Nous sommes deux inconnus. C’est la seule chose à laquelle j’arrive à penser dans cette réunion. A quoi est ce que je m’attendais ? Il est évident que nous devons rester professionnel, évident qu’ici nous ne sommes rien de plus qu’un client et son avocat. La distance va de pair avec notre relation professionnelle. Elle est sans doute exacerbée par notre relation tout sauf professionnelle le reste du temps et qui elle est un secret. Des semaines que je ne l’ai pas vu, depuis la dernière fois où je suis passée à Londres pour d’autres clients et que j’en ai profité pour aller le voir. Et pour nos retrouvailles j’aurais eu le droit à une poignée de mains habituelle. Je tente de garder la tête froide, exposant le dernier contrat que nous avons réussi à négocier pour la Maison Sighbury concernant leur prochaine collaboration. Je descends le document juridique sans un faux pas, avec une aisance naturelle, mon regard passant des uns aux autres et s’il s’arrête régulièrement sur Carmine c’est uniquement parce qu’il est celui qui aura le dernier mot aujourd’hui en tant que le plus haut placé des personnes représentées ici. Mais mon regard ne s’attarde jamais, ne laisse rien percevoir alors que je me force à ne pas m’arrêter trop longtemps sur le bleu de ses yeux.
Alors qu’un de mes collaborateurs expose un point de droit, je me rassois. J’attrape mon téléphone, tapant discrètement un message à la destination de l’anglais. « Je suis au Ritz-Carlton. On se voit ce soir ? » Nous ne sommes pas à Los Angeles mais à New York où j’ai fait le déplacement car son prochain défilé est cette semaine. Mon cabinet a un bureau à New York, ce qui me permet de faire facilement le déplacement, c’est sûrement la ville où je passe le plus quand je ne suis pas à Los Angeles. Les hôtels de luxe sont payés par mon cabinet, à la hauteur des clients que nous fréquentons. Je joue un jeu risqué, je le sais. J’aurais dû attendre que notre rendez-vous soit terminé. Mais comme toujours je n’ai pas résisté, jouant un peu plus avec le feu à chaque fois que l’on se voit.
Le soir même, je l’attends dans ma chambre d’hôtel, incapable de rester en place, j’ai troqué mon costume de l’après-midi pour un autre, plus élégant et plus original, délaissant la veste pour ne garder que le gilet du trois pièces. Je remonte les manches de ma chemise, hésitant à me servir un verre de vin pour patienter jusqu’à son arrivée. J’ai bien sûr amené quelques unes de mes meilleures bouteilles avec moi. On finit par frapper à la porte et je vais lui ouvrir. Je connais les règles, attend que la porte soit refermée et qu’enfin nous sommes dans notre intimité pour laisser mon regard parcourir son visage, s’attarder sur ses yeux si bleus. « J’ai failli commencer l’apéro sans toi. » je lance provocateur, avec un sourire mutin avant de m’avancer. Dire que la journée a été longue est un euphémisme, à croire qu’il me manque un peu plus à chaque fois. Ma main vient caresser sa joue, mes lèvres viennent trouver les siennes, s’y attardent un moment. Avant de souffler dans un murmure « Tu m’as manqué. » L’aveu est rare comme un secret à demi révélé. « Tu restes combien de temps ? » Je pense déjà à la fin, à combien de temps j’aurais avec lui, combien de nuits volées, combien d’heures bien trop secrètes, combien de baisers pour bien trop peu de temps.
Carmine avait depuis longtemps décroché du contenu de la conversation. Les détails comptables et mathématiques n'avaient jamais passionné cet amateur d'art et de littérature anglaise. Le mannequin observait Matthew. Son regard était fixé aux lèvres de l'avocat qu'il n'avait plus embrassé depuis des semaines. Derrière son apparence sérieuse, nécessaire au contexte, Sighbury roucoulait mentalement. Il était sous le charme de l'aisance avec laquelle s'exprimait Danes ; sous le charme des gestes que ce dernier apposait au contenu de l'exposé juridique. « Je suis au Ritz-Carlton. On se voit ce soir ? » Ces mots lus à plusieurs reprises avant de relever vers leur expéditeur un regard brillant de désir avaient suffi à lui mettre des idées plein la tête et à rendre interminable son aprés-midi. Carmine était plus qu'impatient de retrouver son amant lorsqu'il quitta le taxi jaune caractéristique de la grosse pomme. Après la grisaille de Londres, le ciel dégagé de New-York lui donnait envie de profiter de la nuit en devenir. Le soleil se couchait, le temps était doux, la température idéale pour se poser au balcon de la suite et contempler la ville autour d'un verre de vin.
« J’ai failli commencer l’apéro sans toi » Carmine ne lui en aurait pas voulu. Pas après que Matthew l'eut embrassé de la sorte, le faisant se sentir si spécial, si attendu. « J'ai cherché ton odeur toute la journée. » Répondit-il à voix basse, le nez perdu dans les cheveux du brun qu'il avait encerclé de son bras et rapproché un peu plus de lui. « Le défilé a lieu samedi, je décolle dimanche soir. » Le jet était déjà programmé, le timing calculé à l'heure prés afin que les créations des Sighbury puissent éblouir d'autres paires d'yeux au sein même de la ville de lumière, Paris. « As-tu faim ? » Une question anodine et pourtant pleine d'attention. Carmine s'inquiétait de savoir Matthew à l'aise. Il ne s'imaginait pas l'inconfort que la situation en elle-même représentait aux yeux de Danes. Aussi prit-il la direction du canapé sur lequel il s'assit avec l'élégance d'un prince, les jambes croisées et le dos droit. Là, il entreprit de consulter le menu du room service de l'hôtel. « On pourrait commander des toasts ... » Parfait pour accompagner le vin. « ... Leur choix de plats végétarien m'impressionne. » Ce qui n'était clairement pas monnaie courante avec Carmine dont le quotidien brillait de tant de paillettes et de détails pensés pour le satisfaire que le mannequin ne s'étonnait plus du luxe dans lequel il vivait.
