Il y a de ces journées où, sans pouvoir l'expliquer, tu cherches le conflit. Avec James, ça va de soi, qui d'autre ? Peut-être même qu'au vu des derniers événements dans votre couple, les conflits sont plus présents qu'à l'habitude. Et non, un événement aussi gros que celui-ci n'est pas une raison suffisante pour faire une trêve. De toute façon, on sait tous que James performe mieux sous pression. Personne dans ses employés ne verra la différence. Il n'a pas besoin de ton intervention sur sa mauvaise humeur pour agir comme un tyran. Étant la femme du créateur, tu as la chance de piger la première dans la collection 2022. James n'a même pas besoin de dire les morceaux qu'il a dessinés dans son entier et ceux qui ont eu l'aide d'Auden. Parce que les idées sont nouvelles et différentes. Parce que tu connais ton époux par cœur. Oh bien sûr que tu as choisis dans ceux de Auden simplement pour agacer ton époux en ne manquant pas d'exprimer à quel point ce vent de fraîcheur faisait du bien à la collection. C'est pas faux, sans quoi James n'aurait pas accepté cette collaboration, mais c'est totalement faux de minimiser ses efforts et son talent à lui.

Après la prise de tête avec celui-ci dans le vide dressing, tu es passé par le bar à cocktail avant d'aller du côté du jardin botanique là où le plus gros de l'action se déroule. C'est comme entrer dans une fourmilière tellement il y a des personnes qui courent partout. Un bref regard dans la salle te permet d'apercevoir Auden un peu plus loin. Probablement la seule personne dans la pièce dont la présence n'est pas complètement insupportable. « C'est magnifique, n'est-ce pas ? » que tu lui demandes en arrivant à sa hauteur. James a trouvé l'endroit parfait pour ce défilé, et la beauté de l'endroit égal l'effort qu'il a mis dessus. Tu ne peux certainement pas lui enlever ça. « Si tu es venu pour James, je te conseille d'attendre un peu. Ce genre d'événement le rend irritable. » Et depuis quand ton époux n'est pas irritable ? Bonne question. Peut-être Auden est-il venu pour voir de ses yeux le résultat de leur collaboration. Sans doute un peu de ça, mais pour encourager (supporter?) James également. « Plus qu'à l'habitude j'veux dire. » que tu précises alors que ton sourire se perd derrière ton cocktail. S'il y a quelqu'un qui connaît aussi bien que toi le caractère de James dans son entier, c'est bien Auden. « Tu aimes ? » que tu lui demandes ensuite, portant alors son attention sur la robe que tu as choisie pour aujourd'hui.  Tu fais alors un demi-tour sur toi-même, puis tu reviens sur tes pas pour lui laisser le loisir de voir à quel point elle te va comme un gant. Bien sûr qu'il aime la robe. Elle est (presque) sienne. « Sur moi. » que tu ajoutes alors que tu poses ton regard sur lui. Ah, voilà la nuance dans la question.

@auden williams

De façon assez évidente, la journée n’est marquée par ma présence que parce que je souhaite un minimum montrer mon soutien à James, et non parce que notre collaboration a révélé en moi une passion jamais avouée pour le monde de la mode. Je ne le déteste plus autant qu’avant, certes, mais nous n’en sommes pas au point de parler de passion, encore moins au point où je voudrais avoir envie de travailler de façon plus assurée et durable dans le domaine. Simplement, mon regard parcourt l’horizon, note les idées dessinées sur des robes ou des costumes, juge l’association des bijoux avec les vêtements de chacun, pour la plupart de mauvais goût. Et j’aurais continué longtemps, si une voix malheureusement trop familière ne m’avait pas sortie de cette contemplation. « C'est magnifique, n'est-ce pas ? » Mon regard se dépose sur la jeune femme un instant alors que je me retiens de tout commentaire, bien trop conscient qu’elle n’en a rien à faire du lieu ou de l’événement en lui-même. Ce qu’elle trouve magnifique, c’est la lumière que cela jette sur Weatherton et sur elle, par extension, puisqu’elle en porte aujourd’hui le nom, elle aussi.

