@MEGAN WILLIAMS & MAISIE MORIARTY ⊹⊹⊹Do you wanna talk? But I'm not thinking straight, I guess I'm gonna pay for this, Do you wanna talk? (c) harley&katesgifsrp.

(FLASHBACK). Le shopping, c’était son idée. Bien sûr que c’était l’idée de Megan, il suffit de lui jeter un regard pendant trois secondes pour comprendre que cette fille est littéralement un mannequin vivant et qu’en conséquence, son quartier général est bel et bien cette rue bordée de dizaines de magasins qui s’étendent à perte de vue. Un coup d’œil sur elle suffit aussi à comprendre la raison pour laquelle Aiden a succombé – ou plutôt, les raisons. Et je suis mauvaise, je le sais bien, alors que l’idée que l’on passe du temps ensemble, elle, vient d’un message que je lui ai envoyé quelques jours plus tôt. J’ai usé d’un prétexte à la con pour l’inviter à passer du temps toutes les deux, sans Aiden et sans lui avouer mes véritables intentions : j’ai besoin de la connaître. J’ai besoin de la connaître pour savoir si elle est un bon match pour mon meilleur pote ; ou si elle est celle qui me donne l’impression de l’éloigner toujours un peu plus. J’arrive pas à savoir que penser d’elle et je ne suis pas suffisamment aveugle pour prétendre que la jalousie n’est pas une des raisons ; ça l’est. Cette fille est parfaite sur tous les points. Physiquement, tout d’abord, et ce n’est pas l’objectifier que de mettre en avant la première chose que l’on constate en posant les yeux sur elle, avant d’avoir la moindre information sur son identité. Dès l’instant où mon regard a croisé sa silhouette, je l’ai trouvée éblouissante. J’aimerais dire qu’elle est quelconque pour la rendre moins intimidante, moins intéressante aussi, mais c’est impossible. Megan fait partie de ces femmes dont le charisme pourra toujours tout compenser, de leurs erreurs à leurs défauts. Elle est magnifique, et ce n’est pas la réduire à son physique que de l’affirmer ; parce qu’elle s’est très vite avérée bien plus intéressante que je ne voulais le croire. J’aurais préféré qu’elle reste cette foutue Barbie superficielle qui a tout dans les seins et rien dans le cerveau, mais je me suis trompée. Elle est gentille, douce, elle dose parfaitement son humour pour être agréable, mais pas agaçante, elle s’intéresse aux autres et a l’aisance nécessaire pour mettre en confiance sans être insistante. Je comprends qu’Aiden ait craqué pour elle, et oui, je dois reconnaître qu’elle a bien plus à offrir que ses atouts physiques évidents.

Et malgré cette description, je ne sais effectivement pas quoi penser d’elle. Parce qu’elle paraît trop parfaite pour être vraie, parce qu’elle est trop géniale pour être sincère. Elle a des défauts, comme tout le monde, et ça me rend dingue de ne pas encore avoir pu mettre le doigt dessus pour me sentir plus à l’aise en sa compagnie, pour minimiser son importance dans la vie d’Aiden en espérant qu’il finira par se lasser d’elle et qu’il aura plus de temps pour sa vieille amie. Je sais même pas si c’est elle qui l’éloigne de moi, ou si c’est seulement sa carrière ; et je suis heureuse pour lui, vraiment. Je le suis, mais... je suis égoïste. Je suis égoïste, car je n’arrive pas à accepter que l’on se détache de moi, parce que je refuse que les gens évoluent si moi je reste au sol. Et Aiden est en train de grimper vers les étoiles, Megan à ses côtés, et moi, je m’efface du tableau. Je suis bonne qu’à ça, de toute façon, m’effacer parce que les autres prennent trop de place, et j’ai besoin de savoir comment Megan y arrive. Comment elle fait pour qu’une pièce entière se retourne sur elle-même alors qu’elle porte des vêtements quelconques. J’ai besoin de savoir comment toutes les conversations peuvent tourner à son avantage, comment elle parvient à capter l’attention de tout le monde sans sembler fournir le moindre effort. J’ai besoin de comprendre comment elle fait pour être elle-même.

Mon pantalon est trop large, mon haut rentré dans celui-ci aussi alors qu’il masque l’évidence qui me complexe face à elle et qui lui évitera de m’offrir un regard de pitié si l’on vient à entrer dans une boutique de lingerie. J’ai tenté de mettre un peu de fard sur mes paupières, j’ai suivi un tuto YouTube pour donner de l’allure à mes cheveux tressés en couronne. Je sais prendre soin de moi pourtant, ma mère a toujours mis un point d’honneur à ce que je sois féminine puisque c’est à peu près la seule activité mère-fille qu’elle est en mesure de m’offrir de par son statut d’ancienne reine de beauté, mais face à Megan, tous les apprentissages de ma mère ne suffiront pas : je serai toujours invisible à ses côtés. Et je sais ce que je ressens à l’égard de la blonde quand elle entre enfin dans mon champ de vision après quelques minutes d’attente : je la déteste. Je la déteste, parce que même à des mètres de moi, je peux déjà admirer son charisme naturel et son aisance. « Hey, Megan ! » Je l’interpelle en longeant la rue pour venir à sa rencontre et quand c’est le cas, j’affiche un sourire plus crispé que je ne le voudrais. « Tu vas bien ? » Que je lui demande dans un premier temps avant de faire glisser mon regard sur les boutiques autour de nous. « Ça fait une éternité que j’ai pas fait de shopping, t’as eu une bonne idée. » À vrai dire, j’en ai un peu rien à foutre du shopping, mais ça n’a pas l’air d’être son cas, alors autant entrer dans son jeu, il me faut bien de ça si je veux également entrer dans ses pensées.

do you wanna talk ?
Megan Williams & @Maisie Moriarty

Si j’ai été surprise de recevoir un message de Maisie, je l’ai davantage été par son contenu. Je n’irai pas jusqu’à dire que la meilleure amie d’Aiden me déteste mais, jusque-là, j’ai surtout eu la sensation qu’elle me regardait plus comme on observe une bête sauvage et étrange : de loin. Nos routes se sont déjà croisée à l’occasion de diverses soirée en compagnie de notre connaissance commune et je l’ai trouvée agréable bien que timide lorsque nous avons été amenées à échanger, mais ça s’arrête là : elle ne m’a jamais prise à part pendant une soirée pour de longues conversations vouées à apprendre à me connaître. Est-ce que j’ai pour autant flairé le piège ou hésité avant d’accepter son invitation ? Pas le moins du monde : j’ai rapidement compris que Maisie est importante pour mon petit ami et, dans ma quête pour devenir la copine parfaite dans le but d’achever de me convaincre que Scott n’était qu’une sortie de route temporaire, se rapprocher d’elle me semble être un incontournable. Quand il verra qu’elle est moi passons du temps ensemble, rions et devenons proches, Aiden ne pourra y voir que la confirmation que je suis une femme pour lui, non ?

J’ignore pourquoi je m’accroche au jeune homme et pourquoi il est si important pour moi de trouver grâce à ses yeux. Je l’ignore ou, en tout cas, je ne veux pas l’admettre. Après m’avoir mise dans son lit - c’était le mien, mais cela n’a guère d’importance - dès le soir de notre rencontre, la plupart des hommes aurait oublié toutes les promesses faites pendant la soirée. Sauf qu’Aiden ne m’a pas fait briller les yeux uniquement dans l’espoir d’un corps à corps aussi passionné qu’éphémère. Il ne m’a pas dit qu’il avait l’envie et l’intention de découvrir tous les restaurants de la ville avec moi pour que je cède à ses charmes et me déshabille et, surtout, il n’est pas parti juste après. Après l’amour, il ne s’est pas rhabillé, n’a pas lancé une connerie du genre ”c’était sympa, il faut qu’on se refasse ça” sans pour autant me demander mon numéro ou me donner le sien. Il a fait les deux, et il a dormi dans mon lit, avant de m’emmener manger quelque part en fin de matinée. Grâce à lui, je crois à nouveau que j’ai le droit à ce genre de chose, moi aussi. Que je ne suis pas définitivement classée dans la catégorie des filles avec lesquelles on couche mais que certains hommes peuvent aussi avoir envie de voir au-delà de mon physique parfait et de la taille de mon bonnet, qu’il suffit simplement de trouver les bons.

Alors je deviendrai proche de sa timide amie. J’apprendrai quelles sont les choses qui font rire Maisie et quels sont les sujets de conversation qui la passionne pour qu’elle conforte Aiden dans son choix, qu’elle lui rapport à quel point je suis merveilleuse. Qu’importe que mon intérêt pour sa personne soit justifié par d’autres desseins que je juge bienveillants ? Est-ce important au fond ? Je tranche en faveur d’un non et, dans la continuité de cette décision, je la retrouve vêtue de ce que j’ai de plus beau dans mes placards. Je ne roule pas sur l’or. Je dédie toutefois chaque centimes aux dépenses liées à l'apparence puisque, j’en suis convaincue, c’est ce qui compte le plus dans la vie. C’est ce qui me permettra de m’extirper de ma condition de voleuse de clichés intimes à la sauvette. « Hey, Megan ! » Je relève mon visage maquillé avec naturel de mon téléphone, et je m’avance vers elle. Ma robe printanière épouse mes formes et le tissu est d’assez bonne qualité pour donner l’impression qu’il caresse ma peau à chaque mouvement. Je lui adresse un sourire radieux, et un petit signe de la main en avançant jusqu’à son niveau. « Tu vas bien ? » - « Mieux maintenant que je t’ai trouvée. J’ai eu peur de m’être trompée sur le lieu de rendez-vous. » Et c’est la raison pour laquelle j’avais le nez dans mon téléphone, mais je le range dans mon sac à main dès que je m’adresse à elle. « Ça fait une éternité que j’ai pas fait de shopping, t’as eu une bonne idée. » C’est certainement pour ça, le pantalon trop grand et le t-shirt difforme. Je constate au premier coup d’oeil que Maisie et moi avons une philosophie très différente, en termes de priorités. Je ne juge pas, j’ai été cette gamine que tout le monde regarde de travers à cause de ses vêtements de seconde voire quatrième ou cinquième main, mais je garde dans un coin de ma tête l’idée que je pourrais peut-être lui demander des conseils, si elle m’en demande. C’est peut-être ça, la clé pour gagner ses faveurs. « Je suis contente que tu te sois pas dit que c’était parfaitement superficiel, comme idée. » Ce que je ne suis pas, même s’il s’agit parfois de l’image que je me donne pour atteindre mes fins. « Mais oui, je veux bien te croire ! » Et si ma phrase sonne terriblement maladroite et pleine de jugement sur sa tenue vestimentaire, il n’en est rien. N’est-elle pas en train de terminer le lycée ? Ou en première année d’étude. J’aurais dû écouter, lorsqu’Aiden me l’a dit. « Je veux dire, tu dois certainement être trop occupée pour ça. T’as deux ans de moins qu’Aiden, c’est ça ? Tu dois avoir la tête en plein dans les études. » Elle a tout l’air d’une intello, Maisie. Et je crois que la ranger dans cette case m’arrangerait bien, j’aurais la sensation de l’avoir cernée.

Je l’ai côtoyée principalement au détour de soirées où elle était particulièrement bien apprêtée, mais l’impression se confirme même au quotidien ; cette fille sort tout droit d’un magazine. Elle a les mensurations parfaites (qui le sont encore plus pour la planche à pain que je suis), elle a le charisme naturel, elle possède une grâce évidente. Ce n’était pas juste dans le contexte d’une soirée où il est de mise de se sublimer, elle l’est naturellement et je ne sais pas si je l’admire ou je la déteste. Un peu des deux sans doute, ce qui est d’autant plus déstabilisant que je sais pertinemment que je n’ai aucune raison d’être aussi dure dans mon opinion d’elle ; elle est gentille, Megan et ça complique bien les choses. Il serait tellement plus facile qu’elle soit une pétasse comme une autre qu’Aiden ramène, hypocrite et intéressée, mais non, Megan a l’air sincère et même son sourire quand elle m’approche semble naturel – en plus d’illuminer son visage (comme s’il en avait besoin). Je jette un coup d’œil à sa robe, tente de me restreindre rapidement pour ne pas la mettre mal à l’aise ; je suis certaine que même un sac de jute serait merveilleux sur elle. Et je sais que je ne devrais pas le faire. Je le sais parce qu’il y a cette petite voix qui tente péniblement de remplacer l’autre, celle qui me supplie de ne pas me comparer aux autres plutôt que de m’inciter à le faire. Je dois me raccrocher à elle, d’autant plus qu’il n’y a aucun point de comparaison possible entre Megan et moi ; nous sommes l’opposé l’une de l’autre sur tous les points et, surtout, il est évident de déterminer la gagnante de cette compétition – spoiler alert : ce n’est pas moi et ça ne le sera jamais. Elle n’a même pas l’air d’avoir fait tant d’efforts, je crois qu’elle irradie surtout de par sa confiance naturelle et j’ai déjà envie d’annuler la séance shopping en sachant que tous les vêtements que je pourrais essayer ne sauront me rendre justice alors qu’ils tomberont parfaitement sur la blonde face à moi. J’ai aussi et surtout envie de passer directement à l’étape où elle et moi sommes suffisamment à l’aise pour être direct l’une avec l’autre ; et lui demander comment elle fait pour être aussi charismatique. Ce qui est une mauvaise idée, non pas parce que ce serait un peu trop brutal comme sujet de conversation, mais parce que ça ne s’apprend pas. C’est inné, et ce n’est pas quelque chose que je possède, contrairement à elle. « Mieux maintenant que je t’ai trouvée. J’ai eu peur de m’être trompée sur le lieu de rendez-vous. » Est-ce qu’elle s’imagine que je suis ce genre d’amie capable de la piéger pour la sortir de la vie de mon meilleur ami ? Non. Je m’interroge sur elle ; et évidemment que j’ai envie de lui faire passer les tests réservés aux conjoints de nos proches, mais je sais aussi qu’elle va tous les réussir et que je n’ai aucune raison de me comporter comme une garce avec elle.

Je valorise son idée et son regard, lui, jauge ma silhouette alors que mes épaules se voûtent un peu plus sous la pression de son regard. Je ne peux même pas m’en offusquer – pas à haute voix du moins – tant même dans son analyse et son attitude jugeante, elle semble bienveillante, Megan. Je ne me suis pas assez bien habillée qu’elle, parce que j’ai préféré le confort d’une tenue facile à enlever et en mesure de dissimuler ma silhouette loin d’être aussi pulpeuse que la sienne – bien au contraire. « Je suis contente que tu te sois pas dit que c’était parfaitement superficiel, comme idée. » Je secoue la tête par la négative avant d’esquisser un léger rire. « On ira à la bibliothèque la prochaine fois. » Que je souligne en faisant une grimace peu classe qui en dit long sur mon intérêt pour les bouquins – même si le shopping n’est pas mon activité préférée, ça reste une bonne base pour nouer des liens en ayant toujours une option pour que le silence ne s’installe pas, à défaut de réellement savoir quoi se dire. « Mais oui, je veux bien te croire ! » Mes lèvres s’étirent cette fois en un sourire pincé pour garder contenance. Qu’est-ce qu’elle veut dire par là ? Je glisse un regard sur mon pull un instant, avant de rapidement relever la tête pour ne pas lui laisser croire qu’elle peut avoir le dessus sur moi si facilement – on a pas dit que ce n’était pas une compétition ? « Je veux dire, tu dois certainement être trop occupée pour ça. T’as deux ans de moins qu’Aiden, c’est ça ? Tu dois avoir la tête en plein dans les études. » Elle se reprend et j’ignore si sa pique était volontaire, s’il s’agit d’une stratégie pour me faire comprendre que malgré mes efforts nous ne serons pas amies et que mon invitation n’est pas aussi appréciable qu’elle me l’a fait croire. Ou peut-être qu’elle est juste maladroite. Ou que je surinterprète. C’est sûrement ça, parce que je refuse de croire qu’elle soit ainsi, ça va à l’encontre de l’image que j’ai eue d’elle jusqu’ici. « Hm, pas vraiment. » Que j’admets en haussant les épaules et en l’invitant à marcher à mes côtés dans la rue principale. « Je fais des études pour travailler dans le social. C’est pas aussi impressionnant ou demandant que d’autres cursus. » Et même si la médiocrité fait partie de ma vie, ce n’est pas par manque d’ambition que je me suis lancée là-dedans ; mais parce que ça me plait, réellement. « Je veux dire, les études c’est pas trop mon truc, mais je pense à la finalité et à ce que je veux faire. » J’ai jamais été première de la classe, ma scolarité a été mouvementée et ma vie actuelle l’est tout autant, ce qui me classe, au mieux, au milieu du tableau alors que c’est maintenant que je devrais me démarquer. « T’es photographe, c’est juste ? » La question est rhétorique ; je le sais, mais c’est toujours une bonne opportunité d’en apprendre plus de sa bouche. « T’as toujours voulu faire ça ? » J’imagine que c’est la question que tout le monde lui pose et je suis sûrement banal dans mes réflexions, mais ça m’intéresse réellement.