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Dernière édition par Carmine Sighbury le Lun 28 Nov 2022, 01:51, édité 2 fois
« J’ai cherché ton odeur toute la journée. » Dans ses bras, tout me semble facile, naturel, électrique. Un frisson me parcoure l’échine alors qu’il me serre un peu plus contre lui. Les mots me rassurent, me rappellent qu’il est tout autant accrocs que moi, qu’il y a une raison du pourquoi nous n’arrêtons pas cette relation malgré la distance, malgré le secret, malgré l’interdit. « Le défilé a lieu samedi, je décolle dimanche soir. » Mon cœur semble chuter dans ma poitrine. C’est trop peu. Trop peu de jours, trop peu de nuits. Je me recule légèrement, gardant pourtant les mains sur son torse, comme si j’étais incapable de trop m’éloigner. « Déjà ? Si tôt ? » Ce n’est pas assez, ce n’est plus assez depuis déjà longtemps en vérité, mais je me contente de ce qu’il m’offre, incapable de résister à sa présence. Je me mords les lèvres pour retenir tout ce que j’aimerais dire, collant mon front contre le sien. « Tu ne pourrais pas rester quelques jours de plus ? » Ma question est un murmure et je connais déjà la réponse. Ce n’est pas comme si je pouvais rester éternellement ici non plus, Los Angeles m’attend, le départ est inévitable.
« As-tu faim ? » « Ca dépend de quoi. » je lance provocateur, un sourire malicieux alors que je le regarde aller s’assoir sur le canapé. Carmine avait l’allure d’un dieu grec et le charme anglais ne faisait que le rendre un peu plus irrésistible. Je vais nous servir deux verres de vin avant de lui en tendre un. « J’ai ramené une bouteille de LA. Tu me diras ce que tu en penses. » En tant qu’amateur et collectionneur j’ai choisi un vin d’exception que j’espère qu’il aimera.
« On pourrait commander des toasts… .. Leur choix de plats végétarien m'impressionne. »
Ma main se crispe sur mon verre. Je m’assois à côté de lui, prenant mon temps pour répondre, cherchant à trouver les bons mots. J’hésite un moment avant de venir caresser sa joue. « Ou…on pourrait peut être aller au restaurant cette fois. Je reconnais un très bon italien dans l’Upper East Side. » Un lieu où nous risquions à court sûr d'être pris en photos par les paparazzis. Mon regard s’accroche au sien. Nous quittons rarement nos chambres d’hôtel ou nos lieux d’habitation privé. Peu importe que cela soit là bas ou ici. Nous ne sommes pas un couple classique, nous sommes avant tout amants. Nous n’allons pas au restaurant, nous ne sortons pas nous promener main dans la main, nous ne nous sommes pas présentés à nos amis respectifs ou à notre famille. Mais surtout, nous n’avons jamais été vu en public, là où les paparazzis pourraient prendre leur plus belle photo du mannequin au bras d'un homme. Je joue avec le feu en posant cette question et je le sais pertinemment. « J’aimerais bien…sortir pour une fois. » Il y a tout ce que je ne dis pas. Que je veux plus qu’un secret dans une chambre d’hôtel, que je veux pouvoir glisser ma main dans la sienne au grand jour. Que j’aimerais pouvoir l’embrasser dans la rue peu importe les conséquences. Je veux plus, plus que ce que nous avons actuellement et c’est la première fois que je réalise que cela me pèse bien trop pour que je l’enferme encore une fois au fond de moi.
Un sourire complice étira les lèvres de Carmine. Les insinuations de Matthew et son tempérament passionné jouaient en la faveur de ses charmes. Cette fougue américaine plaisait beaucoup à l’anglais, tout comme le goût raffiné de son amant pour le bon vin. Il accueillit d’un hochement de tête courtois le verre que lui tendit l’autre homme et ajusta la position de son corps afin que leurs jambes se touchent sur le canapé. « Ou … on pourrait peut-être aller au restaurant cette fois. Je connais un très bon italien dans l’Upper East Side. » Évidemment. Dans le silence qui suivit, Carmine soutint le regard de Matthew. Il y avait sur l'expression de son visage une douceur bienveillante, un air de compréhension délicate que le bleu de ses yeux teintait d'affection. Il comprenait. Le mannequin saisissait le besoin caché derrière cette proposition et s'en émut intérieurement avant même que Danes n'ajouta avoir envie de sortir, pour une fois. Bien que l'idée de se montrer en ville en compagnie de Matthew impliquait fatalement d'avoir à reprendre leurs masques de client et d'avocat, Sighbury pouvait le faire. Il était coutumier des apparences et de la bonne figure. Paraître à l'aise, que ce soit dans l'expectative, la contrariété ou la peur n'était pas un défi à ses yeux. On parlait ici de nécessité.
« Quelle bonne idée. » Répondit-il sans se départir de son sourire, rendant à son partenaire la caresse et pointant vers lui son verre. « A nos retrouvailles. » Le vin était délicieux ; Carmine le signala par un froncement de sourcils délicat accompagné d'une moue appréciatrice. « Comment se sont passées ces dernières semaines ? » Interrogea-t-il, curieux de savoir ce qu'avait été le quotidien de Matthew en son absence. Leur dernière nuit en tête à tête remontait au mois précédent, lors d'un déplacement de Danes à Londres. Le mannequin se souvenait l'avoir entendu parler de gros dossiers sur lesquels son cabinet et lui misaient beaucoup. Sighbury, quant à lui, avait vu comme à l'accoutumée son actualité publiée dans la presse mondaine. Une presse que tout le monde ne lisait pas, mais dont il savait son amant au courant des derniers articles, comme l'impliquait son statut d'avocat de stars.
