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Message(#)(keegans #15) when nature unmakes the boundary, the pillar of myth still stands EmptySam 8 Oct 2022 - 0:28

tw. maladie, fausse-couche

Inlassablement, le schéma se répète. Je dois te parler, il faut qu’on parle. Encore et encore, les mêmes mots sont prononcés, avec quelques maigres variantes qui prouvent l’absence de temps et d’envie de chercher autre chose à dire. L’urgence prime toujours sur le reste, plus encore aujourd’hui alors que Lily se surprend quelques fois à penser à comment mettre au plus vite fin à cette grossesse, avant même de savoir une bonne fois pour toute si son enfant est véritablement malade. Pour ça, elle ne peut rien y faire. Elle sait qu’il n’y a pas de remède miracle à de tels problèmes et que toute la bonne volonté et le désir de changer les choses n’y suffiraient pas. Bien des maladies auraient été guéries, sinon, pas la peine de lui tenir un discours ; elle le sait, elle se contente simplement de s’accrocher au maigre espoir qui reste encore le sien. Tout le monde peut toujours compter sur l’espoir, peu importe le contexte, peu importe la situation. Il ne meurt pas, il se contente simplement de faiblir dans les pires moments. Mais il ne s’évanouit jamais.

La haine et la colère qu’elle ressent envers son frère se mêlent à l’espoir et s’amenuisent à son contact, assez pour qu’elle soit capable de faire le premier pas vers lui et de simplement accepter de lui concéder un regard et quelques mots. Avant le diagnostic du fœtus, elle ne s’en sentait pas capable, certaine de ne jamais lui pardonner l’acte qui a été le sien. Aujourd’hui encore, elle ne lui a pas pardonné. Lily se contente de passer outre parce que c’est nécessaire, mais elle est déjà certaine qu’elle n’oubliera jamais et qu’il en paiera les conséquences le moment venu. “Merci d’être venu.” Même si elle trouve l’idée de le remercier d’avoir accepté de venir alors qu’il est le premier à tout avoir détruit purement détestable. Déjà, elle lève la main pour être certaine qu’il ne laisse pas ses paroles interférer avec les siennes, ne voulant rien entendre de lui. Les rôles se sont échangés entre lui et Alfie, cela pourrait relever d’un certain tragi-comique, tout de même. “Je veux pas discuter de quoi que ce soit, j’ai juste des questions.” Et par ‘quoi que ce soit’, elle parle uniquement de la dernière fois qu’ils se sont vus, de ce qu’il s’est passé, de ce qu’il a dit et de ce qu’il a appris. Elle ne veut parler de rien de tout ceci, pas maintenant, pas avec lui. “Est-ce que maman ou papa ont des problèmes de santé que j’ignore ?” Elle ne pose pas la question précise, elle n’ose pas encore demander pour leurs frères et sœurs, elle ne demande même pas au sujet de leurs grands-parents qu’elle a à peine connu. Un pas à la fois dans l’acceptation de la chose, sûrement. Pour l’heure, elle juge déjà la première marche infiniment difficile à franchir


Dernière édition par Lily Keegan le Lun 5 Déc 2022 - 17:54, édité 1 fois
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Message(#)(keegans #15) when nature unmakes the boundary, the pillar of myth still stands EmptySam 22 Oct 2022 - 19:31

Il se doute qu’ils ne parleront pas de lui. Joseph n’existe plus – a-t-il déjà existé dans la vie de Lily, de toute façon ?

Il a résisté. Il a vu la cocaïne passer de mains en mains et il l’a regardée de loin. Il a fermé les yeux et imaginé son venin gonfler ses veines puis il s’est pincé assez fort pour redescendre sur Terre. Il s’en est arraché la peau à force de résister. Il a couvert sa peau de bleu, déchiqueté ses doigts entre ses dents et souffert en silence sans que jamais personne ne s’inquiète pour lui ; parce qu’il a toujours été comme ça, pas vrai ? Les années filent à toute vitesse mais rien ne change.

Lily est enceinte. Elle va donner vie à une deuxième chance. Il aurait été ravi d’entendre la nouvelle si l’annonce n’avait pas été faite dans des conditions aussi exécrables. Alfie ne mérite pas d’être père alors que Joseph, de son côté, peut seulement espérer de ne pas mourir seul. Alfie pourrira la vie de cet enfant comme il a déjà pourri la sienne.

Ce serait tellement plus facile si Joseph avait l’âme d’un tueur. Il aurait pris une véritable arme et aurait visé entre ses deux yeux. Il aurait terminé ses jours en prison mais qu’est-ce que ça change ? Il est peut-être physiquement libre, il peut se trimbaler dans les rues de Brisbane, certes, mais son cerveau est captif et il ne peut plus compter sur la drogue pour le libérer de cette boîte crânienne des enfers.    

Il déteste de se trouver ainsi au milieu d’un parc. Les gens ici sont normaux. Ils prennent soin de l’éviter comme s’il y avait un périmètre de sécurité invisible forgé autour de lui. Il ne regarde personne mais il sent les yeux se poser sur lui par curiosité morbide. Ce siège, c’est son siège, et personne ne le touche. Pas même les chiens qui se font tirer par leur maître quand ils tentent de renifler les pieds de l’homme louche tout vêtu de gris, le même gris qui colore sa peau et quelques mèches de ses cheveux longs, à nouveau. Son œil (ah tien, il semble gris lui aussi) se redresse quand il sent une présence familière dans son périmètre. Il regarde Lily, complètement impassible. Il la remercierait de se dresser ainsi droite devant lui parce qu’il ne peut pas voir son ventre arrondi sous cet angle. Mais il se contente de lui offrir le silence le plus bruyant, ne répondant même pas quand elle le remercie d’avoir accepté de la rencontrer malgré les circonstances.

Il ferait tout pour Lily, même se jeter sur l’autoroute. Elle ne semble pas s’en être rendu compte. Cet enfant, il l’aimera aussi proportionnellement qu’il déteste Alfie.

