| Stories told to me and stories told to you [Laila] |
| | (#)Dim 11 Sep 2022 - 20:14 | |
| Il en a vus, des gens. Joseph connait la moitié de la ville. Il associe les visages aux prénoms, repasse en boucle les morceaux de vie qu’il a entendus. Il connait le métier de tel, les aspirations de l’autre. Même s’il apprend à connaître autrui au détour d’une buverie, il ne peut rien oublier, de l’évident au plus petit détail. L’alcool ne lui fait pas perdre conscience, au contraire ; il le rend plus éveillé que jamais.
Les visages passent comme un paysage qui défile par la fenêtre de l’autobus. Des clients. Des curieux. Des rêveurs. Il en voit de tous les genres. Mais, à la fin de la journée, peu arrivent vraiment à marquer celui dont le corps n’a plus la place pour accueillir de nouvelles cicatrices. Il complimente comme il sait si bien le faire, il échange des regards plein d’affinité, il se rappelle ce que ça fait d’être frère et de veiller sur ceux qui ne peuvent pas prendre soin d’eux. Il raccompagne les danseuses jusqu’à chez elles de temps en temps, parce qu’il se le fait demander, et il se fait enlacer par celles qui essayent parfois de lui voler ses lèvres mais sans succès. La vérité, c’est que Joseph ne peut plus aimer de cette façon. Et, l’autre vérité, c’est que si son cœur ne battait pas, il pourrait difficilement justifier le fait qu’il soit encore en vie. Parfois il se réveille le matin et se demande comment c’est possible qu’il soit là alors que d’autres sont séparés de leurs proches injustement. Il n’a plus rien à perdre. Il n’a plus personne à aimer alors qu’il s’en contentait avant, faute d’attiser l’affection réciproquement. Il est devenu le fantôme de Brisbane. Il ne se fait pas remarquer par ceux qui sont trop occupés à mener une vie parfaite et il effraie ceux qui craignent la mort.
Parfois, l’instant d’une soirée, il partage une petite bulle avec quelqu’un. Rarement il oublie qui il est et d’où il vient, la pensée lui chatouillant sans cesse l’arrière de son crâne. Mais, quand il est chanceux, entre deux rires et deux anecdotes, il a à nouveau quinze ans et une deuxième chance s’offre à lui ; celle de partir de la bonne façon. Dans cette éventualité-là, il prend Lily dans ses bras avant de la quitter et il ne la laisse pas penser que son frère s’est laissé tomber de trop haut pour se broyer les os contre le béton. Quand il arrive en ville, il a des soleils plein les yeux, il trouve un emploi sécuritaire en à peine quelques jours, récupère les clefs d’un petit appartement médiocre dans lequel il pourra dormir à poings fermés. Quelques années plus tard, il tombe même amoureux d’une femme qui n’a pas besoin de le craindre et avec laquelle il fonde une famille parce que, au fond, Joseph n’a jamais rêvé de fantaisies ou de luxe. Il voulait simplement être heureux.
Elle s’appelle Laila. Il lui a payé un verre puis elle a fait la même chose pour qu’ils soient quittes. Ils s’en sont même fait offrir un par le barman qui les trouvait « mignons ensemble » et ils avaient ri puis haussé les épaules avant de gober le verre gratuit. Elle travaille dans un garage et sait certainement mieux manier les outils que lui. De son côté, Joseph lui a dit qu’il s’occupait de la sécurité dans un bar, évidemment sans mentionner les qualités illégales de ce dernier. Ils n’ont pas voyagé plus profondément dans les détails de leurs vies respectives parce qu’ils s’étaient faits la promesse de ne pas rendre la soirée trop sérieuse. Alors, ils avaient ri avec légèreté quand Joseph avait dit qu’il s’était fait attaquer par un requin et qu’il avait perdu l’usage de son œil grisé et vitreux pour cette raison. Parce que c’est tellement plus marrant de parler de requin que d’admettre que son handicap était l’œuvre de son meilleur ami.
Il l’aimait bien, ce Joseph-là. Il était peut-être en train de surfer quand il s’est fait bouffer le visage par le gros poisson qui avait des lames à la place des dents. Ce Joseph-là rentre peut-être chez lui tous les soirs pour retrouver sa femme et ses enfants, un garçon et une fille évidemment, parce que c’est ce qu’il aurait voulu avoir afin d'effacer les erreurs de son passé.
« C’tait pas des blagues alors. » Le garçon dit, brisant le silence de la nuit avancée, s’arrêtant devant le Mecanor. Il laisse son regard s’aventurer en haut, là où une fenêtre laisse à peine entrevoir la pièce du studio de Laila, plongé dans le noir. « T’habites à ton boulot. C’est pratique pour jamais arriver en r’tard. Mais tu pourras jamais utiliser l’astuce du trafic inattendu pour snoozer une ou deux fois de plus. » Il continue, la commissure de ses lèvres soulevée en un rictus amusé. Le regard doux et intentionné, comme il l’a toujours été, il observe la jeune femme. « Tu vas arriver à monter les marches ou j’dois t’traîner jusqu’en haut pour assurer ta sécurité ? » Il demande, conscient qu’il tient bien mieux l’alcool qu’elle puisque ses pas sont restés droits et calculés sur toute la durée du chemin, tout comme ses mots qui n’ont jamais fui dans des directions inappropriées.
@Laila Ferrer |
| | | | (#)Dim 18 Sep 2022 - 4:38 | |
| Elle filait un mauvais coton. C’était une expression beaucoup trop jolie pour dire une chose simple sur le fond, cruelle sur la forme : elle déconnait grave, Laila. Ezra lui avait dit de faire attention, de ne pas abuser de ce qu’elle lui avait vendu comme le seul remède à sa souffrance qu’elle taisait sans cesse, pas persuadée d’avoir le droit de se plaindre d’être qui elle était quand elle vivait avec l’idée d’avoir fait ce qu’elle avait fait. Sa fille aurait bientôt quatorze ans, elle n’arrêtait pas d’essayer de mettre quelque chose sur le statut dont elle avait hérité en grandissant dans son ventre. Elle ne l’avait jamais vue, elle n’avait jamais eu de ses nouvelles… elle gardait juste à l’esprit qu’il y avait quelque part une toute jeune fille qui partageait avec elle quelques petites choses. Même si elle avait du mal à mettre le doigt sur ses qualités, elle espérait qu’elle en avait héritées : et pas de cette propension qu’elle avait de se détruire pour ses mauvais choix que, bien souvent, on lui avait imposé parce qu’on la considérait inapte à aller dans le bons sens, la traitant comme une sale gamine qui n’avait pas assez de jugeote pour garder les cuisses fermées. Elle lui souhaitait que le meilleur à sa petite fille, elle lui souhaitait aussi d’être tombée dans une famille qui saurait l’aimer plus que la sienne l’avait aimée ; elle espérait que si elle faisait des erreurs, aujourd’hui ou plus tard, on la soutiendrait sans la faire se sentir honteuse, qu’on ne l’étoufferait pas pour la contraindre à se détester. Pour ne pas penser à tout ça, bien que c’était peine perdue, elle continuait à faire ce qu’elle savait faire de mieux : elle enchaînait les consommations au bar le plus proche, les coups d’un soir contre un mur froid et humide… et ça faisait effet le temps de quelques secondes, elle réussissait à fermer son esprit et à se dire qu’elle n’avait pas tous les torts, qu’elle savait aussi prendre soin d’elle sans qu’on lui reproche ses erreurs. Mais c’était éphémère, comme la sensation qu’elle ressentait maintenant alors qu’elle discutait avec cet homme à l’oeil opaque qui en aurait peut-être fait fuir plus d’une si, au-delà de ça, il n’avait pas été aussi charmant. Physiquement en tout cas, il avait le sourire mutin, et la fossette amicale, du genre à ne pas vouloir aller dans le détail et à apprécier la compagnie d’une femme qui n’en demandait pas plus. Pas encore en tout cas, parce qu’elle se connaissait, Lali : ça ne finissait jamais par une poignée de mains, et quand elle lui proposa de prendre un dernier verre chez elle, elle savait qu’ils ne boiraient plus, qu’ils finiraient au mieux à tester les suspensions de sa bonne vieille coccinelle jaune avant même d’atteindre les escaliers de son studio, au pire à soigner les brûlures dues au frottement de la moquette de sa chambre contre leur peau parce qu’ils n’avaient pas réussi à atteindre le lit.
Mais ce fût ni l’un ni l’autre, et quand elle descendit de sa voiture pour se diriger vers Mecanor, sa démarche légèrement plus chancelante que celle de Joseph, elle se mit à rire "Je suis la co-gérante. J’ai pas le luxe de pouvoir arriver en retard, alors c’est un mal pour un bien." D’un geste aérien de la main, elle dégagea ses épaules de ses longs cheveux bruns, savourant le frais agréable de la nuit qui parsema le haut de sa clavicule d’une multitude de petits points sensibles, qui rendaient l’anticipation du moment qu’ils passeraient sans doute plus difficile à tenir encore. Lentement, Laila passa devant Joseph finalement, lui désignant d’un signe de tête la porte à convoiter pour rentrer chez elle, et la déverrouilla pour s’avancer vers l’escalier industriel du garage, celui qui menait jusqu’à l’étage qui lui était entièrement réservé. Elle n’eut aucune espèce de variation dans son ton quand elle lui répondit à sa proposition, surélevée par la première marche qu’elle grimpa dans un bruit métallique, les talons de ses bottines rompant le silence relatif de l’endroit dans lequel ils étaient entrés, et se retournant vers lui pour lui dire, un sourcil arqué "C’est ta méthode pour qu’on se touche avant de monter ? J’ai su conduire jusqu’ici, je saurais grimper les escaliers, tu sais." Elle saurait grimper tout un tas d’autres choses à dire vrai, mais elle décida de réprimer ses pensées les moins légères pour finalement se retourner lentement pour monter, ses jambes moulées dans un pantalon serré qui rendait justice à sa plastique qui se mut sous le chemin à emprunter tandis qu’elle montait jusqu’à chez elle, vérifiant dans coup d’oeil que le jeune homme la suivait. Et elle n’attendit pas qu’il s’avance davantage chez elle pour s’arrêter devant lui. Profitant de son avantage de position pour l’arrêter sur la dernière marche de l’escalier. Soudain plus grande que lui, elle posa ses deux mains sur ses épaules quand elle approcha son visage du sien en lui murmurant, doucement "C’est le moment que j’attends depuis que t’as posé les yeux sur moi." Elle exagérait peut-être un peu, mais elle savait que c’était la base, de polir un peu les égos des bonhommes qu’elle ramenait chez elle pour obtenir ce qu’elle voulait ; et ce qu’elle voulait dans l’absolu, c’était terminer en beauté cette soirée passée avec lui sans se sentir obligée de faire dans la dentelle. Ils ne se reverraient probablement jamais de toute façon.
