I promise I'll be better, Daddy

@Sergio Gutiérrez & Sara Gutiérrez
Septembre 2022, Commissariat de police, Spring Hill

Putain elle a tellement envie d'une cigarette. Ou d'un joint, mais elle n'est pas assez stupide pour le dire à voix haute dans un bâtiment bourré de flics. Bâtiment dans lequel elle ne devrait pas se trouver, si vous voulez son avis, mais ce n'était pas celui des policiers qui ont débarqué cette nuit à l'Electric playground. C'est qu'elle a salement dégénéré, la soirée de la brune. Pourtant le début était cool : danse, cocktails, flirt. Puis il y a eu ce type lourd qui est venu la draguer. De loin il avait l'air parfait, un beau gosse comme elle les aime – la couleur blé de sa tignasse exceptée –, musclée et à la mâchoire carrée. Dommage qu'il ait perdu de sa superbe en s'approchant d'elle. Pas subtil pour deux balles, frimeur à souhait, un humour bien merdique et qui ne visait de son cul... Mauvais choix Sara, très mauvais choix. En trois minutes de conversation, il a perdu tellement de points en terme de sexappeal que les résultats de partiel de la brune semblent excellents à côté.

Heureusement qu'il y a eu l'intervention d'Icare et de son fameux rôle de petit-ami qu'il interprète si bien. Enfin, heureusement, ça se discute. Parce que cette histoire de faux chéri ça a tourné à la grosse baston. C'était pas le plan. Peut-être que c'est un peu de sa faute à Sara, dans le fond, mais qu'importe. Au maximum elle a porté deux ou trois coups, pas de quoi finir derrière les barreaux. Pourtant elle s'y trouve, et putain ce que c'est injuste. Putain ce que ça la saoule, aussi, d'être coincée là alors qu'elle aurait pu finir sa soirée à s'amuser avec Icare et peut-être d'autres potes. En plus elle n'a pas ses clopes. Oui, elle y revient encore, mais quand elle est agacée ou nerveuse c'est le truc qui la soulage le plus rapidement. Or là, elle est les deux.

Pourquoi nerveuse ? Parce qu'il fallait bien appeler quelqu'un pour la récupérer et – surtout – payer la caution. Elle n'a pas d'argent, la Gutiérrez. Sûrement pas de quoi payer ce qui lui a été demandé lorsqu'elle a réclamé à sortir. Mais elle avait le droit d'appeler quelqu'un et la seule personne qui lui a semblé envisageable à ce moment-là, c'était Sergio. Papa. Pourtant il n'arrive toujours pas, et attendre commence à lui taper sur le système. Elle ne peut pas croire qu'il ait refusé de venir, qu'il l'ait laissé tomber. Non, ça c'est impossible, alors le problème vient forcément des flics. « Vous êtes sûrs que vous avez appelé le bon numéro ? » s'agace la brune à voix haute, s'adressant directement à ceux juste à côté de sa cellule commune, incapable de contenir plus longtemps son impatience. « Tiens-toi tranquille, on connaît notre travail. » Mon cul, qu'elle a envie de répondre, mais par chance la toute petite once de raison qui lui reste la pousse à se taire. Miracle, elle se la ferme. Comme quoi tout arrive. Enfin ce qui est sûr c'est qu'elle l'ouvrira moins lorsque son père sera là, parce qu'elle a beau faire la fière... Ça faisait pas partie de son plan de réconciliations père-fille, le rendez-vous au poste de police. Pourtant c'est bien ce qui est au programme là tout de suite... Et elle n'a toujours pas de clope pour se détendre.

(c) Miss Pie
Haut : Harley & dailycamilacabello
Bas : bretzkysbs & littlehorrorshop

I promise I'll be better, Daddy

@Sergio Gutiérrez & Sara Gutiérrez
Septembre 2022, Commissariat de police, Spring Hill

Ça fait bien dix minutes que Sara ne pense plus qu'au bâtonnet de nicotine bien toxique pour les poumons qu'elle rêverait d'avoir entre ses doigts, tant et si bien qu'elle s'agace du fait que son père ne soit pas encore là. Mais ce n'est pas contre lui qu'elle est énervée, plutôt contre les flics qui ont tout bonnement pu se planter de numéro – ça arrive dans les séries, pourquoi pas dans la vraie vie ? À ses yeux, Papa va simplement apparaître en héro, lui permettant de sortir de cette cellule toute pourrie afin de regagner sa liberté et – ô joie – l'extérieur du commissariat où elle pourra enfin fumer une clope. Sauf que les choses ne se passent pas vraiment comme elle les a imaginées durant ses interminables minutes d'attente.