“Je veux pas discuter de quoi que ce soit, j’ai juste des questions.” Évidemment. Qui serait étonné ? Quel genre d’information veut-elle lui soutirer cette fois ? La pointure des chaussures d’Alfie ? Son plat préféré ? Comment le vaincre à son propre jeu ? Il ne pourrait pas l’aider pour cette dernière question. Joseph a été forcé d’admettre qu’il est moins futé que l’autre. Il le sait au fond de lui depuis toujours, d’ailleurs. “Est-ce que maman ou papa ont des problèmes de santé que j’ignore ?” Il est surpris mais il ne laisse rien s’afficher sur son visage mort. Il pose son tronc contre le dossier du banc, laissant ses muscles se détendre. Il hausse mollement les épaules sans s’en rendre compte et marmonne : « Cyril est mort alors, ouais, c’est un sérieux problème d’santé, ça. » Il emploie le sarcasme pour lui faire comprendre qu’il ne peut pas lire dans ses pensées. Pourquoi a-t-elle besoin de savoir ça ? « Et, selon moi, on a pas r’çu les meilleurs gênes là-d’dans. » Qu’il ajoute en pointant sa tempe pour faire référence au cerveau complètement malade des Keegan. C’est de famille, ça. Que des idiots débalancés, toi y compris, Lily.

@Lily Keegan :niah:
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Message(#)(keegans #15) when nature unmakes the boundary, the pillar of myth still stands EmptyLun 24 Oct 2022 - 20:31

Lily ne s’assoit pas à ses côtés. Pas même à l’autre bout du banc: elle refuse de le faire. Elle croise les bras par-dessus son ventre s’arrondissant doucement, ses yeux plantés sur le visage de Joseph qu’elle revoit encore appuyer sur la détente. Elle ne le voit pas tel qu’il est en ce moment face à lui, elle ne revoit qu’encore et encore la scène dans la maison qu’elle a brièvement partagée avec Alfie. Cette discussion, Lily n’a aucune envie de l’avoir, alors au plus vite elle sera terminée et au mieux ce sera. Pour des raisons évidentes, elle a encore besoin de temps pour digérer les derniers événements, tout comme elle n’a pas envie de parler durant de longs moments de la santé peut-être vacillante transmise dans les gènes de sa famille. « Cyril est mort alors, ouais, c’est un sérieux problème d’santé, ça. » Elle lui offre un regard noir en retour. Joseph a très bien compris que ce n’est pas là la finalité de sa question. “Il était vieux. Le corps lâche, à cet âge.” Celui de son frère lâchera bien plus rapidement, à en juger par la façon dont il s’en occupe, ou justement ne s’en occupe pas. Peu importe, là n’est pas le sujet.

« Et, selon moi, on a pas r’çu les meilleurs gênes là-d’dans. »
Parle pour toi, Joseph.

Elle se contente de répondre froidement, pour se détacher autant que possible d’une réponse et d’une situation toute entière qui ne la regarde pas. Elle a un parcours sain, elle a une vie saine, elle est capable de vivre avec quelqu’un, elle ne touche à aucune drogue. Décidément, si quelqu’un a quelque chose qui ne va pas là d’dans, c’est uniquement Joseph, et uniquement leur père à son époque aussi. Lily va très bien, elle. Leur mère, elle aussi, se porte parfaitement bien. Ils vont tous bien, maintenant, sauf Joseph. Comme toujours. “C’est vraiment important, réfléchis.” La brune reprend déjà le cours initial de leur conversation, ne voulant pas repartir sans réponse de sa part. Qu’elle soit positive ou négative, peu importe: Lily veut tout simplement savoir à quoi s’attendre, elle veut pouvoir appréhender le futur du mieux qu’elle le peut, avec ses maigres ressources. “Est-ce… est-ce que tu sais si on a de la famille qui a des problèmes mentaux ?” Il va commencer par regrouper les indices et comprendre qu’elle ne pose pas cette question par pure curiosité, mais peu importe. Elle lui dira les choses telles qu’elles le sont s’il le faut. Après tout, à qui pourrait-il bien raconter ce secret, si ce ne sont peut-être ses amis imaginaires ? Joseph peut savoir, il se contentera de s’en moquer, d’en rigoler, et de trouver le moyen de reposer la faute sur Jesus, Dieu, ou n’importe qui d’autre encore. Les bras de Lily se décroisent finalement, uniquement pour entourer son bas ventre, comme pour assurer à son enfant qu’elle ne cherche qu’à le protéger.
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Message(#)(keegans #15) when nature unmakes the boundary, the pillar of myth still stands EmptyJeu 10 Nov 2022 - 20:05

Le parc accueille ses usagers habituels mais l’endroit semble complètement vide. Il n’y a que Joseph qui regarde Lily, Lily qui regarde Joseph, et rien qui ne pourrait les sortir de leur bulle. Ils ne s’y sentent pas confortables, l’une préférant éviter de tourner autour du pot et l’autre refusant de garder son sérieux dans cette situation qui devrait l’être. Il en veut à Lily de l’avoir trahi parce qu’il ne l’aurait jamais fait, parce qu’elle est sa priorité même si elle en doute, et parce qu’il se prendrait une balle à sa place sans y penser deux fois. Le problème dans tout ça, ce n’est pas qu’elle ne s’en rend pas compte mais bien le contraire : elle sait. Elle sait que son frère sera toujours là contrairement à tous les autres hommes qu’elle a côtoyés ou qu’elle côtoiera dans le futur. Le même sang coule dans leurs veines, et il a pris la décision la plus condamnable ensemble. Comme un frère et une sœur qui se tiennent la main en débranchant le respirateur de leur père tyran. “Il était vieux. Le corps lâche, à cet âge.” Certes. Mais Cyril est mort par leur faute, parce qu’ils avaient le pouvoir de le faire et parce qu’ils en ont abusé. Lily a le pouvoir de choisir son entourage. Elle ne l’utilise pas, se laisse manipuler par Alfie qui, il faut l’admettre, est un maître en la matière. Peut-il réellement lui en vouloir d’être la marionnette de son ancien marionnettiste ? Les Keegan doivent tous avoir hérités des mêmes gênes handicapants.

