vide au serveur alors que déjà le jeune homme, tout rouge, repartait vers les cuisines. « Pas sûr qu'il soit très riche, » notait Kai. Jiyeon pouffait de rire. « Non, lui c’est pour une nuit, pas pour la vie. » lui assurait-elle. « Mais j'admire la stratégie. » Si on pouvait vraiment appeler ça une stratégie. Elle rentrait dans le tas sans grande subtilité. En général ça marchait, elle avait de la chance. « J'suis rouillé, j'aurais pas pensé qu'il était ton genre, » Jiyeon reprenait une bouchée de son toast en secouant lentement la tête. « Ah mais c’est pas mon genre du tout. » assurait-elle. « Enfin si on peut dire que j’ai un genre… » Les grands mecs musclés et les belles blondes ? oui ça devait être ça son genre. Mais après elle prenait ce qui passait, elle n’était pas bien difficile, surtout si c’était pour un soir et pas pour s’afficher au bras du jeune homme. « Pourquoi, c’est ton genre toi ? » lâchait-elle alors qu’au même moment le jeune homme revenait, déposant les deux verres et une serviette en papier sur laquelle figurait son numéro qu’il glissait sous le verre de la coréenne. « Vérifie peut-être qu'il n'a pas mis le numéro d'ici, » Jiyeon tirait la serviette en papier pour lire le numéro. « On sait jamais. » ajoutait-il et la coréenne hochait lentement la tête, ouvrant son samsung z flip pour taper le numéro avant de mettre le téléphone à son oreille. « Quoique, peut-être pas. Il t'a bien obéit, il n'a pas été de main morte sur nos verres. » Le regard de Jiyeon s’illuminait alors que de sa main libre elle portait déjà son verre à ses lèvres pour en prendre une gorgée. « Ouuuh, j’aime bien ça ! » lançait-elle enjoué alors qu’au même moment elle tombait sur le répondeur. Elle raccrochait bien vite, posant son téléphone à côté de son assiette. « D’après son répondeur, il s’appelle Isaac. » notait-elle reprenant une gorgée de son mimosa. « C’est acceptable à Brisbane d’être bourrée dès une heure de l’après-midi, ou pas ? » demandait-elle très sérieusement entre deux gorgée de sa boisson, qui descendait bien trop rapidement. « Après on ira dans un bar un peu glauque et on jouera à action ou vérité. » déclarait-elle, se re-concentrant  sur son plat.

De longues réflexions ne sont pas nécessaires à Jiyeon pour qu'elle me réponde n'avoir jamais souhaité se produire en tant que drag queen, même si elle appréciait regarder des shows mettant en vedette ces artistes. Un rictus apparaît sur mon portrait : une partie de moi aurait été bien curieuse de voir Jiji performer de la sorte. « Pourquoi pas ? » Je questionne avec curiosité, certain qu'une réponse franche ne saurait tarder. La Park savait ce qu'elle voulait, une assurance que j'admirais. « Et toi ? » Je fronce les sourcils, surpris et suspicieux de cette question. Mon amie aurait pu me demander si j'avais déjà vu un poisson grimper à un arbre que j'aurais probablement arboré le même air ; de plus, cela m'inquiète profondément que Jiji me retourne ma question avec cette aisance désarmante. Se doute-t-elle de quelque chose ? « Non, » je fais dans un rire bref, bon comédien, désirant donner l'impression que c'était prodigieusement impossible, que l'interrogation avait tout d'une blague. On ne verrait pas Hugo en drag queen, par exemple, alors techniquement, moi non plus. N'est-ce pas ?

