castaways #1
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor

Mon riche époux et moi avons été conviés - cela me semble aller de soi vu les importantes donations que nous faisons régulièrement à la marine australienne - au centenaire d’un navire dont je ne sais pas grand-chose si ce n’est qu’il semble passionner Amos. C’est lui, d'aficionados de voiliers et histoires de marins. C’est lui qui, dans son immense bureau, collectionne différentes maquettes de navires de guerre qu’il construit de ses propres mains. Moi, j’ai été attirée par le standing de la croisière et la promesse de réjouissances placées sous le signe du luxe. Notre cabine est magnifique : je ne me suis pas trompée sur ce sujet. L’alcool coule à flot et les repas nous sont servis par un chef talentueux. Lorsque le capitaine du navire nous a réunis sur le pont, je n’avais que des félicitations à lui adresser.  

Jusqu’à cette annonce d’un humour douteux. Retrouver un artefact - un crâne qui plus est, que c’est morbide - caché quelque part sur le bâteau au risque d’y laisser notre vie sur nous n’y parvenons pas ? Mais d’où lui est venue cette idée ? J’ai grimacé lorsqu’il a fait cette annonce mais, comme la plupart des convives présents, je n’y ai pas cru.

Jusqu’à ce que la tempête se déchaîne et renverse deux autres invités par dessus bord. Là, j’ai enroulé mes doigts autour de l’avant bras d’Amos et lui ai jeté un regard rempli d’effroi. « Qu’est ce qu’il se passe, c’est une mise en scène ? C’était prévu ? » C’est lui qui s’est renseigné sur l’événement, moi je n’ai fait qu’accepter de le suivre de bon gré puisque je pensais passer une semaine délicieuse loin de Brisbane et des affaires. « Il faut nous mettre à l’abri ! » Le bâteau est secoué dans tous les sens et la croisière prend déjà des allures d’enfer. Hors de question de rester sur le pont plus longtemps, qu’il s’agisse là d’une mauvaise blague et d’une coïncidence météorologique ou d’une vraie malédiction qu’il nous faut lever.

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@Raelyn Blackwell  & Amos Taylor

Je ne suis pas un grand féru des mondanités. Néanmoins, en tant qu’Amiral de la Ran grand amoureux des beaux bâtiment, je n’ai pas fait des ronds de jambe pour accepter cette invitation à cette fête sur le “Narelle”. Sa réputation précède le navire et, engoncé dans mon plus beau trois pièces, ma magnifique épouse à mon bras, je me prête aux jeux des salamalecs et des politesses d’usage. La luxure se répand jusqu’aux robinets des WC. Ils semblent sculptés dans de l’or massif. Est-ce pour cette raison, moi qui ai toujours été un type simple, que je me sens mal à l’aise en ce lieu pourtant prestigieux ? Est-ce au contraire à cause de l’annonce de cette “chasse au trésor” supposé animé la soirée ? Les plus aventuriers applaudissent le discours. Moi, je jette un oeil vers mon épouse. « Si c’est une blague, je la trouve de mauvais goût. Peut-être que c’est le signe qu’on devrait finir la soirée ailleurs .J’en ai pris plein les yeux de toute façon. Et je suis curieux de voir notre cabine.» ai-je chuchoté à l’oreille de Raelyn. Elle paraît de mon avis : elle n’aime rien dans cette déclaration. J’ajouterais même que son sourire sonne faux et, tandis que nous tanguons suite à un puissant vent de tempête, une d’une telle intensité que ne peut plus remettre en cause l’inépuisable imagination de notre hôte, elle ne feint sa peur. Ma dulcinée s’accroche à mon bras de toutes ses forces. Par réflexe, je la serre un peu plus contre moi alors que mes pupilles sondent les alentours en quête d’un abri. Elle le réclame et j’appuie la proposition. «Tout le monde se dirige vers les salons…» Là où ils sont persuadés qu’ils seront en sécurité et, par la même occasion, préserver leur confort. «Allons vers les classes inférieures. On remontera pas l’intérieur.  » Déjà je la tire vers l’une des seules portes en partie désertées. J’ai trop souvent été témoin de la folie des hommes piégés comme des animaux. Ils se bousculent, tombent et se piétinent sans regarder à son prochain, sans en prendre soin. Je jure donc que mon idée était la bonne quoique je déchante rapidement : il fait trop calme à mon goût et les ampoules grésillent anormalement. On dirait du morse, mais je suis trop concentré sur ma compagne pour m’y intéresser pour le moment. «Comment tu vas ? Pas trop secouée ? » me suis-je enquis en scrutant son visage et chaque parcelle de sa peau nue en quête d’une égratignure.