“Parle pour toi, Joseph.” Oh, il pourrait parler, parler encore, Lily finirait par se rendre compte qu’elle parle de tous les deux en même temps. Les Keegan ont besoin d’appartenir, d’être entourés, de dépendre. Ils pardonnent tous les maux au pire des monstres dans l’espoir de retrouver la quiétude d’antan. Ils ne réalisent pas que c’est souvent trop tard. “C’est vraiment important, réfléchis.” Un gloussement sans vie secoue sa poitrine et il s’humecte les lèvres en baissant les yeux un instant. Il a beau essayer de réfléchir, il ne comprend pas l’impulsion derrière cette question. Non, il n’a pas connaissance d’une quelconque déficience dans l’arbre généalogique, mais il faut dire que leur famille s’est toujours limitée à leur petit cocon infernal. À partir d’un certain âge, les interactions avec les autres membres de famille se sont limitées à des échanges de lettres banales dans le temps des fêtes, jusqu’à ce que ça devienne un silence radio de tout bord tout côté. Felicity n’est pas malade, sa mère non plus. C’est tout ce qu’il sait. “Est-ce… est-ce que tu sais si on a de la famille qui a des problèmes mentaux ?” « Non, Lily. » Il lâche aussitôt, comme une demande pour le laisser tranquille avec ses questions ridicules. Puis il voit du coin de l’œil les bras de Lily, qui s’enroulent autour de son ventre arrondi afin de bercer l’enfant qui est à peine plus grand qu’une poire. « Qu’est-ce qui s’passe ? » Il l’interroge, réellement inquiet de la voir dans un tel état, bien que son ton soit resté condescendant. « Si l’échographie s’est mal passée, alors j’crois qu’c’est du côté du père que tu dois faire des recherches. Tout ce que j’peux te dire, tu l’sais déjà. » Ce qu’il peut lui dire ? Que Marie a elle aussi fait une fausse-couche avant de donner la vie à Lily ? Qu’est-ce que ça pourrait réellement changer ? Lily a déjà conscience que de créer la vie est un tour de magie délicat. Elle a payé le prix deux fois. « Il va falloir qu’tu sois plus claire qu’ça. »

@Lily Keegan (keegans #15) when nature unmakes the boundary, the pillar of myth still stands 4052937387
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Message(#)(keegans #15) when nature unmakes the boundary, the pillar of myth still stands EmptyJeu 17 Nov 2022 - 12:46

Jamais Lily n’aurait voulu avoir cette conversation avec Joseph. De façon générale, elle se serait volontiers passée de toute discussion avec son frère pour l’heure, mais plus encore cette dernière. Elle n’a pas pardonné à son aîné et n’est pas prête de le faire, ce qui ne l’empêche pourtant pas de prendre sur elle, son nouveau (futur) rôle de mère outrepassant tout le reste. Au fond, elle pense surtout qu’il devrait s’estimer chanceux que tel soit le cas, parce qu’après le dernier épisode en date, elle n’aurait jamais voulu faire le moindre pas en sa direction si les choses avaient été différentes. Elle a passé des années sans lui parler et à nier son existence ; elle n’aurait eu aucun mal à recommencer, elle le jure. « Non, Lily. » A son goût, la réponse arrive trop vite. Elle trouve de quoi alimenter ses craintes dans des détails sans importance, Lily, et celui-ci en est un alors qu’elle est déjà en train de se dire qu’il a répondu avec bien trop d’empressement, comme s’il lui cachait quelque chose. Une autre voix lui dit pourtant que si quelqu’un doit savoir quoi que ce soit à propos de leur famille, c’est elle. Après tout, elle est la seule envers qui leurs parents se seraient confiés, pas vrai ? Le problème étant qu’elle est aussi la seule qui ne serait pas allée écouter aux portes ; la seule aussi qui est arrivée en ce monde avec quelques années de retard pour en avoir connu autant que Joseph.

« Qu’est-ce qui s’passe ? » Elle lui tend un regard coupable, comme s’il était la source de tous les maux alors que la part raisonnable de sa personne sait qu’il n’en est rien. Pour une fois, Joseph n’a rien à voir avec les problèmes de sa vie, ni de près ni de loin. Elle serre les dents, incapable de se confier à lui avec naturel. Elle est tout simplement incapable de lui témoigner de ses faiblesses, en réalité, quand bien même ce dont il est question ne devrait pas être qualifié de faiblesses. Joseph est réellement inquiet, elle le voit bien, mais cela ne suffit pas pour qu’elle passe l’éponge sur une vie de tensions et de querelles, quand il ne s’agissait que de ça. « Si l’échographie s’est mal passée, alors j’crois qu’c’est du côté du père que tu dois faire des recherches. Tout ce que j’peux te dire, tu l’sais déjà. » - “Ezra a déjà fait le tour de sa famille.Ezra et non Alfie. La vérité mérite d’être rétablie, maintenant qu’il ne pointe plus la moindre arme sur la tempe de personne. Ce mensonge n’aurait jamais dû exister, elle fait de son mieux pour rétablir la vérité au rythme de ses discussions. Et quand bien même, là n’est pas le sujet à ses yeux alors qu’elle a à coeur de préciser que le problème ne vient pas du côté de la famille d’Ezra, lui qui a eu le temps de tous les interroger bien plus rapidement qu’elle n’a réussi à donner un rendez-vous à son seul et unique frère. « Il va falloir qu’tu sois plus claire qu’ça. » Elle le sait, et elle déteste cette idée. Il a besoin d’y voir plus clair pour pouvoir lui répondre au mieux, mais tout ce qu’elle voit c’est qu’elle va devoir lui exposer ses craintes et ses peurs sans ne plus avoir la moindre barrière. En d’autres termes, elle doit lui faire confiance, et c’est une demande quasiment impossible à ses yeux, maintenant.

La jeune femme concède finalement à s’asseoir, sans pour autant retirer ses mains autour de son ventre. Le dos droit et le regard porté sur le parc à l’horizon, elle ressemble à un policier parlant avec son indic’ (bien sûr qu’elle est la policière, bien sûr que son frère est la taupe). Seule leur ressemblance physique les rapproche aux yeux des inconnus, qui ne les regardent justement même pas. Tant mieux. “On a vu une anormalité, à l’échographie. Je dois faire de nouveaux examens pour savoir ce qu’il en est vraiment, mais je peux pas juste attendre sans rien faire.” Elle remuerait le monde pour son enfant, et Joseph le fait. Elle le protège déjà comme la prunelle de ses yeux, mais comme toujours son amour a ses limites et ses zones interdites, impossibles. Lily souffle, ayant plus de mal que jamais à dire les mots nécessaires. “On suspecte une trisomie.” Rien n’est sûr pourtant, et c’est ce qui est sûrement le plus difficile à accepter dans toute cette situation: ne pas savoir. Tout ce qu’elle peut faire, c’est attendre et ne pas laisser son corps empoisonner de l’intérieur cet enfant, comme elle se surprend à le penser parfois. Face à Joseph, elle sait qu’elle peut dire ces mots difficiles, parce qu’ils ne l’étonneront pas. “Et c’est hors de question que j’élève un enfant comme ça.” Son enfant aura le droit d’être malade, mais pas ce genre de maladie. Pas alors qu’elle peut encore mettre fin à sa grossesse, quoi qu’en pense le corps médical. Et c’est pour cette raison que, plus que jamais, elle a besoin de son frère et de ses lumières. “Si quelqu’un a déjà eu le problème dans la famille, ça voudrait dire qu’il y a de grandes chances pour que ça ait été transmis.” Mais elle l’a dit à Ezra et elle le pense encore: elle n’abandonnera jamais son idée de famille, sous aucun prétexte.
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Message(#)(keegans #15) when nature unmakes the boundary, the pillar of myth still stands EmptySam 26 Nov 2022 - 17:52