@Megan Williams

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Megan Williams & @Maisie Moriarty

Bien sûr, j’ai conscience que cette après-midi entre filles est certainement en réalité un test auquel j’accepte de bon gré de me soumettre. N’ayant eu que peu de relations officielles et stable, j’ignore tout de ce qui m’attend, mais j’en sais assez pour supposer que c’est en quelque sorte le côté territorialiste de la meilleure amie qui ressort plus qu’une authentique envie de savoir qui je suis et ce que j’ai à dire. Durant ma courte vie et surtout depuis que je suis passée d’enfant à femme, j’ai constaté et appris que la plupart des femmes ne veulent rien avoir à faire avec moi. Je ne suis pas celle qu’on désire comme amie proche, Shiloh étant la seule exception à cette règle mais elle est bien trop pure et angélique pour être concernée par ce genre de généralités. Avant même que je n’ai le temps d’ouvrir la bouche, je suis cataloguée ennemie ou rivale par la gente féminine et j’ai cessé de me demander pourquoi. Ironiquement, je suis devenue ce qu’elles craignent et ce qu’elles ont toujours vu en moi : “la maîtresse de”, la petite salope qui, en agitant ses formes sous le nez de leurs maris, les leur ravit. Que j’essaie de changer n’aurait pas la moindre importance si je devais passer devant un tribunal organisé par mes congénères. La sanction tomberait avant même que je n’ai le temps d’ouvrir la bouche : coupable. Coupable simplement à cause de ce à quoi je ressemble.

« On ira à la bibliothèque la prochaine fois. » J’esquisse un sourire, avant de secouer la tête. « C’est pas vraiment le genre d’endroit où apprendre à se connaître en même temps, non ? » C’est promis, je ne condamne pas la jeune femme d’office et je chasse de mon esprit l’idée qu’il s’agit peut-être d’une pique destinée à me faire comprendre que je suis bien trop superficielle pour ça. Elle ne me connaît pas, Maisie, et peut-être est-elle réellement animée par l’envie de voir si j’ai l’étoffe d’une agréable amie. Toutefois, je me sens obligée de préciser que je ne coche pas les standards de la blonde écervelée. « Mais ça m’irait tout autant. Celle du centre, je crois que je connais leur rayon fantasy par cœur. » Puisque j’en suis férue depuis mon plus jeune âge. « Tu lis pour le plaisir, ou bien que des choses intelligentes pour les cours ? » Ces derniers ouvrages, je les ai complètement délaissés au profit de ceux qui me permettaient de m’évader, lorsque j’étais plus jeune et que j’en avais cruellement besoin.

« Hm, pas vraiment. Je fais des études pour travailler dans le social. C’est pas aussi impressionnant ou demandant que d’autres cursus. » Je hausse les épaules, et je m’interroge : pourquoi ressent-elle le besoin de se rabaisser elle-même ? Est-ce une question de manque de confiance en soi ? Est-ce parce qu’elle a peur que son entourage le fasse - dans le cas présent que je le fasse - et qu’elle préfère être la première et l’unique à se déprécier ? « Je veux dire, les études c’est pas trop mon truc, mais je pense à la finalité et à ce que je veux faire. » - « Ça reste des études. T’as pas de raison de pas être fière de ce que tu fais. » Dans le social, cela signifie qu’elle souhaite aider son prochain, non ? Pourquoi faut-il que la meilleure amie d’Aiden, celle qu’il semble tenir en si haute estime, soit altruiste en plus d’être érudite ? « J’ai pas tenu un an sur les bancs de la fac personnellement. Alors t’as toute mon admiration. » Je n’ai pas eu les moyens non plus de m’offrir le luxe de m’installer dans un amphithéâtre sans gagner le moindre centime. Je n’avais personne pour assurer mes arrières. « Et tu veux faire quoi justement, après ? » Puisqu’il semble que la finalité soit tout ce qui lui permet de tenir.

« T’es photographe, c’est juste ? » Je hoche la tête, avant de préciser. « C’est ça. Photographe de mode. Une jolie façon de dire que je prends en photo tous les cure-dents de ce pays qui vont se faire vomir à la pause pour être certaines d’être la plus mince de toute et de rentrer dans la taille 0 de toutes les nouvelles collections. » Je lui adresse un sourire, avant d’ajouter. « Les mannequins, c’est épuisant. » Au moins, lorsque l’éditeur du magazine ou le responsable de la production est dans la pièce, elle ne rechignent pas et font leur travail en silence. Amen. Si je lui dissimule la seconde partie de mon activité, les photos volées, c’est parce que c’est chez moi un automatisme. Les paparazzis ne sont pas bien vus et je tiens à mon anonymat, lui seul me permet de rentrer dans les soirées les plus sélects. « T’as toujours voulu faire ça ? » Je réfléchis un instant à sa question, avant de répondre. « Je crois que j’ai toujours voulu faire de la photo, mais pas comme ça. » Je parais absente une seconde, avant d’ajouter« Mais faut bien commencer quelque part. Cette boutique a l’air sympa, tu veux entrer ? » Je désigne du menton la vitrine la plus proche.

Même si mes intentions envers Megan ne sont pas tout à fait anodines, il en reste que je suis réellement intéressée à l’idée d’apprendre à la connaitre. Il n’y a jamais eu aucune ambiguïté entre Aiden et moi ; et son bonheur fait le mien. Et Megan fait son bonheur, alors par extension, elle fait aussi un peu le mien, même si je peine à me sentir parfaitement à l’aise à ses côtés. Elle est trop belle, trop opposée à moi pour que je sois intéressante à ses yeux, pour que je sois autre chose que la meilleure amie de son copain qu’elle doit mettre dans sa poche, au mieux, ou virer du tableau, au pire. Je ne sais pas encore dans quelle catégorie elle s’intègre, Aiden ayant plus souvent fréquenté (si on peut dire ça, hm), des nanas qui ne semblent pas vouloir partager leur place et je dois dire que je n’arrive pas encore à cerner Megan. Et j’en ai besoin. J’en ai foutrement besoin, pour Aiden, pour moi aussi, pour comprendre la fascination qu’elle paraît exercer autour d’elle ; fascination qui s’exerce aussi sur moi, comme une débutante. Le rendez-vous du jour semble superficiel, mais il a le don de me rassurer, bien que je sois consciente que ma contenance disparaîtra au moment même où l’on se retrouvera l'une en face de l’autre, à comparer nos éventuels achats. « C’est pas vraiment le genre d’endroit où apprendre à se connaître en même temps, non ? » Je hausse les épaules avant d’afficher un sourire. « Ça peut. Te demander de sélectionner tes livres préférés peut être un très bon moyen d’apprendre à te connaître, dans un sens. » Lui demander quel est son livre préféré, évidemment, mais aussi celui qui lui a fait voir le monde autrement, celui qui a suscité les émotions les plus fortes, celui dans lequel elle se reconnaît le plus ; en fonction des réponses à de telles questions, je suis sûre qu’il serait possible de dessiner les contours de sa personnalité. Et alors que je compte ajouter que c’est une hypothèse qui ne fonctionne que si elle apprécie la lecture, elle répond à mon interrogation avant même que celle-ci ne soit formulée. « Mais ça m’irait tout autant. Celle du centre, je crois que je connais leur rayon fantasy par cœur. » - « Parfait, le lieu de notre second rencard est décidé. » J’informe, amusée par la perspective de ce rencard amical, déjà convaincue qu’il me faudra faire la liste des questions à lui poser – et que je serai probablement stupide à côté d’elle si elle connaît si bien leur rayon fantasy. « Tu lis pour le plaisir, ou bien que des choses intelligentes pour les cours ? » - « C’est pas parce que c'est des lectures de cours qu’elles sont intelligentes. » Je glisse avec malice, principalement car j’ai nettement plus appris d’autres bouquins que de ceux qu’on nous impose. « Tu peux donc imaginer que je fais moitié-moitié, et que j’ai besoin de lire pour le plaisir après être arrivée à saturation avec les lectures obligatoires. » Que je fais d’ailleurs une fois sur quatre, hm.

C’est peut-être pour ça que je n’ai pas su choisir une voie qui inspire l’admiration, qui suscite l’intérêt des autres ; une voie dans laquelle il semble que je me sois lancée par dépit, une voix qui, pourtant, me plaît plus que n’importe quelle autre. « Ça reste des études. T’as pas de raison de pas être fière de ce que tu fais. » J’affiche un sourire tandis que mon regard la scrute avec attention. Est-ce qu’elle le pense vraiment ? Est-ce qu’elle le dit par simple politesse ? « J’ai pas tenu un an sur les bancs de la fac personnellement. Alors t’as toute mon admiration. » - « Ta valeur se résume pas à tes années de fac. » Que j’essaie de souligner, en remerciement déguisé de ses mots prononcés quelques secondes plus tôt. « T’étais dans quelle branche ? » Que je lui demande, me questionnant s’il s’agissait justement de la photographie ou d’un quelconque métier artistique qui, à mon sens, ne peut s’exercer qu’en pratique et non pas en restant sur les bancs d’une université. « Et tu veux faire quoi justement, après ? » - « Assistante sociale. » Que j’annonce, même si je n’aime pas réellement en parler ; parce que je peine à imaginer obtenir mon diplôme sans que mes mauvaises habitudes se mettent en travers de ma route et que j’échoue lamentablement, comme toujours. « J’imagine que je suis le cliché de la nana qui veut aider les autres pour pas voir ses propres problèmes. » Je ris doucement, ne sachant même pas pourquoi je me sens obligée de lui dire ça. Peut-être pour qu’elle n’ait pas le temps de juger ma crédibilité quant à cette ambition, moi qui passe souvent pour plus fragile que je ne le suis et qui perd toujours en respect pour cette raison. Alors je préfère me concentrer sur sa propre voie, la photographie étant un domaine que je connais peu et je suis sûre qu’elle est à même de me le faire découvrir avec passion. « C’est ça. Photographe de mode. Une jolie façon de dire que je prends en photo tous les cure-dents de ce pays qui vont se faire vomir à la pause pour être certaines d’être la plus mince de toute et de rentrer dans la taille 0 de toutes les nouvelles collections. » Oh. Je reste silencieuse mais j’en pense pas moins ; les troubles alimentaires, ce n’est pas drôle et c’est encore moins drôle de le valoriser de la sorte. C’est l’opinion qu’elle a des filles comme moi ? Est-ce que je suis vraiment comme elles, d’ailleurs ? « Les mannequins, c’est épuisant. » Je suis loin d’être mannequin, justement, alors j’imagine que ça me différencie de ces filles et que son commentaire ne s’adresse pas à moi. Et si c’est le cas, c’est ce qu’elle pense de moi aussi ? « Je pense pas qu’elles se font vomir par plaisir. » Que je me permets néanmoins d’enchaîner et, inquiète à l’idée que mon opinion puisse jeter un froid, j’ajoute : « est-ce que tu reçois au moins des fringues de temps en temps ? » Je ne sais pas comment cela se passe dans ce milieu, et j’ai besoin d’orienter le sujet sur quelque chose de plus léger. « Je crois que j’ai toujours voulu faire de la photo, mais pas comme ça. » Elle semble m’ignorer durant une seconde, avant de reprendre : « Mais faut bien commencer quelque part. Cette boutique a l’air sympa, tu veux entrer ? » Je secoue la tête pour accepter, préférant qu’elle soit celle qui désigne les boutiques où nous nous rendrons, consciente que mes goûts ne sont pas assez aiguisés pour que je nous emmène dans des endroits intéressants. « Comment alors ? Si c’est pas comme ça que tu veux faire de la photo ? » Je l’interroge alors qu’on franchit la porte. Dans quoi elle aurait voulu se spécialiser, si ce n’est pas la photo de mode ? Les portraits ? Les paysages ? Les images chocs, celles qui remportent des prix et vous font réfléchir ? « Puisque tu baignes dans la mode, j’imagine qu’à force t’es pleine de bons conseils, hm ? » J’ose pas lui demander ce qui irait à ma morphologie de cure-dents – mais elle n’a pas directement fait une réflexion dans ce sens me concernant, alors peut-être que je ne rivalise pas assez ? « Je sais même pas par où commencer, j’ai besoin de... tout. » Que je ris nerveusement en regardant le magasin. Des robes en passant par les pantalons, des accessoires aux chaussures, ma garde-robe n’est fait que de vêtements qui ne me vont pas ; et d’achats que je n’assume pas, comme le seront ceux d’aujourd’hui. Et si je commence à guetter les étendards, c’est vers Megan que mon coup d’œil se relève régulièrement, comme si j’essaie de calquer mes recherches sur les siennes, à défaut d’en faire de même avec mon assurance.

@Megan Williams

do you wanna talk ?
Megan Williams & @Maisie Moriarty

« Ça peut. Te demander de sélectionner tes livres préférés peut être un très bon moyen d’apprendre à te connaître, dans un sens. » Je suis à l’aise avec presque tout type de personnalité, je crois que mon intelligence a toujours été de type relationnelle. Si bien qu’à peine quelques minutes après que nous nous soyons mises en marche, j’affiche déjà un grand sourire et tiens la conversation sans le moindre mal. « Oh. Et quel genre de livre tu penses que je lis ? » Puisque d’après elle, c'est un moyen d’apprendre à me cerner, n’est-ce pas une bonne question pour savoir comment elle me perçoit ? Je ne réalise même pas que la discussion et ma question peut sembler comme une mise à l’épreuve, bien trop animée par la volonté de deviner quelle est la nature de son intérêt - réel, ou motivé par l’envie de me cerner parce que je sors avec son meilleur ami ? « Parfait, le lieu de notre second rencard est décidé. » - « Il est pas trop tard pour reculer, je te jure. J’en ai pas l’air, mais je suis une vraie nerd[/i] lorsqu’il est question de littérature. » Et lorsqu’il est question de passer des heures sur ma console également. Je sais que je ressemble bien plus à une barbie sans cervelle, mais je suis la preuve vivante qu’il ne faut pas se fier à l’emballage.

« C’est pas parce que c'est des lectures de cours qu’elles sont intelligentes. » - « Tu m’as démasquée. Je voulais dire assomante. J’ai dû mal avec tout ce qui n’a pas vocation à faire voyager. » Et avec tout ce qui sort de la littérature de l’imaginaire, de l’héroïc fantasy à la science-fiction en passant par la fantasy médiévale. « Tu peux donc imaginer que je fais moitié-moitié, et que j’ai besoin de lire pour le plaisir après être arrivée à saturation avec les lectures obligatoires. » - « C’est une bonne stratégie. » Je lui adresse un clin d'œil, tout en nous guidant à travers les rues du centre-ville sans trop réaliser que j’ai pris les rennes de notre petite expédition.