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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor

« Si c’est une blague, je la trouve de mauvais goût. Peut-être que c’est le signe qu’on devrait finir la soirée ailleurs .J’en ai pris plein les yeux de toute façon. Et je suis curieux de voir notre cabine. » Le repas était faste et, comme mon époux, je n’ai pas la moindre envie de me laisser embarquer dans un jeu - de mauvais goût - organisé pour mettre un sourire sur le visage des classes inférieures. Un bon orchestre, un repas digne d’un étoilé et des vins hors de prix, j’ai eu tout ce dont j’avais besoin. Ou en tout cas, tout ce que le navire pouvait me donner. Le reste s’écrira dans la chambre à coucher puisque Amos et moi n’avons rien d’un couple arrangé pour les convenances. Nous nous sommes aimés passionnément dès notre première rencontre, lui le jeune amiral déjà décoré et, moi, la jeune fille encore innocente de bonne famille. « C’est certainement un divertissement… Mais le sensationnalisme, très peu pour moi. » Je préfère les choses simples - qui ne le sont pas tant que ça pour quelqu’un avec moins d’argent que nous - de la vie aux loisirs recherchés et ridicules.


Du moins, c’est ce que je pensais avant que le ciel ne noircisse subitement, que l’océan ne commence à se déchaîner envoyant même plusieurs plaisanciers dans les fonds glacés du pacifique. Je pousse un cri et m’accroche à mon mari. Autour de nous, c’est la panique. Les gens se bousculent et se marchent les uns sur les autres, visiblement tous conscients que le danger est bien réel. Amos, en vrai militaire, garde la tête froide. « Tout le monde se dirige vers les salons… » Je ne lui demande pas comment il réussit à garder son calme alors que je suis au bord de l’évanouissement. Parce qu’il est courageux, je m’efforce de faire bonne figure. « Allons vers les classes inférieures. On remontera par l’intérieur. » - « Pour aller où ? Il faut qu’on trouve les responsables du bâteau pour qu’ils préviennent les autorités côtières, non ? » Où vont-ils le faire ? Je n’ai qu’à moitié écouté le discours du capitaine, mais il m’a semblé morbide et surprenant. Et si tout ça, c’était sa volonté ? S’il n’avait pas la moindre intention de prévenir qui que ce soit de notre situation ? Il me tire vers lui et, déjà, me fait entrer par une porte boudée par le reste des convives. Au moins, nous ne mourrons pas écrasés par d'autres fuyards grâce à la présence d’esprit de mon amant. « Comment tu vas ? Pas trop secouée ? » - « Ces gens sur le pont, il sont tombés à l’eau, je n’ai pas rêvé ? J’ai presque eu l’impression qu’ils étaient happés par… Quelque chose. » Je suis cultivée. Je laisse les monstres au folklore qui divertit les petites gens. Je n’ose donc même pas dire ce que j’ai cru voir à voix haute, je chuchote à destination d’Amos. Mes yeux me mentent, il n’y a pas d’autre explication.