@Joseph Keegan
Dernière édition par Laila Ferrer le Mar 27 Sep 2022 - 3:34, édité 1 fois |
| | | | (#)Jeu 22 Sep 2022 - 14:08 | |
| La soirée se devait de rester légère. Il n’était pas question pour Joseph de retomber dans ses tranchées. Les moments où il arrivait à se détacher de son train-train quotidien se faisaient de plus en plus rares et il souhaitait profiter d’eux le temps qu’ils durent. Ce soir, le ton est à l’humour, à la douceur, au respect et, surtout, à la normalité. Joseph n’a rien à se reprocher, il n’a pas fantasmé à l’idée de tuer, il ne s’est jamais réveillé avec la gorge si sèche qu’il doit aussitôt boire un verre de vodka, et il ne se souvient plus la sensation de l’aiguille qui glisse dans sa peau pour lui promettre un voyage fabuleux loin de ses émotions.
Laila est magnifique. Derrière elle, le parfum de la jeunesse la talonne. Joseph ne connait rien d’elle, n’a fait qu’effleurer la surface de sa personnalité mais il y a une chose qu’il sait plus qu’il ne connait le fond de ses poches : elle ne le conduirait pas jusqu’à chez elle si elle savait qui son compagnon était. Encore aujourd’hui, le garçon arrive à se convaincre que cette part sombre en lui ne lui appartient pas ; qu’il n’est pas le méchant de l’histoire, que ses pensées noires sont le résultat d’idées qu’on lui a enfoncé dans le crâne à coup de marteau sans qu’il ne le veuille. Si la vie ne l’avait pas fusillé, il serait l’homme qu’il a toujours été, sans les cicatrices et les mauvais souvenirs. Il pourrait se présenter sans avoir l’impression de mentir à chaque fois, ou de porter un voile.
Mais il a envie d’essayer la jeunesse une dernière fois avant qu’on ne la lui vole pour de bon. Laila est le personnage principal d’un roman qu’il a envie de dévorer. "Je suis la co-gérante. J’ai pas le luxe de pouvoir arriver en retard, alors c’est un mal pour un bien." Ça l’amuse, de la voir tituber ainsi, éblouie par le plaisir que lui accorde l’alcool qu’elle a consommé. Son sourire est bienveillant quand il la regarde révéler ses épaules nues et il n’y pose aucun intérêt malsain. Il la trouve simplement belle ; et c’est tout. « T’as pas l’impression de vivre au boulot, parfois ? » Il s’interroge, conscient que la plupart des gens ont besoin de séparer leur vie personnel de leur travail. En habitant juste en haut du garage, elle ne doit pas arriver à faire de vraies pauses. Entend-t-elle les outils vriller toute la journée ? Ou arrive-t-elle à se blottir dans sa petite bulle malgré la distance qui la sépare de ses responsabilités journalières ? Mais là ne se trouve pas le premier problème. Afin d’accéder à son logement, Laila doit emprunter un escalier plutôt à-pic et il se demande si cette variable additionnée à celle de ses talons et de son esprit étourdi ne pourraient pas résulter en un accident évitable. "C’est ta méthode pour qu’on se touche avant de monter ? J’ai su conduire jusqu’ici, je saurais grimper les escaliers, tu sais." La première question ne le pris pas par surprise. Après tout, il était habitué à ce genre de remarque. Même si les circonstances de la vie ont fait de lui un homme peu sexuel, il est plongé dans un milieu où certes limites n’existent même plus. Il en a touché, des prostituées, et ces dernières l’ont touché à leur tour. Seulement, il ne s’est jamais adonné à quelconque activité charnelle sans que sa cervelle ne soit réduite en bouillie. Le sexe et la drogue allaient de pair : ainsi, il n’avait pas touché à une femme depuis sa cure un an plus tôt. Tiens, d’ailleurs, il célébrera bientôt sa première année de pleine lucidité. Comme c’est génial. « J’me demande d’ailleurs pourquoi j’t’ai laissé conduire dans cet état. C’t’ait pas très gentleman d’ma part. » Il dit en grimaçant. Puis, inévitablement, son regard se fait guider par ce que Laila lui offre : il les observe, ses hanches tracées, mais il esquisse un sourire amusé en la regardant se dandiner ainsi dans les escaliers. Il ne voudrait pas la vexer alors il ne dit absolument rien. Il la suit d’assez près afin de facilement la rattraper si son talon dérape (la sécurité avant tout). Si près du but, elle se retourne pour lui faire face, le plaçant en position de désavantage. Ses mains posées sur ses épaules le déstabilisent un peu alors il s’accroche à la rampe, plongeant son regard respectueux dans le sien alors qu’elle lui murmure quelques mots qui l’auraient fait réagir quelques années plus tôt. Il entrouvre les lèvres, prêt à répondre, mais un mouvement au niveau du cou de la jeune femme capte son regard. Il observe le bijou pendu à son cou, pendentif qui jusqu’à présent était dissimulé au creux de sa poitrine couverte. Il ne le touche pas, le crucifix. Il se contente de se mordre le bout de la langue puis d’hausser les sourcils en redressant ses prunelles. Il a envie de savoir ce que la croix représente pour elle, alors il décide de jouer le jeu : « Ah bon ? Tu parles de quel moment exactement ? J’crois pas avoir lu le mémo. » Mais il peut quand même feindre la naïveté afin de gagner un peu de temps avant l’inévitable moment où il décevra la jeune femme en repoussant ses avances. Il se blâmera lui, pas elle, parce que loin de lui l’envie de la blesser ou de gâcher la fin de sa soirée.
@Laila Ferrer |
| | | | (#)Mar 27 Sep 2022 - 4:09 | |
| "Parfois. Mais j’adore mon boulot, j’aurais pu vivre une vie bien pire que celle-là." qu’elle lui fit avec effronterie. Elle ne s’épancherait pas sur ses pensées du moment, et ne prendrait pas le risque de lui raconter la vie à laquelle elle songeait ; et puisqu’elle mentait en disant que sa vie n’aurait pas pu être pire, elle se disait en vérité qu’elle aurait pu être bien meilleure. Si elle avait eu la force d’aller à l’encontre de ses parents, et de faire ce que lui dictait son coeur, elle aurait été une femme comblée aujourd’hui, elle en était persuadée. Elle n’était pas malheureuse, Lali, mais elle n’était pas non plus certaine d’être très heureuse, quand bien même elle avait le genre de sourire qui éclairait une pièce, et une présence chaleureuse, qui faisait du bien au moral. Elle avait ses moments, ceux qu’elle passait à chercher la petite bête pour se sentir en contrôle d’une existence qu’elle avait rêvé différente sans réussir toutefois à se figurer à quoi ça aurait pu ressembler si sa vie n’avait pas était celle-ci. Ce n’était pas le moment de se lancer dans une thérapie à la sauvette, tandis qu’ils étaient là pour profiter des derniers heures de la nuit. Elle ne cherchait pas la compagnie pour se plaindre, Lali, et puis Joseph avait une aura, quelque chose qui faisait qu’on ne pouvait pas faire autrement que s’intéresser à lui, quand bien même ce qu’il consentait à donner aux autres n’étaient que mensonge. Elle n’avait pas vraiment cru à son histoire de requin lorsqu’elle s’était arrêtée sur son oeil, l’observant avec la curiosité de la toute jeune femme qu’elle était encore, à contempler l’étendue d’un récit qu’elle lui avait arraché avec une insistance enfantine ; est-ce que ça l’intéressait vraiment de savoir ce qui lui était arrivé pour de bon ? Elle ne le croyait pas, non. Ça ne la dérangeait pas de croire à la version de l’histoire de ceux qui ne voulaient pas en dire trop, sûrement parce qu’elle choisissait souvent d’être différente de celle qu’elle était vraiment parce que c’était plus simple de jouer un rôle. Elle ne lui en voulait pas d’en jouer un de son côté si tel était son choix, qui était-elle pour juger ?