« Si tu es venu pour James, je te conseille d'attendre un peu. Ce genre d'événement le rend irritable. » - “Je connais James depuis aussi longtemps que toi, je sais comment il est.” Je me contente donc de répondre, pas aussi férocement qu’on pourrait le penser. Ce n’est que la vérité que je me contente de statuer, après tout. Ne pas avoir de bague pour attester mes dires ni de nom de famille à exhiber ne change rien aux faits. De toute façon, je ne suis même pas venu dans l’optique de lui parler, bien trop conscient qu’il n’aura pas de temps pour moi et surtout bien incapable d’accepter une telle idée en face. Je sais que dès demain, nous reprendrons le travail, de cette façon si particulière depuis que nous sommes revenus d’Italie. « Plus qu'à l'habitude j'veux dire. » Mon regard sans saveur se détourne un instant vers Cristina alors que je n’arrive pas à savoir à quel jeu elle joue encore une fois, s’il est là question de l’évident échec de leur tentative d’avoir un enfant ou une énième dispute dont j’ignore tout, puisque de toute façon il en existe un bon millier entre eux. “Quelque chose que je devrais savoir ?” J’ose demander, regrettant déjà la question à la seconde même où elle franchit la ligne de mes lèvres.

« Tu aimes ? » Mon regard quitte le sien pour se poser sur sa robe un instant, pour s’attarder de façon nouvelle sur la façon dont elle rend honneur ou non à sa morphologie, sur tous les détails qui auraient encore pu être améliorés, tant par moi-même que par les petites mains de l’atelier. Cristina tourne sur elle-même, joue le jeu du parfait mannequin. Elle pourrait en être un, si elle le voulait. « Sur moi. » Et l’instant d’après, mon regard s’ancre de nouveau dans le sien. “Pourquoi est-ce que tu n’as pas pris un dessin de ton mari ?” A cette question, je tiens sûrement déjà ma réponse: elle voulait le mettre en rogne, bien sûr. Comme à son habitude, puisque c’est sûrement ce que les deux époux font de mieux lorsqu’ils sont ensemble et même lorsqu’ils ne le sont pas. “Elle te va parfaitement, bien sûr. Tu sais choisir les bons vêtements.” Je ne dis pas ça pour la flatter dans le vent, elle sait très bien que des deux, son mari est le seul que je convoite et que plus je me tiens loin d’elle et mieux c’est, pour tout le monde. Simplement, je me contente de souligner ce qu’il en est, voulant répondre avec autant de justesse que possible à sa question. “Mais si tu veux faire semblant de t’intéresser à quelqu’un d’autre, je suis pas vraiment la personne désignée.” Je pourrais l’être parce qu’elle sait à quel point James me tient en estime, mais en parallèle elle sait aussi à quel point il semble impossible qu’il se passe quelque chose entre nous deux: je ne rentrerai pas dans leurs pseudo-conflits de mari et femme, cela ne me regarde pas le moins du monde.