« Ta valeur se résume pas à tes années de fac. » - « C’est ce que j’essaye de me prouver à moi-même. Mais c’est pas forcément facile tous les jours. » Je suis toujours complexée lorsque je suis en face de quelqu’un d’érudit, je me demande constamment comment je vais être perçue par ceux qui ont la chance d’arriver à suivre des études - et le luxe de pouvoir se l’offrir, aussi. Toutefois, j’aborde la chose de façon si légère qu’il est difficile de comprendre que derrière les apparences se cache un gros manque de confiance en moi. Je préfère présenter ma remarque comme étant surtout liée à l’argent que peut me rapporter un boulot qui ne nécessite pas d’étude, mais un réseau que je peine à me construire mois après mois. Depuis que je suis avec Aiden, je tente de tirer un trait sur Scott et ça rend la chose plus difficile. Mon talent ne dépend pas de lui. Mon culot non plus. Mon carnet d’adresse en revanche, c’est un autre son de cloche. « T’étais dans quelle branche ? » - « J’étais en première année de licence de journalisme. Mais je te dis, j’ai décroché rapidement. Je pouvais pas me permettre de pas bosser non plus. » Je n’étale que rarement ma situation financière et il y a fort à parier que je me refermerai si elle m’interroge. Cependant, c’est plus ou moins sous-entendu par ma remarque, que je ne roule pas sur l’or et que je suis livrée à moi-même. « Assistante sociale. J’imagine que je suis le cliché de la nana qui veut aider les autres pour pas voir ses propres problèmes. » - « C’est une bonne stratégie. » Une que je ne juge pas. En revanche, un frisson parcourt mon dos en entendant le rêve de la brune. Retirer des enfants de leur foyer, voilà ce qu’elle veut faire, ou en tout cas l’image que j’ai des individus qui exercent ce métier, à cause de mon expérience personnelle. « T’as pas peur que ce soit trop dur, psychologiquement ? » Sait-elle seulement à quoi s’attendre ? Pense-t-elle qu’il s’agira de conseiller et de guider dans la bonne voie des jeunes qui ont quitté les rails ? Se doute-t-elle que, souvent, elle ira arracher un enfant des bras de sa mère, à moitié hystérique à cause de sa consommation d’alcool et de drogues ? « Je pourrais pas faire ça. » Et elle n’aura pas la moindre explication quant au pourquoi, cela va sans dire.

Je ne cherche à vexer personne, encore moins à la pointer du doigt puisque même si elle est fluette, je n’ai pas la moindre idée de ce dont souffre la douce Maisie. Alors quand elle montre qu’elle est piquée - je ne suis pas dupe - je fronce les sourcils. La vérité, c’est que je suis simplement trop insensible aux gens qui, à mon sens et avec ma vision réductive du monde, se font du mal volontairement. Je considère qu’ils sont faibles et égoïstes et, quant aux jeunes femmes que je photographie, je les range tout simplement la la case idiotes. « Je pense pas qu’elles se font vomir par plaisir. » Je secoue la tête, avant d’embrayer sans plus de délicatesse. « Ah non, elles le font parce qu'elles crèvent d’envie d’attirer l'œil de directeurs de castings. C’est ridicule à mourir. » Je hausse les épaules et, sans remarquer son trouble - je suis trop centrée sur ma personne pour ça - j’observe les devantures des magasins devant lesquels nous passons. « Est-ce que tu reçois au moins des fringues de temps en temps ? » - « Je suis photographe, pas mannequin. Et je doute que même elles aient ce genre de privilège. » Je lui réponds sans la moindre brusquerie, avec un sourire solaire sur les lèvres. « Mais je suis parfois invitée aux soirées qu’organisent les magazines, je suppose que c’est déjà chouette. C’est dans ce cadre là qu’on s’est rencontrés, Aiden et moi, il te l’a dit ? » Curieuse, je cherche à savoir s’il parle de moi, je jeune acteur de seconds rôles. Je me demande comment il me dépeint et s’il a des étoiles dans les yeux lorsqu’il parle de moi. C’est important, les étoiles dans les yeux. Je ne vis que pour être portée aux nues par la gente masculine. « Comment alors ? Si c’est pas comme ça que tu veux faire de la photo ? » - « J’aime l’authenticité. » C’est difficile à décrire, et cela peut-être résumé en un seul mot à la fois. « J’aime bien me balader dans la rue et capturer les émotions, ou de simples scènes de la vie de tous les jours. » J’ai conscience que c’est peut-être difficile à imaginer, alors j’ajoute. « Je te montrerai, si ça t’intéresse. » Je lui laisse une issue de secours, si toutefois elle posait la question par simple politesse. Je n’en serais pas vexée, le cas échéant.

Nous nous engouffrons dans une boutique qui attire mon œil et, rapidement, me voilà en train de passer les portants remplis de vêtements en revue. Je note que Maisie m’observe presque toujours. Je me demande à quoi c’est dû. « Puisque tu baignes dans la mode, j’imagine qu’à force t’es pleine de bons conseils, hm ? » - « J’imagine, oui. » Je quitte des yeux les vêtements pour plonger mon regard dans le sien, curieuse et intriguée. « Je sais même pas par où commencer, j’ai besoin de... tout. » Je ris, amusée, avant de l’interroger. « Tu peux pas avoir besoin de tout. A moins que… » J’esquisse un sourire malicieux, avant de continuer. « Tu cherches à plaire à quelqu’un en particulier ? C’est pour ça que tu voulais faire les boutiques, pour attirer l’attention d’un homme ? » Dans l’ordre des choses selon Megan Monroe, c’est crucial, d’attirer l’attention de la gente masculine. Et évidemment, cela passe par les apparences.

tw : mention de trouble du comportement alimentaire

« Oh. Et quel genre de livre tu penses que je lis ? » Merde. C’est le genre de question piège à laquelle il ne peut avoir qu’une mauvaise réponse. Je vais la vexer d’une manière ou d’une autre, et ce n’est pas pour rien que, tant qu’à être sur cette optique-là, j’aurais préféré qu’elle me fasse une sélection pour me faire une idée et non faire une sélection à partir de mon idée. « J’hésite entre les autobiographies ou les romans d’horreur. » J’ose, après l’avoir observée un instant. C’est une réponse qui vise la sécurité ; je ne prends pas le risque de remettre son intelligence en question autant que je ne lui colle pas un cliché sur le dos basé sur son physique qui pourrait donner l’impression qu’elle ne vit que pour les romances et le young adult. Ma réponse est néanmoins sincère, alors que Megan me surprend régulièrement depuis qu’on se côtoie et que le paradoxe de la voir frissonner devant un roman horrifique ne me paraît pas si improbable, en réalité. « Il est pas trop tard pour reculer, je te jure. J’en ai pas l’air, mais je suis une vraie nerd lorsqu’il est question de littérature. » Je plaide coupable ; elle n’est pas certainement celle que j’imagine passer des heures dans une bibliothèque et je m’en veux aussitôt de ce jugement qui ne se base que sur une impression, comme elle doit en subir tant d’autres au quotidien et j’y contribue sans même qu’elle le sache. « Tu sais quoi ? On fera un arrêt à la librairie sur notre chemin. » De toute façon, je ne pense pas avoir la force nécessaire pour passer un après-midi à me comparer à elle ; alors l’arrêt à la librairie sera le bienvenu pour qu’on apprenne à se connaître de cette façon. Si elle est une telle passionnée de littérature, alors je compte sur ses recommandations pour mes prochaines lectures.

« Tu m’as démasquée. Je voulais dire assommante. J’ai dû mal avec tout ce qui n’a pas vocation à faire voyager. » Je peux comprendre. Même si nous n’avons pas le même genre de lecture, le fait est que se force à lire quelque chose qui est loin de nos centres d’intérêt peut être une véritable torture – j’en fais l’expérience avec mes études. « Je crois que tout le monde a du mal avec les lectures imposées, de toute façon. » Je connais pas un de mes camarades qui prend réellement plaisir à s’infliger les bouquins que nos profs nous forcent à acheter. « C’est une bonne stratégie. » J’acquiesce avec un sourire. Je ne sais même pas pourquoi ça m’importe qu’elle soit d’accord avec moi ou qu’elle valorise ma façon de travailler, mais mon sourire me trahit. Ce que les autres pensent a de l’importance ; ce que Megan pense a de l’importance.

« C’est ce que j’essaye de me prouver à moi-même. Mais c’est pas forcément facile tous les jours. » Je ne peux pas nier que je suis surprise. Megan dégage une aura de confiance en elle à des kilomètres ; même avant de lui avoir officiellement adressé la parole pour la première fois, c’est la chose qui m’a le plus frappé chez elle. Alors l’entendre me confirmer qu’elle se dévalorise sous prétexte de ne pas avoir fait de grandes études me surprend. Me rassure, aussi, sans que je ne sache pour quelle raison exactement. Je ne me réjouis pas de ses doutes ; mais ils la rendent plus accessible. « De ce que me dit Aiden, t’as pas grand-chose à prouver. » Et je sais à quel point cette notion est différente quand elle s’applique à soi-même ou quand on l’applique aux autres. Elle n’a peut-être plus grand-chose à prouver aux autres, mais tout à se prouver à elle-même. J’en sais rien, mais dans tous les cas, le portrait d’elle que mon meilleur ami dresse est assez clair quant au fait qu’elle a l’air de plutôt réussir et qu’elle n’a pas à se dévaloriser. D’autant qu’elle peut se féliciter d’avoir essayé, et je ne vois pas son abandon comme un échec, mais comme une façon d’affirmer ce qu’elle désire. « J’étais en première année de licence de journalisme. Mais je te dis, j’ai décroché rapidement. Je pouvais pas me permettre de pas bosser non plus. » Je pince les lèvres, encore une fois surprise par cette confession à laquelle je ne m’attendais pas. « T’as quand même l’air d’avoir trouvé ta voie malgré tout, c’est le plus important. » Elle a l’air de savoir ce qu’elle veut faire, où elle va, et je suis admirative de sa détermination même si celle-ci ne s’est pas forcément construite dans les meilleures conditions. « C’est une bonne stratégie. » Et comme trop souvent, je tique sur ce qui ne devrait pas me faire réagir. Mais Megan vient de se répéter. Mot pour mot ; et alors que je pensais qu’elle s’intéressait réellement à mes intérêts, j’ai désormais l’impression que son discours sonne faux et que je n’ai pas encore acquis son approbation ni sa clémence. C’est pourtant elle qui devrait demander les miennes, mais j’ai inversé les rôles à la minute même où je lui ai envoyé ce message et, désormais, je ne peux m’empêcher de me demander si elle me trouve ennuyante pour se répéter de la sorte, de façon mécanique. C’est peut-être moi qui suis assommante, en réalité, et Megan se contente seulement d’être polie. « T’as pas peur que ce soit trop dur, psychologiquement ? » Et je crois qu’elle-même doute de mon choix d’étude, comme tant d’autres de mes proches. Parce qu’ils savent à quel point je suis, en réalité, faible psychologiquement et très loin de pouvoir assumer un tel rôle. Mais Megan ne connaît pas mon histoire ; et voilà déjà qu’elle est en mesure de me juger. Je hausse les épaules, précisant : « J’imagine que je ne saurai pas tant que je ne serai pas en pratique. » C’est le problème des métiers aux longues études ; on se fait une image de celui-ci grâce à la théorie, on déchante à cause de la pratique. « Et c’est vaste comme métier, ce sera à moi de trouver le domaine qui me convient le mieux. » Et je ne sais pas duquel il s’agit. Si j’ai envie d’accompagner les gens dans leurs démarches, si j’ai envie d’avoir une posture de soutien, ou d’autorité, j’ignore encore quel est le rôle que je souhaite réellement exercer ; et je suis gênée de l’admettre alors que Megan semble déjà douter de ma résilience : je lui offre désormais l’occasion de remettre mes capacités en question.

Et des doutes, elle ne cesse d’en immiscer dans mon esprit malgré elle quand son discours me fait froncer les sourcils, et que mon opposition se heurte une nouvelle fois à une opinion bien arrêtée. « Ah non, elles le font parce qu'elles crèvent d’envie d’attirer l'œil de directeurs de castings. C’est ridicule à mourir. » Je ne suis pas comme elles. J’essaie de me dire que je ne suis pas comme elles, alors que ce n’est pas un métier qui a dicté mes troubles du comportement alimentaire. C’est autre chose ; un besoin d’attention, notamment, oui. Mais c’est pas aussi simple qu’elle le dit. Elle peut pas comprendre, Megan, elle a pas l’air de s’être construite dans des schémas maladifs où l’attention et l’amour de ses proches est associé à de tels comportements. « Oui, c'est sans doute ridicule. » Sans doute qu’on renvoie cette image aux autres et qu’on doit l’assumer quand ils décident de nous mettre face à nos propres fautes. C’est ridicule. Je me le suis souvent dit – mais ça faisait longtemps que je ne l’avais plus pensé. « Je suis photographe, pas mannequin. Et je doute que même elles aient ce genre de privilège. » C’est vrai, mais j’étais trop pressée de changer de sujet pour réfléchir. Et probablement qu’elle doit me prendre pour une idiote, maintenant, en plus d’une fille qui ne va pas dans son sens. « Mais je suis parfois invitée aux soirées qu’organisent les magazines, je suppose que c’est déjà chouette. C’est dans ce cadre là qu’on s’est rencontrés, Aiden et moi, il te l’a dit ? » - « C’est dans ce cadre-là qu’il rencontre tout le monde. » Je souligne avec un sourire amusé. C’est dans ce cadre-là que sa nouvelle vie s’opère, où je n’ai plus vraiment ma place. « Mais il me l’a dit, oui. » Il rencontre beaucoup de monde, dans ces soirées, et je sais que tout le monde n’a pas les meilleures intentions envers lui. Je veux croire que celles de Megan sont sincères. « Il t’aime beaucoup, tu sais. » Que je précise pour faire suite à sa question qui n’est probablement pas si innocente. Moi aussi, j’aimerais savoir s’il lui a parlé de moi. « J’aime l’authenticité. » Qu’elle souligne quand je l’interroge sur sa passion de la photographie. « J’aime bien me balader dans la rue et capturer les émotions, ou de simples scènes de la vie de tous les jours. » J’arrive pas à voir la beauté dans ce que je vois autour de moi, alors je suis curieuse quant à sa façon de procéder. « Je te montrerai, si ça t’intéresse. » Un sourire s’affiche sur mes lèvres, alors que j’acquiesce : « Oui, j’adorerais voir ton travail. » Que j’indique, véritablement curieuse de découvrir ce qui, j’en suis sûr, relève du talent. Il ne peut pas en être autrement la concernant, j’en suis persuadée.

De la même manière, je suis persuadée que chacun des vêtements dans cette boutique est conçu pour être porté sur une silhouette comme la sienne – et certainement pas la mienne. À défaut de recevoir des vêtements gratuits, j’ai bon espoir qu’elle soit au moins en mesure de me conseiller ; car il suffit d’un coup d’œil pour comprendre que j’ai le rôle de suppléante à ses côtés et qu’elle m’efface par sa seule prestance. « J’imagine, oui. » J’ai l’impression qu’elle n’est pas vraiment convaincue et qu’elle se force par nécessité de ne pas ruiner cet après-midi et je reste silencieuse quand elle m’observe, finissant par détourner les yeux. « Tu peux pas avoir besoin de tout. A moins que… » À moins que je sois un cas désespéré, je sais qu’elle le pense. Je sais que c’est ce que tout le monde pense. « Tu cherches à plaire à quelqu’un en particulier ? C’est pour ça que tu voulais faire les boutiques, pour attirer l’attention d’un homme ? » - « Quoi ?! Non ! » Je m’offusque, je baisse la tête et toute mon attitude hurle au malaise, mais pour des raisons que je parviens pas à assumer et encore moins devant la copine de mon meilleur pote, qui est un vrai aimant à mecs. « Non. Non, du tout. » Je rétorque avec un rire nerveux, déstabilisée qu’on glisse sur ce terrain que je ne maîtrise pas du tout. « Et de toute façon, je suis pas sûre que changer ma garde-robe suffise. » Que je dis en baissant le regard sur ma silhouette. C’est même pas ça le problème ; mais c’est sûr que j’ai aucun argument à mettre en avant – et s’il était seulement question du physique, ça m’arrangerait : ça voudrait dire que je peux réellement faire quelque chose pour changer les choses. « Je fais jamais de shopping, c’est ça que je voulais dire. Je suis paumée. » Que je me rattrape ; je veux pas qu’elle s’imagine qu’elle m’a mise dans l’embarras – même si c’est le cas. « Je sais pas ce qui me va. » Pas grand-chose, à vrai dire, j’en suis persuadée. Quand je mets des vêtements trop serrés, on me dévisage. Quand ils sont plus larges, on me dévisage aussi ; Megan l’a bien fait au moment de se retrouver. Et alors que mon regard glisse sur les divers vêtements exposés, en guettant certains avec attention plutôt que d’avoir à lever les yeux vers Megan, je finis par lui poser la question qui me brûle les lèvres. « Mais... enfin, comment on plaît aux gens ? » Aux garçons. Aux filles. Au reste du monde. Comment on devient Megan Monroe ?

