| (Toman #1) It was just a lesson, not a life sentence. |
| | (#)Jeu 29 Sep 2022 - 3:21 | |
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Caelan aurait préféré réussir à se trouver du travail par lui-même, mais la tâche s’était avérée beaucoup plus difficile qu’il ne l’avait imaginé. Beaucoup d’histoires étaient romancées dans les films et les séries, mais la difficulté à se trouver un emploi en sortant de prison était loin d’être une simple fiction au grand malheur du Leckie qui aurait tout donné pour pouvoir reprendre sa vie où il l’avait laissée quelques mois plus tôt. Malheureusement, il devait bien se rendre à l’évidence que plus jamais il ne dessinerait le plan d’un pont ou d’un édifice et qu’il valait sans doute mieux se débarrasser de son casque et de ses bottes de chantier puisqu’il ne risquait pas non plus d’y remettre les pieds pour suivre l’avancée des travaux d’un de ses projets. Revoir ces objets dans le garde-robe de sa chambre ne faisait que tourner un peu plus profondément le couteau dans une plaie toujours bien vive alors qu’il devait refaire sa vie, mais qu’il se questionnait à savoir si celle-ci valait vraiment la peine d’être vécue alors qu’il avait tout perdu et que rien ne le motivait à se lever le matin. Ses proches étaient sans doute la seule chose qui le retenait de faire un virage à 180 degrés en partant à l’autre bout du monde où personne ne le connaissait. Même encore là, son casier judiciaire l’empêchait de mettre les pieds dans certains pays. Comment refaire sa vie alors que son statut d’ex-détenu lui était remis à la figure aux deux minutes? Même s’il demeurait persuadé que Channing l’avait embauché simplement parce que c’était son ami et qu’il avait pitié de lui, il avait cru qu’il resterait au Walker Group bien plus longtemps que quelques mois, qu’il pourrait reprendre un peu confiance en lui et se refaire un réseau, mais certains collègues avaient saisi l’opportunité de l’absence de Channing au bureau pour rendre la vie dure au brun qui avait fini par quitter son emploi avant même d’avoir trouvé un plan B. Une fois de plus, ce n’était pas grâce à ses aptitudes qu’il avait réussi à se trouver un emploi, mais parce que Norah avait des contacts. Il savait qu’elle avait fait ça pour l’aider et il appréciait son aide, mais sa confiance en lui en prenait un coup une fois de plus.
Assis seul sur un banc du port, il mangeait sa soupe préparée avec amour par nulle autre que sa sœur jumelle qui tentait tant bien que mal de lui remonter le moral. Il releva les yeux de son thermos lorsqu’il aperçut Tommy du coin de l’œil. « Tu viens ce soir finalement? » Caelan dodelina de la tête en fixant son thermos. Il hésitait parce qu’il ne savait pas s’il se sentait à sa place, même si ses collègues ne le jugeaient pas jusqu’à maintenant et qu’on ne lui posait pas de questions. Il se méfiait parce que ça avait commencé de la même manière à son dernier emploi, il ne voulait donc pas être déçu. Il savait que s’il refusait, toutefois, il y avait des risques que l’information vienne aux oreilles de Norah et il ne voulait pas la décevoir. « Okay, c’est bon, je vais venir. » Ça allait lui faire du bien, il ne le savait juste pas encore. Le reste de sa journée de travail se passa sans anicroche et il suivit Tommy jusqu’à ce bar de Redcliffe où les dockers avaient apparemment l’habitude de se rendre parfois après le travail. L’ambiance était chaleureuse, ce qui allait certainement faire changement des quatre murs de sa chambre à coucher où il passait beaucoup trop de temps ces derniers mois, mais il devait encore reprendre l’habitude de socialiser avec des « inconnus » alors que le small talk ne l’intéressait guère maintenant. « Julie m’a beaucoup parlé de toi. Elle avait beaucoup d’attentes à ce que j’ai compris. Ta fille ne te mettait pas trop la pression de ton côté? » dit-il pour briser la glace en souriant légèrement. Même si Norah lui avait un peu parlé de lui et qu’il savait qu’il avait fait de la prison, il ne connaissait pas grand-chose sur son nouveau collègue et il doutait que ce soit une très bonne idée de le questionner à ce sujet tout de suite même s’il était curieux d’en savoir un peu plus sur le parcours qu’il avait eu suite à sa libération. Le retour à la vie normale était difficile et Caelan n’osait pas trop en parler à ses proches parce qu’ils ne pouvaient pas réellement comprendre ce qu’il traversait sans être eux aussi passés par là. « Sinon, t’as commencé aux docks parce que tu connaissais quelqu’un ou? » enchaina-t-il après s’être commandé une bière, le stress le faisant enchainer les questions sans trop laisser de temps à son ex-beau-frère de répondre aux questions.
Dernière édition par Caelan Leckie le Mar 17 Jan 2023 - 15:12, édité 1 fois |
| | | | (#)Mer 28 Déc 2022 - 19:59 | |
| I've practiced this for hours, gone 'round and 'round, and now I think that I've got it all down. And as I say it louder, I love how it sounds, 'Cause I'm not taking the easy way out, not wrapping this in ribbons, shouldn't have to give a reason why. It's no surprise I won't be here tomorrow, I can't believe that I stayed 'til today. ☆☆ Les docks, c’était mieux que rien. C’était ce que se répétait Tommy avec un soupir de résignation les jours où ses muscles autant que son mental n’avaient qu’une seule envie : celle de tout envoyer valser. Au fond de lui il le savait, les docks ce n’était pas simplement mieux que rien, mieux que le chômage et l’angoisse de n’avoir plus le moindre centime pour les faire vivre sa fille et lui, les docks c’était aussi mieux que quantité de boulots miteux dans lesquels Tommy s’était senti rabaissé et moins respecté encore que dans l’environnement désormais familier du port commercial de Redcliffe. Moins dégradant que de distribuer des prospectus à la sortie d’une gare en ne récoltant même pas un regard – ou sinon méprisant – des passants, moins abrutissant que de faire la plonge dans une cuisine minuscule et sans lumière du jour pour un salaire que seules les personnes désespérées étaient prêtes à accepter. Bref, les docks ce n’était pas si mal au fond, et c’était de parvenir à s’en convaincre avec autant d’instance qui permettait à Tommy de continuer d’occulter tout ce qui certains jours lui donnait envie de jeter l’éponge. Mais pour faire quoi ? Il n’était bon à rien, Tommy, il l’avait suffisamment entendu depuis son adolescence pour s’être définitivement convaincu qu’il s’agissait de la vérité, et sa douce épouse n’était plus là désormais pour tenter à grand