Un jour, Lily aura besoin de Joseph, et pas seulement pour qu’il lui rende service et, ce jour-là, ils deviendront de vrais frère et sœur. Ce jour-là, le passé sera enterré, et le futur s’ouvrira devant eux telle une promesse : ils iront bien, enfin. Mais les remords, les regrets, la rancune, toutes ces émotions se bousculent et s’empilent pour former l’arme la plus destructrice, et, Lily face à Joseph, Joseph face à Lily, ils ne forment plus qu’une épave liée par des souvenirs communs. Sempiternelle lutte afin de déterminer qui dépassera les limites une bonne fois pour toute. Le public pourrait être surpris du résultat.

“Ezra a déjà fait le tour de sa famille.” Il entrouvre déjà la bouche, Joseph, prêt à répliquer ce qui lui tournait dans la tête avant qu’elle ne réponde, mais son élan se voit interrompu par la perplexité. Ses sourcils se froncent et il dévisage sa sœur. Il n’a pas besoin de recueillir plus d’informations pour savoir qu’elle ne ment pas – qu’elle ne ment plus. Ses lèvres s’étirent en un sourire faux, il lâche un gloussement, serre les poings, arrache ses paumes avec ses ongles. Le coup de feu retentit dans son esprit comme un fantôme qui le hante. Il ricane, regarde ailleurs, une femme qui passait par-là avec son enfant dans les bras, qui détourne rapidement les yeux en croisant le regard du zombie qui lui veut probablement du mal – qu’elle se dit en sentant la sueur perler sur son front. « Ezra. » Il répète ce prénom qu’il n’a jamais entendu. « Ezra… » Il murmure cette fois juste avant de lancer des éclairs à sa sœur. « Alors… » j’ai tiré sur Alfie sans raison. « Tu… » m’as induis en erreur. « Je… » n’aurais jamais fait ça sans que tu m’implantes cette idée dans la tête. « Très bien. Génial. J’dirai rien. » Qu’il souffle en levant les mains devant lui. Après tout, c’est lui qui a ramené l’arme chez Lily, c’est lui qui l’a sortie de son sac et qui l’a chargée. « Mais sache qu’j’assume plus toute la responsabilité d’cette balle qu’j’t’ai tirée. » Fais ce que tu veux de cette information, Lily, mais en faisant d’Alfie le père de ton enfant, tu lui as tout autant tiré dessus que moi.

Elle n’est pas venue pour ça. Les yeux de la jeune femme sont chargés d’une inquiétante tristesse que Joseph ne peut pas ignorer. Il les lit, ses émotions, comme des livres ouverts, les livres que seul lui peut déchiffrer avec facilité, parce qu’il était présent lors de leur écriture. “On a vu une anormalité, à l’échographie. Je dois faire de nouveaux examens pour savoir ce qu’il en est vraiment, mais je peux pas juste attendre sans rien faire.” Il hoche de la tête pour lui faire savoir qu’il comprend le problème. Il n’a malheureusement pas l’impression de posséder les clefs pour déverrouiller la serrure de ce mystère. Ce qu’il sait, Lily le sait déjà… sans le savoir. “On suspecte une trisomie.” Et c’est un problème pour une personne comme Lily. Il s’en doute. Elle suit la norme, hais la différence. Elle en a peur, même. Joseph ne peut pas en dire autant. “Et c’est hors de question que j’élève un enfant comme ça.” Il grimace, secoue la tête. « J’sais, Lily. » Il n’a malheureusement pas son opinion à donner. Il ne porte pas l’enfant. Et, de toute façon, sa sœur ne l’écoutera jamais. “Si quelqu’un a déjà eu le problème dans la famille, ça voudrait dire qu’il y a de grandes chances pour que ça ait été transmis.” Pas de trisomie dans la famille, non. « Arrête. » Il dit fermement pour qu’elle cesse de se plonger dans des réflexions qui ne seront que dommageables pour elle. Il passe sa main dans sa barbe, hésitant, et, pour la rassurer, et seulement pour ça, il lui révèle une vérité, une petite, qui ne devrait pas la surprendre : « T’as le même problème que Marie, et ce problème c’est pas des embryons malades, ou je n’sais quoi. » Il ne connait pas les termes, préfère s’en tenir loin pour ne pas dire des bêtises. « Tu le connais déjà. J’peux rien t’annoncer de nouveau. » Est-ce qu’elle comprend déjà ? « Marie a fait deux fausses couches avant que tu arrives à ton tour. Elle en a fait une troisième quand tu avais 1 an. » Il se mord la lèvre inférieure, baisse les yeux. « Je ne me souviens que de la dernière. J’étais trop jeune pour les autres. C’est Cyril qui m’en a parlé. » Qui m’a blâmé. Il soupire lourdement, soudainement nerveux, pris d’un doute, un petit doute qui l’envahi comme la peste : et si son père avait raison ? Et si c’était sa faute, toutes ces âmes effacées, éradiqués, sans qu’elles n’aient eu la chance d’ouvrir les yeux ? Il n’y a jamais cru, a voulu se convaincre qu’une telle malédiction n’existe pas mais… Lily a perdu son deuxième enfant à peine quelques temps après avoir annoncé la nouvelle à son frère.

Et si ?        