Un malaise s'installe pernicieusement en moi lorsque Jiyeon évoque ma vie sentimentale. J'élabore une pirouette sur l'américaine que j'aurais pu ramener avant d'expliquer que je me complais dans un célibat sans pression. La conversation dérive vers cette notion de fidélité et d'exclusivité à laquelle une bonne quantité de couple obéit. Je ris avec amusement quand mon interlocutrice m'explique convoiter quelqu'un de riche et spontanément, je me demande ce que la coréenne ferait avec un max d'argent. Ainsi, je la lance sur ses potentiels achats si elle gagnait soudainement un million de dollars. « Je t’offrirais ce repas ! » lâche instantanément la coréenne et un rire file entre mes lèvres. « Bon début, » je commente avec complicité. « Je m’achèterai un grand appartement en centre ville avec assez de chambres pour tout le monde. Et un très grand dressing. » « Ici, à Brisbane ? » Je sollicite précisions. « Puis je lancerai ma marque de vêtement. » « Oh yes ! » J'encourage. « Avec toi en modèle ? Tu l'appellerais comment ? » Le monde du rêve : ma vraie maison inventée de toute pièces. Je l'exploite tant que je n'ai aucune misère à conduire Ji à développer cet imaginaire. « Quel style de vêtement ? Casual ? Chic ? » « Et toi tu ferais quoi ? » Je me pose, saisis mon mimosa. Un million de dollars. Je pourrais le donner à des gens dans le besoin parce que je vis confortablement financièrement mais ce n'est pas le but du jeu, ici. Je pourrais investir intelligemment, dans un bien immobilier par exemple, comme Jiji, mais l'idée d'avoir un pied à terre me rebute. « J'changerais de vie, » je finis par annoncer. C'est mon voeu le plus cher. « J'achèterais un van et j'ferais toute l'Europe avec, jusqu'à ce que j'aie plus un rond. » L'avantage d'être en mouvement c'est qu'on peut être n'importe qui vu qu'on ne reste pas. Puis j'étais emballé à l'idée de rencontrer de nouvelles cultures, de nouveaux pays, de nouvelles personnalités.

La brune attire l'attention du serveur que je trouve de plus en plus adorable. Elle termine son verre, commande une nouvelle tournée - plus corsée celle-ci - tout en sollicitant le numéro de téléphone de l'employé, ce qui m'incite à presque avaler de travers alors que je m'efforçais à être à son niveau en termes de consommation alcoolisée. « Non, lui c’est pour une nuit, pas pour la vie, » me fait Jiyeon lorsque je suppose qu'il n'entre pas dans son idéal riche. Je souris, me mordant néanmoins discrètement l'intérieur de la joue. Jaloux ? Absolument. Elle avait de la chance la vingtenaire de pouvoir aller avec qui lui plaisait sans retenue ni gêne. J'avoue néanmoins que je ne pensais pas que le salarié était son genre. « Ah mais c’est pas mon genre du tout. » Au moins, je suis pas complètement à côté de la plaque. Ca me rassure. « Enfin si on peut dire que j’ai un genre… » Je me permets un coup d'œil vers le garçon qui prépare nos rafraîchissements. « Pourquoi, c’est ton genre toi ? » Nouvelle question qui me fige. « Non, c'est pas mon genre, » je mens sans vergogne. Avouer à la Park que je trouvais ce mec plus que mignon ? Plutôt mourir. J'avais entièrement confiance en Jiyeon, je l'adorais et je m'en voulais d'être malhonnête envers elle surtout que je pense que ça lui ferait peut-être ni chaud ni froid que je lui répondre à l'affirmative ; mais le fait étant que cette attirance demeurait du domaine du secret. Il était hors de question que je formule à voix haute que j'étais attiré par un homme, peu importe la personne qui se trouvait en face de moi.

