-T- Reese était venu passer la journée chez toi, n’ayant sans doute rien trouvé de mieux à faire ni à proposer. La compagnie du shiba devait lui suffire puisqu’il a pu le câliner toute l’après midi sur le canapé, éparpillant ses poils roux sur le tissu par la même occasion. Depuis une bonne heure, si ce n’était deux, vous ne faisiez plus rien. Des vidéos YouTube défilaient sur la télé, pour vous donner l’illusion que votre dimanche n’était pas si mauvais que ça. Il l’était. Le temps était aussi pourri que la qualité de cette journée, alors vous n’aviez rien trouvé de mieux à faire. « Qu’est ce que tu veux faire? » Que tu demandes en articulant à peine, affalé sur ton canapé, les pieds sur la table basse. Vous étiez deux loques aussi élégants que des phoques desséchés. Reese ne semble néanmoins pas avoir plus d’idées que toi alors vous laissez mollement la prochaine vidéo YouTube se lancer. Tu soupires en voyant le titre qui ne te plait pas plus que ça, et cherches sur ton téléphone une autre option à afficher sur la télévision. Mais rien ne t'attire, rien ne te tente. Tu n'as aucune envie particulière, et même si l’ennui est insupportable, tu n’as pas la motivation nécessaire pour la combattre. Alors tu la subis silencieusement cette journée.
T’as l’esprit ailleurs depuis quelques temps. Tu regardes l’écran sans vraiment le voir, pas non plus très intéressé par le programme. Des pensées parasites nuisent à ta concentration de toute façon. Et depuis une demi heure, tu cherchais comment aborder un sujet délicat avec Reese. Il savait tout sur toi, mais ça restait toujours aussi compliqué de lui avouer tes conneries. Pourtant tu finissais toujours par lui expliquer les épreuves par lesquelles tu passais, c’était trop compliqué de tout garder pour toi. Et depuis qu’il était revenu à Brisbane, vous n’aviez pas pris le temps d’éclaircir ta situation depuis son départ. Alors tu te lances maladroitement. « Mon père va peut être devoir lâcher son restaurant. » Que tu annonces finalement avec une délicatesse qui t’es caractéristique. Tu es cru et ne fais pas détour, préférant te délivrer de ce poids qui devenait de plus en plus lourd. « Il m’a prêté de l’argent. Et c’était déjà compliqué ces derniers temps au restau… » Depuis quelques mois, il avait un peu moins de fréquentation qu’habituellement suite au changement d’équipe. Il avait dû gérer quelques semaines sans chef cuisinier, suite à des affaires de harcèlement sexuel de ce dernier sur une serveuse. Puis la serveuse avait quitté le navire à son tour et voilà que son fils venait toquer à sa porte pour lui annoncer qu’il était à deux doigts de ne plus pouvoir se loger et que ses comptes étaient dans le rouge. Il a le sens du sacrifice ton père. Peut être parce qu’il croit que tout ça est passager. Tu passes tes mains sur ton visage en soupirant, avant de les glisser dans tes cheveux, tes doigts se nouant dans tes boucles. « J’sais pas quoi faire. » Parce que tu te sens coupable. Tu te sais responsable du gouffre dans lequel tu avais poussé ton père, et t’es incapable de l’en sortir. T’es impuissant et tu commences seulement maintenant à regretter d’avoir demander son aide. T’as du mal à faire passer les autres avant toi, et même si tu te sentais extrêmement mal, tu ne sais pas si tu arriverais à faire le même sacrifice que lui. Alors tu t’en veux un peu plus. Et pourtant tu n’avais aucun moyen de l’aider à s’en sortir. Tu inclines la tête en avant, finissant par glisser tes doigts dans ta nuque. Tu soupires une nouvelle fois, perdu dans se pensées accablantes. Dans un élan de désespoir, t’étais même allé joué il y a quelques semaines une partie de ton salaire dans l’espoir de pouvoir rattraper le coup grâce aux cartes. Tu y avais naïvement cru, comme chaque fois que jouais. Tu pensais que cette fois ci, ce serait la bonne, que les étoiles s’aligneraient pour toi, que le ciel aurait pitié de tes erreurs à répétition, ou au moins de ton père. Mais cette fois encore ce fut une manche rapidement perdante et t’étais de retour au point mort. Encore. T’avais encore perdu, et s’était l’espoir de t’en s’en sortir qui s’essoufflait maintenant.
