Marvin leva les yeux au ciel avant de regarder l'affichage du score final... il avait perdu. Les Wallabies avaient essuyer une défaite face à la Nouvelle-Zélande, 37 à 39, ce n'était rien comme différence, mais tout de même assez pour désigner un gagnant et un perdant. Un sentiment amer prit place dans le coeur de Marvin, tout ça pour ce résultat... il portait enfin le maillot de son grand-père, son numéro avec les couleurs des Wallabies et il perdait. C'était un échec cuisant à ses yeux, il aurait aimé faire mieux, être plus fort. Être le digne héritier de son grand-père mais non...

Les journalistes sportifs tentaient tous d'avoir son avis sur son premier match, il n'avait pas envie de leur répondre, mais un regard de son coach lui fit comprendre qu'il allait devoir le faire. Alors il se montra courtois, répondit aux diverses questions sans trop grincer des dents, il tentait de garder la face alors que tout ce qu'il voulait faire c'était laisser exploser sa colère et son amertume... pas maintenant... il sourit pour une photo, il fit un signe de main pour les supporters, il signa quelques autographes avant d'enfin prendre la route du vestiaire. Il était le dernier à y rentrer, tout le cirque médiatique lui avait fait perdre tellement de temps... mais au moins il était seul... alors il retourna le premier banc sur son chemin, il lança un ballon de rugby de toutes ses forces contre un mur, il jeta son maillot par terre, il se prit la tête entre les mains, tous ces entrainements pour quoi ? Une défaite... il déglutit avant de se déshabiller pour aller prendre une douche. Parce qu'en plus, sa grand-mère avait organisé une réception en son honneur pour sa première sélection, s'il avait gagné au moins, ça aurait pu être agréable pour lui, là, il rêvait juste de rentrer chez lui et de taper dans un sac de sable. Il prit son temps pour se préparer et se parfumer...

Fin prêt, il ne tarda pas à gagner le lieu de la réception. Il y avait du monde, comme à chaque fois qu'un événement était organisé par Celie Pearson elle-même. Quand il rentra dans la pièce principale, on ne tarda pas à l'applaudir. Sa mâchoire se contracta, ses poings se serrèrent et il afficha un sourire forcé sur son visage. Son regard était orageux et quand il croisa le regard de sa grand-mère, il baissa les yeux et inspira longuement pour se reprendre. Sa famille attendait mieux de lui. Sa mère fut la première à venir le serrer dans ses bras, elle passa ensuite sa main sur son visage dans un geste tendre. « You did well my little prince » murmura sa mère. Il inspira avant d'hocher la tête, il releva les yeux pour retomber sur le regard de sa grand-mère, il comprit le message "do better"... il n'avait pas le choix de toute façon, alors il se lança dans l'arène, il salua beaucoup de gens, il prit des photo, signa des autographes, il parla du match avec des amateurs qui n'y connaissaient rien mais il gardait le sourire malgré tout. Plus vite il aurait fini ce cinéma, plus vite il pourrait s'esquiver. Il alla vers la prochaine personne à saluer quand il pilla net. « Tata Vivie » laissa-t-il échapper avant de se racler la gorge. « Tante Evelyn, je ne pensais pas que tu serais présente. » se reprit-il rapidement, c'était un adulte désormais et il n'était plus si proche de cette tante devenue un peu une étrangère à ses yeux... il avait entendu ses jeunes cousins reprendre ce surnom de "Tata Vivie" mais il ne se sentait plus légitime à l'utiliser, même si c'était lui le premier qui l'avait introduit. C'était une autre époque, un autre temps dont il gardait peu de souvenirs dans le fond. « Comme tu n'es pas fan de tout ça... » et le ça englobait tellement de choses, entre autres le rugby, la foule, les réceptions, les journalistes, les curieux et sans doute un ou deux trucs en plus mais là comme ça, il ne savait plus trop. Il fronça alors les sourcils en réalisant que sa tante Evelyn ne l'avait sans doute plus vu jouer depuis qu'il était un enfant... et il fallait qu'elle soit là alors qu'il perdait ? Il aurait au moins souhaité laisser une meilleure impression que celle du perdant...

Marvin avait toujours beaucoup tenu à son image de marque, mais honnêtement, ce soir, il était même difficile pour lui de maintenir la "façade", il était frustré, sa défaite restait amer à ses yeux et il n'avait de cesse de sourire pour une énième photo, de serrer des mains et d'écouter les conseils d'amateur qui se croyaient des experts en rugby parce qu'ils regardaient tous ses matchs à la télé... c'était vraiment très frustrant pour lui, il aurait eu une victoire, il aurait pu profiter de façon sincère et il aurait fait semblant d'écouter les gens présent pour lui... mais ce soir, c'était un peu au-dessus de ses forces ! Là il rêvait juste de rentrer pour regarder son match et analyser son jeu et repérer ses erreurs. Pour beaucoup, Marvin n'était qu'un corps sculpter pour le sport, c'était vrai en un sens, mais son sport, il le vivait et le comprenait mieux que quiconque, il l'analysait toujours avec attention, il pouvait le regarder pendant des heures sans jamais s'en lasser. C'était tout ce qu'il avait. C'était tout ce qu'on lui demandait de faire : jouer au rugby.