Elle rit quand il mit en avant son absence de galanterie, alors qu’il semblait évident que de son côté, elle avait déjà abandonné les codes de la bienséance pour faire peser sur leur montée vers son appartement une ambiance lourde, chargée de sous-entendus "Je t’en veux pas. Et puis entre nous, je suis pas très gentlemen." Dans le sens où elle préférait les types mal élevés, bien que là encore, ce n’était qu’un mensonge éhonté pour ne pas se lancer dans des explications poussées sur ce qui lui plaisait ou pas — elle l’avait pêché dans un bar, Joseph, elle ne pouvait qu’aspirer à tomber sur quelqu’un qui ne soucierait pas de paraître à son avantage, et ce malgré ses récits trafiqués. Ce n’était pas si profond que ça, vraiment pas. Il ne fallait pas voir dans leur échange une envie autre que combler le temps qui passe, la nuit apparaissant à Laila comme un vide trop grand dans lequel elle détestait se perdre seule. La politique du mieux seule qu’accompagnée ne lui avait jamais vraiment plu, et c’était discutable ; gentleman ou pas, Joseph avait ses faveurs ce soir, c’était tout ce qui comptait. Déjà, elle posait ses mains sur ses épaules, en quête de cette attention qu’il lui avait déjà donnée plus tôt dans la soirée, et qui faisait brûler sa peau sous la couche de vêtements qu’elle portait. Surprenant son regard, posé lui sur son décolleté, elle ne songea pas à l’idée que c’était la présence de sa croix de baptême en argent qui avait attiré son attention, et elle dégagea ses épaules de ses longs cheveux d’un mouvement lent de la tête, les faisant retomber entre ses omoplates pour dégager la vue au jeune homme dont elle retrouva le regard déséquilibré, s’arrêtant d’abord sur son oeil abîmé, puis sur l’autre qu’elle affronta avec l’insolence des rompus à l’exercice "Tu vas pas réussir à me faire croire que t’as pas pensé à m’embrasser au moins une fois dans la soirée, Joseph." fit-elle dans un murmure, prononcé près de sa bouche qu’elle ne toucha pas avec la sienne, laissant ses paroles en suspens pour étirer ses lèvres quand elle se mit à sourire, graduellement "Je vois comment tu me regardes, et je suis pas assez soule pour penser que c’est simplement parce que tu me trouves belle." Tu me veux, aurait-elle pu ajouter, mais elle ne dit rien, arquant un sourcil à la place. Elle ne se jetait pas de fleurs, elle n’était pas de ce genre-là, Laila. Mais on lui avait déjà fait le coup, alors elle pouvait bien s’attribuer les mots des autres le temps de déceler les vraies intentions de Joseph qu’elle finit par lâcher après un moment de tension qui lui permit de se rendre compte que lui aussi, n’était pas vilain. Comprenant que prendre le temps était davantage sa méthode pour profiter du moment, c’est raisonnablement, pour une fois, qu’elle fit un pas en arrière, finissant par pivoter sur ses talons dont elle se sépara d’un coup de pieds, s’avançant dans l’ouverture de son studio dont elle finit par allumer l’halogène en lui disant "Fais comme chez toi." Un mouvement lest de la main lui permit de lui désigner l’étendue de l’endroit où elle vivait, et qui si à défaut d’apparaître comme le charmant petite appartement d’une jeune femme de son âge, ressemblait à l’antre d’un féru d’automobile qui avaient toujours rêvé de vivre dans un garage ; la tendance était industrielle, les nuances de couleurs étaient sombres et froides, mais le tout était harmonieux, comme la silhouette qu’elle tourna vers lui quand elle lui demanda, soupirant en s’étirant juste assez pour que son top laisse entrevoir une fini bande de peau bronzée au niveau de son ventre "Tu veux un dernier verre ?"
@Joseph Keegan |
| | | | (#)Jeu 13 Oct 2022 - 13:27 | |
| « T’as gagné au loto d’la vie alors. » Aimer son boulot, ce n’est pas un luxe offert à tout le monde. Joseph n’a jamais pu expérimenter la claustrophobie des quatre murs entourant un ordinateur et une imprimante mais il se doute qu’il n’aurait jamais pu tenir plus d’une semaine dans un environnement de travail classique. Il a été habitué à l’adrénaline dès son plus jeune âge et, tout comme Frodo, il a besoin de vivre d’aventures et de renouveau pour ne pas sombrer dans l’ennui et le trop plein de réflexions ravageuses. Il s’occupe pour ne pas penser : c’est ainsi qu’il arrive à survivre à son style de vie dangereux. Aujourd’hui, il doit simplement trouver un moyen d’éteindre son cerveau sans utiliser la facilité (la drogue). Il s’occupe d’un chaton à temps partiel, s’occupe de danseuses à temps plein, s’occupe de sa sœur dans l’ombre et oublie de s’occuper de lui. C’est parfait ainsi.
C’était peut-être inné, pour Joseph, de proposer à Laila de l’accompagner jusqu’à chez elle. Il a l’habitude de veiller sur autrui, alors il n’avait pour intention que d’assurer sa sécurité. Il n’est pas assez stupide pour oublier comment fonctionne le cerveau de l’être humain : elle est une femme, il est un garçon, ils ont bu à leur santé, ont échangé quelques anecdotes et quelques rires et, dorénavant, le logement de Laila se dresse juste devant lui. À l’intérieur, un lit, un canapé, une table, un tapis même, tout un tas d’endroits où ils pourraient faire danser leur corps mais, Joseph, il préfère la protéger en n’évoquant pas cette éventualité. Pas une fois il ne lui a envoyé un signal, pas une fois il l’a touchée avant qu’elle ne le fasse, et jamais il ne laisse ses yeux explorer les paysages les plus érotiques. Il se doute cependant qu’il devra mettre un frein aux élans fantasques de Laila, qui fait aller ses hanches dans un jeu de séduction auquel Joseph serait réceptif s’il n’était pas métaphoriquement castré comme un bœuf. "Tu vas pas réussir à me faire croire que t’as pas pensé à m’embrasser au moins une fois dans la soirée, Joseph." Il lâche du regard la croix suspendue à son cou, centrée en sa poitrine partiellement découverte, esquisse un sourire peut-être timide, peut-être surpris, et il ne peut qu’acquiescer vaguement en haussant les épaules, dorénavant certain d’avoir planté involontairement une idée dans la tête de la jeune femme. "Je vois comment tu me regardes, et je suis pas assez soule pour penser que c’est simplement parce que tu me trouves belle." Il hausse un sourcil, miroitant l’expression faciale de Laila comme le ferait un bambin qui apprend, et il saute sur l’occasion pour la complimenter puisque c’est ce qu’il veut faire : « Maintenant qu’j’y pense, c’est vrai que t’es plutôt jolie. » Il marque une pause, toujours immobile, les deux mains enroulées autour de la rambarde de l’escalier hasardeux. Son sourire se fait davantage joueur que dragueur : « Magnifique, même. » Le grand romantique au cœur moelleux : il ne changera jamais, pas même si le nombre de cicatrices sur sa peau se multiplie ou s’il reçoit une balle en plein cœur. Il n’est pas né dans le bon corps, Joseph. Son âme aurait mieux fait d’atterrir ailleurs, là où il aurait pu devenir quelqu’un de bien, de mieux que la majorité, même.
Elle se défait, se retourne, termine l’ascension vers son logement et, dès que la porte s’ouvre, Joseph porte un intérêt certain pour la décoration unique tandis qu’il laisse son sac machinalement glisser le long de son bras. Elle lui a dit de faire comme chez lui, alors il ne se le fera pas proposer deux fois. Il se déteste cependant de chercher un canapé du regard afin de rassurer son corps fatigué – il a beau avoir dormi l’éternité à la rue, il ne s’est jamais habitué à l’inconfort de son dédale. Il prend toutes les occasions de ne pas fermer les yeux à la belle étoile. "Tu veux un dernier verre ?" C’est si gentiment proposé. Et puis, il n’est pas du tout bourré, un verre de plus ne lui fera pas voir les étoiles à l’intérieur. « Si tu insistes. » Il répond, lui jetant un coup d’œil alors qu’il s’aventure déjà dans le lieu comme s’il allait y aménager pour de bon. Un chien prêt à marquer son territoire dans tous les recoins. « J’ai jamais vu un appart’ comme celui-là. » Il admet avant de préciser en balayant la main : « C’est pas une insulte, hein, j’adore. » Puis, parce qu’elle lui a dit de faire comme chez lui, il pose ses fesses sur le canapé qu’il a finalement trouvé, touche sa texture avec toute la largeur de sa paume, se mord la lèvre inférieure puis tend le cou vers Laila, occupée à leur verser un dernier verre : « J’veux pas m’imposer, mais tu crois qu’j’pourrais pioncer ici ? » Et il ment, seulement pour la rassurer, parce que c’est la seule bonne raison de mentir : « J’habite loin d’ici et il est un peu tard. Ça m’éviterait d’passer la moitié d’la nuit dehors. »
@Laila Ferrer |
| | | | (#)Dim 16 Oct 2022 - 5:23 | |
| Les compliments, c’était une valeur ajoutée à laquelle il était facile de succomber, seulement Laila n’avait pas une image d’elle assez bonne pour consentir à les accepter sans rouler des yeux, ou sans grimacer. Joseph paraissait sincère, ils l’étaient tous dans une certaine mesure, ça ne l’incitait pas davantage à s’accorder avec ses prétendants pour leur donner raison, et s’accommoder de l’idée qu’elle valait le coup d’oeil. Elle se savait intéressante, et dans un jargon bien moins policé que celui qu’utilisait le jeune homme, ça voulait dire tout un tas de choses dont elle ne s’offusquait pas quand ça lui venait aux oreilles ; pas farouche, facile, bonne, et elle en passait, pas forcément des meilleures quand ça touchait à son intégrité pour finir par scander, et bien, qu’elle n’était qu’une salope. Ce n’était pas aussi insultant que ça, ça partait d’un certain constat, les projets pour sa fin de soirée se dessinant déjà dans sa tête alors qu’elle connaissait à peine celui qu’elle avait ramené ce soir. Et c’était toujours mieux ainsi, de cueillir les mauvaises herbes sur le bas-côté de la route, de ne pas creuser pour tomber dans le piège, et de se voir obligé d’expliquer, de raconter, de partager… elle n’était encline qu’à partager une seule chose, Lali, et ce n’était sûrement pas les chapitres de sa vie.