@Megan Williams

do you wanna talk ?
Megan Williams & @Maisie Moriarty

« J’hésite entre les autobiographies ou les romans d’horreur. » Je fronce les sourcils, amusée par ses propositions. Certes, elle est à côté de la plaque. Mais cela en dit malgré tout beaucoup sur la façon dont elle me perçoit, ou sur la façon dont elle veut bien me faire croire qu’elle me perçoit. « J’ai peur d’être bien moins pompeuse que ça. » Qui lit des autobiographies, sérieusement ? Certainement les mêmes personnes que celles qui lisent des bouquins de développement personnel, j’y mettrais ma main à couper. « J’ai toujours lu pour m’évader. Me demande pas d’où ça vient. » Je hausse les épaules comme pour signifier que je ne connais pas la réponse à cette question. La vérité est un peu différente : il vaut mieux qu’elle évite de me poser ce genre de question certes, mais parce que je n’ai pas envie de répondre. La réponse, je la connais : elle est à chercher dans mon passé que je n’ai pas l’intention de partager avec la jeune femme. « Tu sais quoi ? On fera un arrêt à la librairie sur notre chemin. » Cherche-t-elle à me piéger ou à faire amie-amie ? Dans le doute, je me contente de lui adresser un grand sourire - j’aime réellement les livres, je n’ai pas menti et ne me sens pas en danger, celui de passer pour une idiote - et je hoche la tête. « Avec plaisir. Mes étagères vont finir par s'effondrer, mais j’ai pas l’intention de changer quoi que ce soit à ça. » J’en rajouterai une autre pour mes nouvelles trouvailles, au pire. « Je crois que tout le monde a du mal avec les lectures imposées, de toute façon. » - « Oui, t’as certainement raison. »

Elle m’a l’air agréable, la jeune femme. Un peu austère et résolument réservée, mais sympathique pour autant, au premier abord tout du moins. « De ce que me dit Aiden, t’as pas grand-chose à prouver.  » - « Aiden est pas objectif. » J’étire un sourire timide mais, si on regarde de plus près, on s’aperçoit que ma réaction est feinte : mes joues ne prennent aucune teinte rouge ou rose, comme c’est le cas lorsqu’on est réellement embarrassé. « T’as quand même l’air d’avoir trouvé ta voie malgré tout, c’est le plus important. » - « On va dire que je suis partie dans la bonne direction. De là à faire exactement ce que je rêverais de faire, il y a encore du chemin. » Je vis de la photo certes, mais pas du genre de photos que j’aimerais faire. Et ce que l’on parle de ma “couverture” de photographie de plateau ou de mon vrai business de paparazzi. « Mais oui, je fais mon chemin tranquillement. » Au contraire, je tente d’avancer dans la vie avec une avidité et une ambition rarement vues. Mais ça non plus, elle n’a pas besoin de le savoir. «  J’imagine que je ne saurai pas tant que je ne serai pas en pratique. » Je hoche la tête et, si j’ai toujours du mal à imaginer cette frêle jeune femme en tant qu’assistante sociale - certainement à cause de ma propre expérience avec ce coeur de métier - je le garde pour moi, peu désireuse de vexer la meilleure amie de mon petit-ami. « Et c’est vaste comme métier, ce sera à moi de trouver le domaine qui me convient le mieux. » - « J’envisage même pas à quel point ça doit être dur, d’être le genre de personne qui retire des enfants à des parents. » Parce que c’est ça, la vision étriquée que j’ai du métier d'assistante sociale. Et je méprise assez le système pour ne pas réussir à masquer toute l’amertume que je ressens à leur égard. Tout comme j’ai assez de certitude sur tout et tout que je ne relève même pas que Maisie est mal à l’aise, lorsque je parle de mannequins et que je lui livre le fond de ma pensée les concernant.

« C’est dans ce cadre-là qu’il rencontre tout le monde. Mais il me l’a dit, oui. » Pensive, je penche la tête et fonce légèrement les sourcils. « Tu veux dire qu’il te présente souvent des femmes qui viennent de ce milieu là ? » Je ne suis pas actrice, mannequin ou pseudo influenceuse, mais j’aimais croire que j’étais une exception pour Aiden. Qu’à part moi, toutes les femmes évoluant dans le milieu l’ennuient, et c’est moins une question de jalousie et de possessivité que d’égo et de ce sentiment que cela me donne d’être spéciale. D’être une femme à part, d’avoir quelque chose de remarquable en dehors de ma plastique, enfin. « Il t’aime beaucoup, tu sais. » J’esquisse à nouveau un sourire. « C’est vraiment une chouette personne. » Il est attachant, Aiden. Je ne suis peut-être pas amoureuse de mon côté, mais je l’ai malgré tout choisi parce qu’il possède un éventail de belles qualités qui n’ont rien à voir avec le fait qu’il me porte aux nues. « Et c’est assez exceptionnel dans le milieu. Je sors pas avec des acteurs, des mannequins ou des garçons connus en temps normal. » Parce qu’ils sont la chose la plus importante à leurs yeux, quand j’attends d’un partenaire de prendre cette place là. « Il a gardé sa simplicité. Et c’est rare. » Peut-être que cela ne durera pas mais pour l’instant, c’est encore le cas.

« Oui, j’adorerais voir ton travail. »
« Je te montrerai ça avec plaisir, la prochaine fois. » Puisqu’il y en aura, non ? N’est-ce pas la normalité, de se lier avec les amies de son compagnon ?

A l’intérieur de la boutique, j’observe Maisie du coin de l'œil plus que je ne cherche réellement des vêtements pour moi. Bien sûr, mes doigts glissent sur les différentes étoffes, mais je suis déconcentrée par la petite brune qui semble aussi à l’aise ici qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Pourquoi ? Et surtout, pourquoi avoir proposé ce genre d’activités si elle n’aime pas le shopping ? Parce qu’elle pensait me faire plaisir ? Parce que la jolie blonde plantureuse ne peut s’intéresser qu’à des choses futiles de ce genre ? Ou bien peut-être cherche-t-elle des conseils ? Est-ce pour plaire à quelqu’un qu’elle cherche à repenser toute sa garde-robe ? « Quoi ?! Non ! » Je hausse les épaules, comme si à mes yeux il n’y aurait rien d’étrange ou d’anormal à ce que ce soit le cas. Ne font-elles pas tourner le monde, les histoires de cœur ? « Non. Non, du tout. » - « Si c’est le cas, t’es pas obligé de m’en parler. » Est-ce un secret ? A-t-elle peur que je raconte tout à Aiden et que l’objet de son attention se révèle être une connaissance commune ? « Et de toute façon, je suis pas sûre que changer ma garde-robe suffise. » - « Pour ? Plaire aux hommes ? » Non, mais c’est un bon début, et je souris déjà à l’idée de relooker la jeune femme de la tête au pied pour lui apporter un peu… d’allure. « Je fais jamais de shopping, c’est ça que je voulais dire. Je suis paumée. Je sais pas ce qui me va. » - « Je voulais pas te mettre mal à l’aise. » Parce que son langage corporel est évident, même pour quelqu’un qui n’est pas spécialiste de la question : elle l’est, mal à l’aise. « L’attention d’un homme, ou d’une femme hein, je voulais pas supposer. » Je tente de creuser pour comprendre l’erreur que j’ai faite. « J’ai pas de problème avec ça, si c’est ça. » Je hausse les épaules pour qu’elle comprenne que c’est sincère, que je me moque de son orientation sexuelle comme de ce qu’elle a mangé ce matin au petit-déjeuner. Ce que j’ai plus de mal à concevoir en revanche, c’est de ne pas ressentir le besoin de plaire, d’être vue et remarquée, puisque moi-même vit pour ces choses-là. « Mais... enfin, comment on plaît aux gens ?  » Il y a donc bien quelqu’un, je ne suis pas folle. Voilà la conclusion que je tire de tout ça. Je n’en suis pas moins déstabilisée par sa question qui est bien trop vague pour que je puisse y répondre en quelques mots. Je réfléchis un instant, avant de me jeter à l’eau. « Me fait pas supplier pour te proposer un relooking. J’en rêve depuis que tu m’as envoyé ton texto. » Il y a du travail à faire avec elle, mais je suis persuadée qu’elle pourrait être ravissante. « La base de tout, c’est d’avoir l’air. Si t’as l’air d’avoir confiance en toi et d’être séductrice, le reste, c’est simplement de l’accessoirisation. » Je jette un coup d'œil aux portants qu’elle regarde et me rapproche d’elle. « Tu veux que je t’aide à trouver quelque chose ? » Je l’observe de la tête aux pieds - non pas que je ne l’ai pas déjà fait, mais cette fois je ne m’en cache pas - avant de lui exposer mon constat. « Sans vouloir t’offenser tu flottes dans tes vêtements. Tu devrais commencer par essayer de trouver des choses plus seyantes. »

Megan n’a pas l’air convaincue par mes propositions et j’espère qu’elle ne me condamne pas à une chute dans son estime – alors que les rôles devraient pourtant être inversés, et qu’elle devrait être celle qui s’inquiète de sa place dans la mienne. « J’ai peur d’être bien moins pompeuse que ça. » Est-ce qu’elle croit que je l’ai insultée ? Son ton n’est pas sec, mais je n’ai jamais été douée pour décrypter les intentions des autres, souvent considérées comme faussées. J’ai voulu m’assurer de ne pas la vexer et j’ai pourtant l’impression de lui avoir collé cette étiquette que je ne voulais pas lui imposer. « J’ai toujours lu pour m’évader. Me demande pas d’où ça vient. » J’en avais pas l’intention. Même si je désire apprendre à la connaitre, c’est une question qui peut vite s’avérer trop personnelle, que j’aurais probablement osé avant de la regretter. Le fait qu’elle anticipe ma curiosité a le don de me rassurer, même si je constate surtout qu’elle ne me donnera pas le fin mot de ses goûts – est-ce une façon de me punir pour l’avoir heurtée, un suspense qu’elle fait durer alors que j’évoque un arrêt sur notre chemin ou simplement une manière d’ignorer un sujet qu’elle ne maîtrise pas autant qu’elle le laisse croire, la porte est ouverte à bien trop d’interprétations pour me convenir. « Avec plaisir. Mes étagères vont finir par s'effondrer, mais j’ai pas l’intention de changer quoi que ce soit à ça. » J’esquisse un léger rire et s’il est évident qu’elle est bien plus passionnée par les bouquins que je ne le serai jamais – j’ai toujours préféré le cinéma – la perspective de prolonger mon temps passé à ses côtés me satisfait. « Oui, t’as certainement raison. » Je pourrais plaisanter et lui dire que j’ai toujours raison, mais outre le fait que c’est très loin de la vérité, je n’ai surtout pas envie de lui renvoyer l’image d’une fille arrogante qui se croit supérieure aux autres, à commencer par elle alors qu’il est assez évident que c’est la réciproque qui s’applique.

Et si je m’étais déjà faite une idée des raisons pour lesquelles Aiden apprécie Megan, celles-ci se confirment à mesure que nous discutons, et si j’en crois les mots de mon meilleur ami, je n’ai en réalité aucune raison de douter de ses qualités. « Aiden est pas objectif. » Je hausse les épaules, c’est probablement vrai, mais ce n’est pas pour autant que j’ai envie de mettre sa parole en doute. « Non, en effet, mais je lui fais quand même confiance. » Ses mauvais choix seront alors aussi les miens ; parce qu’on est supposé se soutenir et que j’obtempère plus que de raison. Aiden a toujours été le plus rationnel de nous deux, celui dont le jugement touche le plus juste, et même si ses sentiments peuvent fausser ses opinions, elles demeurent toujours plus correctes que les miennes. J’ai envie de laisser une chance à Megan et en réalité elle n’est pas en train de l’obtenir, elle l’a depuis notre rencontre, là où d’autres avant elle n’ont pas eu le droit à autant de sympathie de ma part parce que je les estimais pas ou peu, quand bien même je faisais semblant par loyauté envers Aiden. « On va dire que je suis partie dans la bonne direction. De là à faire exactement ce que je rêverais de faire, il y a encore du chemin. » - « Je sais que c’est le pire cliché qui soit de te dire ça, mais c’est néanmoins vrai : t’es encore jeune. » Et en ce sens, elle a encore de nombreuses années devant elle pouvant lui permettre de réaliser ses rêves. « Mais oui, je fais mon chemin tranquillement. » - « Tu me donnes l’impression de savoir ce que tu veux, pour ce que ça vaut. » Je mesure mes mots, ne voulant pas lui donner l’impression qu’elle est le genre de fille qui obtient ce qu’elle veut – même s’il s’agit d’un compliment, c’est une façon d’exprimer les choses qui est bien trop souvent péjorative pour que je l’ose. Et je sais bien que mon opinion n’a probablement aucune importance à ses yeux, qu’elle n’en a rien à faire des bonnes paroles de l’amie de son copain qui restera probablement plus proche de l’inconnue que de l’amie, toujours est-il qu’elle semble appartenir à la catégorie des gens suffisamment déterminés pour réellement mettre en œuvre des efforts qui sauront leur apporter satisfaction. Je ne fais pas partie de ces gens, ou du moins pas dans les domaines où cette détermination me serait utile, contrairement à Megan. Et je sais que je ne devrais pas me faire une telle idée de la blonde alors que je la connais pas réellement, qu’elle reste un vrai mystère et que toute l’image que je me fais d’elle pourrait voler en éclats. Je le sais ; pourtant ça ne m’empêche pas d’être convaincue de mon jugement, d’avoir envie d’y croire – ou peut-être ai-je seulement besoin d’y croire. « J’envisage même pas à quel point ça doit être dur, d’être le genre de personne qui retire des enfants à des parents. » Je lui adresse un regard alors que sa définition du métier me semble bien raccourcie, hésitante quant à la conduite à adopter. Je n’ai pas envie de lui donner l’impression de la corriger, pas plus que je ne veux qu’elle s’imagine que c’est ce qui me plait dans le métier. Parce que ça n’est pas le cas, parce que retirer des enfants à leurs parents n’est pas ma conception du social et que si je me dirige dans ce domaine, c’est avant tout pour aider et non pour faire plus de mal. « C’est pas dans cette branche-là que je veux m’orienter. » Je débute, mettant en avant qu’il s’agit bien de moi, de mon ressenti et non du sien que je veux modifier, pour n pas la vexer inutilement. « Ce qui m’intéresse, c’est toute l’étape soutien et accompagnement. Celle qui ne vend pas forcément du rêve parce que tu t’occupes pas mal du blabla administratif pour aider la personne à sortir de sa situation et que tu passes ta vie en réunion avec d’autres professionnels pour dégager des solutions. » Je sais que je ne présente pas les choses sous leur meilleur jour ; mais la vérité est qu’il s’agit surtout d’un travail qui, sans être de bureau, nécessite d’apprécier la paperasse. « Mais surtout l’étape où tu peux, à ta mesure, soutenir la personne dans les changements qu’elle veut et peut mettre en place. » Inutile de mentir, l’aspect gratifiant du métier est quelque chose dont j’ai besoin, car je n’ai jamais rien accompli au cours de ma vie qui mérite qu’on me félicite ou qu’on s’intéresse à moi. J’ai une estime qui a besoin d’être valorisée, je le sais bien, mais j’ai aussi l’envie d’aider d’autres à ne pas se heurter aux mêmes murs que moi quand j’étais plus jeune. Alors non, ce métier est suffisamment vaste et intéressant pour ne pas être réduit au mauvais rôle qui consiste à détruire des familles, même si l’on prétend que l’on agit pour leur bien. J’ai détruit la mienne bien malgré moi, je n’infligerai jamais cela volontairement à autrui.