Sauf que lui l'avait pris à coeur, il ne voulait pas juste jouer, il voulait être le meilleur, il voulait qu'on écrive de lui qu'il était bien l'héritier de son grand-père et qu'il avait sa présence et sa majesté... perdre... perdre c'était inadmissible pour lui. Perdre avec le maillot et le numéro de son grand-père... ça lui mettait les nerfs et lui brisait le cœur. Il n'avait pas assuré. Il n'avait pas été assez bon. Il n'avait pas encore son niveau. Il eut comme un coup au cœur à cette pensée. C'était pourtant tout ce qu'il avait, il n'avait jamais fait d'étude, il n'avait jamais été vraiment bon à l'école, il avait fait son possible, mais il avait toujours tout misé sur le sport et rien d'autres. On lui avait tracé une route et il l'avait suivi sans réfléchir plus loin que ça. C'était son destin, c'était tout, il n'y avait aucune autre alternative pour Marvin Clemens-Pearson. Et jusqu'à présent, ça ne lui avait jamais fait peur... mais là, ce soir, les choses étaient remises en perspective... sauf qu'il n'avait pas le droit d'exprimer la moindre crainte. Il se devait d'être parfait. Même après une défaite. Aucune faille ne pouvait être visible.

Alors il avait continuer son tour et était tombé à sa plus grande surprise sur la tante qu'il s'attendait le moins à voir ici dans cette fête pour lui : Evelyn Pearson elle-même. La troisième des soeurs Pearson, celle qui s'était envolée pour l'Angleterre afin de mettre une distance au sens littérale avec son clan. La mère de Marvin n'avait jamais tenu de propos désobligeant pour sa cadette, Enola était la seule qui avait toujours eu des mots neutres pour sa sœur absente, laissant Marvin un peu dubitatif, comment ne pas lui en vouloir alors qu'elle avait laissé sa famille en plan pendant 15 ans ? Lui savait que si Millie lui faisait ça, ça lui briserait le cœur. Lui se rappelait de "Tata Vivie" avant son départ, il était un enfant quand elle était partie, elle n'était pas vraiment une adulte à l'époque, ils avaient à peine 10 ans d'écart après tout, mais il se rappelait avoir été triste un peu à son départ, puis il l'avait juste oublié, à force de ne plus la voir, à force de manquer tant d'événements de sa vie, il était devenu un adolescent et puis un homme sous les yeux de sa famille, mais pas celui de sa "Tata Vivie", à ses yeux elle était devenue petit à petit cette tante dont où doutait par moment de l'existence, il se présentait toujours comme ayant deux tantes avant de se rappeler que non, mais il ne corrigeait jamais sa faute, il avait deux tantes qu'il aimait plus que tout et une troisième tante dont il ignorait tout. Ils ne se connaissaient pas, il ne savait même pas ce que sa tante pensait de lui... ils n'avaient pas fait d'efforts vraiment, lui comme elle, elle était trop différente de lui et ils avaient si peu en commun, du moins, il s'en était toujours persuadé, du coup, il l'observait de loin mais passait très peu de temps à chercher sa compagnie ou sa présence... parce qu'il ne savait pas trop quoi penser d'elle maintenant qu'elle était revenue dans leur vie comme une fleur. Il avait voulu se caler sur les autres membres de sa famille pour savoir quel comportement adopter avec elle, mais chaque soeurs Pearson avaient une relation particulière avec Evelyn rendant la tâche ardue pour lui.