Les mimosas arrivent, un nouveau coup de chaleur m'étreint lorsque mes pupilles se posent le serveur, doublé d'un pincement au cœur avec le numéro de téléphone qu'il met sous le verre de Ji. Elle est irrésistible mon amie, je ne suis pas choqué. Juste déçu, je dois l'avouer, parce qu'elle en profitera peut-être cette nuit et pas moi. Mais je restais sincèrement heureux si la coréenne pouvait prendre son pied. Son bonheur est essentiel, après tout, j'y tiens énormément. En bonus, le garçon vivra aussi un bon moment, alors que si j'avais eu les rennes, ça n'aurait mené à rien puisque je me serais interdit de faire plus que de loucher sur sa silhouette. J'invite néanmoins la Park à vérifier qu'il ne l'ait pas bernée et ni une ni deux, Jiyeon se saisit de son téléphone pour tester l'honnêteté du jeune homme. Je pioche dans les quelques aliments restants de mon plat pendant que la sonnerie se répète. « D’après son répondeur, il s’appelle Isaac. » Même son prénom est mignon. Décidément. « C’est acceptable à Brisbane d’être bourrée dès une heure de l’après-midi, ou pas ? » Je hausse les épaules, désinvolte. « On s'en fout, sinon ? » Je n'allais pas me priver de festoyer Jiyeon en l'honneur des lois sociétales - et je tentais d'embarquer la Park dans ce même état d'esprit. « Puis on a une bonne raison : ça fait une éternité qu'on est pas sorti ensemble ! » « Après on ira dans un bar un peu glauque et on jouera à action ou vérité. » Je ris allègrement. « Ouh, ça promet. T'as déjà tes idées d'action ou de vérité ? » Les gages et les challenges, une vraie histoire d'amour. Faire n'importe quoi sous prétexte d'honorer sa parole, que demander de plus jouissif ? « On peut même commencer maintenant ? » Je suggère avec malice.

Better than facetime.
@Kai Luz  

« Pourquoi pas ? » Jiyeon haussait les épaules. « Je crois que c’est pas mon genre. » notait-elle simplement. Elle ne s’imaginait pas trop dans ce genre de look extravagant, après peut-être que ça lui irait très bien, mais elle n’était pas certaine d’avoir le courage de le faire. Montrer ses seins pour avoir des bières gratuites : oui, mais mettre une perruque et du maquillage prononcé pour faire du playback sur du Céline Dion : non. Enfin, peut-être qu’elle essayerait un jour, qui sait, ce n’était pas ‘non’ définitif. Elle retournait tout naturellement la question à Kai et ce dernier répondait par la négative, sans hésitation, accompagné d’un rire qui semblait dire que la question de Jiyeon était ridicule. La coréenne ne s’en offusquait pas. Elle commençait à avoir l’habitude de Kai et sa fragilité masculinité. Ce dernier changeait habilement de sujet et voilà qu’en quelques minutes Jiyeon se retrouvait à s’imaginait millionnaire. « Bon début, » notait-il amusé alors que Jiyeon lui annonçait qu’elle lui offrirait le repas du jour. Puis bien vite elle s’imaginait faire de plus grosses dépenses avec un appartement pour tout ses amis. « Ici, à Brisbane ? » « Bah tant que vous êtes à Brisbane, oui. Après si vous décidez tous de partir, je vous suivrais. » notait-elle très sincèrement. Aussi indépendante soit-elle, le five lui avait bien trop manqué pour qu'elle s'imagine vivre de nouveau loin d'eux. Puis elle évoquait le lancement d’une marque de vêtement. « Avec toi en modèle ? Tu l'appellerais comment ?  » « Oui, moi comme modèle évidemment. Puis toi aussi. » répondit-elle sans hésitation, Kai était bien trop beau pour ne pas jouer les mannequin, avant de réfléchir un peu plus longuement à la seconde partie de la question. « Euh… » Son regard se perdait dans le vide. « Aucune idée, faut que je médite là dessus. » concluait-elle manquant cruellement d’imagination sur l’instant. « Quel style de vêtement ? Casual ? Chic ? » « Un mélange des deux. Un peu comme mon style. » ‘Son’ style, si on pouvait vraiment le définir comme ça. Jiyeon elle mettait tout type de fringue, de la robe de soirée qui lui avait coutée un rein, en passant par un look grunge, fleurie, survêtement…. elle ne discriminait pas la mode, donc naturellement elle voulait faire une marque de vêtement avec tout ce qu’elle aimait. Donc avec : tout. Une fois de plus elle retournait la question à Kai et ce dernier attrapait son verre tout en réfléchissant. « J'changerais de vie, » finit-il par annoncer. « J'achèterais un van et j'ferais toute l'Europe avec, jusqu'à ce que j'aie plus un rond. » Kai le baroudeur, toujours en mouvement. Jiyeon n’était pas vraiment surprise par cette réponse, même si elle se demandait comment il allait pouvoir poser pour sa futur marque de fringue s’il n’était jamais au même endroit. « Y’aura assez de place pour tout le monde dans ton van ? » lâchait-elle du coup, se figurant que s’il partait les quatre pot-de-colles suivraient.