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Dernière édition par Carmine Sighbury le Lun 28 Nov 2022, 01:50, édité 2 fois
Le silence suit. Interminable. Mon regard s’accroche au regard si bleu de Carmine. Il y cherche une réponse, la certitude que nous pourrions sortir dans ce restaurant, tous les deux, et agir comme un couple. Je lis l’affectation dans son regard et me prend à espérer. Comme si du jour au lendemain, juste parce qu’il l’avait proposé tout allait changer. J’allais pouvoir lui prendre la main, l’embrasser en public. Peut-être même m’afficher à ses côtés sur les tapis rouges. Bien sûr je savais au fond que je ne pourrais plus être son avocat, qu’on questionnerait mon indépendance et un conflit d’intérêt. Mais cela importait peu. En vérité en cet instant, peu de choses importaient autant que l’affection de Carmine, que ses mains sur ma peau, ses lèvres sur les miennes. « Quelle bonne idée. » L’anglais sourit et pourtant je sens que quelque chose cloche. Que Carmine ne doit pas imaginer la même soirée que moi. Qu’il imaginait sûrement un diner entre un client et son avocat. Pourtant malgré ce sentiment je me pris à espérer comme un idiot en proie à des sentiments que j’étais loin de contrôler. « A nos retrouvailles. » Nos verres trinquent et à mes oreilles cela sonne comme un espoir. « Comment se sont passées ces dernières semaines ? » Je réfléchis à ces dernières semaines, j’ai passé mes soirées à travailler tard sur un dossier pour la NBA qui allait rapporter gros. Mais ces derniers temps, plus que d’autres, Carmine me manquait. Nos nuits volées ne suffisaient plus. « J’ai passé des weekends entiers sur un dossier, mais j’ai négocié un des plus gros contrats de ma carrière et ça ça mérite clairement qu’on se commande du champagne toute à l’heure ! » Un sourire fier étire mes lèvres, mon ambition et ma volonté étaient palpables. J’étais de ceux qui se donnaient à 100% pour leur travail et je savais surtout que j’étais doué et que cela faisait toute la différence.
Ma main s’égare dans ses cheveux. Je pourrais lui demander ce qu’il a fait ces dernières semaines mais j’ai l’impression que la presse people m’a déjà fait un résumé. Il y a surtout une information plus présente que d’autres dans les gros titres. « Et toi, comment se passe ta liaison avec Ashley Lamarck ? » L’ironie était palpable dans mes mots. L’amertume et la pointe de jalousie sont difficiles à cacher bien que je me force à sourire comme si c’était une simple boutade. Les journaux leur prêtaient une histoire, la mannequin était après tout le centre de l’attention des médias ces derniers temps et la presse ne faisait que répéter que Lamarck et Sighbury, photographiés ensemble à plusieurs reprises, feraient le plus beau des couples. Voir qu’ils l’étaient déjà. Carmine et moi ne nous étions rien promis. C’était bas de moi d’agir comme s’il me devait quoique ce soit et pourtant… « Il parait que tu vas arriver avec elle au défilé. » Je n’aurais pas dû me fier à la presse scandaleuse. J’étais le premier à savoir que les mensonges se propageaient vite et que les informations étaient utilisées aux avantages des uns comme aux désavantages des autres. L’histoire déformée pour l’ambition. Je soupire, un peu agacé par mon propre comportement. Je pose mon verre, laissant le silence s’étirer alors que j’essaye de rassembler le courage d’exprimer ce que je n’ai pas envie de dire tout haut. « Toute à l’heure quand je parlais de restaurant. Je ne parlais pas de toi et moi à un rendez-vous professionnel tu le sais ça non ? » Ma main se pose sur sa cuisse, comme pour rappeler que notre relation n’a depuis longtemps plus rien de professionnel.
« J’ai passé des weekends entiers sur un dossier, mais j’ai négocié un des plus gros contrats de ma carrière et ça ça mérite clairement qu’on se commande du champagne toute à l’heure ! » Le regard de Carmine s'illumina. On pouvait lire sur les traits du mannequin l'expression d'une satisfaction partagée. Apprendre que le travail acharné de Danes portait ses fruits ravissait la partie de lui la plus intimement liée à l'avocat, celle pour laquelle l'accomplissement de Matthew avait une importance non négligeable. « Félicitations ! » Le ton était admiratif. Au-delà de son statut privilégié, de sa renommée et de l'influence qu'il avait dans le milieu dont il était issu, Sighbury gardait encrée en lui une part d'humilité tout bonnement inespérée pour quelqu'un de son espèce. Bien loin de dénigrer ou de snober ses semblables, cet humain pas moins mortel qu'un autre conservait la capacité de s'émouvoir des succès d'autrui voire, dans le cas de son amant, d'en être impressionné et de le laisser paraître. La détermination de Matthew l'inspirait.
Une détermination aux différentes facettes, ce dont prit conscience Carmine lorsqu'il fut question de sa prétendue liaison avec Ashley. Instantanément, le mannequin laissa échapper un soupire empreint d'une consternation contenue. L'anglais ne pouvait lutter contre les rumeurs. D'aussi loin que remontaient ses souvenirs, les Sighbury avaient toujours préféré en tirer avantage plutôt que de se lancer dans des combats perdus d'avance contre la manipulation médiatique. La marque familiale, sous l'impulsion de Catherine, était ainsi devenue experte en la matière. S'illustrer au jeu des apparences faisait partie intégrante de leur business, avec tout ce que cela impliquait d'embauches de chargés de communication et d'attachés de presse aux imaginations débordantes. Carmine, en sa qualité de figure emblématique, n'était ni plus ni moins que l'acteur des scenarios imaginaires pensés et réfléchis par d'autres en guise d'interprétation de ses moindres faits et gestes. Un véritable Truman Show au sein duquel le mannequin avait grandi tant et si bien que cette réalité aux subjectivités complexes ne l'étonnait même plus. Tout ce cirque se jouait en coulisses, dans cette zone de ténèbres au sein de laquelle on lui refusait l'accès sous prétexte qu'il était la lumière, le sourire éblouissant face au public. Les années passant, le mannequin avait mis en place un système de défense personnel consistant à garder les idées claires au sein du périmètre restreint qui lui était alloué. L'attitude de survie nombriliste et conciliante d'un enfant broyé par le fonctionnement exigeant de l'empire familial. Le reste échappait à son contrôle, à son pouvoir et à ses responsabilités. Qu'il l'ait voulu ou non. « Il parait que tu vas arriver avec elle au défilé. »« C'est possible. On ne me communique la feuille de route que la veille. » L'aveu s'accompagna d'une moue boudeuse. Son rôle se résumait à prêter son bras à cette jeune femme qu'il connaissait à peine.