A ses yeux, elle restait cette tante qui venait et pouvait repartir à tout moment de leur vie. Mais ce soir elle était là. C'était surprenant mais pas vraiment désagréable de voir son effort, même s'il restait sceptique. C'était sans doute une erreur. Elle tenta qu'il l'appelle Evie mais... « Evie... » il plissa le nez, ça sonnait étrange sur ses lèvres et dans ses oreilles, ils n'étaient pas assez proche pour ça clairement, mais elle restait sa tante et sa mère lui tirerait sur les oreilles si elle apprenait qu'il était irrespectueux d'une quelconque façon avec sa cadette. « Tante Evelyn c'est très bien » finit-il par conclure dans un soupire. Il restait étonné de sa présence jusqu'à ce qu'elle avoue à demi-mot qu'elle n'était là qu'à la demande de sa mère et qu'elle comptait déjà partir. Il l'observa et comprit, elle n'était pas là par choix, uniquement parce qu'elle était tombée dans le piège de Celie Pearson. « Je pense que ça aurait fait plaisir à maman de te voir. Mais fais comme tu veux tante Evelyn, c'est ce que tu as toujours fait de toute façon. » finit par dire le jeune homme d'un ton indifférent, certains entendraient des reproches, à ses yeux, c'était juste exposer platement un fait. Evelyn n'était pas là pour lui. C'était déjà plus compréhensible qu'elle venant à un de ses match pour l'encourager. Et pourtant, très gauchement, elle le félicita pour son premier match en sélection nationale. Il se figea avant de comprendre que tout ça l'indifférait tellement qu'elle ne savait pas l'issue du match. Aucun autre Pearson ne l'avait félicité, ils lui avaient tous dit qu'il avait bien joué ou fait de son mieux... une lueur déçue traversa son regard qu'il effaça rapidement d'un revers de main, il eut pour elle le même sourire calculé et faux qu'il avait eu pour le reste des gens avant de répondre. « Merci, j'espère qu'on obtiendra une victoire au prochain match cela dit... » fit-il d'un ton neutre. Il avait comme un goût métallique en bouche, c'était désagréable. Il commençait à serrer les poings rendant ses jointures blanches, il était tellement en colère et sa rencontre avec Evelyn était tellement... étrange, que son masque était entrain de tomber... il se reprit en baissant les yeux et en inspirant longuement. Il n'avait jamais rien attendu de cette tante et il arrivait tout de même à être déçu, c'était là la triste réalité de cette rencontre. Heureusement, un serveur arriva à ce moment et Marvin attrapa une coupe qu'il offrit à sa tante, il demanda après de l'eau pour lui et on lui ramena son eau avec précipitation, il murmura ses remerciements avant de trinquer avec son aîné « Je sais que tu voulais partir, mais un verre avec le perdant du soir ne se refuse pas... » ironisa-t-il légèrement, mais c'était plus contre lui-même qu'elle. « Pourquoi ton petit-ami n'est pas là ? Il aurait sans doute plus apprécié cette soirée que toi... » évidemment qu'il était au courant de la relation de sa tante, sa grand-mère n'avait de cesse d'en parler en ce moment, c'était son sujet préféré. Il en aurait presque été jaloux s'il n'avait pas mis toute sa concentration sur son sport, il avait assez de problèmes à régler dans la vie, les rumeurs qui tournaient autour de lui l'indifférait, il y était habitué, ce qui l'ennuyait, c'était les répercussions des mensonges sur les sponsors et sur certains de ses coéquipiers qui le regardaient désormais comme s'il avait une maladie incurable et dont il ne fallait pas approcher.

Marvin observait sa tante avec attention, tentant de deviner ce qu'il lui passait par la tête, c'était difficile pour lui d’interpréter ses expressions, de toutes ses tantes, elle était celle dont il était le moins proche, il était distant avec elle, presque froid, il voulait bien l'admettre, parce que dans le fond, ils se connaissaient très peu, il ne la "détestait" pas, mais il ne savait juste pas comment... l'aborder. Mais elle comptait pour sa mère et ça voulait dire quelque chose pour Marvin qui avait une confiance aveugle en Enola et ses jugements. Elle n'avait jamais été étouffante avec lui, juste... une supportrice invétérée qui l'avait toujours encouragée, qui lui avait toujours dit de faire de son mieux dans sa passion et elle l'avait aidé un maximum pour l'aider à réussir, s'assurant d'avoir les meilleurs coachs sportif pour lui et ce genre de détails qui au final l'avait aidé à devenir le joueur professionnel de rugby qu'il était aujourd'hui. C'est pour ça que quand sa tante accepta de saluer sa mère, son cœur s'apaisa un peu. Si elle faisait des efforts pour Enola, alors ça comptait pour Marvin tout simplement.