Rendue à traverser son studio, un long soupir lui échappant pour se soulager de la tension qui régnait dans tout son corps, provoquée par sa proximité avec le jeune homme, elle eut un sourire à sa réflexion à propos de la particularité des lieux "C’est mal isolé, j’entends tout ce qui se passe à des kilomètres et le matin, quand le garage ouvre et que je commence plus tard, c’est l’enfer." Heureusement qu’elle avait sa musique, poussée à plein volume, pour palier à ce problème. Elle haussa les épaules, les dégageant de ses longs cheveux qu’elle cala à deux mains derrière ses oreilles, partant aussitôt en vadrouille dans les placards de sa cuisine qu’elle rejoignit dans la foulée, à la recherche du poison qu’ils consommeraient pour finir en beauté tandis qu’elle concluait sa phrase comme si elle ne s’était pas arrêtée "Mais c’est chez moi. J’aime bien vivre-là." Elle n’était pas bien difficile à contenter, à vrai dire, Laila. Comme l’illustrait la réaction qu’elle eut en tombant sur sa dernière bouteille de whisky dont elle contempla le fond en fronçant le nez, se demandant s’il y en aurait assez pour deux. Il le fallait, alors elle cessa de se poser la question aussi vite, harponnant deux verres qu’elle posa sur la table-basse, une bobine de fils électriques qu’elle avait poncé et retravaillé pour en faire un meuble digne de ce nom, puis qu’elle se laissa asseoir à côté de Joseph. Elle ne le regarda pas en lui servant son verre, mais elle sourit à ce qui lui demanda et qui lui fit emprunter une mine suspicieuse "Je croyais que c’était le deal de base en venant ici, que t’y passerais aussi la nuit." fit-elle, et cette fois elle le regarda, lui tendant son verre à deux doigts en le laissant apprécier son manque total de subtilité quand elle ajouta en riant doucement, faisant un léger bond pour se caler dans le fond de son canapé, ses jambes se tendant pour que ses pieds finissent sur la table-basse, ses yeux plantés dans ceux de Joseph "Me dis pas que t’es du genre à faire miroiter des choses à celles que tu raccompagnes pour finalement les planter en plein milieu ?" D’accord, elle n’était pas du genre à côtoyer les gentlemen, mais il y avait une différence entre être mal élevé et baratineur. Et clairement, elle n’avait pas accepté qu’il la raccompagne à la maison pour jouer aux dès, une certitude qui lui fit ajouter, son verre se levant en direction de ses propres lèvres qu’elle entrouvrit à peine lorsqu’elle lui dit "J’ai déjà assez attendu avant que tu te décides à m’embraser, tu penses pas qu’il serait temps de passer la seconde, hmm ?" Le haut de son nez se fronçant, il se perdit dans le mouvement qu’elle fit pour baller la totalité de son verre en une prise, la tête penchée en arrière. Son corps se mut en avant pour le reposer sur la bobine de fils électriques customisée, ses reins se cambrant juste assez pour attirer le regard de Joseph qu’elle quitta un instant des yeux, pour le retrouver quand elle se rassit convenablement, son épaule effleurant la sienne, sa tête basculant dans sa direction pour tâter le terrain, et combler l’espace qui les séparait après un très court instant d’hésitation où elle se dit que ça ne posait jamais de problème qu’elle soit si directe, alors pourquoi ça le serait ce soir ?
@Joseph Keegan |
| | | | (#)Dim 6 Nov 2022 - 0:19 | |
| "C’est mal isolé, j’entends tout ce qui se passe à des kilomètres et le matin, quand le garage ouvre et que je commence plus tard, c’est l’enfer." C’est la nature humaine de gratter les défauts et de fantasmer sur l’herbe plus verte des voisins. Celui qui possède le plus se sent le plus vide. C’est ironique. Le monde est mal fait. La Terre continue de tourner. "Mais c’est chez moi. J’aime bien vivre-là." Et il le comprend, le sentiment, parce que Joseph en a vu des maisons, des tavernes, des villas, sans que jamais rien ne se compare à son chez lui, peu importe de quelle matière il s’est constitué au fil des années. Son chez lui, c’est les personnes auxquelles il tient sans que ce soit toujours réciproque. Son chez lui, c’est quand il protège dans l’ombre, quand il regarde le ventre arrondi de sa sœur qui l’a rayé de sa vie ou quand il tend un morceau de son sandwich à un chien errant salit par la malchance. Il n’a jamais accordé d’importance aux murs qui peuvent se décomposer à la moindre intempérie. Son chez lui, c’est de voir l’amour que porte Laila à l’égard de ce studio qu’elle a personnalisé à sa façon, déposant un atome de fantaisie ici et là pour à la fin se sentir chaudement blottie dans les entrailles de son esthétisme singulier. « C’est parfait comme ça. » Il murmure derrière un sourire tendre qu’il dissimule en déviant la tête vers ailleurs. Il a conscience des intentions de la jeune femme, a vu sa démarche séductrice tandis qu’elle cherchait de quoi s’arroser le gosier, a senti son haleine lui frôler les lèvres quand elle le surplombait dans les escaliers. Certes, Joseph ne se laisse plus aller aux plaisirs charnels depuis qu’ils se sont révélés provocateurs de démons, mais il arrive encore à capter les signaux. Et, des signaux, ses antennes ne font qu’en intercepter encore et encore, le poussant à détourner les yeux et à feindre l’innocence, jusqu’à ce qu’il ose lancer une nouvelle discussion, qui, il le souhaite, tournera en sa faveur sans soulever les soupçons.
Non. Il n’a pas envie que Laila le connaisse tel qu’il est réellement. Mendiant, fantôme de Brisbane : l’homme qui ne peut plus que regretter d’avoir échappé sa seconde, troisième, et énième chance. "Je croyais que c’était le deal de base en venant ici, que t’y passerais aussi la nuit." Il attrape le verre qu’elle lui tend, la remercie d’un regard entendu, y trempe les lèvres pour imposer un silence, un moment de réflexion durant lequel il fait tourner sa langue trois fois dans sa bouche. "Me dis pas que t’es du genre à faire miroiter des choses à celles que tu raccompagnes pour finalement les planter en plein milieu ?" « Non, j’suis pas ce genre-là. J’sais pas trop j’suis quel genre, à bien y penser. » Il répond en posant des yeux prudents sur elle alors qu’elle prend place sur le canapé pour en réchauffer l’autre moitié. L’intérieur de ses joues se fait broyer par ses dents nerveuses et il l’écoute révéler ses intentions tandis qu’il cale à son tour son verre d’alcool qui n’aura aucun effet supplémentaire sur lui et son foie décomposé par les mauvaises habitudes. Il ne panique pas. Il ne veut pas la vexer. Quand elle s’approche de lui pour lui murmurer une promesse lascive, il entrouvre les lèvres, s’apprête à parler, mais se le refuse au dernier instant.
Satisfaire. Joseph veut toujours satisfaire. Vaut mieux les autres que lui. Vaut mieux ceux qui n’ont pas été idiots comme il l’a été, et vaut mieux qu’il paye pour sa connerie.
Sa main s’élève, se réfugie au creux du cou de la jeune femme pour remonter à sa mâchoire qu’il pétrie doucement en offrant ses lèvres aux siennes. Elle a le goût de l’alcool, lui aussi, et l’échange se prolonge jusqu’à ce que le corps de Laila se soulève pour mieux s’emboiter par-dessus le sien. Sa main libre, il la laisse couler le long de sa clavicule qui semble pointer sa poitrine, ou plutôt le pendentif suspendu au-dessus de celle-ci. Il l’attrape, en tâte la texture, symbole religieux dont la forme de T lui a tatoué le corps par la force des choses. Il ne laisse pas le martyre remonter à sa gorge qu’il interrompt le baiser pour mieux admirer les yeux chocolat de la jeune femme. Il ne lâche plus son bijou, qu’il regarde ensuite du coin de l’œil. « C’est ironique. » Il pense à voix haute. « J’l’ai vu, tantôt. Tu l’portes parce que tu respectes ses valeurs ou parce que tu trouves qu’le symbole est joli ? » La première supposition le surprendrait. Une bonne chrétienne n’embrasse pas un inconnu, elle en frôle encore moins la peau nue. « J’en ai un, moi aussi. Mais j’le porte pas sur moi parce qu’il est trop lourd. » Lourd de sens, de souvenirs, de mauvais rêves. Alors, Laila ? Le tien est-il léger ?
@Laila Ferrer |
| | | | (#)Sam 19 Nov 2022 - 5:13 | |
| Ça n’allait pas assez vite au goût de Lali. On lui avait souvent reproché son impatience d’ailleurs, ça faisait partie des choses qui faisaient sourire parfois, qui agaçaient souvent. Elle n’était pas restée une enfant très longtemps, alors peut-être que ça lui venait de là, ce besoin d’obtenir tout, tout de suite, sans débat possible. Elle avait cette attitude de gamine capricieuse quand elle avait quelqu’un dans le viseur, et ça la rendait tributaire d’une impression d’innocence qui faisait bien l’affaire quand elle avait une idée derrière la tête. Souvent, elle parvenait à ses fins en boudant un coup, c’était aussi facile que ça. Là, celle qui lui tournait à l’arrière du crâne, d’idée, depuis qu'il avait été établi que Joseph la raccompagnerait, elle la partagea avec lui sans sommation, prête à lui accorder tout ce qu’il voulait sans prétendre ne pas vouloir quelque chose en retour. Il resterait jusqu’au matin, une attitude qu’elle pouvait difficilement compter sur les doigts de ses deux mains tant elle occupait peu de place dans les projets à long terme de ceux qu’elle ramenait chez elle. C’était un peu étrange, qu’il lui fasse cette requête avant même qu’ils ne passent à l’action, mais l’alcool laissant son empreinte venimeuse sur la perception immédiate de Laila, elle ne lui posa pas davantage de questions.