« Tu veux dire qu’il te présente souvent des femmes qui viennent de ce milieu là ? » Souvent est un grand mot, principalement parce qu’Aiden n’a pas l’air de saisir le concept de l’amour et qu’il s’agit surtout de séduction, de passe-temps, de distraction, peu importe le rôle qu’il donne à ses relations du moment. Et que même avec ces définitions-là, le fait est qu’il est bien trop timide pour enchaîner les nanas, ce qui fait de Megan une exception, autant parce que je n’ai pas souvent eu cet honneur que parce qu’il semble avoir mis ses failles et ses peurs de côté pour s’autoriser à vivre ce bonheur. « Non, je ne parle pas de femmes, mais de tout le monde. » Tout son entourage actuel, en d’autres termes, depuis qu’il berce dans ce milieu dans lequel je n’ai pas ma place et qui me tient, parfois, à l’écart de lui. « Même s’il y a souvent des femmes qui gravitent autour de lui, elles sont souvent plus intéressées qu’il ne l’est. » De ce côté-là, j’en ai rencontré des dizaines, de ses « amies » qui n’ont pas la même signification du mot que lui et qui aspirent à plus, et à mal. Celles que je regarde de travers sans m’en gêner. « Il est pas du genre à enchaîner les meufs. » Que je corrige pour ne pas qu’elle se fasse une fausse idée de mon ami à cause de mes paroles maladroites. Elle comprendra par cette précision qu’elle a de l’importance, même si je poserai pas les mots à la place du principal concerné. « C’est vraiment une chouette personne. » J’acquiesce avec un large sourire. Il l’est, c’est un fait. « Et c’est assez exceptionnel dans le milieu. Je sors pas avec des acteurs, des mannequins ou des garçons connus en temps normal. » Je ne dis rien, mais je n’en pense pas moins quant au fait qu’elle vient de confirmer certaines de mes craintes qui entoure ce milieu ; et le fait qu’il n’est pas aussi merveilleux qu’on veut nous faire croire. « Il a gardé sa simplicité. Et c’est rare. » Et c’est vrai. Malgré tout, j’ai encore l’impression qu’il est mon meilleur ami alors que la célébrité pourrait lui être montée à la tête. Mais il reste le même type qui mélange ses mots quand il est nerveux, qui s’exprime plus par les gestes et les attentions que les mots et qui continue de vouloir se perdre au milieu d’une forêt plutôt que de passer un séjour dans un hôtel de luxe. « Du coup, c’est le bon moment pour te dire que si tu lui brises le cœur, je t’arrache le tien ? » J’esquisse un rire avant d’ajouter : « fais attention, j’ai trois frères. » Elle n’est pas censée savoir que deux d’entre eux sont encore des enfants si cela sert ma cause et mes menaces, qui peuvent être balayées d’un seul coup d’œil sur ma personne. Pourtant, Megan, aussi gentille soit-elle, est réellement vouée à subir ma colère si elle fait du mal à mon ami. Bien sûr, je ne lui arracherai pas le cœur vu ma carrure (et mes valeurs, bon, c’est au second plan), mais cela ne veut pas dire qu’elle s’en sortira, alors que je sais me montrer fourbe et déloyale si la situation le nécessite.

« Je te montrerai ça avec plaisir, la prochaine fois. » Mon sourire répond pour moi alors qu’en réalité je ne suis pas seulement emballée par la perspective de découvrir son travail, mais aussi et surtout celle qui veut que si ce moment est le premier que nous passons ensemble, il n’est certainement pas le dernier. Et à vrai dire, elle va d’autant plus comprendre la nécessité que nous nous côtoyons compte tenu de mon ignorance dans le domaine de la mode. Je ne m’habille pas qu’en pyjama et en jogging, non, mais je ne suis pas de celles qui mettent plus d’un quart d’heure à se préparer, sauf si l’opportunité en vaut la peine. C’est ce dont j’essaie de me persuader alors que la réalité est surtout que je ne sais pas comment appréhender mon propre corps, que je ne sais pas le mettre en valeur autant que je ne le veux pas, tout en désirant y parvenir. Un jour je le déteste, le lendemain je l’accepte, avant de le torturer pour mieux l’aimer. Et l’hypothèse de Megan quant à notre venue ici n’a rien à voir avec la réalité, alors qu’il s’agit d’un sujet sur lequel je mens constamment. Non pas parce que je veux cacher l’identité de la personne susceptible d’être à l’origine de ma motivation à modifier mes habitudes vestimentaires, mais parce que je doute un jour de trouver une personne pour qui ça pourrait être le cas. « Si c’est le cas, t’es pas obligé de m’en parler. » Je perds mes moyens alors que Megan ne m’a même pas mis le couteau sous la gorge ; seulement, je me sens si anormale que la panique qui me gagne est devenue naturelle. « Pour ? Plaire aux hommes ? » Pour plaire à tout le monde. Pour me faire accepter, pour me faire une place, pour avoir l’impression d’exister. Pour me sentir jolie et me plaire à moi-même, surtout. « Pour faire impression. » Je ne dirais pas qu’il s’agit de plaire, mais juste d’être vue, d’être appréciée, d’être considérée. Et quoi qu’on en dise, ça passe en grande partie par le physique. Megan en est la preuve, non pas que je veux la réduire à son physique, mais je ne sais pas si j’aurais autant à cœur d’entrer dans ses bonnes grâces si elle ressemblait à Nanny McPhee, peu importe ce que cette façon de voir les choses dit sur moi. Tout ne s’arrête pas au physique, mais tout commence par lui. « Je voulais pas te mettre mal à l’aise. » Je secoue la tête par la négative pour lui ôter cette idée de la tête. Ce n’est pas sa faut, uniquement la mienne. Elle, à l’inverse, elle essaie de me mettre à l’aise, justement. Et ça semble si évident, comme si tous les mots qui sortent de sa bouche et tous ses gestes inspirent inévitablement la confiance. « L’attention d’un homme, ou d’une femme hein, je voulais pas supposer. » J’écarquille légèrement les yeux, surprise. Je n’en suis pas là, parce que j’ignore même si c’est quelque chose qui me plaît. « J’ai pas de problème avec ça, si c’est ça. » Je me doute. En plus de toutes ces qualités, évidemment qu’elle a l’esprit ouvert. « Non, c’est juste que personne me plaît. Actuellement. » J’ajoute pour ne pas qu’en plus de ma gêne, mon évident manque d’expérience soit un sujet de moquerie. « Me fait pas supplier pour te proposer un relooking. J’en rêve depuis que tu m’as envoyé ton texto. » - « À ce point ? » Je l’interroge avec un rire qui masque mon malaise. Est-ce que je fais si peine à voir ? Est-ce que c’est l’image que je lui ai renvoyée, lors de nos premières rencontres ? Celle d’une fille qui ne ressemble à rien et qui a bien besoin d’un coup de main ? « La base de tout, c’est d’avoir l’air. Si t’as l’air d’avoir confiance en toi et d’être séductrice, le reste, c’est simplement de l’accessoirisation. » - « Alors je t’arrête tout de suite, j’ai déjà pas la base. » Pourtant, je suis capable d’avoir l’air. Je suis capable d’avoir l’air bien, je suis capable d’avoir l’air en forme, je suis capable d’avoir l’air sur la voie de la guérison, je suis tout autant capable d’avoir l’air au bord de l’effondrement. Mais je ne sais pas avoir l’air de m’aimer, d’avoir confiance en moi, d’être à l’aise avec mon corps. Toutes ces choses, j’essaie de les apprendre depuis des années, et je doute que les leçons de Megan me permettent de conclure mon apprentissage. « C’est ce que tu fais ? » De prétendre. Est-ce plus difficile qu’elle ne donne l’impression ? Est-ce que derrière cette confiance en elle que j’ai perçue dès notre première rencontre, il y a une fille qui fait semblant et qui, surtout, arrive à berner son monde ? « Tu veux que je t’aide à trouver quelque chose ? » Elle me scrute et je me sens stupide d’avoir choisi de tels vêtements. Ce ne sont pas les pires de ma garde-robe, ce ne sont pas ceux qui me vont le moins bien, mais ce n’est certainement pas ceux qu’elle apprécie. Et moi, je veux qu’elle m’apprécie. « Sans vouloir t’offenser tu flottes dans tes vêtements. Tu devrais commencer par essayer de trouver des choses plus seyantes. » Sauf que j’en ai pas envie. Mais je n’ai pas non plus envie de lui faire perdre son temps alors qu’elle daigne me l’accorder. Je n’ai pas envie de lui donner l’impression que je me fiche de son aide ou que ce rendez-vous est un échec à cause de mon habituel malaise. « C’est pas vraiment ce que je préfère. » J’essaie de me justifier avec un mince sourire, enchaînant les arguments : « Je veux dire, ça fait pas tout pour plaire, quand même... Si ? » Non. J’ai besoin d’espérer qu’on peut plaire sans avoir à se mettre autant en avant. J’ai besoin qu’elle me dise que le physique ne fait pas tout, alors qu’il est pourtant au centre de toutes mes préoccupations. J’ai besoin de croire qu’on peut être appréciée pour autre chose que cette première impression, car je m’interdis déjà d’apprécier mon corps et je ne peux pas envisage l’idée que d’autres puissent y parvenir là où j’échoue perpétuellement.

@Megan Williams

do you wanna talk ?
Megan Williams & @Maisie Moriarty

Cela ne devrait pas être important pour moi, de chercher à savoir comment mon petit ami parle de moi à sa meilleure amie. Pourtant, l’air de rien, prétendant qu’il n’est pas objectif, je cherche surtout à lui tirer les vers du nez. Que dit-il sur moi, Aiden ? Me dépeint-il comme la fille de rêve ou simplement une conquête de plus sur sa liste ? Quand il lui parle de moi, lui dit-il qu’il n’est pas sûr que je ne sois pas uniquement de passage, ou se projette-t-il ? Si je voulais être honnête, j’admettrais que ce n’est pas mon cas, mais lorsqu’il est question de mon couple naissant, je suis tout sauf ça. Je mens aux autres et à moi-même parce que ça me donne confiance en moi, d’être la petite amie parfaite d’un garçon gentil, de mon âge, libre et bien sous tout rapport. Est-ce grave, que je ne ressente pas de flamme amoureuse naissante pour le garçon ? Est-ce grave que je ne le désire déjà plus comme je peux désirer mon amant ? Non, bien-sûr que non, c’est ce que je me répète en tout cas puisqu’à mes yeux, seules les apparences comptent.

« Je sais que c’est le pire cliché qui soit de te dire ça, mais c’est néanmoins vrai : t’es encore jeune. Tu me donnes l’impression de savoir ce que tu veux, pour ce que ça vaut. » Je lui adresse un sourire poli avant de répondre avec franc parler et naturel. « C’est des bêtises ça. » Des excuses de fainéant. « Pourquoi attendre d’avoir trente ans pour tenter de devenir quelqu’un ? » L’ambition me dévore depuis toute jeune et je n’ai pas envie de le cacher, même si cela tranche avec ma jolie image toute lisse de photographe de plateau qui sourit et fait ce qu’on lui demande. Je sais ce que je veux, oui.

Lorsqu’il est question des études de Maisie, tout se complique. Si elle n’était pas l’amie d’Aiden, je l’aurais déjà condamnée pour la voie qu’elle a choisi de suivre, la faute à mon propre parcours. Dans le cas présent, je prends sur moi et je prétends que je suis compréhensive et ouverte d’esprit. Il est hors de question qu’elle sache d’où me vient cette aversion pour la branche qu’elle semble avoir choisie, ou en tout cas celle que j’imagine alors que je tire des conclusions bien trop rapidement. « C’est pas dans cette branche-là que je veux m’orienter. » Je suis butée et il est bien trop tard pour qu’elle ne puisse parvenir à me faire changer d’avis, pour ce que ça vaut. « Ce qui m’intéresse, c’est toute l’étape soutien et accompagnement. Celle qui ne vend pas forcément du rêve parce que tu t’occupes pas mal du blabla administratif pour aider la personne à sortir de sa situation et que tu passes ta vie en réunion avec d’autres professionnels pour dégager des solutions. » Ces gens ne veulent pas qu’on les aide. C’est ce que je pense à  cause d’un seul exemple, celui de ma mère qui malgré tous les efforts de tout un tas de monde, n’a jamais voulu ou réussi à changer. Mon regard se durcit peut-être un peu trop, puisque la brune sort les rames pour se justifier et me prouver le bien fondé de sa motivation. « Mais surtout l’étape où tu peux, à ta mesure, soutenir la personne dans les changements qu’elle veut et peut mettre en place. » - « Je te souhaite d’y arriver alors. Ça a pas l’air d’être un milieu facile. » Après tout, la Megan Monroe qu’elle rencontre n’a pas la moindre raison de savoir de quoi elle parle, n’a pas la moindre raison d’avoir d’a prioris ou de se braquer, alors je fais du mieux que je peux pour que le changement de sujet soit le plus délicat possible.

« Non, je ne parle pas de femmes, mais de tout le monde. » Si je cherche à lui soutirer des informations, c’est bien plus par amour-propre que par jalousie ou possessivité. Je crois que mon coeur ne souffrirait pas qu’Aiden aille voir ailleurs. En revanche, fréquenter le jeune homme gonfle ma confiance en moi et, s’il me trompait, c’est mon égo qui prendrait un coup violent et douloureux. « Même s’il y a souvent des femmes qui gravitent autour de lui, elles sont souvent plus intéressées qu’il ne l’est. Il est pas du genre à enchaîner les meufs. » Je n’arrive pas à savoir si elle cherche simplement à me rassurer - et protéger son ami - ou si elle pense réellement ce qu’elle dit. « Tu répètes ce qu’il t’as dit de me dire ou c’est vraiment ce que tu crois ? » J’esquisse un sourire, avant de secouer la tête et de balayer mes propres mots. « Je plaisante. J’ai confiance en lui. » Et je n’ai surtout pas envie de braquer la jeune femme trop tôt, puisqu’il est évident que je suis une connaissance nouvelle à ses yeux et qu’elle prendra pour l’instant le parti d’Aiden si quoi que ce soit devrait arriver. « Du coup, c’est le bon moment pour te dire que si tu lui brises le cœur, je t’arrache le tien ? Fais attention, j’ai trois frères. » - « Pas moi, du coup je me tiendrai à carreaux. » Je laisse un doux rire m’échapper, avant de reprendre, plus sérieuse. « J’ai pas l’intention de lui briser le cœur. » Croix bras, croix de fer, si je mens…

Malheureusement, à l’intérieur de la boutique, c’est à moi de mettre les pieds dans le plat. Malgré ça, la jeune femme semble avide de mon opinion, de mon approbation puisqu’elle me semble gênée bien que mal à l’aise. « Pour faire impression. » Dans ce cas, elle à de la chance : j’en ai fait ma spécialité. Si on me pose la question, elle a raison de s’en préoccuper : cela a pour moi une importance capitale. Et elle a du chemin à faire, la brune. « Non, c’est juste que personne me plaît. Actuellement. » - « Et tu voudrais faire des rencontres ? » Des rencontres amoureuses, cela va de soi - puisque, quoi d’autre ? « À ce point ? » Je réalise mon indélicatesse et mes yeux s’ouvrent en grand. Je secoue vivement la tête, peu désireuse de me mettre la meilleure amie d’Aiden à dos dès notre première sortie entre filles. « C’est pas ce que je voulais dire ! J’aime juste beaucoup ça, la mode. » J’aime surtout faire attention à moi. Je ne fais pas attention au prix des vêtements que j’achète, je suis plutôt simple à ce niveau, en revanche, je suis toujours parfaitement apprêtée. « C’est juste que tu… Que tu pourrais être mise un peu plus en valeur. » Je ne réalise pas à quel point mes mots peuvent être blessants, à quel point ils peuvent instiller de l’insécurité chez autrui. Je suis franche, authentique, et je partage ma vision parfaitement erronée - et plutôt triste - des rapports humains. « Alors je t’arrête tout de suite, j’ai déjà pas la base. » - « Je te promets que ça s’apprend. » Personne ne vient au monde persuadé de sa valeur. Personne de mon univers, en tout cas. « C’est ce que tu fais ? » Je hoche la tête, mais je lui réponds avec bien plus de pudeur et de retenue : je n’aime pas l’idée d’être analysée, parce que je n’aime pas l’idée d’être percée à jour. Je ne veux pas que quiconque voit la gamine malheureuse et pétrie de doute que j’ai pu être, que je suis encore souvent lorsque je suis seule, le soir. « C’est ce que tout le monde fait. Jusqu’à ce que ça devienne une seconde nature. » Chez moi, ce n’est pas vraiment le cas. Je fais semblant une bonne moitié du temps.

