Je l’observe comme s’il allait disparaître d’un instant à l’autre. Mon regard ne le lâche pas alors que je m’accroche à sa présence, refusant qu’il fasse quoique ce soit depuis que j’ai débarqué chez mes grands-parents la vieille au soir sans billet de retour. J’ai posé mes affaires et ce soir là lui et moi avons eu une longue discussion. Joe m’a expliqué l’état d’avancement de son cancer, m’a rappelé qu’il était un battant, qu’il allait le vaincre comme il a battu tant de choses pas le passé et moi je me suis contenté d’hocher la tête la gorge nouée. Bien sûr qu’il va battre cette maladie, parce qu’il n’y a pas d’autre choix. Parce que malgré leur âge avancé, je n’imagine pas mes grands-parents mourir, comme s’ils en avaient perdu le droit dès le moment où ils sont devenus nos parents de substitution. Joe m’a répété que je n’aurais pas dû venir, que j’avais mieux à faire en Californie, que ce n’était pas nécessaire et moi j’ai campé sur mes positions en lui répétant qu’il n’avait pas le choix que j’étais là et que je n’avais pas de date de retour pour le moment. Il m’a demandé si j’avais prévenu Simon de mon retour et mon regard a fui pour ne pas faire face au jugement dans ses yeux. Année après année il me semblait plus dur de parler à mon petit frère comme si un monde nous séparait à présent quand par le passé nous étions plus proches que jamais.
Le jet lag a fait que je n’ai quasiment pas dormi de la nuit, tournant encore et encore dans les draps de ma chambre d’enfant me demandant inévitablement ce que je foutais là. J’aurais voulu résoudre tous les problèmes, guérir mon grand-père, réparer ma relation avec mon frère et comme à chaque retour à Brisbane, je me rendais compte qu’ici j’étais loin d’être en contrôle de quoique ce soit. Le deuxième jour je n’attends qu’une chose, que la journée se termine pour que je puisse m’échapper un court instant de la maison familiale à Bayside. Le lieu de mon refuge est tout trouvé, j’ai envoyé un message à Gabrielle le matin même pour savoir si je pouvais passer en fin de journée.
Devant la villa de l’américaine, je sonne un peu nerveusement. Je ne suis pas nerveux de la voir, mais j’ai bien trop de choses à lui raconter, bien trop de sujets à expliquer, certains plus plus tristes que d’autres et je n’ai pour l’instant pas été capable de les aborder avec quique ce soit. Aussi la pression monte alors que j’attends devant la porte au fil des secondes qui passent. Et pourtant, lorsqu’elle ouvre la porte et que je me retrouve face à ma meilleure amie que je n’ai pas vu depuis des mois, toutes mes angoisses s’apaisent aussitôt et je me rappelle que peu importe la distance et le temps, elle sera toujours ma famille et mon chez-moi.
« Hey. » Un sourire étire mes lèvres malgré les cernes sous mes yeux, malgré l’air fatigué de quelqu’un qui n’a pas dormi depuis trop longtemps. La voir est une bouffée d’air frais et me ramène quelques années en arrière sur un autre continent. « J’ai ramené une bouteille. » Bien sûr je ne serais jamais venu les mains vides, mais surtout les bouteilles de vins ont toujours été l’élément indispensable de nos soirées, de nos peines comme de nos bonnes nouvelles aussi c’est d’abord la bouteille que je montre d’un air triomphant bien que moins pétillant qu’à mon habitude. Cela fait des mois que je ne l’ai pas vue, depuis que je suis revenu fin décembre. Bien sûr je l’ai eu un nombre incalculable de fois au téléphone mais ce n’est pas pareil que de voir Gabrielle en chair et en os face à moi. Il n’en faut pas beaucoup plus pour que je la serre dans mes bras. A défaut d’avoir retrouvé mon frère, j’ai retrouvé celle que je considère comme ma sœur depuis déjà des années. « Tu m’as manqué Gabs. » Le surnom est d’une mocheté à souhait, trouvé sûrement à la fin d’une soirée alcoolisée, mais je le prononce avec plein de douceur.
août 2022. Elle est impatiente. Depuis ce message qu’il lui a envoyé deux jours plus tôt pour dire qu’il débarquait à Brisbane, sans en expliciter les raisons, et encore plus depuis le message qu’il lui a envoyé le matin même lui signifiant qu’il allait passer en fin de journée la voir chez elle, Gabrielle ne tient pas en place. Bien sûr, elle est heureuse de le retrouver mais elle est tout autant impatiente de découvrir pourquoi il revient à Brisbane, à cette période, alors qu’il n’en a pas l’habitude. Elle s’inquiète – forcément – se demande ce qui peut bien l’amener ici et attendre jusqu’à la fin de la journée qu’il pointe le bout de son nez sur le pas de sa porte parait être une éternité. Ils ont sûrement des milliers de choses encore à se dire l’un l’autre, bien qu’ils entretiennent leur amitié à distance, s’appelant régulièrement ou se textant pour s’envoyer des nouvelles, il y a possiblement certains détails de leurs vies actuelles qu’ils ont omis de confesser à l’autre. Bref, la journée passe – lentement – pour la jeune femme jusqu’à ce qu’ils soient enfin l’heure de rentrer chez elle.