Elle avait d’autres projets auxquels il répondit enfin, laissant un sourire naître sur la visage de la brune qui souda ses lèvres aux siennes le temps de se rendre compte que ça manquait de conviction. Et ça ne venait pas d’elle, elle n’était pas la moins avare en intention dans ces cas-là — et elle se demanda s’il avait vraiment envie d’être là, le jeune homme dont elle occupa rapidement les genoux, ses mains posées sur son visage, et sa bouche rencontrant et repoussant la sienne comme elle essayait de le rendre plus enthousiaste de profiter de l’opportunité qu’elle lui laissait de prendre possession de tout ce qu'il avait sous les yeux. Ce qui sembla les attirer cependant, ce ne fût pas les angles harmonieux de son corps qui effleura le sien pendant qu’ils s’embrassaient, marquant un va-et-vient lascif qui firent se frictionner leurs vêtements, mais ce qu’elle portait autour du cou et sur quoi il s’arrêta quand leurs lèvres se séparèrent le temps d’un instant. Et à cette distance l’un de l’autre, tout prenait des allures de confidences. Leurs voix se firent murmures, et la tension ressentit par Laila juste là, à l’endroit où son corps avait trouvé le sien, sembla marquer un stop quand elle lui demanda dans un sourire en coin, son souffle effleurant son visage et sa respiration opérant un très léger halètement "Pourquoi c’est ironique ?" De porter ce bijou autour de son cou, ce qu’elle faisait depuis le jour de son baptême, récompensée par ses parents d’avoir adhérée à leurs croyances sans broncher, sans même se demander si ça valait le coup. Aujourd’hui, elle savait que oui. La prière représentait quelque chose d’important à ses yeux, encore qu’elle avait un temps cessé de s’y référer tant les préceptes de la religion qu’on lui avait inculqué l’avait forcée à vivre des choses trop dures pour qu’elle soit à l’aise avec l’idée d’en parler un inconnu. Mais elle s’était réconciliée avec tout ça, et ça représentait un équilibre certain pour elle qui avait souvent l’impression de ne pas pousser droit. Comme pour échapper à sa réflexion, ses lèvres rencontrèrent la peau nue du cou du jeune homme qui continua à l’interroger, et cette fois, Laila laissa un rire rauque lui échapper tandis qu’elle releva la tête pour le regarder fixement "Attends, t’es vraiment en train de me demander si je vais à le messe, ou je rêve ?" C’était bien le fond de sa question, non ? C’était comme ça qu’elle l’entendait en tout cas, et sur l’instant, elle trouva ça bizarre. Mais après tout, chacun ses kinks, et peut-être que pour Joseph, la religion représentait une source inépuisable de fantasmes qu’elle ne saurait satisfaire parce que pour elle, ces deux choses qui faisaient partie d’elle étaient deux entités totalement distinctes, qui n’entraient jamais en collision. Elle passa sa langue sur ses propres lèvres, chassant le goût du jeune homme le temps de s’arrêter sur son regard déséquilibré, pas prête à reprendre la conversation quand tout paraissait bien engagé pour qu’ils fassent enfin ce pourquoi il était là. Seulement, il n’entendait pas les choses de cette oreille, ce qui fit soupirer Laila qui passa ses mains dans ses longs cheveux en roulant des yeux en même temps "C’est vraiment important pour toi qu’on discute de ça maintenant ? Si c’est ton moyen d’établir une connexion, c’est cool, je suis heureuse de savoir qu'on t’a donné une éducation religieuse digne de ce nom. Mais autrement, je couche pas qu’avec des bons cathos si c’est ce que tu veux savoir." Ça aurait été fort dommage de s’arrêter à ça, qu’elle songea dans un léger rire qui la fit se pencher de nouveau en avant pour capturer les lèvres de Joseph avec les siennes.
@Joseph Keegan |
| | | | (#)Mer 7 Déc 2022 - 14:56 | |
| À quoi d’autre pouvait-il s’attendre, de toute façon ?
Les gens ne s’intéressent pas à lui, seulement à ce qu’il peut offrir. Il a beau ne plus se laisser traîner par les mêmes habitudes, le monde n’a pas changé. Les garçons tournent autour des filles, les filles tournent autour des garçons. Ensemble, ils dansent pour oublier la journée, la semaine, le mois, ou le lendemain. L’alcool fait sourire, le sexe fait jouir, et le mélange des deux plonge la cervelle dans un coma.
Pour certains, c’est différent. Pour Joseph, c’est différent. Cela fait déjà une décennie qu’il ne peut plus compter sur la vodka pour l’emporter. La sensation de picotement est toujours la même, mais l’effet s’est estompé, surplombé par celui que lui a procuré la cocaïne pendant vingt ans. L’abstinence de la drogue ne vient pas sans l’abstinence de ce qui provoque l’envie de consommer. La chaleur exponentielle de deux corps qui s’enlacent lui manque, certes, mais rien ne lui manquera plus que de se sentir… bien. Bien sans alcool, bien sans poudre, bien sans compagnie, bien dans ses malheurs, et bien dans son bonheur coupable.
Laila. La danse semble encore animer Laila. Sa silhouette gracieuse et élastique couvrant le corps de Joseph le réchauffe, sa peau bouille sous sa fine couche de vêtements. Il voudrait en avoir envie ; faire couler ses doigts dans sa chevelure comme dans une fontaine de chocolat noir ; chatouiller la base de sa nuque avec la pointe de ses ongles aventureux ; déguster ses lèvres, faire d’elles des bonbons gélifiés à la framboise, plutôt que de seulement satisfaire ses désirs à elle.
Il l’embrasse parce que c’est là où la danse les amène, mais son regard capte le moindre détail moindrement intéressant. Il a songé commenter le cadre posé au mur ou le matériau atypique de la table basse, mais ce qui lui vient naturellement à la bouche, c’est une interrogation concernant la croix qui se balance entre eux, telle une barrière, une protection contre les démons – certainement ceux de Joseph. "Pourquoi c’est ironique ?" Et il regrettera probablement d’avoir ouvert sa bouche plutôt que de l’offrir, muette, esclave et disposée, à Laila. "Attends, t’es vraiment en train de me demander si je vais à le messe, ou je rêve ?" Il n’aurait pas osé aussitôt pointer du doigt le concept de messe parce qu’il a conscience que ce ne sont pas tous les catholiques qui sacrifient leur dimanche pour un joli discours. Mais le fond est le même. Il veut savoir si Laila porte ce crucifix consciemment, ou s’il s’est ancré à son quotidien comme une habitude, une routine que sa famille – ou autre – lui aurait fabriquée. « Pas nécessairement. » Qu’il répond en lâchant un soufflement contenant un rire, qu’il espère ne la vexera pas.
Il ne peut tout simplement pas, Laila. Tu n’es pas le problème.
"C’est vraiment important pour toi qu’on discute de ça maintenant ? Si c’est ton moyen d’établir une connexion, c’est cool, je suis heureuse de savoir qu'on t’a donné une éducation religieuse digne de ce nom. Mais autrement, je couche pas qu’avec des bons cathos si c’est ce que tu veux savoir." Il n’a ni le temps de répondre, ni le temps de réfléchir d’ailleurs, que ses lèvres se font à nouveau prisonnières de celles de la jeune femme. Son inspiration vibrante rencontre la sienne, et s'il ferme les paupières quand elle parsème son cou de baisers, c'est pour concentrer tous ses efforts vers la retenue. L’excitation n’est pas là parce qu’elle ressemble davantage à une maladie chez celui qui n’arrive plus à dissocier les plaisirs. Il a honte, et c’est cette honte qui lui donne la force de se redresser tout en étreignant le corps de la jeune femme, sans la lâcher, sans l’abandonner ; et il la repose sur le canapé, elle en-dessous de lui, lui par-dessus elle. Ainsi, c’est lui qui conduit. « J’crois que c’est ça l’problème. » Il bredouille, sans l’écraser, pour la laisser respirer autant qu’elle le désire. Son regard se reporte une seconde furtive sur le pendentif qui épouse la forme de sa poitrine, dont la surface dorée est couverte d’une fine couche de chaleur luisante. « J’couche pas. Ni avec les bons cathos, ni avec ceux qui partagent mes valeurs. » Parce que ce sont deux entités bien différentes. Il y a les croyants, il y a ceux qui n’ont jamais cru et il y a ceux qui ne croient plus. « J’suis désolé. » Qu’il ajoute aussitôt, embarrassé d’avoir ainsi alimenté son imagination sans l’avoir prévenue. « Je… J’peux simplement pas. J’aurais dû t’le dire plus tôt mais j’avais peur de créer un malaise si tes attentions n’étaient pas là. J’passais un bon moment avec toi, et j’t’apprécie bien, tu es intéressante. » Il avoue du bout des lèvres, se redressant enfin pour la laisser se glisser hors de lui si c’est ce qu’elle souhaite. « J’peux t’laisser tranquille, si c’est c’que tu veux. » Parce qu’il n’a plus rien à lui apporter maintenant que les choses ont été mises au clair. Elle voulait plonger sa cervelle dans le coma : il ne peut pas l’aider à y parvenir.