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Ses paumes glissent sur les joues du shiba, ses phalanges se rétractent pour lui gratter le poil. Depuis de longues minutes déjà, si ce n’est des heures, Reese octroie des caresses distraites au chien affalé sur ses cuisses, le regard rivé sur la télévision. Il ne saurait dire ni l’heure, ni depuis combien de temps maintenant il squatte le canapé de son meilleur ami, avec ce dernier à ses côtés. Ce dimanche, il n’avait rien à faire. Visiblement, Winston non plus. Alors c’est sans la moindre énergie, dans une léthargie presque inquiétante qu’ils se laissent divertir par un enchaînement de vidéos youtube défilant sur l’écran. Il ne pouffe que mollement, de temps en temps. « Qu’est ce que tu veux faire? » Il hausse vaguement les épaules, ses paumes dorénavant posées sur le dos de Sony. « J’sais pas. Toi qu’est-ce que tu veux faire ? » Il ne s’attend pas à une quelconque idée, Reese, et il fait bien puisque leur activité n’est pas interrompu par cette tentative (si on peut l’appeler de cette façon) de motivation. Il ne fait pas attention au soupir du chirurgien à la vue de la prochaine vidéo, visiblement meilleur public puisque n’importe laquelle lui convient pour tromper son ennui. Sony l’y aide également, puisqu’il est finalement le centre des attentions du Grigson. Souvent, il se demande pourquoi il n’adopte pas plutôt que monopoliser le chien de son ami. Seulement, sa situation le rattrape bien vite. Il n’a pas de toit, un job trop récent, et donc aucune assurance pour pouvoir s’en occuper dignement. C’est une responsabilité qu’il n’est probablement pas encore prêt à endosser. Tant pis pour lui, tant mieux pour Sony. De longues minutes filent encore, durant lesquelles aucun des deux hommes ne décroche un mot. Ils ont déjà passé une majorité de leur journée à échanger, dorénavant, ils se contentent de la présence de l’autre. Ça fait bien longtemps qu’ils sont suffisamment confortables l’un avec l’autre pour se côtoyer sans le moindre but, et sans ressentir la moindre gêne lorsque le silence prend place. Malgré tout, c’est sans qu’il s’y attende qu’il est finalement brisé. « Mon père va peut être devoir lâcher son restaurant. » Ça sort, comme ça. Il fronce les sourcils, interloqué, tournant son visage vers Winston dans un regard interrogateur. Il pense un instant avoir mal compris. Il connaît son père depuis des années. Il sait qu’avant son départ, le restaurant de ce dernier fonctionnait encore très bien. Alors il ne comprend pas, Reese, ni comment, ni pourquoi il n’apprend la situation dans laquelle il se trouve qu’une fois qu’il est pratiquement trop tard — peut-être qu’il aurait dû demander de ses nouvelles, tout simplement. « Il m’a prêté de l’argent. Et c’était déjà compliqué ces derniers temps au restau… » Il l’observe de longues secondes, en silence, ses sourcils se fronçant davantage. Le père de Winston a toujours été d’une grande tolérance envers son fils. Adolescent, il enviait son ami pour ça. Dorénavant, en constater les conséquences l’inquiète. Il aurait dû se douter immédiatement que les dettes du Ackerman y étaient mêlées, à la mine coupable de ce dernier. « J’sais pas quoi faire. » Reese détourne le regard, roulant nerveusement sa langue au creux de sa joue, en même temps que son ami fourre ses mains dans sa nuque. Ce n’est pas vraiment ce à quoi il s’attendait en débarquant chez Winston, un peu plus tôt. Mais malgré la surprise, ses pensées se bousculent déjà pour réfléchir à une issue. Ça a toujours fonctionné comme ça. Quand Winston fait des conneries, Reese en cherche la solution, pourvu d’un peu plus de sang froid que le plus jeune. « Tu lui as pris combien ? » qu’il souffle finalement, alors que ses prunelles reviennent s’accrocher au minois anxieux du Ackerman. Au premier abord, on pourrait croire que ça n’a aucune importance, de poser un chiffre sur les pertes de son père. Pourtant, Reese cogite. Encore quelques mois auparavant, il n’aurait rien pu faire. Il aurait pu tenter d’aider, avec ses maigres revenus, mais ça aurait été insuffisant. Il a beau avoir de l’argent de côté, n’étant pas trop dépensier si ce n’est pour s’accorder clopes et alcool, il se doute bien que pour ruiner le restaurant, la somme empruntée ne doit pas être dérisoire. Seulement maintenant, il réalise qu’il dispose d’une autre option. Bientôt actée sur son compte bancaire, encore trop récente et pourtant, elle semble survenir au moment opportun. « T’as tout remboursé avec ce qu’il t’a filé ? » Sous-entendu : tu ne l’as pas joué, son argent ? Il a naïvement envie de croire en Winston sur ce coup-là. Se persuader qu’il n’a pas fait la bêtise de retourner se noyer dans les jeux qui l’ont ruiné, et que le restaurant de son père est dorénavant le seul problème dont ils doivent se soucier.