Pour que l’attente ne paraisse pas interminable, elle prend soin de se glisser dans un bain avant d’adopter une tenue décontractée et c’est à peine lorsqu’elle sort de sa chambre que Gabrielle entend la sonnette retentir. Dire qu’elle ne dévale pas les escaliers avec précipitation serait mentir – nier qu’elle manque presque la dernière marche et manque donc de tomber de tout son long serait aussi un mensonge – et là voilà devant la porte, actionnant la poignée alors qu’un immense sourire nait sur ses lèvres dès l’instant où, dans l’embrassure de celle-ci, elle reconnait son meilleur ami « Hey. » « Hey, you ». La réponse est immédiate et si son sourire se voulait grand, il s’amenuise en remarquant les cernes sous les yeux de Matt’ ainsi que ce manque d’entrain, quand pourtant il déborde d’énergie à chacune de leurs retrouvailles « J’ai ramené une bouteille. » Elle le remarque tout autant à cet instant, ce qui ne manque pas de lui faire froncer les sourcils, un air qu’elle rattrape en adoptant un plus amusé « Heureusement elle se saisit alors de la fameuse bouteille qu’il brandit autrement tu serais restée derrière la porte ». Elle pouffe légèrement et voilà que Matt’ s’approche pour l’étreindre. Elle lui rend celle-ci, le serrant un peu plus fort contre elle, sentant bien que quelque chose ne va pas. « Tu m’as manqué Gabs. » « Tu m’as manqué aussi, Matt ». Elle se recule, non sans lui offrir un sourire sincère et l’invite alors à pénétrer dans sa villa.
Celle-ci ne lui est pas inconnu, elle n’a pas besoin de lui montrer le chemin pour se rendre dans la grande pièce à vivre. Se dirigeant derrière le comptoir de la cuisine, elle se saisit de deux verres et ouvre la bouteille de vin qu’il vient d’apporter. « Alors, qu’est-ce qui t’amène ici à cette période de l’année ? » demande-t-elle une fois installée à ses côtés dans le canapé, lui tendant son verre pour venir trinquer à leurs retrouvailles « Et ne prétends pas que tout va bien, je vois très bien que ce n’est pas le cas » elle ne le quitte pas du regard alors qu’elle plonge ses lèvres dans son verre, et si elle adopte un air légèrement sévère, c’est en réalité de l’inquiétude qu’elle peut lire sur ses traits.
« Heureusement autrement tu serais resté derrière la porte. » Bien sûr que je prends un air outré alors qu’elle me vole ma bouteille. « Je vois que l’air australien n'a pas amélioré ton sale caractère ! » Le jeu d’acteur ne dure pas longtemps, elle m’a bien trop manquée pour cela et quelques secondes plus tard je la serre dans mes bras. Un peu plus longuement que d’habitude. Comme un besoin de soutient qui se veut non verbal, parce que même avec elle j’ai dû mal à admettre que quelque chose ne va pas, que je pourrais avoir besoin d’aide, bien trop habitué à me débrouiller seul. « Tu m’as manqué aussi Matt. » Je lui souris sincère, bien plus heureux maintenant que je suis là.
Je pénètre cette villa que je connais déjà, prend la direction de la grande pièce à vivre puis vers la cuisine. Le rituel est toujours le même et il commence par une bouteille débouchonnée et deux verres remplis. « N’empêche je ne sais pas qui t’a aidé à trouver cette pépite de villa mais vraiment cette personne a bon goût. » Personne ne croirait au sourire innocent qui apparaît sur mon visage alors que j’observe les lieux, tentant de me souvenir de ce qui a pu changer la dernière fois. Lorsqu’elle avait débarqué dans la ville je lui avais envoyé une dizaine de recommandations. Après tout il fallait une villa à la hauteur de celle qui avait un temps était la nôtre. Celle-là avait fait partie de mes favorites. Nous nous installons sur le canapé et nous avons à peine trinqué que je porte le verre à mes lèvres pour le sentir puis le goûter. « Alors, qu’est-ce qui t’amène ici à cette période de l’année ? » Je m’apprête à ouvrir la bouche pour déclarer que ce sont des vacances, pour tenter de gagner un peu de temps, prétendre encore un peu que tout va bien. Revenir des années en arrière sur le canapé de notre collocation alors qu’elle et moi refaisions le monde autour d’une bonne bouteille de vin. Prétendre encore quelques minutes, quelques instants avant de prononcer les mots fatidiques, ceux qui rendront sa maladie bien réelle, car bien sûr il n’y a qu’à Noah que je l’ai annoncée avant de partir. « Et ne prétends pas que tout va bien, je vois très bien que ce n’est pas le cas. » L’américaine voit clair dans mon jeu, son regard imperturbable créant des brèches dans la forteresse si bien construite autour de mon cœur. Malgré son air sévère, je ne peux m’empêcher de lancer d’un air dramatique « J’ai fait un lifting digne de Zac Effron, je me suis mis sur mon trente et un pour tes beaux yeux et toi tu m’accueilles en me disant que j’ai une sale gueule. Et bah merci. Toujours un plaisir. » L’humour avec elle n’a jamais vraiment fonctionné pour détourner son attention, et mon sourire moqueur finit inévitablement par s’effacer quand je sais qu’il faudra bien que je lui dise. Un soupir s’échappe de mes lèvres, je bois une gorgée de vin avant de finalement avouer après un long silence. « Joe est malade. Cancer du poumon. Les médecins lui ont donné six mois. Il m’a annoncé ça au téléphone il y a deux semaines. J’ai pris un billet d’aller et je n’ai pas pris de retour. Je vais utiliser tous mes congés puis le cabinet a accepté de me laisser télétravailler de là bas quelques semaines, mais après je ne sais pas… » Les mots ne s’arrêtent plus, s’accélèrent, montrent que l’angoisse a pris le dessus, que je cherche déjà inévitablement à tout régir et à trouver une solution, cette incertitude étant insupportable. Mon regard finit par croiser le sien et ne le lâche plus. Il n’y a bien qu’à elle que je montre la détresse soudaine qui me prend, alors que je ne me sens absolument pas prêt à laisser mon grand-père partir malgré son âge avancé.
août 2022. « Je vois que l’air australien n'a pas amélioré ton sale caractère ! » « Et toi ta susceptibilité » répond-t-elle du tac au tac alors que son sourire s’élargit davantage, non sans son air quelque peu fier de sa répartie.