Lamarck, avec laquelle Carmine avait échangé à deux ou trois reprises, semblait être faite du même bois que lui. Elle était belle, sympathique, satisfaite du confort de vie que lui apportait son statut et suffisamment consciente des enjeux l'entourant pour ne pas faire de vagues inutiles ; ce qui lui conférait une intelligence sociale indispensable pour la survie en milieu hostile tel que celui de l'industrie de la mode. S'afficher ensemble lors d'un défilé dans le but de satisfaire les attentes de leurs agents respectifs ne leur coûtait rien - au contraire, on les payait pour ça - mais leur assurait la paix.
Du moins c'était ce que pensait Carmine avant que l'agressivité passive de Matthew ne vienne le ramener à la réalité. « Matthew ... » Commença-t-il tout en posant sa main par-dessus celle de Danes afin d'entremêler leurs doigts. « Ce n'est pas parce que je ne te touche pas que je ne suis pas connecté à toi. » La sensibilité du mannequin transpirait à travers le choix de ses mots. Il se voulait aimant et rassurant. « Est-ce si important de se montrer ? Souvent je me dis que les secrets les mieux cachés sont aussi les plus désirables. »
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Dernière édition par Carmine Sighbury le Lun 28 Nov 2022, 01:49, édité 1 fois
Je ne devrais pas parler de ce sujet qui fâche. Prononcer le nom de Lamarck est une mauvaise idée. J’ai travaillé avec assez de célébrités, assez de famille dont l’empire s’étendait parfois au delà des frontières pour savoir que c’est un monde d’apparences. Tout ceci est une pièce de théâtre parfaitement organisée, chaque acte définit pour apporter ce qu’ils souhaitent. Un scandale, une réconciliation, un coup de pub, effet positif ou négatif. Chaque note était parfaitement choisie. Sans doute qu’ici aussi, l’arrivée de Lamarck au bras du mannequin était simplement une scène de plus dans cette pièce de théâtre. Pourtant cette scène me restait au travers de la gorge. « C'est possible. On ne me communique la feuille de route que la veille. » Cela n’a pas l’air de le déranger plus que ça, certes Carmine a cette moue boudeuse qui me fait deviner que ça ne lui plait pas plus que ça, mais sinon rien d’anormal à l’horizon, c’est une scène habituelle pour lui. « Et ça ne te dérange pas ? » Mon ton pourrait paraître neutre, mais mon attitude elle ne l’est pas, la tension commençant à se faire sentir.
« Matthew. » Il a une façon de prononcer mon prénom qui pourrait me faire plancher. Qui pourrait me convaincre que cela suffit. Cette tendresse dans l’ombre, cette passion toujours cachée, étouffée derrière des portes d’hôtel. « Ce n'est pas parce que je ne te touche pas que je ne suis pas connecté à toi. » Son ton est rassurant, aimant, ses doigts sont liés aux miens comme la promesse que notre relation est plus que ce jeu de cache-cache. Je pourrais presque y croire, si seulement mon cœur ne demandait pas plus. Plus de lui, plus que ces instants partagés d’un mois à l’autre sans réel espoir d’un futur. Non ce n’était qu’un moment temporaire partagé dans l’obscurité, et toute sa douceur ne pourrait pas me le faire oublier.
Puis le mot de trop est prononcé, celui qui me pousse à récupérer ma main. « Est-ce si important de se montrer ? Souvent je me dis que les secrets les mieux cachés sont aussi les plus désirables. » Mon visage se ferme et les mots qui sortent de ma bouche sont bien plus froids. « Je ne suis pas un secret. » Non, je ne veux pas être un secret caché, je ne veux pas avoir le sentiment qu’il aura toujours honte de nous, que nous ne sommes pas dignes d’être montrés en public. Comme une tare honteuse qu’il faut cacher au monde. Pas digne de Sighbury. Je me lève brutalement, m’éloignant vers la fenêtre avec l’espoir de retrouver une certaine contenance. C’est trop ça, à croire que ses paroles ont ouvert un flot d’amertume que je pensais sous contrôle. « Je suis quoi pour toi ? Nous sommes quoi ? Est-ce qu’il y a seulement un nous ? » Je me suis tourné de nouveau vers lui, mon regard se plantant dans le sien plein de défiance. Toutes ces questions que je ne voulais pas poser, toutes ces questions auxquelles je n’étais pas sûr de vouloir savoir la réponse, elles sont toutes sur le point de passer la barrière de mes lèvres. « Je veux plus. Je veux plus qu’être ton secret. » J’avais passé bien trop de temps dans un placard pour accepter d’y rester. J’assumais sans honte ma sexualité depuis plusieurs années déjà et cette situation ne me convenait pas.