-Q- uand l’ennui devenait insupportable, Reese, lui, semblait parfaitement se contenter de cette vidéo qui ne te tentait pas le moins du monde. « J’sais pas. Toi qu’est-ce que tu veux faire ? » Tu soupires, désespéré qu’il soit aussi peu imaginatif que toi. « J'sais pas. » Même ta réponse n’avait rien d’original, reprenant les mots exacts de Reese. Deux loques. C’était affligeant de vous voir aussi mous. T’es persuadé que la vieille qui vivait à coté de chez toi avait plus d’activité que vous deux. C’était difficile de pire. Et plus le temps passait, plus t’avais l’impression que ton corps fusionnait avec le sofa.
Alors tu ne trouves rien de mieux pour tuer l’ennui que de parler de tes problèmes, que tu n’avais pas encore osé aborder avec Reese depuis son retour. La surprise et l’incompréhension qui marquent ses trait ne t’étonnent pas. Tu n’étais pas délicat dans le choix de tes mots, comme dans le choix du moment. Tu sortais une nouvelle sensible au beau milieu d’un silence, quand tu n’as même pas essayé d’amorcer le sujet ou d’arrondir les angles. Tu as arraché le pansement d’un coup sec, comme si de cette manière, tu aurais conclu plus rapidement la discussion. Mais c’est tout le contraire, puisque Reese ne pouvait décemment rien comprendre à ton discours. Il avait besoin d’explications et tu n’oses pas le lui en donner tant qu’il ne te pose pas directement la question. Et ses sourcils menaçants se froncent d’avantage lorsque tu oses aborder le sujet de tes dettes. Ne le regarde pas comme ça. Ce n’est pas de ta faute. C’est juste que... Tu n’avais pas réussi à t’arrêter à temps. C’était simplement une question de timing. T’en étais sur. Parce que tu n’assumais pas être accro à ces jeux autant que Reese n’assumait pas son alcoolisme. Alcoolisme que tu n’avais d’ailleurs pas remarqué, le suivant trop souvent dans sa consommation d’alcool que tu considérais comme normale. Il semble plongé dans une réflexion alors que toi, tu as l’impression que ton esprit était aussi vide que ta conscience. T’étais dépassé. Et tes doigts se crispent contre ta peau lorsqu’il te pose finalement la question. « Tu lui as pris combien ? » Tes lippes s'étirent dans une grimace traduisant ton malaise. Tu lui devais beaucoup trop. Et tu n’osais pas lui avouer le chiffre à quatre zéros. Tu ne faisais que lui suggérer par le visage crispé que tu lui offrais. « Trop. » Tu ne comptais même pas l’aide financière qu’il te donnait les mois où tu finissais dans le rouge -c’est à dire très souvent. Il y avait laissé trop de liasses de billets et tu venais de l’achever ce dernier mois. Le pauvre n’avait pas encore remboursé l’entièreté de son prêt suite à l’agrandissement du restaurant. Mais il était comme ça ton père. Toujours trop conciliant avec toi, et ta détresse passait avant son confort de vie. Il était sans doute exemplaire, mais sans doute trop impliqué. Tu finiras par le couler lui aussi, s’il s’entêtait trop à te venir en aide. « T’as tout remboursé avec ce qu’il t’a filé ? » Tu redresses ta tête, fronçant tes sourcils, frustré par sa question. Il était vraiment en train de te soupçonner d’avoir joué cet argent ou alors il pensait simplement que tes dettes étaient trop lourdes pour être remboursées en une fois? « Comment ça? » Tu lui demandes, le poussant à éclaircir ses propos. « Oui. Enfin le plus important. » C’est à dire celle faite au gang. Celle qui te mettait le plus de pression, celle qui t’empêchait de dormir. Celle qui t’avait valu de nombreux hématomes et quelques cotes brisées. « Y’a sans doute encore quelques personnes que j’ai oublié à qui je dois pas grand chose. » Tu ne comptes plus les petits emprunts que tu avais fait à droite à gauche, à diverses personnes que tu ne voyais aujourd’hui plus. Sans compter les vieilles dettes que tu n’honoreras jamais, comme celles de Channing. Tu avais disparu très vite de la vie de personnes qui avaient eu confiance en toi et qui n’auraient jamais du. Tes dettes avaient déjà détruit des amitiés. Et il fallait croire que tu n’avais pas retenu la leçon, puisque c’était une chose que tu réitérais sans cesse, prenant toute source d’argent qui se présentait à toi. Peut être que Reese devrait garder ça en mémoire, avant d’aller plus loin.