“Je connais James depuis aussi longtemps que toi, je sais comment il est.” Sa répartie a au moins le don de laisser un sourire retrousser tes lèvres. Monsieur n'est pas content ? La soirée n'est pas à son goût ? L'absence de son amant lui est insupportable ? Ou c'est ta présence qu'il trouve gênante ? Ce n'est pas les raisons qui manquent pour expliquer sa mauvaise foie. C'est juste Auden. C'est comment il est. Voilà aussi une raison parfaitement logique. « Ow, je vois qu'il n'est pas le seul que ça rend irritable. » que tu relances alors qu'une mine enjouée traverse les traits de ton visage. Oh oui, tu t'amuses un peu trop sans aucune raison valable. Ce n'est qu'une farce pour toi ? C'est ce dont ton époux t'a accusé à peine quelques minutes plus tôt et la farce ne fait que se poursuivre encore un peu. “Quelque chose que je devrais savoir ?” Comme si tu allais ouvertement avoué avoir lancer de l'huile sur le feu. Ça ne le concernait pas… quand bien même il devient un dommage collatéral de ta simple présence à ses côtés. « Non, je croyais que tu savais comment il était ? » que tu renchéries, laissant sous-entendre que le comportement de James était tout-à-fait normal selon la situation, que rien ni personne n'avait agi pour empirer la situation. James se chargera bien de lui dire la vérité lui-même s'il ressent le besoin de vider sa frustration sur quelqu'un d'autre. Pour le moment, tu détournes plutôt l'attention de Auden sur la robe que tu as spécialement choisie pour l'événement d'aujourd'hui. “Pourquoi est-ce que tu n’as pas pris un dessin de ton mari ?” En voilà un qui a compris l'attaque. Sauf que l'attaque a été un échec et c'est plutôt frustrant. « C'est une Weatherton. Qu'est-ce que ça change ? » qu'elle soit cosignée par quelqu'un d'autre ? La robe reste propriété de la maison de ton mari. Tu n'aurais pas poussé l'affront plus loin, en pigeant dans une collection qui n'était aucune reliée à James, mais ce n'était pas l'envie qui manquait. « Il la trouve magnifique. » que tu ajoutes. Information que Auden savait déjà sûrement. Sans quoi la robe n'aurait jamais trouvé sa place dans la collection printanière. “Elle te va parfaitement, bien sûr. Tu sais choisir les bons vêtements.” Ces paroles ne sont absolument pas posées pour te faire un compliment, mais c'est évidemment ainsi que tu le prends. “Mais si tu veux faire semblant de t’intéresser à quelqu’un d’autre, je suis pas vraiment la personne désignée.” Voilà une discussion qui devient de plus en plus intéressante. Et pourquoi pas ? De l'énoncé à voix haute prouve le contraire de ses paroles. « Je ne fais pas semblant. » que tu réponds du tac au tac. Mensonge ou vérité ? Dommage pour Auden qu'il ne te connaisse pas assez pour pouvoir le déceller. « Tu sembles oublier comment on fonctionne. » Autrement dit, pourquoi tu ferais semblant de t'intéresser à une personne alors que ce n'est pas quelque chose qui affecte vraiment James ? « À moins que le problème soit que tu ne me trouves pas attirante ? » que tu demandes en faisant un pas de plus vers lui. Tu redresses ensuite la tête pour poser ton regard dans le sien. Tu ne le croirais même pas s'il prétendait le contraire. Ce n'est certainement pas le manque de confiance en soi qui t'habite. Tu es plutôt convaincu d'être le fantasme d'au moins la moitié des personnes dans cette salle - oui, rien que ça.

« Ow, je vois qu'il n'est pas le seul que ça rend irritable. » Bien malgré moi, c’est sur la seconde partie de cette phrase que je me concentre, sur l’idée sur laquelle insiste et le fait que James ne soit pas à l’aise, qu’il ait peut-être besoin d’aide sans assurément pouvoir/vouloir l’exprimer aussi simplement et facilement. Je ne dis rien, me contente de lever les yeux au ciel avec facilité, ce qui se substitue poliment à un maugréement ou des insultes italiennes, éternellement plus colorées que celles en anglais. Ce n’est pas comme si l’avis de Cristina comptait à un moindre niveau pour moi. « Non, je croyais que tu savais comment il était ? » Ils se sont encore disputés. C’est évident. Ce que j’ignore, c’est jusqu’où sont allés leurs mots et leurs reproches, et sur quoi portait le sujet même de la dispute. En somme, j’ignore tout, sauf leur relation atypique, pour ne pas dire stupide. “Lui, oui. Toi, non.” Lui, par exemple, je sais qu’il jubilerait à l’idée que toute notre discussion tourne autour de sa petite personne et de mon obstination à prouver que je suis quelqu’un pour lui, chose que je démens encore et toujours lorsque nous parlons entre hommes, justement. Encore une fois, peu importe.