D'abord parce que lorsqu'un policier vient lui ouvrir la porte de la cellule, il n'est pas là. Et puis parce que, une fois ses affaires récupérées, c'est face à un Sergio aux traits sévères qu'elle se retrouve. Ça lui fait bizarre à Sara, de voir son père sous un tel jour. Le silence qui règne entre père et fille est pesant, il y a quelque chose d'anormal là-dedans, comme s'il n'avait juste pas envie de lui adresser la parole. Naïvement sans doute, elle s'était imaginé qu'elle aurait eu le droit à un câlin, histoire d'oublier le traumatisme – c'est le côté dramaqueen de la Gutiérrez ça, permettez – de la cellule et de la baston. C'était bien con comme idée, mais il n'empêche qu'à cause de l'abruti du bar elle va avoir un bleu et puis qu'elle se serait bien passé de l'expérience derrière les barreaux avant ses 25 ans.

Mais Sergio ne fait pas de câlin. Il ne parle pas non plus, d'ailleurs. Il se contente d'un signe de main vers l'extérieur, faisant ensuite volte-face pour quitter le bâtiment. Sa fille le suit tout en fouillant dans son sac à main à la recherche de son précieux paquet de clopes – enfin. Stoppée dans son initiative par le fait que son père monte en voiture, elle grommelle intérieurement avant de faire de même. Au pire elle fumera quand ils rouleront, non ? Enfin pour qu'ils roulent, faudrait déjà que le conducteur démarre le moteur, et pour l'instant ce n'est pas le cas. C'est lourd comme ambiance, vraiment lourd, et puis la façon dont il interrompt ce silence dérangeant n'arrange pas les choses. « L’amende était de 560$. J’attends de toi que tu me les rembourses. » Ah bah super, Sara avait besoin de ça pour améliorer sa soirée, c'est sûr. La brune se mord les lèvres pour ne pas rétorquer quelque chose de stupide. Il n'a pas donné de délai, elle va se contenter de ça. « D'accord, » se contente-t-elle de répondre, d'une voix vide et dénué de toute véritable adhésion à l'idée. Elle trouve ça complètement con, pour être honnête. Son père a de l'argent, ce n'est pas un mystère – s'il a eu les moyens de leur permettre de changer de logement en début d'année, c'est bien qu'il y a de la thune quelque part. Et il sait que Sara a un job étudiant, que Cesar bosse, qu'Alma a arrêté les études pour travailler, que Maman cumule les activités pour payer les factures – toute la famille galère, c'est pas nouveau, ça fait des années que les Gutiérrez vivent un véritable enfer financièrement parlant. Alors elle trouve ça con, ne pigeant pas la notion de responsabilité cachée derrière sa requête.

Et puis les choses ne vont pas en s'arrangent lorsque Papa prend de nouveau la parole. « De toute ta fratrie Sara, j’aurais pu imaginer recevoir cet appel pour Rudy ou Cesar. Mais ce genre de frasques venant de toi ? Je suis incroyablement déçu. » Ce genre de paroles ça fait mal à entendre, vraiment mal. Elle n'a pas envie de décevoir son père, Sara, et le fait qu'il ne la regarde pas la blesse terriblement. Elle, elle est tournée vers lui, son regard cherchant le sien même si elle ne parvient pas à le capter pour l'instant. « C'était pas ma faute, j'te jure. » Elle a besoin de se justifier, d'être sûre qu'il sache qu'en réalité les flics ont fait de la merde, qu'Icare et elle n'avait rien à faire derrière ces barreaux. C'est pas de sa faute, elle en est convaincue – c'est l'autre con qui a commencé. « Je te ramène chez ta mère. Mais on aura une discussion tous les trois dès demain. » L'idée fige aussitôt Sara qui se crispe. Une discussion ? C'est jamais bon signe ça. Ça pue même incroyablement la merde comme idée, si vous voulez l'avis de la responsable jeune femme. « On est obligés ? » Non ils sont pas obligés, d'ailleurs Sara elle s'en passerait bien, de la discussion. C'est pas pour rien qu'elle a fait appeler son père, parce qu'elle avait l'espoir qu'il laisserait couler, que ça irait. Pour cette fois au moins, et comme elle ne comptait pas refaire l'expérience de la cellule de sitôt, il n'y aurait pas eu de deuxième fois. « Je te jure que c'est pas notre faute. C'est l'autre gars qui a commencé, nous on s'est juste défendus. » C'est pas tout à fait vrai puisqu'en réalité c'est Sara qui a frappé la première, giflant leur opposant. Mais premièrement, la gifle n'était pas forte. Et deuxièmement, il l'avait insultée, donc c'est lui qui a commencé. Donc elle n'est pas responsable de cette escalade qui a suivi, du fait qu'Icare ait un coquard, des bleus qu'elle va quant à elle avoir à cause de la poigne de l'autre con... Non, elle n'a rien à se reprocher. « Je peux fumer dans ta voiture si je laisse la fenêtre ouverte ? » qu'elle demande alors, parce que ses doigts la démangent de plus en plus tant son cerveau est obsédé par l'idée que ses clopes sont juste là, dans son sac à main, à quelques centimètres de ses mains. « Non oublie, vous allez y faire monter Pao, c'est pas bien pour elle, » se corrige-t-elle presque aussitôt. Le tabagisme passif, les petits poumons d'enfant super sensibles, tout ça tout ça, c'est pas top. Malgré sa claire addiction Sara n'a pas envie de pourrir ceux de sa petite (demi-)sœur. Elle fumera une fois arrivée à la maison, c'est l'avantage d'avoir un jardin. D'ailleurs si son père pouvait démarrer la voiture, ce moment arriverait plus vite.