N’empêche je ne sais pas qui t’a aidé à trouver cette pépite de villa mais vraiment cette personne a bon goût. » Elle prend la direction de la cuisine pour leur sortir deux verres quand Matthew fait cette remarque qui ne manque pas de la faire sourire, non sans avoir ses yeux qui trouvent un instant le plafond, reconnaissant bien là son meilleur ami et sa légère vanité « Je suis sûre qu’elle aurait pu trouver encore mieux, cela dit » elle ment évidemment, prétend qu’elle aurait aimé une villa plus chic encore que celle-ci juste pour le taquiner parce que c’est aussi ainsi que leur amitié est faite. Ils sont indéniablement toujours là l’un pour l’autre, à se soutenir sans faille, mais leur amitié est similaire aussi à celle d’un frère et une sœur qui se taquine sans cesse, se lance des vannes à tout bout de champ mais toujours de manière bienveillante. Bien sur que Gabrielle est reconnaissante envers Matt qui l’a aidé aussi à trouver son chez elle, ici à Brisbane, alors qu’elle a dû quitter Los Angeles précipitamment. Il a été celui qui l’a épaulé dans ce changement de vie radical et est le seul d’ailleurs qui est au courant des véritables raisons qui l’ont poussé à venir s’installer en terre australienne et, pour toutes ses raisons, et bien d’autres encore, elle ne pourrait se permettre de faire la difficile. Gaby rejoint son meilleur ami déjà installé sur le canapé, lui tendant un indispensable verre de vin et lui demande alors, sans ménagement, les raisons qui le poussent à être à Brisbane à cette période de l’année, en lui demandant surtout de ne pas lui mentir quand elle détecte sans problème que quelque chose ne va pas « J’ai fait un lifting digne de Zac Effron, je me suis mis sur mon trente et un pour tes beaux yeux et toi tu m’accueilles en me disant que j’ai une sale gueule. Et bah merci. Toujours un plaisir. » Elle est consciente qu’il tente de gagner du temps, qu’il use, comme à son habitude, de l’humour pour ne pas tout de suite avouer la vérité et c’est sûrement pour cette raison qu’elle reste sérieuse, car inquiète par ce sourire qui s’efface aussi vite qu’il a pu le revêtir, et ce soupir qu’il laisse échapper avant de reprendre « Joe est malade. Cancer du poumon. Les médecins lui ont donné six mois. Il m’a annoncé ça au téléphone il y a deux semaines. J’ai pris un billet d’aller et je n’ai pas pris de retour. Je vais utiliser tous mes congés puis le cabinet a accepté de me laisser télétravailler de là-bas quelques semaines, mais après je ne sais pas… » La réaction de Gabrielle est immédiate alors qu’elle dépose son verre sur la table basse et vient à s’emparer de la main de son meilleur ami, lisant sans aucun mal la détresse dans son regard, son appel à l’aide aussi et toute la panique que cette mauvaise nouvelle peut lui procurer. Elle le sent également par la manière qu’il a de s’exprimer, cette façon qu’il a de lui donner plein d’informations en une seule fois et elle s’approche alors de lui, prenant la parole de manière posée « Je suis désolé, Matt… Comment il va ? » la question au sujet de son grand-père est centrale, Joe étant une personne que Gaby a pu rencontrer quelques fois, notamment lors des visites de Matthew à Brisbane « Est-ce que… le diagnostic est sûr ? Ou il y a de l’espoir ? » l’espoir d’une potentielle rémission du fait de traitement ou est-ce que le cancer est à un stade bien trop avancé pour que cela soit envisageable. Gaby serre davantage la main de son meilleur ami, l’incitant à retrouver son regard « Ne te préoccupe pas pour le moment de la suite, ni du cabinet, tu auras le temps de voir ça au moment venu. Et je serai là, évidemment » il le sait mais elle sent qu’il a besoin d’être soutenu, perdu par cette situation soudaine et difficile « Tu comptes rester chez tes grands-parents ? Parce que tu sais qu’il y a largement de la place pour toi aussi et que la porte est grande ouverte » la précision lui semble dérisoire et stupide à dire, tant pour elle la question ne se pose même pas. Son meilleur ami fait parti de sa famille, cette famille qu’elle s’est elle-même construite et qu’elle a choisie, il est une des personnes les plus importantes à ses yeux et elle serait capable de tout pour lui. Alors s’il a besoin d’un toit et d’un endroit rassurant pendant le temps qu’il compte rester à Brisbane, il sera évidemment le bienvenu chez elle.
« Et toi ta susceptibilité » L’américain lui tire la langue, à l’image d’un enfant de cinq ans, un sourire étirant ses lèvres. Elle lui a manqué. Les coups fils et les messages ont toujours étaient présents lors de son absence mais c’est bien sûr différent de l’avoir en face de lui et de retrouver toute leur complicité.
Son regard parcoure la bâtisse de la villa. Elle avait fait le bon choix avec cette villa, elle était particulièrement bien placée et les murs étaient magnifiques. « Je suis sûre qu’elle aurait pu trouver encore mieux, cela dit » Une main sur son cœur et un air offusqué on croirait presque qu’elle vient de le poignarder, théâtral il n’a jamais arrêté de l’être. Matthew est heureux de la retrouver, de trouver un visage familier qui appartient à son monde californien en premier. Non il n’est pas prêt à ouvrir la porte sur les gens qu’il a laissé à Brisbane si jamais son retour était bien plus réel que temporaire. Il est un habitué des passages en coup de vent, des semaines de vacances. Revenir pour de bon serait une toute autre histoire.
Ils s’installent rapidement dans le salon, armé de deux verres de vin et de la bouteille qui il l’espère va effacer une partie de ses problèmes ce soir. Il aurait aimé prétendre encore un peu que tout allait bien, mais s’il y a bien une personne à qui il s’est toujours promis d’être honnête c’est elle. Alors il oublie l’humour, la tristesse reprenant vite possession de ses traits alors qu’il avoue les raisons de son retour. Elle attrape sa main et lui la serre un instant avant de malgré tout s’en dégager en portant son verre à ses lèvres, incapable d’accepter la sympathie des autres.