@Lily Keegan :OO:
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Message(#)(keegans #15) when nature unmakes the boundary, the pillar of myth still stands EmptyLun 5 Déc 2022 - 17:53

Les yeux dans les yeux, Lily annonce à son frère qu’il fait fausse route quant à la paternité de l’enfant qu’elle porte, et de sa part cela a tout de reproches, même si elle est la seule à pouvoir préciser la vérité. Même si elle est la seule, surtout, à l’avoir volontairement mené vers une fausse route, qui de toute évidence le rend plus perdu que jamais. Ses yeux se posent partout sauf sur Lily, il accuse de longues secondes de silence que seul son rire met à mal, quand il ne répète pas inlassablement le prénom d’Ezra, comme s’il allait pouvoir l’invoquer pour régler tout ce malentendu. « Alors… Tu… » Elle ne terminera pas sa phrase pour lui. S’il veut dire quelque chose, alors il doit aller au bout de ses idées et avoir le courage de frontalement la défier, de frontalement l’accuser d’une faute qui n’est pas la sienne et ne le sera jamais, quoi qu’il puisse vouloir croire pour se délester d’un poids sur son propre coeur. Elle n’a jamais pressé de détente. « Très bien. Génial. J’dirai rien. » Il est lâche, comme toujours. Tout ce qu’il sait faire, c’est avoir des accès de colère et de vouloir se faire passer pour la victime ensuite. Si elle n’avait pas terriblement besoin de réponses, elle lui aurait souligné de vive voix, sans ne plus rien en avoir à faire qu’il la déteste et s’enfuit à nouveau. Ce ne serait pas la première fois, ni même la seconde, et sans doute qu’à force elle sera pleinement habituée à ce sentiment d’abandon. « Mais sache qu’j’assume plus toute la responsabilité d’cette balle qu’j’t’ai tirée. » - “Les faits continueront de parler d’eux-mêmes.” Il ne l’entraînera pas avec lui. Pas sur ce point-là. Pas sur cette faute, pas alors qu’elle n’a pas souhaité un seul instant que les choses en arrivent à de telles extrémités et que cela n’a rien d’une facette pour se donner le bon rôle. Pas cette fois.

Puisqu’elle ne peut pas se permettre de voir la situation et la discussion lui échapper, Lily se concentre de nouveau sur le sujet principal: son enfant. L’enfant qu’elle partage avec Ezra. Sa santé. Son avenir. Face à son frère, elle ose des mots qu’elle s’est longtemps contentée de sous-entendre avec son petit-ami, certaine qu’il ne comprendrait pas. Certaine qu’il ne la comprendrait pas. « J’sais, Lily. » Son frère sait qui elle est, il sait comment elle réagit et, par-dessus tout, il sait à quel genre d’avenir et de famille parfaite elle aspire: dans ce parfait tableau, il n’existe aucune maladie, et certainement pas mentale. Alors, elle continue, elle explique, elle lui tend la perche pour qu’il puisse l’attraper: s’il connaît un membre de leur famille qui a pu être touché par la maladie, alors cela veut dire que son enfant aurait de plus fortes chances d’être porteur du chromosome de trop causant autant de dommages. « Arrête. » Perdue dans ses pensées, elle remonte subitement son regard clair dans celui de son aîné qui l’est tout autant. Il semble réfléchir un instant sur la réponse à lui apporter et la jeune femme retrouve le silence, bien consciente qu’elle n’a de toute façon rien de plus à lui dire. Elle a posé les faits et maintenant, elle espère qu’il lui parlera d’un miracle ou d’un autre. « T’as le même problème que Marie, et ce problème c’est pas des embryons malades, ou je n’sais quoi. » C’est à son tour de se retrouver quelque peu perdue, quelque peu prise de court aussi. Leur mère perd un peu la tête et la mémoire avec, mais il n’y a rien que l’âge n’explique pas, et jusqu’à preuve du contraire Lily et elle ont plusieurs décennies d’écart. Et jusqu’à preuve du contraire, sa mère n’a aucun problème, et par extension Lily non plus - et certainement pas une maladie mentale, dont il est ici question. L'incompréhension se lit sur le visage de la future mère, toujours muette comme une tombe. « Tu le connais déjà. J’peux rien t’annoncer de nouveau. » - “Je sais pas de quoi tu parles, Jo.” Non, elle ne le connaît pas déjà et si, oui, il peut définitivement lui annoncer de nouvelles choses. « Marie a fait deux fausses couches avant que tu arrives à ton tour. Elle en a fait une troisième quand tu avais 1 an. » La surprise se lit plus que jamais sur le visage de Lily, qui y joint rapidement la parole. “Maman a fait des fausse-couches ?” La détresse est naissante dans son timbre de voix alors qu’elle ne s’attendait pas à entendre une telle annonce, encore moins de la part de son frère, encore moins maintenant. Sa mère a eu plus de trente ans pour lui en parler ; comment cela se fait-il qu’elle n’ait jamais jugé bon de le faire ?

« Je ne me souviens que de la dernière. J’étais trop jeune pour les autres. C’est Cyril qui m’en a parlé. » - “Pourquoi ?

Pourquoi est-ce que c’est leur père qui en a parlé, à lui ? Pourquoi est-ce que leur mère, la première concernée, n’a pas jugé bon d’en parler à Lily ? Pas même après sa première fausse couche ? Pas même alors qu’elle aurait été particulièrement bien placée pour estimer ce par quoi elle passe et ce qu’elle vit plus exactement ? Elle en aurait eu terriblement besoin, de cette épaule réconfortante, mais elle ne s’est jamais présentée. “Pourquoi est-ce que tu me l’as jamais dit, toi ?” Elle demande finalement, la voix terriblement brisée. Toute sa famille avait les bonnes cartes en main, et personne n’a jugé bon de l’en prévenir. “Tu savais et tu m’as rien dit. Tu m’as vu traverser tout ça, et même là, t’as rien dit.” Elle sait elle-même qu’elle est injuste à l’accuser ainsi aujourd’hui, mais c’est tout ce dont elle a égoïstement besoin, et il est le seul face à elle.
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Message(#)(keegans #15) when nature unmakes the boundary, the pillar of myth still stands EmptyJeu 22 Déc 2022 - 19:33

Il s’en fiche bien. Il se fiche de tout. Plus personne ne l’écoute ; personne ne l’a jamais écouté. Les mots de Joseph, les mots d’un vaurien, ne valent rien. On ne veut pas se mettre à sa place et risquer de tomber aussi bas que lui. L’humanité fait preuve d’empathie envers ceux qui n’inspirent pas l’échec. Alors il est le seul à avoir tiré la balle ; Alfie n’a jamais tiré ses fils, ne l’a jamais manipulé parce que ce ne serait pas le genre d’un homme respecté comme lui, oh, non, c’est Joseph la variable pourrie de l’équation. Il accumule tous les blâmes, ne dit rien, continue de survivre, bouclier humain, bouclier des fautes. “Les faits continueront de parler d’eux-mêmes.” Les faits qu’elle accepte de croire, Lily et son monde parfait où ne subsiste pas la flamme des enfers. La vérité en laquelle elle a confiance pour elle-même survivre dans son bunker. Mais, si Alfie n’a jamais tenu d’arme à feu dans ses mains, il s’est toujours armé de choses bien plus puissantes. Des mots et des promesses qui ont déjoué la méfiance de son meilleur ami devenu pire ennemi du jour au lendemain. Au fond, le frère et la sœur ont toujours commis les mêmes erreurs au fil de leur vie : ils ont accordé la confiance à des monstres et se sont fait avaler tout rond.