@Laila Ferrer |
| | | | (#)Ven 9 Déc 2022 - 5:28 | |
| Elle n’était pas bien maline, Laila, mais elle n’était pas idiote pour autant, et ce qui se passait là, elle était capable de le sentir percer dans son système, un peu comme une donnée nécessaire à la résolution de l’énigme dont elle tachait de découvrir les secrets en les lui arrachant du bout de la langue, ses lèvres scellées aux siennes dans une tentative désespérée de lui faire comprendre qu’il n’avait rien à craindre, qu’elle saurait préserver ce qu’il cachait aux autres. Sauf que ça ne fonctionnait pas, et cette fois-ci, elle ne voulait pas être celle qui quémande, qui supplie. Elle l’avait déjà fait, et c’était humiliant, de se placer dans la peau de celle qui a tellement besoin de ça pour se sentir vivre qu’elle était prête à bafouer tous ses principes. Elle ne recommencerait pas. Elle resterait accordée à la mélodie qu’on voulait bien lui donner à cet instant-là, son corps bouillonnant d’une énergie lascive qui fit se tendre ses muscles et cambrer les recoins harmonieux de sa silhouette pressée tout contre Joseph. Si elle y crut l’espace d’un instant, à la félicité du moment qu’il lui avait tacitement promis, sentant la poigne du jeune homme se raffermir autour d’elle quand il la fit basculer sur le dos, ce qu’il ajouta par la suite la laissa suffisamment pantoise pour qu’elle sache que c’était terminé, que l’issue qu’elle avait espéré prenait fin ici et qu’elle n’aurait qu’elle-même pour combler ses velléités de s’envoler ailleurs ne serait-ce que pour quelques secondes. Elle ne s’offusqua pas du discours de Joseph. Elle le regarda juste tâtonner alors qu’il restait là, juste au-dessus d’elle, à lui dire qu’il ne se passerait rien ce soir, qu’il ne se passerait sans doute rien un autre soir non plus simplement parce qu’ils n’entendaient pas profiter de l’autre de la même façon. Laila, elle n’avait pas besoin de parler, elle n’avait pas besoin de connaître les autres pour se faire une idée de qui ils étaient, et c’était un tort qu’elle dissimulait sous l’idée qu’elle ne voulait pas s’attacher. Si elle échangeait trop, ça fomentait quelque chose chez elle qui ressemblait trop à de la curiosité qu’elle avait besoin d’assouvir en questionnant ; au moins, quand elle s’arrêtait au contact physique, elle n’avait pas besoin d’ouvrir la bouche pour autre chose que pour donner des baisers, et c’était un deal qu’elle était prête à passer avec sa propre sensibilité. Joseph la trouvait intéressante, et ça la fit rire très légèrement. Elle n’avait rien dit qui n’aurait dû faire naître cet opinion qu’il avait d’elle désormais, aussi elle le soupçonna seulement de vouloir préserver son amour-propre. Mais ce qu’il ne savait pas, c’était qu’elle n’en avait pas assez pour regretter qu’on l’éconduise de cette manière. Alors, bien sûr, elle était frustrée, et bien sûr, elle ne comprenait pas son manque d’honnêteté de tout à l’heure, néanmoins elle comprenait l’idée qu’il eut changé d’avis, et bien que ce n’était pas simple pour d’autre, elle, elle accepta sa sentence sans chercher à la négocier.
Elle se releva doucement, très doucement, accusant le coup en clignant plusieurs fois des paupières, ses longs cils fendant l’air, et en le repoussant pour de bon. Laila passa ses deux mains dans ses cheveux en lui disant sans le regarder de nouveau pour l’instant "T’aurais simplement pu me dire que tu cherchais un endroit où dormir cette nuit, ça m’aurait évitée de passer pour une conne maintenant." lui fit-elle en pinçant les lèvres pour chasser toutes les traces de sa quête avortée, sentant son corps descendre en pression et grelotter quand elle se leva pour aller chercher un pull à grosses mailles qu’elle avait laissé là le matin-même et qu’elle enfila sans demander son reste, cachant ainsi la somme du désir qu’elle avait ressenti de la vue du jeune homme qui avait fait éclore des centaines de poiçons sur sa peau dénudée. Pendant un instant, elle resta silencieuse, le regardant à distance. Dans un geste de réconfort inconscient, elle vint pêcher les contours de la croix qu’elle portait autour du cou et qui, lui semblait-elle, avait oeuvré en sa défaveur auprès du jeune homme ; mais elle ne le questionna pas, quand bien même son regard passa de l’argent patiné du bijoux qu’elle tenait entre ses doigts au visage du jeune homme qu’elle regarda un instant encore alors qu'il lui demandait si elle voulait qu’il parte. Elle fit un signe de dénégation de la tête "Je t’ai promis une nuit ici, je suis pas du genre à changer d’avis au dernier moment." Moi, aurait-elle pu ajouter, mais elle ne le fit pas. À la place, elle lâcha sa croix qui retomba en harmonie sur les mailles épaisses de son pull trop large, et ajouta en filant du salon "Je vais te chercher de quoi t’installer. Des oreillers et une couverture... t'as besoin d'autre chose ?"
@Joseph Keegan
Dernière édition par Laila Ferrer le Sam 31 Déc 2022 - 3:58, édité 1 fois |
| | | | (#)Mer 28 Déc 2022 - 13:24 | |
| Il n’aurait pas su comment s’y prendre autrement. Joseph ne veut pas blesser alors il reporte les déclarations qui peuvent le faire. Le temps passe et les attentes grimpent en flèche, se gorgent de promesses imaginaires, puis tout explose d’un coup quand il se révèle enfin honnête. Il utilise les mêmes ingrédients depuis toujours, reproduit ce généreux fiasco parce qu’il est incapable de modifier la recette. Quelqu’un finit toujours par le détester à la fin alors qu’il ne veut pas mal faire, Joseph ; son moule est différent des autres. "T’aurais simplement pu me dire que tu cherchais un endroit où dormir cette nuit, ça m’aurait évitée de passer pour une conne maintenant." Il cherche son regard mais il ne le trouve pas quand elle se redresse, sépare son corps du sien, refroidit le studio. L’odeur de ses cheveux balayés lui tombe en vague sur le torse et il se mord le bout de la langue pour punir son énième maladresse. « Tu passes pas pour une conne, c’est moi l’con. » Et, ce titre de con, il lui colle au cul par défaut. Élevé par un con, devenu con par la force des choses, incapable d’être moins con. La boucle est bouclée, impossible de s’en extraire. Cette balade en montagne russes commence à lui filer la nausée. « M’aurais-tu vraiment hébergé ? » Qu’il bredouille honteusement alors qu’elle se déloge de leur confidence pour se procurer un semblant d’intimité à l’autre bout de la pièce. La plupart des gens ont peur de lui, c’est un fait indéniable. Il n’inspire pas la sécurité – c’est ironique pour un ange gardien qui couperait sa main pour sauver celle d’un ami.
Se redressant à son tour dans le canapé, il se prend la tête dans les mains en lâchant un soupir défaitiste. Si elle savait. Si elle savait, elle le jetterait par la fenêtre et le béton se collerait à son portrait, le défigurerait comme tous les autres hectares de béton qui l’ont fait dans le passé. Joseph n’est pas mauvais – il s’y prend tout simplement mal pour faire bien. Il est déjà prêt à chausser ses pieds, réchauffer son dos avec son sac, jeter un coup d’œil machinal sur son téléphone pour s’assurer que personne n’a besoin d’abuser de lui ailleurs dans la ville, mais Laila l’interrompt dans son semblant d’élan. "Je t’ai promis une nuit ici, je suis pas du genre à changer d’avis au dernier moment." Le regard qu’il pose sur la jeune femme est doux comme son cœur barricadé. Il ne peut s’empêcher d’admirer, malgré la distance qui brouille sa vision imparfaite, la croix argentée qui surfe à son cou, libéré de sa cachette. Si les crucifix lui hérissaient le poil jadis, aujourd’hui il peut les contempler avec mélancolie. Elles ne lui rappellent rien qui vaille, mais leur symbolique est sculptée par l’expérience d’un être humain à un autre. Il n’a pas eu de chance. L’Église est devenue sa première ennemie d’une longue lignée qui lui pointe désormais le chemin jusqu’à sa tombe. "Je vais te chercher de quoi t’installer. Des oreillers et une couverture... t'as besoin d'autre chose ?" Il déteste cette boule qui se forme dans sa gorge mais il l’accepte telle qu’elle est – il est émotif, et alors ? Offrez un chocolat à Joseph et il se met à chialer et à espérer naïvement toute la boîte. S’il a besoin d’autre chose ? Oui. Une amie, une famille, une vingtième chance, deux procès, un retour à la case départ, une overdose, un cercueil, de l’espoir, sa jeunesse envolée, de la pommade miraculeuse, l’amour tel qu’il en rêvait avant de se tacher.
Laila est magnifique. Il en tomberait amoureux s’il n’était pas malade. Il lui retirerait son pull et son collier, lui offrirait la chaleur qu’elle désire, ferait trembler sa poitrine et ses jambes, rassasierait son appétit d’amour en recueillant son orgasme contre le sien.
Mais il est malade. Le genre de malade qui crève malade. « Je… Eum. » De la compagnie ? « De la compagnie. » Cette pensée ne devait pas se prononcer à voix haute. « Enfin, si tu veux bien. J’crois pas qu’pourrais m’endormir d’sitôt. » Et il a honte, Joseph, de se montrer si vulnérable alors qu’il approche la quarantaine et, qu’à cet âge, il devrait avoir compris que les conséquences dépendent des choix qu’il a pris lui-même, seul, comme un adulte. « J’voudrais connaître ton histoire. » Encore des choses qu’il ne devrait pas dire, surtout pas à une fille qu’il vient de rencontrer et qui l’a pris pour un jouet d’un soir sans qu’il ne défasse son plan avant la dernière seconde. « Enfin, si tu veux avoir la paix, j’te la donnerai, et j’disparaîtrai avant qu’tu t’lèves demain matin. C’est promis, tu peux m’faire confiance. » Elle peut lui faire confiance pour ça, oui, mais si elle accepte de prendre sa main, elle s’engage dans un jeu dont elle ne connait pas les règles. Ça, il ne le dira pas à voix haute même si c’est l’une des seules vérités qu’il peut lui offrir. Il a droit d’être égoïste de temps en temps. Ses intentions ne sont pas mauvaises. Il fait de son mieux, c’est tout.