« C’est pas vraiment ce que je préfère. » Je fronce les sourcils, ayant du mal à concevoir qu’elle puisse réellement apprécier le genre de vêtement ample et sans forme qu’elle porte aujourd’hui. « Je veux dire, ça fait pas tout pour plaire, quand même... Si ? » - « Non je… » J’y vais à tâtons, désireuse de ne pas la braquer, mais persuadée que je lui rends service. « C’est juste que tu n’attires pas vraiment l'œil, là-dedans. » Elle devrait mettre un soutien gorge rembourré, pour commencer. Mais ce n’est pas le genre de remarque que je glisse à la jeune femme que je connais à peine. En revanche, mon regard s’attarde un peu trop sur ses formes inexistantes. « Tu n’es pas obligé de passer d’un extrême à un autre seulement… Tu disparais dans ces vêtements trop grands. » Grands dieux, tais-toi Megan. « Et comme tu n’as pas beaucoup de formes, tu pourrais vraiment te permettre des choses moulantes et décolletées sans paraître vulgaire. » Promis, je le pense comme un vrai conseil bienveillant. « Pourquoi tu me laisserais pas te faire une sélection ? Ça t'engage à rien, si ça ne te plaît pas, tu ne prends pas. » Elle ne peut pas être un cas désespéré à ce point.

« C’est des bêtises ça. » J’arque un sourcil, pas certaine de comprendre où elle veut en venir. Elle ne sait pas ce qu’elle veut ? « Pourquoi attendre d’avoir trente ans pour tenter de devenir quelqu’un ? » Oh. Je ne me suis donc pas trompée, Megan a de l’assurance à en revendre et confirme mon impression, la rendant plus intimidante encore. Parce que moi, je suis de ces personnes qui vont attendre trente ans avant d’envisager devenir quelqu’un – et encore, je n’en suis pas certaine. J’ai pas l’impression d’être en mesure de faire quoi que ce soit de ma vie, parce que je n’ai aucune ambition, pas plus que je n’ai les capacités ou l’assurance pour tracer une voie qui saurait me satisfaire. Je sais même pas quelle est cette voie, en réalité, même mes études me semblent fragiles. « J’imagine qu’on est pas tous prêts au même moment. » Je hausse les épaules, tentative hasardeuse de trouver une réponse à sa question alors que je n’en possède pas. Alors je préfère détailler les raisons qui m’ont poussée à choisir mon cursus, celui-là même que j’aime, mais que je n’ai pas la certitude de réussir à terminer. Sa vision du métier auquel j’aspire est bien réductrice et si j’essaie de démonter les clichés qu’elle semble avoir, je suis mal à l’aise d’avoir à me justifier. Je ne devrais pas à le faire, comme si j’étais coupable du malheur des autres. Ce n’est pas le cas et je n’aspire pas à briser des familles comme elle a l’air de le croire, seulement à réparer ce qui peut l’être, pour oublier que ma propre famille est un désordre sur lequel j’aurai jamais prise. Ouais, j’imagine qu’un bon psy dirait que mon choix de carrière est complètement faussé par mes propres problématiques et qu’en ce sens, je ne serai pas à ma place, mais qu’importe. J’ai l’impression que chaque métier social est déterminé par sa propre part de traumas, dans le fond. « Je te souhaite d’y arriver alors. Ça a pas l’air d’être un milieu facile. » - « Je sais faire la part des choses. » Je précise, avec un léger sourire pour la convaincre. Moi, je suis convaincue que je suis capable de dissocier ma vie professionnelle de ma vie privée, que ce que je verrai au travail ne m’impactera pas au quotidien. Parce que j’ai déjà dû en faire l’expérience ; parce que je me suis dissociée de certains de mes actes, et que j’arrive à compacter pour oublier ou, à défaut, avancer.

Megan m’interroge sur les femmes que fréquente Aiden et à vrai dire, je n’ai pas l’habitude qu’il m’en présente. Je n’ai pas besoin de me forcer à mentir pour donner une meilleure image de mon ami, la vérité est qu’il reste très réservé sur sa vie privée, mais qu’il n’est pas rare que les femmes gravitent autour de lui dans l’espoir d’attirer son attention et de bénéficier de sa popularité. Je ne sais pas si c’est réellement valorisant d’être seulement un accessoire au bras d’un acteur en vogue, mais il semblerait que, pour certaines, ce soit le cas. « Tu répètes ce qu’il t’as dit de me dire ou c’est vraiment ce que tu crois ? » J’esquisse un rire, même si Aiden est mon meilleur pote, il me connait suffisamment pour savoir que je suis de loin pas celle qui brosserait le meilleur portrait de lui et ce, dans l’idée de l’emmerder. « Je plaisante. J’ai confiance en lui. » - « Tu peux. » Que je précise avant de reprendre, plus sérieuse. « C’est vraiment ce que je crois. » J’ajoute, avant de conclure : « Je pense pas qu’il ait besoin de moi pour faire sa bonne publicité. » Et je lui adresse un coup d’œil dans l’espoir qu’elle me confirme ces propos. Qu’elle les a vues aussi, les qualités d’Aiden et que je ne me suis pas trompée sur elle. Dans quel cas, je n’aurai d’autres choix que d’user de la force, bien sûr. « Pas moi, du coup je me tiendrai à carreaux. » Au moins un avantage que je possède sur elle, bon. « J’ai pas l’intention de lui briser le cœur. » Et même si mon sourire se veut sincère et doux, le fait est que si ça vient à être le cas, je saurai le lui faire regretter. Je ne suis pas possessive avec Aiden – ou juste un peu – mais j’ai un sale esprit de vengeance et je suis certaine qu’elle préfère s’en tenir éloignée.

Pour l’heure, le seul plan à élaborer vise à s’occuper de mon apparence, poussé autant par ma demande que par les réflexions de la blonde. Je ne sais pas faire impression, pas plus que je pense le vouloir puisque personne me plaît. Maintenant, mais je sais que je tiendrai ce même discours dans une semaine, un mois, un an. « Et tu voudrais faire des rencontres ? » - « Pas vraiment. » J’admets rapidement, avant de me corriger : « avec les études, tout ça, c’est pas ma priorité, c’est pas surprenant. » Ça ne l’a jamais été, en réalité. Et je doute que ça le devienne un jour. Et alors que Megan m’annonce avoir rêvé de me relooker depuis que j’ai envoyé le message, je ne peux pas m’empêcher de croire que son désir date de bien avant cela. « C’est pas ce que je voulais dire ! J’aime juste beaucoup ça, la mode. » - « J’ai remarqué, oui. » Et réalisant que je peux lui coller l’étiquette de la fille superficielle alors même que j’essaie d’aller au-delà de celle-ci, je me reprends. « Je veux dire, t’es toujours super bien habillée. » Je ne sais pas si c’est beaucoup mieux, mais c’est au moins la vérité. « C’est juste que tu… Que tu pourrais être mise un peu plus en valeur. » Mais qu’est-ce que ça change, en fin de compte ? Est-ce que je le fais pour moi ou pour les autres ? Je ressens pas le besoin de me mettre plus en valeur, mais j’ai l’impression que tout le monde autour de moi essaie de me faire comprendre que je devrais. La pression que je ressens n’est pas induite par moi-même, mais par ces mêmes autres qui finissent par me persuader que j’ai besoin d’être mise en valeur. « Sans doute, oui. » Je rétorque, peu sûre de moi. Je pars de loin, je ne possède pas les bases. « Je te promets que ça s’apprend. » Je ne peux m’empêcher de lui poser la question. Est-ce qu’elle a appris ? J’ai l’impression qu’elle est tellement sûre d’elle que c’est impossible d’apprendre à l’être à ce point ; qu’il y a probablement une base d’inné plus que d’acquis. « C’est ce que tout le monde fait. Jusqu’à ce que ça devienne une seconde nature. » - « Mais justement, j’ai pas forcément envie de ça. J’aime bien être moi-même. » Que je précise, même si ce moi-même n’est pas mis en valeur et n’en possède pas beaucoup plus. « J’aime l’idée qu’on puisse m’apprécier pour ce que je suis et pas ce que je donne l’impression d’être. » J’ajoute d’une voix peu certaine, n’ayant pas envie de la heurter. Mais si je dois un jour rencontrer quelqu’un, j’aimerais qu’il m’apprécie pour ce que je suis. Est-ce que je suis trop romantique ou trop naïve ? « Non je… C’est juste que tu n’attires pas vraiment l'œil, là-dedans. » Je sais. Je crois que c’est aussi ce que je recherche. M’effacer d’une manière ou d’une autre, et même si mon corps n’a plus les mêmes stigmates qu’à une époque, j’aime pas l’idée de le montrer. J’aime l’idée qu’il m’appartient, aussi cassé soit-il. Je ne l’aime pas encore, mais je suis sûre que je dois d’abord apprendre à le faire avant de laisser quiconque le faire à ma place. « Tu n’es pas obligé de passer d’un extrême à un autre seulement… Tu disparais dans ces vêtements trop grands. » Je n’ai pas besoin de baisser les yeux sur ma silhouette pour savoir qu’elle dit vrai. « Et comme tu n’as pas beaucoup de formes, tu pourrais vraiment te permettre des choses moulantes et décolletées sans paraître vulgaire. » Je n’ai pas de formes, je le sais bien. C’est aussi pour ça que je n’aime pas me mettre en avant, car je me compare sans cesse avec les autres, et que ma poitrine, à côté de celle de Megan, me donnera furieusement envie de disparaître. Là, c’est déjà le cas, et je n’ai pas à subir des regards qui comparent ou qui jugent mon manque de bonnet. « Pourquoi tu me laisserais pas te faire une sélection ? Ça t'engage à rien, si ça ne te plaît pas, tu ne prends pas. » C’est faisable, oui. J’aurai qu’à dire que je n’aime pas, une excuse universelle qu’elle discutera peut-être, mais elle ne pourra rien m’imposer. « Ouais, okay. » Que je finis par accepter, alors que je me contente de la suivre dans les rayons tandis qu’elle sélectionne quelques vêtements et que je me permets un droit de regard avant même qu’ils ne me soient proposés. « Pas trop moulant quand même, hein. » Que j’ose quand je l’aperçois s’arrêter sur une robe si petite que je doute de réellement pouvoir me glisser à l’intérieur. « Ni trop court. » Que j’ajoute, avant de poursuivre, d’une petite voix : « Ni trop dénudé. » Et pour ne pas passer pour la rabat-joie de service, je poursuis : « Enfin, j’veux dire, on doit pouvoir attirer l’œil sans forcément que ce soit sur ma peau ou mes seins, hm ? » Déjà que j’en ai pas, si en plus c’est mon seul moyen d’attirer l’attention, c’est foutu. « Les garçons s’intéressent quand même pas qu’à ça. » J’affirme, comme si j’en étais certaine, alors que ma méconnaissance dans le domaine est égale à celle dans la mode.

@Megan Williams

do you wanna talk ?
Megan Williams & @Maisie Moriarty

« Tu peux. C’est vraiment ce que je crois » Aiden est un garçon qui possède plein de qualités, et je n’ai pas besoin de me forcer à être ouverte d’esprit pour les voir. Le problème, ce n’est pas le genre de garçon qu’est Aiden. Le problème entre nous, c’est qu’il manque cette étincelle, le petit quelque chose de plus qui entretient la flamme et vous pousse à être persuadé que vous avez rencontré votre moitié. Je n’ai jamais eu ce genre de certitude avec Aiden. Je suis même intimement convaincue que nous sommes bien mal assortis : nos aspirations, habitudes et caractères sont bien trop différents. Il ne coche pas toutes les cases nécessaires pour être qualifié d’idéal masculine à mes yeux. J’ignore s’il le ressent, ou si je suis la seule à nourrir cette certitude mais à tenter de m’en débarrasser, convaincue que c’est peut-être ça, la normalité. « Je pense pas qu’il ait besoin de moi pour faire sa bonne publicité. » - « Non, il en a pas besoin. C’est un garçon formidable, j’ai de la chance. » Je dis ce que je crois que l’on attend de moi, ni plus, ni moins.

« Pas vraiment. » Je fronce les sourcils, incapable de concevoir qu’elle puisse être fermée à l’idée de rencontrer du monde. Est-ce une question de confiance en elle ? A-t-elle honte de l’avouer ? Après tout, j’ai senti qu’elle utilisait tout son courage pour me poser sa première question. « Avec les études, tout ça, c’est pas ma priorité, c’est pas surprenant. » - « Mais les études, ça a rien à voir avec tout ça. Tu peux réussir tes études et faire des rencontres. » Je la dévisage comme si elle n’était rien d’autre qu’une énigme un peu bizarre à déchiffrer. « Pourquoi tu m’as demandé comment on plaisait, si c’est pas quelque chose qui t’intéresse ? » Si je suis perplexe, c’est parce que la question m’a semblé venir du coeur, du fond de ses tripes. Je mettrais ma main au feu qu’elle n’essayait pas juste d’être polie avec moi.

« J’ai remarqué, oui. Je veux dire, t’es toujours super bien habillée. » J’esquisse un sourire poli, sans la moindre trace de fausse modestie. C’est agréable, d’être flattée. Surtout que je n’ai pas l’impression que Maisie tente de me mettre dans sa poche : elle a l’air sincère. « Crois le ou pas, je suis de me fringuer avec des trucs de créateur. » Cette fois-ci, c’est à moi de sembler la brûlure de la honte alors que j’admets que je suis loin de gagner assez ma vie pour pouvoir me le permettre. « J’ai pas les moyens de le faire. » Je ne raconterai rien de personnel, elle n’apprendra rien de mon passé mais je ne vois pas l’intérêt de nier l’évidence : je ne roule pas sur l’or. Aiden le sait, de toute façon, je n’ai pas d’intérêt à tenter de me faire passer pour une riche héritière auprès de sa meilleure amie. « A défaut de pouvoir m’habiller comme sur les podiums, j’ai appris à reconnaître les trucs qui me vont. » Et ça, c’est une compétence qui lui manque cruellement, de toute évidence. Mais je ne désespère pas : il n’y a rien d’insurmontable, ça s’enseigne. « Mais justement, j’ai pas forcément envie de ça. J’aime bien être moi-même. » Je fronce les sourcils, surprise par toutes les contradictions que révèle son attitude et pour cause : elle me demande des conseils, avant de se raviser et de dire qu’elle est très bien comme elle est. « J’aime l’idée qu’on puisse m’apprécier pour ce que je suis et pas ce que je donne l’impression d’être. » Je pince les lèvres, réfléchissant à la meilleur approches pour ne pas trop en faire, pour ne pas trop la braquer non plus. « Je crois que tu vois les choses sous le mauvais angle. La confiance en soi, c’est ce qui rend attirant. Ça fait même une bonne partie du boulot si on parle de première impression, et je vais pas t’apprendre que c’est important, la première impression. » Je suis même convaincue que c’est ce qui régit aujourd’hui la plupart des relations humaines. On a beau être la personne la plus gentille et bien intentionnée du monde, si la première impression est raté, il n’y a que peu de chance qu’il devienne possible par la suite de tisser une relation. « Mais ça reste une première impression. Ça ne change pas le genre de personne que t’es et les qualités que t’as certainement pour plaire à quelqu’un. C’est pas ça qui va faire que quelqu’un va t’apprécier ou pas, mais c’est ce qui capte l’attention. » Cette fois, je ne me risque pas à faire la moindre hypothèse quant à son orientation sexuelle. Ma grimace ne quitte pas mes lèvres, signe que je suis en train de réfléchir intensément à chaque mot pour ne pas risquer de la braquer. « C’est pas moi qui fais les règles. » Par contre, je les rapporte comme si je détenais la vérité absolue, la parole divine. Je n’ai jamais été de celles qui remette leur fonctionnement en doute, aussi malsain soit-il.