« Non, c'est pas mon genre, » assurait Kai après que le serveur soit reparti et alors que son regard suivait ce dernier. Jiyeon n’en croyait pas un mot, évidement, mais une fois de plus elle laissait Kai dans sa désillusion, même si ce comportement la frustrait au plus haut point. Si elle avait toujours su être elle même, dans un pays où les droits lgbt étaient quasi inexistant, pourquoi est ce que Kai, lui, n’arrivait pas à en faire de même ici ou à New York? Il fallait qu’elle se répète à chaque instant que chacun avait son parcours, chacun avait ses barrières mentales et qu’il fallait qu’elle soit patiente avec Kai. Elle préférait donc changé de sujet, au risque de céder et de dire à Kai le fond de sa pensé.
« On s'en fout, sinon ? » Jiyeon hochait la tête. « Ouuh, tu sais comment me parler toi. » notait-elle en pouffant de rire, venant trinquer une nouvelle fois avec le verre de son ami pour en prendre une nouvelle gorgée. « Puis on a une bonne raison : ça fait une éternité qu'on est pas sorti ensemble ! » « C’est vrai ça ! » semblait-elle réaliser avant de proposer de poursuivre leur journée dans un bar pour jouer à action ou vérité. « Ouh, ça promet. T'as déjà tes idées d'action ou de vérité ? » Jiyeon hochait la tête de plus belle. « Evidement, j’en ai tout un tas. » assurait-elle. Et c’était la vérité. Elle avait tout plein d’idées qui n’allaient pas plaire à Kai, comme pour commencer : demander au serveur son numéro. « On peut même commencer maintenant ? » Le regarde Jiyeon s’illuminait aussitôt en se reposant sur Kai. « T’es sûr ? » demandait-elle alors qu’un sourire malicieux apparaissait sur ses lèvres. Il ne se rendait pas compte dans quoi il allait s'embarquer. « T’es prêt ? Parce que je vais pas être gentille. J’épargne personne. » Est ce que c’était considéré comme 'pousser quelqu’un hors de placard' si c’était un gage ??? Elle prenait une nouvelle gorgée de son mimosa avant de terminer son toast à l’avocat. « Action ou vérité ? » annonçait-elle d’un air solennel en venant s'essuyer la bouche avec sa serviette.

Après une discussion et des promesses tenues sur le sujet du drag qui me tenait aussi secrètement qu'intensément à cœur, j'orientais Jiyeon sur le domaine des rêves. Un million de dollars australiens à dépenser : il m'était curieux de découvrir comment le cœur de mon ami désirerait le faire flamber. Elle commence par le repas, ce qui me fait tendrement sourire, puis par un appartement pour toute la bande, une idée de génie à laquelle je ne peux que qu'adhérer entièrement. Je l'interroge sur le lieu où elle verrait cette hypothétique acquisition : « Bah tant que vous êtes à Brisbane, oui. Après si vous décidez tous de partir, je vous suivrais. » « T'aimerais pas à Séoul ? » Je me risque. Après tout, la Park était retournée vivre là-bas après Paris et y était restée bon nombre d'années, je comprendrais qu'elle soit intéressée à cette ville que j'avais eu la chance de visiter avec elle et dont je gardais d'excellents souvenirs. De plus, j'étais assez intrigué par le fait que Jiji annonce si clairement qu'elle nous suivrait si l'on venait tous à décider de quitter la ville australienne. « Ce serait tellement le pied un appart pour nous cinq, » je songe tout haut. Nous n'avions jamais vécu tous les cinq sous le même toit mais des colocations improvisées avaient eu lieu entre nous, à de multiples occurrences, à plus ou moins long terme, et aucun d'entre nous n'avait tenté de s'entre-tuer jusque là. Ainsi, j'avais bon espoir que nous pourrions vivre en harmonie tous les cinq dans le même logement et vraiment, ce concept me vend du rêve.