Mais, si Lily a rejoint Joseph aujourd’hui au milieu de ce parc sécuritaire, ce n’est certainement pas pour prendre soin de lui, ou inversement. Elle a besoin d’informations qu’elle croit pouvoir tirer des poches d’un homme qui en possède parfois trop. C’est bien son fardeau, de trop savoir, d’avoir le nez enfouit dans toutes les besognes et de référer par la suite. Un espion mal payé. “Je sais pas de quoi tu parles, Jo.” Il ne veut pas prononcer les mots qui le condamneront. Une malédiction. Joseph Keegan la malédiction qui empoisonne le nid des femmes qui souhaitent y loger une âme innocente. Il n’y croyait pas, au début, parce qu’il ne croit pas en la magie ou en la sorcellerie, tout comme il ne croit pas en un Dieu-tout-puissant qui prend des décisions à sa place parce que c’était déjà écrit dans son livre. “Maman a fait des fausse-couches ?” Alors elle ne savait vraiment pas. Cyril ne lui a rien dit, à elle, pour que seulement son fils écope de ce fardeau. “Pourquoi ?” Lily demande, blême, frêle, des mains protectrices couvrant son nid qui n’attend que d’être empoisonné une troisième fois.

Non… Non, la magie n’existe pas.

« Parce qu’il m’a blâmé, Lily, qu’est-ce que tu crois ? Cyril avait besoin d’trouver des coupables pour s’alléger la conscience, surtout quand il s’sentait responsable. J’étais d’vant ses yeux, j’avais quatre ans, j’étais p’tit, vulnérable, alors il a décidé d’me pointer du doigt parc’que c’était facile. » Le dégout déforme son visage et il secoue la tête de droite à gauche, manquant de cracher une insulte qui ne ferait que monter au ciel sans jamais être entendue par les oreilles de celui qu’elle vise. “Pourquoi est-ce que tu me l’as jamais dit, toi ?” Il s’accroche à son regard, immobile, lèvres soudées ensemble. “Tu savais et tu m’as rien dit. Tu m’as vu traverser tout ça, et même là, t’as rien dit.” Un gloussement sans vie s’échappe par ses narines. « Ça n’aurait rien changé. » Lily aurait perdu les mêmes enfants. Ça ne l’aurait pas protégé de l’inévitable. « Tu m’aurais blâmé comme l’a fait Cyril, parc’que tu lui ressembles plus qu’tu voudrais l’admettre. » La faute aux autres. Jamais à elle-même, parce que Lily est un ange tombé du ciel et une bénédiction qui prend soin des malades sauf de son frère, né malade et, par défaut, insoignable. « Et ça va quand même arriver, pas vrai ? T’vas partir et croire à ces bêtises, t’éloigner d’moi en pensant que ça t’empêchera de perdre c’t’enfant-là. » Il marque une pause, regard perdu dans le vide. « Mais peu importe où tu iras, Lily, j’serai toujours ton frère, et même si tu l’nies ou tu n’mentionnes pas mon existence, j’existe encore. » Et il regrettera plus tard ses prochaines paroles, comme toujours : « Si tu crois réellement en l’existence d’Dieu, alors il faudrait qu’tu t’demandes pourquoi il a fait ça à Marie et à toi alors que tu t’crois toute blanche. Il s’rait p’t’être temps d’considérer que la nature y est pour quelque chose. Les Keegan n’ont pas été maudits. On sait juste pas gérer les embrouilles, et on s’embrouille encore plus. »

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Message(#)(keegans #15) when nature unmakes the boundary, the pillar of myth still stands EmptyVen 23 Déc 2022 - 21:13

« Parce qu’il m’a blâmé, Lily, qu’est-ce que tu crois ? Cyril avait besoin d’trouver des coupables pour s’alléger la conscience, surtout quand il s’sentait responsable. J’étais d’vant ses yeux, j’avais quatre ans, j’étais p’tit, vulnérable, alors il a décidé d’me pointer du doigt parc’que c’était facile. » Elle pince les lèvres et ruine son rouge à lèvre appliqué avec précision par la même occasion. Ce ne sont pas les mots qu’elle pensait entendre, et ce ne sont pas non plus les mots qu’elle voulait entendre. Elle ne s’attendait pas à ce qu’il prenne cette direction là, pas alors qu’elle avait déjà commencé à préparer sa voix pour lui hurler dessus et lui rappeler à quel point il est un frère égoïste, injuste et cruel. Il l’est toujours ; l’un n’empêche pas l’autre, mais il est aussi un frère qui a subi le comportement abusif de leur père, et ça elle ne pourra jamais le lui retirer. Elle sait que son enfance a été difficile, elle sait qu’il a souffert ; tout comme elle sait qu’il n’est pas le seul enfant en ce monde à avoir vécu cela et que bien d’autres s’en sortent infiniment mieux que lui. “Je suis désolée. Je savais pas qu’il avait ça en tête.” Elle sait que son père a beaucoup de défauts, mais elle n’aurait jamais été jusqu’à imaginer qu’il blamerait un enfant pour une fausse-couche, parce que cela ne fait pas le moindre sens. A cet âge-là, même Joseph était un petit ange. Lily accepte ses erreurs quand elles touchent à cette partie de leur histoire, ou tout du moins elle accepte celles qui ne la concernent pas directement: si Joseph avait quatre ans, cela veut dire qu’elle n’était pas encore née, et à son tour il ne peut pas lui reprocher d’avoir fermé les yeux. Pas pour ce moment là.