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Depuis pratiquement deux années dorénavant, Reese est au courant de la situation précaire dans laquelle se trouve son meilleur ami. Il se souvient encore parfaitement de cette soirée, de son visage tuméfié et de ses mains tremblantes. Il se souvient ne pas avoir dormi, cette nuit-là — et ça, il ne lui a jamais dit. L’un et l’autre se sont couchés après des heures à discuter, et les prunelles du Grigson ont demeuré fixées au plafond jusqu’au levé du jour. Ses pensées désordonnées l’ont tenu éveillé, alors que son anxiété se personnifiait en deux paumes nouées autour de sa gorge. Il ne réalise probablement pas plus que Winston combien ses confidences ont un impact. Il s’en imprègne, puis les enfouit, comme il le fait avec ses propres problèmes. Il prétend les encaisser à merveille, adoptant une attitude des plus rationnelles. Alors il a tâché de l’avancer financièrement, quand il le pouvait, ou de lui offrir son toit au besoin. Seulement, il n’a jamais trouvé de véritable solution, pouvant mettre fin à cette situation. Il s’est senti inutile, plus d’une fois. « Trop. » Il fronce les sourcils, avisant la grimace déformant les traits du Ackerman. Rien qui puisse le rassurer un tant soit peu, en somme. « Donne un chiffre. » qu’il s’impatiente, sentant une certaine appréhension le gagner. Il redoute la somme, qu’il imagine plus haute à chaque seconde de silence écoulée. « Comment ça? » Il le voit très bien, Reese, que sa question ne lui plaît pas. Ce n’est pas pour autant qu’il fléchit, ou qu’il culpabilise de la lui poser. Il ne le fait pas pour simplement juger son éthique en fonction de sa réponse, qui n’a de toute façon jamais été des plus glorieuses, mais pour savoir à quoi s’en tenir et aviser en fonction. « Est-ce que t’as tout utilisé pour les dettes, et si c’est le cas, est-ce que ça a suffi à tout rembourser ? » S’il n’a pas tout investi dans ses dettes, Reese aura une autre raison de s’inquiéter. Et s’il n’est pas parvenu à tout rembourser, alors il fera en sorte qu’il le puisse — si ses moyens le lui accordent, tout du moins. Qu'importe s'il doit lâcher une somme colossale. « Oui. Enfin le plus important. » Il sonde son regard, quelques secondes, y cherchant la moindre lueur de mensonge. Pourtant, Winston a toujours été plus honnête envers lui que l’inverse. Il connaît pratiquement tout de sa vie, les bons moments comme les mauvaises passes. Les mauvaises passes, surtout, en réalité. « Y’a sans doute encore quelques personnes que j’ai oublié à qui je dois pas grand chose. » Il arque un sourcil, marquant son désintérêt pour les petites sommes. Ils savent tous les deux que ce qui importe, ce sont ceux qu’ils ne peuvent pas oublier. « Ok. » qu’il expédie finalement, bien peu préoccupé par les personnes dont il parle. Si les quelques dettes qu’il lui reste ne représentent pas une véritable menace, comme ça a pu être le cas avec d'autres, alors tant pis pour eux. Il ne se soucie que de Winston et de son père, à cet instant. Pas du porte-monnaie d’inconnus déplumés par l’Ackerman. « Y a moyen que je puisse te filer de quoi dépanner. » Il lâche cette