(c) Miss Pie
Haut : Harley & dailycamilacabello
Bas : bretzkysbs & littlehorrorshop

I promise I'll be better, Daddy

@Sergio Gutiérrez & Sara Gutiérrez
Septembre 2022, Commissariat de police, Spring Hill

L'idée qu'elle devait plus cinq-cents dollars à son père à cause d'un connard qui l'avait traitée de pute avait toujours moins de mal à passer que la déception qu'il exprimait à son égard. Elle détestait l'ambiance qui régnait dans la voiture, elle détestait les mots qu'elle entendait, elle détestait le fait qu'il refuse de la regarder. Car oui, elle savait qu'il ne voulait pas la regarder en cet instant précis – car s'il était capable de l'engueuler mais ne la regardait pas, c'était une question de volonté et non de possibilité. Plus que tout, elle détestait être tenue responsable de quelque chose qu'elle n'avait pas voulu ni choisi, une bagarre dont elle avait été la victime plus que l'actrice – quand bien même la gifle qu'elle avait collée à l'abruti pouvait aisément la désigner comme l'instigatrice de tout ce bordel. Ça, c'était bien quelque chose qu'elle n'allait pas reconnaître de si tôt, affirmant que ce n'était pas de sa faut, le jurant même face à un paternel visiblement agacé. « Donc tu n’as porté aucun coup, tu ne t’es pas retrouvée au milieu d’une bagarre pendant que tu étais alcoolisée ? » Vu comme ça, c'est de la triche. « Je me suis retrouvée au milieu d'une bagarre mais c'était pas ma faute. » Et c'est important de le préciser. « En plus j'ai porté qu'un seul coup, un tout petit coup, j'suis sûre que le gars aura même pas de marque. » Elle aurait peut-être dû fermer sa gueule sur ce coup-là – trop tard, évidemment. « Et j'avais pas tant bu que ça. » Ça aussi, il fallait le préciser. D'autant plus que c'était vrai : elle était loin de la case toilettes lorsque la bagarre a commencé, preuve que – si elle était certes ivre – elle était tout de même loin d'un état pour lequel on pourrait la blâmer.

Pourtant Papa semblait déterminé à le faire, souhaitant même invoquer une discussion de famille – comprendre : le père, la mère et la sale gosse – dès le lendemain. Idée que Sara désapprouvait intensément, n'en voyant pas l'intérêt – si ce n'est la foutre dans la merde auprès de Maman, ce qu'elle souhaitait éviter lorsqu'elle a donné un contact à appeler aux flics qui l'ont foutue derrière les barreaux. Crispée sur son siège, elle tente de négocier, persuadée que cette stupide conversation peut être évitée pour cette fois. Qu'elle n'est pas nécessaire, loin de là même – ce n'est pas comme si elle comptait recommencer, l'expérience lui ayant foutrement déplu. « On est obligés, oui. Il va sans dire que c’était la seule et unique fois où je te venais en aide pour une connerie de ce genre. » « J'ai pas prévu de retourner en cellule de sitôt, si ça peut te rassurer. » Elle essaie d'être drôle, ça veut pas dire que c'est une réussite – vu la tronche que tire son paternel, c'en est clairement pas une. Ça ne la refroidit tout de même pas quand à ses négociations : elle n'a vraiment pas envie d'une discussion comme celle qu'ont les parents avec une gamine convoquée chez le principal de son collège. « Pourquoi on est obligés ? C'est la première fois que ça arrive, j'peux pas avoir le droit à un joker ? » Finalement, la brune aurait peut-être dû faire appeler quelqu'un d'autre. Cesar c'était mort, il lui faisait tellement la gueule depuis la dernière fois qu'elle se demandait s'il savait faire autre chose. Rudy était elle-ne-sait-où en Australie, à la recherche de son ex – une connasse, si vous voulez l'avis de Sara. Diego, peut-être ? Ou Alma ? Peut-être qu'eux ils n'auraient pas invoqué la sacro-sainte et complètement stupide discussion à peine deux minutes après être montés dans la voiture.