renfort de mots doux de le persuader du contraire. On ne se contente pas de quelque chose de mauvais sous prétexte qu’il y a toujours pire ailleurs, lui aurait-elle probablement asséné avec certitude si elle avait été là, jamais dans la demi-mesure et empreinte de cette âme de contestataire qui faisait d’elle le parfait cliché de la française, parfois. Mauvais, comme l’oeil du contremaître la semaine précédente, lorsqu’il avait menacé de retenir sur son prochain salaire les jours d’allocation maladie auquel il avait pourtant droit – comme en témoignait la cicatrice encore fraîche dans sa paume droite – s’il refusait de venir remplacer X ou Y sur ses jours de repos. Et Tommy, bien sûr, avait accepté sans broncher : encore, comme à chaque fois, bien conscient que s’il était renvoyé un autre prendrait sa place aussitôt, mais que lui peinerait à retrouver un emploi maintenant qu’une simple recherche Google suffisait à dérouler ses antécédents judiciaires. Il en était sans doute un peu là, ou pas loin, le nouveau Leckie auquel Tommy avait été présenté, par la force des choses. Lui aussi aurait sans doute préféré être ailleurs, mais lui aussi devait désormais “faire avec” les conséquences de l’une de ses erreurs, et avec tout ce qu’elles fermaient comme portes à la minute où l’on tentait de redevenir un citoyen comme les autres. Sur les docks, au moins, personne ne viendrait lui chercher de noises à ce sujet, car la vérité c’est que des bonhommes comme eux il y en avait des tas, et des bien moins recommandables que les deux bandits de pacotille qu’étaient Caelan et Tommy. Difficile pour le dernier cependant de convaincre le premier de se dérider un peu, et plusieurs jours avaient été nécessaires avant qu’enfin, le Leckie accepte de se joindre aux habitués du bar planté à l’entrée de la zone, où l’odeur de chaussette sale et de poisson faisaient autant partie du décor que la bière bon marché qu’on y servait. L’ambiance en revanche y était bon enfant, quoi qu’un peu boys club, et Tommy comme tant d’autres avait appris à s’y sentir comme chez lui. « Julie m’a beaucoup parlé de toi. » s’installant au comptoir tandis que le Warren faisait signe au barman, Caelan avait enchaîné « Elle avait beaucoup d’attentes à ce que j’ai compris. Ta fille ne te mettait pas trop la pression de ton côté ? » Laissant échapper un bref rire, le brun avait secoué la tête « Elles sont malignes, j’aurais bientôt rencontré toute la famille. » Outre Julie et Norah, il avait en effet furtivement croisé l’aîné de la fratrie lorsque, pris d’un sursaut de courage, il avait osé rendre visite à l’infirmière durant son hospitalisation. Avant qu’il n’ait pu ajouter autre chose, son tout nouveau collègue avait enchaîné sur une nouvelle question « Sinon, t’as commencé aux docks parce que tu connaissais quelqu’un ou ? » et lorsque leurs bières étaient arrivées, il s’était presque jeté sur la sienne comme on attrapait une bouée de sauvetage. « Un client du bar où je bossais avant, à l’époque où je commençais à saturer de jouer les psys de comptoir. Avec le recul j’aurais peut-être dû me contenter de c’que j’avais à l’époque, mais bon. » Haussant les épaules avec fatalisme, l’air de dire “c’est la vie” sans avoir à le formuler, il avait pris le temps d’une gorgée de bière dont la fraîcheur était bienvenue. « T’as pas beaucoup mis le nez dehors depuis que t’es sorti de cabane, j’me trompe ? » Qu’il en parle aussi librement pouvait surprendre, mais s’il y avait bien un endroit où cela resterait sans conséquence, c’était celui-ci. « T’inquiètes, ici tout le monde s’en tape. Y’en a qui ont fait bien pire. » Mais à ce sujet il valait mieux ne pas chercher à savoir, personne ne jugeait mais chacun s’occupait de ses propres affaires, c’était encore ainsi que les choses tournaient le mieux. « Tu bossais dans quoi, avant ? » Cette information-là, Moïra n’avait pas été capable de lui transmettre – et les interactions entre Tommy et Norah s’étant quelques peu réduites depuis que la jeune femme avait refusé ses avances, la conversation s’en était tenue au strict minimum, le tout dans un léger malaise.
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| | | | (#)Ven 10 Fév 2023 - 3:57 | |
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« Elles sont malignes, j’aurais bientôt rencontré toute la famille. » Caelan avait toujours du mal à réaliser que Tommy était le frère d’Elizabeth et qu’ils avaient techniquement été beau-frère à une époque lointaine, sans doute parce qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés par sa faute. Au moins, son nouveau collègue ne semblait pas lui tenir rigueur d’avoir brisé le cœur de sa sœur à l’époque et ce n’était pas le géant qui allait s’en plaindre. « Vous vous êtes connus comment déjà, Norah et toi? Par l’entremise de Julie et Moira ou ce sont les filles qui se sont connues grâce à vous? » De mémoire, elles allaient à l’école ensemble, mais il pouvait se tromper et ce sujet lui permettait de briser la glace comme les questions suivantes avant d’aborder certains sujets moins évidents une fois qu’il aurait un peu d’alcool dans les veines pour rendre la tâche plus facile. « Un client du bar où je bossais avant, à l’époque où je commençais à saturer de jouer les psys de comptoir. Avec le recul j’aurais peut-être dû me contenter de c’que j’avais à l’époque, mais bon. » Caelan sourit faiblement en hochant la tête. « Tu étais barman? Tu as fait ça longtemps? » Un métier qui devait être loin d’être évident. Il aurait probablement pu l’être durant ses années universitaires, mais à presque quarante ans, Caelan n’avait aucun intérêt à devoir gérer de jeunes adultes intoxiquées. « T’as pas beaucoup mis le nez dehors depuis que t’es sorti de cabane, j’me trompe ? » Il rit légèrement en levant les yeux au ciel. Ça se voyait tant que ça? « Qu’est-ce qui te fait dire ça? Tu me trouves blême? » Il tenta de dissiper le malaise qu’il ressentait avec un peu d’humour. Tommy avait vu juste, cependant, il sortait peu depuis sa libération si ce n’était que pour travailler, voir de temps en temps ses proches et courir pour la fondation For Judy et encore là, on ne pouvait pas dire qu’il avait été très impliqué depuis quelques mois. « Je me tiens tranquille, j’ai besoin de prendre du temps pour moi. » Pour se faire à l’idée qu’il avait tout perdu et que sa vie ne serait plus jamais la même sauf que les mois passaient et il ne retrouvait toujours pas son entrain d’antan. Il se sentait comme le vilain petit canard partout où il allait.