« Je suis désolé, Matt… Comment il va ? » Matthew reste silencieux un instant, réfléchissant à la réponse la plus juste. Son grand-père comme lui ne montrait rien. La douleur était cachée de ses proches, il restait digne peu importe les circonstances. Mais Matthew voyait aux cernes sous ses yeux, à la pâleur de son visage, à la lenteur de certains de ses gestes et la toux qui le secouait bien trop souvent qu’il souffrait bien plus qu’il ne souhaitait l’admettre. “ Comme si tout allait bien” le ton est amer, il ne réalise pas qu’il est de ceux qui adoptent le plus souvent le même comportement, fuyant ses émotions. La frustration de l’avocat est palpable, il aimerait pouvoir prendre en charge cette maladie, se battre à sa place, tout régler en un instant.
« Est-ce que… le diagnostic est sûr ? Ou il y a de l’espoir ? » Quant au diagnostic, le regard de Matthew se détourne, son visage se ferme pour cacher l’angoisse, la dure réalité. Il ne veut pas y penser. Ne veut pas admettre que les choses sont graves. “Il va se battre autant qu'il peut”. Et il vaincra son ton semble dire. L’homme ne prend pas en compte l’âge de son grand père, l’avancée du cancer. Les médecins qui lui ont donné six mois. Il se persuade du contraire.
« Ne te préoccupe pas pour le moment de la suite, ni du cabinet, tu auras le temps de voir ça au moment venu. Et je serai là, évidemment » Gabrielle lui dit qu’elle sera là peu importe la suite et il hoche doucement la tête. Il ne sait pas ce qu’il ferait sans elle, cette sœur de toujours et il réalise en cet instant à quel point son soutient est vital. Il pose un court instant la main sur la sienne et la serre doucement. Pour lui montrer que cela le touche, bien qu’il soit incapable de l’exprimer par des mots. Si l’avocat était doué pour prononcer des beaux discours, aborder ses sentiments était une toute autre affaire.
« Tu comptes rester chez tes grands-parents ? Parce que tu sais qu’il y a largement de la place pour toi aussi et que la porte est grande ouverte » Il se doutait qu’elle ouvrirait grand les portes de sa villa pour lui offrir un refuge. Mais il est rentré pour ses grands-parents et se sent responsable, persuadé qu’il devrait passer la moindre minute avec eux. Il soupire « Je ne sais pas encore, je crois que je suis en train de les rendre dingue et ça fait que vingt-quatre heures. Je vais voir. Ils ont besoin de moi. » Il hésite, semble malgré tout tenté par l’offre. Vivre dans cette villa serait bien plus supportable, agréable même et il passerait du temps avec Gabrielle avant de devoir retourner en Californie. Matthew se force à plaquer un sourire sur son visage, déjà prêt à changer de sujet pour fuir ses problèmes. « Bon assez parlé de moi et de mes problèmes, toi comment tu vas ? »
août 2022. “ Comme si tout allait bien” Elle a remarqué que Matt a vite retiré sa main, préférant que celle-ci se saisisse de son verre de vin que d’accepter celle de sa meilleure amie qui le pousserait à laisser entrevoir encore plus davantage ses failles. La douleur surtout suite à cette nouvelle, celle de la maladie de son grand-père, la peur de le perdre quand cela parait trop réel et que les nouvelles ne semblent pas bonnes et décourageantes. Gaby se contente d’hocher la tête à sa réponse, bien qu’elle reconnaisse là un trait que Matthew partage avec celui qui s’est substitué à un père pour lui. Prétendre que tout va bien quand tout va mal, mais elle est sûrement mal placée pour le formuler et en faire le reproche quand elle agit de la même façon. A la place, elle demande s’il y a de l’espoir à ce qu’il puisse en guérir et les mots que laissent échapper son meilleur ami sont lourds de sens “Il va se battre autant qu'il peut”. Elle comprend, Gabrielle. Elle comprend que le combat va être difficile, qu’il va être long, que cette période ne sera pas plaisante autant pour les proches de Joe que pour lui-même. Instinctivement, et une fois de plus, Gaby vient poser sa main sur l’avant-bras de Matt, tentant de retrouver son regard, celui-là même qu’il tente de fuir pour qu’elle ne se rende pas compte de son mal être face à cette situation « C’est un dur à cuire fait-t-elle avec toute la douceur et la bienveillance qu’elle peut mettre dans ses paroles. S’il faut qu’elle y croit pour eux deux, elle le fera et il est très bien entouré, vous serez là pour lui et c’est tout ce dont il a besoin… même s’il prétend très certainement le contraire. Mais peut-on seulement lui reprocher ? » un fin sourire se dessine sur le coin de ses lèvres, se permettant cette fois la remarque sur cette similarité qu’il partage avec son grand-père mais qu’elle reconnait avoir elle aussi.