Mais le sujet sur sa défaite le rendit morose, il n'était pas un bon perdant, il aimait la victoire comme toutes personnes qui se respectent, mais il prenait vraiment mal chaque défaite. Et devoir... sourire et jouer le jeu à cette soirée organisée par sa grand-mère n'était pas une mince affaire pour lui. Mais il faisait de son mieux, et il accepta les encouragements d'Evelyn. « J'espère que je ferais mieux au prochain match » dit-il tout en haussant les épaules, que pouvait-il souhaiter d'autres ? Le match ne reposait pas que sur lui après tout. Il était un seul joueur, mais il aurait voulu une autre fin à cette rencontre, il aurait voulu un autre départ pour ses débuts avec les Wallabies. Sa tante le félicita pour son entrée dans l'équipe nationale, elle le faisait avec un train de retard, mais on lui avait toujours dit que c'était l'intention qui comptait et ici, il voyait bien qu'elle était sincère dans ses propos, même si dans le fond, tout ce sport ne l'intéressait pas, après tout, ça, c'était le domaine de Marvin, domaine qu'il ne partageait avec aucune autre personne de son clan si on omettait son défunt grand-père. « C'est tout ce que je sais faire, c'est tout ce que j'ai... je dois tout faire pour être le meilleur... » et faire honneur à Kai Pearson ne fut pas dit, mais hautement sous-entendu. Pour beaucoup, il était vu comme quelqu'un d'arrogant, parce qu'il savait qu'il ne pourrait pas se contenter d'être un "bon" joueur de seconde zone, ce n'était pas pour ça qu'il s'était entrainé toute sa vie. Il avait fait les sacrifices nécessaires pour être un joueur incontournable, c'était tout ce qu'il voulait dans le fond, ne pas être juste la pâle copie de son grand-père. Et sans doute parce que sa tante était tout de même plus empathique qu'il ne l'aurait crû, elle déposa une main compatissante sur son épaule, il cligna des yeux, surpris mais il apprécia le geste pour ce qu'il était. « ça pourrait être pire... c'est le jeu... mais je n'aime pas perdre et ça ne risque pas de changer ! » avoua-t-il sur un ton un peu pincé, il avait une petite moue ennuyé, perdre... c'était à chaque fois comme une grosse claque à ses yeux, le soucis ici, c'était toutes les influences externes à son sport, les dernières rumeurs l'impactant avaient rendu sa relation avec ses nouveaux coéquipiers plus... "tendue" qu'avec ses coéquipiers des Queensland Reds qui le connaissait depuis des années, ceux des QR savaient comment il était... mais ses nouveaux coéquipiers chez les Wallabies étaient prudent et méfiant... et construire une cohésion dans ce genre d'ambiance était compliqué. Mais il ne voulait pas se plaindre. Il encaissait et restait focus. Répondre à ce genre de rumeurs pouvaient être... dangereux pour son image.

Il sentait que sa tante voulait partir, trop de monde sans doute à ses yeux, ce soir, il la comprenait, lui aussi aurait rêvé pouvoir s'éclipser mais... il ne pouvait pas. C'était pour lui cette fête en grande pompe. Mais s'il ne pouvait pas partir comme bon lui semblait, il retint un peu plus longuement sa tante en lui offrant un verre, une coupe de champagne pour elle, une eau pour lui. Il ne buvait pas, ne s'était jamais autorisé cet écart. Il demanda après le petit-ami de sa tante, sujet neutre et qui le rendrait moins sur les nerfs à tous les coups. Rhett Hartfield était un ancien joueur professionnel, au moins, il avait la même passion du jeu l'un comme l'autre, et puis, Marvin était peut-être sûr de lui, mais il prenait toujours à coeur les conseils d'anciens joueurs. « J'imagine qu'il aurait pu me donner quelques conseils sur tout un tas de choses » finit par répondre Marvin avec un sourire mutin. En entendant Evelyn parler de Celie, il eut un petit sourire aux lèvres, entendant presque sa mère dans ses propos. « Grand-mère prévient rarement de ce qu'il lui passe par la tête... et quand elle prend une décision, c'est souvent irrévocable et... on ne peut pas refuser tout ça» avoua-t-il tout en grimaçant et en faisant un signe large de main imitant presque sa tante pour la peine, faisant comprendre que cette soirée d'après match n'était pas de son ressort. Il se passa la main sur le visage, il était fatigué et essoré déjà. Mais il devait accepter son rôle dans sa famille, il était une image de marque, il ne pouvait pas flancher, pas lui, pas le premier petit-fils de la famille. Evelyn avoua ne pas être la meilleure pour les encouragements, il pencha la tête sur le côté. « Je n'ai pas besoin d'encouragement, je sais ce que je vaux. J'aimerais juste... » il hésita, pouvait-il se confier à sa tante ? Pouvait-il vraiment lui faire confiance ? Après, ce n'était pas un secret, quand on faisait une recherche sur lui, c'était souvent le premier "pute à clic" qu'on trouvait le concernant : Marvin Clemens-Pearson est-il gay ? Il se décida à se confier à elle, parce qu'elle devait savoir ou connaitre au moins ce sentiment et il avait besoin d'un retour de quelqu'un qui serait honnête avec lui. Les Pearson restait un clan dont Marvin faisait partie et il aimait à croire qu'il pouvait leur faire confiance à tous. « les rumeurs me concernant... j'aimerais qu'on me laisse me concentrer sur mon sport sans qu'on vienne m'interroger sur des affaires qui ne concernent personne en soit. » il s'humecta les lèvres et plissa le regard. « Je suis gay d'après certains magazines, c'est flatteur d'un côté, mais dans mon sport... » il grimaça et baissa le regard, un monde de macho... c'était une réalité. Un monde d'homme où la moindre faiblesse, la moindre empathie était souvent vue comme étant des comportements de tapette. Il n'avait jamais approuvé ce genre de terme, il les trouvait réducteurs, mais il était sur une corde raide et s'il s'affichait clairement en défenseur de la cause gay, il avait peur de perdre des sponsors, il était dans une situation agaçante. Il savait ce qu'il devait faire, il n'en aimait pas les conséquences. Alors il préférait prendre son temps pour s'assurer ne pas commettre le moindre impair.