Des sujets de dispute avec Cristina, il semble y en avoir des milliers. Pour peu, moi aussi je pourrais jouer le rôle du parfait mari à ses côtés. « C'est une Weatherton. Qu'est-ce que ça change ? » Cela change tout, et elle le sait bien. Pour les yeux du monde, elle sera toujours resplendissante, pour les miens autant que pour ceux de James, pour tous ceux qui savent de qui est exactement le dessin, c’est un véritable pied de nez. De toutes les femmes du monde, James a trouvé le moyen de s’enticher avec la plus encombrante et énervante qui soit. Je souffle, ne cherchant pas à cacher mon agacement ni même à pousser la discussion plus loin. Elle sait très bien ce que cela change. « Il la trouve magnifique. » Bien sûr. Elle a été créée de ma main ; elle ne peut qu’être magnifique et je sais déjà ce que pense son mari de mon art. A mes yeux, ce n’est que le moyen et le moment de préciser ce qui me semble être une évidence depuis le début: je ne m’imiscerai pas dans leurs kinks bizarres de mariage qui l’est tout autant, comme je ne m’imiscerai pas entre eux, tout court. Jamais.

« Je ne fais pas semblant. » Je relève le menton, intrigué par sa réponse, incapable de savoir si elle me ment ou non. Nouvelle raison pour moi de souligner à nouveau à quel point elle est agacante: elle a oublié d’être stupide, Cristina, et lire en elle est presque impossible pour les non aguérris, dont je fais partie. « Tu sembles oublier comment on fonctionne. » J’esquisse un rire amer, certainement incapable d’oublier leur arrangement. “Malheureusement, non.” Parce que travailler avec James (entre autres, certes) est pour moi un éternel rappel de ce à quoi ressemble leur mariage, bien que j’aimerais bien souvent me passer de l’évocation perpétuelle de ce dernier. « À moins que le problème soit que tu ne me trouves pas attirante ? » Elle avance d’un pas, sans hésiter un seul instant, aussi peu que lorsqu’elle remonte son regard dans le mien. Sur mon visage, un sourire naît peu à peu, lequel je ne cherche pas à cacher. La scène pourrait porter à confusion, et ce serait quelque chose qui ferait jubiler Cristina, j’imagine. Que dit leur contrat lorsque l’amant du premier devient aussi celui du second ; le trouple est envisagé, peut-être ? Conneries. Conneries, conneries. Jouant le jeu, je baisse à peine mon visage pour le positionner à côté du sien, ma bouche près de son oreille. “Essaye avec une bite en plus, peut-être.” Elle est ravissante, Cristina, mais ce n’est qu’un avis objectif de ma part, qui n’induit pas le moindre sentiment - pas positif, du moins. Je me redresse rapidement pour lui faire face à nouveau, ne cherchant pas à remettre de la distance entre nous pour autant. “T’as jamais appris cette partie de la Bible qui dit de ne pas convoiter ce qui est à autrui ?” A son voisin ou à son prochain, j’en sais plus trop rien, j’ai pas foutu les pieds dans une église depuis que ma mère ne m’y a pas tirée par la peau du cul. "T'es assez intelligente pour trouver un bon millier de sujets de dispute avec ton mari, mais t'as pas intérêt de m'utiliser pour ça." Via la robe, via Dieu sait quoi encore, peu importe ce à quoi elle est en train de jouer en cet instant ou ce qu'elle envisage. Je travaille avec James avant toutes choses et si nous nous sommes retrouvés en Italie - et qu'il n'a sûrement pas su faire autre chose que de le lui rapporter à la seconde où il a reposé le pied à Brisbane - il ne s'est pourtant rien passé depuis. Je ne suis pas son jouet, ni celui de James, et je n'aurai de cesse de le (leur) répéter.