information, comme si c’était normal. Comme s’il avait un compte en banque des plus fournis, malgré les emplois modestes accumulés depuis de longues années — bien moins payés que la profession qu’exerce justement l’endetté. C’est peut-être pour ce décalage qu’il nuance instinctivement ses propos. Pourtant, ce n’est pas une simple possibilité. Il sait qu’il pourra avancer une bonne partie, au minimum. Rembourser l'intégralité de ce qu'il doit, dans le meilleur des cas. Un instant, son regard s’attarde sur son ami. Il réalise un peu plus combien ce dernier peut se confier à lui, et combien lui ne le fait pas en retour. Le chirurgien n’aurait pas pu anticiper cette aide, aussi inopinée que conséquente, puisque Reese n’a toujours pas évoqué la mort de son père auprès de lui. Il ressent une pointe de culpabilité, un bref instant. Lui-même ne l’a pas encore parfaitement assimilé, encore trop secoué par ce nouveau statut d’héritier. D’ici peu, il aura de l’argent. Celui de son père, bien plus conséquent que ses salaires. Un argent auquel il ne comptait pas toucher pour ses propres intérêts, ou du moins, tant qu’il n’en avait pas réellement besoin. Seulement, il ne rechigne pas à l’idée de s’en servir pour Winston. Au contraire, il se sent presque soulagé de pouvoir potentiellement sortir ce dernier de ces deux années d’angoisses. Ni les personnes plus dérangeantes les unes que les autres à qui il devait de l’argent, ni son père n’auraient à lui demander des comptes. Juste lui. Et lui, il n’est pas dans l’urgence. Il peut se débrouiller sans cet héritage. C’est ce qu’il a toujours fait, après tout. « D’ici deux semaines, ça irait ? » C’est le délai dont on lui a parlé. Dès lors qu’il aura accès à cette somme, il virera immédiatement le nécessaire au Ackerman. Ne pas le faire lui semble inenvisageable. Avec Winston, il ne réfléchit pas avec la raison, ou avec le même recul qu’avec les autres. Il est parmi ceux à qui il accorde facilement sa confiance — et ils se comptent sur les doigts d’une main. Il n’imagine pas un instant qu’il pourrait recevoir le même traitement que toutes les personnes ayant déjà eu la même initiative que lui, conforté par l'amitié qu'ils entretiennent depuis ce qui lui semble être une éternité. Winston peut bien faire ça au monde entier, mais pas à lui, il en est intimement persuadé. Pas vrai ?
-L- a question de la somme est épineuse, douloureuse. Tu n’avais jamais osé compter la somme exacte de ton endettement. T’as peur de ce que tu pourrais trouver, t’as peur de réaliser. La réalité te panique, elle est un poids qui t’étouffe lentement jusqu’à l’asphyxie. Le déni, lui, était d’un certain confort, et si tu ne voyais pas le problème, c’est qu’il n’y en avait pas. Sauf que cette difficulté financière prenait de plus en plus de place dans ta vie, et l’ignorer devenait de plus en plus complexe, tant la confrontation devenait inévitable. « Donne un chiffre. » Tu mords l’intérieur de ta joue, alors que tu contiens ce tique nerveux qui irrite et rougit ton bras. T’as du mal à articuler, ta gorge se serre, étouffé par ta culpabilité. Ton regard devient fuyant, et se reporte sur la télévision sans que tu ne fasses attention aux images qui défilent. Tu n’assumes pas le montant de l’argent que tu as emprunté à ton père pour ne pas te noyer. Cet emprunt qui servait de bouée pour remonter à la surface au moins le temps d’inspirer une ou deux fois. « Plus de 50 000. » Que tu souffles, de manière à peine audible. Tu préfèrerais qu’il n’entende pas tes mots, que le sujet meurt lentement sans que tu n’aies plus à t’expliquer que ça. Au moins, maintenant, il savait, Reese. Ça ne te soulage pas, sur le coup. Mais tu as toujours ressenti le