Le monde était vaste disait sa tante. Sans doute que c'était la réalité de l'enfant qui était parti... mais lui pas... lui avait un rôle à jouer désormais, et ce rôle devait être joué depuis Brisbane, c'était le seul endroit pour lui, c'était ici que vivait sa famille et où il y avait la Fondation. Quand Evelyn était partie, il n'était qu'un enfant, plus jeune à l'époque que ses jeunes cousins Nathan et Nell... aujourd'hui, il avait une responsabilité, où il se l'était auto-attribué ? Il ne savait plus trop. En tout cas, il devait reprendre le flambeau de son grand-père, pendant longtemps, il avait été le seul à pouvoir le faire. Et il avait fait sa vie avec cet objectif en tête... du coup il avait foncé sans même chercher à regarder ailleurs, à prendre le temps d'étudier d'autres possibilités. « Peut-être, sans aucun doute même... mais j'aime le rugby, vraiment. J'aurais pas l'impression... d'être entier si on me le retire... et je pense pas qu'un autre boulot puisse être aussi passionnant à mes yeux. » et puis si on lui retirait le rugby, il était presque certains qu'on le flanquerait à la Fondation, on lui créerait un rôle sur mesure, certes, mais il s’ennuierait à tous les coups. Même si c'était un très mauvais perdant, il préférait perdre au rugby plutôt que de ne pas jouer du tout. « Je préfère quand je gagne, je sais au moins que tout mon entrainement n'a pas été vain. Là, ça me frustre et j'ai juste envie de taper dans un sac pour calmer mes nerfs... et je sais perdre, je déteste juste ça. Être humble, être fair-play, je laisse ça aux autres... ça m'horripile. » et c'était vrai, il ne supportait pas tout ça et il ne mentait pas là-dessus. Raconter que l'important c'était de faire de son mieux... nope, l'important c'était de faire de son mieux, de tout faire pour gagner et d'obtenir des résultats, sans quoi, on était remplacé. Le domaine du sport n'avait aucune pitié, pourquoi lui devrait faire preuve d'amabilité dans ces conditions ?

Elle affirma qu'il pouvait tout lui dire, parce qu'il avait avoué à demi-mot que la présence de Rhett aurait pu être bénéfique. Il aurait pu lui poser des questions sur leur sport déjà. Elle voulait savoir sur quoi, elle faisait preuve de curiosité. Et elle usait de la carte famille pour avoir une réponse. Elle pouvait dire ce qu'elle voulait, c'était bien une Pearson, jouant de toutes ses cartes pour arriver à ses fins. S'en rendait-elle seulement compte ? Il eut un petit sourire au coin. « Des questions techniques sur le sport et sur la gestion de la carrière dans son ensemble » expliqua-t-il simplement, se doutant qu'elle n'avait pas grand chose à apporter à un sport qui ne l'intéressait pas tant que ça finalement. Il la vit porter un regard absent sur la fête, c'était bien évidemment la matriarche du clan Pearson à l'origine de tout ce faste et l'ensemble de la famille —ou du moins une grosse partie— c'était plié au jeu. Cherchaient-ils vraiment à échapper à l'emprise que Celie exerçait sur leur vie ? Pour Marvin, il était clair que non au vu de l'endroit où il se tenait alors qu'il aurait préféré être partout ailleurs qu'ici. Evelyn lui rappela alors qu'elle avait eu le temps d'analyser Celie Pearson bien avant lui... « Et quelle est ta conclusion sur notre chère matriarche ? » finit-il par demander, curieux quelque part de savoir ce que sa tante pensait sur la question.