Sara se sentait piégée et elle détestait cela. Peut-être qu'elle aurait dû ne rien répondre, juste hocher la tête et ne pas rétorquer à la moindre des accusations de son père, aussi injustes soient-elles – car elles l'étaient, selon la jeune femme. Peut-être qu'elle aurait simplement dû n'appeler personne, et passer la nuit dans cette stupide cellule. Nul doute qu'elle n'aurait pas fermé l'œil de la nuit, aurait maudit les flics qui les avaient embarqués et avaient gâché leur soirée en boîte, aurait insulté l'autre connard de blond dans deux langues avec Icare, aurait râlé contre l'inconfort du sol et du banc de la cellule... Mais au moins elle n'en serait pas à avoir cette conversation. « Alors un type vient vous provoquer et tout ce que vous trouvez à faire, c’est de rentrer dans son jeu ? Qu’est-ce que c’est pour toi Sara, un jeu du plus fort ? » La brune roule des yeux, ne prenant même pas la peine de cacher le fait que ses remarques la gonflent. C'est facile de dire ça quand on est un homme, qui plus est plein aux as – la voiture et la villa pour le prouver. C'est facile de dire ça quand on est déjà considéré comme le plus fort, quand on ne se fait pas insulter juste parce qu'on est une nana, quand on a tout ce qu'on veut d'un claquement de doigts et qu'on est respecté par défaut. « On aurait dû le laisser nous insulter et nous frapper alors ? Juste pour ne pas "rentrer dans son jeu" ? » C'est complètement con comme idée – enfin heureusement qu'elle ne dit pas ces derniers mots à voix haute, ça ne ferait qu'envenimer les choses en un claquement de doigts.

Le moteur vrombit et semble rappeler à la brune que, juste là, à quelques centimètres de ses doigts, se trouvent la meilleure arme qu'elle a face aux discussions de ce genre – le genre horrible. Ses clopes. La question s'échappe de ses lèvres comme un automatisme – au moins elle a demandé –, recevant une réponse tout ce qu'il y a de plus sèche. « Hors de question. » De toute façon, elle vient de réaliser que Paola aussi va prendre cette voiture aussi et que ce n'est pas bon pour ses petits poumons. Pour ce qui est de l'odeur et du reste... Sara est indéniablement accro, raison pour laquelle elle ne réalise plus vraiment ces problèmes-là. « Ce n’est pas bien pour toi non plus. Mais visiblement, tu sembles adorer les mauvais choix. » Le regard posé droit devant elle pour ne pas l'assassiner du regard, elle roule des yeux. « Ouais exactement, j'adore fumer et me faire insulter par des connards en soirée, ce sont mes deux passions dans la vie. Tu me connais si bien Papa. » Sarcastique au possible, Sara est insolente parce qu'elle est vexée des petites remarques qu'ose lui balancer son père. Dans le genre mauvais choix, il en tient une belle liste lui aussi, mais elle a la décence de ne pas le soulever tout de suite. Elle préfère l'ironie, aurait même pu y ajouter une blague de cul du style « et quand je les combine au lit, alors là c'est le pied » mais elle s'abstient. Elle l'aurait fait si c'était Cesar ou Alma qui lui faisait la morale, mais elle se sent un brin moins téméraire face au paternel.

À présent la voiture dévore le bitume en direction de la maison et Sara n'attend qu'une chose : arriver chez elle et descendre son paquet entier de cigarettes pour se passer les nerfs. C'est là tout l'avantage d'avoir un jardin : elle n'a plus à cloper dans la rue toute seule en pleine nuit lorsque ses doigts la démangent. Et si les voisins ne sont pas contents, elle n'en a rien à foutre. « Tu parles d’un ‘nous’. Qui était l’autre personne impliquée ? » S'enfonçant un peu dans son siège, la brune appuie son coude contre la portière de la voiture, son regard toujours fixé sur la route et ses lumières du soir. « Un ami à moi qui m'a protégée quand l'autre con a voulu me frapper. » Tant et si bien qu'il s'est pris un cocard pour elle, quand même. « Il s'appelle Icare, si ça t'intéresse, » ajoute-t-elle bien qu'elle se doute qu'il n'en ait rien à faire de son prénom. Qu'est-ce que ça peut lui foutre tout ça, de toute façon ? Il veut pas juste la ramener à la maison et cesser cette leçon de morale débile ? Elle ça l'arrangerait, parce qu'elle a besoin d'une clope et pas d'un père qui se décide à lui donner des leçons de bonne conduite avec bien dix ans de retard.

(c) Miss Pie
Haut : Harley & dailycamilacabello
Bas : bretzkysbs & littlehorrorshop

I promise I'll be better, Daddy

@Sergio Gutiérrez & Sara Gutiérrez
Septembre 2022, Commissariat de police, Spring Hill

Ça lui fait bizarre à Sara, de se faire sermonner par son père comme si elle n'était qu'une ado de treize ans qui n'était pas rentrée à 23h comme elle l'avait promis à son Papa. Il y a bien eu l'anniversaire d'Alma qui ne s'est pas passé comme prévu et où elle s'est sentie abandonnée par celui qu'elle était si heureuse d'avoir retrouvé, mais ce n'était pas aussi insupportable que ce qui est en train de se passer maintenant. Cette prétendue leçon de morale lui semble ridicule, d'une part parce que son paternel est sacrément en retard à ce niveau-là – il est revenu dans sa vie alors qu'elle avait vingt-et-un ans –, et d'autre part parce que la raison même de cette leçon lui paraît complètement débile. « Ou tu aurais pu faire demi-tour plutôt que d’envenimer la situation. Mais tu as raison Sara, ce n’est pas de ta faute, tu es la victime de toute cette affaire. » Évidemment qu'elle était la victime de cette histoire, mais l'ironie dans la voix de son père est trop évidente pour qu'elle rebondisse là-dessus sans avoir l'air ridicule. Alors la jeune femme se contente d'un roulement d'yeux agacé, pour une fois sans rétorquer. Pourtant elle en aurait envie. Au moins pour lui dire qu'elle n'a pas voulu envenimer les choses, que tout ce qu'elle a fait c'était parce qu'elle refusait de se laisser insulter sans rien faire. Elle ne voit pas le mal à ça, mais elle a la présence d'esprit – étonnamment – de comprendre que ça ne sert à rien d'insister au vu du ton qu'il a employé.