« Je ne sais pas encore, je crois que je suis en train de les rendre dingue et ça fait que vingt-quatre heures. Je vais voir. Ils ont besoin de moi. » « Que tu les rendes dingues ne m’étonne qu’à moitié se permet-t-elle de plaisanter une nouvelle fois, pour aider à détendre l’atmosphère, non sans retrouver un certain sérieux par la suite ils ont besoin de toi, certes, mais tu vas avoir besoin de souffler aussi. Tu n’es pas très loin qui plus est et ils ne manqueront pas de t’appeler si quelque chose ne va pas elle marque une pause, attrapant à nouveau son verre qu’elle avait abandonné sur la table quelques minutes plus tôt et se réinstalle dans le canapé ta chambre est prête en tout cas » Et suite à cette remarque loin d’être anodine, elle porte son verre à ses lèvres, l’air de rien. « Bon assez parlé de moi et de mes problèmes, toi comment tu vas ? » Gabrielle se fige, évidemment qu’il allait lui retourner la question, ses épaules s’haussant mollement avant qu’elle ne finisse son verre d’une traite « Très bien » Ce qui n’est pas totalement faux… ou presque. C’est dans un soupir alors qu’elle se penche à nouveau vers la table basse pour se saisir de la bouteille qu’elle ajoute « Ces dernières semaines ont été compliqués avec l’accident de Channing… elle se sert à nouveau un verre, le remplissant bien plus qu’il ne le faudrait certainement, et en fait de même pour Matt sans même lui demander mais il va mieux… du moins, il a pu rentrer chez lui son regard se fige sur un point inexistant, son cœur se serrant j’ai vraiment cru que j’allais le perdre pour de bon cette fois, Matt… ». Son verre à la main retrouve à nouveau ses lèvres, son regard quant à lui retrouve timidement celui de son meilleur ami.
« C’est un dur à cuire Il hocha la tête. Le ton bienveillant de son amie se voulait rassurant, tentait de lui assurer qu’il se battrait et qu’il avait des chances de s’en sortir. Matthew avait beau croire avec une force proche de celle du désespoir que son grand-père était capable de s’en sortir, de se battre autant qu’il pouvait, une part de lui était bien plus réaliste. Une petite voix à l’intérieur de sa tête lui répétait toutes les choses auxquelles Matthew n’avait pas envie de penser. L’homme était âgé, fatigué, n’avait aucune envie de passer des mois dans un hôpital. Les médecins n’avaient pas été très optimistes et c’était suffisant pour que l’angoisse du jeune homme soit en train de ronger la positivité dont il avait toujours fait preuve. et il est très bien entouré, vous serez là pour lui et c’est tout ce dont il a besoin… même s’il prétend très certainement le contraire. Mais peut-on seulement lui reprocher ? » Un léger sourire étira ses lèvres alors qu’il croisait son regard. Non sans doute, et il savait que s’il avait pris quelque chose de son grand-père c’était bien ça, ce côté buté qui refusait qu’on l’aide tout simplement parce qu’il était celui habitué à aider les autres.
Gabrielle lui proposa de venir habiter chez lui et il dû se retenir d’accepter tout de suite. L’idée de fuir et de venir se réfugier dans cette villa était plus que réconfortante. Il savait qu’il finirait par étouffer dans la maison de ses grand-parents dévoré par son anxiété. Ou alors, il finirait par rendre chèvre les membres de sa famille ce qui était une issue toute aussi probable. Mais il n’avait pas envie de fuir, pas envie de les laisser quand il était revenu pour eux, qu’il aurait été prêt à tout quitter, pour eux. « Que tu les rendes dingues ne m’étonne qu’à moitié L’humour de son amie était tout ce dont il avait besoin et le força à sortir du cercle vicieux de ses pensées. Il se contenta de sourire, à défaut de répliquer quelque chose, preuve qu’il n’était sans doute pas au meilleur de sa forme. ils ont besoin de toi, certes, mais tu vas avoir besoin de souffler aussi. Tu n’es pas très loin qui plus est et ils ne manqueront pas de t’appeler si quelque chose ne va pas. Ta chambre est prête en tout cas »
Elle avait raison bien sûr, savait qu’il finirait inévitablement par étouffer au sein de cette maison. Elle lui proposait un refuge. Ils avaient habité ensemble de nombreuses années et la perspective de renouveler cette colocation avait quelque chose de nostalgique. Il posa un instant sa main sur son avant bras et lui sourit. « Merci. Je vais y réfléchir. » Une part de lui savait qu’il allait finir par accepter son offre, après tout il allait passer une bonne partie de son temps ici. Il n’aimait pas qu’on s’attarde trop sur ce qu’il ressentait, aussi finit-il par lui demander comment elle allait.
« Très bien » Gabrielle, tout comme lui, n’était pas la plus habituée à s’ouvrir pour parler de ses sentiments. Aussi se contenta-t-il d’hausser un sourcil en attendant qu’elle se décide à parler du reste. « Ces dernières semaines ont été compliqués avec l’accident de Channing…mais il va mieux… du moins, il a pu rentrer chez lui Matthew avait été mis au courant de l’accident du magnat de l’immobilier et avait compris que ces deux là se tournaient autour depuis des mois, leur idylle bien loin d’être terminée malgré l’animosité que Gabrielle avait plus montrer lors de certaines de leurs discussions.
j’ai vraiment cru que j’allais le perdre pour de bon cette fois, Matt… » C’est à son tour de prendre sa main dans la sienne et de la serrer entre ses doigts « Mais tu ne l’as pas perdu. » Il lui dit doucement pour la rassurer. Non Channing était en vie, et à présent ils avaient chaque jour pour rattraper le temps qu’ils avaient perdus. « Alors ça y est vous avez fini de jouer au chat et à la souris ? » Demanda-t-il en lui donnant un petit coup d’épaule moqueur. Il but une gorgée de son verre, la laissa répondre et alors que le silence s’installait de nouveau il sortit un objet de sa poche en hésitant. Matthew dans une grimace lâcha la bague sur la table basse qui fit un léger bruit en tournoyant sur elle même. « Noah m’a donné ça avant que je ne parte » Il annonçait ça comme s’il annonçait que l’homme lui avait offert un nouveau pull et non comme si on l’avait demandé en mariage.