Il décida de se confier un peu à elle, il avait besoin d'un avis extérieur mais pas trop non plus, il l'évoquait avec certains amis, mais ils ne comprenaient pas vraiment ce qu'impliquait une mauvaise pub quand leur nom de famille était Pearson, lui avait encore la chance d'être un Clemens-Pearson, parfois ça lui sauvait un peu la mise, d'autres fois non. « Je ne m'attendais pas à ce genre de rumeur... à la prise de stéroïde à la limite... je m'y étais préparé, mais pas à devoir justifier ma sexualité. » avoua-t-il platement. Il soupira avant de se passer la main dans ses cheveux court. Sa tante ne comprenait pas trop qu'on puisse juger quelqu'un là-dessus à cette époque... lui, il comprenait un peu trop bien ce qui était difficile à avaler, alors il tenta de lui expliquer. « Ce n'est pas l'homosexualité le soucis, c'est le sport dans lequel j'évolue, c'est un "sport d'homme", la société a fait un pas en avant... mais on reste en arrière sur beaucoup de choses en Australie quand ça concerne les hommes et leurs... "émotions"... » il se rappelait toute la compagne qu'il y avait eu sur le fait d'ouvrir son coeur en tant qu'homme afin de palier à l'augmentation de suicide chez les hommes dans leur pays dû au mal être qu'ils ressentaient dans cette société, il se rappelait avoir regardé la pub une fois avant de couper la télé tant ça lui avait paru ridicule. Les hommes gardaient tout et ils avançaient malgré tout, c'était là sa vision de la vie à l'époque, il aimait à penser qu'il avait un peu évoluer mais ça restait compliqué de s'ouvrir sur un tas de sujet. Elle ne voulut même pas avoir la réponse sur sa véritable orientation sexuelle, il eut un petit sourire assuré avant de répondre. « Je peux être tout ce que je veux, c'est ce qu'on m'a toujours dit dans cette famille, non ? » elle lui proposa de lui donner des conseils pour l'aider à gérer cette folie médiatique qu'il espérait passagère. « Je suis tout ouïe à tout conseil, je prends ce qu'il y a à prendre... tata Vivie... » rajouta-t-il l'air mutin et sans doute aussi pour détendre un peu cette atmosphère toute... bizarre entre eux. Ce n'était pas désagréable, juste étrange.

Celie Pearson était un personnage clé dans sa vie. Elle n'était pas le centre de son monde, mais à chaque fois qu'elle y entrait, elle avait des exigences. Elle n'était pas trop sévère mais elle savait ce qui était le mieux pour chacun. Chacun avait sa propre pierre à apporter à l'édifice familiale, c'était ainsi qu'elle avait toujours présenté les choses. Et Marvin n'avait jamais remis en cause les paroles de sa grand-mère. Il l'écoutait avec dévotion et respect. Elle était sans doute moins sévère avec lui parce que quelque part, il avait coché toutes les bonnes cases pour rentrer à la perfection dans ce rôle qu'on lui avait attribué dès son plus jeune âge. Il n'avait jamais tenté d'aller à l'encontre de ce destin tout tracé. Evelyn lui confia qu'il était trop vieux maintenant pour le mettre en garde contre Celie, ce qui était vrai en un sens. « Mais pas mes jeunes cousins... » finit-il par dire dans un souffle tout en observant la fête d'un œil indifférent. S'il y avait des Pearson à sauver, c'était sans doute sa soeur et les plus jeunes du clan. Et même si lui s'était au final assez bien glissé dans son rôle... il savait que la pression d'avoir un nom de famille composé avec "Pearson" dedans restait compliqué... et il s'inquiétait évidemment pour les plus jeunes sans pour autant avoir les mots pour les aider. Il n'était pas un homme de mots, il ne l'avait jamais été et il ne cherchait pas à le devenir, chacun était doté de ses propres facultés, lui était dans l'action, il était plus dans les petits gestes que dans les grandes déclarations. Mais il n'était pas idiot, si une Pearson pouvait influencer la prochaine génération en trouvant les bons mots... il était clair à ses yeux que ce rôle était tout trouvé pour Evelyn, après tout, elle avait réussi à faire ce que ses sœurs n'avaient jamais osé tenter.

Elle tentait néanmoins de lui faire la morale en parlant de son intégrité, oui, elle était remise en cause quelque part, il devait bien l'admettre qu'elle venait de mettre le doigt sur un point agaçant de sa vie en ce moment. Il grimaça avant de se pincer le nez, comme pour s'aider à trouver les bons mots pour répondre à sa tante. « Honnêtement ? Je préférerais qu'on me critique sur ma façon de jouer plutôt que sur qui je mets dans mon lit. Pour le reste, je laisse la com gérer toute cette histoire, je suis presque sûr d'être incapable de savoir répondre à leur question sans commettre une erreur d'une quelconque façon » avoua-t-il en fronçant les sourcils, conscient de ses propres lacunes sur le sujet.