« Je ne suis pas un secret. » Sentant les doigts de Danes lui échapper, Carmine fronça les sourcils. L'incompréhension se mêlait à la peine de se voir ainsi puni pour des mots qu'il avait pourtant voulu délicats, empreints de cet amour pudique qu'il n'exprimait que rarement. Le mannequin n'avait pas pour habitude qu'on le rejette. Qu'on le déçoive et le trahisse, ça oui, mais pas que l'on s'éloigne de lui comme le fit Matthew en trouvant refuge près de la fenêtre. Bon nombre des personnes ayant rencontré Sighbury s'accordaient pour dire qu'il était d'une compagnie délicieuse, complaisante et agréable, au point que c'était une tristesse de le voir partir et une joie de le retrouver. Ce soir, pourtant, le temps était à l'orage et toute joie avait quitté le visage de son amant. L'avocat semblait frustré et en colère. Carmine reposa son verre de vin. « Je suis quoi pour toi ? Nous sommes quoi ? Est-ce qu’il y a seulement un nous ? » Ces derniers mots blessèrent le mannequin dont le premier réflexe fut de garder le silence et d'étouffer la douleur. L'anglais s'exprimait plus sincèrement dans ses non-dits que par ses prises de parole. Le fait qu'il ne réponde pas aux questions de l'avocat n'était pas tant révélateur d'une attitude de fuite que d'une réelle situation de souffrance. Carmine avait beau détester le conflit, il était disposé à faire certains efforts pour les êtres qui lui étaient chers. Mais il sentait la situation lui échapper, les perspectives d'une soirée agréable fondre comme neige au soleil et, pire que tout, son lien avec Danes se tendre dangereusement à l'image d'un élastique en route vers son point de rupture. L'insouciance dont il avait fait preuve jusqu'alors concernant leur relation sembla couler à pique lorsque l'autre ajouta : « Je veux plus. Je veux plus qu’être ton secret. »
Durant de longues secondes, Carmine soutint le regard de Matthew. L'expression insondable de son visage habitué à feindre et à paraître ne suffisait pas à contrebalancer l'humidité baignant ses yeux tandis qu'il observait son partenaire se retourner contre lui. Sighbury pensait naïvement qu'ils resteraient invariablement dans la même équipe ; qu'ils parviendraient à rester unis dans l'adversité, quand bien même cette dernière ne se matérialisait pas sous les traits d'ennemis physiques mais plutôt de pression sociale et d'enjeux les dépassant sur le plan professionnel.
Il finit par se lever à son tour et vint rejoindre l'avocat près de la fenêtre. New York était belle sous son manteau de nuit. Carmine croisa les mains dans son dos, le regard tourné vers la ville. Sa prestance paraissait d'autant plus imposante que son calme contrastait avec l'agitation légitime de Matthew.« « Qu'entends-tu par '' plus '' ? Sois précis, s'il te plait. » S'enquit-il sur le ton des affaires que l'autre lui connaissait en réunion. Sighbury prenait sur lui. Il sacrifiait son romantisme fleur bleu au profit d'une conversation dans laquelle il se savait perdu d'avance. Des deux, Matthew était le requin et Carmine le chaton. Mais donner le change ne lui coûtait rien de plus qu'un peu de volonté, or il était évident, au vue des émotions qui l'habitaient, que Carmine avait la volonté de sauver quelques meubles ce soir. Restait à savoir ce que l'avocat était disposé à accepter comme compromis ...
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Dernière édition par Carmine Sighbury le Lun 28 Nov 2022, 01:49, édité 2 fois
Il avait longtemps compris que Carmine était pudique. Sûrement trop habitué à se cacher derrière les apparences de son métier, il montrait finalement peu de ce qu’il ressentait vraiment. Mais Matthew ne pouvait pas lui en vouloir quand lui même peinait à parler réellement de ses sentiments. Et s’il avait mis autant de temps avant d’aborder ce sujet difficile c’était bien qu’il avait enfermé tout ce qu’il ressentait depuis déjà des mois. Il s’était persuadé que cela suffisait. Après tout n’avait-il pas lui même passé des mois dans son placard, incapable d’assumer sa relation avec Alfie ? Mais il réalisait de par la douleur qu’il ressentait à n’être considéré que comme un secret bien gardé que ce n’était plus assez. Il avait besoin de savoir que Carmine assumait leur relation en public, il avait envie de lui prendre la main en public, de l’embrasser s’il en avait envie, de ne pas avoir à se cacher derrière cette chambre d’hôtel. La soirée aurait pu bien se dérouler. Après tout il n’avait attendu que ça depuis le début de la journée, le retrouver, le serrer contre lui, lui murmurer des mots doux dans le creux de son oreille. La douceur du mannequin, sa tendresse avait toujours su apaiser ses angoisses et pourtant aujourd’hui son silence, son peu de réaction ne faisait que renforcer la tension dans la pièce, envenimait la colère de l’avocat.
Carmine parlait peu, restait silencieux face aux questions de Matthew. Cela ne l’étonnait pas vraiment. Ils avaient évité cette conversation pendant longtemps. Ils se voyaient par intermittence dans des chambres d’hôtel depuis déjà des mois. Son absence n’aurait pas dû lui peser. Mais à chaque nouveau départ, son coeur se serrait un peu plus. Plus le temps passait, plus il avait envie de prononcer des mots qui n’étaient pas ceux d’un simple amant. Car Matthew était amoureux de l’anglais, il s’en était rendu compte depuis longtemps et avait tenté de l’étouffer aussi longtemps que possible, de prétendre que cette relation cachée lui suffisait. Et à présent qu’il mettait enfin des mots, qu’il forçait une discussion sur leurs sentiments, le silence de Carmine le blessait. Il aurait voulu que le mannequin lui dise qu’il l’aimait, qu’il voulait plus lui aussi. Il avait besoin d’être rassuré que Carmine ne garde pas cet air impassible qui lui donnait envie d’hurler. Plus le silence s’éternisant plus la distance entre eux se creusait, révélant toutes les fragilités de leur relation.