“Lui, oui. Toi, non.” - « Tu n'avais qu'à pas te sauver la première fois. » Et vous auriez sans doute passé les années suivantes à vraiment vous connaître. Dans un certain sens du moins. Auden aurait pu faire partie de ce cercle particulièrement agaçant de personne qui savent lire en toi. Ce que c'est insupportable quand on te traite de menteuse et que c'est tout-à-fait vrai. Tu préfères nettement mieux rester ce puzzle un peu compliqué dont personne ne connaît la solution. Heureusement, il reste encore ce côté impulsif, celui qui agit sans trop réfléchir, ce côté spontané qui fait que même lorsqu'on a appris la combinaison secrète de ton puzzle, on finit tout de même pas comprendre qu'on a pas vu juste. Et te revoilà de nouveau cette femme mystérieuse et incompréhensible. “Malheureusement, non.” Alors, Auden est jaloux ? A-t-il des sentiments amoureux pour l'homme dont la bague est liée à la tienne ? Est-il possessif ? Le voudrait-il pour lui toute seule. Il ne comprend simplement pas votre petit arrangement. Il ne comprend tout simplement pas comment s'était le seul moyen que votre mariage fonctionne réellement. « Heureusement qu'un de nous deux à bien assimiler la notion du partage. » Sinon quoi ? Va savoir. James t'a bien épousé en sachant que Auden prendrait les voiles suite à cette nouvelle - ou alors il s'est bien voiler les yeux. Tu fais un pas devant et il n'essaie même pas de garder la distance entre vous deux. Auden n'a pas non plus aucune difficulté à soutenir ton regard - comme si tu en doutais vraiment. Il pousse le jeu plus loin, en se penchant vers toi, posant ses lèvres à quelques centimètres de ton oreille. “Essaye avec une bite en plus, peut-être.” Il ne dit ni oui, ni non. Tu prendras sa réponse pour un oui. Tu l'aurais pris ainsi qu'importe sa véritable réponse. Le reste n'est que pour te déstabiliser et ça ne fonctionne absolument pas. Il se redresse pour te faire de nouveau face sans pour autant mettre fin à cette proximité entre vous deux. “T’as jamais appris cette partie de la Bible qui dit de ne pas convoiter ce qui est à autrui ?” - « J'ai peur d'avoir été une bien mauvaise élève. » Et quelque chose te dit que Auden n'était pas un meilleur élève catholique que tu ne l'as été. Autant lui que toi, vous représentez tout ce que la bible lutte contre. On vous aurait sans doute brûler sur un bûcher à une certaine époque. « J'ai toutefois retenue que ce qui est à James est à moi. » Et vice versa, tel est le contrat du mariage. Auden risque d'apprécier grandement d'être considéré comme une chose qu'on peut partager quand bon vous semble. "T'es assez intelligente pour trouver un bon millier de sujets de dispute avec ton mari, mais t'as pas intérêt de m'utiliser pour ça." Ton regard ne quittant toujours pas le sien. Toutefois, ton index se pose sur le torse du brun pour le faire reculer légèrement. À lui de faire marche arrière et certainement pas à toi. L'endroit est soudainement un peu trop public à ton goût. Bien sûr que pourrir la vie de James n'est certainement pas un problème pour toi. Mais de la pourrir publiquement, dans un évènement aussi important que celui-ci pour lui, non, tu n'as pas encore totalement perdu la tête. « Tu te donnes un peu trop d'importance à croire que tu pourrais être un sujet de dispute entre nous. » Peut-être que tu serais plutôt curieuse de découvrir s'il pourrait vraiment en devenir un. Ce serait bien la première fois qu'un de vous deux aille jouer sur le terrain que l'autre…. Sauf que le jouet de James ne veut pas jouer avec toi. Tant pis pour lui. « Ça devient dérangeant. Tout ce monde. » Ceux qui empêchent le naturel de cette… conversation