« T’inquiètes, ici tout le monde s’en tape. Y’en a qui ont fait bien pire. » Pire qu’un délit de fuite? Pour pouvoir dire une telle chose, il fallait bien que Tommy soit au courant du crime que Caelan avait commis et ce n’était pas lui qui lui en avait parlé, ce qui ne laissait qu’une seule autre possibilité : sa sœur jumelle Norah. Ce n’était pas tellement surprenant considérant qu’ils étaient suffisamment proches pour que leurs filles tentent de jouer les entremetteuses avec eux, mais le Leckie aurait préféré que ça ne s’ébruite pas. Depuis sa sortie de prison, chaque nouvelle personne qu’il rencontrait était au courant ou alors ce n’était qu’une question de temps, ce qui ne l’aidait en rien à se faire un nouveau réseau puisque ce n’était pas tout le monde qui ne le jugeait pas comme Tommy à l’instant présent. Dans ce cas-ci, peut-être qu’il s’agissait de l’exception à la règle et que ce n’était pas une mauvaise chose considérant leur expérience commune derrière les barreaux. Enfin, il pourrait échanger avec quelqu’un qui le comprenait et qui l’aiderait peut-être à regarder un peu de l’avant, à voir la lumière au bout du tunnel plutôt que de passer ses journées à se morfondre sur son avenir vide de sens. « Je suis content de l’entendre, mes dernières collègues n’étaient pas vraiment de la même opinion. » Elles avaient fait preuve de curiosité et, dans un sens, il comprenait qu’elles se soient interrogés sur ses motivations à faire le travail qu’il faisait pour le Walker Group considérant son diplôme en ingénierie ainsi que sa longue carrière dans le domaine, mais il n’aurait jamais essayé de pousser un autre employé à bout jusqu’à ce qu’il décide de quitter son emploi comme il l’avait fait. Après ce qu’il avait vécu, autant en prison qu’à son emploi précédent, il lui était beaucoup plus facile se retenir de poser des questions sur le passé de ses collègues quand il préférait qu’on ne lui en pose pas à lui non plus. « Tu bossais dans quoi, avant ? » Il prit le temps de porter sa bière à ses lèvres pour en prendre une gorgée avant de répondre, le regard rivé sur la bouteille ambrée qu’il tenait maintenant à deux mains. « Ingénieur civil. » répondit-il sans trop d’enthousiasme alors que le passionné en lui pouvait en parler pendant des heures autrefois. « Structures et infrastructures. Les ponts, les routes et les édifices. Tout ça. » Il se contentait du minimum pour ne pas s’emballer et ainsi tourner le couteau davantage dans la plaie. « Je ne pensais pas un jour faire autre chose que ça, pour être honnête… » ajouta-t-il en haussant les sourcils. Il ne pensait certainement pas frapper quelqu’un en voiture non plus, d’ailleurs. « Et toi? T’as dû faire un 180 dans ta vie professionnelle aussi? Tu faisais quoi? » Après son incarcération, voulait-il dire. Il en savait peu sur son collègue, si ce n’était que sa nièce manigançait avec la fille de l’homme dans l’espoir que leurs parents tomberaient amoureux l’un de l’autre. À l’écouter parler de son emploi au port, le petit doigt de Caelan lui disait que ce n’était pas sa carrière de rêve à lui non plus. « Comment ça se passe avec ta famille? » Il ne voulait pas paraître déplacé, mais c’était la première fois qu’il parlait à quelqu’un qui était passé par où il passait actuellement et le parcours du brun l’intéressait sincèrement. Est-ce que les membres de sa famille s’attendaient à ce qu’il soit le même à sa sortie ou acceptaient-ils le nouveau Tommy? Ses frères et sa sœur ne lui mettaient pas de pression sur ce sujet, il s’en mettait probablement tout seul, mais il culpabilisait chaque fois qu’il passait du temps avec eux d’être incapable de se laisser aller comme il le faisait autrefois. |
| | | | (#)Dim 19 Fév 2023 - 18:32 | |
| I've practiced this for hours, gone 'round and 'round, and now I think that I've got it all down. And as I say it louder, I love how it sounds, 'Cause I'm not taking the easy way out, not wrapping this in ribbons, shouldn't have to give a reason why. It's no surprise I won't be here tomorrow, I can't believe that I stayed 'til today. ☆☆Les relations entre Norah et Tommy auraient pris une tournure différente que les choses ne se seraient probablement pas passées autrement pour Caelan. Le Warren n’avait pas proposé son aide avec la moindre arrière-pensée, si ce n’était peut-être la crainte que justement Norah l’imagine le faire de façon intéressée. La vérité c’est qu’il était assez rare que Tommy soit en position d’aider qui que ce soit, encore moins un ancien “camarade” d’infortune, alors lorsque l’occasion s’était présentée il n’avait pas eu besoin de réfléchir. « Vous vous êtes connus comment déjà, Norah et toi ? Par l’entremise de Julie et Moira ou ce sont les filles qui se sont connues grâce à vous ? » Secouant la tête pour réfuter la seconde option, il avait confirmé aussitôt « C’était via les filles, oui. L’école cherchait des accompagnants pour une sortie scolaire au planétarium, et on était tous les deux volontaires. » en omettant cependant de préciser que c’était avant tout Julie et Moïra qui s’étaient arrangées pour qu’ils le soient, très fières l’une comme l’autre du plan visant à jouer les entremetteuses entre leurs parents. Reste que tout ne s’était pas déroulé comme prévu, et trop heureux de pouvoir changer de sujet le brun avait embrayé sur la façon dont il avait atterri avec plaisir. « Tu étais barman ? Tu as fait ça longtemps ? » Longtemps était une notion à géométrie variable. « Quelques années. J’ai bossé là-bas un temps après le lycée, je pensais pas que le patron se souviendrait de moi mais il a accepté de me reprendre quand j’étais en galère. » Autrement dit lorsque toutes les portes s’étaient fermées les unes après les autres, et qu’il avait pleinement pris conscience qu’on ne terminait pas de payer ses erreurs une fois sorti de prison – on les payait encore sur ce genre de bâtons que la vie ne cessait ensuite de vous mettre dans les roues. Et si Tommy avait eu le temps de s’habituer, de se créer un quotidien autour de cette nouvelle condition d’ancien détenu en se contentant d’espérer silencieusement qu’elle deviendrait un jour si lointaine et secondaire qu’elle ne serait plus un problème pour personne, Caelan avait quant à lui typiquement l’attitude de celui qui naviguait à vue et buvait la tasse à chaque seconde en priant de ne pas se noyer. « Qu’est-ce qui te fait dire ça ? Tu me trouves blême ? » avait-il néanmoins rétorqué avec un brin d’humour à la remarque du Warren, et ce dernier levant les mains en signe de bonne foi Caelan avait repris d’un ton plus sérieux « Je me tiens tranquille, j’ai besoin de prendre du temps pour moi. » ce à quoi Tommy avait hoché la tête pour faire signe qu'il comprenait. « Ça se défend. Et puis au départ on a l’impression que ça se voit sur nous et que tout le monde nous dévisage … Mais je t’assure que c’est juste dans la tête. » C’était aussi à n’en pas douter le symptôme des criminels de pacotille : les vrais n’avaient pas peur d’être considérés comme tels, parfois même ils s’en satisfaisaient, et en comparaison Caelan et Tommy avaient l’air de deux enfants qui désobéissaient à leurs parents pour la première fois. Ce qui valait d’ailleurs aussi pour l’endroit dans lequel ils étaient attablés : certains employés des docks avaient un casier long comme le bras, ou qui contenait des choses sur lesquelles Tommy se contentait de ne pas vouloir de détails. « Je suis content de l’entendre, mes dernières collègues n’étaient pas vraiment de la même opinion. » Grimaçant d’un air compatissant, l’australien avait pris une gorgée de sa bière avant de demander des détails sur ce à quoi s’occupait Caelan avant – avant la case prison, s’entendait. « Ingénieur civil. Structures et infrastructures. Les ponts, les routes et les édifices. Tout ça. » Le genre de métier dont on ne se posait généralement même pas la question de savoir s’ils existaient ou non, à moins d’évoluer dedans. « Je ne pensais pas un jour faire autre chose que ça, pour être honnête … » La question paraîtrait peut-être bête aux yeux du principal intéressé, mais n’étant jamais à cela près Tommy avait tout de même questionné « Et faut forcément un casier vide pour bosser là-dedans ? » avec un brin de curiosité. Lui n’avait aucun diplôme, et s’était toujours imaginé qu’il aurait eu moins de mal à rebondir si tel n’avait pas été le cas – ou bien s’agissait-il seulement de ce que ses parents avaient tenté de lui mettre dans la tête ? Il y avait en tout cas eu un brin de gêne de sa part lorsque Caelan avait demandé « Et toi ? T’as dû faire un 180 dans ta vie professionnelle aussi ? Tu faisais quoi ? » sans se douter que son occupation de barman représentait déjà une grande partie de ce à quoi il s’occupait “avant”. « Juste avant ? Bûcheron, j’étais employé dans une scierie. Bûcheron au Canada, je sais. » aurait-il pu faire encore plus cliché ? Il ne l’avait même pas fait volontairement, se contentant comme à son habitude de saisir les opportunités comme elles se présentaient, leur installation en Ontario résultant bien plus des projets d’Alice que des siens. « Je pensais retrouver quelque chose de similaire en rentrant en Australie, mais j’ai découvert qu’il fallait passer une certification ou je ne sais quoi, et j’avais pas l’argent pour ça. J’ai toujours pas l’argent pour ça. » L’idée même de devoir payer pour avoir le droit de travailler lui semblait absurde, en plus de le renvoyer strictement au même point qu’avant son immigration ; Une décennie de travail qui ne lui servait à rien, et sans que son casier judiciaire n’y soit même pour quelque chose, pour une fois. À nouveau, Tommy avait haussé les épaules avec fatalisme, habitué à subir les aléas de sa vie sans avoir l’énergie pour se battre – Alice savait le motiver et l’encourager, mais Alice n’était plus là. « Comment ça se passe avec ta famille ? » Oh, ça. « J’suis toujours invité aux repas de famille, alors je suppose que c’est pas si pire. » Personne hormis Scarlett ne lui avait rendu visite durant son incarcération, mais Tommy préférait se persuader que la faute était à remettre sur la distance plutôt que sur un manque d’intérêt. « Ma mère était mortifiée quand mes antécédents ont terminé dans les magazines people à cause de Race of Australia, mais je crois qu’elle s’inquiétait surtout de sa réputation auprès des voisins. » Bien plus qu’elle ne s’était inquiétée des conséquences sur son propre fils, en tout cas. « En dehors de ça on n’en parle jamais. Mais j’suis pas sûr que ma famille soit un excellent exemple, on n’est pas vraiment proches. Juste Scarlett et moi – c’est ma petite sœur. » Un peu comme Norah et Caelan devaient l’être, ou du moins Tommy le supposait. « Comment les tiens ont réagi ? » Ses parents, ses frères et soeurs, peu importe … Il soupçonnait simplement que pour avoir posé la question le premier, Caelan devait avoir des choses à dire sur le sujet.