Quand elle parla de fossé générationnel, il sourit en coin sans pouvoir s'en empêcher. Il n'y avait pas tant d'année d'écart entre eux pourtant. "Ça reste de l’homophobie, quoi que tu en dises, et quoi qu’ils en disent." il baissa le regard, il en était conscient aussi. Au départ, il avait juste voulu tout nier en bloc avant de réaliser les conséquences. Il avait reçu des messages de gamins qui le remerciait, d'être l'exemple dont ils avaient besoin pour continuer le sport malgré leur préférence sexuelle. Il avait été surpris avant de comprendre qu'il était en réalité pour beaucoup, uns des premiers joueurs encore actif à faire une sorte de coming out... ce qui l'avait secoué avant de le rendre plus hésitant sur les démarches à suivre, ne voulant blesser personne par inadvertance. « Je sais que c'est un sujet qui ne devrait pas être si délicat... mais... il l'est dans mon sport, j'aurais aimé que ce soit autrement. J'aimerais réussir à changer quelques mentalités au passage si je le peux » et ça aussi c'était vrai, il aurait voulu que l'orientation sexuelle des gens ne remettent pas leur capacité à jouer, il serra légèrement le poing avant de détendre sa main et d'offrir un sourire légèrement crispé.

Sa tante lui parla ensuite avec beaucoup de lucidité, il l'observa sans rien laisser passer sur son visage, l'écoutant tout de même avec une attention non feinte. Elle parlait sur un ton posé, un ton qui dans le fond la caractérisait assez bien. Elle n'avait pas tord, cependant, il devait bien admettre que cette vie était aussi son choix. Du moins, il en avait la conviction la plus profonde qu'il n'aurait rien su faire d'autres que ce sport. Mais comme elle l'avait dit, c'était aussi peut-être ce qu'on lui avait laissé entendre... toutefois, il n'était pas triste ou déçu de son sort, il ne vivait pas dans un torrent de regrets, il aimait sa vie, il appréciait son sport malgré tout et il ne regrettait rien. Au final, on pouvait même dire qu'il était globalement heureux, c'était déjà pas si mal. « J'ai du mal à voir en quoi les idéaux de notre famille sont mauvais... mais tu as sans doute raison pour le reste en un sens. Cela dit, si je devais être tout à fait honnête, je ne sais même pas ce que je pourrais être en dehors de "ça" » avoua-t-il en se pointant du doigt dans sa globalité, il savait qu'il jouait un rôle, il en était conscient, mais qu'était-il en dehors de ce rôle attribué ? Il n'en avait aucune idée. Il l'avait depuis si longtemps, ça faisait partie intégrante de qui il était. Sa tante avoua sans détour qu'elle était arrivée trop tard pour lui donner le moindre conseil, qu'elle manquait de crédibilité aux yeux des autres membres de la famille, il arqua un sourcil. « Ma mère te fait confiance, pour moi, c'est assez à mes yeux pour que je t'écoute autant que mes autres tantes » avoua-t-il d'un ton sincère. Il savait que si sa grand-mère l'apprenait, elle ne risquait pas d'apprécier... mais il ne voulait pas décevoir sa mère. Elle l'observait avec bienveillance quand elle lui conseilla de faire attention à lui. « Je fais toujours attention à moi » il se passa la langue sur les lèvres tout en fronçant un peu des sourcils. « Reste à la marge de la famille, au final, ça t'a réussi tante Evelyn » lui conseilla à son tour Marvin. Si lui n'était pas triste de son sort, il savait que sa tante aurait plus de mal à accepter un rôle prédéfini par Celie, alors autant qu'elle continue sa route en pensant à elle et son bien-être, c'était tout ce qu'il pouvait lui souhaiter.

Sa tante s'étonna qu'il n'ait pas une meilleure formation en communication, il ricana légèrement, les yeux pétillant soudain de malice, elle n'avait pas été là pour connaitre le calvaire qu'avait été les années scolaires contrairement à ses sœurs qui avaient courageusement tenté de le motiver à étudier pour l'école... il n'avait jamais eu que le rugby dans la tête, il étudiait les formations, les tactiques et le jeu de son grand-père depuis son plus jeune âge, mais tout le reste était juste inintéressant à ses yeux, étudier, attendre sur un banc qu'on lui enseigne quoique se soit... c'était pour les autres mais pas pour lui. Les femmes Pearson avaient essayé de le raisonner, de l'obliger à faire plus qu'acte de présence à l'école, mais il était resté sur ses positions, c'était le rugby ou rien et il ne voulait faire des efforts que là-dedans... il n'avait pas été un ado trop difficile, il n'avait pa s fait la fête à outrance, mais il avait toujours été borné. Il se pencha en avant vers sa tante, parlant sur le ton de la confidence. « Tante Ethel a vainement essayé de m'apprendre... au final, elle a jeté l'éponge en disant que j'étais un cas désespéré qui n'avait que le rugby en tête. Ma com' a été depuis confiée à ma sœur. » et il lui laissait quartier libre, il lui faisait confiance à 1000%, il savait que sa sœur faisait au mieux pour lui, qu'elle était son pilier et son plus grand soutien inébranlable. Il ne savait pas trop ce qui serait décidé sur les propos qu'il allait tôt ou tard devoir tenir, mais pour une fois, il voulait avoir un droit de regard sur le sujet. Et c'était bien une première qu'il s'intéresse à ce sujet si loin de son sport qui était le centre de son petit monde depuis qu'il avait tenu son premier ballon de rugby dans les mains.