@Laila Ferrer |
| | | | (#)Sam 31 Déc 2022 - 5:06 | |
| "Si tu m’avais dit en avoir besoin, oui, je t’aurais hébergé." Parce qu’elle n’était pas dans le jugement, Laila, et qu’elle avait connu assez de galères tout au long de sa jeune vie pour reconnaître une main désespérée qui se tend pour en saisir une autre plus encline à la guider. Il avait taché de l’amadouer pour avoir un toit au-dessus de sa tête, et ce en lui promettant monts et merveilles, et si elle se sentait flouée d’une partie de ce qu’elle avait cru pouvoir récolter en étant aussi facile à convaincre, elle ne se braquerait pas davantage. Il devait avoir ses raisons pour pencher vers ce genre de méthode, ce n’était pas son genre de vouloir comprendre pourquoi les uns agissaient d’une façon, et les autres d’une différente ; chacun avait ses secrets, elle en avait aussi, ça ne rendait personne exceptionnel de fortifier les remparts autour d’eux pour qu’ils ne soient jamais découverts. Elle lui faussa compagnie pour aller chercher ce qu’elle lui a promis, ne s’attendant pas à une quelconque réponse de sa part tandis qu’elle lui avait demandé s’il avait besoin d’autre chose. Laila s’éclipsa avec dignité, le laissant un instant derrière elle pour aller fureter dans les trésors renfermés par le coffre de rangement qu’il y avait dans sa chambre à coucher, et dont elle sortit un oreiller et une couverture épaisse qu’elle tracta avec elle avec la force de l’habitude ; parce que ses neveux et nièces venaient souvent dormir ici, parce qu’à défaut de savoir prendre vraiment soin d’elle-même, il y avait des moments où elle le faisait pour les autres sans trop se poser de questions, agissant en automate pour ne pas avoir à s’arrêter sur ce qu’elle ressentait vraiment lorsqu’elle se rendait compte que personne ne ferait ça pour elle. Seule, elle ne l’était pas vraiment, ou du moins, elle ne voyait pas les choses de cette façon. Elle était bien entourée Laila, ça ne l’empêchait pas de ressentir une certaine mélancolie face à l’évolution des vies de ceux qu’elle fréquentait sur une base quotidienne, quand la sienne stagnait avec une force incompréhensible, campant sur des manies et des habitudes dont elle ne réussissait pas à se défaire, craignant beaucoup trop le changement pour aspirer à évoluer. Ce n’était pas le moment cependant, de se lancer dans une introspection à ce sujet, et si elle soupira en revenant dans le salon où elle avait laissé Joseph, c’était avant tout parce qu’elle était déçue de la tournure que prenait les choses, et pas parce qu’elle était lasse de sa propre vie.
Elle s’arrêta lorsqu'il reprit la parole en décalé, lui apportant une réponse à la question qu’elle lui avait posée et à laquelle elle ne s’attendait plus en vérité. A côté de lui, elle posa son tribut avec nonchalance, laissant un léger rire lui échapper tandis qu’elle prenait sens de ce qu’il lui disait. Sa réaction ne fût pas immédiate, néanmoins elle fût teintée d’une certaine gêne qui lui fit lui dire, la tête penchée sur le côté, le sourire pointant pour dissimuler un trouble qui lui fit brièvement cligner des yeux "Ça aussi, t’aurais juste pu me le dire au lieu de me laisser croire que je t’intéresse." Il lui répondrait qu’elle l’intéressait, elle en était persuadée. Sauf que ce n’était pas ce qu’elle voulait dire, et parce que ça devenait en effet embarrassant, elle se détourna de lui pour aller s’asseoir sur le vieux fauteuil opposé au canapé, se nichant telle une petite chose dessus après avoir retiré son pantalon qui commençait à former un étau désagréable autour d’elle. Ses jambes nues, elle les plia sous les bords des mailles épaisses de son pull, y posant son menton le temps d’un bref instant avant de lui dire enfin, ayant prit un temps infini, réfléchissant à ce que ça impliquait au fond de se soumettre à sa demande "Je fais pas ce genre de choses." commença-t-elle doucement "Parler de moi et de mon histoire. Je peux te tenir compagnie si ça te tient à coeur, mais je vais pas me lancer dans un récit détaillé de quoi que ce soit me concernant." Parce qu’il n’y avait rien de glorieux à dire "On se connait à peine." conclut-elle alors. Le paradoxe, il était là. Elle avait été prête à s’ouvrir à lui sans hésitation quelques instants plus tôt, leur peau se frôlant et leurs bouches se trouvant. C’était facile de le faire de cette façon, ça n’engageait rien de plus que de répondre à un instinct que certains n’avaient pas, mais qui faisaient l’Homme pourtant ; répondre à ses pulsions sans chercher à les contrôler, c’était plus aisé que de s’épancher sur une existence faite de tant de choses que, de toute façon, elle n'aurait jamais su par quoi commencer.
@Joseph Keegan |
| | | | (#)Dim 29 Jan 2023 - 15:48 | |
| Il ne faut pas lui en vouloir, à Joseph, de voir le mal où le potentiel mal pourrait le regarder. Il n’est pas le plus intelligent de la bande mais il sait distinguer l’ange du démon, et il a conscience que son apparence le classe automatiquement dans la deuxième catégorie. Il la traîne derrière lui comme un boulet à sa cheville et passe d’ange en ange en espérant que l’un d’eux voit derrière ses cornes qui, au fond, ne sont que de la moisissure qui aurait pullulé sur un mur négligé. Alors, même si Laila lui affirme qu’elle l’aurait hébergé s’il l’avait demandé, il doute, et il doute encore, parce que la petite graine qui germe dans sa tête a été plantée il y a fort longtemps. Il ne trouve plus d’alliés dans cette vaste bataille. Il n’en a pas l’habitude. Mais, même s’il ne croit pas les propos de la jeune femme, il préfère battre en retrait et hocher de la tête, taisant son hésitation dans le fond de sa gorge auprès de toutes les gorgées d’alcool qu’il a avalées sans compter, parce que c’est devenu inutile de le faire.
Ce n’est pas de la gêne qui l’accompagne maintenant que Laila vient s’installer sur le canapé à ses côtés. Il a parlé, a avoué ses intentions qui n’étaient pas aussi chaudes qu’elle espérait, et maintenant il doit accepter le verdict qui lui tombera dessus, peu importe sa forme, sa nature. "Ça aussi, t’aurais juste pu me le dire au lieu de me laisser croire que je t’intéresse." Un regard qu’il échange avec elle suffit pour lui arracher un rictus contestant. « Tu m’intéresses pas d’la même façon qu’tu intéresses ceux qui auraient pu t’offrir c’que tu voulais ce soir. » Elle est une belle femme. Les hommes doivent s’agenouiller devant elle pour seulement rêver obtenir ses lèvres, pas vrai ? Elle est un trésor convoité pour certains et un trophée pour les plus égocentriques. Il paraît que c’est une malédiction, d’être une jolie femme. « Est-ce que tu rappelles ceux avec qui tu passes la nuit ? » Il ne peut s’empêcher de demander, cherchant en même temps à savoir si elle l’oubliera lui aussi une fois le soleil levé. Après tout, il est à peu près comme les autres. Une poule parmi toutes celles qui picorent les bottes du fermier quand il entre dans l’enclos en tenant dans ses mains un sceau rempli de grains. Pour certains, c’est une question de plaisir – pour d’autres, une question de survie.
"Je fais pas ce genre de choses." Il accroche son regard au sien et le silence dans l’appartement caresse ses bras pour en redresser les poils. "Parler de moi et de mon histoire. Je peux te tenir compagnie si ça te tient à cœur, mais je vais pas me lancer dans un récit détaillé de quoi que ce soit me concernant." Une façon de se protéger, peut-être. D’elle-même ? De ceux qui n’ont pas de bonnes intentions ? Un réflexe inné ou un comportement conditionné au gré des mauvaises expériences ? "On se connait à peine." Il se pince les lèvres pour retenir un rire. Il laisse ses yeux dévorer une seconde fois la décoration atypique qui renvoie le reflet d’une personnalité qui ne ressemble pas à toutes ces filles qu’il a croisées dans sa vie. Des travailleuses du sexe, des âmes en manque, des corps et des esprits malades, du rose sur la paupière pour traverser la noirceur de la nuit et des miroirs sur tous les murs pour favoriser la modélisation du visage jusqu’à l’image parfaite. Joseph n’a visité que des cavernes d’Ali Baba et porté à ses lèvres des poitrines dont il n’aurait jamais l’exclusivité. « T’as déjà été amoureuse ? » Il s’avance sans y avoir réfléchi, une question qui s’est vue naître aussi naturellement que clignent ses paupières quand le vent les fouette au bord de la mer. « Vraiment amoureuse. » Il rectifie en reposant ses pupilles sur elle, lui faisant ainsi savoir qu’il n’est pas du genre à abandonner si facilement, qu’il a traversé bien plus qu’elle ne puisse l’imaginer et qu’elle aurait besoin de souder ses lèvres ensemble avec du métal fondu pour qu’il la laisse s’en tirer dans son silence.