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| | | | (#)Mer 5 Avr 2023 - 20:16 | |
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Déjà près de six ans que Norah était célibataire malgré elle et Caelan rêvait du jour où elle lui apprendrait qu’elle avait rencontré quelqu’un. Il ne lui mettrait jamais la pression, mais sa sœur méritait d’être heureuse et il espérait qu’un jour elle serait capable de laisser un autre homme entrer dans sa vie. Il était bien placé pour savoir que ce n’était pas facile de passer à autre chose après une longue relation, d’autant plus dans le cas de sa jumelle qui avait perdu son époux en service et non pas parce que leur relation s’était estompée. Plus le brun passait du temps en compagnie de Tommy, plus il était déçu que le stratagème de Julie et Moïra n’ait pas fonctionné. Même s’il ignorait pourquoi l’homme s’était retrouvé derrière les barreaux comme lui, il semblait être quelqu’un de bien. Auparavant, Caelan aurait eu des réserves si sa sœur avait fréquenté un ex-détenu. Dorénavant qu’il en était un lui-même, il ne se permettrait pas de porter des jugements aussi rapidement sans connaître davantage de détails. « C’était via les filles, oui. L’école cherchait des accompagnants pour une sortie scolaire au planétarium, et on était tous les deux volontaires. » Caelan se souvenait très bien de cette sortie, Norah lui avait demandé s’il pouvait accompagner la classe de Julie au planétarium. Il comprenait maintenant pourquoi sa filleule s’était autant objectée à sa présence là-bas, ce n’était finalement pas parce qu’il lui aurait fait honte en posant autant de questions sinon plus que les autres élèves. Est-ce que Pluton est une planète finalement? Mystère et boule de gomme. « Quelques années. J’ai bossé là-bas un temps après le lycée, je pensais pas que le patron se souviendrait de moi mais il a accepté de me reprendre quand j’étais en galère. » Caelan haussa un sourcil en portant sa bière à ses lèvres. « C’est pour une bonne raison qu’il s’est souvenu de toi? » Il ne comptait pas le nombre de fois où Norah s’était fait demander si elle était aussi tannante que son jumeau. Pas qu’il était un mauvais garçon, mais il déplaçait beaucoup d’air et les professeurs se rappelaient donc facilement de lui. « Sérieusement, c’est bien qu’il t’ait repris. On n’a jamais trop d’alliés. » Les mains tendues se font parfois rares en sortant de prison, surtout de la part de ceux qui ne les connaissaient pas avant qu’ils se retrouvent derrière les barreaux.
Plusieurs de ses proches tentaient de l’encourager en voyant à quel point il était découragé, lui disaient que les choses allaient finir par s’arranger avec un peu de temps et qu’il était normal qu’il se sente dépassé. Même si leurs encouragements partaient de bonnes intentions, ils avaient peu de valeur parce qu’ils ne pouvaient pas comprendre sa réalité. Pas comme Tommy qui était passé par le même chemin que lui et dont les paroles avaient beaucoup plus de valeur aux yeux de l’ex ingénieur. « Ça se défend. Et puis au départ on a l’impression que ça se voit sur nous et que tout le monde nous dévisage … Mais je t’assure que c’est juste dans la tête. » Tommy marquait un point, Caelan avait bien l’impression que tout le monde le dévisageait, comme s’il portait en permanence un serre-tête avec un carton sur lequel il était écrit « ex-détenu ». Avant son incarcération, le brun n’avait jamais autant porté attention au regard que les inconnus lui portaient. Il était comme il était et si les gens n’étaient pas contents, ils n’avaient qu’à passer leur chemin. Aujourd’hui, cependant, il arrivait difficilement à en faire abstraction. « Qu’est-ce que tu as fait pour arrêter de penser à ça en sortant? Tu as rapidement réussi à en faire abstraction? » Il pouvait bien se répéter sans cesse les paroles de Tommy, il ne pouvait pas oublier l’attitude de ses anciennes collègues. Cette fois-là, du moins, ce n’était pas que dans sa tête. « Et faut forcément un casier vide pour bosser là-dedans ? » Silencieux, Caelan dodelina la tête en posant sa bière sur la table. « Pas forcément… Ça dépend des projets, pour certains il faut une cote de sécurité de niveau plus élevé. Pour un contrat du gouvernement, par exemple. Dans tous les cas, les antécédents criminels sont vérifiés et l’employeur peut décider de ne pas embaucher selon la gravité du délit. » Malheureusement pour lui, il n’avait essuyé que des refus depuis sa sortie de prison et ce malgré son expérience. Il s’était bâti une excellente réputation au fil des années, mais une seconde n’avait suffi pour tout détruire. « Même si le crime que j’ai commis n’a aucun lien avec mon travail, pas comme un chauffeur qui aurait conduit avec les facultés affaiblies par exemple, je n’ai pas pris mes responsabilités quand c’était le temps. Ça entache ma fiabilité, la confiance des employeurs… personne n’a envie du coup de pub que je leur donnerais. » expliqua-t-il baissant son regard sur ses mains toujours posées sur sa bière.