Lui proposer de se plier au jeu des essayages, c’est autant ma façon de changer de sujet que de la convaincre. Une fois qu’elle aura vu son reflet dans la glace avec, sur le dos, quelque chose qui la met en valeur, elle se ralliera à ma cause, j’en suis convaincue. « Ouais, okay. » Enjouée et excitée, je frappe dans mes mains et un sourire radieux illumine à nouveau - enfin - mon joli visage. « Pas trop moulant quand même, hein. » - « Je te jure que ce genre de forme te mettra en valeur. » Je ne prête pas la moindre oreille à ses protestations et j’attrape une robe à ruché faite en matière élastique qui, effectivement, a l’air minuscule sur le cintre. « On dirait pas comme ça, mais je te jure que c’est ta taille. C’est la matière qui fait ça. » La règle, bien que je ne l’ai pas précisée puisqu’elle coule de source, c’est qu’elle doit essayer avant de décider si oui ou non, le vêtement lui plait. « Ni trop court. Ni trop dénudé. » - « Chut, fais moi confiance un peu. » Je la réprimande avec humour en continuant à n’en faire qu’à ma tête dans le choix de vêtements que je glisse dans le panier que j’ai eu besoin d’aller chercher pour pouvoir porter la large sélection de vêtements que je suis en train de composer. « Enfin, j’veux dire, on doit pouvoir attirer l’œil sans forcément que ce soit sur ma peau ou mes seins, hm ? » Je la regarde en fronçant les sourcils, un sourire sur le visage, comme si je me demandais si elle n’est pas en train de se moquer de moi. « Les garçons s’intéressent quand même pas qu’à ça. » - « Donc ce sont bien les hommes qui t’intéressent. » Je lève mon index entre nous, signe de victoire, de point en ma faveur. « Plus je t’écoute, plus j’ai l’impression que t’as jamais rencontré un mec, Maisie. » Je suis persuadée au contraire que leur fonctionnement est d’une simplicité affligeante. Pourquoi aurais-je tant de succès, si le tour de poitrine n’était pas quelque chose d’attrayant à leurs yeux ? Si la sensualité n’était pas le meilleur moyen de susciter le désir chez nos congénères masculins. Je m’arrête de fourrer des vêtements dans mon panier pour la regarder en fronçant les sourcils. « Je voudrais te dire que non. Qu’on peut séduire un mec en portant un survet trop large et les cheveux relevés en un chignon fait à l’arrache mais… » Je hausse les épaules et lui offre une mine désolée. « Mais c’est pas le cas. Alors file en cabine, et essaye moi tout ça. » Une main dans le creux de son dos, je la pousse dans la bonne direction, avant de lui tendre le panier pour qu’elle s’exécute.

« Non, il en a pas besoin. C’est un garçon formidable, j’ai de la chance. » J’acquiesce silencieusement. Oui, elle a de la chance et je ne lui apprends rien – mais à mes yeux d’amie parfaitement objective (non) n’importe quelle femme pourrait s’estimer d’être chanceuse d’être l’heureuse élue. Aiden possède des qualités que tout un chacun recherche chez l’autre et je ne doute pas que Megan en possède tout autant, et il n’est qu’une question de temps avant que je ne puisse en avoir un aperçu général. Je peux déjà lui reconnaître une certaine gentillesse et une chaleur émanant d’elle qui permet d’être rapidement à l’aise, même si je reste mitigée quant à sa vision manichéenne du monde que je n’ose pourtant pas contredire. Ce n’est même pas que j’ai peur qu’elle puisse parler de moi à Aiden en des termes négatifs, c’est que je suis persuadée qu’elle ne le pense pas, qu’elle s’exprime mal ou, plus probable, que je ne comprenne pas la nuance de ses propos. Car elles existent, ces incompréhensions entre nous, il n’y a qu’à voir le regard qu’elle m’adresse quand j’exprime mon désintérêt pour les rencontres. J’ai l’impression d’avoir fait une bourde et je sens déjà la gêne qui s’empare de moi ; merde. Je le sais, pourtant, qu’il s’agit là d’un sujet que je dois garder pour moi, que souvent les autres ne comprennent pas ma vision des choses et comment Megan le pourrait-elle ? Elle n’a pas besoin de fournir le moindre effort pour attirer le regard des gens, il lui suffit de claquer des doigts pour avoir des dizaines d’hommes à ses pieds là où je n’ai que rarement réussi à attirer leur attention. Ce n’est pas faute d’avoir essayé, mais au lycée il n’y a bien que Cesar qui s’est intéressé à moi et qui n’a pas manqué de me faire comprendre que ma crainte de perdre ma virginité était un obstacle à notre relation et je suppose que sa façon de concevoir une relation est bien plus répandue que la mienne. Est-ce que j’ai pas vraiment envie de faire des rencontres pour autant ? Ce n’est pas ma priorité, c’est vrai, mais je crois que j’aimerais rencontrer quelqu’un qui me permette de me sentir spéciale, comme Megan l’est aux yeux d’Aiden comme je le perçois à travers certains de ses discours. Sauf que je ne suis pas spéciale, certainement pas autant que Megan et que je ne peux prétendre rivaliser avec la jeune femme. « Mais les études, ça a rien à voir avec tout ça. Tu peux réussir tes études et faire des rencontres. » Elle me dévisage et je baisse la tête un instant, mal à l’aise. Un instant, j’hésite à mettre la faute sur des difficultés qui m’obligent à étudier plus que le reste de ma promo, mais je ne ferais que passer pour une idiote en plus d’une indésirable aux yeux de Megan et ce n’est certainement pas l’image que j’ai envie de lui renvoyer. « Pourquoi tu m’as demandé comment on plaisait, si c’est pas quelque chose qui t’intéresse ? » Je relève les yeux et j’essaie de maintenir son regard. Maintenant, j’ai l’impression qu’elle me juge, qu’elle me met devant des contradictions que je peine à assumer, pas plus que je n’ai envie de les expliquer. « C’est pas parce que c’est pas ma priorité actuellement que ça m’intéresse pas de savoir comment m’y prendre. » J’essaie de garder bonne figure, mettant en avant, une fois encore, que c’est une histoire de priorité plus que d’intérêt – je ne suis pas bizarre, et je refuse de l’être. « Ça peut toujours être utile. » Je dis, laissant échapper un rire un peu forcé que je parviens à rendre naturel par habitude ; oui, ça peut être utile – sans préciser pour quelle raison, sans préciser aussi que je n’y crois pas un seul instant dans ma situation.

« Crois le ou pas, je suis de me fringuer avec des trucs de créateur. » Cette fois, c’est à mon tour de l’observer un instant, sceptique. « J’ai pas les moyens de le faire. » J’esquisse un sourire, amusée par sa confession, pour une raison que je m’apprête à lui révéler : « pour être honnête, tu pourrais le faire que je serais incapable de voir la différence. » J’avoue, bien peu au courant des dernières tendances, mais aussi des créateurs à la mode. J’ai jamais compris l’intérêt de mettre des centaines de dollars dans un vêtement, mais j’imagine que le fait de ne pas rouler sur l’or a conditionné mon rapport à l’argent. « Désolée. » Je m’excuse néanmoins, n’ayant aucune envie qu’elle s’imagine que je critique ses choix vestimentaires en prétendant que leur qualité est similaire à celle que l’on trouve dans les supermarchés, non, je suis juste incapable de faire la différence et elle pourrait porter une robe de créateur aujourd’hui que ça me sauterait pas aux yeux pour autant. « A défaut de pouvoir m’habiller comme sur les podiums, j’ai appris à reconnaître les trucs qui me vont. » - « J’sais pas, j’ai l’impression que ‘’trucs qui me vont’’ et ‘’confortable’’ vont pas ensemble. » Je me justifie, usant de clichés pour mieux me dédouaner. La vérité, c’est que même si j’ai envie de m’intéresser à la mode, je n’ai aucune envie d’avoir à assumer mon reflet dans le miroir. J’aime être moi-même ; j’aime me fondre dans la masse, disparaître, et ne pas attirer les regards. Autant que j’ai envie qu’ils se posent sur moi, qu’on puisse me voir pour ce que je suis et non pas pour l’image que je renvoie – et celle-là est imprimée sur mon corps que je n’arrive pas à soigner comme je le voudrais. « Je crois que tu vois les choses sous le mauvais angle. La confiance en soi, c’est ce qui rend attirant. Ça fait même une bonne partie du boulot si on parle de première impression, et je vais pas t’apprendre que c’est important, la première impression. » Ça l’est, je sais. Mais j’atteindrai jamais le dixième de la confiance en elle de Megan. Un instant, en la regardant, je me demande ce que ça fait, de s’aimer. De s’apercevoir dans le reflet d’un miroir et de s’observer plus que les quelques secondes réglementaires pour s’assurer qu’on est en mesure d’être présentable pour sortir. De ne pas s’insulter continuellement, de ne pas se haïr pour son reflet, de ne pas pleurer en espérant que les choses changent à défaut de parvenir à les prendre en main. Je l’ai fait. Je l’ai fait, j’ai essayé de changer, j’ai glissé dans des extrêmes dont je n’arrive plus à me sortir et ça ne change rien à ma confiance en moi – ça l’a empirée, à vrai dire. « Mais ça reste une première impression. Ça ne change pas le genre de personne que t’es et les qualités que t’as certainement pour plaire à quelqu’un. C’est pas ça qui va faire que quelqu’un va t’apprécier ou pas, mais c’est ce qui capte l’attention. » Je la vois, qui essaie de me rassurer, d’aller dans mon sens. La vérité, c’est que je sais autant qu’elle que la première impression est fondamentale. On a pas envie d’apprendre à connaître quelqu’un qui ne nous plaît pas, qui n’attire pas un minimum notre attention. L’apparence est devenue un critère non négligeable dans notre société ; c’est même le plus important de tous. C’est celui pour lequel on est façonné dès notre enfance, tout en nous jurant qu’il s’agit d’une image qu’on doit apprendre à renvoyer par soi-même sans être influencé par les autres. C’est notre société, c’est moi, ce sont des foutues contradictions qui m’empêchent de réussir à trouver un juste milieu. « C’est pas moi qui fais les règles. » - « Je sais. » J’acquiesce. « C’est juste que, parfois, je me dis que ça pourrait être cool de jouer selon d’autres règles. » Je préfère faire usage d’une métaphore plutôt que de réellement donner le fond de ma pensée et je reprends rapidement : « Mais c’est pas elles qui vont me permettre de capter l’attention, oui. » Je reconnais l’évidence, tentant d’esquisser un sourire pour me montrer convaincue. « Et je crois quand même que ça joue un peu sur les sentiments des autres sur toi. » C’est quand j’ai changé d’apparence qu’on s’est intéressé à moi ; qu’on m’a admirée puis détestée. Je crois savoir de quoi je parle, même si je refuse de l’admettre, même si j’ai toujours envie de croire que ma personnalité est une grande part de ma vie ; elle passe au second plan derrière mon physique.

Megan a fini par me convaincre quand j’accepte de jouer au cobaye et le sourire radieux qu’elle affiche sur les lèvres, illuminant l’ensemble de son visage, me fait aussitôt regretter ma décision. Je vais avoir l’air de quoi, à côté d’elle ? « Je te jure que ce genre de forme te mettra en valeur. » Je suis persuadée que ce n’est pas le cas, parce que partant du principe que je n’aurai jamais les formes de Megan, je doute de parvenir à ressembler à quoi que ce soit. « On dirait pas comme ça, mais je te jure que c’est ta taille. C’est la matière qui fait ça. » - « Tu fais bien de le préciser, oui. » J’admets avec un rire nerveux en voyant le minuscule bout de tissu sur le cintre. « Chut, fais moi confiance un peu. » Je lui fais confiance. Je crois. J’en sais rien. Megan m’inspire quelque chose, c’est sûr, mais je n’arrive pas encore à vraiment mettre un mot dessus. Et alors que je réalise que ma peau va être à découvert, je l’interroge quant à une question qui me paraît pertinente. J’ai pas de seins, j’aime pas montrer ma peau, je dois bien pouvoir attirer l’œil par autre chose, n’est-ce pas ? Le regard de Megan me fait comprendre que je n’ai pas vraiment le choix, visiblement, et que ma question est ridicule. « Donc ce sont bien les hommes qui t’intéressent. » Je hausse les épaules d’un air désintéressé, comme si c’est l’évidence, autant qu’un mystère que je préfère conserver pour moi. « Plus je t’écoute, plus j’ai l’impression que t’as jamais rencontré un mec, Maisie. » Merde. Merde. Merde. « Un mec bien. C’est toute la nuance. » Que je précise, me cachant derrière le sempiternel « t’as pas encore rencontré le bon » que mes potes les plus proches me servent quand le sujet de ma pureté revient sur le sujet. « Franchement, si tu rencontrais mes exs, tu comprendrais pourquoi je préfère mettre la priorité sur mes études. » J’esquisse un rire, je la joue naturelle, à l’aise, alors que ce n’est pas tout faux ; les exs se comptent sur les doigts d’une main et ils n’ont pas laissé un grand souvenir. Il ne faut pas que Megan pense que je suis inexpérimentée, je ne le suis pas – je crois. J’ai eu des copains depuis le lycée, oui, ça n’a jamais été très loin, mais j’en ai eu. Elle ne peut pas croire que je suis un cas désespéré, sinon je suis persuadée que son intérêt risque de diminuer – après tout n’est-elle pas en train de sourire à s’en faire mal aux joues à l’idée de me relooker ? On aura certainement pas ce genre d’interaction dans une bibliothèque. « Je voudrais te dire que non. Qu’on peut séduire un mec en portant un survet trop large et les cheveux relevés en un chignon fait à l’arrache mais… » Oh. Je la perçois, la pique, et le portrait qu’elle dresse de moi n’est pas encourageant. C’est donc ça, l’image qu’elle se fait sur moi ? C’est pas le genre de personne avec laquelle on a envie d’être vue dans la rue, et je comprends mieux le but de sa sélection. « Mais c’est pas le cas. Alors file en cabine, et essaye moi tout ça. » - « J’y vais, j’y vais. » Que je dis en m’enfermant dans une cabine après avoir saisi le panier. Mon premier réflexe est de détacher mon chignon et de passer une main dans mes cheveux pour leur donner un peu d’allure, avant d’observer la robe un instant. Je me retourne pour faire face à la porte à défaut du miroir, me déshabillant avant de me glisser dans le tissu qu’elle a choisi sans aucune difficulté. « C’est la matière qui fait ça, t’es sûre ? » J’interroge, n’ayant pas encore observé mon allure générale, mais réalisant déjà que le tissu est plus près de mes cuisses que de mes genoux – comme j’aurais préféré. « T’as jamais peur que la robe remonte tellement que tu te retrouves en culotte devant tout le monde ? » Non parce que je sens l’accident arriver. « Enfin non, j’suis sûre que tu dois avoir des astuces pour éviter ça. » Elle s’y connaît, que je me rappelle. Elle doit connaître toutes les bonnes astuces pour être séduisante sans être vulgaire. « Ça doit être un enfer à repasser, ce truc. » Que je continue de marmonner pour repousser l’inévitable. Je sens que Megan s’impatiente de voir le résultat et je m’empresse de régler les bretelles pour diminuer l’amplitude du décolleté, avant de finalement ouvrir la porte. J’ai aucune idée de quoi je ressemble, je sais de toute évidence que cette robe n’est pas pour moi – c’est mon impression du moins. Je ne demande même pas son avis à la jeune femme, sachant qu’elle me le donnera quoi qu’il arrive, préférant tentant de me tenir droite et fière pour qu’en plus de mon allure, de mon désintérêt, de ma naïveté, ma posture ne soit pas une nouvelle source de remontrances.