« Tu n'avais qu'à pas te sauver la première fois. » C’est bas, et c’est aussi tout ce qui me suffit à me faire fermer ma gueule sans prévenir. Je ne peux rien avancer contre ces mots, c’est un fait: je suis parti, et c’était loin d’être une décision unilatérale, ce qu’il n’a sans doute pas su lui cacher, à défaut de pleinement vouloir le partager. Je doute que même avec sa femme, il soit enclin à parler de son sentiment d’abandon et de son ego mis à mal. Mais avec eux, on ne sait jamais. Il a vécu sa vie, moi la mienne, et tout n’était pas si pire si vous voulez mon avis. Chacun était heureux. « Heureusement qu'un de nous deux a bien assimilé la notion du partage. » - “Votre mariage, pas le mien.” En d’autres termes, j’en ai rien à foutre de la notion de partage. Je ne l’ai jamais assimilée non plus, au plus grand dam du reste de la fratrie et de ma mère éternellement débordée, et il faut croire que les années écoulées depuis n’ont rien su y changer. Peu importe ce dont on parle, le problème reste le même.

Après avoir vaguement répété que mon attirance sexuelle se porte bien plus sur les hommes que sur les femmes, je reste à ma place, à quelques centimètres d’elle à peine, impassible, mes mains au fond de mes poches. « J'ai peur d'avoir été une bien mauvaise élève. » Elle n’en a pas l’air, si on ne la connaît pas. Et quand bien même je ne la connais effectivement pas, je peux au moins accepter ces mots sans chercher à les nier. En effet, elle a sûrement été une horrible élève, du genre à ne pas pointer le bout de son nez, sauf peut-être lors de la distribution des cadeaux de Noël - et encore. « J'ai toutefois retenue que ce qui est à James est à moi. » J’esquisse un rire, aussi amusé que je m’en trouve outré par ses paroles tant le sous-entendu n’en a que le nom. “Que les choses soient claires: je ne suis à personne.” Ni à elle, ni à James, pas même à Weatherton et au contrat en vue de la collection à venir. Je n’appartiens à rien ni personne, pas même à un pays, et surtout pas au jeu fou d’un couple que je juge l’être bien plus encore. Ils partagent un même nom de famille, ça devrait déjà lui suffire.

Lorsqu’elle pose son index contre mon torse, je n’émets pas le moindre mouvement de recul, n’en voyant pas l’intérêt. « Tu te donnes un peu trop d'importance à croire que tu pourrais être un sujet de dispute entre nous. » A nouveau, je souris. Premièrement, parce que je ne pensais pas  à l’idée d’être un sujet de dispute entre eux. Secondement, sans doute parce qu’elle vient par conséquent de faire naître l’idée dans un coin de mon esprit, un objectif amusant comme il en existe tant d’autres. Je n’aurais aucun mal à devenir une véritable pomme de discorde entre eux, je le sais. “C’est ça que tu comprends pas. J’ai pas envie d’être un sujet tout court entre vous.” Pour l’heure, j’en reste là et je campe sur mes positions. Ma passion pour moi-même et les discussions à mon propos ont leurs limites. « Ça devient dérangeant. Tout ce monde. » - “T’as trop peur de retrouver un de tes amants ou un des siens dans la foule ?” Le monde m’importe peu, j’hausse les épaules et ne cherche de toute façon pas à faire d’esclandre, pour une fois. Je respecte bien trop le travail qui entoure toute cette journée pour me le permettre. “Autant aller boire un verre, maintenant.” Au moins, je peux lui proposer de l’alcool sans risquer qu’elle soit enceinte, c’est au moins un avantage. Et elle, même sans que je puisse tomber enceint d’aucune façon, pourra toujours me proposer de l’alcool et parler à un mur. Nous devrions être faits pour nous entendre. "Je me fais pas de souci pour toi, tu peux boire tous les cocktails. Sans alcool, et surtout avec." Comprendra qui pourra.