Lorsque Tommy avait parlé de son boulot de barman, il avait cru qu’il s’agissait d’un travail qu’il occupait depuis sa sortie de prison au même titre que celui aux docks. Il ne portait aucun jugement sur son travail, il avait simplement assumé qu’il pratiquait un autre métier avant son incarcération. « Juste avant ? Bûcheron, j’étais employé dans une scierie. Bûcheron au Canada, je sais. » Sa réponse piqua la curiosité de Caelan qui avait passé quelques mois en sol canadien. « Au Canada? T’as été là-bas longtemps? T’étais où? J’ai passé quelques mois près d’Edmonton il y a quelques années. Je plantais des arbres avant que tu ne défasses mon travail. » répondit-il avec un brin d’humour. « Je pensais retrouver quelque chose de similaire en rentrant en Australie, mais j’ai découvert qu’il fallait passer une certification ou je ne sais quoi, et j’avais pas l’argent pour ça. J’ai toujours pas l’argent pour ça. » Il prit un air plus sérieux en apprenant que Tommy ne pouvait pas aller de l’avant avec son projet à cause de l’argent. « Je vois. Dommage… un employeur n’aurait pas pu financer ta certification en te faisant signer un contrat d’engagement? » Certaines compagnies donnaient parfois des avantages avec la certitude que les candidats resteraient chez eux pour une certaine période de temps. À part le travail, aller en prison avait certainement un impact sur le milieu familial aussi et Caelan était curieux de savoir comment Tommy s’en sortait à ce niveau. « J’suis toujours invité aux repas de famille, alors je suppose que c’est pas si pire. Ma mère était mortifiée quand mes antécédents ont terminé dans les magazines people à cause de Race of Australia, mais je crois qu’elle s’inquiétait surtout de sa réputation auprès des voisins. En dehors de ça on n’en parle jamais. Mais j’suis pas sûr que ma famille soit un excellent exemple, on n’est pas vraiment proches. Juste Scarlett et moi – c’est ma petite sœur. » Il était désolé d’apprendre que la situation familiale de Tommy n’était pas simple. Son séjour en prison semblait être un sujet tabou et jamais il n’aurait pensé ça de la famille Warren. Il se rendait compte que ce n’était pas parce qu’il avait fréquenté Elizabeth qu’il connaissait leur famille pour autant. « Race of Australia, c’est une émission de télé c’est ça? » Il s’y connaissait si peu. « Tu as participé? » Il était surpris, jamais il n’aurait eu envie d’attirer l’attention des gens ainsi après ce qu’il venait de vivre. « Je suis désolé pour ta famille en tout cas. » se contenta-t-il de répondre en prenant conscience que ça ne semblait pas être le sujet de conversation préféré de son nouveau collègue étant donné la tension au sein de sa famille. « Comment les tiens ont réagi ? » La situation ne semblait pas aussi compliquée chez les Leckie que les Warren, en tout cas pas depuis qu’il avait décidé de prendre ses responsabilités. « Disons que tout le monde était déçu quand ils ont appris ce que j’avais fait… Mes frères ont refusé de me parler jusqu’à ce que je me rende au poste pour me dénoncer. » Repenser à cette période de sa vie suffisait à lui serrer le cœur. La famille était ce qu’il avait de plus important. « On a repris contact depuis que j’ai décidé d’aller au poste. Je suis content de les avoir retrouvés, mais j’ai l’impression que ce ne sera jamais plus pareil… » Il soupira longuement avant de prendre une gorgée de bière. « J’ai l’impression que c’est impossible de passer un bon moment sans que mon incarcération soit dans un coin de leur tête. Ils sont toujours inquiets, me regardent avec une certaine pitié… Je me mets la pression d’être comme avant. It sucks. Peut-être que ça aussi c’est dans ma tête? » demanda-t-il en posant sur Tommy son regard à la recherche de la réponse. |
| | | | (#)Mar 27 Juin 2023 - 5:14 | |
| I've practiced this for hours, gone 'round and 'round, and now I think that I've got it all down. And as I say it louder, I love how it sounds, 'Cause I'm not taking the easy way out, not wrapping this in ribbons, shouldn't have to give a reason why. It's no surprise I won't be here tomorrow, I can't believe that I stayed 'til today. ☆☆ « C’est pour une bonne raison qu’il s’est souvenu de toi ? »Étrange comme le ton et l’intention suffisaient parfois à raconter deux histoires totalement différentes, suivant la bouche dont sortait une même phrase : dans la bouche de l’un de ses aînés ou de ses parents, Tommy aurait instantanément pris cela comme une attaque, ou un reproche maladroitement déguisé. Dans la bouche de Caelan, qu’il ne connaissait pourtant presque pas, il n’y avait vu rien d’autre qu’une plaisanterie, et la preuve en filigrane que l’on ne se sentait jamais aussi vulnérable que face aux personnes qui étaient les plus proches. « Sérieusement, c’est bien qu’il t’ait repris. On n’a jamais trop d’alliés. » avait pour sa part fini par ajouter le Leckie, et acquiesçant d’un hochement de tête Tommy s’en était tenu à une gorgée de bière. Callum McTavish avait été une exception à la règle, il le savait, et de ne plus travailler pour lui n’empêchait pas qu’il lui serait éternellement reconnaissant. Il avait su lui redonner une chance, et surtout il n’avait jamais changé de regard sur lui même après toutes ces années, et le passage de Tommy par la case prison – Callum s’en moquait, sans que l’ancien détenu n’ait jamais osé questionner à ce sujet. « Qu’est-ce que tu as fait pour arrêter de penser à ça en sortant ? Tu as rapidement réussi à en faire abstraction ? » Reposant sa bière, le Warren avait penché la tête sur le côté, affichant par avance une moue désolée tant sa réponse ne serait probablement pas celle espérée par le frère de Norah « J’ai pas arrêté d’y penser … J’y pense toujours. Chaque fois que je rencontre quelqu’un, et que le temps ou le courant passe suffisamment pour que je sois obligé d’être honnête. Ça reste jamais un secret éternellement, alors je préfère que ça vienne de ma bouche plutôt que … » Plutôt que n’importe quoi d’autre, en réalité. De la bouche de quelqu’un d’autre, comme cela avait été le cas pour Norah avec la principale du collège, ou des pages malintentionnées d’un journal comme après la diffusion de Race of Australia, avec tout ce que cela impliquait d’exagérations et de vérités réarrangées pour le sensationnalisme. « Pour le reste, t’apprends juste à faire avec. Je dois penser à ma fille, je peux pas me permettre de faire le difficile ou de faire passer mon ego en premier … si faut supplier pour un boulot je le fais, et si faut encaisser en silence je le fais aussi. » Tout pour tenter de ne plus s’attirer d’ennuis et empêcher que ses déboires n'éclaboussent sa progéniture, en somme. Tommy s’était cependant toujours persuadé que les choses auraient été plus simple si sa situation avait été différente ; Et par situation, il voulait dire, s’il avait eu des diplômes, ou la moindre preuve pour autrui qu’il était doué dans un domaine quel qu’il soit. Il n’était pourtant pas dépourvu de qualités, et pas mauvais dans certains domaines, mais à s’être entendu dire toute sa vie par ses parents qu’il n’était ni aussi érudit que Marius, ni aussi ambitieux qu’Elizabeth, il peinait à voir plus loin que la déception parentale lui donnant l’air de ne pas valoir grand-chose. Caelan, lui, avait des diplômes : il était intelligent, il avait une situation avant de faire (littéralement) une sortie de route … Et malgré tout il se retrouvait là lui aussi. A charger et décharger des cargos, comme autant de tâches qui ne nécessitaient que du muscle, et aucune matière grise. « Pas forcément… Ça dépend des projets, pour certains il faut une cote de sécurité de niveau plus élevé. Pour un contrat du gouvernement, par exemple. Dans tous les cas, les antécédents criminels sont vérifiés et l’employeur peut décider de ne pas embaucher selon la gravité du délit. » Hallucinant, le nombre de domaines dans lesquels on tentait de vous faire croire que vous n’étiez pas compétent sans être irréprochable … Le genre de détails que l’on apprenait souvent trop tard, ou à ses propres dépens. « Même si le crime que j’ai commis n’a aucun lien avec mon travail, pas comme un chauffeur qui aurait conduit avec les facultés affaiblies par exemple, je n’ai pas pris mes responsabilités quand c’était le temps. Ça