@Megan Williams (pardon pour la glissade et le retard  )

do you wanna talk ?
Megan Williams & @Maisie Moriarty

« Pour être honnête, tu pourrais le faire que je serais incapable de voir la différence. Désolée. » Maisie semble toujours être prêt à s’excuser pour tout et pour rien, même quand rien dans la discussion ne le nécessite et c’est le cas, dans le cas présent. « Pourquoi tu t’excuses ? C’est bien le but, de te faire comprendre que y’a pas besoin de dépenser l’équivalent d’un salaire de ministre en fringue pour donner l’impression d’avoir du style. » Ce qui pèche clairement à l’heure actuelle chez la jeune femme, je l’ai déjà fait comprendre sans prendre de pincettes, il ne me semble pas nécessaire de m’appesantir à nouveau là-dessus, mon but n’est absolument pas d’être mesquine ou cruelle. Aussi surprenant que cela puisse paraître, je ne cherche jamais à l’être. Il s’agit toujours du résultat d’une franchise détonante et d’une incapacité parfaite à savoir distinguer un raisonnement normal et sain de quelque chose de tout à fait toxique. « J’ai tout un tas de bons plans à te donner, tu vas voir. » Des boutiques que j’ai dénichées tout au long de mon existence de demoiselle qui place les apparences au cœur de son schéma de pensée. Des sites internet permettant aussi de porter autre chose que de la fast fashion – je déteste croiser au détour de chaque rue des jeunes femmes arborant le même look que moi – sans se ruiner. « J’sais pas, j’ai l’impression que ‘’trucs qui me vont’’ et ‘’confortable’’ vont pas ensemble. » - « Ca dépend de ce que tu considères comme confortable. Mais non, tu peux pas sortir en Crocs et avoir du style, désolée. » A mes yeux, il s’agit avant tout d’un trait d’esprit, je n’envisage pas une seule seconde qu’il soit possible que je blesse la petite brune. « Mais je t’assure qu’on peut quand même s’en sortir pour être à l’aise et mignonne à la fois. » Ou alors, cette façon de voir les choses résulte de toute une vie à m’habituer au port de talons, jean slim et débardeurs et robes moulantes. Peut-être.

« Je sais. C’est juste que, parfois, je me dis que ça pourrait être cool de jouer selon d’autres règles. »
« Oh, t’es ce genre de fille alors. »

Bien sûr qu’il y a du jugement dans ma voix. Bien sûr que cela en dit beaucoup sur ce que je pense de toutes ces filles qui s’offusquent du genre de discours que je tiens, qui se laissent pousser les poils sous les aisselles pour changer les choses. Pour moi, il s’agit d’une petite poignée d’adolescentes frustrées de ne jamais avoir été invitées au bal de fin d’année par leur crush qui ont grandi, sont devenues des femmes haïssant le genre masculin et prompte à crier à l’oppression. Moi, j’aspire à capter le regard des hommes, et j’assume – pas toujours – de voir beaucoup de choses à travers ce scope-là. « Mais c’est pas elles qui vont me permettre de capter l’attention, oui. Et je crois quand même que ça joue un peu sur les sentiments des autres sur toi. » Je hausse les épaules et me contente de répondre d’une simple grimace et, pour une fois un peu conscience d’être en train de tirer sur la corde, je n’ajoute rien. Je me moque de me mettre les gens à dos. Mais Maisie est la meilleure amie d’Aiden, et la façon dont lui me voit compte, évidemment.

« Un mec bien. C’est toute la nuance. Franchement, si tu rencontrais mes exs, tu comprendrais pourquoi je préfère mettre la priorité sur mes études. » - « Y’a beaucoup de connards. » Dont un que je continue de fréquenter (de loin) (un peu moins c’est promis) alors que je suis censée être folle amoureuse d’Aiden. Mais ce qui compte, c’est que j’ai l’intention d’arrêter de le voir pour me dédier entièrement à mon nouveau petit ami, non ? « Mais même les gentils garçons s’intéressent à… » Un sourire amusé sur les lèvres, je désigne ma poitrine en la pointant de mes deux index. « Je peux te dire que ces deux-là sont loin de laisser Aiden de marbre. » Bonjour le malaise. J’oublie que Maisie n’est pas une amie à moi. J’oublie aussi que tout le monde n’est pas aussi libre et ouvert d’esprit lorsqu’il s’agit d’aborder aussi ouvertement des sujets qui ont trait à l’intimité. Je naturelle et authentique, ça on ne peut pas me l’enlever.

Peut-être que c’est pour éviter d’avoir à réagir face à moi à cette remarque gênante sur un homme qu’elle ne voit pas du tout comme ça que Maisie accepte finalement de filer en cabine. Et dans ce cas et bien… Il s’agit au moins d’un mal pour un bien. « C’est la matière qui fait ça, t’es sûre ? » - « Mais oui, allez vas-y sors de là je suis sûre que c’est très bien. » C’était sa taille : je suis formelle. J’ai l’œil pour ces choses-là. « T’as jamais peur que la robe remonte tellement que tu te retrouves en culotte devant tout le monde ? » - « La robe remontera pas jusque-là. T’as un truc qui s’appelle une paire de fesse qui est supposé faire en sorte que ça tienne en place. » Cela dit, je ne suis pas certaine qu’elle soit assez pulpeuse pour qu’on puisse réellement parler de courbe. Cette remarque-là, je la garde évidemment pour moi-même. « Enfin non, j’suis sûre que tu dois avoir des astuces pour éviter ça. » - « Je suis pas certaine que t’aies envie de connaître mon astuce principale pour ça et pour éviter qu’on voit les marques de culotte. » Si j’en crois l’image que je suis en train de me forger d’elle, elle rougirait et bredouillerait si je lui avouais ne pas en porter dans ces cas-là. « Ça doit être un enfer à repasser, ce truc. » - « T’es femme de ménage maintenant ? Allez, sors de là. » Je trépigne, mais je prends sur moi pour ne pas attraper le rideau de la cabine d’essayage pour le tirer moi-même. Croyez-le ou non, mais j’ai tout de même un semblant de sens des limites. De toute façon, Maisie sort enfin.

« J’en étais sûre, ça servait à rien tout ce char,  t’es sublime Maisie. » Ce genre de modèle met clairement en valeur sa silhouette de brindille : si j’enfilais ça, j’aurais l’air bien plus vulgaire. D’un geste de la main, je lui fais signe d’approcher pour ajuster le tissu par endroit et, ce faisant, je ne manque pas de tirer un peu au niveau de la taille pour remonter de quelques centimètres le bas de la robe qu’elle a tiré le plus bas possible. « C’est fait pour blouser un peu. C’est pas supposé arriver au-dessous de tes genoux. Voilà, comme ça c’est superbe. » Satisfaite, je recule de quelques pas pour l’observer, et je la rassure d’un sourire, fière de mon œuvre. « Par contre c’est sûr qu’il faut pas prendre un kilos. Mais ça devrait pas être un problème t’as une ligne superbe. Tu suis quel genre de régime ? » Beaucoup de filles tuerait pour avoir des jambes aussi longues et minces que les siennes. « Non laisse moi deviner. Sans gluten ? Cétogène ? » En plissant les yeux, je m’amuser à tenter de deviner à quoi la demoiselle s’astreint pour avoir une si jolie silhouette. « Non, j’ai trouvé. Paléo ? On m’a dit que ce truc marchait plutôt bien. » De mon côté, j’aime trop les bêtises sucrées en tout genre pour l’envisager. Je compense avec une alimentation plutôt équilibrée à côté de ça et en m’astreignant à courir plusieurs fois par semaine, sans oublier les cours des yoga et Pilate et autre à l’aide desquels je sculpte mon corps, allant toujours plus loin dans l’obsession de la perfection. « J’ai vu une robe plutôt mignonne que je voulais essayer, attends, tiens moi ça. » Je lui glisse dans les bras tous les vêtements que j’ai sélectionnés plus tôt pour elle. « Ça va ? Je te trouve un peu pâle d’un coup. » Peut-être manque-t-elle simplement de fer.

« Pourquoi tu t’excuses ? C’est bien le but, de te faire comprendre que y’a pas besoin de dépenser l’équivalent d’un salaire de ministre en fringue pour donner l’impression d’avoir du style. » J’esquisse un sourire qui parle pour moi, qui s’excuse à nouveau d’avoir donné l’impression de douter de ses propos. Toujours est-il que je ne sais pas faire la différence ; et il ne s’agit pas d’une façon de dire que je pourrais être bluffée par ses choix, mais simplement que je ne m’y connais absolument pas dans le domaine. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir tenté de suivre les préceptes de ma mère, qui a eu sa petite carrière comme reine de beauté et s’est toujours désolée d’avoir une fille peu intéressée par l’esthétique. Je passais plus de temps à bricoler avec mon père qu’à courir les magasins avec elle – et je constate aujourd’hui qu’elle aurait peut-être pu m’apprendre quelques leçons qui m’auraient permis de garder contenance face à Megan. « J’ai tout un tas de bons plans à te donner, tu vas voir. » - « Okay, je compte sur toi. » Que j’annonce, peu convaincue, mais tentant de l’être pour rester à mon avantage face à elle. À vrai dire, j’irai probablement faire le tour des boutiques en question dans l’espoir de trouver des vêtements qui sauront convenir à Megan, pour qu’elle soit fière de moi ; je peux bien accepter d’être mal à l’aise quelques heures si ça me permet de la satisfaire. « Ca dépend de ce que tu considères comme confortable. Mais non, tu peux pas sortir en Crocs et avoir du style, désolée. » - « T’abuses, je mets pas de crocs. » Je rétorque, faussement outrée, alors que si je jure par les chaussures plates, il s’agit surtout de baskets et que ça me semble plutôt être à la mode. Mais je sais que le fond du problème ne vient pas de là ; et que c’est toute mon allure qui est discutable, comme elle me l’a déjà fait comprendre. « Mais je t’assure qu’on peut quand même s’en sortir pour être à l’aise et mignonne à la fois. » Ce qui implique que pour l’instant, je ne le suis pas. Pas à l’aise, c’est sûr, mais pas non plus mignonne. Est-ce que c’est ainsi qu’elle me voit ? Comme une jeune femme susceptible de provoquer son dégoût parce qu’elle ne ressemble à rien ? Elle ne serait sans doute pas la première ; j’ai arrêté de compter les regards sur moi, sur mon physique, depuis longtemps – et pourtant, je continue de tous les voir.

« Oh, t’es ce genre de fille alors. » L’appui dont elle fait preuve sur ses mots me laisse interdite un instant, pas certain de comprendre où elle veut en venir. « Non, pas vraiment. » Je rétorque, je panique, à l’idée que son jugement puisse devenir négatif. Mon allure pour commencer, mon choix de métier et maintenant mes idées ; Megan me déteste et elle a sans doute de bonnes raisons de le faire. Si une fille comme Megan, vantée pour être si gentille, si douce par Aiden, ne m’apprécie pas, qui pourrait le faire ? « C’est juste que là, ça m’arrangerait de changer les règles. » Je me rattrape, avec un large sourire, mon regard qui se plante dans le sien pour tenter d’y lire ce qu’elle pense de moi. S’il te plaît, ne m’en veut pas, Megan, je t’en supplie. D’autant qu’elle a raison ; les règles que je me fixe ne sont pas celles qui me permettront de changer les choses, de me sentir un peu plus normale et moins dépassée par des intérêts que tout le monde semble avoir et qui me sont encore inconnus. Il n’y a qu’à voir la moquerie dans les paroles de Megan alors qu’elle s’imagine que je n’ai jamais eu de relations – elle a presque tort. J’en ai eu, oui, mais elles sont toujours restées superficielles. Mais la réaction de Megan me fait comprendre qu’il y a inévitablement un souci quelque part, que ce soit dans ma façon de m’habiller, ma façon de penser, ou simplement d’être. « Y’a beaucoup de connards. » Je hausse la tête vigoureusement, comme si c’était une évidence – alors que le problème, c’est que je n’ai pas connu beaucoup de garçons. « Mais même les gentils garçons s’intéressent à… » Mon regard s’autorise à descendre sur sa poitrine qu’elle désigne, et même si je n’avais pas besoin d’une piqure de rappel concernant ses arguments qui sont bien plus développés que les miens, elle me rappelle à l’ordre. « Je peux te dire que ces deux-là sont loin de laisser Aiden de marbre. » Je grimace légèrement, n’ayant pas particulièrement envie d’imaginer la vie intime d’Aiden, me contentant de souligner que : « ouais, au cas où tu l’aurais pas remarqué, j’ai manqué cette étape-là de la puberté. » Je souligne avec un rire qui vise à masquer ma gêne. Je n’ai pas de seins, c’est évident ; et c’est un gros problème compte tenu du fait qu’ils sont censés être un appât. Alors quoi ? Je prie pour qu’ils poussent ? C’est trop tard.

Mais je n’ai aucune envie de continuer à songer à ces choses-là – mon manque de poitrine ou l’attrait d’Aiden pour celle de Megan – et je finis par abdiquer à l’idée d’aller me changer. « Mais oui, allez vas-y sors de là je suis sûre que c’est très bien. » Je peine à me regarder dans le miroir ; je doute qu’elle ait raison. « La robe remontera pas jusque-là. T’as un truc qui s’appelle une paire de fesse qui est supposé faire en sorte que ça tienne en place. » - « Je te fais un dessin ? » Que je souligne en riant, ravie d’être encore dans la cabine pour ne pas qu’elle voit qu’en réalité mes lèvres ne se sont pas étirées. Je suis plate. J’ai eu toutes les réflexions du monde sur ma silhouette, pour me traiter d’asperge, de planche à pain, et toutes ces comparaisons qui visent à m’insulter – et à accentuer le fait qu’aucun garçon ne pourrait s’intéresser à moi. « Je suis pas certaine que t’aies envie de connaître mon astuce principale pour ça et pour éviter qu’on voit les marques de culotte. » Je préfère prétendre que je n’ai pas entendu cela, alors que je continue de m’étonner du choix. « T’es femme de ménage maintenant ? Allez, sors de là. » Et je n’ai plus le choix, alors que je finis par ouvrir le rideau. « J’en étais sûre, ça servait à rien tout ce char,  t’es sublime Maisie. » J’obéis quand elle me dit d’avancer, qu’elle remonte la robe sur mes cuisses. Je dois lutter pour ne pas la faire redescendre aussitôt, de toute évidence elle glissera sûrement compte tenu de ma silhouette plate. J’imagine que je dois bien compenser par quelque chose, et à défaut de formes, ma nudité semble être l’argument en ma faveur si j’en crois le choix de Megan et la satisfaction qui est la sienne à me voir dans cette tenue. « C’est fait pour blouser un peu. C’est pas supposé arriver au-dessous de tes genoux. Voilà, comme ça c’est superbe. » - « Tu le penses vraiment ? » Je demande, oubliant tout à coup mon malaise, me plongeant dans son regard pour lire un peu plus de compliments. Je n’ai jamais eu le droit à un tel qualificatif, pas même de ma mère. Je suis « chou », c’est ce qu’on dit aux gens pour éviter d’avoir à utiliser des termes comme celui que vient d’utiliser Megan. « Jolie » à la rigueur, quand réellement il faut poser des mots, mais jamais « superbe ». « Par contre c’est sûr qu’il faut pas prendre un kilos. Mais ça devrait pas être un problème t’as une ligne superbe. Tu suis quel genre de régime ? » J’ai une ligne superbe, autant que mon allure dans cette robe. Pour une fois, je ne suis pas « trop maigre », « décharnée » ou « squelettique », je suis superbe ; ma ligne l’est, et moi aussi. « Non laisse moi deviner. Sans gluten ? Cétogène ? » - « Céto-quoi ? » J’ai jamais entendu ce mot, pas plus que ceux qu’elle utilise par la suite. « Non, j’ai trouvé. Paléo ? On m’a dit que ce truc marchait plutôt bien. » - « Tu me parles chinois, là. » Que je souligne, préférant jouer l’ignorante que d’admettre mon régime alimentaire – qui n’est plus d’actualité. Mais Megan me trouverait sûrement stupide d’être tombé si bas, et ça ne ferait que renforcer la mauvaise image qu’elle a de moi ; je n’ai pas besoin d’ajouter faible et malade à la liste des descriptifs qu’elle peut utiliser pour moi, mais je veux plus de superbe et de sublime. « J’ai vu une robe plutôt mignonne que je voulais essayer, attends, tiens moi ça. » Mes bras reçoivent la pile de vêtements qui m’est destinée, tandis qu’elle me jette un regard. « Ça va ? Je te trouve un peu pâle d’un coup. » Je secoue vivement la tête, avant de l’inciter d’un geste de la tête à aller dans le magasin chercher la robe en question. « Dépêche-toi, j’ai envie d’essayer le reste et d’avoir ton avis. » Et mon sourire s’élargit à cette demande. Peu importe si je lui semble pâle ; je suis superbe.

@Megan Williams