Et puis le fait qu'il sous-entende qu'elle puisse un jour retourner derrière les barreaux, ça aussi c'est vexant. « Si jamais tu devais y retourner, j’espère que tu as des amis capables de payer ta caution. » La brune lève les yeux au ciel sans répondre à cette attaque. Elle lui a dit qu'elle ne comptait pas y retourner, elle ne voit pas comment elle aurait pu être plus claire. De toute façon toute cette situation est une énorme connerie, elle n'avait rien à faire dans une cellule, ce sont juste les flics qui sont cons et qui n'ont pas pigé que c'est l'autre débile qui les a agressés et non l'inverse. Comment ça, c'est elle qui a porté le premier coup ? De toute façon, son père ne le sait pas alors ça n'a pas le moindre importance. Ça ne l'empêche pas de réclamer qu'ils aient une discussion avec Maman, idée que Sara déteste au plus au point et dont elle tente – visiblement en vain – de l'éloigner. « On est obligés, parce que j’espère que la déception de ta mère te dissuadera de recommencer quoique ce soit du genre. » T'inquiète, celle dans tes yeux suffit. Sauf que Sara elle est trop fière pour le dire, pour admettre que ça la blesse d'avoir l'impression d'être la pire des filles dans le regard de Papa, et elle préfère se renfermer dans un silence boudeur et frustré. Pourtant elle ne peut pas nier que ça fait mal de voir dans le regard de ses parents qu'on les a déçus, même lorsqu'on est une adulte de vingt-quatre ans, même lorsque c'est celui d'un père absent pendant quinze ans, même lorsqu'on estime n'avoir – presque – rien à se reprocher. Ce avec quoi, encore une fois, son père ne semble pas être d'accord. « Je doute que vous auriez été embarqué pour de la légitime défense. » De toute façon, quoi qu'elle dise il ne veut pas l'écouter. La brune lève les yeux, renfrognée et agacée par le fait qu'il se foute bien d'entendre ce qu'il a à dire.

La conversation aurait pu s'arrêter là, dans une ambiance froide et un silence gênant, mais sans surprise Sara n'a pas su s'y tenir. Parce qu'après des heures enfermée dans une cellule avec d'autres gens, tout ce que la brune rêve de faire c'est de se griller une clope pour oublier à quel point sa soirée a été foutue en l'air par un connard. La question franchit ses lèvres avant qu'elle ait réalisé à quel point elle aurait dû se taire – ça c'est une habitude chez elle –, et elle a beau essayer de se corriger, mentionnant même Pao dont les petits poumons ne doivent pas entrer en contact avec la fumée de ses cigarettes, c'est trop tard : son père semble bien décidé à la condamner pour ça aussi. C'est lorsqu'il mentionne l'attrait qu'aurait sa fille pour les mauvais choix que cette dernière se vexe vraiment, considérant qu'il dépasse les bornes. Raison pour laquelle elle se permet de répondre avec sarcasme, encore qu'elle se limite en ce qui concerne les blagues de mauvais goût qui lui viennent à l'esprit car c'est tout de même à son paternel qu'elle parle. « Fais-toi à cette idée, Sara. Tu ne peux pas sortir la carte du papa uniquement quand ça t’arrange. » Ah bah là c'est sûr que la carte Papa n'a pas fonctionné, parce qu'en demandant aux flics de l'appeler elle s'attendait à tout sauf à cette conversation excessivement désagréable. « Ouais j'ai compris, j'aurais pas dû t'appeler quoi, » lâche-t-elle avec agacement, comme si c'était tout ce qu'il y avait à retenir de cette situation. C'est ce qu'elle retient, en tout cas. La prochaine fois, elle appellera Diego et Alma, puisque ce sont un peu les seules cartes qu'il lui reste – les seuls membres de sa famille qui savent conduire et ne lui font pas la gueule pour l'instant.