entache ma fiabilité, la confiance des employeurs … personne n’a envie du coup de pub que je leur donnerais. » La dernière partie n’avait arraché à Tommy qu’un sourire amer, et l’air de dire “je connais la chanson, je l’ai déjà entendue” – comme tant d’autres ici, qu’ils soient prêts à l’admettre ou non. « Les gens sont stupides. Et souvent pas plus irréprochables moralement … Ils se sont juste jamais fait prendre. » Contrairement à eux deux ? Le Warren avait peut-être eu l’air de se chercher des excuses, mais il estimait payer depuis suffisamment longtemps pour le résultat d’une mauvaise décision en rien représentative de ce qu’il était. Il avait volé, c’est vrai – mais il n’était pas un voleur, et peu importe que la distinction n’ait de sens pour personne d’autre que lui-même. Et les voilà ici, tous les deux, par dépit bien plus que par choix, et avec probablement une toute autre idée de ce que serait leur futur lorsqu’ils s’étaient (peut-être) demandé à l’aube de leur vie d’adulte où ils se trouveraient lorsqu’ils auraient trente, quarante ans. Fut un temps où Tommy s’était imaginé rester au Canada pour de bon, ou au moins aussi longtemps qu’en aurait envie Alice – il l’aurait suivi partout les yeux fermés. « Au Canada ? T’as été là-bas longtemps ? T’étais où ? J’ai passé quelques mois près d’Edmonton il y a quelques années. Je plantais des arbres avant que tu ne défasses mon travail. » La dernière remarque arrachant un rire au Warren, il avait dodeliné la tête « Plus à l’Est, en Ontario. Kenora – Ma femme avait décroché un stage là-bas, et moi j’avais pas grand-chose pour me retenir ici, alors … » Alors il l’avait suivie, sans hésitation et sans autre regret que celui de laisser Scarlett derrière lui ; La seule Warren dont il n’avait jamais senti devoir s’éloigner pour commencer à vivre sans se sentir dans l’ombre. Là-bas il avait été bûcheron en se sentant à sa place, quand ici il n’aurait été “que bûcheron” avec dans le regard de sa mère un peu de déception, et dans celui de sa sœur aînée sans doute un peu de pitié. La question ne s’était de toute façon pas posée, Tommy de retour au bercail sans pouvoir reprendre sa vie professionnelle là où elle s’était interrompue : « Je vois. Dommage … un employeur n’aurait pas pu financer ta certification en te faisant signer un contrat d’engagement ? » La tête penchée avec dépit, il avait rétorqué dans un soupir las « C'est là que ça aide, de ne pas être un repris de justice. » et affiché un sourire résigné. Le serpent qui se mordait la queue – Caelan aurait bien le temps d’apprendre à s’y confronter, lui aussi. Et lui aussi chercherait après toutes les opportunités qui lui permettraient de voir autre chose, d’être autre chose … Il fallait au moins cela pour avoir poussé Tommy à s’inscrire dans un jeu télévisé. « Race of Australia, c’est une émission de télé c’est ça ? Tu as participé ? » Participé était un bien grand mot, considérant la rapidité avec laquelle il avait été éliminé. « Y’avait un beau pactole à la clé. » s’était-il simplement justifié sans entrain, la justification lui semblant suffisante à l’époque, mais dérisoire aujourd’hui à la lueur des ennuis que sa médiatisation lui avait apportés. « Je suis désolé pour ta famille en tout cas. » avait finalement compati son nouveau collègue, Tommy balayant la chose d’un signe de la main et préférant le questionner sur la manière dont se passait les choses dans la sienne ; De ce qu’il en avait entendu, le clan Leckie semblait bien moins dysfonctionnel que le clan Warren. « Disons que tout le monde était déçu quand ils ont appris ce que j’avais fait … Mes frères ont refusé de me parler jusqu’à ce que je me rende au poste pour me dénoncer. On a repris contact depuis que j’ai décidé d’aller au poste. Je suis content de les avoir retrouvés, mais j’ai l’impression que ce ne sera jamais plus pareil … » Marquant une pause, le temps d’un soupir et d’une gorgée de bière, il avait repris « J’ai l’impression que c’est impossible de passer un bon moment sans que mon incarcération soit dans un coin de leur tête. Ils sont toujours inquiets, me regardent avec une certaine pitié … Je me mets la pression d’être comme avant. It sucks. Peut-être que ça aussi c’est dans ma tête ? » et ancré enfin son regard dans celui de Tommy, comme à la recherche de réponses que le lascar possèderait mieux que lui de par les années d’avance prises sur leur situation commune. « C’est encore frais, je suppose que c’est difficile pour eux de savoir comment se comporter avec toi … Y’a pas de mode d’emploi sur “comment réussir sa sortie de prison” mais y’en a pas non plus sur “comment soutenir un proche qui sort de prison” … Du moins j’crois pas. » A bien y réfléchir, il était presque certain qu’en tapant l’un ou l’autre sur Google ils obtiendraient bien quelques résultats … On trouvait à peu près tout sur internet, de nos jours. « Ils t’ont beaucoup rendu visite, quand tu étais là-bas ? » Là-bas, cela sonnait bien que “incarcéré”. « Y’a pas de formule magique, à part laisser du temps au temps … Même pour toi. Au début t’as du mal à retrouver les réflexes de personne libre d’aller et venir, et puis finalement ça revient. Les premiers temps je sortais presque pas de chez moi parce que j’avais l’impression de ne plus savoir quoi faire de moi-même une fois dehors … C’est là que retrouver du boulot ça aide. Ça force à se bouger. » Autrement dit, d’être ici Caelan avait déjà fait un premier pas dans la bonne direction ; Le reste suivrait.
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| | | | (#)Mer 12 Juil 2023 - 1:57 | |
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« J’ai pas arrêté d’y penser … J’y pense toujours. Chaque fois que je rencontre quelqu’un, et que le temps ou le courant passe suffisamment pour que je sois obligé d’être honnête. Ça reste jamais un secret éternellement, alors je préfère que ça vienne de ma bouche plutôt que … » Plutôt que ça se sache par quelqu’un d’autre et de passer pour un menteur, Caelan n’avait aucun mal à le comprendre même si, à part Tommy, il n’avait pas rencontré grand-monde depuis sa libération. Cette discussion qu’il devrait tôt ou tard avoir était clairement une des raisons pour lesquelles il s’empêchait de faire de nouvelles rencontres. Il ne voulait pas cacher cette information si importante et que la personne réagisse mal en l’apprenant (de sa part ou pas), mais de l’autre côté, il ne voulait pas non plus que les gens aient des aprioris à son sujet et qu’ils ne lui laissent pas sa chance. Il était tiraillé, incapable de décider ce qui était le mieux. En réalité, il n’y avait probablement pas une seule formule gagnante, chaque personne étant à risque de réagir différemment à une telle nouvelle. « Pour le reste, t’apprends juste à faire avec. Je dois penser à ma fille, je peux pas me permettre de faire le difficile ou de faire passer mon ego en premier … si faut supplier pour un boulot je le fais, et si faut encaisser en silence je le fais aussi. » La situation de Caelan était différente car il n’y avait personne qui dépendait de lui comme Tommy avec sa fille. Si ça avait été le cas, certainement qu’il ne serait pas parti du Walker Group avant de se trouver autre chose et il aurait été obligé d’encaisser les remarques de ses collègues. Il avait été chanceux, dans un sens, d’habiter chez quelqu’un qui ne lui demandait pas de payer un loyer en plus d’avoir pas mal d’argent de côté suite à la vente de la maison dont il était propriétaire à l’époque avec Iris. Ce coussin financier lui avait permis de pouvoir faire son difficile, lui. « Tu fais ce qu’il faut pour ta famille et c’est tout à ton honneur. » Il n’avait aucun mal à imaginer qu’il avait dû vouloir remettre certaines personnes à leur place à quelques reprises, mais qu’il avait dû se retenir pour ne pas en subir les conséquences. « Tu as fréquenté quelqu’un depuis ta sortie? » Non il ne cherchait pas à savoir si son collègue était célibataire pour lui payer un verre ce soir, mais plutôt parce qu’il s’inquiétait de l’impact que pouvait avoir son incarcération sur sa vie amoureuse. Après, les tueurs en séries réussissaient bien à trouver chaussure à leur pied, bien que leurs conquêtes n’étaient probablement pas très saines d’esprit, il y avait donc de l’espoir.