août 2022. « Merci. Je vais y réfléchir. » Son regard trouve la main de son meilleur ami qui vient à se poser sur son avant-bras avant qu’elle ne retrouve ses yeux. Un sourire vient à se dessiner sur ses lèvres, comme pour persuader Matthew de son invitation, qui n’est pas à prendre à la légère. Il sait qu’il peut venir à tout moment s’installer chez elle, et ça le temps qu’il le faudra. Ils ont toujours été là l’un pour l’autre, et ça depuis le premier jour de leur rencontre sur les bancs de la fac. Matt est celui qu’elle a choisi, cette personne qui est, à ses yeux, égale à un membre de sa famille, si ce n’est plus. Plus car jamais elle n’a entretenu pareille relation avec un de ses frères, si ce n’est Finn quand ils étaient plus jeunes. Mais cette relation n’existant plus avec le départ de ses deux frères et la distance qu’ils ont volontairement mis entre elle et eux, Gabrielle a dû se créer sa propre famille à son tour. Et à défaut du lien du sang, ce sont en des personnes qu’elle a croisé le long de son chemin qui ont pris cette place de famille qu’elle a choisi. Celle qui ne l’a jamais déçu, celle qui n’a jamais eu de secrets à son égard. C’est d’ailleurs ce qu’ils se sont promis, Matt et elle, très vite d’ailleurs. Ils se sont promis de ne jamais se mentir, de ne jamais rien se cacher et de toujours faire preuve de franchise à l’égard de l’autre. Cette dernière promesse a d’ailleurs, plus d’une fois, failli mettre leur amitié en péril, juste le temps que la pilule soit digérée et l’information passée. Des éclats de voix certes, mais aussi des éclats de rire – beaucoup – mais également des éclats de larmes. Jamais Gabrielle n’oubliera tout ce que Matthew a pu faire pour elle, notamment quand elle a été au plus bas – le départ d’un certain héritier de Los Angeles en étant un exemple. Et c’est d’ailleurs chez lui qu’elle a élu domicile quelques temps quand elle était incapable de retourner dans cette villa qui paraissait bien trop vide et soudainement bien trop grande pour elle, habituée à la présence de Channing dans son quotidien depuis des mois. Et si ce n’en est pas l’unique raison, Gabrielle ne peut que rendre la pareille à son meilleur ami quand elle prend conscience de la dureté de l’épreuve qui l’attend pour les semaines ou les mois à venir…
Matthew préfère changer de sujet et il faut dire que celui-ci n’enchante pas réellement Gabrielle. Parce que c’est à son tour de parler à cœur ouvert et, comme à son habitude, elle est toujours pudique à ce propos, même avec son meilleur ami. Prétendre est bien plus facile, mais parce qu’ils ont ce lien particulier, il ne faut que quelques secondes avant qu’elle ne confesse ses états d’âme et la peur qui l’a saisie quelques semaines plus tôt quand elle a cru perdre Channing définitivement « Mais tu ne l’as pas perdu. » Elle acquiesce alors, son regard porté sur ses doigts entrelacés à celui de son meilleur ami. Elle reste pudique à ce propos, sur ses sentiments à l’égard de l’héritier mais par son air, il n’est pas difficile de comprendre à quel point elle tient à lui. « Alors ça y est vous avez fini de jouer au chat et à la souris ? » Et sûrement parce qu’il cherche à lui rendre son sourire, et parce qu’il sent bien que le sujet est délicat, Matt utilise l’humour pour se faire. Et ça fonctionne, car Gabrielle pouffe légèrement, alors qu’il la bouscule et qu’elle vacille légèrement sous le coup. Puis sa tête se penche légèrement sur le côté et ses épaules se haussent mollement « Pour le moment… répond-t-elle sur un air amusé mais cette fois, on a eu le courage de s’avouer nos sentiments, au moins… » reconnait-t-elle un peu plus sérieusement, ce qui n’empêche pas l’avocate d’avoir des incertitudes, notamment quand elle sent que leur relation reste encore fragile et cela pour diverses raisons. L’état de santé à la fois physique et moral de Channing suite à l’accident en est une, cette dispute qu’ils ont eue juste avant celui-ci en est une autre et ce besoin criant que l’autre fasse ses preuves pour être certain que, cette fois, aucun des deux ne quittera le navire en est la dernière. Disons que cet accident leur a fait prendre conscience à tous les deux de l’importance des mots, de l’inutilité de se faire autant de mal alors qu’ils s’aiment tout autant l’un que l’autre et de l’importance de savourer chaque instant passé ensemble. Mais de là à dire que leur relation sera calme et paisible désormais, Gabrielle a conscience qu’ils ont encore du chemin à faire, ensemble avant d’y arriver.
Gaby se perd dans ses pensées et ne remarque pas immédiatement la bague de fiançailles que son meilleur ami extirpe de sa poche. Ce n’est que le bruit de celle-ci contre la table basse qui la sortira de sa rêverie et ainsi, cet objet loin d’être quelconque obtient toute son attention. Tout comme Matthew. « Noah m’a donné ça avant que je ne parte » Il lui faut un temps de réflexion et de prise de conscience, fixant l’objet sans rien dire avant de bondir légèrement sur le canapé pour se pivoter et faire face à Matt « Matt mais pourquoi tu n’as pas commencé par ça ? elle est heureuse pour lui, le manifeste en venant le serrer dans ses bras et puis, en se reculant, elle remarque qu’il n’y aucun entrain de son côté pourquoi j’ai l’impression que ce n’est pas, à tes yeux, une bonne chose ? » Elle sent bien qu’il n’y aucune excitation ni émotion de la part de Matt « Qu’est-ce que tu ne me dis pas ? » Il y a forcément quelque chose et là encore, il ne pourra pas prétendre le contraire.
Ils s’étaient toujours bien trop ressemblés. Sur bien des points Gabrielle était son miroir. Ils avaient tous les deux eu bien du mal à se confier, trop habitués à se protéger. Pourtant l’un avec l’autre, les barrières étaient tombées. Peut être parce qu’ils étaient devenus des piliers l’un pour l’autre, une véritable famille, celle qu’on choisit. Matthew s’était raccroché à Gabrielle à son arrivée à Los Angeles. C’était grâce à elle qu’il s’était remis du deuil de ses parents, grâce à elle qu’il avait retrouvé sa joie de vivre et la jeune femme avait pris une place aussi importante qu’une soeur de sang dans sa vie.