Sara n'a pas la moindre idée de la distance qui sépare le commissariat de chez elle, à vrai dire elle ne s'est jamais dit qu'elle se poserait un jour cette question. Mais là tout de suite, elle espère vraiment qu'elle n'habite pas trop loin de ce foutu repère de flics, histoire d'être rapidement chez elle, posée dans son jardin avec une clope et du reggaeton. Et puis aussi pour que finisse rapidement cette discussion avec son père qui, à ses yeux, ne fait qu'empirer les choses parce qu'il est parti du mauvais pied. Cela étant, elle est étonnée qu'il lui demande avec qui elle était quand sa soirée a dégénéré. Et elle répond, parce qu'elle se dit que, de toute façon, son père n'a pas grand chose à faire du prénom qu'elle va donner. « Un ami, hein ? » Oui, un ami, un pote, un faux petit-ami plutôt convaincant, un beau gosse dont la carrure impressionne facilement, un p'tit con qu'elle trouve fun, un mec dont elle a partagé les draps une fois et sans lendemain et qu'elle embrasse encore parfois pour jouer la comédie. Il veut la liste des surnoms qu'elle pourrait lui donner, ou c'est quoi son problème ? « Oublie ça. Je pense que j’ai assez eu de choses à désapprouver ce soir. » Cette fois, les yeux de Sara s'écarquille et elle tourne la tête vers lui, véritablement piquée par une telle remarque. « Ah parce que maintenant tu vas juger les personnes avec qui je vais en soirée ? » On aura tout vu. « On couche pas ensemble, même si je vois pas ce que ça peut te foutre. » Ils l'ont déjà fait mais ce n'est plus d'actualité, information qu'elle ne va cependant pas partager avec son paternel parce que ce ne sont pas ses oignons. Et puis que c'est chelou, elle ne va pas faire la liste des personnes avec qui elle a couché à son père – certains diraient qu'elle est trop longue et surtout trop remplie de mauvaises fréquentations.

Le trajet semble interminable dans cette atmosphère merdique, ça lui rappelle bien trop le dernier trajet qu'elle a partagé seule avec Cesar après une soirée et elle n'en tire aucunement de bons souvenirs. À la rigueur, il y avait les jolies lumières des lampadaires, mais ce soir elle n'est absolument pas assez ivre pour que ça fonctionne. Elle voit juste des lampadaires et c'est nul, même si ça l'est moins que la nouvelle remarque avec lequel Papa vient l'accabler. « Il ne t’est même pas venu à l’esprit de t’excuser. » La brune tourne la tête un instant vers son paternel, comme pour voir son visage et les émotions qui pourraient y transparaître. Pas grand chose, en réalité – c'est comme si elle faisait face à une porte de prison. « Si, » admet-elle en s'appuyant contre la portière passager, laissant son regard rivé vers l'extérieur pour continuer. « Mais le fait que tu m'engueules avant même de me demander ce qu'il m'est arrivé, et que tu veuilles tout balancer à Maman, ça m'a refroidie. » Alors non, elle n'a plus envie de s'excuser. Déjà que ce n'est pas son truc d'habitude, de reconnaître ses torts, mais alors maintenant qu'il l'a engueulée comme une adolescente, c'est trop en demander à son ego et à sa fierté que de courber l'échine et dire qu'elle est désolée.

(c) Miss Pie
Haut : Harley & dailycamilacabello
Bas : bretzkysbs & littlehorrorshop

I promise I'll be better, Daddy

@Sergio Gutiérrez & Sara Gutiérrez
Septembre 2022, Commissariat de police, Spring Hill

Pourquoi Sara s'inflige cette foutue discussion ? Pourquoi elle s'évertue à répondre à son père quand bien même il réfute en bloc tout ce qu'elle tente de lui expliquer comme si sa parole ne valait rien ? Elle pourrait s'épargner cette peine, elle pourrait simplement se taire. Ce serait sans doute plus simple, oui. Mais pour ça il faudrait qu'elle sache faire taire sa foutue fierté, et toute personne connaissant un peu la brune vous dirait que ce n'est pas son fort. Et puis, dans le fond, une partie d'elle espère convaincre son paternel que son atterrissage en garde à vue est la conséquence d'une terrible injustice. Qu'elle n'y est pour rien – ô, elle le lui dit et le lui répète, mais il a l'air de s'en foutre comme de sa première chaussette. Est-ce qu'il l'écoute au moins ? Sans doute oui, puisqu'il répond à tous ses arguments comme s'il connaissait la vérité alors qu'il n'était même pas là. Putain ce que ça la gonfle, d'avoir une telle conversation avec lui. Naïvement, Sara espérait qu'il vienne la récupérer, la prenne dans ses bras et la ramène simplement à la maison sans encombre. Sans discussion, justement. C'est raté. Et c'est d'autant plus raté qu'il lui signale bien qu'appeler son Papa à la rescousse n'était nullement une miraculeuse solution à ses problèmes, quand bien même elle a été sa première enfant à lui pardonner d'avoir disparu des radars à la naissance de Cesar. Agacée, elle souffle, envisage même l'idée qu'elle aurait dû appeler quelqu'un d'autre. Qui ? Oh, on s'en fout ! « Qui est-ce que tu aurais appelé à cette heure-ci ? » Ah non, apparemment lui ne s'en fout pas. « J'ai quatre frères et sœurs qui ont le permis, j'ai le choix, » se contente-t-elle de rétorquer d'une voix neutre. Elle n'est même pas sûre qu'elle l'aurait fait en réalité. Ou plutôt, elle n'est pas sûre qu'elle aurait appelé quelqu'un d'autre que Rudy – en tout cas en ce qui concerne sa famille. Cesar l'aurait probablement ignorée, la faute à l'énorme engueulade qu'ils ont eu le mois dernier à propos des soirées de l'aînée – aussi dans une voiture, d'ailleurs. Alma l'aurait réprimandée comme une gosse, comme Papa en fait, mais elle n'aurait sans doute pas joué la balance auprès de Maman – en tout cas sa sœur l'espère. Peut-être que Diego aurait accepté sans se la jouer moralisateur, lui, mais peut-être aussi qu'il bosse et n'aurait pas pu venir. Qu'est-ce que ça peut lui foutre de toute façon, à Papa, puisque c'est lui qu'elle a appelé et qu'elle a apparemment fait une grosse erreur stratégique en agissant ainsi ?