Après sa vie amoureuse, c’était sa vie professionnelle qui en avait pris un coup suite à sa visite au poste de police. Jamais il n’aurait cru devoir changer de métier et s’il était content de pouvoir échanger avec d’autres hommes ayant vécu une expérience similaire à la sienne, son emploi aux docks ne lui convenait définitivement pas pour le long terme, il s’en rendait déjà compte. En attendant de trouver mieux, si ça arrivait un jour, il pouvait au moins compter là-dessus pour socialiser et sortir de la maison. C’était mieux que rien quand il s’isolait depuis sa sortie, ce qui était loin de ressembler au Caelan d’avant qui était rarement seul longtemps. « Les gens sont stupides. Et souvent pas plus irréprochables moralement … Ils se sont juste jamais fait prendre. » Il acquiesça en levant un index et il en savait quelque chose puisqu’il avait justement quitté la boîte où il travaillait depuis de nombreuses années car les nouveaux propriétaires se servaient d’enveloppes brunes pour obtenir de gros contrats. Bonjour la corruption. « Si tu savais ce que j’ai vu où je travaillais avant… Clairement je suis bien moins à risque de nuire à l’entreprise que les nouveaux propriétaires de la boîte. » Enfin plus si nouveaux que ça comme la compagnie avait été rachetée il y avait quelques années déjà. « Il y a tellement de corruption dans le domaine de la construction, mais un employé qui a fait ses preuves avec un risque de récidive nul, c’est un non catégorique. » Et c’était partout pareil, il avait même tenté d’obtenir un poste chez d’anciens compétiteurs. Si ce n’était pas de ses proches qui se trouvaient en sol australien, il envisagerait de repartir à neuf ailleurs où ne le connaissait pas. Là encore, cependant, son casier judiciaire pouvait lui mettre des bâtons dans les roues et sa seule option serait peut-être de se contenter de déménager à l’autre bout de l’Australie. « Plus à l’Est, en Ontario. Kenora – Ma femme avait décroché un stage là-bas, et moi j’avais pas grand-chose pour me retenir ici, alors … » avait répondu Tommy lorsque Caelan l’avait questionné sur son séjour au Canada. « Je ne connais pas! C’est un peu trop loin de l’Alberta haha… Je ne me suis pas risqué à traverser le pays en voiture, apparemment que traverser l’Ontario c’est vraiment long. C’était avant la naissance de ta fille sinon? » demanda-t-il, ne sachant pas pendant combien de temps Tommy avait été à l’extérieur du pays. Visiblement pas assez pour que son expérience soit reconnue à titre d’éducation. Caelan n’aurait jamais pensé que l’industrie forestière était aussi stricte sur le sujet. « C'est là que ça aide, de ne pas être un repris de justice. » Évidemment, encore toujours le casier judiciaire qui venait lui mettre des bâtons dans les roues. En tout cas, les producteurs de téléréalités étaient regardants sur le sujet, au contraire, ils étaient probablement contents du potentiel drama que cela pouvait apporter. « Y’avait un beau pactole à la clé. » Si Caelan ne se serait jamais donné en spectacle devant le monde entier, il comprenait que Tommy ait pu le faire avec une motivation telle que l’argent quand trouver un emploi décent commence à être compliqué. « C’est une bonne motivation. Tu as gagné j’espère? » ajouta-t-il en souriant.
« C’est encore frais, je suppose que c’est difficile pour eux de savoir comment se comporter avec toi … Y’a pas de mode d’emploi sur “comment réussir sa sortie de prison” mais y’en a pas non plus sur “comment soutenir un proche qui sort de prison” … Du moins j’crois pas. » Il acquiesça d’un mouvement de tête, celle-ci légèrement inclinée. « C’est pas faux. » Caelan savait comment il se sentait depuis sa sortie, mais il pensait rarement à la façon dont les membres de sa famille pouvaient se sentir de leur côté. Parce que son incarcération n’avait pas été que difficile pour lui, mais pour eux aussi qui devaient vivre avec les conséquences, avec un frère ou un fils qui n’était forcément plus le même depuis sa sortie. « Ils t’ont beaucoup rendu visite, quand tu étais là-bas ? » Il hocha la tête, le regard posé sur sa bière. « Oui, mes parents, mes frères et ma sœur sont venus. » Un des avantages d’une peine assez courte était que ses proches n’avaient pas eu trop le temps de l’oublier et d’arrêter de venir le voir, trop pris par leur quotidien. « Après, il y en a toujours qui disent qu’ils vont venir et qui au final ne viennent pas. C’est la vie j’imagine. » Iris lui avait promis qu’elle serait là pour lui, mais elle avait brillé par son absence chaque semaine. Il lui en voulait toujours un peu malgré tout ce qu’il avait pu lui dire car elle lui avait créé des attentes. Il était temps qu’il l’oubli, il le savait, mais il ne se sentait pas encore prêt. « Y’a pas de formule magique, à part laisser du temps au temps … Même pour toi. Au début t’as du mal à retrouver les réflexes de personne libre d’aller et venir, et puis finalement ça revient. Les premiers temps je sortais presque pas de chez moi parce que j’avais l’impression de ne plus savoir quoi faire de moi-même une fois dehors … C’est là que retrouver du boulot ça aide. Ça force à se bouger. » Recommencer à travailler était la meilleure chose pour sa santé mentale, même si ce n’était pas le métier de ses rêves. Au moins, comme le disait Tommy, ça l’obligeait à sortir et le grand air lui faisait le plus grand bien en plus de socialiser un peu. « C’est exactement ça. On dirait que je ne sais plus quoi faire de mon temps libre alors qu’avant je ne restais pas en place plus de deux minutes. » Avant d’aller en prison, il faisait du jogging presque tous les matins, pour ne nommer que cette activité. Aujourd’hui, rien que trouver la motivation de sortir du lit tôt était un défi. « J’imagine que c’est comme n’importe quoi, qu’il faut se donner un coup de pied au cul pour se bouger, mais qu’une fois fait ça fait du bien. » À écouter Tommy parler, il avait espoir d’aller mieux à mesure qu’il remettrait tranquillement sa vie en ordre. « Merci pour le verre en tout cas, ça fait du bien de ne pas avoir à faire semblant. » |
| | | | (#)Dim 1 Oct 2023 - 8:54 | |