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@Raelyn Blackwell  & Amos Taylor

Le sensationnalisme. Je n’aurais pas mieux dit et je ponctue d’un hochement de la tête alors que j’observe certains passagers avec curiosité. Le panel d'émotions qui traversent les uns et les autres est étonnant. L’humanité s’étend là, sous mes yeux curieux et je ne suis pas au bout de mes surprises. La tempête se levant, le monde s’agite et la foule devient un danger pour elle-même. D’instinct, réfléchissant avec le sang-froid appris durant ma formation de militaire, je conduis mon épouse adorée vers une porte à laquelle d’aucuns ne s’intéressent. Par chance, elle est ouverte. En revanche, l’ambiance dans ce long couloir est d’une glauque à faire trembler les petites filles. Les ampoules grésillent, elles menacent de s’éteindre, mais ce n’est pas le plus étonnant. L’inquiétant, c’est le silence. Il est funeste et ne présage rien de bon. Or, je ne le partage pas avec Raelyn, pas de suite. Je m’assure au préalable qu’elle va bien et, rassuré, je prends le temps de répondre à ses questions. «Non. Tu n’as pas rêvé. Ils avaient bien l’air happé ou, en tout cas, ils m’ont donné l’impression de se jeter volontairement.» Je m’efforce de chasser l’effroi qui teint ma révélation : inutile d’être alarmiste. Il faut penser pragmatisme et j’y mets tout mon coeur. «Par contre, tu as raison. On va essayer de trouver une radio pour appeler les autorités. Je n’ai aucune confiance en l’organisateur.» J’ai attrapé la main de ma douce, j’en ai embrassé la paume et nous sommes partis en expédition dans le dédale des couloirs. « Regarde, il y a un plan, là, sur le mur.»ai-je remarqué en l’attirant dans la pièce concernée, veillant tout de même à ce qu’aucun danger ne puisse nous surprendre. «Il faut qu’on aille là. Tu es prête à retenir le chemin ? » Je me fie à son sens de l’orientation et à son intelligence autant qu’aux miens. Rae est cultivée et, à nous deux, on pourra se tirer de ce guêpier. « Il y a pas un bruit, pas un chat, c’est bon pour la concentration, il paraît.» J’utilise l’humour, mais cet bizarreries me tracassent de plus en plus.

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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor

En un battement de cil, ce qui ressemblait à une farce de mauvais goût se mue en horreur pure et simple. Des gens tombent à l’eau et, même une fois à “l’abri” - cela me semble relatif - dans des couloirs lugubres, j’entends encore des hurlements qui proviennent du pont. Ils n’ont rien d’humain : ils me font penser à la mort. Dans les couloirs, les ampoules grésillent et plus aucune lumière ne filtre depuis les hublots : il semblerait qu’en un instant, de gros nuages noirs aient recouvert le ciel. « Non. Tu n’as pas rêvé. Ils avaient bien l’air happé ou, en tout cas, ils m’ont donné l’impression de se jeter volontairement. » - « Ça hurle encore dehors. » Preuve que nous n’avons rien inventé ou rêvé.

« Par contre, tu as raison. On va essayer de trouver une radio pour appeler les autorités. Je n’ai aucune confiance en l’organisateur. » Je hoche la tête et, alors qu’il m’entraîne dans le dédale de couloirs, je garde ma main dans celle de mon époux. « Tu sais vers où aller ? La cabine du capitaine ? Une salle de communications ? » J’ignore tout de l’organisation des navires de cette taille. J’ignore tout de l’organisation des navires tout court, à vrai dire. « Regarde, il y a un plan, là, sur le mur. » Je me tourne vers l’affiche que me montre mon époux. Il pointe du doigt une pièce dont je grave le nom dans ma mémoire. « Il faut qu’on aille là. Tu es prête à retenir le chemin ? » - « Ou est-ce qu’on est là maintenant ? » Encore faut-il que je sache où nous placer si je veux pouvoir retenir les différents changements de direction. Lorsque Amos me pointe du doigt un point sur la carte, je m’efforce de répéter tous les changements de direction dans mon esprit avec de les y graver. « D’accord, allons-y. » Mon militaire de mari attrape à nouveau ma main pour me guider au travers des couloirs et pièces. Certaines sont fermées et ne nous facilitent pas la tâche. « Il y a pas un bruit, pas un chat, c’est bon pour la concentration, il paraît. » Contrairement à lui, l’humour ne fonctionne pas sur moi : je suis morte de peur. Je n’ai pas les nerfs d’acier qu’il a développés pour traverser les épreuves imposées par ses années de service. « C’est mauvais signe. Soit tout le monde se cache, soit… » Soit tout le monde est déjà mort.