Elle lui parla de l’accident de Channing et il vit à quel point la peur de perdre l’héritier à jamais l’avait marquée. C’était sans doute cela aussi qui l’avait fait réfléchir, réalisé à quel point le temps pouvait être compté. « Pour le moment… mais cette fois, on a eu le courage de s’avouer nos sentiments, au moins… » Il sourit avec douceur. « Gabrielle Strange qui avoue ses sentiments ? Qui accepte enfin qu’elle est complètement raide dingue de l’autre beauté ?! » Il utilisa l’humour bien sûr, son coude s’enfonçant dans ses côtes avec un grand sourire. Il était toujours bien plus facile de la provoquer, de se moquer gentiment de sa difficulté à exprimer ses sentiments, à faire confiance. Comment la blâmer en réalité quand elle avait bien trop perdu par le passé ? Matthew plus que d’autres avait compris ce manque de confiance dans les autres, elle qui par le passé avait été trop habituée à ne dépendre de personne. Il y avait eu trop de gens qui l’avaient blessée, trop de gens qui l’avaient laissée derrière eux. Malgré sa touche d’humour il garda les doigts liés au sien avant d’ajouter pour la rassurer. « Je suis sûr que ça ira Gaby. Il faut que tu lui fasses confiance. Que tu te fasses confiance. Tu mérites d’être heureuse. » Il souffla en serrant sa main dans la sienne. Il se voulait rassurant mais voulait également que plus que tout il devinait les doutes qui l’habitaient encore et la comprenait.
Quand enfin il sortit la bague qui tourbillonna sur la table, le silence qui s’installa lui parut retentissant. « Matt mais pourquoi tu n’as pas commencé par ça ? elle s’exclama en se tournant vers lui et lui se força à sourire. Mais ce dernier n’atteignit pas ses yeux. Non ce n’était pas la bonne nouvelle qu’on annonçait avec fierté. Ce n’était pas l’une des plus belles nouvelles de sa vie. C’était une question qu’il n’avait jamais voulu se poser, pas avec Noah du moins. Si son couple avait pourtant bien commencé, s’il avait été parfaitement heureux avec l’américain, il fallait bien l’avouer cela faisait des mois que son couple s’étiolait et lui se voilait complètement la face, préférant se concentrer sur son travail. pourquoi j’ai l’impression que ce n’est pas, à tes yeux, une bonne chose ? » Il fuit son regard, portant le verre à ses lèvres plutôt que de lui répondre. « Qu’est-ce que tu ne me dis pas ? » Matthew grimaça, conscient d’avoir toujours été un livre ouvert aux yeux de la brune. Ils se connaissaient trop bien et c’était sans doute ça le problème. Il savait exactement ce qu’elle allait lui dire. L’australien soupira avant de finalement avouer. « Je n’ai pas dit oui. »Une pause. Si seulement ce n’était que ça. Si seulement c’était seulement la fin de son couple. Mais non, Matthew était bel et bien incapable de prendre une décision. Il grimaça de plus belle. « Et je n’ai pas dit non. » Il finit de boire son verre cul sec. « Je ne sais pas Gaby… J’ai toujours pensé que je voulais ça avec lui… » Les enfants le mariage, l’engagement. C’était des choses pour lesquelles il se sentait parfois prêt. Mais là face à cette question, l’homme n’avait eu qu’une envie, se réfugier dans ses dossiers et fuir. La fuite était exactement ce qu’il avait choisie. Une fuite à l’autre bout du monde. « Ce n’est juste pas le bon moment je…je lui ai dis qu’on verrait ça en rentrant. » Il haussa les épaules, ne voyant pas réellement où était le problème, ignorant le mal qu’il causait à son petit ami. L’indécision dans sa voix était palpable.
août 2022. Dire à son meilleur ami qu’elle a avoué ses sentiments à Channing est plus facile à confesser qu’à quiconque d’autre, même s’il peut sentir une certaine gêne de sa part. Parce qu’elle n’a jamais été à l’aise dans l’exercice, parce qu’elle s’est toujours interdite de tomber amoureuse, ne voulant pas connaitre une déception de plus, celle initiée par ses frères en premier lieu, ne voulant pas non plus dépendre de quiconque. Mais ses sentiments pour l’héritier, malgré leur histoire passé, semblent bien plus forts qu’elle ne peut le contrôler et elle ne peut que se laisser aller et accepter cette situation, celle où elle est amoureuse de quelqu’un, qui plus est, qu’elle a failli perdre de manière tragique. « Gabrielle Strange qui avoue ses sentiments ? Qui accepte enfin qu’elle est complètement raide dingue de l’autre beauté ?! » Il la taquine et elle baisse le regard même si un sourire est présent au bord de ses lèvres. Elle le repousse gentiment à son tour, sort un « Tais-toi » d’un ton ferme et amusé à la fois, avant de vite retrouver son sérieux. « Je suis sûr que ça ira Gaby. Il faut que tu lui fasses confiance. Que tu te fasses confiance. Tu mérites d’être heureuse. » Les mots de Matt la touche bien plus qu’elle ne pourra le montrer, acquiesçant mollement de la tête en murmurant « J’essaye » du mieux qu’elle le peut, les craintes bien trop présentes encore tant elle a l’impression qu’ils marchent tout deux sur des œufs, apprenant à s’apprivoiser peu à peu, d’une manière bien différente par rapport à la première fois. Ils ont accepté leurs sentiments l’un pour l’autre, ont accepté de se les confesser réciproquement et si tout pourrait être simple désormais, rien ne l’est. Parce qu’ils ont leur propre crainte, leur propre incertitude et qu’ils va falloir, comme le souligne justement Matthew, qu’ils apprennent à se faire confiance et à être heureux. Ensemble.