| I've practiced this for hours, gone 'round and 'round, and now I think that I've got it all down. And as I say it louder, I love how it sounds, 'Cause I'm not taking the easy way out, not wrapping this in ribbons, shouldn't have to give a reason why. It's no surprise I won't be here tomorrow, I can't believe that I stayed 'til today. ☆☆ « Tu fais ce qu’il faut pour ta famille et c’est tout à ton honneur. »Se contentant d’un hochement de tête et d’une grimace modeste, Tommy estimait pour sa part que son honneur n’avait rien à voir là-dedans : il n’avait simplement pas eu le choix. Sa fille ne méritait rien de moins que d’être sa priorité, elle passait avant ses envies, avant ses besoins, et bien avant sa fierté. Il ne serait probablement jamais un père parfait, il se questionnerait sans doute toute sa vie quant au fait de simplement en être un bon, mais on ne pourrait pas lui reprocher d’avoir au moins tenté de faire de son mieux. « Tu as fréquenté quelqu’un depuis ta sortie ? » Sous la question verbalisée il y avait la question détournée, celle qui disait “à quel point je vais galérer ?” et presque désolé de n’avoir pas de meilleures nouvelles à lui offrir Tommy avait pincé ses lèvres avec dépit et secoué la tête « Non, j’ai pas … Enfin, j’ai fait quelques rencontres, mais ça n’a pas donné grand-chose. » Et si par facilité il aurait voulu accuser l’unique étiquette d’ancien prisonnier collée sur son front, en réalité il savait que le problème était ailleurs. « Ça sert à rien de mentir, en tout cas. Tôt ou tard la vérité finit par remonter, ça ferme peut-être des portes d’être honnête, mais au moins on peut pas t’accuser ensuite d’être un menteur. » Voilà le seul conseil qu’il était en mesure de donner à Caelan, dans l’espoir de lui éviter la blessure d’un regard qui changeait dès l’instant où le secret n’en était plus un. D’une bienveillance désintéressée se changeant soudainement en politesse fuyante, à l’image du changement d’attitude qu’avait opéré Norah à son égard une fois son secret éventé. « Mais j’étais déjà pas un tombeur même avant ça, je suis sûr que ça ira pour toi. » avait-il finalement ajouté, étirant sur ses lèvres un sourire encourageant. Le pire ennemi de Tommy n’était pas tant son historique que son manque de confiance en lui, et à ce sujet Caelan ne pourrait qu’être mieux loti. Au bout du compte le plus difficile dans leur situation était de devoir aussi compter sur la chance, tant dans les relations personnelles que dans les professionnelles, faire les bonnes rencontres étant aussi, si ce n’était plus important que tout ce qu’indiquaient leurs CV respectifs. « Si tu savais ce que j’ai vu où je travaillais avant … Clairement je suis bien moins à risque de nuire à l’entreprise que les nouveaux propriétaires de la boîte. Il y a tellement de corruption dans le domaine de la construction, mais un employé qui a fait ses preuves avec un risque de récidive nul, c’est un non catégorique. » L’air n’était donc pas plus pur du côté des cols blancs, et en un sens Tommy n’en était pas réellement surpris. Il trouvait bien des défauts à ce boulot sur les docks, et avait suffisamment eu vent des magouilles de la FLSC pour savoir qu’il valait mieux ne pas trop poser de questions, mais ici au moins la couleur était annoncée dès le départ, et des repris de justice il y en avait de bien pire que Caelan et lui, à qui l’on offrait pourtant du travail sans faire la fine bouche. Comme quoi. Parfois Tommy se disait que les choses auraient peut-être été moins compliquées s’il était resté au Canada, mais en réalité il savait bien que non – et même pire, au Canada son casier judiciaire était bien plus facilement accessible qu’il ne l’était ici. Au fond c’était le manque de son pays d’adoption qui s’exprimait. « Je ne connais pas ! » avait pour sa part indiqué Caelan lorsque le Warren avait partagé la localisation plus exacte de son expatriation. « C’est un peu trop loin de l’Alberta haha … Je ne me suis pas risqué à traverser le pays en voiture, apparemment que traverser l’Ontario c’est vraiment long. C’était avant la naissance de ta fille sinon ? » Secouant la tête, il avait pris une gorgée de bière avant d’expliquer « Elle est née là-bas, même si elle n’en a pas vraiment de souvenirs. J’aimerais bien l’y emmener un jour. » Et sans doute était-ce plus une envie de sa part à lui que de la part de Moïra, mais Tommy s’était toujours promis de réunir un jour assez d’argent pour permettre à sa fille de visiter le Canada où elle était née, et la France dont elle tenait les origines de sa mère. L’argent, toujours l’argent – même pour sa participation à Race of Australia il n’y avait pas à chercher autre justification que celle-ci. « C’est une bonne motivation. Tu as gagné j’espère ? » Oh, si seulement. « Seulement le droit de rajouter “faire du stop” à la liste de mes compétences. Mais c’est pas grave, ça reste de bons souvenirs. » Même après avoir été traîné dans la boue par les tabloïds, même après l’ascenseur émotionnel qu’avait été sa rencontre avec Love. Il lui en avait longtemps voulu, mais était finalement passé à autre chose. Si trois semaines à sillonner le pays ensemble n’avaient pas suffit à prouver à la jeune femme qu’il n’était pas qu’un repris de justice, alors il ne perdait rien à ce que leur relation n’ait pas survécu à leur retour. Caelan pour sa part avait au moins le soutien de sa famille sur lequel s’appuyer, et quand bien même tous semblaient tâtonner sur la question, qu’ils essayent et se donnent du mal pour tenter de l’aider au mieux démontrait déjà de leur implication. « C’est pas faux. » Le Leckie n’en semblait qu’à demi-convaincu néanmoins, et ne souhaitant pas s’avancer plus que de raison sur une situation à laquelle il n’assistait pas, Tommy n’avait pas cherché à le persuader plus que cela. « Oui, mes parents, mes frères et ma sœur sont venus. » avait-il en tout cas confirmé lorsque son collègue avait demandé après les visites ayant ponctué son séjour carcéral. « Après, il y en a toujours qui disent qu’ils vont venir et qui au final ne viennent pas. C’est la vie j’imagine. » Offrant un sourire compatissant en réponse, Tommy avait tenté de se montrer raisonnable « C’est peut-être pas un mal … J’veux dire, c’est pas moins difficile à digérer, mais au moins ça fait le tri. » Façon polie de dire qu’il n’y avait pas de temps et d’énergie à perdre avec ceux qui ne savaient être là que lorsque les choses allaient bien. Le retour à la vie “normale” était déjà une difficulté en soit, et le temps devenait trop précieux pour être gâché à tenter de récupérer ceux qui avaient fait leur choix. « C’est exactement ça. On dirait que je ne sais plus quoi faire de mon temps libre alors qu’avant je ne restais pas en place plus de deux minutes. » avait à ce sujet confié Caelan, lorsque Tommy avait évoqué les difficultés à retrouver des réflexes d’individu libre d’aller et venir comme il le désirait. « J’imagine que c’est comme n’importe quoi, qu’il faut se donner un coup de pied au cul pour se bouger, mais qu’une fois fait ça fait du bien. » Et à nouveau le Warren avait confirmé d’un signe de tête. Il fallait laisser du temps au temps, et le reste finissait par se replacer tout seul, d’une manière ou d’une autre. « Merci pour le verre en tout cas, ça fait du bien de ne pas avoir à faire semblant. » Levant enfin son verre à cette dernière remarque, Tommy y avait trempé ses lèvres dans le sien et offert à Caelan un sourire amical « Pas de quoi. Faut s’entraider, sinon on s’en sort pas. » Et Tommy, bonne pâte comme il l’était, ne refusait jamais un coup de main à personne. Tommy n’était pas intelligent mais il avait bon cœur, c’était tout ce qu’il y avait à savoir à son sujet, et le temps aidant il apprendrait à en tirer le meilleur parti.
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| | | | | | | | (Toman #1) It was just a lesson, not a life sentence. |
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