besoin de lui parler, de vider ton sac. C’était le seul en qui tu avais suffisamment confiance pour tout révéler, un soutien sans faille que tu suivais aveuglément. Tu n’apprécies néanmoins pas que Reese puisse penser que tu aies gaspillé l’argent de ton père dans les jeux. C’était comme une insulte silencieuse, qui blesse et te fait plisser durement ton front. Il avait pourtant raison de s’inquiéter de ce détail, car c’était une chose dont tu étais parfaitement capable. Ton addiction était dévorante, et tu ne le réalisais toujours pas. Tu ne te doutes toi même pas que tu aurais pu miser cet argent, qui te brulait les doigts dès que tu le possédais. Tu ne savais finalement pas encore tout à fait de quoi tu étais capable. « Ok. » Tu soupires silencieusement, ne sachant plus quoi ajouter. La solution à ce casse tête que tu avais toi même généré n’était pas simple, et tu ne t’attendais pas à ce qu’il te tire de cette merde en une fraction de seconde. T’y pataugeais depuis trop longtemps pour qu’il t’en extirpe si facilement. Tu t’affales de nouveau dans la canapé, le regard éteint. Tu te sens plus vide encore qu’il y a quelques minutes, comme si la flamme qui t’animait habituellement vacillait dangereusement, malmenée par une tempête qui s’éternisait. L’introspection débute lentement, et les remords et la culpabilité t’empêchent de t’y plonger entièrement pour comprendre quand et pourquoi toute cette histoire avait dérapé.
« Y a moyen que je puisse te filer de quoi dépanner. » Tu fronces tes sourcils lentement et finis par reposer ton regard sur Reese. L’incompréhension est palpable. Tu perds tes opales dans les siennes, pour tenter de comprendre. Il n’a jamais eu beaucoup d’argent, Reese. Et c’était sans doute une bonne chose, car c’est ce qui avait permis de maintenir votre amitié intacte, éloignée de tes endettements. Son salaire n’était pas une tentation pour toi, et tu préférais égoïstement que ce reste ainsi pour t’éviter des dilemmes où tu ne pourrais pas choisir la bonne option. « Je te parlais en dollar, Reese. » Que tu éclaircis, comme si le barman délirait. Il n’a pas cette somme, tu le sais, il n’a jamais roulé sur l’or et ce n’était pas ses jobs qui lui permettraient d’amasser une telle somme. Alors il devait forcément y avoir un quiproquo sur la somme qu’il semblait vouloir te dépanner. Tu ne vois que ça. « D’ici deux semaines, ça irait ? » Tes yeux deviennent soudainement inquiets. Il était sérieux. Et ça n’avait rien de rassurant. « Quoi, comment ça dans deux semaines? Qu’est ce que tu racontes? » Tu ne peux t’empêcher de rétorquer, comme un reproche. Il ne pouvait pas récolter une telle somme en deux semaines. Pas légalement. « Attends attends, il sort d’où ce fric Reese? Qu’est ce que t’as foutu? » L’origine de cette source d'argent soudaine et dont il ne t’avait jamais parlé commence sincèrement à te tracasser. Tu avais déjà découvert qu’Albane trempait dans des affaires louches il y a quelques mois, alors tu commences à voir le mal partout. Tu t’imagines Reese dealeur ou voleur, et tes yeux deviennent accusateurs. Alors que tu t’étais foutu dans la merde seul, t’as soudainement peur que Reese t’ait rejoint discrètement. Et ça t’oppresse le palpitant, de lui imaginer un instant une autre vie. Ta conversation avec Leo te revient brusquement, et les mots que tu avais alors prononcé résonnent en toi. Je sais pas s’il ne se passait juste pas grand chose dans sa vie, ou s’il ne disait juste rien, que tu avais dit à Leo. Et les non dits commencent à te monter à la tête, tu t’imagines le pire. T’as eu trop de mauvaises surprises sur ton entourage cette année. Et tu ne te doutes pas que ça n’allait pas s’arrêter en si bon chemin.