Troisième étape : le lancement de la ligne de vêtements de mon amie. Avec tous les plans que me formule Jiyeon à la volée, j'ai sérieusement envie qu'on tente de jouer au loto et que tout ceci se concrétise. « Oui, moi comme modèle évidemment. Puis toi aussi. » Je ris doucement, sincèrement flatté. « C'est gentil. Je ferais de mon mieux, » je prononce avec sincérité. La vingtenaire m'indique que le nom de la marque reste néanmoins à déterminer. « Pense-y bien. On sait jamais ce qui peut se passer, » je fais avec malice et optimisme. Après tout, on ignore ce que demain nous réserve. « Un mélange des deux. Un peu comme mon style, » Jiji précise quand je lui demande le style de sa ligne de vêtements. « On a plus qu'à te trouver un million de dollars maintenant, darling, » je déclare, un large sourire sur le portrait, emballé par ses projets.

Lorsque la coréenne me demande ce que je ferais si j'étais subitement détenteur d'une telle somme d'argent, quelques minutes de réflexion me sont nécessaires. Finalement, j'opte pour la liberté doublée d'un anonymat. La vie de van me charme depuis des décennies et un jour, je me promets de mener un long road trip, idéalement en Europe. « Y’aura assez de place pour tout le monde dans ton van ? » « Bien sûr, » je réplique tandis que mon visage s'illumine à l'idée d'embarquer mes quatre meilleurs potes dans cette épopée. « Ca se fait toujours, de la place, » j'assure. « Puis je pourrais ensuite le garer devant notre future maison, pour nos futures expéditions, » je termine le tableau.

Il m'est difficile de ne pas reluquer - discrètement selon moi - le serveur dès qu'il apparaît dans mon champ de vision et bien sûr, une pointe de jalousie me tiraille inavouablement lorsque je remarque qu'il en pince davantage pour Jiji que pour ma personne. Je me convaincs toutefois que cela est pour le mieux et même légitime : Isaac passera assurément une nuit plus agréable en la compagnie de la Park que de la mienne et ça tombe bien car mon interlocutrice l'a dit elle-même : l'employé fera l'affaire pour une nuit. Tout le monde est heureux, ainsi - ou presque. J'essaie de chasser cette déception qui titille désagréablement mon cœur pour me concentrer sur ces prochaines heures en compagnie de Jiji qui se devaient d'être mémorables et enthousiasmantes - rien que ça. Ultimement, c'est mon amie l'important, ici, pas un mec, et je ne désirais que le meilleur pour ces retrouvailles. « Ouuh, tu sais comment me parler toi, » pouffe l'influenceuse lorsque je soumets de s'en moquer de l'avis d'Autrui si on est bourré en début d'après-midi. « Toujours, toujours, » je vante puis ris de bon cœur, surenchérissant sur le fait qu'on célèbre aujourd'hui. « C’est vrai ça ! » Les bonnes idées se suivant, voilà que Jiyeon propose l'un de mes jeux favoris : action ou vérité. Certes, je choisis presque jamais la deuxième option, je vis surtout pour les défis. « Evidement, j’en ai tout un tas, »   Jiyeon promet de ne pas manquer en créativité. Je souris en coin, curieux et impatient, tant que je demande si l'on peut débuter le jeu de suite. « T’es sûr ? » Le regard de la Park en dit rien qui vaille. « J'suis sûr ! » Je m'engage néanmoins, vaillant. « T’es prêt ? Parce que je vais pas être gentille. J’épargne personne. » Ses mises en garde me font rire, amusé et complice. « J'en attendais pas moins de toi ! » Je fais, terminant mon deuxième mimosa. « Action ou vérité ? » La malice fait pétiller mon regard, un rictus creuse ma joue. « Action. »