Dans le genre erreur stratégique, il y a aussi eu celle de mentionner Icare comme un ami, le mot suffisant à éveiller les soupçons de son paternel comme si elle mentait à ce sujet. Qu'est-ce que ça peut lui foutre ça aussi, sans déconner ? Il veut pas carrément la liste de ses amis, tant qu'il y est, avec du fluo sur les noms de ceux dont elle a partagé les draps ? C'est vraiment ridicule. Il la gonfle tellement à jouer le père contrôlant alors qu'elle sait ce qu'elle fait. Et surtout que ce ne sont pas ses oignons, bordel. « Inutile d’être vulgaire Sara. Tu es supposée être assez grande pour savoir qui sont les bonnes personnes à fréquenter, surtout durant les soirées. » Et bah, s'il la pense vulgaire pour si peu, il est mal barré – si seulement il savait combien sa fille est capable d'être plus trash que ça pour provoquer autrui. « Justement, je le suis. Et Icare est une bonne personne à fréquenter. » Qu'est-ce qu'il en sait, Papa, du fait qu'Icare soit une bonne fréquentation ou non ? Ça se voit qu'il ne l'a pas vu défendre sa fille cette nuit dans la boîte, sinon il changerait d'avis. De toute façon, la vérité c'est que même si Icare n'était pas un tel gentleman, ça n'empêcherait pas la Gutiérrez de le revoir parce qu'elle tient à ce grand idiot.

Et pour couronner cette discussion affreuse, Papa se plaint maintenant qu'elle ne lui présente pas d'excuses. C'est vrai qu'elle aurait pu commencer par ça. D'ailleurs elle y a pensé, elle le reconnaît même à voix haute. Mais se faire engueuler comme une gamine alors qu'elle voulait juste un peu de réconfort après une bagarre où son ami a fini avec un coquard pour la protéger, ça ne l'a pas aidée à être de bonne volonté. Et que son père le prenne mal si ça le chante, elle a décidé de s'en foutre – tout comme lui il se fout de son avis, d'ailleurs. « Déteste-moi si ça te chante Sara, mais je compte bien te montrer que les actions ont des conséquences. » Cette fois, la brune roule exagérément des yeux tout en restant accoudée à la portière, souhaitant qu'il remarque bien ce signe d'exaspération. Elle ne le regarde même plus, elle en a marre, elle veut juste rentrer chez elle et fumer une clope – ou deux, ou douze. « Rudy a terminé en prison deux fois. Cesar aurait pu le suivre. Je refuse de te voir prendre la même direction parce que tu décides que la violence peut être une solution à des prises de tête stupides dans une boîte de nuit. Et ta version des faits ne m’intéresse effectivement pas, car si tu devais avoir des problèmes avec la justice, dire que ce n’est pas toi qui a commencé ne suffirait pas à te défendre. » La brune a envie de hurler. Lui hurler de lui foutre la paix et d'arrêter de tout surinterpréter comme si elle était une future criminelle. Elle a vingt-quatre ans, elle profite de la vie comme tous les jeunes de son âge. Elle sort et elle boit, elle s'amuse et elle danse sur des tables; elle flirte et elle couche le premier soir si elle en a envie. Rien de tout cela n'est un putain de crime. Pourquoi il ne veut pas l'entendre, ça ? « J’ai de toute façon la sensation que cette discussion n’ira nulle part. » Elle lui donne raison sur ce point-là : ça ne sert à rien de discuter s'il fait la sourde oreille dès qu'elle ouvre la bouche. « Pourquoi t'es obligé de tout exagérer comme ça ? J'ai pas fini en prison bordel, y a pas eu mort d'homme, ça va. » Et c'est là, en se rendant compte qu'elle essaie encore une fois de se défendre et de dédramatiser ce qu'elle a fait, qu'elle réalise que ça ne vaut pas le coup. « Laisse tomber, ça sert à rien. Tu m'écoutes pas de toute façon, tu l'as dit toi-même. » Bon, il a en réalité dit que c'était sa version des faits qui ne l'intéressait pas, et pas l'entièreté de ce qu'elle raconte, mais ça revient au même : quoi qu'elle puisse dire, il ne compte pas lui accorder le moindre crédit. Dans ce cas, à quoi bon continuer cette discussion ? S'il se fout de ce qu'elle a à dire, autant finir ce trajet en silence, à maudire dans sa tête le connard de l'Electric Playground et les flics sur douze générations au minimum. Et un peu son père, aussi ce soir – pour masquer l'appréhension qui l'envahit à l'idée de la discussion qu'elle aura avec ses deux parents demain.