Ce de quoi elle le tient aisément responsable, cependant, c’est du silence qui a été le sien durant trois décennies, alors qu’il savait durant tout ce temps ce que leur mère avait déjà traversé et pourquoi, par conséquent, Lily traversait à son tour des épreuves similaires. Il n’aurait pas changé la face du monde, mais il aurait changé beaucoup de choses dans la vie de sa petite sœur, le tout grâce à quelques maigres mots à peine. « Ça n’aurait rien changé. » - “Qu’est-ce que t’en sais ? T’es à ma place, Jo ?” Est-il dans son esprit pour savoir ce qu’elle ressent ? Non, sûrement pas. Il l’est encore moins lorsque les hormones jouent leur rôle et dérèglent l’esprit militairement rangé de Lily, il l’est encore moins lorsque cela ne dure que quelques semaines à peine avant de déjà disparaître, après avoir perdu un énième enfant en son propre sein. « Tu m’aurais blâmé comme l’a fait Cyril, parc’que tu lui ressembles plus qu’tu voudrais l’admettre. » Elle l’aurait giflé, si elle avait été assez proche de lui. A défaut, son visage se referme un peu plus encore, le temps pour elle de faire face à une remarque d’une bassesse infinie, laquelle elle n’avait encore une fois pas vue venir. “J’aurais jamais fait ça. Tu te trouves des excuses, parce que c’est ce que tu fais le mieux, et t’en es même venu à me comparer à papa pour arriver à tes fins.” Ce qu’elle trouve pathétique, sans pour autant vouloir le dire. Cela se traduit sur son visage et sur l’expression de dégoût qu’elle affiche à son égard, mêlée à des reproches évidents. Il n’a pas le droit de faire d’elle et de leur père une même personne aux desseins identiques.

« Et ça va quand même arriver, pas vrai ? T’vas partir et croire à ces bêtises, t’éloigner d’moi en pensant que ça t’empêchera de perdre c’t’enfant-là. »
Tu te montes la tête tout seul, là. Si je m’éloigne de toi, c’est parce que t’es un addict qui arrive même pas à faire le clair dans sa propre vie, et c’est pas le genre d’exemple que je veux dans la vie de mon enfant.

Si elle s’éloigne de lui, c’est parce qu’elle craint surtout qu’il perde le contrôle de lui-même un jour, qu’il fasse du mal à la chair de sa chair, qu’il se fasse du mal à lui-même, qu’il lui montre des chantiers interdits. Il aurait mille et une façon de commettre des erreurs et elle l’imagine les faire toutes, parce que son frère n’a pas de limites et surtout parce qu’il n’a rien à perdre, lui. « Mais peu importe où tu iras, Lily, j’serai toujours ton frère, et même si tu l’nies ou tu n’mentionnes pas mon existence, j’existe encore. » Ce qu’elle accepte aujourd’hui bien malgré elle, après avoir passé tout le début de sa vie de jeune adulte à tenter de trouver une solution à ce problème et à nier autant que possible son existence. Et le pire, sûrement, c’est qu’en plus d’avoir parfaitement fonctionné, cela l’a aussi rendu terriblement heureuse et insouciante. Libre. « Si tu crois réellement en l’existence d’Dieu, alors il faudrait qu’tu t’demandes pourquoi il a fait ça à Marie et à toi alors que tu t’crois toute blanche. Il s’rait p’t’être temps d’considérer que la nature y est pour quelque chose. Les Keegan n’ont pas été maudits. On sait juste pas gérer les embrouilles, et on s’embrouille encore plus. » Plus que jamais agacée, elle s’accorde quelques secondes pour s’assurer qu’il a bien osé avoir de tels mots, mais aussi pour prendre le temps de souffler, ses yeux un instant fermés. “Croire en Dieu ne m’empêche pas de croire en la médecine et en la génétique. Si maman a traversé ça, il y a de fortes chances pour que j’aie les mêmes problèmes qu’elle, c’est ça que t’arrives pas à comprendre.” Il n’y a qu’envers son frère qu’elle pourrait accepter aussi frontalement l’idée d’avoir des problèmes à concevoir un enfant, et pourtant ce n’est même pas le point le plus important de ses mots. “Personne est maudit, et tu sais ce que ça veut dire, ça ? Que non seulement Dieu n’est pas l’excuse à tous tes problèmes, mais aussi et surtout que t’as raté ta vie tout seul, comme un grand, sans l’aide d’une quelconque puissance supérieure.” Et peut-être que oui, maintenant il peut réellement dire qu’ils ne savent pas gérer les embrouilles, parce que Lily n’a pas la moindre intention de revenir sur ses mots, peu importe si cela implique des mois entiers de silence à nouveau.
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Message(#)(keegans #15) when nature unmakes the boundary, the pillar of myth still stands EmptyDim 29 Jan 2023 - 20:40

Le parc est pourtant animé : mais c’était comme si le monde appartenait à la famille Keegan et ses deux adversaires de toujours. Ils sont un trou noir, forment une masse impénétrable autour de laquelle des comètes naviguent sans jamais les toucher. Les regards se multiplient, les murmures aussi, et même si personne ne peut entendre leur échange à cette distance, il suffit de voir la noirceur de leurs iris pour comprendre qu’il vaut mieux se tenir loin de ce Big Bang en devenir. La galaxie perdra une autre étoile ce soir. “Je suis désolée. Je savais pas qu’il avait ça en tête.” Elle n’aurait pas pu savoir. Cyril a emporté le secret dans sa tombe, et Joseph l’a avalé il y a longtemps déjà, le digère encore, et supporte les maux de cœur qui viennent avec comme s’ils faisaient maintenant partie de sa routine au même titre que tout le négatif. D’un simple signe de la tête, il fait savoir son envie de ne pas en parler davantage puisque de se débarrassera d’un tel secret lui a déjà grugé toute son énergie. Il n’aime pas parler vérité. Ça a toujours été plus facile d’acter sans expliquer les raisons derrière les actes. Un mystère à lui seul, un être qui préfère se retrouver en prison plutôt que d’admettre que tous les mauvais choix qu’il a pris, lui, sans l’aide de personne, l’ont mené jusqu’au précipice. Il pensait naïvement éviter cette fatalité à Lily qui, aujourd’hui, se dresse devant lui avec des questions auxquelles il aurait préféré ne pas avoir de réponses.  “Qu’est-ce que t’en sais ? T’es à ma place, Jo ?” Il n’a jamais pu se mettre à sa place. Leurs cerveaux sont nourris par le même sang et les mêmes gênes mais leurs méninges ne tournent pas au même gaz. Peut-être a-t-il voulu lui éviter une énième déception ? Peut-être a-t-il simplement été égoïste en cachant ses fautes. Dans tous les cas, Lily n’aurait pas compris et aurait cherché un coupable, et quoi de plus facile que de désigner Joseph quand il est juste devant elle et quand il a déjà été condamné pour bien plus ? “J’aurais jamais fait ça. Tu te trouves des excuses, parce que c’est ce que tu fais le mieux, et t’en es même venu à me comparer à papa pour arriver à tes fins.” Des mots qui ne le font pas réagir, alors qu’il hausse les épaules comme il sait si bien le faire pour se les nettoyer. Elle a beau le nier, entre eux deux, elle est celle qui ressemble le plus à Cyril. Joseph a passé sa vie entière à s’éloigner de lui pour ne jamais le revoir dans son propre reflet. “Tu te montes la tête tout seul, là. Si je m’éloigne de toi, c’est parce que t’es un addict qui arrive même pas à faire le clair dans sa propre vie, et c’est pas le genre d’exemple que je veux dans la vie de mon enfant.” Et cette fois, c’est un rire qui s’échappe de sa gorge et il ne le contient pas. Les corneilles se taisent, joignent le silence des quelques derniers occupants du parc. Les plus courageux, ou ceux qui sont doté d’une curiosité morbide. « C’est gentil de d’mander, Lily. Merci d’prendre des nouvelles. J’ai pas retouché à la drogue depuis ma sortie de désyntox. C’est cool d’savoir que mes efforts changent en rien l’opinion qu’t’as de moi. Que j’me pique ou pas, tu m’considères d’la même façon. » Et, cette fois, c’est sa faute à elle, parce qu’elle lui prouve qu’il a beau lui donner la lune, elle refuse de la voir sous son nez. Il a fait les efforts pour elle, seulement elle. Pour être présent quand elle aurait besoin de lui, en cas d’urgence, pour ne pas lui crever entre les mains, parce qu’elle est, au fond, la seule personne qui viendrait à son enterrement.