@Laila Ferrer |
| | | | (#)Dim 5 Fév 2023 - 5:39 | |
| Un très léger rire s’échappa de la gorge délicate de Laila "J’étais sûre que tu me répondrais quelque chose du genre." Ils étaient prévisibles, les hommes "Je vais te décevoir, mais j’ai pas grand-chose à raconter qui te fera camper sur l’idée que je suis intéressante. Autant briser tes espoirs tout de suite, j’ai des sujets de conversations très limités." Lorsqu’il n’était pas question de s’adonner à ce pourquoi elle écumait les bars, Laila n’avait pas grand-chose à dire. C’était pathétique, mais c’était malheureusement comme ça, et jamais elle ne prétendrait être meilleure que ça. Elle savait ce qu’on attendait d’elle une fois le voile de la nuit tombé ; c’était comme si sa vie se scindait entre deux états d’esprit bien distincts, entre ce qu’elle était la journée, et ce qu’elle était la nuit. Elle ne savait pas dans lequel de ces deux mondes elle était la plus à l’aise, mais ils faisaient tous les deux parties d’elle, et elle n’essayait pas de les faire entrer en collision. Il fallait que ce soit bien défini, il fallait qu’elle s’y retrouve pour mieux se donner l’impression d’avancer quand elle ne faisait que du surplace en vérité. Alors non, elle ne se souvenait pas souvent de ceux avec qui elle passait la nuit parce qu’ils n’empiétaient jamais sur son autre univers — ou très rarement en tout cas. Par la force des choses, elle ne les rappelait pas — ou très rarement en tout cas. Continuant de tirer doucement sur le bord de son pull en grosses mailles, se sentant mise à nue par les questions de Joseph, elle lui demanda en guise de réponse à la question qu’il venait de lui poser "Pourquoi ça a l’air si important pour toi de le savoir ? T’as peur que je te rappelle pas ? Je croyais que c’était pas ce que tu voulais, ça devrait pas te poser de problèmes." Elle pencha très doucement la tête pour capter son regard, ses jambes dissimulées sous les mailles de son pull, et le curieux intérêt du jeune homme faisant briller quelque chose dans ses yeux.
Un peu comme si elle pressentait qu’une limite allait être dépassée, elle para l’attaque en se recroquevillant un peu plus sur l’unique fauteuil qu’elle avait rejoint en revenant dans la pièce. Et le léger rire qu’elle laissa brièvement poindre suite à la question de Joseph, il était une arme supplémentaire, celle qui l’aiderait à combattre ce qui grouillait dans l’espace de son ventre laissé vide par des années à essayer de faire avec une autre de ses réalités ; celle où elle aurait une vie bien différente de celle-ci, où tout serait à sa place, si elle avait eu le courage de s’opposer à ses parents. Elle secoua la tête, carra les mâchoires en la détournant juste assez pour finalement ne pas avoir à affronter le regard déséquilibré de son interlocuteur qu’elle sentait sincère dans sa démarche de la questionner. Seulement, elle n’avait pas envie de s’épancher et de partager ses secrets avec quelqu’un qui s’était servie de son instabilité pour obtenir quelque chose de différent de ce qui lui avait fait miroiter ; d’eux deux, ça avait été lui le moins sincère jusqu’ici finalement. Elle garda alors le silence un instant qui lui semblait infini tandis que devant ses yeux se superposaient plusieurs visages jusqu’à ce qu’un seul ne se démarque et reste ancré contre sa rétine comme il s’imposait souvent à sa perception des choses. Elle pourrait lui parler de Nate, Laila. Mais elle choisit de ne pas le faire. A la place, elle retourna son visage vers lui pour enfin lui accorder une réponse vague "Comme tout le monde. Pas toi ?" lui demanda-t-elle en retour en ne s’attendant pas à ce qu’il lui réponde puisqu’elle-même n’avait pas joué le jeu. Ce genre de discussion, c’était souvent un échange de bons procédés ; tu partages, je fais la même chose. Sans manquer de générosité, il y avait pourtant des sujets sur lesquels la mécanicienne préférait se montrer avare, et celui de ses histoires passées — de son histoire passée en l’occurence — était en tête de liste.
@Joseph Keegan
Dernière édition par Laila Ferrer le Jeu 9 Mar 2023 - 3:55, édité 1 fois |
| | | | (#)Mer 22 Fév 2023 - 11:44 | |
| "J’étais sûre que tu me répondrais quelque chose du genre." Le rictus qui déforme son visage définit clairement ses intentions : « J’ai pourtant essayé d’être original. » Il fredonne en arborant un air amusé. « J’ai répondu ce que j’aurais aimé entendre, moi. » Il admet ensuite, ravalant difficilement la réalité qu’il s’est imposé en choisissant cette vie qui, à la toute fin, lui aura volé les plaisirs les plus simples et les plus naturels. Il ne cherche plus à se satisfaire, dans la nuit il ne laisse pas ses yeux s’accrocher aux reliefs avantageux des femmes, il les garde rivés vers l’avant, vers l’horizon et vers là où le soleil se lèvera pour annoncer au monde qu’il n’est pas encore mort, ce poissard qui évite chacun des coups de faux que lui porte la faucheuse. "Je vais te décevoir, mais j’ai pas grand-chose à raconter qui te fera camper sur l’idée que je suis intéressante. Autant briser tes espoirs tout de suite, j’ai des sujets de conversations très limités." Il l’enlace d’un regard tendre, s’humecte les lèvres, hésite un instant avant de lâcher prise : « Dans mon expérience, les plus silencieux sont ceux qui ont le plus à raconter. » Ceux qui ont vécu le plus de choses sont les plus empathiques. Ils comprennent les souffrances et les bonheurs d’autrui et préfèrent se terrer dans le silence pour ne voler la parole à personne. Plus ils apprennent et plus ils ont l’impression de ne rien savoir du monde qui les entoure. Mais ce n’est que l’impression de Joseph ; il est peut-être le seul à protéger son histoire dans le creux de son ventre pour n’embarrasser personne. « Si tu le dis. J’veux pas te manquer d’respect en te contredisant. » Le garçon finit par abdiquer en haussant les épaules, bien que son œil ne perde pas sa lueur curieuse. Il saura peut-être, un jour, ce qui pousse Laila à terrer sa propre histoire.
Il a brisé les clichés en suivant la mécanicienne jusqu’à chez elle. S’il n’a jamais dévoré son corps du regard, il ne s’est pas montré honnête dès le début. Il espérait qu’elle comprendrait, qu’elle lui laisse la chance de se présenter tel qu’il est plutôt que de se fier à son apparence. Mais Joseph a conscience de ne pas mal paraître. Ce n’est pas son physique qui agit comme une façade mais plutôt son expérience qu’il n’a pas toujours récoltée dans un puit de lumière. S’il ne s’est pas complètement repris en main, au moins, ses traits ne sont plus aussi gris qu’ils ne l’étaient lorsqu’il se piquait encore, et les cernes sous ses paupières ne se prennent plus pour des vallées. Il boit encore, se noie dans la fumée du cannabis, s’étouffe dans les effluves de rhum pour mieux bousiller les cinq sens qui lui rappellent sans cesse son existence. Il ne peut plus compter sur le sexe pour oublier. "Pourquoi ça a l’air si important pour toi de le savoir ? T’as peur que je te rappelle pas ? Je croyais que c’était pas ce que tu voulais, ça devrait pas te poser de problèmes." Ses traits se détendent, il détourne la tête un moment pour contempler le mur plutôt que la silhouette emmitouflée de Laila. « C’est pas aussi simple que ça. » Il révèle à moitié, conscient que Laila et lui ne sont pas assez complices pour qu’il admette avoir besoin d’une amie ou, du moins, quelqu’un qui pourrait le comprendre et voir par-delà les apparences. Aurait-elle peur d’apprendre qu’un homme comme lui cherche encore de la compagnie dans la cour de récréation ? Il devrait pourtant savoir ce qu’il veut faire de sa vie. Il devrait être bien entouré, à cet âge. Avoir un emploi stable, une famille, tout comme Lily qui a reconstruit la sienne de son côté. Et, plutôt que de mieux s’expliquer et plutôt que d’admettre sa solitude, il soulève une question qui, il le croit, pourrait capter l’intérêt de quiconque croit encore en l’amour, en le coup de foudre, peu importe ; en les papillons qui battent des ailes dans l’estomac. Laila semble hésite un moment, se perd dans sa rêverie pour ensuite retomber sur Terre et offrir à Joseph la réponse qu’il ne voulait pas obtenir. La déception se traduit par l’affaissement de son visage et il lâche un gloussement entendu. Il ne gagnera pas, ce soir. La jeune femme sait comment diriger le navire à sa manière. Il n’aura pas son mot à dire. « J’crois pas que tout l’monde pourrait prétendre avoir ressenti d’l’amour. Moi-même j’suis pas certain de savoir c’que ça fait, d’être amoureux. » Il marque une pause, la regarde à nouveau, petite montagne de laine posée à son opposé. Elle semble minuscule, sous cette épaisse couche de tissu. « Certains décrivent ce sentiment comme le meilleur de tous, mais il m’a apporté que des emmerdes. » Il ne tombait pas amoureux des bonnes personnes. Deux policières – ironique. Et sa meilleure amie, qu’il a blessé bien plus qu’il ne voudrait l’admettre, son portrait étant déjà bien assez taché par les conneries qu’il a faites en pensant n’avoir pas d’autre choix. « Alors j’sais plus quoi penser. Même si j’continue à espérer pouvoir définir le mot amour comme la majorité. » Il se tait, joue avec ses doigts nus, gratte ses ongles, faute de pouvoir évacuer sa nervosité autrement. Il prononce la pensée qui lui traverse la tête, une confession qu’il n’a jamais faite ni au monde, ni à lui-même, parce qu’il ne se croit pas assez légitime pour le penser. « J’crois que j’aurais aimé faire ma p’tite famille. Mais j’ai loupé l’train. » Il devra se contenter de finir seul ; une pensée qu’il chasse aussitôt en interrogeant Laila à nouveau : « J’imagine qu’c’est pas encore dans tes plans. T’es encore jeune. Tu peux profiter. » Il ne devrait pas avoir le droit de parler de ça. Mais tant pis – il n’a pas l’impression qu’il se fera rappeler, et ce n’est pas seulement parce qu’il ne peut pas offrir à Laila ce qu’elle recherche.
@Laila Ferrer |
| | | | | | | | Stories told to me and stories told to you [Laila] |
|
| |