Better than facetime.
@Kai Luz  

« T'aimerais pas à Séoul ? » La question était légitime, Jiyeon avait passé la majore partie de sa vie dans la capitale coréenne, elle y avait ses habitudes, des tas d’amis, beaucoup trop d’ex et plein de souvenirs sympas. Mais pas que. Evidemment tout n’était pas rose et elle se voyait mal, pour le moment, retourner vivre définitivement là bas. Avoir ses parents sur le dos, le jugement permanent de sa mère, et cette sensation de ne jamais être assez bien pour elle… non clairement pour le moment elle préférait en rester loin. Elle haussait simplement les épaules en guise de réponse, préférant ne pas s’expliquer. En général elle parlait peu de sa famille et de son passé, même à ses quatre meilleurs amis, donc Kai ne devait pas être surprise face au silence de la jeune femme. Elle préférait être dans le présent et dans la légèreté. Il enchainait donc l’air rêveur : « Ce serait tellement le pied un appart pour nous cinq, » Jiyeon hochait la tête. « Ce serait un peu le chaos, mais oui, ce serait vraiment cool. » confirmait-elle. Oui ce serait le chaos, entre Hugo et elle qui ramèneraient des coups d’un soir, Nono unnie qui leur crierait de ranger, Dani qui prendrait toute la place avec ses bouteilles de vin…  Peut-être que ça finirait par créer des tensions entre eux, qui sait. Jiyeon n’avait jamais été en colocation avec l’un d’entre eux et elle savait être très difficile à vivre. Mais elle avait quand même envie de tenter l'aventure avec eux, parce qu'ils étaient les personnes qu'elle préférait sur la planète.

« Pense-y bien. On sait jamais ce qui peut se passer, » Jiyeon acquiesçait d’un signe de la tête, elle tenterait d’y réfléchir un jour, même si elle ne rêvait pas : jamais elle ne gagnerait un million à la loterie. (déjà parce qu’elle n’y jouait pas !) « On a plus qu'à te trouver un million de dollars maintenant, darling, » Jiyeon échappait un petit rire. « Bonne chance pour trouver ça. » notait-elle avant de retourner la question à Kai. Sans grande surprise, ce dernier dépenserait cet argent dans le voyage et Jiyeon s’empressait de s’inviter dans l’aventure en demandant si son van aurait assez de place pour toute la bande. Kai, toujours profondément gentil et généreux, répondait par la positif. « Ca se fait toujours, de la place, » assurait-il. « Il va te falloir un bus alors, pas un van. » précisait-elle, s’imaginant déjà débarquer avec deux imposantes valises. « Puis je pourrais ensuite le garer devant notre future maison, pour nos futures expéditions, » « Oh ouais, une maison! Bien mieux qu’un appartement ! Dès que j’aurais un job mieux payé, on en discutera sérieusement. Ça pourrait être cool ! » Peut-être que c’était la mimosa qui parlait, ou le fait qu’elle supportait assez mal la solitude pour quelqu’un d’aussi indépendant, mais l’idée d’avoir un logement, quel qu’il soit, avec son groupe d’ami, sa famille de coeur, l’emballait sincèrement, et ce même si c’était loin d’être le rêve de tout trentenaire lambda.

Bien vite le brunch amical dérapait. Le mimosa était bien plus fort qu’au premier service et Jiyeon proposait déjà de faire un action ou vérité. Enfin, sa proposition était pour plus tard, mais Kai semblait impatient. Jiyeon prenait quelques gorgées de sa boisson avant de s’assurer que son ami s’avait dans quoi il s’embarquait. Le pauvre semblait très sûr de lui, terminant son deuxième verre avant d’annoncer la couleur : color=#9966ff]« Action. » [/color] Un sourire presque diabolique illuminait déjà le visage de Jiyeon alors que tout un tas d’idées lui traversaient l’esprit. Il devait être treize ou quatorze heure, ils étaient dans une petit restau au look bobo où tout le monde semblait bien sage, l’ambiance était bien loin de celle d’un bar en début de soirée, mais qu’importe. « Ok, alors tu vas.… »

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