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Les secondes filent, et les angoisses de Winston sont douloureusement contagieuses. Le son de la télévision ne semble plus être qu’un bruit étouffé, alors que le silence du Ackerman est aussi parlant qu’affreusement long, plus assourdissant que les vidéos tournant en boucle face à eux, et auxquelles il ne porte plus aucune attention. Son hésitation n'est que trop évidente lorsque les yeux du Grigson le détaillent et l'encouragent à cracher le morceau. « Plus de 50 000. » Son palpitant loupe un battement, tandis que ses sourcils s’arquent lentement sous la surprise. Il aimerait que ce soit une blague de mauvais goût. Seulement, la situation ne lui permet même pas de l’espérer une seconde. Doucement, c’est à son tour de brièvement détourner les yeux, ses lèvres encore entrouvertes. Malgré tout le pessimisme dont il aurait voulu faire preuve, Winston parvient malgré tout à le surprendre. Il a visiblement sous-estimé le merdier dans lequel s’est fourré son meilleur ami. Au fur et à mesure qu’il le réalise, ses sourcils se froncent cette fois. « Winston… » qu’il souffle, aussi réprobateur qu’estomaqué. L’un comme l’autre semblent atterrés, quelques instants. Seulement, si l’un ne pense voir aucune solution, l’autre la voit rapidement se dessiner. Il s’assure que cette somme rassemble l’ensemble de ses dettes, ou du moins l’essentiel, tout d’abord. Et une fois cette question éclaircie, il propose son aide, sans réfléchir à la meilleure façon de l’amener au préalable. « Je te parlais en dollar, Reese. » Si ses yeux se plissent légèrement face à l'inutilité de cette précision, son regard lui demeure inlassablement accroché au sien, traduisant combien il est sérieux dans ses propos. Et comme pour lui confirmer ses intentions, il enchaîne sur une question de délai, faisant abstraction de la perplexité du chirurgien face à l’improbabilité de cet échange. Lui-même n’aurait jamais pensé un jour disposer d’une telle somme. Encore moins vouloir l’utiliser avant même qu’elle ne soit actée sur son compte en banque. « Quoi, comment ça dans deux semaines? Qu’est ce que tu racontes? » Evidemment que Winston ne comprend pas. Cinquante mille dollars, c’est un montant colossal. Même s’il vendait sa voiture, il n’atteindrait même pas cinq pour cent de la somme. Ce n’est pas pour autant qu’il se justifie, gardant le silence comme s’il patientait encore pour la réponse à sa question. « Attends attends, il sort d’où ce fric Reese? Qu’est ce que t’as foutu? » Le regard de Winston se fait accusateur, et c'est finalement au tour de Reese d'être trop silencieux. Il s'humecte nerveusement les lèvres, hésite lui aussi, brièvement. « Rien. » Une piètre défense qui n’est pourtant que la vérité. Il n’a rien fait pour mériter cet argent. Seulement, il peut aisément constater que cette réponse n’est pas plus convaincante qu’elle n’est argumentée. « Me regarde pas comme si de nous deux c’est moi qui ferais la connerie d’emprunter 50 000 dollars à des semi-mafieux. » C’est plus simple de pointer du doigt l’irresponsabilité de son ami pour prouver sa bonne foi plutôt que de l’expliquer. Il n’est ni assez stupide ni assez généreux pour régler le problème de Winston en s’en créant lui-même de la même envergure. « Je peux pas t’en parler maintenant. » Il ment, sans ciller. Il pourrait lui en parler. Il aurait pu le faire depuis déjà des semaines. Pourtant, il demeure muet. Ce n’est pas le moment, il s’en convainc à chaque fois, alors qu’en réalité, il n’existe probablement aucun moment propice pour confier la mort d’un proche, et occasionnellement les conséquences que cette dernière engendre. Et plus le temps passe, moins il se voit aborder le sujet. « C’est rien qui puisse me mettre dans la merde. Je t’expliquerai. » Winston n’a pas d’autre choix que d’accepter, de toute manière. L’offre est trop belle, présentée à lui sur un plateau d’argent. Parmi toutes les options dont il dispose, déjà excessivement restreintes, celle-ci est sans le moindre doute la meilleure. Il espère seulement que les démarches seront suffisamment rapides.