L’homme le rejoignit près de la fenêtre, les bras croisé derrière le dos. Il ne le regardait pas, préférait regardait la ville qui s’étendait sous leurs yeux quand le regard de Matthew lui restait braqué sur celui de son amant avec l’espoir désespéré d’y lire ce qu’il voulait entendre. « Qu'entends-tu par '' plus '' ? Sois précis, s'il te plait. »
Ce n’était pas une discussion d’amants, non cela prenait dangereusement la tournure d’une négociation d’affaire, d’un contrat comme un autre et cela lui fit serrer les points. « Regarde moi Carmine. » demanda-t-il d’un ton qui se voulait calme mais qui cachait mal la colère sourde qui grondait dans son coeur. Carmine voulait négocier, Matthew lui n’avait aucune envie de mettre sa robe d’avocat pour cette discussion. Non il ne voulait pas négocier, ne voulait pas obtenir par la force ce qu’il voulait. Il voulait que son amour soit donné ouvertement. Mais s’il devait négocier, s’il devait devenir le requin qu’il était, si Carmine le forçait à reprendre son rôle alors il le ferait. Son regard chercha celui de l’homme, il s’approcha un peu plus de lui, tentant de réduire la distance physique à défaut de réduire la tension. « Je veux être ton petit ami, pas ton amant. Je veux plus qu’une nuit dans une chambre d’hotel de passage. Je veux pouvoir t’accompagner à des évènements, ou parler de toi à mes amis sans avoir peur que l’information se retrouve sur les tabloïds. Je veux pouvoir t’embrasser si j’en ai envie dans les rues de New York de Londres ou de LA. Je veux pouvoir te tenir la main dans la rue. Je ne veux pas être le secret honteux que tu caches. J’ai passé assez de temps dans un placard. » Son visage n’est qu’à quelques centimètres du sien, son ton s’était fait plus dur sur les dernières phrases. Il avait déjà trop sacrifié, il ne se cacherait plus. Soudain, pourtant, le ton si déterminé qu’il avait employé, digne d’une de ses plaidoiries, lui parut bien loin alors que l’émotion lui prenait la gorge. Son regard, pendant un instant, montra bien plus de détresse que de colère alors qu’il posait doucement la main sur la joue du mannequin. « Toi, tu n’as jamais envie de plus ? » Le pressa-t-il d’une voix qui ne cachait rien de son incertitude, de sa timidité à se dévoiler ainsi, à montrer ses sentiments de la sorte. Matthew s’ouvrait, complètement cette fois, et c’était bien trop rare pour lui pour ne pas le souligner. Il se sentait pourtant au bord du précipice et il suffirait d’une phrase de Carmine pour le faire tomber d’un côté ou de l’autre.
« Regarde moi Carmine. » L'anglais pinça les lèvres, rassemblant tout son courage avant de s'exécuter. La proximité de Matthew, incrémentée par sa volonté de réduire la distance entre eux, le mettait mal à l'aise. Non pas qu'il répugnait de le sentir si proche de lui - bien au contraire, Carmine en avait rêvé toute la journée - mais la présence écrasante de l'avocat et l'articulation de ses propos ne firent que le conforter dans son impression d'avoir perdu ce rapport de force avant même que ne vienne son tour de parler. Sighbury ne coupa pas la parole de Danes. Il le laissa formuler ses souhaits, écouta attentivement les menus détails de ses revendications et se mit à visualiser, derrière le voile cristallin de ses iris si bleu, ce que donnerait cette vie dont se languissait l'américain.
Dans cette relation idéale, Carmine inaugurait le défilé au bras du brun plutôt que celui d'Ashley ; les caresses qu'ils aimaient se donner sur le dos de la main avaient lieu sur la nappe et non plus sous la table tandis que leurs regards n'étaient plus dédiés qu'à l'autre avant de s'embrasser. Plus besoin de guetter les paparazzis ou les badauds trop curieux ... Cette vision réconfortante invita le mannequin à fermer les paupières, à s'imprégner de la paix qui en émanait. « ... Je ne veux pas être le secret honteux que tu caches. J’ai passé assez de temps dans un placard. » La mâchoire de Carmine se crispa imperceptiblement tandis qu'il encaissait l'accusation. D'une part la peine - comment Matthew pouvait-il s'imaginer qu'il lui inspirait de la honte ? - de l'autre la colère.
Danes lui reprochait à demi-mot de le faire régresser, de le tirer vers le bas et de le ramener à cette époque durant laquelle lui non plus n'assumait pas au grand jour ses choix de partenaires. S'il comprenait le ressentiment que cela provoquait chez l'avocat, Carmine estimait tout de même mériter plus que des reproches. La situation n'était facile pour aucun d'entre eux et ce qu'il avait à perdre dépassait les limites de sa seule implication. Qu'il l'ait voulu ou non, Sighubury portait sur ses épaules le poids de l'empire familial dans son ensemble et des centaines d'employés que cela représentait à travers le monde. Carmine aurait aimé avoir le luxe de ne penser qu'à lui, de ne prendre des décisions qu'allant dans le sens de son bienêtre personnel mais on ne l'avait pas éduqué comme cela. Un homme responsable, voilà ce que la marque et son idéalisation du mâle anglais avait fait de lui.