Gabrielle ne s’attarde pas sur le sujet et c’est ainsi qu’ils fonctionnent avec Matt, c’est ainsi qu’ils ont toujours fonctionné en réalité. Ils se confient l’un l’autre, mais à leur manière. Les mots ne sont pas toujours nécessaires entre eux, se comprenant en un regard, et c’est exactement ce qui se passe à cet instant quand Matt laisse cette bague rouler librement sur la table basse. Gabrielle s’emballe mais en un regard elle comprend qu’il n’a pas matière à se réjouir. Matt esquive son regard, préfère se réfugier dans son verre, ce qui fait davantage froncer les sourcils à la californienne d’adoption « Je n’ai pas dit oui. » Gaby entrouvre la bouche, prête à prononcer un Ah suivi d’un désolé mais qui n’a pas le temps de sortir car Matt poursuit « Et je n’ai pas dit non. » C’est pour un « Je vois » qu’elle penche plutôt, se reculant légèrement, son air neutre face à la confession de son meilleur ami « Je ne sais pas Gaby… J’ai toujours pensé que je voulais ça avec lui… » Et Gaby mentirait si elle ne reconnaissait pas être étonné de sa non-réponse, tant elle pensait que Matt et Noah étaient fait l’un pour l’autre « Ce n’est juste pas le bon moment je…je lui ai dis qu’on verrait ça en rentrant. » « Et tu penses que ta réponse sera différente ou positive lorsque tu rentreras ? » demande-t-elle instantanément, se doutant en réalité de la réponse. Celle qu’il ne veut peut-être pas affronter encore, celle à laquelle il n’a pas envie de réfléchir non plus. Elle pose sa main sur son avant-bras « Je suis désolée… autant pour toi… que pour Noah. Mais tu e dois pas t’en vouloir pour autant, surtout avec ce qui te tombe dessus, actuellement. Et je pense que, ça, Noah le comprend… son discours n’est pas fini, elle prend simplement une pause sans pour autant lâcher l’avant-bras de son meilleur ami mais je pense aussi que si tu sais au fond de toi la réponse… Noah mérite de le savoir » parce que l’attente ne doit certainement pas être évidente de son côté non plus, même si elle ne doute pas de la patience et de la compréhension dont peut faire preuve Noah à l’encontre de Matthew. La question est cependant : jusqu’à quand ?
« Tais-toi » La malice scintilla dans les yeux de l’australien. Elle savait qu’il avait raison bien sûr et c’était bien pour ça qu’il aimait la provoquer. Il retrouva cependant bien vite un air plus sérieux. Car son amie avait souffert, avait assez perdu de monde autour d’elle. Elle méritait d’être heureuse et de ne pas fuir la possibilité que cette fois-ci c’était la bonne. « J’essaye » Il lui sourit de façon encourageante. « Et à l’occaz tu pourras me représenter le beau brun, que je joue mon rôle de meilleur ami surprocteur. » clama-t-il d’un ton faussement sérieux, un sourire malicieux venant bien vite étirer ses lèvres.
Son sourire disparut bien vite cependant, dès le moment où il laissa la bague rebondir sur la table, son tintement lui faisant l’effet d’un raz de marée d’émotions qu’il n’avait aucunement envie de gérer. Il appréhendait la relation de Gabrielle qui était certainement celle qui le connaissait le mieux et qui connaissait également le mieux Noah pour l’avoir vu bien des fois.
« Je vois » Il baissa les yeux, incapable d’affronter un possible jugement. Il savait pourtant que Gabrielle ne le jugerait pas, même pour cette absence de choix. Malgré cela, il savait au fond que son comportement n’avait pas été digne de la personne qu’il était et que son absence de réponse était injuste pour son petit ami.
« Et tu penses que ta réponse sera différente ou positive lorsque tu rentreras ? » Il ne lâcha pas son regard, chercha sans doute à y trouver la réponse à la question qu’elle avait posé. Tout simplement parce qu’il était perdu. Profondément perdu. Ce n’était pas son genre, il avait toujours fait partie de ceux à la voie toute tracée, son ambition avait guidé ses pas, son besoin éternel de contrôle aussi. Et pour la première fois depuis la mort de ses parents, Matthew se sentait perdu. Il allait bientôt avoir quarante ans d’ici quelques années et se retrouvait complètement démuni. « J’en sais absolument rien. » avoua-t-il doucement, avec une certaine amertume dans la gorge. Non il n’en savait rien, ne voulait pas réfléchir à la question, ne voulait pas entrevoir la réponse quand celle-ci avait bien trop de conséquences.
« Je suis désolée… autant pour toi… que pour Noah. Mais tu ne dois pas t’en vouloir pour autant, surtout avec ce qui te tombe dessus, actuellement. Et je pense que, ça, Noah le comprend… » C’était ce qu’il se répétait sans cesse, qu’il avait autre chose à penser, que Noah avait choisi le pire moment. Il se cherchait un nombre incalculable d’excuses pour se dédouaner de toutes responsabilités du chaos de sa vie sentimentale actuelle. mais je pense aussi que si tu sais au fond de toi la réponse… Noah mérite de le savoir » Il ne répondit pas, son silence parlant pour lui alors qu’il choisit de descendre la fin de son verre. « Je vais y réfléchir Gaby… » finit-il par murmurer. Il rangea la bague dans sa poche pour faire disparaître le sujet de la table et força un air plus joyeux sur son visage. « Allez parlons de choses plus joyeuse, raconte moi tout ce que j’ai loupé ces derniers mois ! Et si on réouvrait une bouteille de vin ? » lança-t-il à la volée, bien trop enthousiaste. Il avait besoin d’une soirée pour le distraire pour penser à autre chose. Plus tard peut être se réouvrait-il sur l’état actuel de sa vie, mais en cet instant il avait juste besoin de penser à autre chose. Les deux comparses étaient partis pour une longue soirée, il était temps de rattraper le temps perdu.