Pas vrai ?

Et les discours sont les mêmes, la bataille et éternelle. Un homme qui n’a plus la foi, une femme qui persiste à donner les reines au ciel pour se dédommager de toutes les injustices qui viennent à elle. “Croire en Dieu ne m’empêche pas de croire en la médecine et en la génétique. Si maman a traversé ça, il y a de fortes chances pour que j’aie les mêmes problèmes qu’elle, c’est ça que t’arrives pas à comprendre.” Oui, il l’a compris. Mais, s’il ne lui a jamais rien dit, c’était pour éviter d’être encore le porteur de mauvaises nouvelles. Ce rôle l’enlaidit, noircit sa peau, lui enfonce les pieds sous terre. “Personne est maudit, et tu sais ce que ça veut dire, ça ? Que non seulement Dieu n’est pas l’excuse à tous tes problèmes, mais aussi et surtout que t’as raté ta vie tout seul, comme un grand, sans l’aide d’une quelconque puissance supérieure.” Il a trouvé une autre excuse. Cyril était là pour faire le travail à la place de Dieu. Alfie aussi, d’ailleurs. Les vérités de Lily ne peuvent pas l’affecter comme elle le voudrait. Son flingue aussi est chargé à blanc. « T’as fini ? » Le garçon demande d’un air détaché, lasse sur son banc, squelette d’Halloween, décoration de parc en automne. Laissant le silence répondre à la place de sa petite sœur, il acquiesce de la tête, se redresse puis ne prend pas la peine de lui adresser un dernier regard quand il lâche finalement : « Bonne chance, Lily. J’te souhaite que des bonnes nouvelles, mais j’peux pas t’aider autrement. » Il s’arrête dans sa lancée, la lorgne alors qu’elle reste perchée dans son angle mort : « J’espère que t’aimerais ta nouvelle famille plus qu'la première. » Celle qu’elle a tant désirée et qu’elle souhaitait recevoir depuis toutes ces années sous le sapin  de Noël. Un dernier regard échangé lui bande les muscles alors il atteint son paquet de clopes sans sa poche et se donne le courage de disparaître (encore et encore et encore) en fumant un peu de poison moins dangereux que le précédent.  

@Lily Keegan :brows:
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Message(#)(keegans #15) when nature unmakes the boundary, the pillar of myth still stands EmptyJeu 2 Fév 2023 - 16:47

« C’est gentil de d’mander, Lily. Merci d’prendre des nouvelles. J’ai pas retouché à la drogue depuis ma sortie de désyntox. C’est cool d’savoir que mes efforts changent en rien l’opinion qu’t’as de moi. Que j’me pique ou pas, tu m’considères d’la même façon. »
Je ne vais pas te féliciter de sortir d’une addiction dans laquelle tu as plongé seul.

A ses yeux, c’est le monde à l’envers. Elle trouve risible l’idée d’applaudir un homme qui pourrait peut-être sortir la tête de l’eau, après avoir plongé seul, la tête la première. Il s’est montré faible, il a choisi la solution de facilité, et elle ne risque pas de l’acclamer maintenant qu’il semble montrer une faible amélioration. Lily connaît assez son frère pour savoir que cela ne durera pas, et qu’elle ne doit pas s’y habituer non plus. Le cercle vicieux reprendra bientôt. « T’as fini ? » Elle pourrait continuer longtemps, en réalité, mais elle sait déjà à quel point ses mots ne serviront à rien. Il n’écoutera pas, il se terrera dans son monde de perfection et d’aiguilles, et il continuera de se cacher derrière tout et tous. Lily croise les bras, enfonce un peu plus ses pieds dans le sol, et lui offre un regard plus noir que jamais malgré ses iris claires. « Bonne chance, Lily. J’te souhaite que des bonnes nouvelles, mais j’peux pas t’aider autrement. » Et comme à son habitude dès que les choses commencent à ne plus aller en son sens, Joseph fuit le champ de bataille. Sa soeur le laisse faire sans répondre, et surtout sans le retenir, lui en voulant plus que jamais d’avoir osé omettre ces évidences de la vie de leur mère. « J’espère que t’aimerais ta nouvelle famille plus qu'la première. » Ces nouveaux mots la font sourire, au moins. Elle sourit froidement, mais elle le fait, parce qu’elle sait déjà que sa nouvelle famille n’a guère de concurrence avec la première et qu’elle n’aura aucun mal à l’aimer davantage. Cette famille, celle qui l’attend, c’est celle qu’elle a dû construire à la sueur de se front et qu’elle a tenté de trouver pendant des décennies. Maintenant que les choses semblent enfin se profiler comme elles le devraient, elle jure que jamais elle ne laissera Joseph mettre à mal les rouages de sa mécanique.
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