La main de Matthew contre sa joue le sortit de son aveuglement volontaire, Carmine rouvrit les yeux pour les plonger dans ceux de son amant. Il y lisait la détresse et l'incertitude, tout ce qu'il ressentait lui aussi mais taisait par nécessité. L'anglais ne pouvait se résoudre à tirer les conclusions pourtant évidentes. Il refusait de répondre, priait pour arrêter le temps. Qu'il aurait souhaité faire machine arrière, ne pas se sentir inexorablement glisser vers ce crash dans lequel Matthew, fidèle à son cœur fougueux, les précipitait avec la plus jolie des délicatesses : « Toi, tu n’as jamais envie de plus ? ». « Si seulement tu savais ... » Ne put-il retenir tandis qu'il posait sa main par-dessus celle du brun. D'un mouvement lent, chargé d'affection et de regrets, Carmine frotta sa joue plus lisse que la soie contre la paume de l'avocat. Cela dura quelques secondes qu'il grava dans le marbre de sa mémoire avant de porter à ses lèvres les doigts de Danes qu'il embrassa religieusement. « Je comprends ton point de vue. » Commença-t-il, désolamment diplomate quand il aurait fallu se fâcher, crier et pleurer pour manifester la douleur qu'il ressentait à la seule idée d'articuler ces mots : « Je ne suis malheureusement pas en mesure de t'offrir ce que tu désires. » Sa grand-mére lui disait souvent que les plus belles choses étaient celles qui n'avaient pas de prix. À cet instant précis, Carmine ravalait ses larmes en prenant conscience du point auquel elle avait raison. Quel meilleur environnement qu'une suite hors de prix au sommet de l'une des villes les plus célèbres du monde pour se souvenir qu'il n'était qu'un homme et que son cœur, à l'image de celui de ses semblables, ne valait pas mieux qu'un autre ? Il se brisait pareil et aucune chirurgie ne pourrait réparer cela.
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Dernière édition par Carmine Sighbury le Lun 28 Nov 2022, 01:48, édité 2 fois
Il était un habitué des mots, des beaux discours, des blagues, des paroles réconfortantes. Il avait toujours fait de son mieux pour trouver les bons mots pour les autres, plus rarement pour lui. Pourtant ce soir là dans cette chambre d’hôtel resplendissante, Matthew trouva le courage d’ouvrir son coeur à celui qui était son amant depuis des mois. Il lui parla de ce qu’il ressentait, de ce qu’il voulait, sa main lui paraissant brûlante sur la joue de l’anglais. Son regard le maintenait sur place, le poussait à se dévoiler un peu plus. Car plus il le regardait en réalité, plus il réalisait l’ampleur de ses sentiments, qu’une nuit dans cet hôtel ne serait jamais assez. Il était fatigué de se cacher, fatigué de prétendre qu’être un amant de passage, bien que régulier lui suffisait. Non il voulait plus de Carmine, le voulait pour lui seul, voulait plus que son corps le temps d’une nuit mais bel et bien son coeur cette fois. Ce coeur qui lui semblait toujours bien caché derrière un mur d’apparences. C’est sans doute la douceur qu’il montrait avec lui quand personne ne les regardait qui poussa Matthew à penser que son discours ferait enfin craquer le masque de l’anglais. Ce dernier sembla se crisper à la mention du fait que Matthew l’accusait de le garder dans un placard bien gardé, mais il ne prononça pas un mot.
Le silence fut écrasant et pendant un court instant pendant lequel son coeur s’accéléra il se prit à prier que Carmine allait répondre qu’il voulait la même chose que lui, qu’il était prêt à plus, à l’aimer au grand chose, à l’aimer tout court. « Si seulement tu savais… » ces mots ajoutés à la main qui se posait sur la sienne furent suffisants pour remplir son coeur d’espoir pour le faire regarder Carmine avec un peu plus d’amour. Ce dernier embrasse ses doigts avec douceur et pendant un court instant le moment fut suspendu, le regard de Danes se perdant dans celui de son amant.
« Je comprends ton point de vue. Je ne suis malheureusement pas en mesure de t’offrir ce que tu désires. »
Il eut l’impression d’être jeté d’une falaise. La chute fut interminable alors que le silence reprenait possession de la pièce alors que Matthew attendait désespérément des mots qui changeraient la donne, qui lui ferait croire que tout ne s’arrêterait pas là, pas maintenant, pas comme ça.
Stupide. « C’est tout ce que tu as à dire ? » Il était choqué, se sentait idiot soudainement d’avoir ouvert son coeur de cette façon. Carmine n’était pas en mesure de lui offrir ce qu’il voulait et il parlait de cette relation comme si c’était un simple contrat d’affaire. « Si peu de mots ? » L’australien avait pâlit. Sa main s’était arrachée à celle de son amant et il avait reculé. « Que tu ne peux pas ? Pas de raisons ? Pas d’explications ? » Mais ne les savait-il pas ces raisons ? N’était-il pas tout à fait conscient de tout ce qui empêchait Carmine de vivre leur histoire au grand jour. Combien de clients avait-il dans cette situation, prisonnier des apparences et de leur réputation, évitant chaque jour une crise médiatique ayant un impact sur toute une entreprise. Ces considérations lui semblaient pourtant bien loin en cet instant.
Il se referma imperceptiblement, réalisant qu’il s’était ouvert pour rien, qu’il avait exposé ses sentiments pour n’avoir aucune réaction en face. Il avait dévoilé toutes les fragilités de son coeur pour se prendre un mur en face de lui. « Très bien. » Ces mots là furent froid, la mâchoire de Matthew s’était contractée imperceptiblement, ces poings s’étaient serrés alors que la colère prenait possession de son coeur. Il recula encore plus loin, attrapa son verre qu’il but comme un shot qui aurait pu lui faire oublier cette nuit qui prenait une tournure bien amère. Un pauvre sourire étira ses lèvres. Un sourire qui n’avait rien de gai, qui était cruel pour cacher toute la douleur d’un coeur qui venait d’être brisé en morceaux. Matthew se tourna de nouveau vers Carmine, planta son regard plein de rage dans le sien « Tu sais quoi Carmine ? Je pense qu’au fond tu ne seras jamais plus qu’un beau visage qui a trop peur du regard des autres pour montrer ce qu’il est vraiment. » Les mots furent durs, il ne les pensait pas complètement, ils étaient prononcés sous le coup de la colère de la rage de voir aussi peu de réactions en face de lui. Ils n’étaient là que pour blesser, pour lui causer la même douleur qu’il ressentait. Sa gorge s’était serrée, il se força à enfermer toutes les émotions qu’il ressentait au fond de son coeur. A les écraser, les piétiner. Il remit le mur en place et d’un ton glacial annonça « Pars. C’est terminé. »
Il ne le quitta pas du regard, ne se détourna pas, prononça les mots métalliques avec froideur pour cacher le coeur en mille morceaux qui grondait dans sa poitrine. Malgré tout pourtant l’espoir qu’il se batte pour leur relation existait toujours. L’espoir futile que Carmine allait parler et se battre. Qu’il n’allait pas partir, pas aussi simplement que ça.