“Que les choses soient claires: je ne suis à personne.” C'était prévisible que la tournure de ta phrase n'allait pas lui plaire. C'est sans doute la raison pour laquelle tu l'a formulé à la base. Tes yeux roulent, comme si tu ne croyais pas un seul mot qui sortait de sa bouche, alors que la vérité t'importe peu. Jugeant toutefois que la proximité entre vous deux durait depuis trop longtemps dans ce lieu bien trop public, tu tentes de la forcer à reculer d'un seul doigt, mais ta pression ne donne aucun résultat. À croire qu'il se plaît là où il se trouve. “C’est ça que tu comprends pas. J’ai pas envie d’être un sujet tout court entre vous.” Sauf que faire partie de la vie intime de James, c'est forcément d'être un sujet de discussion entre ton époux et toi. Il est loin d'être le centre de toutes vos conversations, mais il n'est jamais loin. Ce qui n'est pas un problème pour toi, mais qui en est visiblement un pour le principal intéressé. “T’as trop peur de retrouver un de tes amants ou un des siens dans la foule ?” qu'il répond face à ta remarque sur la foule qui vous entoure. « Non, Auden, ce n'est pas ça le problème. » Parce que aucun de vous deux n'a de liaison avec des idiot.es qui gâcheraient cette journée. “Autant aller boire un verre, maintenant.” Ton regard se fixe de nouveau dans le sien alors que la proposition te surprend. Allez prendre un verre où ? À l'extérieur du défilé ? Ce serait pousser ton arrogance contre James un peu trop loin. Tu connais les limites, aussi surprenant que ça puisse paraître, mais avant que tu n'aies le temps de répondre à sa proposition, Auden à la bien mauvaise idée d'ouvrir sa grande gueule une fois de trop. "Je me fais pas de souci pour toi, tu peux boire tous les cocktails. Sans alcool, et surtout avec." L'effet est immédiat. La claque part avant même que tu n'aies simplement penser à le faire. Même si ta main te chauffe sans doute plus que sa joue, la légère marque rouge qui fait son apparition est particulièrement satisfaisante. Qu'importe que des spectateurs aient sans doute assisté à la scène. Ça t'est encore plus égal que ça vienne jusqu'aux oreilles de James - comme si c'était possible de gifler un invité sans que ça ne vienne jusqu'aux oreilles de l'hôte. Tu ne laisseras certainement pas Auden te manquer de respect. Ni ici, ni ailleurs. « La prochaine fois que tu oses un tel commentaire à mon sujet, je te coupe la bite pour m'en faire un collier. » Tiens, le voilà désormais dans le même club sélecte de son amant - celui qui a droit à tes menaces de mort. « Peut-être que comme ça tu me trouveras plus attirante. » Avec une bite en plus. Ses mots, pas les tiens. Ou alors c'est James qui te trouvera plus attirante. Finalement, tu seras plutôt gagnante de mettre tes menaces à exécution. « Maintenant, tu m'excuseras, mais j'ai ta création à mettre en valeur. » Le sourire sur ton visage pue la malhonnêteté alors que tu lui tournes le dos sans plus attendre. Il ne faut que quelques pas à l'inverse de Auden pour que quelqu'un ne vienne complimenter le génie derrière le design de ta robe. Tous penseront que James est l'artiste et tu ne diras rien pour les contredire avant que la question soit directement posée - ce qui n'arrivera pas. Après quelques pas de plus, c'est finalement contre le dos de James que ta main se glisse discrètement comme si de rien n'était. Aussi bien profiter des quelques minutes où ton époux ignore encore les derniers événements. Oh non, ce n'est certainement pas toi qui va aller pleurnicher que son amant a été odieux à ton égard. Tu n'as pas besoin de lui pour prendre ta défense - ce serait bien trop humiliant qu'il ne le fasse pas plutôt.