(c) Miss Pie
Haut : Harley & dailycamilacabello
Bas : bretzkysbs & littlehorrorshop

I promise I'll be better, Daddy

@Sergio Gutiérrez & Sara Gutiérrez
Septembre 2022, Commissariat de police, Spring Hill

Cette putain de conversation ne mène à rien, et selon Sara c'est totalement de la faute de son père. Elle n'est même pas – plus – ivre, il pourrait au moins l'écouter lorsqu'elle lui explique ce qu'il s'est passé ! Mais non, il ne le fait pas, parce qu'il préfère croire que c'est lui qui a raison alors qu'il n'était pas là au moment des faits. Qu'il n'a pas vu l'autre connard se comporter comme si elle n'était qu'un trophée dont il parlait avec un concurrent, qu'il ne l'a pas entendu l'insulter, qu'il ne l'a pas vu bondir sur Icare comme un sauvage alors que ce dernier lui a épargné un bleu voire un traumatisme crânien que Sara aurait estimé bien mérité. Sergio n'a rien vu mais c'est tout, forcément, c'est hyper logique. Putain ce que le sarcasme lui brûle la langue à cet instant précis, ce qu'elle se retient de pester qu'il a vraiment un don pour tout gâcher. Mais non, elle est sage, se montre raisonnable : continuer cette pseudo-discussion ne sert à rien, ils l'ont compris tous les deux. Ne reste plus qu'à se dire bonne nuit – non – et surtout à demain – fait chier. « Tu penses vraiment tout comprendre à la vie Sara, hum ? » Ah ah, très drôle le sarcasme. Il y comprend quelque chose lui, à la vie, avec ses dix ans de retard pour l'engueuler comme une adolescente qui a fait le mur pour aller boire ses premiers shots ou rejoindre un garçon en cachette ? Ça fait bien longtemps qu'elle n'a pas besoin de l'accord d'un parent pour sortir, et si elle avait su que ça se passerait comme ça elle n'en aurait pas contacté un pour que son enfer au poste de police se termine plus vite. « Je serai ravi d’écouter ta version des faits demain matin. » Ouais, elle aussi sera ra-vie de la lui raconter. Surtout devant Maman, qui va forcément s'inquiéter à en mourir pour que dalle tout ça parce que Papa fait des caprices de discussion d'adultes au réveil. Putain mais quelle connerie.

La brune se retient de répondre durant la fin du trajet, consciente que ça ne sert à rien, bien contente que son père l'ait pigé aussi – puisqu'il ne prend plus la peine de lui faire une série de reproches débiles et exagérés. Appuyée contre la portière, elle regarde les lumières de la ville, aligne intérieurement toutes les insultes qu'elle connaît dans les deux langues qu'elle parle, maudit toutes les personnes qui ont pourri sa soirée – son père inclus, donc –, refuse de penser à la foutue conversation qui l'attend demain. Et finalement la voiture s'arrête, au grand soulagement de Sara qui se décolle enfin de la vitre. Il ne lui reste plus qu'une poignée de secondes à supporter la présence de son père et surtout l'absence de nicotine dans ses poumons. « Va dormir. » Est-ce que répondre « Va te faire foutre » c'est un peu poétique – mais si, c'est une épanaphore – ou est-ce que c'est dépasser les bornes ? Deuxième option, et même Sara en a conscience, ouvrant simplement la portière parce qu'elle ne souhaite qu'une chose : se barrer de là. « Bonne nuit à toi aussi, » grommelle-t-elle, sarcastique au possible, n'en pensant pas une foutue lettre. « Tu peux me détester si tu veux. Mais je ne ferais pas ça si je ne tenais pas à toi. » Et c'est assurément parce que c'est réciproque que Sara se contente de claquer la porte lorsqu'il lui fait signe qu'elle peut partir. Si ce n'était pas Papa, elle aurait sans aucun doute assorti le geste d'un doigt d'honneur qu'il n'aurait pas pu louper.

La porte à peine claquée – bien fort, pour qu'il comprenne qu'elle a les nerfs et qu'elle lui en veut malgré ses prétendues bonnes intentions –, le moteur vrombit de nouveau et voiture disparaît bien au loin dans la rue. Sara, elle, fourre une main dans son sac à main pour en sortir clope et briquet sans une once d'hésitation. C'est un réflexe. C'est tout ce dont elle a envie. C'est tout ce dont elle a besoin – pour ne pas se mettre à hurler dans le jardin comme une folle, pour ne pas ruminer toute la soirée, pour ne pas stresser pour la foutue conversation qui l'attend demain. Juste une clope, ou deux... Ou quatre avant d'aller se coucher, pour calmer ses nerfs et ses angoisses, un soir de plus, car l'alcool semble loin maintenant.

(c) Miss Pie
Haut : Harley & dailycamilacabello
Bas : bretzkysbs & littlehorrorshop