Il sentait que sa tante s'inquiétait un peu pour lui en un sens, il comprenait son hésitation sur ses choix de vie mais elle n'avait pas été là toute son adolescence, elle était passé du stade enfant à adulte sans trop voir tout ce qu'il avait traversé, il ne disait pas qu'il n'y avait pas l'influence de son clan sur ses choix en un sens, mais il aurait pu choisir un autre destin, un autre sport, sa mère ne l'aurait pas cadenassé à faire du rugby comme son grand-père, elle l'avait encouragé à poursuivre ses rêves tout simplement et il vivait un rêve éveillé à ses yeux, il marchait enfin dans les pas de son grand-père et il se sentait "digne", pas juste une pâle ombre ou copie —même si plus d'une mauvaise langue tenait ce genre de propos— il avait fait les efforts et sacrifices nécessaires pour être là. « Je vis mon rêve, je sais que j'ai de la chance, que beaucoup n'ont pas cette possibilité et cette réussite. Je n'ai peur ni de la gloire ni de la chute, je suis préparé à tout affronter parce que si c'est le prix à payer pour vivre mon rêve je n'ai qu'à l'accepter. » il était conscient que sa tante tentait d'être bienveillante pour lui, elle faisait un effort alors il écoutait et enregistrait ses propos dans un coin de son esprit. Il grimaça quand elle parla de retraite, il savait que ça allait arriver dans les 10 ans à venir à tout casser, mais il ne voulait pas trop y penser. « J'ai quand même le temps de voir venir... je débute juste là avec le maillot des Wallabies... je sais que ce n'est pas le meilleur premier pas cette défaite de l'équipe mais je veux profiter du début avant de penser à la fin, vivre le moment présent pleinement » il grimaça légèrement en répondant à sa tante, il savait qu'il devait faire attention, qu'il n'était pas à l'abri d'une blessure, mais il ne voulait pas trop y penser pour ne pas se porter l'oeil.

Il savait que sa tante Evelyn était à la marge de la famille, elle était la seule qui était partie, qui avait laissé l'influence de son clan derrière elle. Lui n'y avait même jamais pensé pour sa part, il ne disait pas par contre que l'idée ne l'avait pas effleuré pour sa sœur, elle était si timide, si discrète, être scrutée sans cesse n'était pas pour sa cadette et son côté ultra protecteur ressortait dès qu'on tentait de toucher à Millie. Elle méritait intimité et discrétion... chose peu évidente d'obtenir quand on faisait partie de la famille Pearson, heureusement, elle avait su trouver une sorte d'oasis de paix auprès des Clemens. Et sa tante Evelyn avait su s'épanouir en Angleterre, le résultat était là en évidence sous ses yeux après tout. Il l'admit sans hésitation, elle était épanouie et c'était grâce aux choix qu'elle avait pris dans sa jeunesse. Quand elle lui fit remarquer qu'il la félicitait pour son égoïsme, il eut un petit sourire en coin, effectivement, ce n'était pas faux. « J'aime l'idée d'être unique... » répondit-il avec un brin d'amusement et d'arrogance typique dans la voix. Mais il redevint sérieux en entendant les derniers propos de sa tante, il prit le temps de réfléchir, d'enregistrer ses mots, il s'humecta les lèvres avant de finalement prendre la parole à son tour. « Je peux essayer mais je ne fais aucune promesse. » parce que c'était compliqué pour lui de penser autrement, il avait toujours été rigide sur une tonne de points et de principes. Quand il avait dit qu'il voulait être rugbyman professionnel quand il n'était encore qu'un enfant, il avait presque "scellé" son destin sans même chercher une porte de sortie si jamais il n'allait pas réussir.

Il finit par croiser le regard doux de sa mère dans la foule et il l'indiqua de la tête à sa tante. « Maman est là si tu veux la saluer avant de t'éclipser en toute discrétion. C'est tellement dommage que je ne puisse pas faire pareil... » avoua-t-il avec une petite moue boudeuse inscrite sur son visage. « Merci... tata Vivie » rajouta-t-il en dernière seconde, il aimait l'idée qu'il pouvait l'agacer même en la remerciant. Elle l'avait écouté, ça lui avait fait du bien, même s'ils ne se comprenaient pas toujours, ils avaient fait l'effort de réellement discuter ensemble et... ça avait apaisé son coeur.