-T- u le sens son jugement lorsque tu finis par lui avouer la dette qui pesait sur tes épaules. Il était dépité. Peut être aussi un peu déçu, ou effrayé de ton comportement. Sans doute une mélange des deux. Te voir t’empêtrer dans un problème sans trouver de solution était alarmant, mais constater que tu ne lui révèlais l’ampleur des dégâts qu’une fois au pied du mur, ça l’était un peu plus. Tu gardais tout pour toi, la honte jouant sans doute un rôle dans ce silence malsain. Pourtant Reese était ton plus grand confident, celui qui savait tout. Tout sauf ça. Il connaissait même ton addiction aux jeux. Sauf que tu n’avais pas eu besoin de le lui dire. Il l’avait facilement deviné face à tout cet argent que tu t’entêtais à perdre dans les casinos. « Winston… » Qu’il souffle, et toi, tu grimaces par réflexe. Tu n’aimes pas le ton qu’il emprunte, ni ce regard qui devient fuyant. « Quoi? » Que tu réponds sèchement sans même réfléchir. C’est plus fort que toi. C’est de la pure défense, pour ne pas te sentir plus fautif que tu ne l’étais, la culpabilité te faisait déjà suffisamment mal pour ne pas être plus attisée.
Puis c’est Reese qui devient silencieux. Et c’est ton palpitant qui s’affole. Tu t’inquiètes pour Reese quand tu avais déjà bien trop de problèmes à régler pour ne pas te noyer. Et pourtant, tu sembles plus soucieux pour lui que pour tes propres soucis. Si tu avais tendance à te montrer trop souvent égoïste, aujourd’hui, peut être que tu ne l’étais pas assez. Tu devrais te concentrer sur tes dettes et comment les régler, plutôt que d’inventer une double vie à Reese. « Rien. » Tu arques un sourcil peu convaincu, et tu laisses quelques secondes s’écouler, attendant la suite qui ne venait pas. Et le silence est pesant. Tu ne parviens pas à simplement acquiescer docilement. T’étais trop curieux, ou trop paranoïaque. « Comment ça rien? Depuis quand tu peux sortir autant d’argent d’un coup? » Est ce que ça avait un lien avec Sydney et son départ soudain? Son retour tout aussi inattendu? Il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond dans toute cette histoire depuis qu’il était revenu à Brisbane. Et tu ne saurais pas dire quoi, c’est sans doute ce qu’il y avait de plus inquiétant. « Me regarde pas comme si de nous deux c’est moi qui ferais la connerie d’emprunter 50 000 dollars à des semi-mafieux. » Touché. Et ça fait mal. C’est visé juste et tu plisses lentement tes yeux d’un regard accusateur. Il avait sans doute raison, mais la remarque te fait claquer ta langue contre ton palais, désapprobateur. « Je peux pas t’en parler maintenant. C’est rien qui puisse me mettre dans la merde. Je t’expliquerai. » Tu soupires, l’air résolu. Tu connais Reese. Et tu sais que tu n'obtenais rien de lui lorsqu’il était buté, à moins de le cuisiner pendant une demi heure et de générer des tensions si ce n’était une nouvelle dispute. Alors tu lui fais simplement une moue aussi résignée qu’exaspérée par un silence qui te déplait. « T’as intérêt. » Parce que tu te vexeras s’il ne le fait pas. Tu prends ses mots comme une promesse, que tu lui rappelleras régulièrement s’il tente de l’ignorer. T’étais aussi têtu que lui, et il sait parfaitement que tu n’en démordras pas. C’était la seule chose qui lui permettait de clore le sujet pour aujourd’hui. Tu passes une main dans tes cheveux pour ensuite la loger dans ta nuque, le regard dans le vague. Tu sais que tu n’as pas d’autres choix que d’accepter cet argent. Et pourtant tu prends quelques secondes de réflexion. Parce que ça avait toujours mal tourné, tes relations, lorsque les billets y étaient mêlés. Souvent, tu décevais, pour ne pas dire que tu merdais. Mais ça n’arrivera pas avec Reese, n’est ce pas? Tu sauras contenir ton addiction, tu sauras utiliser son argent à bon escient. Tu essayais au moins de t’en convaincre. « On fait comme ça alors. » Que tu finis par conclure presque timidement, un noeud se formant au creux de ton estomac. Tu ne lui avais pas encore emprunté l’argent que la situation devenait déjà anxiogène.
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