Il le perçut. Ce moment de stupeur, cet instant de flottement durant la chute. Leurs mains avaient beau rester aux prises l'une de l'autre, Carmine sentit Matthew s'éloigner de lui à une vitesse étourdissante. « C’est tout ce que tu as à dire ? » L'anglais déglutit avec difficulté, sentant que la rupture du dernier lien était pour bientôt. « Si peu de mots ? » Que pouvait-il ajouter de plus ? Rien de ce qu'il dirait ne saurait amoindrir la souffrance de Matthew. Des courant d'air, voilà tout ce qu'il restait entre leurs âmes désormais déchirées. « Que tu ne peux pas ? Pas de raisons ? Pas d’explications ? » Sighbury le regardait reculer sans chercher à combler la distance qui se creusait inexorablement, conscient d'en être à l'origine, d'en être pleinement responsable. Il se punissait en restant là, à contempler son amour mourir sous ses yeux, comme un châtiment nécessaire afin de ne jamais l'oublier.
Sa vision s'embruma légèrement tandis qu'il assistait impuissant aux changements d'états dans la réaction chimique de leurs échanges. Là où il y avait eu de la douceur et de la bienveillance se dessinaient désormais la colère et l'aigreur. « Très bien. » Danes, derrière ce rictus amer, s'apprêtait à lui rendre la monnaie de sa pièce et Carmine, docile, tendait dignement la joue. « Tu sais quoi Carmine ? Je pense qu’au fond tu ne seras jamais plus qu’un beau visage qui a trop peur du regard des autres pour montrer ce qu’il est vraiment. » Le mannequin commença par fermer les yeux afin de mieux encaisser l'attaque. Il sentait le poison de ces mots pénétrer les parois de son épiderme et s'infiltrer partout, rejoindre son système veineux afin de mieux se répandre dans tout son corps. Il avait chaud autant qu'il tremblait de froid. Lorsqu'il sentit les larmes monter au point de menacer ses joues d'inondations précoces, Carmine rouvrit les paupières et bâtit des cils, basculant la tête en arrière afin de prendre ce qu'il essaya de faire passer pour une grande inspiration. Il lui était en réalité impossible de remplir ses poumons. L'anglais subissait la désapprobation de son corps. Ce dernier, viscéralement attaché à la présence de l'avocat, au besoin de la savoir pérenne, refusait de coopérer. Son souffle se fit court, à la limite de l'apnée, tandis qu'il s'efforçait de garder le contrôle de ses émotions. En trente-trois années de bon et loyaux services, jamais son flegme n'avait été mis à si rude épreuve et c'était un véritable crève-cœur de constater que l'émotion la plus à même de le faire vaciller n'était ni la colère, ni la peur mais bel et bien la tristesse. « Pars. C’est terminé. »
Carmine aurait voulu courir. Fuir le plus vite et le plus loin possible avant de faillir et de s'écrouler lamentablement comme il se sentait sur le point de le faire, pris de vertige à la seule pensée que cette entrevue était la dernière, qu'il n'y en aurait plus d'autres, en tout cas plus de cette nature. C'était maintenant qu'on lui demandait de quitter les lieux que l'anglais réalisait à quel point marcher jusqu'à la porte paraissait insurmontable, lui qui pourtant faisait cela mieux que personne : déambuler d'un podium à l'autre, toujours avec élégance et sans jamais avoir un pas de travers. Le monde tanguait. Sa vision périphérique rétrécissait à vue d'œil. Sighbury avait le mal de mer.
Lorsqu'il posa la main sur la poignée de la porte et que son regard observa ses propres doigts crispés autour du métal, Carmine pensa se raviser. Il pouvait encore le faire. Se retourner, fondre en larmes et s'excuser auprès de Matthew de l'avoir tourmenté à ce point, d'avoir paniqué, de ne pas savoir quoi faire. Ils auraient pu se câliner quelques heures pour faire passer ce gros chagrin et réfléchir ensemble à la meilleure stratégie à adopter afin que plus aucun d'entre eux ne souffre de cette situation. Sûrement que le cerveau de l'avocat regorgeait d'idées lumineuses et de bons conseils, de pistes exploitables pour se sortir de cette cage dont Carmine n'avait jamais autant vu les barreaux entraver ses perspectives d'avenir que ce soir ... Mais il n'était qu'un beau visage ayant trop peur du regard des autres pour montrer ce qu’il était vraiment et se résigna donc à tourner la poignée. « Bonne nuit. » Ne put-il réprimer avant de disparaître, poli et bien élevé jusque dans la douleur de cette séparation à laquelle il ne s'était pas préparé.
Lorsqu'il prit place dans le taxi hélé à la va-vite dès sa sortie du hall de l'hôtel, Sighbury se mis à se battre avec sa cravate. L'impression d'étouffer le prenait littéralement à la gorge au point de le faire paniquer. Le lendemain, dans un ruban discret de la presse people New-Yokaise, ont pu lire quelques lignes sur la crise d'angoisse du célèbre mannequin de la marque Sighbury aperçu sortant du service des urgences du Lenox Hill Hospital, tard dans la nuit.